Êàê ÷àñòî ÿ âèæó êàðòèíêó òàêóþ Âîî÷èþ, èëè îíà òîëüêî ñíèòñÿ: Äâå äåâî÷êè-ãåéøè î ÷¸ì-òî òîëêóþò, Çàáûâ, ÷òî äàâíî èì ïîðà ðàñõîäèòüñÿ. Íà óëèöå ò¸ìíîé âñå äâåðè çàêðûòû. Ëåíèâîå ïëàìÿ â ôîíàðèêå ñîííîì… À äåâî÷êè-ãåéøè êàê áóäòî çàáûòû Äâóìÿ îãîíüêàìè â ïðîñòðàíñòâå áåçäîííîì. Íó ÷òî âàì íå ñïèòñÿ, ïðåêðàñíûå ãåéøè? Âåäü äàæå ñâåð÷êè íåóìîë÷íû

La Maison Id?ale

La Maison Id?ale Blake Pierce Dans LA MAISON ID?ALE (Tome n°3), Jessie Hunt, 29 ans, profileuse criminelle, sort de l’Acad?mie du FBI, se retrouve pourchass?e par son p?re assassin et doit jouer p?rilleusement au chat et ? la souris. Entre temps, elle doit se d?p?cher d’arr?ter un tueur dans une nouvelle affaire qui lui fait visiter les profondeurs de la banlieue et de sa propre ?me. Elle comprend alors que la cl? de sa survie r?side dans le d?chiffrage de son pass?, un pass? qu’elle aurait voulu ne plus jamais affronter.Thriller psychologique haletant avec des personnages inoubliables et un suspense quasi-insoutenable, LA MAISON ID?ALE est le tome n°3 d’une nouvelle s?rie captivante dont vous tournerez les pages jusque tard dans la nuit.Le tome n°4 de la s?rie Jessie Hunt sera bient?t disponible. La maison id?ale (roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome 3) b l a k e p i e r c e Blake Pierce Blake Pierce est l’auteur de la s?rie de romans ? suspense ? succ?s RILEY PAGE, qui comporte quinze tomes (pour l’instant). Blake Pierce est aussi l’auteur de la s?rie de romans ? suspense MACKENZIE WHITE, qui comprend neuf tomes (pour l’instant) ; de la s?rie de romans ? suspense AVERY BLACK, qui comprend six tomes ; de la s?rie de romans ? suspense KERI LOCKE, qui comprend cinq tomes ; de la s?rie de romans ? suspense LE MAKING OF DE RILEY PAIGE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) ; de la s?rie de romans ? suspense KATE WISE, qui comprend deux tomes (pour l’instant) ; de la s?rie de romans ? suspense psychologique CHLOE FINE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) et de la s?rie de thrillers psychologiques JESSIE HUNT, qui comprend trois tomes (pour l’instant). Lecteur gourmand et fan depuis toujours de romans ? myst?re et ? suspense, Blake aime beaucoup recevoir de vos nouvelles, donc, n’h?sitez pas ? vous rendre sur www.blakepierceauthor.com pour en apprendre plus et rester en contact. Copyright © 2018 par Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l’autorisation pr?alable de l’auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre usage personnel uniquement. Ce livre ?lectronique ne peut ?tre revendu ou offert ? d’autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir achet?, ou s’il n’a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Ceci est une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilis?s fictivement. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n’est que pure co?ncidence. Image de couverture : copyright hurricanehank, utilis?e en vertu d’une licence accord?e par Shutterstock.com. LIVRES PAR BLAKE PIERCE S?RIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT LA FEMME PARFAITE (Volume 1) LE QUARTIER PARFAIT (Volume 2) LA MAISON PARFAITE (Volume 3) S?RIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE LA MAISON D’? C?T? (Volume 1) LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2) VOIE SANS ISSUE (Volume 3) S?RIE MYST?RE KATE WISE SI ELLE SAVAIT (Volume 1) SI ELLE VOYAIT (Volume 2) SI ELLE COURAIT (Volume 3) SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4) LES ORIGINES DE RILEY PAIGE SOUS SURVEILLANCE (Tome 1) ATTENDRE (Tome 2) PIEGE MORTEL (Tome 3) LES ENQU?TES DE RILEY PAIGE SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1) R?ACTION EN CHA?NE (Tome 2) LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3) LES PENDULES ? L’HEURE (Tome 4) QUI VA ? LA CHASSE (Tome 5) ? VOTRE SANT? (Tome 6) DE SAC ET DE CORDE (Tome 7) UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8) SANS COUP F?RIR (Tome 9) ? TOUT JAMAIS (Tome 10) LE GRAIN DE SABLE (Tome 11) LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12) PI?G?E (Tome 13) LE R?VEIL (Tome 14) BANNI (Tome 15) S?RIE MYST?RE MACKENZIE WHITE AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1) AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2) AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3) AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4) AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5) AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6) AVANT QU’IL NE P?CHE (Volume 7) AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8) AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9) AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10) LES ENQU?TES D’AVERY BLACK RAISON DE TUER (Tome 1) RAISON DE COURIR (Tome2) RAISON DE SE CACHER (Tome 3) RAISON DE CRAINDRE (Tome 4) RAISON DE SAUVER (Tome 5) RAISON DE REDOUTER (Tome 6) LES ENQUETES DE KERI LOCKE UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1) DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2) L’OMBRE DU MAL (Tome 3) JEUX MACABRES (Tome 4) LUEUR D’ESPOIR (Tome 5) SOMMAIRE CHAPITRE PREMIER (#ufb353031-85e5-5162-bf2a-99072e76d7ae) CHAPITRE DEUX (#u47a1cf96-2cc5-585e-b8c6-cc155c0e5d6a) CHAPITRE TROIS (#udad4a00d-6425-56dc-962e-e527d1f342e9) CHAPITRE QUATRE (#uf19882c1-6c14-5ffd-990e-179c4dfa8a3b) CHAPITRE CINQ (#ud7f8308e-528d-5960-a298-e6c007e1b7f4) CHAPITRE SIX (#ub2b30c34-e420-56d3-bb9c-459520c4389c) CHAPITRE SEPT (#u3245bd31-feab-5785-a5f3-34169aef3904) CHAPITRE HUIT (#u2c3d574b-6da2-54fe-b3f4-0cf3c6ae4b9f) CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE PREMIER Eliza Longworth prit une grande gorg?e de son caf? tout en contemplant l’Oc?an Pacifique et en s’?merveillant de la vue dont elle jouissait ? seulement quelques pas de sa chambre. Parfois, il fallait qu’elle se souvienne de la chance qu’elle avait. Son amie de vingt-cinq ans, Penelope Wooten, ?tait assise dans la chaise longue d’? c?t?, sur le patio qui surplombait le canyon de Los Liones. Cette journ?e de mars ?tait relativement claire et, au loin, l’?le de Catalina ?tait visible. Quand elle regardait ? sa gauche, Eliza voyait les tours brillantes du centre-ville de Santa Monica. C’?tait un lundi en milieu de matin?e. Les enfants avaient ?t? envoy?s ? la cr?che et ? l’?cole et, apr?s l’heure de pointe, la circulation s’?tait apais?e. La seule chose que ces amies de longue date avaient pr?vu de faire avant le d?jeuner ?tait de se d?lasser dans le manoir de trois ?tages d’Eliza, b?ti sur le coteau de Pacific Palisades. Si Eliza n’avait pas nag? dans le bonheur ? ce moment-l?, elle aurait m?me pu commencer ? se sentir un peu coupable mais, quand l’id?e lui vint en t?te, elle la rejeta imm?diatement. Tu auras des quantit?s de temps pour stresser aujourd’hui. Permets-toi de te d?tendre pour l’instant. — Tu veux que j’aille te chercher du caf? ? demanda Penny. Il faut que j’aille au petit coin, de toute fa?on. — Non, merci. J’en ai assez bu pour l’instant, dit Eliza. Alors, avec un sourire espi?gle, elle ajouta : — Au fait, quand il n’y a que des adultes, tu sais que tu peux dire que tu vas aux toilettes, hein ? Penny lui r?pondit en lui tirant la langue et se leva, d?pliant de la chaise ses jambes incroyablement longues comme une girafe qui se l?ve apr?s une sieste. Ses longs cheveux blonds chatoyants, tellement plus styl?s que ceux d’Eliza qui, ch?tain clair, lui tombaient sur les ?paules, ?taient attach?s en une queue de cheval utilitaire ? la mode. Elle avait encore l’apparence de l’ex-mannequin de mode qu’elle avait ?t? jusqu’au jour o?, peu avant d’avoir trente ans, elle avait abandonn? cette carri?re pour vivre une vie certes moins excitante mais beaucoup moins fr?n?tique. Elle rentra dans la maison, laissant Eliza seule avec ses pens?es. Presque imm?diatement, malgr? tous ses efforts, Eliza se souvint de la conversation qu’elles avaient eue quelques minutes plus t?t. Elle se la rem?mora en boucle comme si elle ne pouvait s’en emp?cher. — Gray a l’air si distant, ces derniers temps, avait dit Eliza. Notre seule priorit? ?tait toujours de manger en famille avec les enfants mais, depuis qu’il a ?t? promu associ? principal, il a d? aller ? tous ces d?ners de travail. — Je suis s?re qu’il le regrette autant que toi, lui avait assur? Penny. Quand vous vous serez habitu?s ? ce changement, vous retrouverez probablement votre ancienne routine. — Je peux accepter qu’il travaille plus longtemps. Je comprends ?a. Maintenant, il est plus responsable de la r?ussite de l’entreprise. Ce qui m’?nerve, c’est qu’il ne semble pas le regretter. Il n’a jamais dit qu’il regrettait de ne pas ?tre ici plus souvent. Je ne suis m?me pas s?re qu’il l’ait remarqu?. — Je suis s?re qu’il l’a remarqu?, Lizzie, avait dit Penny. Seulement, il doit s’en sentir coupable. S’il reconnaissait ce qu’il rate en ?tant moins souvent ici, cela le ferait souffrir encore plus. Je parie qu’il essaie de ne pas y penser. C’est ce que je fais, parfois. — Qu’entends-tu par l? ? demanda Eliza. — Je pr?tends qu’une chose assez peu admirable que je fais dans ma vie n’est pas si grave parce que, si j’admettais qu’elle ?tait grave, j’aurais encore plus de mal ? la supporter. — Que fais-tu donc de si grave ? demanda Eliza d’un ton moqueur. — D?j?, la semaine derni?re, j’ai mang? la moiti? d’un paquet de Pringles d’un seul coup, et ensuite, j’ai f?ch? les enfants parce qu’ils voulaient de la glace pour le quatre heures. Voil?, c’est tout. — Tu as raison. Tu es quelqu’un d’horrible. Penny tira la langue avant de r?pondre. Penny aimait beaucoup tirer la langue. — Ce que je veux dire, c’est qu’il est peut-?tre moins inconscient qu’on dirait. As-tu envisag? d’avoir recours ? un th?rapeute ? — Tu sais que je ne crois pas ? ces conneries. De plus, pourquoi irais-je voir un th?rapeute alors que tu es l? ? Entre la th?rapie de Penny et le yoga, j’ai tout ce qu’il me faut sur le plan ?motionnel. Au fait, est-ce qu’on se retrouve encore demain matin chez toi ? — Absolument. Maintenant qu’elle y repensait, s?rieusement, la th?rapie de couple n’?tait peut-?tre pas une si mauvaise id?e. Eliza savait que Penny et Colton y allaient une semaine sur deux et qu’ils semblaient s’en porter mieux. Si elle y allait, elle savait au moins que sa meilleure amie ne remuerait pas le couteau dans la plaie. Elles avaient ?t? solidaires l’une de l’autre depuis l’?cole ?l?mentaire. Elle se souvenait encore de l’?poque o? Kelton Prew lui tirait les couettes et o? Penny avait gratifi? l’insolent d’un coup de pied au tibia. Cela s’?tait pass? le premier jour de la troisi?me classe. Depuis, elles avaient ?t? les meilleures des copines. Elles avaient surmont? des quantit?s d’?preuves en se soutenant mutuellement. Eliza avait soutenu Penny quand elle avait eu sa crise de boulimie au lyc?e. Pendant leur deuxi?me ann?e d’?tude, c’?tait Penny qui avait convaincu Eliza que sa relation avec Ray Houson n’avait pas simplement ?t? un incident, mais que cet homme l’avait bien viol?e. Penny ?tait all?e voir la police du campus avec elle et elle l’avait accompagn?e dans la salle d’audience pour la soutenir quand elle avait t?moign?. Ensuite, quand l’entra?neur de tennis avait voulu l’?jecter de l’?quipe et la priver de sa bourse parce qu’elle avait encore des difficult?s des mois plus tard, Penny ?tait all?e le voir et avait menac? d’aider son amie ? le tra?ner en justice. Eliza ?tait rest?e dans l’?quipe et avait remport? le titre de joueuse junior de l’ann?e. Quand Eliza avait fait une fausse couche apr?s avoir essay? de tomber enceinte pendant dix-huit mois, Penny ?tait venue la voir tous les jours jusqu’au moment o? elle avait r?ussi ? la faire sortir de son lit. Finalement, quand les docteurs avaient conclu que le fils a?n? de Penny, Colt Jr., ?tait autiste, c’?tait Eliza qui, suite ? des semaines de recherche, avait trouv? l’?cole qui l’avait finalement aid? ? s’?panouir. Elles s’?taient tellement battues ensemble qu’elles aimaient dire qu’elles ?taient les Guerri?res de Westside, m?me si leurs maris trouvaient ce nom ridicule. Donc, si Penny sugg?rait qu’Eliza devrait envisager de suivre une th?rapie de couple, elle devrait peut-?tre le faire. Eliza fut arrach?e ? ses pens?es quand elle entendit sonner le t?l?phone de Penny. Elle tendit la main et le saisit, pr?te ? avertir son amie si quelqu’un essayait de la contacter. Cependant, quand elle vit le nom de l’exp?diteur, elle ouvrit le message. Il ?tait de Gray Longworth, le mari d’Eliza. Elle lut : Je suis impatient de te voir ce soir. Trois jours sans toi, c’est trop long. J’ai dit ? Lizzie que j’avais un d?ner avec un associ?. M?me heure, m?me endroit, hein ? Eliza posa le t?l?phone. Soudain, elle avait le vertige et elle se sentait faible. Sa tasse lui ?chappa des mains, frappa le sol et se brisa en des dizaines de fragments de c?ramique. Penny revint au pas de course. — Tout va bien ? demanda-t-elle. J’ai entendu quelque chose se casser. Elle baissa les yeux, vit la tasse et le caf? qui ?tait ?clabouss? tout autour, puis elle releva les yeux et vit le visage h?b?t? d’Eliza. — Que se passe-t-il ? demanda-t-elle. Eliza tourna involontairement les yeux vers le t?l?phone de Penny et elle regarda son amie suivre son regard. Elle vit dans les yeux de Penelope le moment o? elle comprit la situation et ce qui avait d? surprendre ? ce point son amie la plus ancienne et la plus ch?re. — Ce n’est pas ce que tu crois, dit anxieusement Penny sans essayer de nier ce qu’elles savaient toutes les deux. — Comment as-tu pu faire ?a ? demanda Eliza, arrivant tout juste ? prononcer les mots. Je te faisais plus confiance qu’? qui que ce soit d’autre et tu as fait ?a ? Eliza avait l’impression que quelqu’un venait d’ouvrir une trappe sous ses pieds et qu’elle tombait dans le n?ant. Tout ce qui avait servi de base ? sa vie semblait se d?sint?grer sous ses yeux. Elle se dit qu’elle allait peut-?tre vomir. — Je t’en prie, Eliza, supplia Penny en s’agenouillant ? c?t? de son amie. Laisse-moi t’expliquer. C’est bien arriv?, mais c’?tait une erreur et j’ai essay? de la r?parer. — Une erreur ? r?p?ta Eliza en se redressant dans sa chaise, sentant la naus?e se m?langer ? la col?re et former un chaudron de bile bouillante dont le gaz remontait de son estomac ? sa gorge. Une erreur, c’est tr?bucher sur un bord de trottoir et renverser quelqu’un. Une erreur, c’est oublier la retenue quand on fait une soustraction. Permettre accidentellement au mari de ta meilleure amie de coucher avec toi, ce n’est pas une erreur, Penny ! — Je sais, reconnut Penny d’une voix ?trangl?e par le regret. Je n’aurais pas d? dire ?a. C’?tait une tr?s mauvaise d?cision, prise dans un moment de faiblesse, nourrie par trop de verres de viognier. Je lui ai dit que c’?tait fini. — ‘Fini’ ? Donc, ?a s’est produit plus d’une fois, nota Eliza en se relevant maladroitement. Cela fait exactement combien de temps que tu couches avec mon mari ? Penny resta silencieuse. Visiblement, elle craignait que l’honn?tet? fasse plus de mal que de bien. — Environ un mois, finit-elle par admettre. Soudain, les absences r?centes du mari d’Eliza devinrent plus compr?hensibles. Chaque nouvelle r?v?lation semblait lui envoyer un coup de poing ? l’estomac. Eliza sentait que la seule chose qui l’emp?chait de s’effondrer ?tait la rage d’?tre victime d’un acte injuste. — Amusant, signala am?rement Eliza. Cela correspond ? peu pr?s ? la p?riode o? Gray a commenc? ? aller ? ces r?unions tardives entre associ?s qui, d’apr?s toi, lui donnaient une sensation de culpabilit?. Quelle co?ncidence. — J’avais cru que je pourrais contr?ler la situation … commen?a ? dire Penny. — Ne me raconte pas ?a, dit Eliza en l’interrompant. Nous savons toutes les deux que tu peux ?tre agit?e, mais est-ce comme ?a que tu g?res ton agitation ? — Je sais que ?a n’aide pas, insista Penny, mais j’allais rompre. Cela fait trois jours que je ne lui ai pas parl?. J’essayais juste de trouver un moyen de rompre avec lui sans que tu d?couvres le pot aux roses. — On dirait qu’il va te falloir un nouveau plan, cracha Eliza. Elle avait extr?mement envie d’envoyer les fragments de la tasse de caf? sur son amie d’un coup de pied et elle ne se retint de le faire que parce qu’elle ?tait pieds nus. Elle s’accrochait ? sa col?re, car elle savait que c’?tait la seule chose qui l’emp?chait de perdre compl?tement son sang-froid. — Je t’en prie, permets-moi de trouver un moyen d’arranger ?a. Il y a forc?ment quelque chose que je peux faire. — Effectivement, lui assura Eliza. Va-t’en maintenant. Son amie la regarda fixement pendant un moment. Cependant, elle avait d? sentir qu’Eliza parlait s?rieusement et son h?sitation ne dura pas. — OK, dit Penny en ramassant ses affaires et en se pr?cipitant vers la porte de devant. Je m’en vais, mais il faudra qu’on reparle. Nous avons v?cu trop de choses ensemble pour tout g?cher, Lizzie. Eliza se for?a ? ne pas lui hurler d’insultes en guise de r?ponse. C’?tait peut-?tre la derni?re fois qu’elle voyait son ‘amie’ et elle voulait qu’elle comprenne l’ampleur de la situation. — ?a n’a plus rien ? voir, dit-elle lentement en mettant l’accent sur chaque mot. Toutes ces autres fois, nous ?tions ensemble contre le monde, nous nous soutenions l’une l’autre. Cette fois-ci, tu m’as poignard?e dans le dos. Notre amiti? est termin?e. Alors, elle claqua la porte au visage de sa meilleure amie. CHAPITRE DEUX Jessie Hunt se r?veilla en sursaut et, pendant un bref instant, elle ne sut pas o? elle ?tait. Il lui fallut un moment pour se souvenir qu’elle ?tait en l’air, un lundi matin, et qu’un avion la ramenait de Washington D.C. ? Los Angeles. Elle regarda sa montre et vit qu’il restait deux heures avant l’atterrissage. Essayant de ne pas se rendormir, elle se r?veilla en buvant une gorg?e d’eau dans la gourde qui ?tait rang?e dans la poche ? l’arri?re du si?ge. Elle fit circuler l’eau dans sa bouche en essayant de se d?barrasser de la sensation cotonneuse qu’elle y ressentait. Si elle s’endormait facilement, ce n’?tait pas pour rien. Les dix derni?res semaines avaient ?t? parmi les plus ?puisantes de sa vie. Elle venait de terminer la National Academy du FBI, un programme de formation intense destin? aux agents locaux charg?s de l’application de la loi et con?u pour les familiariser avec les techniques d’enqu?te du FBI. Seuls ceux qui avaient ?t? d?sign?s par leurs superviseurs avaient acc?s ? ce programme exclusif. Pour ceux n’allaient pas ? Quantico pour devenir des agents officiels du FBI, cette formation intensive ?tait ce qui se faisait de mieux. Normalement, Jessie n’aurait pas d? avoir le droit de participer ? cette formation. Jusqu’? r?cemment, elle avait seulement ?t? consultante int?rim junior en profilage criminel pour la Police de Los Angeles. Cependant, quand elle avait r?solu une affaire ? profil ?lev?, sa r?putation s’?tait rapidement am?lior?e. R?trospectivement, Jessie comprenait pourquoi l’acad?mie pr?f?rait des personnels plus exp?riment?s. Pendant les deux premi?res semaines de la formation, elle s’?tait sentie compl?tement submerg?e par le volume d’informations qu’on lui demandait d’absorber. Elle avait eu des cours de m?decine l?gale, de droit, de mentalit? terroriste et aussi des cours portant sur son domaine de pr?dilection, la science du comportement, qui partait du principe selon lequel il fallait entrer dans l’esprit des tueurs pour mieux comprendre leurs mobiles. En plus de cela, il y avait l’entra?nement physique permanent qui faisait souffrir tous ses muscles. Finalement, elle avait trouv? ses rep?res. Les cours, qui lui rappelaient son travail de troisi?me cycle en psychologie criminelle, commen?aient ? faire sens. Au bout d’environ un mois, son corps avait arr?t? de lui faire souffrir le martyre quand elle se r?veillait le matin et, surtout, le temps qu’elle passait ? ?tudier les sciences du comportement lui permettait d’interagir avec les meilleurs experts en tueurs en s?rie du monde. Elle esp?rait en devenir un dans l’avenir. Il y avait un avantage de plus. Comme elle travaillait tr?s dur, aussi bien sur le plan mental que sur le plan physique, elle ne r?vait presque pas, ou, du moins, elle ne faisait pas de cauchemars. Chez elle, elle se r?veillait souvent en hurlant, prise de sueurs froides, quand des souvenirs de son enfance ou ses traumatismes plus r?cents se rappelaient ? son inconscient. Elle se souvenait encore de sa source d’anxi?t? la plus r?cente. C’?tait sa derni?re conversation avec Bolton Crutchfield, le tueur en s?rie incarc?r?, celle o? il lui avait dit qu’il bavarderait bient?t avec le p?re meurtrier de Jessie. Si elle avait ?t? ? Los Angeles pendant les dix derni?res semaines, elle aurait pass? la plus grande partie de ce temps ? se demander obsessionnellement si Crutchfield disait la v?rit? ou se foutait d’elle. Or, s’il disait la v?rit?, comment allait-il pouvoir organiser une discussion avec un tueur en cavale tout en ?tant d?tenu dans un h?pital psychiatrique s?curis? ? Comme Jessie avait ?t? ? plusieurs milliers de kilom?tres et comme elle s’?tait d?vou?e ? des t?ches qui l’avaient constamment pouss?e ? bout pendant presque chaque seconde d’?veil, elle n’avait pas pu rester obs?d?e par les d?clarations de Crutchfield. Elle allait s?rement recommencer bient?t, mais pas tout de suite. Pour l’instant, elle ?tait tout simplement trop fatigu?e pour que son cerveau l’emp?che de vivre. Quand elle se r?installa confortablement dans son si?ge pour se rendormir, Jessie pensa ? quelque chose. Donc, tout ce que j’ai ? faire pour bien dormir tout le reste de ma vie, c’est passer chaque matin?e ? m’entra?ner jusqu’? quasiment me faire vomir puis poursuivre par dix heures de formation professionnelle ininterrompues. ?a a l’air bon, comme plan. Avant que le sourire qui commen?ait ? s’afficher sur ses l?vres n’ait fini de se former, elle s’?tait rendormie. * Cette sensation de confort douillet disparut d?s qu’elle sortit de l’A?roport International de Los Angeles juste apr?s midi. D?s lors, elle comprit qu’il allait falloir qu’elle recommence ? ?tre sur ses gardes tout le temps. Apr?s tout, comme elle l’avait appris avant de partir pour Quantico, un tueur en s?rie qui n’avait jamais ?t? captur? ?tait en chasse. Xander Thurman la recherchait depuis des mois. Il se trouvait que ce Thurman ?tait aussi son p?re. Elle prit un covoiturage pour aller de l’a?roport jusqu’? son lieu de travail, qui ?tait le Poste de Police Central Communautaire du centre-ville de Los Angeles. Comme elle ne reprenait pas le travail officiellement avant le lendemain et n’?tait pas d’humeur ? bavarder, elle ne se rendit m?me pas dans la salle principale du poste. Elle pr?f?ra aller consulter sa bo?te aux lettres personnelle et y r?cup?ra son courrier, qui avait ?t? transf?r? d’une bo?te postale. Personne, ni ses coll?gues de travail, ni ses amis, pas m?me ses parents adoptifs, ne connaissaient son adresse r?elle. Elle avait lou? l’appartement par l’interm?diaire d’une soci?t? de leasing ; son nom ne figurait nulle part sur le contrat et il n’existait aucun papier permettant de faire le lien entre elle et cet immeuble. Quand elle prit le courrier, elle partit dans un couloir lat?ral qui l’emmena au parc automobile, o? des taxis attendaient toujours dans la ruelle voisine. Elle bondit dans l’un d’eux et lui demanda de l’emmener au magasin de d?tail qui ?tait situ? pr?s de son immeuble d’appartements, ? environ trois kilom?tres. Si elle avait choisi d’habiter ? cet endroit apr?s que son amie Lacy avait insist? pour qu’elle d?m?nage, c’?tait en partie parce qu’il ?tait difficile ? trouver et parce qu’il ?tait encore plus difficile d’y acc?der sans permission. D’abord, son parking se trouvait sous le magasin de d?tail attenant situ? dans le m?me b?timent, donc, si on la suivait, on aurait du mal ? d?terminer o? elle allait. M?me si quelqu’un trouvait o? elle allait, le b?timent avait un concierge et un vigile. La porte de devant et les ascenseurs n’ouvraient qu’avec une carte num?rique. Quant aux appartements eux-m?mes, ils n’avaient pas de num?ro affich? ? l’ext?rieur. Les r?sidents devaient m?moriser lequel ?tait le leur. Cependant, Jessie prenait quand m?me des pr?cautions suppl?mentaires. Quand le taxi, qu’elle payait en liquide, la d?posait, elle entrait dans le magasin de d?tail. D’abord, elle traversait rapidement un caf? puis se fondait dans la foule avant de prendre une sortie lat?rale. Ensuite, tirant le capuchon de son sweat sur ses cheveux marron qui lui tombaient jusqu’aux ?paules, elle traversait une ?picerie et entrait dans un hall qui contenait des toilettes et une porte marqu?e « R?serv? au personnel ». Elle poussait la porte des toilettes des femmes pour que la personne qui la suivait, s’il y en avait une, s’imagine qu’elle ?tait entr?e l?. En fait, sans regarder derri?re elle, elle passait rapidement par l’entr?e des employ?s, qui ?tait un hall long muni d’entr?es arri?re vers toutes les entreprises. Elle courait dans le couloir incurv? jusqu’? arriver ? un escalier avec une pancarte qui indiquait ‘Maintenance’. Descendant les marches aussi vite et aussi discr?tement que possible, elle se servait de la carte num?rique que le gestionnaire de l’immeuble lui avait donn?e pour d?verrouiller aussi cette porte. Pour obtenir une autorisation sp?ciale qui lui permette d’entrer dans cette zone, elle avait pr?f?r? utiliser ses liens avec la Police de Los Angeles qu’essayer d’expliquer que, si elle prenait toutes ses pr?cautions, c’?tait parce qu’elle avait un p?re tueur en s?rie en cavale. La porte de maintenance se fermait et se verrouillait derri?re elle et, ensuite, elle avan?ait dans un passage ?troit avec des canalisations expos?es qui d?passaient de partout et des cages en m?tal qui prot?geaient des ?quipements dont elle ne comprenait pas la finalit?. Au bout de plusieurs minutes de contournement des obstacles, elle atteignait une petite alc?ve pr?s d’une grande chaudi?re. Situ? ? mi-chemin, ce recoin ?tait non ?clair? et facile ? manquer. Lors de son premier passage en ce lieu, elle avait eu besoin qu’on le lui montre. Elle entrait dans l’alc?ve et sortait la vieille cl? qu’on lui avait donn?e. La serrure de cette porte ?tait un verrou ? l’ancienne. Jessie l’ouvrait, poussait la lourde porte puis la fermait et la verrouillait rapidement derri?re elle. Alors, elle arrivait dans la salle des fournitures du rez-de-chauss?e de son immeuble d’appartements et elle ?tait officiellement pass?e de la zone appartenant au magasin de d?tail au complexe d’appartements. Elle traversait h?tivement la pi?ce sombre et se prenait parfois presque les pieds dans un flacon d’eau de Javel qui tra?nait par terre. Elle ouvrait cette porte, passait par le bureau vide du gestionnaire de la maintenance et montait dans l’?troite cage d’escalier qui donnait sur le hall arri?re du rez-de-chauss?e de l’immeuble d’appartements. Elle contournait la partie du vestibule qui contenait les ascenseurs, o? elle entendait Jimmy le concierge et Fred le vigile qui bavardaient gentiment avec un r?sident dans le hall d’entr?e. Elle n’avait pas le temps de parler avec eux pour l’instant mais se promettait de le faire plus tard. Ils ?taient gentils tous les deux. Fred ?tait un ex-gendarme d’autoroute qui avait pris sa retraite jeune apr?s un mauvais accident professionnel ? moto. Il boitait et avait une grande cicatrice sur la joue gauche, mais cela ne l’emp?chait pas de blaguer constamment. Jimmy, qui avait environ vingt-cinq ans, ?tait un jeune homme gentil et s?rieux qui faisait ce travail pour payer ses ?tudes ? l’universit?. Elle passait devant le vestibule pour aller ? l’ascenseur de service, qui n’?tait pas visible depuis le hall, passait sa carte devant le lecteur et attendait anxieusement de voir si quelqu’un l’avait suivie. Elle savait qu’il y avait peu de risques que ?a se produise, mais cela ne l’emp?chait pas de bouger nerveusement sur place jusqu’? ce que l’ascenseur arrive. Quand l’ascenseur arrivait, elle y entrait, poussait le bouton pour le quatri?me ?tage puis celui qui fermait la porte. Quand les portes s’ouvraient, elle traversait le hall en toute h?te jusqu’? ce qu’elle atteigne son appartement. Alors, elle reprenait son souffle et examinait sa porte. Au premier abord, on aurait cru qu’elle ?tait aussi quelconque que toutes les autres de l’?tage, mais Jessie avait fait am?liorer la s?curit? quand elle avait emm?nag?. D’abord, elle reculait pour se placer ? presque un m?tre de la porte et directement en face du judas. Une lumi?re verte terne qui n’?tait visible que de cet angle-l? apparaissait sur la bordure du trou et indiquait que personne n’?tait entr? dans l’appartement par effraction ; sinon, la bordure du judas aurait ?t? rouge. En plus de la cam?ra de sonnette Nest qu’elle avait fait installer, il y avait aussi plusieurs cam?ras cach?es dans le couloir. L’une d’elles affichait une vue directe de sa porte. Une autre filmait le hall dans la direction de l’ascenseur et de la cage d’escalier attenante. Une troisi?me filmait la direction oppos?e du deuxi?me escalier. En arrivant en taxi, elle les avait toutes v?rifi?es et, aujourd’hui, elle n’avait trouv? aucun mouvement louche autour de chez elle. L’?tape suivante ?tait l’entr?e. Elle utilisait une cl? traditionnelle pour ouvrir un verrou puis faisait passer sa carte et entendait l’autre verrou coulissant s’ouvrir lui aussi. Quand elle entrait, le d?tecteur de mouvement se d?clenchait. Jessie laissait tomber son sac ? dos par terre et ignorait l’alarme. Elle reverrouillait les deux portes et y ajoutait aussi la barre coulissante de s?curit?. Ce n’?tait qu’? ce moment-l? qu’elle saisissait le code ? huit chiffres. Alors, elle prenait la matraque qu’elle gardait pr?s de la porte et se pr?cipitait dans la chambre. Elle soulevait le cadre amovible qui se trouvait ? c?t? de l’interrupteur. Derri?re le cadre, il y avait un panneau de s?curit? cach?. Elle y tapait le code de quatre chiffres, celui qui d?verrouillait la seconde alarme, la silencieuse, celle qui appelait directement la police si elle ne la d?sactivait pas dans les quarante secondes. Ce n’?tait qu’? ce moment-l? qu’elle se permettait de respirer. Tout en inspirant et en expirant lentement, elle faisait le tour du petit appartement, matraque en main, pr?te ? toute ?ventualit?. Elle fouillait partout, sans oublier les placards, la douche et le cellier, en moins d’une minute. Quand elle ?tait certaine d’?tre seule et en s?curit?, elle consultait la demi-douzaine de cam?ras cach?es qu’elle avait plac?es partout dans l’appartement. Ensuite, elle testait les serrures des fen?tres. Tout ?tait en ?tat de marche. Cela ne lui laissait qu’un seul endroit ? v?rifier. Elle entrait dans la salle de bains et ouvrait le placard ?troit qui contenait des fournitures comme le papier de toilette, une ventouse, quelques savons, des ?ponges ? douche et du liquide de nettoyage des miroirs. Sur la gauche du placard, il y avait un petit fermoir qui n’?tait visible que si l’on savait o? chercher. Elle le retournait, tirait et sentait le loquet cach? produire un clic. Le placard s’ouvrait. Derri?re, on voyait un boyau extr?mement ?troit avec une ?chelle de corde attach?e au mur de briques. Le boyau et l’?chelle descendaient de son appartement du quatri?me ?tage jusqu’? une cachette situ?e dans la buanderie du rez-de-chauss?e. Cet endroit ?tait cens? ?tre sa sortie ultime si toutes ses autres mesures de s?curit? lui faisaient d?faut. Elle esp?rait qu’elle n’en aurait jamais besoin. Alors qu’elle repla?ait l’?tag?re et allait repartir dans le salon, elle se vit dans le miroir de la salle de bains. C’?tait la premi?re fois qu’elle se regardait vraiment de pr?s depuis sa formation. Elle aima ce qu’elle vit. Au premier abord, elle avait plus ou moins le m?me air qu’avant. Pendant sa formation au FBI, elle avait pass? un anniversaire et, maintenant, elle avait vingt-neuf ans, mais elle n’avait pas l’air plus ?g?e qu’avant. En fait, elle trouvait qu’elle avait l’air en meilleure forme que quand elle ?tait partie. Elle avait encore les cheveux marron mais, d’une fa?on ou d’une autre, ils avaient l’air plus fringants, moins mous que quand elle avait quitt? Los Angeles plusieurs semaines auparavant. Malgr? les nombreux jours qu’elle avait pass?s au FBI, ses yeux verts ?tincelaient d’?nergie et n’avaient plus les cernes qui lui ?taient devenues si famili?res. Elle mesurait encore un m?tre soixante-dix sept et elle ?tait encore aussi mince, mais elle se sentait plus forte et plus r?sistante qu’avant. Elle avait les bras plus tonifi?s et la ceinture abdominale tendue apr?s tous les abdos et toutes les planches qu’elle avait ex?cut?s. Elle se sentait … pr?te. Elle passa dans le salon et alluma finalement les lumi?res. Il lui fallut une seconde pour se souvenir que tous les meubles qui s’y trouvaient lui appartenaient. Elle en avait achet? la majorit? avant de partir pour Quantico. Elle n’avait pas eu grand choix. Elle avait vendu tout ce qu’il y avait eu dans la maison qu’elle avait poss?d?e avec son ex-mari sociopathe et actuellement incarc?r?, Kyle. Pendant la p?riode qui avait suivi, elle avait dormi ? l’appartement de sa vieille amie d’universit?, Lacy Cartwright. Cependant, quand l’appartement avait ?t? vandalis? par quelqu’un qui avait envoy? un message ? Jessie de la part de Bolton Crutchfield, Lacy avait insist? pour que Jessie parte le plus t?t possible. C’?tait exactement ce qu’elle avait fait. Elle avait habit? quelque temps dans un h?tel ? la semaine puis elle avait trouv? un appartement, celui-ci, qui lui permettait de vivre dans la s?curit? dont elle avait besoin. Cependant, comme elle manquait de meubles, elle avait imm?diatement d?pens? une partie de l’argent du divorce en mobilier et en appareils. Comme elle avait d? partir pour la National Academy tr?s vite apr?s son achat, elle n’avait pas eu le temps d’appr?cier son confort. Maintenant, elle esp?rait qu’elle allait pouvoir le faire. Elle s’assit sur la causeuse et se pencha en arri?re pour se mettre ? l’aise. Par terre, ? c?t? d’elle, il y avait une bo?te en carton sur laquelle elle avait marqu? « ? classer ». Elle la ramassa et commen?a ? en fouiller le contenu. Il s’y trouvait surtout des papiers qu’elle avait pas l’intention de ranger maintenant. Tout au fond de la bo?te, il y avait une photo de mariage d’elle et de Kyle de 20 centim?tres sur 25. Elle la regarda fixement comme si elle ne la comprenait pas, ?tonn?e que la personne qui avait connu cette vie soit la m?me que celle qui ?tait assise l? maintenant. Presque dix ans auparavant, pendant sa deuxi?me ann?e ? l’universit? de Californie du Sud, elle avait commenc? ? sortir avec Kyle Voss. Ils avaient emm?nag? ensemble peu apr?s avoir obtenu leurs dipl?mes et ils s’?taient mari?s trois ans auparavant. Pendant longtemps, la vie avait sembl? belle. Ils avaient v?cu dans un appartement cool proche d’ici, dans le centre-ville de Los Angeles, que l’on appelait souvent DTLA. Kyle avait un bon emploi dans la finance et Jessie ?tait en train de finir sa ma?trise. Ils vivaient confortablement. Ils allaient dans les nouveaux restaurants et faisaient la tourn?e des bars ? la mode. Jessie ?tait heureuse et le serait probablement rest?e longtemps. Seulement, Kyle avait re?u une promotion au bureau de l’entreprise, dans le Comt? d’Orange, et il avait insist? pour qu’ils d?m?nagent dans une maison de luxe situ?e l?-bas. Jessie avait consenti, malgr? son appr?hension. Ce n’?tait qu’? cette occasion que la vraie nature de Kyle ?tait apparue. Il avait absolument tenu ? rejoindre un club secret qui s’?tait av?r? ?tre la couverture d’un r?seau de prostitution. Il avait commenc? ? coucher avec une des femmes du club et, quand il avait eu des probl?mes avec elle, il l’avait tu?e et avait tent? de faire accuser Jessie du meurtre. Comme si cela n’avait pas suffi, quand Jessie avait d?couvert son plan, il avait essay? de la tuer, elle aussi. Pourtant, m?me maintenant, alors qu’elle examinait la photo de mariage, il ?tait impossible d’y d?tecter ce dont son mari ?tait finalement capable. Il ressemblait ? un futur conqu?rant beau, aimable quoiqu’un peu brutal. Jessie froissa la photo et la jeta vers la poubelle de la cuisine. Elle tomba en plein dedans et, ? sa grande surprise, Jessie se sentit toute lib?r?e. Diable ! ?a doit vouloir dire quelque chose. D’une fa?on ou d’une autre, cet appartement la lib?rait. Tout, dont le nouveau mobilier, l’absence de souvenirs personnels, m?me les mesures de s?curit? qui fr?laient la parano?a, tout lui appartenait. Elle recommen?ait ? z?ro. Elle s’?tira pour permettre ? ses muscles de se d?tendre apr?s le long vol dans cet avion bond?. Cet appartement lui appartenait. En plus de six ans, c’?tait le premier endroit duquel elle pouvait vraiment le dire. Elle pouvait manger une pizza sur le sofa et laisser la bo?te ? c?t? sans craindre que quelqu’un se plaigne. Ce n’?tait pas qu’elle faisait ce genre de chose mais, le plus important pour elle, c’?tait de pouvoir le faire. Quand elle pensa ? la pizza, cela lui donna faim. Elle se leva et ouvrit le r?frig?rateur, qui ?tait non seulement vide mais ?galement ?teint. Ce ne fut qu’? ce moment-l? qu’elle se souvint qu’elle l’avait laiss? comme ?a, car elle n’avait pas vu pourquoi elle aurait d? payer l’?lectricit? pendant ses deux mois et demi d’absence. Elle rebrancha le r?frig?rateur et, comme elle se sentait agit?e, elle d?cida d’aller faire des courses. Alors, elle eut une autre id?e. Comme elle ne reprenait le travail que le lendemain et comme il n’?tait pas trop tard dans l’apr?s-midi, il y avait un autre endroit o? aller. Elle pouvait aller rendre visite ? une personne qu’il faudrait qu’elle revoie un jour ou un autre, comme elle le savait. Elle avait r?ussi ? ne plus y penser pendant la plus grande partie de sa formation ? Quantico, mais il y avait encore le probl?me de Bolton Crutchfield. Elle savait qu’elle devrait l’oublier, qu’il l’avait app?t?e lors de leur derni?re rencontre. Et pourtant, il fallait qu’elle sache : est-ce que Crutchfield avait vraiment trouv? un moyen de rencontrer son p?re, Xander Thurman, le bourreau des Ozarks ? Avait-il trouv? un moyen d’entrer en contact avec l’assassin de tant de personnes, dont sa m?re, avec l’homme qui l’avait laiss?e, ? l’?ge de six ans, attach?e pr?s du corps de sa m?re, dans cette cabane isol?e o? elle avait failli mourir de froid ? Elle allait le d?couvrir. CHAPITRE TROIS Quand Gray rentra ? la maison ce soir, Eliza l’attendait. Il arriva ? l’heure pour le d?ner et l’expression de son visage sugg?rait qu’il savait ce qui se profilait ? l’horizon. Comme Millie et Henry ?taient assis dans la cuisine et qu’ils y mangeaient leurs macaronis au fromage avec des tranches de hot-dog, aucun parent ne parla de la situation. Ce ne fut que quand les enfants furent au lit pour la nuit que tomb?rent les apparences. Quand Gray entra dans la cuisine apr?s avoir couch? les enfants, Eliza l’y attendait. Il avait enlev? sa veste sport mais portait encore sa cravate desserr?e et son pantalon chic. Elle soup?onna que c’?tait pour avoir l’air plus cr?dible. Gray n’?tait pas grand. Avec un m?tre soixante-dix-neuf et soixante-douze kilos, il ne d?passait sa femme que de deux centim?tres et demi, m?me s’il pesait bien treize kilos de plus qu’elle. Cependant, ils savaient tous les deux qu’il ?tait beaucoup moins imposant en tee-shirt et en pantalon de surv?tement. Les costumes d’affaires ?taient son armure. — Avant de dire quoi que ce soit, commen?a-t-il, laisse-moi essayer de t’expliquer, je t’en prie. Eliza, qui avait pass? une grande partie de la journ?e ? se demander comment cela avait bien pu arriver, fut heureuse de se d?barrasser temporairement de son angoisse et de le laisser souffrir en essayant de se justifier. — Vas-y, dit-elle. — D’abord, je suis d?sol?. Quoi que je dise d’autre, je veux que tu saches que je m’excuse. Je n’aurais jamais d? accepter que cela se produise. C’?tait un moment de faiblesse. Elle me connaissait depuis des ann?es. Elle connaissait mes points faibles et savait ce qui ?tait le plus susceptible d’?veiller mon int?r?t. J’aurais d? me m?fier, mais je me suis laiss? abuser. — Que dis-tu ? demanda Eliza, tout aussi abasourdie que vex?e. Que Penny ?tait une s?ductrice qui t’a manipul? pour que tu couches avec elle ? Nous savons tous les deux que tu es un homme faible, Gray, mais l?, tu me moques de moi, non ? — Non, dit-il en d?cidant de ne pas r?pondre ? l’insulte. J’assume toute la responsabilit? pour mes actions. J’ai bu trois whiskey sours. Elle portait sa robe fendue sur le c?t? et j’ai lorgn? ses jambes. Cependant, elle sait ce qui me fait vibrer. J’imagine que ce sont toutes ces conversations ? c?ur ouvert que vous avez eues ensemble au cours des ann?es. Elle a eu l’id?e de fr?ler mon avant-bras du bout des doigts. Elle a eu l’id?e de parler dans mon oreille gauche en ronronnant presque. Elle savait sans doute que tu ne l’avais plus fait depuis longtemps et elle savait que tu n’irais pas ? ce cocktail parce que tu ?tais ? la maison, assomm?e par les somnif?res que tu prends la plupart des soirs. Il s’interrompit pendant plusieurs secondes. Eliza essayait de se calmer. Quand elle fut s?re qu’elle n’allait pas crier, elle r?pondit d’une voix au calme choquant. — Est-ce que tu m’accuses d’avoir provoqu? ?a ? ? t’entendre, on croirait que tu n’arrives pas ? contr?ler tes pulsions parce que j’ai du mal ? dormir la nuit. — Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, pleurnicha-t-il, reculant devant le venin qu’il avait entendu dans sa r?ponse. C’est juste que tu as toujours du mal ? dormir la nuit. De plus, tu n’as jamais l’air d’avoir envie de rester ?veill?e pour moi. — Soyons clairs, Grayson. Tu dis que tu ne m’accuses de rien puis tu ajoutes imm?diatement que je suis trop assomm?e par le Valium que je prends, que je ne m’occupe pas assez du grand gar?on que tu es et que cela t’a forc? ? coucher avec ma meilleure amie. — De toute fa?on, quelle meilleure amie ferait ?a ? lan?a d?sesp?r?ment Gray. — Ne change pas de sujet, cracha-t-elle en se for?ant ? garder une voix ferme, en partie pour ?viter de r?veiller les enfants mais surtout parce que rester calme ?tait la seule chose qui l’emp?chait de devenir folle. Elle est d?j? sur ma liste. Maintenant, c’est ton tour. Tu n’aurais pas pu venir et me dire : « H?, ch?rie, j’aimerais vraiment passer une soir?e entre amoureux ce soir » ou « Ch?rie, j’ai l’impression que je ne te vois plus ces temps-ci. Est-ce qu’on peut se rapprocher ce soir ? » Ce n’?tait pas possible ? — Je ne voulais pas te r?veiller pour t’ennuyer avec des questions de ce style, r?pondit-il d’une voix humble mais avec des mots acerbes. — Donc, tu as d?cid? que le sarcasme ?tait la meilleure attitude ? demanda-t-elle. — ?coute, dit-il en essayant de se tirer de ce mauvais pas, avec Penny, c’est termin?. Elle me l’a dit cet apr?s-midi et j’ai accept?. Je ne sais pas comment nous allons d?passer ce moment difficile, mais je le veux, ne serait-ce que pour les enfants. — « Ne serait-ce que pour les enfants ? » r?p?ta-t-elle, sid?r?e de le voir accumuler les maladresses. Va-t’en, c’est tout. Je te donne cinq minutes pour remplir un sac et monter dans ta voiture. Tu n’as qu’? aller ? l’h?tel jusqu’? ce qu’on en reparle. — Tu me chasses de ma propre maison ? demanda-t-il, incr?dule. De la maison que j’ai pay?e ? — Non seulement je t’en chasse, siffla-t-elle, mais, si tu n’es pas parti dans cinq minutes, j’appelle les flics. — Pour leur dire quoi ? — Essaye donc, dit-elle furieusement. Gray la regarda fixement. Sans se laisser d?monter, elle alla au t?l?phone et le d?crocha. Ce ne fut que quand Gray entendit la tonalit? qu’il passa brusquement ? l’action. Trois minutes plus tard, il d?talait par la porte comme un chien qui fuit la queue entre les jambes, son sac de toile bourr? de chemises ?l?gantes et de vestes. Une chaussure tomba du sac quand il se rua vers la porte. Il ne le remarqua pas et Eliza ne dit rien. Ce ne fut que quand elle entendit la voiture s’en aller qu’elle reposa le t?l?phone sur son socle. Elle regarda sa main gauche et vit qu’elle avait la paume en sang parce qu’elle avait enfonc? ses ongles dedans. Ce ne fut qu’? ce moment-l? qu’elle sentit la plaie la piquer. CHAPITRE QUATRE M?me si elle manquait de pratique, Jessie n?gocia la circulation du centre-ville de Los Angeles ? Norwalk sans trop de difficult?s. En chemin, comme pour oublier un instant o? elle se rendait, elle d?cida d’appeler ses parents. Ses parents adoptifs, Bruce et Janine Hunt, habitaient ? Las Cruces, dans le Nouveau Mexique. Bruce ?tait retrait? du FBI et Janine retrait?e de l’?ducation. Jessie avait pass? quelques jours chez eux en allant ? Quantico et avait esp?r? recommencer au retour mais, comme elle n’avait pas eu assez de temps entre la fin de la formation et la reprise de son travail, elle avait d? renoncer ? la seconde visite. Elle esp?rait les revoir bient?t, surtout parce que sa m?re se battait contre cancer. Jessie trouvait ?a injuste. Cela faisait maintenant plus de dix ans que Janine se battait contre le cancer et cette trag?die s’ajoutait ? celle qu’ils avaient subie plusieurs ann?es auparavant. Juste avant d’adopter Jessie quand elle avait eu six ans, ils avaient perdu leur jeune fils, qui ?tait mort du cancer lui aussi. Ils avaient ?t? impatients de combler le vide de leur c?ur, m?me si cela signifiait adopter la fille d’un tueur en s?rie qui avait assassin? sa m?re et avait abandonn? sa fille comme si elle avait ?t? morte. Comme Bruce avait ?t? agent du FBI, les U.S. Marshals qui avaient plac? Jessie en protection des t?moins avaient trouv? logique de la confier aux Hunt. En th?orie, c’?tait id?al. Jessie se for?a ? ne plus penser ? ?a et composa leur num?ro. — Salut, papa, dit-elle. Comment ?a va ? — Bien, r?pondit-il. Maman fait la sieste. Veux-tu rappeler plus tard ? — Non. On peut parler. Je lui parlerai ce soir ou plus tard. Quoi de neuf ? Quatre mois auparavant, elle n’aurait pas voulu lui parler sans que sa m?re participe ? la conversation. Bruce Hunt n’?tait pas un homme d’abord facile et Jessie n’?tait pas non plus la plus tendre des filles. Les souvenirs qu’elle avait de sa jeunesse avec lui ?taient un m?lange de joie et de frustration. Il y avait eu des vacances au ski, ils avaient camp? et randonn? ? la montagne et ils avaient rendu visite ? la famille ? Mexico, ? tout juste cent kilom?tres. Cependant, il y avait aussi eu de grosses disputes, surtout quand elle avait ?t? adolescente. Bruce ?tait un homme qui appr?ciait la discipline. Jessie, qui avait connu des ann?es de ranc?ur muette apr?s avoir perdu simultan?ment sa m?re, son nom et son foyer, avait tendance ? faire l’idiote. Pendant les ann?es qu’elle avait pass?es ? l’universit? de Californie du Sud et apr?s, ils avaient probablement parl? moins de vingt-quatre fois au total. Elle leur avait rarement rendu visite. Cependant, r?cemment, le retour du cancer de Maman les avait forc?s ? parler sans interm?diaire et, d’une fa?on ou d’une autre, ils avaient bris? la glace. Bruce ?tait m?me all? ? Los Angeles pour aider Jessie ? r?cup?rer apr?s la blessure ? l’abdomen que Kyle lui avait inflig?e l’automne dernier. — Rien de sp?cial, dit-il en r?ponse ? la question de Jessie. Maman a eu une nouvelle s?ance de chimio hier et c’est pour cela qu’elle r?cup?re maintenant. Si elle se sent assez bien ce soir, nous irons peut-?tre d?ner plus tard. — Avec toute la bande de tes coll?gues flics ? demanda-t-elle pour plaisanter. Quelques mois auparavant, ses parents avaient d?m?nag? de chez eux pour aller habiter dans un b?timent destin? aux seniors essentiellement peupl? de retrait?s de la police de Las Cruces, du Sheriff’s Department et du FBI. — Non, rien que nous deux. Je pense ? un d?ner aux chandelles, mais dans un restaurant o? nous pourrons mettre un seau ? c?t? de la table si elle a besoin de vomir. — Tu es vraiment un romantique, papa. — Je fais de mon mieux. Comment ?a va pour toi ? Je suppose que tu as r?ussi la formation du FBI. — Pourquoi est-ce que tu supposes ?a ? — Parce que tu savais que j’allais te le demander et parce que tu n’aurais pas appel? si les nouvelles avaient ?t? mauvaises. Jessie dut admettre qu’il avait raison. Malgr? son ?ge, il avait encore l’esprit tr?s ?veill?. — J’ai r?ussi, lui assura-t-elle. Je suis de retour ? Los Angeles, maintenant. Je recommence le travail demain et je suis … sortie faire des courses. Elle ne voulait pas que sa vraie destination actuelle l’inqui?te. — Cela me para?t bien sinistre. Pourquoi ai-je l’impression que tu n’es pas sortie acheter une miche de pain ? — Je ne voulais pas te donner cette impression. Je suppose que je suis fatigu?e apr?s le voyage. En fait, je suis presque arriv?e, mentit-elle. Devrais-je rappeler ce soir ou attendre demain ? Je ne veux pas g?ner votre d?ner chic avec son seau ? vomi. — Peut-?tre demain, conseilla-t-il. — OK. Dis bonjour ? Maman. Je t’aime. — Moi aussi, dit-il avant de raccrocher. Jessie essaya de se concentrer sur la circulation. Il y en avait de plus en plus et il restait encore une demi-heure pour compl?ter le trajet jusqu’? la DNR, qui prenait environ quarante-cinq minutes. La DNR, c’est-?-dire la Division de Non-R?habilitation, ?tait une unit? ind?pendante sp?ciale affili?e au D?partement des H?pitaux d’?tat de Norwalk. L’h?pital principal accueillait une gamme ?tendue de coupables malades mentaux qui avaient ?t? jug?s incapables de purger leur peine dans une prison conventionnelle. Cependant, l’annexe ? la DNR, inconnue du public et m?me de la plus grande partie du personnel policier et des h?pitaux psychiatriques, jouait un r?le plus clandestin. Elle ?tait con?ue pour accueillir un maximum de dix coupables hors-norme. Pour l’instant, il n’y en avait que cinq, tous des hommes, tous des violeurs ou des tueurs en s?rie. L’un d’eux ?tait Bolton Crutchfield. Jessie repensa ? sa derni?re visite. Elle avait sur le point de partir pour la National Academy, mais elle ne l’avait pas dit ? Crutchfield. Jessie avait rendu r?guli?rement visite ? Crutchfield depuis l’automne dernier, quand elle avait eu la permission de l’interroger dans le cadre de son internat de ma?trise. Selon le personnel de l’?tablissement, Crutchfield n’acceptait presque jamais de parler aux docteurs ou aux chercheurs, mais, pour des raisons que Jessie n’avait comprises que plus tard, il avait accept? de la rencontrer. Les quelques semaines qui avaient suivi, ils ?taient arriv?s ? une sorte d’accord. Il acceptait de parler des d?tails de ses crimes, dont les m?thodes et les motifs, si elle lui r?v?lait quelques d?tails de sa propre vie. ? l’origine, ce march? avait paru honn?te. Apr?s tout, le but de Jessie ?tait de devenir profileuse criminelle sp?cialis?e en tueurs en s?rie. Si l’un d’eux acceptait de d?crire en d?tail ce qu’il avait fait, cela pouvait s’av?rer pr?cieux. De plus, il y avait eu un bonus. Crutchfield avait une capacit? ? la Sherlock Holmes de d?duire des informations, alors qu’il ?tait enferm? dans une cellule de son h?pital psychiatrique. Il pouvait trouver des informations relatives ? la vie de Jessie rien qu’en la regardant. Il avait utilis? cette comp?tence avec les informations des affaires qu’elle lui avait communiqu?es pour lui donner des indices sur plusieurs crimes, dont le meurtre d’une riche philanthrope de Hancock Park. Il lui avait aussi sugg?r? que son propre mari n’?tait peut-?tre pas aussi digne de confiance qu’il le paraissait. Malheureusement pour Jessie, les capacit?s de d?duction de Crutchfield avaient aussi fonctionn? contre elle. Si elle avait voulu rencontrer Crutchfield, c’?tait parce qu’elle avait remarqu? qu’il avait calqu? ses meurtres sur ceux de son p?re, le l?gendaire tueur en s?rie Xander Thurman, qui n’avait jamais ?t? captur?. Cependant, Thurman avait commis ses crimes dans la campagne du Missouri plus de vingt ans auparavant. Cela semblait ?tre un choix irraisonn? et obscur pour un tueur de Californie du Sud. En fait, il s’?tait av?r? que Bolton ?tait un grand fan de Thurman et, quand Jessie avait commenc? ? lui demander pourquoi il s’int?ressait ? ces vieux meurtres, il n’avait pas mis longtemps ? comprendre que la jeune femme qui se tenait devant lui ?tait intimement li?e ? Thurman. Finalement, il avait admis qu’il savait qu’elle ?tait sa fille et il avait r?v?l? une autre chose : il avait rencontr? son p?re deux ans auparavant. D’une voix pleine de joie, il avait inform? Jessie que son p?re ?tait entr? ? l’h?pital d?guis? en docteur et avait r?ussi ? avoir une longue conversation avec le prisonnier. Apparemment, il cherchait sa fille, qui avait chang? de nom et b?n?ficiait du programme de protection des t?moins apr?s que Thurman avait tu? la m?re de Jessie. Thurman soup?onnait que Jessie pourrait rendre visite ? Crutchfield un de ces jours parce que leurs crimes ?taient tr?s similaires. Thurman voulait que Crutchfield l’avertisse si Jessie venait et qu’il lui communique son nouveau nom et son adresse. D?s ce moment-l?, leur relation ?tait devenue si in?gale que Jessie s’?tait sentie extr?mement mal ? l’aise. Crutchfield lui fournissait encore des informations sur ses crimes et des indices sur d’autres, mais ils savaient tous les deux qu’il avait les cartes en main. Il connaissait son nouveau nom. Il savait ? quoi elle ressemblait. Il savait dans quelle ville elle habitait. ? un moment, elle avait d?couvert qu’il savait m?me qu’elle avait habit? chez son amie Lacy et o? se trouvait l’appartement en question. Enfin, apparemment, malgr? son incarc?ration dans un h?pital officiellement plac? sous le sceau du secret, il avait la capacit? de transmettre toutes ces informations au p?re de Jessie. Jessie ?tait quasiment s?re que c’?tait au moins en partie pour cela que Lacy, qui voulait devenir styliste, ?tait partie travailler six mois ? Milan. C’?tait une grande opportunit? mais c’?tait aussi ? des milliers de kilom?tres de la vie dangereuse de Jessie. Quand Jessie sortit de l’autoroute, seulement quelques minutes avant d’arriver ? la DNR, elle se souvint comment Crutchfield avait finalement r?v?l? la menace auparavant tacite qui avait toujours pes? sur leurs rencontres. Peut-?tre ?tait-ce parce qu’il avait senti qu’elle allait partir pour plusieurs mois. Peut-?tre ?tait-ce seulement par m?chancet?. Cependant, la derni?re fois qu’elle avait regard? dans ses yeux perfides, derri?re la vitre, il lui avait inflig? un grand choc. — Je vais avoir une petite conversation avec votre p?re, lui avait-il dit avec son accent du sud raffin?. Je ne veux pas g?cher le suspense en disant quand, mais ?a va ?tre un plaisir, j’en suis tout ? fait certain. ?trangl?e par la peur, Jessie avait tout juste r?ussi ? prononcer un seul mot : — Comment ? — Oh, ne vous souciez pas de ?a, Miss Jessie, avait-il dit sur un ton apaisant. Sachez seulement que, quand nous parlerons, je n’oublierai pas de lui transmettre vos salutations. En entrant sur le parking de l’h?pital, elle se posa la question qui l’avait hant?e depuis cette ?poque, celle qu’elle ne pouvait chasser de sa t?te que quand elle ?tait concentr?e sur un autre travail : avait-il vraiment fait ?a ? Pendant qu’elle ?tait partie apprendre comment attraper des gens comme lui et son p?re, est-ce que ces deux hommes s’?taient vraiment rencontr?s une deuxi?me fois, malgr? toutes les mesures de s?curit? pr?cis?ment con?ues pour emp?cher cette sorte de chose ? Elle avait la sensation que ce myst?re allait ?tre r?solu. CHAPITRE CINQ Entrer dans la DNR ?tait exactement l’exp?rience dont elle se souvenait. Quand elle avait obtenu l’autorisation d’entrer dans l’h?pital ferm? par une porte gard?e, elle ?tait pass?e derri?re le b?timent principal et s’?tait approch?e d’un second b?timent, quelconque et plus petit, qui s’?levait au-del?. C’?tait un b?timent fade d’un ?tage en b?ton et en acier qui s’?levait au milieu d’un parking en terre. Seul le toit ?tait visible derri?re une grande cl?ture en barbel? ? mailles vertes qui entourait le b?timent entier. Elle passa par une deuxi?me porte gard?e pour acc?der ? la DNR. Quand elle se fut gar?e, elle se rendit ? l’entr?e principale ? pied en faisant semblant de ne pas voir les plusieurs cam?ras de s?curit? qui la suivaient ? chaque pas. Quand elle atteignit la porte ext?rieure, elle attendit qu’on la laisse entrer. ? la diff?rence de la premi?re fois o? elle ?tait venue, maintenant, le personnel la reconnaissait et la laissait entrer pour cette raison. Cependant, cela ne concernait que la porte ext?rieure. Quand elle eut travers? une petite cour, elle atteignit l’entr?e principale qui menait ? l’h?pital. Cette entr?e avait d’?paisses portes en verre pare-balles. Jessie passa sa carte d’acc?s et la lumi?re du panneau devint verte. Alors, l’agent de s?curit? qui se trouvait ? son bureau ? l’int?rieur et qui avait vu lui aussi la couleur changer lui ouvrit la porte, ce qui mit fin au processus d’entr?e. Dans un petit vestibule, Jessie attendit que la porte ext?rieure se ferme. D’exp?rience, elle savait que la porte int?rieure ne s’ouvrirait que quand la porte ext?rieure se serait compl?tement referm?e. Quand la porte ext?rieure se verrouilla en produisant un clic audible, l’agent de s?curit? d?verrouilla la porte int?rieure. Jessie entra. ? l’int?rieur, un deuxi?me agent arm? l’attendait. Il r?cup?ra les affaires personnelles de Jessie, qui en avait tr?s peu. Avec le temps, elle avait appris qu’il valait mieux laisser presque tout dans la voiture, qui ne courait aucun risque d’?tre vandalis?e. Le garde proc?da ? une fouille par palpation puis fit signe ? Jessie de passer sous le scanner ? ondes millim?triques de style a?roport, qui afficha un aper?u d?taill? de tout son corps. Quand ce fut fait, on lui rendit ses affaires sans un mot. C’?tait la seule indication qu’elle avait le droit de continuer. — Est-ce que l’inspecteur Gentry m’attend ? demanda-t-elle ? l’inspectrice qui se trouvait derri?re le bureau. La femme leva le regard vers elle d’un air totalement indiff?rent. — Elle sera l? dans un moment. Attendez devant la porte de l’aire transitionnelle de pr?paration. Jessie fit ce qu’on lui ordonnait. L’aire transitionnelle de pr?paration ?tait la pi?ce o? tous les visiteurs se changeaient avant d’interagir avec un patient. Quand ils se retrouvaient ? l’int?rieur, on leur ordonnait de mettre une blouse st?rile grise comme on en voyait dans les h?pitaux, d’enlever tous leurs bijoux et de se retirer toute sorte de maquillage. Comme on en avait d?j? averti Jessie, ces hommes n’avaient pas besoin qu’on les stimule encore plus. Un moment plus tard, l’inspecteur Katherine Gentry, Kat pour les intimes, sortit par la porte de l’aire transitionnelle et salua Jessie. Ce n’?tait pas une beaut?. M?me si, l’?t? dernier, les deux femmes avaient commenc? par s’entendre plut?t mal, maintenant, elles ?taient amies, li?es l’une ? l’autre par leur conscience commune des t?n?bres qui hantaient certaines personnes. Jessie avait fini par avoir tellement confiance en Kat que cette derni?re ?tait une des moins de six personnes au monde ? savoir que Jessie ?tait la fille du bourreau des Ozarks. Quand Kat approcha, Jessie remarqua une fois de plus que la directrice de la s?curit? de la DNR ?tait une dure ? cuire. Physiquement imposante malgr? son m?tre soixante-treize et ses soixante-trois kilos assez communs, elle ?tait presque enti?rement compos?e de muscles et d’une volont? de fer. Ex-ranger de l’arm?e am?ricaine qui avait fait deux p?riodes de service en Afghanistan, elle portait le souvenir de ces jours-l? au visage, qui ?tait constell? par des br?lures d’?clats d’obus et portait une longue cicatrice qui commen?ait juste au-dessous de l’?il gauche et descendait le long de la joue. Ses yeux gris ?valuaient compl?tement et rationnellement tout ce qu’elle voyait pour d?terminer si c’?tait une menace. Visiblement, elle ne consid?rait pas que Jessie en soit une. Elle fit un sourire et la serra fermement dans ses bras. — ?a fait un bail, dame du FBI, dit-elle avec enthousiasme. Quand elle fut soumise ? l’?treinte ?nergique de Kat, Jessie eut le souffle coup? et ne parla quand son amie la l?cha. — Je ne suis pas agente du FBI, rappela-t-elle ? Kat. C’?tait juste une formation. Je suis encore affili?e ? la Police de Los Angeles. — Peu importe, dit Kat avec d?dain. Tu es all?e ? Quantico, tu as travaill? avec les autorit?s de ton secteur d’activit? et tu as appris les myst?rieuses techniques du FBI. Si je veux dire que tu es une dame du FBI, je le ferai. — Si tu ne me casses pas la colonne vert?brale en deux, tu peux m’appeler tout ce que tu veux. — Certes, mais je ne crois pas que je pourrais encore te briser en deux, fit remarquer Kat. Tu as l’air plus forte qu’avant. J’imagine qu’ils ne se sont pas content?s d’entra?ner ton cerveau pendant ton s?jour. — Six jours par semaine, lui dit Jessie. De nombreuses courses sur piste, ? obstacles, de l’auto-d?fense et de la formation au maniement des armes. Ils m’ont vraiment remise en forme ? coups de pieds dans le cul. — Faut-il que je m’en inqui?te ? demanda Kat en faisant semblant d’?tre pr?occup?e, reculant et levant les bras comme pour se d?fendre. — Je ne crois pas que je pourrais ?tre une menace pour toi, admit Jessie, mais j’ai vraiment l’impression que je pourrais interroger un suspect sans danger, ce qui n’?tait vraiment pas le cas auparavant. Quand j’y repense, je me dis que j’ai de la chance d’avoir surv?cu ? quelques-unes de mes derni?res rencontres. — C’est formidable, Jessie, dit Kat. Peut-?tre devrions-nous nous entra?ner un de ces jours, faire quelques rounds, juste pour que tu gardes la forme. — Si par quelques rounds tu entends aller tirer sur cible, je te suis. Autrement, je crois que je vais me reposer un peu. L?-bas, je courais, je me battais et je faisais des tas d’autres choses de ce type tous les jours. — Je retire tout, dit Kat. Tu es encore la m?me trouillarde qu’avant. — Ah, voil? la vraie Kat Gentry que j’ai appris ? conna?tre et ? aimer. Je savais bien que, si tu ?tais la premi?re personne que je voulais voir en revenant en ville, c’?tait parce qu’il y avait une raison. — Je suis flatt?e, dit Kat, mais je crois que nous savons toutes les deux que je ne suis pas la personne que tu es vraiment venue voir. Veux-tu qu’on arr?te de tourner du pot et qu’on y aille ? Jessie hocha la t?te et suivit Kat dans l’aire transitionnelle de pr?paration, dont la st?rilit? et le silence eurent raison de leur gaiet?. * Quinze minutes plus tard, apr?s avoir effectu? un d?briefing sur les quelques derniers mois qui avaient ?t? ?tonnamment pauvres en ?v?nements, les deux femmes sortirent du bureau de Kat et cette derni?re fit passer Jessie par la porte qui reliait l’aile de s?curit? de la DNR ? certaines des personnes les plus dangereuses de la plan?te. Kat apprit ? Jessie que, d?s que Crutchfield l’avait menac?e en lui disant qu’il allait bient?t rencontrer son p?re, la s?curit? d?j? s?v?re avait encore ?t? accrue. L’h?pital avait ajout? des cam?ras de s?curit? suppl?mentaires et impos? encore plus de v?rifications d’identit? aux visiteurs. Il n’y avait aucune preuve que Xander Thurman ait essay? de rendre visite ? Crutchfield, dont les seuls visiteurs avaient ?t? le docteur qui venait tous les mois pour v?rifier sa sant?, le psychiatre auquel il ne parlait presque jamais, un officier de la Police de Los Angeles qui esp?rait, en vain comme il s’av?ra par la suite, que Crutchfield lui communiquerait des informations sur une vieille affaire sur laquelle il travaillait et son avocat commis d’office, qui ne venait que pour s’assurer que personne ne le torturait. Crutchfield parlait tout juste ? ces gens-l?. Selon Kat, il n’avait pas parl? de Jessie au personnel, m?me pas ? Ernie Cortez, l’officier amical qui supervisait ses douches hebdomadaires. C’?tait comme si Jessie n’existait pas. Elle se demanda s’il ?tait en col?re contre elle. — Je sais que tu te souviens de la marche ? suivre, dit Kat alors qu’elles se tenaient devant la porte de s?curit?, mais, comme ?a remonte ? quelques mois, r?visons juste les proc?dures de s?curit? par pr?caution. On n’approche pas du prisonnier. On ne touche pas la cloison en verre. Je sais que tu ne tiendras pas compte de celle-l? mais, officiellement, tu ne dois pas communiquer d’informations personnelles. Compris ? — Oui, dit Jessie, qui ?tait heureuse que Kat lui fasse ces rappels, car ils l’aidaient ? se mettre dans le bon ?tat d’esprit. Kat passa son badge devant le lecteur et adressa un hochement de t?te ? la cam?ra qui se trouvait au-dessus de la porte. ? l’int?rieur, quelqu’un les fit entrer. Jessie fut imm?diatement submerg?e par le d?cha?nement d’activit? des plus ?tonnants qui r?gnait ? l’int?rieur. Au lieu des quatre agents de s?curit? habituels, il y en avait six. En plus, il y avait trois hommes en uniforme d’ouvrier qui ?voluaient munis de plusieurs ?quipements divers. — Que se passe-t-il ? demanda-t-elle. — Oh, j’ai oubli? de pr?ciser que nous allions recevoir quelques nouveaux r?sidents vers mercredi. Les dix cellules seront toutes occup?es. Donc, nous v?rifions que les ?quipements de surveillance des cellules vides fonctionnent correctement. Nous avons aussi augment? le nombre d’agents de s?curit? ? chaque p?riode : le jour, il y aura six agents au lieu de quatre, sans me compter, et quatre la nuit au lieu de trois. — ?a a l’air … risqu?, dit Jessie avec diplomatie. — J’?tais contre, admit Kat, mais le Comt? avait besoin de loger ces d?tenus et nous avions des cellules disponibles. Je n’y pouvais rien. Jessie hocha la t?te et regarda autour d’elle. Les ?l?ments fondamentaux de l’endroit ne semblaient pas avoir chang?. Cette unit? ?tait con?ue comme une roue avec un centre de commande au milieu et des rayons qui s’?tendaient dans chaque direction et menaient aux cellules des d?tenus. Actuellement, il y avait six officiers dans l’espace maintenant bond? du centre de commande, qui ressemblait au poste infirmier d’un h?pital extr?mement affair?. Il y avait quelques nouveaux visages mais Jessie en connaissait la plupart, dont Ernie Cortez. Ernie ?tait un homme immense qui mesurait environ deux m?tres et pesait cent-treize kilos de muscles. Il avait dans les trente ans et ses cheveux coup?s court commen?aient juste ? grisonner un peu. Quand il vit Jessie, il lui fit un grand sourire. — La ch?rie de Vogue, appela-t-il en utilisant le surnom affectueux qu’il lui avait donn? lors de leur premi?re rencontre, quand elle ?tait arriv?e et qu’il avait essay? de la s?duire en lui sugg?rant de devenir mannequin. Elle l’avait fait taire tr?s vite, mais il ne semblait pas lui en vouloir. — Comment ?a va, Ernie ? demanda-t-elle en lui rendant son sourire. — Tu le sais : comme d’habitude. Je m’assure que les p?dophiles, les violeurs et les assassins se tiennent droit. Et toi ? — Pas grand changement, dit-elle en d?cidant de ne pas d?tailler ses activit?s des quelques derniers mois en pr?sence de tant de personnes inconnues. — Alors, maintenant que tu as eu quelques mois pour te remettre de ton divorce, ?a te dirait de passer un peu de bon temps avec Ernster ? Je pr?vois d’aller ? Tijuana ce week-end. — Ernster ? r?p?ta Jessie sans parvenir ? se retenir de rire. — Ben quoi ? dit-il en faisant semblant d’?tre sur la d?fensive. C’est un surnom comme un autre. — Je suis d?sol?e, Ernster, mais je suis quasiment s?re que je vais avoir des choses ? faire ce week-end. Amuse-toi bien au ja? ala?. Ach?te-moi des Chiclets, d’accord ? — Hou l?, r?pondit-il en se prenant la poitrine comme si elle venait de lui tirer une fl?che dans le c?ur. Tu sais, les grands gar?ons ont des sentiments, eux aussi. Nous sommes aussi, tu sais … de grands gar?ons. — Allez, Cortez, interrompit Kat, ?a suffit. Tu vas me faire vomir et Jessie a du travail. — M?chante, marmonna Ernie dans sa barbe en se retournant vers le moniteur qui se trouvait devant lui. Malgr? ses paroles, son ton sugg?rait qu’il n’avait pas le c?ur bris?. Kat fit signe ? Jessie de la suivre dans le rayon de la roue qui contenait la cellule de Crutchfield. — N’oublie pas ?a, dit-elle en lui tendant le petit porte-cl? avec le bouton rouge au milieu, qui servait aux cas d’urgence et que Jessie consid?rait comme une sorte de bou?e de sauvetage num?rique. Si Crutchfield la manipulait et si elle voulait quitter la pi?ce sans qu’il sache quel impact il avait sur elle, elle devait appuyer sur le bouton en gardant l’appareil cach? dans la main. Cela alerterait Kat, qui pourrait lui faire quitter la pi?ce pour une raison officielle enti?rement fallacieuse. Jessie ?tait quasiment s?re que Crutchfield connaissait l’existence de cet appareil, mais elle ?tait quand m?me contente de l’avoir. Elle saisit le porte-cl?, adressa un hochement de t?te ? Kat pour lui indiquer qu’elle ?tait pr?te ? entrer et inspira profond?ment. Kat ouvrit la porte et Jessie entra. Apparemment, Crutchfield avait pr?vu son arriv?e. Debout ? seulement quelques centim?tres de la paroi en verre qui coupait la pi?ce en deux, il lui faisait un grand sourire. CHAPITRE SIX Il fallut une seconde ? Jessie pour arracher son regard aux dents de travers de Crutchfield et pour ?valuer la situation. Au premier abord, il n’avait pas l’air d’avoir beaucoup chang?. Il avait encore les cheveux blonds coup?s tr?s court. Il portait encore la m?me blouse st?rile cyan obligatoire. Il avait encore un visage l?g?rement plus grassouillet qu’on ne s’y serait attendu chez un homme d’environ un m?tre soixante-douze et soixante-huit kilos. Cela lui donnait plus l’air d’avoir vingt-cinq ans que les trente-cinq qu’il avait r?ellement. De plus, il avait encore ces yeux marron inquisiteurs, presque traqueurs. Ils ?taient la seule chose qui sugg?rait que l’homme qui se tenait face ? Jessie avait tu? au moins dix-neuf personnes sinon deux fois plus. La cellule n’avait pas chang? non plus. Elle ?tait petite et ?quip?e d’un lit ?troit sans draps viss? au mur du fond. Il y avait un petit bureau avec une chaise attach?e dans le coin du fond ? droite, ? c?t? d’un petit lavabo en m?tal. Derri?re le lavabo, on voyait des toilettes avec une porte coulissante en plastique qui fournissait un tout petit peu d’intimit?. — Miss Jessie, ronronna-t-il doucement. Quelle surprise de vous voir ici. — Pourtant, vous ?tes debout comme si vous vous attendiez ? ce que j’arrive maintenant, r?pliqua Jessie, qui ne voulait pas donner ? Crutchfield le moindre avantage. Elle avan?a et s’assit sur la chaise qui se trouvait derri?re un petit bureau de son c?t? de la vitre. Kat prit sa position habituelle, debout dans le coin de la pi?ce, pr?te ? tout. — J’ai senti changer l’?nergie de cet h?pital, r?pondit-il avec un accent de la Louisiane aussi prononc? que toujours. L’air m’a paru plus doux et j’ai cru entendre un oiseau gazouiller dehors. — D’habitude, vous ne prodiguez pas autant de flatteries, remarqua Jessie. Voulez-vous me dire ce qui vous a mis d’humeur ? faire tous ces compliments ? — Rien de particulier, Miss Jessie. Un homme ne peut-il pas appr?cier la petite joie que lui procure l’arriv?e inopin?e d’un visiteur ? La fa?on dont il pronon?a sa derni?re phrase mit les sens de Jessie en alerte, comme s’il y avait eu un sens cach?. Elle resta assise sans parler pendant un moment pour se donner la possibilit? de r?fl?chir sans se fixer de limite temporelle. Elle savait que Kat lui permettrait de mener l’interrogatoire comme elle le voudrait. Quand elle examina les mots de Crutchfield dans sa t?te, elle se rendit compte qu’ils pouvaient avoir plus d’un sens. — Quand vous parlez de visiteurs inattendus, parlez-vous de moi, M. Crutchfield ? Il la regarda fixement pendant plusieurs secondes sans parler. Finalement, lentement, le sourire grand et peu sinc?re qu’il avait au visage se d?forma pour donner naissance ? une version plus malveillante et plus cr?dible. — Nous n’avons pas ?tabli les r?gles de base de cette visite, dit-il en tournant soudain le dos ? Jessie. — Je pense que les jours de ce genre de n?gociation sont pass?s depuis longtemps, n’est-ce pas, M. Crutchfield ? demanda-t-elle. Comme nous nous connaissons depuis assez longtemps, nous pouvons parler simplement, n’est-ce pas ? Crutchfield repartit au lit attach? au mur du fond de la cellule et s’assit dessus, le visage l?g?rement cach? dans la p?nombre, maintenant. — Mais comment puis-je ?tre certain que vous serez aussi ouverte que vous voudriez que je le sois ? demanda-t-il. — Depuis que vous avez ordonn? ? vos larbins de d?foncer la porte de l’appartement de mon amie, qui a eu si peur qu’elle en a encore des probl?mes de sommeil, je ne suis pas s?re que vous ayez enti?rement gagn? ma confiance ou que vous m’ayez donn? envie d’?tre conciliante. — Vous me rappelez cet incident, dit-il, mais vous oubliez de pr?ciser que je vous ai aid?e plus d’une fois ? r?soudre des affaires aussi bien professionnelles que personnelles. J’ai compens? chacune de mes soi-disant indiscr?tions en vous fournissant des informations qui se sont av?r?es pr?cieuses pour vous. Tout ce que je vous demande, c’est de m’assurer que ce dialogue nous sera profitable ? tous les deux. Jessie le regarda fixement en essayant de d?terminer ? quel point elle pourrait se permettre d’?tre conciliante tout en conservant une distance professionnelle. — Que recherchez-vous exactement ? — Pour l’instant ? Rien que votre compagnie, Miss Jessie. Je pr?f?rerais que vous ne soyez pas si distante. Votre derni?re visite remonte ? soixante-seize jours. Un homme moins confiant que moi pourrait s’offenser d’une absence aussi longue. — OK, dit Jessie. Je promets de vous rendre visite plus r?guli?rement. En fait, je ferai mon possible pour passer au moins une autre fois cette semaine. Qu’en pensez-vous ? — C’est un d?but, r?pondit-il sans s’engager. — Excellent. Dans ce cas, revenons ? ma question. Vous avez dit que vous appr?ciiez de voir arriver des visiteurs inattendus. Est-ce que vous parliez de moi ? — Miss Jessie, bien que j’appr?cie ?norm?ment votre compagnie, je dois vous avouer que je parlais effectivement de quelqu’un d’autre. Jessie sentit Kat se crisper dans le coin derri?re elle. — Et de qui parlez-vous ? demanda-t-elle d’une voix ?gale. — Je pense que vous le savez. — J’aimerais que vous me le disiez, insista Jessie. Bolton Crutchfield se leva une fois de plus, maintenant plus visible en pleine lumi?re, et Jessie vit qu’il tournait sa langue dans sa bouche comme si c’?tait un poisson sur une canne ? p?che et qu’il jouait avec. — La derni?re fois que nous avons parl?, je vous ai assur? que j’aurais une autre conversation avec votre p?re. — Et l’avez-vous eue ? — Tout ? fait, r?pondit-il avec autant de d?sinvolture que s’il lui avait dit quel temps il faisait. Quand je lui ai transmis vos salutations, il m’a demand? de vous transmettre les siennes. Jessie l’observa attentivement et chercha une trace de mensonge sur son visage. — Vous avez parl? ? Xander Thurman, confirma-t-elle ? nouveau, dans cette pi?ce, pendant les onze derni?res semaines ? — Oui. Jessie savait que Kat avait terriblement envie de poser ses propres questions pour essayer de confirmer la v?racit? de sa d?claration et de trouver comment cela avait pu se produire. Cependant, pour Jessie, c’?tait moins important et elle pourrait y penser plus tard. Elle ne voulait pas que la conversation soit d?voy?e. Donc, elle poursuivit avant que son amie ait pu dire quoi que ce soit. — De quoi avez-vous parl? ? demanda-t-elle en essayant de ne pas s’exprimer d’un ton trop cat?gorique. — Eh bien, nous avons d? rester assez ?nigmatiques pour ne pas r?v?ler sa v?ritable identit? ? ceux qui nous ?coutaient, mais nous avons surtout parl? de vous, Miss Jessie. — De moi ? — Oui. Vous vous souvenez peut-?tre que nous avions bavard?, lui et moi, il y a deux ou trois ans de cela et qu’il m’avait averti que vous pourriez me rendre visite un jour, mais sous un autre nom que celui qu’il vous avait donn?, celui de Jessica Thurman. Jessie tressaillit involontairement quand elle entendit le nom qu’elle n’avait entendu prononcer ? voix haute que par elle-m?me au cours des vingt derni?res ann?es. Elle savait qu’il avait vu sa r?action, mais elle n’y pouvait rien. Crutchfield sourit d’un air entendu et poursuivit. — Il voulait savoir comment sa fille, qu’il avait perdue de vue depuis si longtemps, se portait. Il ?tait int?ress? par toutes sortes d’informations : votre profession, l’endroit o? vous habitez, ce ? quoi vous ressemblez maintenant, votre nouveau nom. Il tient ?norm?ment ? vous retrouver, Miss Jessie. Pendant qu’il parlait, Jessie s’ordonna d’inspirer et d’expirer lentement. Elle se rappela qu’il fallait qu’elle d?crispe son corps et qu’elle fasse tout son possible pour avoir l’air calme, m?me si c’?tait une fa?ade. Il fallait qu’elle lui pose sa prochaine question d’un air imperturbable. — Lui avez-vous communiqu? tout ou partie de ces informations ? — Rien qu’une, dit-il espi?glement. — Et laquelle ?tait-ce ? — O? le c?ur aime, l? est le foyer, dit-il. — Qu’est-ce que ?a veut dire, bon sang ? demanda-t-elle, sentant son c?ur battre soudain plus vite. — Je lui ai communiqu? l’emplacement de l’endroit que vous consid?rez comme votre chez-soi, dit-il d’un ton neutre. — Vous lui avez donn? mon adresse ? — Je n’ai pas ?t? aussi pr?cis. Pour ?tre honn?te, je ne connais pas votre adresse exacte, malgr? tous les efforts que j’ai d?ploy?s pour la d?couvrir, mais j’en sais assez pour qu’il vous retrouve s’il est intelligent. Or, comme nous le savons tous les deux, Miss Jessie, votre p?re est tr?s intelligent. Jessie d?glutit avec difficult? et se retint de lui hurler dessus. Il r?pondait encore ? ses questions et elle avait besoin de lui soutirer autant d’informations que possible avant qu’il ne s’arr?te. — Dans ce cas, dans combien de temps viendra-t-il frapper ? ma porte ? — Cela d?pendra du temps qu’il lui faudra pour faire ses d?ductions, dit Crutchfield en haussant les ?paules de fa?on exag?r?e. Comme je l’ai dit, il a fallu que je sois un peu ?nigmatique. Si j’avais ?t? trop pr?cis, cela aurait envoy? des avertissements aux gens qui surveillent toutes mes conversations. Cela n’aurait pas ?t? productif. — Pourquoi ne me dites-vous pas exactement ce que vous lui avez dit ? Comme ?a, je pourrai pr?voir par moi-m?me quand il sera susceptible de venir. — Eh bien, ?a serait beaucoup moins dr?le, Miss Jessie ! Je vous appr?cie beaucoup, mais cela me semblerait ?tre un avantage d?raisonnable. Il faut que nous donnions sa chance ? cet homme. — Sa chance ? r?p?ta Jessie, incr?dule. Sa chance de faire quoi ? D’avoir une longueur d’avance pour m’?ventrer plus vite, comme il l’a fait ? ma m?re ? — Allons, cela n’est pas juste, r?pondit-il, semblant devenir plus calme ? mesure que Jessie s’agitait. Il aurait pu le faire dans cette cabane couverte de neige, il y a toutes ces ann?es, mais il ne l’a pas fait. Dans ce cas, pourquoi supposez-vous qu’il vous voudrait du mal maintenant ? Peut-?tre qu’il veut juste emmener sa petite demoiselle passer la journ?e ? Disneyland. — Vous m’excuserez si je ne suis gu?re tent?e de lui accorder le b?n?fice du doute, cracha-t-elle. Ce n’est pas un jeu, Bolton. Vous voulez que je revienne vous voir ? Pour le faire, il faut que je sois en vie. Je ne serai pas tr?s causante si votre mentor d?coupe votre copine pr?f?r?e en morceaux. — Deux choses, Miss Jessie : d’abord, je comprends que ces nouvelles vous bouleversent, mais je pr?f?rerais que vous ne me parliez pas de fa?on aussi famili?re. Quand vous m’appelez par mon pr?nom, c’est non seulement peu professionnel, mais c’est aussi inconvenant de votre part. Jessie bouillit en silence. Alors qu’il ne lui avait pas encore dit la deuxi?me chose, elle savait qu’il ne comptait pas lui r?v?ler ce qu’elle voulait. Pourtant, elle resta silencieuse et se mordit litt?ralement la langue, esp?rant qu’il change d’avis. — Ensuite, poursuivit-il, appr?ciant visiblement de la voir souffrir, bien que j’appr?cie votre compagnie, n’imaginez pas que vous ?tes mon amie pr?f?r?e. N’oublions pas l’inspecteur Gentry qui se tient derri?re vous, toujours vigilante. C’est un v?ritable ange, un ange rance et pourri. Comme je le lui ai dit ? plus d’une occasion, quand je quitterai cet endroit, je lui donnerai mes adieux de fa?on sp?ciale, si vous me comprenez. Donc, je vous en prie, n’essayez pas de faire comme si vous ?tiez ma pr?f?r?e. — Je … commen?a Jessie en esp?rant le faire changer d’avis. — Je crains bien que nous n’en ayons termin?, dit-il s?chement. Alors, il se retourna, alla dans la minuscule alc?ve de la cellule qui contenait les toilettes et tira la cloison en plastique pour mettre fin ? la conversation. CHAPITRE SEPT Jessie tournait tout le temps la t?te pour d?tecter toute chose ou personne extraordinaire. Quand elle retourna chez elle en suivant le m?me itin?raire que plus t?t dans la journ?e, toutes les mesures de s?curit? dont elle avait ?t? si fi?re quelques heures auparavant lui parurent tristement inappropri?es. Cette fois-ci, elle s’attacha les cheveux en chignon et se les cacha sous une casquette de base-ball et sous la capuche d’un sweat qu’elle avait achet? en revenant de Norwalk. Elle avait mis son petit sac ? dos devant elle pour qu’il lui prot?ge la poitrine. Malgr? le suppl?ment d’anonymat que des lunettes de soleil auraient pu fournir, elle n’en porta pas de peur qu’elles ne r?duisent son champ de vision. Kat avait promis de regarder la vid?o de toutes les visites r?centes de Crutchfield pour voir s’ils avaient laiss? passer quelque chose. Elle avait ?galement dit que, m?me si elle habitait dans la lointaine cit? d’Industry, elle ram?nerait son amie dans le centre de Los Angeles pour qu’elle puisse rentrer chez elle sans danger, en supposant qu’elle puisse attendre la fin de la journ?e pour cela. Jessie avait poliment d?clin? sa proposition. — Je ne vais pas me d?placer partout avec une garde arm?e, avait-elle insist?. — Pourquoi pas ? avait demand? Kat en ne plaisantant qu’? moiti?. Maintenant, alors que Jessie marchait dans le couloir qui menait ? son appartement, elle se demandait si elle n’aurait pas d? accepter la proposition de son amie. Elle se sentait particuli?rement vuln?rable avec le sac de commissions qu’elle portait dans les bras. Le hall ?tait d’un silence de mort et elle n’avait vu personne depuis qu’elle ?tait entr?e dans l’immeuble. Avant qu’elle n’ait pu s’en d?barrasser, une id?e folle lui vint en t?te : son p?re avait tu? tous les occupants de son ?tage pour ne pas avoir de complications quand il s’occuperait d’elle. La lumi?re de son judas ?tait verte, ce qui lui donna un peu d’assurance quand elle ouvrit la porte et regarda aux deux extr?mit?s du vestibule au cas o? quelqu’un aurait voulu lui bondir dessus. Personne ne le fit. Quand elle fut ? l’int?rieur, elle alluma les lumi?res puis verrouilla tout avant de d?sactiver les deux alarmes. Imm?diatement apr?s, elle r?activa l’alarme principale en mode ‘pr?sence’ pour pouvoir se d?placer dans l’appartement sans d?clencher les d?tecteurs de mouvement. Elle posa le sac de courses sur le plan de travail de la cuisine et fouilla l’appartement matraque en main. Avant de partir pour Quantico, elle avait demand? et obtenu un permis de port d’arme et, quand elle irait travailler demain, elle ?tait cens?e r?cup?rer son arme au poste. Une partie d’elle-m?me se dit qu’elle aurait d? la r?cup?rer quand elle ?tait pass?e prendre son courrier plus t?t dans l’apr?s-midi. Quand elle fut finalement convaincue que l’appartement ?tait sans danger, elle commen?a ? ranger ses commissions, laissant le sashimi qu’elle avait achet? attendre ? temp?rature ambiante jusqu’au d?ner au lieu de sortir une pizza. Le sushi de supermarch? un lundi soir, pour aider une c?libataire ? se sentir sp?ciale dans une grande ville, il n’y a pas mieux. L’id?e la fit glousser bri?vement puis elle se souvint que Crutchfield avait donn? le chemin de son appartement ? son p?re tueur en s?rie. Ce n’?tait peut-?tre pas un itin?raire complet mais, d’apr?s ce que Crutchfield avait dit, cela lui suffirait pour la retrouver un jour. La grande question ?tait : quand ce jour arriverait-il ? * Une heure et demie plus tard, Jessie tapait dans un sac lourd et la transpiration lui coulait sur le corps. Quand elle avait fini son sushi, elle s’?tait sentie f?brile et clo?tr?e et elle avait d?cid? de se d?barrasser de ses frustrations de fa?on constructive ? la salle de gymnastique. Elle n’avait jamais ?t? une obs?d?e de l’entra?nement physique mais, pendant qu’elle avait ?t? ? la National Academy, elle avait fait une d?couverte inattendue. Quand elle s’entra?nait jusqu’? l’?puisement, il ne lui restait aucun espace int?rieur pour l’anxi?t? et la peur qui pesaient tant sur elle le reste du temps. Si elle l’avait su dix ans auparavant, elle aurait pu s’?pargner des milliers de nuits blanches, m?me celles o? elle avait dormi mais en faisant des cauchemars sans fin. Cela aurait ?galement pu lui ?pargner quelques s?ances chez sa th?rapeute, le Dr Janice Lemmon, psychologue m?dico-l?gale justement renomm?e. Le Dr Lemmon ?tait une des rares personnes ? tout savoir sur le pass? de Jessie. Elle avait apport? une aide pr?cieuse ? Jessie au cours de ces derni?res ann?es. Cependant, ces temps-ci, elle se remettait d’une greffe de rein et ne reprendrait le travail que dans plusieurs semaines. Jessie ?tait tent?e de penser qu’elle pouvait se passer compl?tement de ses visites chez le Dr Lemmon mais, m?me si l’entra?nement physique pouvait revenir moins cher comme th?rapie, elle savait qu’elle aurait forc?ment besoin d’aller voir le docteur quelques fois dans l’avenir. Tout en entamant une s?rie de petits coups secs, elle se rappela comment, avant son voyage ? Quantico, elle s’?tait souvent r?veill?e couverte de sueur, la respiration lourde, en essayant de se rappeler qu’elle ?tait en s?curit? ? Los Angeles, pas dans une petite cabane des montagnes Ozarks du Missouri, attach?e ? une chaise, en train de regarder le sang s’?couler goutte ? goutte du cadavre de sa m?re qui gelait lentement. Si seulement cela n’avait ?t? qu’un r?ve, ?a aussi ! Seulement, c’?tait enti?rement r?el. Quand elle avait eu six ans et que le couple que formaient ses parents avait connu des turbulences, son p?re les avait emmen?es, elle et sa m?re, dans sa cabane isol?e. L?-bas, il leur avait r?v?l? qu’il enlevait, torturait et tuait des gens depuis des ann?es. Ensuite, il avait fait subir le m?me sort ? sa propre ?pouse, Carrie Thurman. Il avait menott? sa femme aux poutres du plafond de la cabane et lui avait donn? des coups de couteau de temps ? autre tout en for?ant Jessie, qui s’appelait alors Jessica Thurman, ? regarder la sc?ne. Il avait attach? Jessie ? une chaise et lui avait scotch? les paupi?res avant d’?ventrer sa femme pour de bon. Alors, il avait utilis? le m?me couteau pour faire une grande entaille ? la clavicule de sa propre fille, de son ?paule gauche au bas de son cou. Apr?s ?a, il avait tout simplement quitt? la cabane. Seulement trois jours plus tard, en hypothermie et sous le choc, Jessie avait ?t? retrouv?e par deux chasseurs qui passaient l? par hasard. Quand elle s’?tait remise, elle avait racont? toute l’histoire ? la police et au FBI. Cependant, ? ce stade-l?, son p?re avait disparu depuis longtemps et tout espoir de le retrouver s’?tait ?vanoui avec lui. Jessica avait ?t? plac?e en protection des t?moins ? Las Cruces, chez les Hunt. Jessica Thurman ?tait devenue Jessie Hunt et avait entam? une nouvelle vie. Jessie secoua la t?te pour se d?barrasser de ses souvenirs, passant de ses petits coups secs ? des coups de genou visant l’aine de l’attaquant. Elle accueillit volontiers la douleur qu’elle ressentit au quadriceps quand elle envoya son genou vers le haut. ? chaque coup, l’image de la peau p?le et sans vie de sa m?re s’effa?ait un peu plus. Alors, un autre souvenir lui vint en t?te, celui de son ex-mari, Kyle, qui l’avait attaqu?e dans leur propre maison en essayant de la tuer et de la faire accuser du meurtre de sa ma?tresse. Elle ressentit presque la douleur cinglante du tisonnier qu’il avait enfonc? dans le c?t? gauche de son abdomen. La douleur physique de ce moment n’avait ?t? ?gal?e que par l’humiliation qu’elle ressentait encore quand elle se souvenait qu’elle avait pass? dix ans ? vivre avec un sociopathe sans jamais s’en rendre compte. Apr?s tout, elle ?tait cens?e ?tre experte en d?tection de ces sortes de gens. Jessie chassa ses pens?es une fois de plus, esp?rant oublier sa honte en donnant au sac une s?rie de coups de coude pr?s de l’endroit o? la m?choire d’un assaillant devait se trouver. Ses ?paules commen?aient ? se plaindre, mais elle continua ? taper sur le sac, sachant que son esprit serait bient?t trop fatigu? pour ?tre boulevers?. C’?tait la partie d’elle-m?me qu’elle ne s’?tait pas attendue ? d?couvrir au FBI : la teigneuse physique. Malgr? l’appr?hension ordinaire qu’elle avait ressentie ? son arriv?e, elle avait soup?onn? qu’elle se d?brouillerait bien du point de vue acad?mique. Apr?s tout, elle venait de passer les trois ann?es pr?c?dentes dans cet environnement, plong?e dans la psychologie criminelle. Et elle avait eu raison. Les cours de droit, de criminalistique et de terrorisme ne lui avaient pos? aucun probl?me. M?me le s?minaire sur le comportementalisme, dont les instructeurs ?taient ses h?ros et qu’elle avait anticip? avec anxi?t?, lui avait sembl? parfaitement clair. C’?tait pendant les cours de forme physique, et en particulier de formation ? l’auto-d?fense, qu’elle s’?tait ?tonn?e le plus. Ses instructeurs lui avaient montr? que, avec un m?tre soixante-dix-sept et soixante-cinq kilos, elle avait la taille n?cessaire pour affronter la plupart des coupables si elle ?tait correctement pr?par?e ? le faire. Certes, elle n’aurait jamais les comp?tences en combat au corps-?-corps d’un ex-v?t?ran des Forces Sp?ciales comme Kat Gentry mais, quand elle avait quitt? la formation, elle avait ?t? s?re qu’elle pourrait se d?fendre dans la plupart des situations. Jessie arracha ses gants et passa au tapis de course. Quand elle jeta un coup d’?il ? la pendule, elle vit qu’il allait bient?t ?tre vingt heures. Elle d?cida qu’une bonne course de huit kilom?tres l’?puiserait assez pour qu’elle puisse passer la nuit sans faire de cauchemars. C’?tait une priorit?, car elle reprenait le travail le lendemain et elle savait que tous ses coll?gues allaient la taquiner en s’attendant ? ce qu’elle soit devenue une sorte de super-h?ros du FBI. Elle r?gla le temps ? quarante minutes, pr?voyant de se forcer ? compl?ter les huit kilom?tres en consacrant cinq minutes ? chaque kilom?tre. Alors, elle monta le volume de sa musique. Quand les quelques premi?res secondes de ‘Killer’ de Seal commenc?rent ? r?sonner dans ses oreilles, son esprit se vida et elle ne se concentra plus que sur la t?che qu’elle avait ? accomplir dans les quarante minutes suivantes. Elle ne pensait ni au titre de la chanson (‘Tueur’) ni aux souvenirs personnels qu’il risquait de r?veiller. Il n’y avait plus que le rythme et ses jambes qui battaient en harmonie avec lui sur le tapis de course. C’?tait un ?tat aussi proche de la paix int?rieure que Jessie Hunt pouvait en conna?tre. CHAPITRE HUIT Eliza Longworth se pr?cipita vers la porte de devant de Penny aussi rapidement que possible. Il ?tait presque huit heures du matin, heure ? laquelle leur professeure de yoga arrivait habituellement. Elle avait pass? une nuit en grande partie blanche. Ce n’?tait qu’aux premi?res lueurs du matin qu’elle avait eu la sensation de savoir ce qu’il fallait qu’elle fasse. Quand elle avait pris sa d?cision, Eliza avait senti un poids lui tomber des ?paules. Elle avait envoy? un SMS ? Penny pour lui dire que cette longue nuit lui avait permis de r?fl?chir et de comprendre qu’elle avait mis trop h?tivement fin ? leur amiti?. Selon elle, il fallait qu’elles suivent le cours de yoga et, ensuite, quand leur professeure, Beth, serait partie, elles pourraient essayer de trouver un moyen de r?soudre le probl?me. Penny n’avait pas r?pondu, mais Eliza avait d?cid? d’aller quand m?me au cours. Quand elle atteignit la porte de devant, elle vit Beth remonter la route tortueuse du quartier r?sidentiel et lui fit signe de la main. — Penny ! cria-t-elle en frappant ? la porte. Beth est l?. Est-ce qu’on fait encore le yoga ? Comme elle n’entendit aucune r?ponse, elle sonna ? la porte et agita le bras devant la cam?ra. — Penny, puis-je entrer ? Il faudrait qu’on parle un instant avant que Beth arrive. Aucune r?ponse et Beth ?tait seulement ? cent m?tres. Eliza d?cida d’entrer. Elle savait o? Penny gardait sa cl? secr?te mais essaya quand m?me de pousser la porte. Elle ?tait d?verrouill?e. Eliza entra en laissant la porte ouverte pour Beth. — Penny, appela-t-elle, tu as laiss? la porte d?verrouill?e. Beth arrive. As-tu re?u mon SMS ? Est-ce qu’on peut parler en priv? une minute avant de commencer ? Elle entra dans le vestibule et attendit. Il n’y avait toujours pas de r?ponse. Elle entra dans le salon o? elles faisaient d’habitude leurs s?ances de yoga. Il ?tait vide, lui aussi. Elle allait se rendre dans la cuisine quand Beth entra. — Me voici, mesdames ! appela-t-elle de la porte de devant. — Salut, Beth, dit Eliza en se retournant pour l’accueillir. La porte ?tait d?verrouill?e mais Penny ne r?pond pas. Je ne sais pas ce qui se passe. Elle s’est peut-?tre r?veill?e en retard ou elle est dans la salle de bains ou ailleurs. Je vais aller voir ? l’?tage. Servez-vous quelque chose ? boire si vous voulez. Je suis s?re que ?a ne prendra qu’une minute. — Pas de probl?me, dit Beth. Mon client de neuf heures trente a annul?. Je ne suis pas press?e. Dites-lui de prendre son temps. — OK, dit Eliza en commen?ant ? monter ? l’escalier. J’en ai pour une minute. Elle ?tait environ ? mi-chemin entre le rez-de-chauss?e et le premier ?tage quand elle se demanda si elle n’aurait pas d? prendre l’ascenseur. La chambre principale ?tait au troisi?me ?tage et elle n’?tait pas tr?s heureuse de devoir monter si haut. Cependant, avant qu’elle ait eu le temps d’y r?fl?chir, elle entendit un hurlement venir d’en bas. — Que se passe-t-il ? cria-t-elle en faisant demi-tour pour redescendre ? toute vitesse. — D?p?chez-vous ! cria Beth. Oh mon Dieu, d?p?chez-vous ! Sa voix venait de la cuisine. Quand Eliza arriva en bas de l’escalier, elle se mit ? courir, traversa le salon en toute h?te et passa le coin. Sur le carrelage style espagnol de la cuisine, Penny gisait dans une grande mare de sang. Elle avait les yeux ouverts de terreur et le corps tordu par une sorte de spasme horrible de la mort. Eliza se pr?cipita vers son amie la plus ancienne et la plus ch?re et glissa sur le liquide ?pais en approchant. Elle perdit pied et atterrit violemment par terre, le corps entier barbotant dans le sang. Essayant de ne pas avoir de haut-le-c?ur, elle rampa vers Penny et posa les mains sur la poitrine de son amie. Malgr? les v?tements qu’elle portait, elle ?tait froide, et pourtant, Eliza la secoua comme si cela pouvait la r?veiller. — Penny, supplia-t-elle, r?veille-toi. Son amie ne r?pondit pas. Eliza leva le regard vers Beth. — Savez-vous faire un massage cardiaque ? demanda-t-elle. — Non, dit la jeune femme d’une voix tremblante en secouant la t?te, mais je pense que c’est trop tard. Sans tenir compte de sa r?ponse, Eliza essaya de se souvenir du cours de massage cardiaque qu’elle avait suivi plusieurs ann?es auparavant. Il avait ?t? consacr? aux enfants mais les m?mes principes ?taient s?rement valables. Elle ouvrit la bouche ? Penny, pencha sa t?te en arri?re, lui pin?a le nez et souffla violemment dans la gorge de son amie. Alors, elle s’installa ? califourchon sur Penny, mit une main sur l’autre avec les paumes vers le bas et appuya fortement de la main sur le sternum de Penny. Elle le fit une deuxi?me fois puis une troisi?me en essayant de suivre une sorte de rythme. — Oh, mon Dieu, entendit-elle marmonner Beth. — Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle durement en levant les yeux pour voir ce qui se passait. — Quand vous appuyez sur elle, du sang suinte de sa poitrine. Eliza baissa les yeux. C’?tait vrai. Chaque compression provoquait un ?coulement lent de sang par ce qui semblait ?tre de grandes entailles pratiqu?es dans la poitrine de Penny. Eliza releva les yeux. — Appellez le SAMU ! cria-t-elle alors qu’elle savait que c’?tait inutile. * Contre toute attente, Jessie se sentit nerveuse et arriva t?t au travail. Avec toutes les pr?cautions de s?curit? suppl?mentaires qu’elle avait mises en place, elle avait d?cid? de partir vingt minutes en avance pour son premier jour de travail depuis trois mois pour ?tre s?re d’arriver avant neuf heures du matin, qui ?tait l’heure que le capitaine Decker lui avait donn?e. Cependant, elle avait d? apprendre ? n?gocier plus vite les tournants et les escaliers cach?s, car il lui fallut moins longtemps que pr?vu pour arriver au Poste de Police Central. Alors qu’elle allait du parking ? l’entr?e principale du poste, elle regardait partout, cherchant quoi que ce soit qui sorte de l’ordinaire, mais, ? ce moment-l?, elle se souvint de la promesse qu’elle s’?tait faite ? elle-m?me juste avant de s’endormir la veille au soir. Elle n’accepterait pas que la menace que constituait son p?re lui g?che la vie. Elle ne savait absolument pas si Bolton Crutchfield avait communiqu? des informations vagues ou pr?cises ? son p?re. Elle n’?tait m?me pas s?re que Crutchfield lui ait dit la v?rit?. Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait pas faire grand-chose de plus que ce qu’elle faisait d?j?. Kat Gentry v?rifiait les vid?os des visites re?ues par Crutchfield. Jessie vivait dans une sorte de bunker. Elle allait r?cup?rer son arme officielle aujourd’hui. En dehors de ?a, il fallait qu’elle vive sa vie. Autrement, elle deviendrait folle. Elle se dirigea vers la salle principale du poste, craignant la r?ception qu’elle allait recevoir apr?s une absence aussi prolong?e. De plus, la derni?re fois qu’elle avait ?t? l?, elle n’avait ?t? qu’une consultante en profilage junior et en int?rim. Maintenant, elle n’?tait plus en int?rim et, m?me si, techniquement, elle ?tait encore consultante, elle ?tait pay?e par la Police de Los Angeles et b?n?ficiait de tous les avantages correspondants, dont l’assurance maladie, chose dont elle avait grandement besoin comme le prouvaient ses exp?riences r?centes. Quand elle entra dans la grande zone de travail centrale, qui se composait de dizaines de bureaux s?par?s par de simples plaques en li?ge, elle inspira et attendit. Cependant, rien ne se produisit. Personne ne parla. En fait, personne ne semblait m?me avoir remarqu? son arriv?e. Certains ?tudiaient des dossiers la t?te baiss?e. D’autres ?taient concentr?s sur les gens qui ?taient assis en face d’eux et qui ?taient, dans la plupart des cas, des t?moins ou des suspects menott?s. Elle se sentit l?g?rement d??ue. Pire encore, elle se sentit idiote. Je m’attendais ? quoi ? ? une parade ? Ce n’?tait pas comme si elle avait gagn? le mythique Prix Nobel de la r?solution de crimes. Elle ?tait all?e s’entra?ner chez le FBI pendant deux mois et demi. C’?tait tr?s cool, mais personne n’allait l’applaudir pour autant. Elle s’engagea discr?tement dans le labyrinthe de bureaux et passa devant des inspecteurs avec lesquels elle avait d?j? travaill?. Callum Reid, environ quarante-cinq ans, arr?ta de lire son fichier et leva les yeux. Quand il adressa un hochement de t?te ? Jessie, ses lunettes lui tomb?rent presque du front, sur lequel il les avait relev?es. Alan Trembley, la vingtaine, dont les m?ches blondes ?taient aussi emm?l?es que d’habitude, portait lui aussi des lunettes, mais il les portait sur l’ar?te du nez pendant qu’il interrogeait attentivement un homme plus ?g? qui semblait ?tre ivre. Quand Jessie passa devant lui, il ne la regarda m?me pas. Elle atteignit son bureau, qui ?tait tellement en ordre que c’en ?tait embarrassant, posa sa veste et son sac ? dos et s’assit. Ce faisant, elle vit Garland Moses sortir lentement de la salle de repos caf? en main et commencer ? monter les escaliers pour rejoindre le bureau qu’il avait au deuxi?me ?tage et qui ?tait en fait un placard ? balais. Cela semblait ?tre un espace de travail plut?t d?cevant pour le profileur criminel le plus c?l?bre de la Police de Los Angeles, mais Moses ne semblait pas s’en formaliser. En fait, peu de choses retenaient son attention. ? plus de soixante-dix ans, si ce profileur l?gendaire travaillait encore comme consultant pour la section, c’?tait surtout pour lutter contre l’ennui et il pouvait quasiment faire ce qu’il voulait. Ex-agent du FBI, il avait d?m?nag? sur la c?te ouest ? la retraite mais quelqu’un l’avait convaincu de fournir des services de profilage ? la section. Il avait accept? si on lui permettait de choisir ses affaires et de travailler le nombre d’heures qu’il voulait. Avec ses ant?c?dents, personne n’avait soulev? d’objection et rien n’avait chang? depuis. Avec sa tignasse de cheveux blancs en bataille, sa peau tann?e et un style vestimentaire qui devait remonter ? 1981, il avait la r?putation d’?tre bourru dans le meilleur des cas et carr?ment maussade dans le pire des cas. Cependant, Jessie avait eu une seule interaction importante avec lui et, ? cette occasion, si elle ne l’avait pas trouv? chaleureux, elle avait au moins constat? qu’il aimait bavarder. Elle aurait voulu lui poser plus de questions mais craignait encore un peu de s’adresser directement ? lui. Quand il monta les marches en tra?nant les pieds et disparut hors de la vue de Jessie, cette derni?re jeta un coup d’?il autour d’elle. Elle cherchait Ryan Hernandez, l’inspecteur avec lequel elle avait travaill? le plus souvent et qu’elle aurait presque ?t? tent?e de consid?rer comme son ami. R?cemment, ils avaient m?me commenc? ? s’appeler par leurs pr?noms, ce qui ?tait un progr?s immense dans la police. En fait, ils s’?taient rencontr?s en des circonstances non-professionnelles, quand son professeur avait invit? Hernandez ? intervenir dans son cours de psychologie criminelle de troisi?me cycle lors du dernier semestre que Jessie avait pass? ? UC-Irvine l’automne dernier. Il avait pr?sent? une ?tude de cas que, de toute la classe, seule Jessie avait r?ussi ? r?soudre. Plus tard, elle avait appris qu’elle ?tait seulement la deuxi?me personne ? avoir jamais trouv? la solution. Apr?s ?a, ils ?taient rest?s en contact. Elle l’avait appel? pour lui demander de l’aide quand elle avait commenc? ? se m?fier de son mari mais avant qu’il n’ait essay? de la tuer. Ensuite, quand elle ?tait revenue au centre de Los Angeles, elle avait ?t? nomm?e au Poste de Police Central, o? il ?tait lui-m?me. Ils avaient travaill? sur plusieurs affaires ensemble, dont le meurtre de Victoria Missinger, la philanthrope de la haute soci?t?. C’?tait en grande partie parce que Jessie avait d?couvert l’identit? du tueur qu’elle avait b?n?fici? du respect qui lui avait permis d’assister ? la formation du FBI, chose qui n’aurait pas ?t? possible sans l’exp?rience et les instincts de Ryan Hernandez. En fait, il avait si bonne r?putation qu’il avait ?t? assign? ? une unit? sp?ciale de la section Vol-Homicide qui s’appelait la Section Sp?ciale Homicide, ou SSH. Les agents de cette section ?taient sp?cialis?s en affaires ? profil ?lev? qui ?veillaient beaucoup l’int?r?t des m?dias ou du public. En g?n?ral, cela comprenait les incendies criminels, les meurtres ? plusieurs victimes, les meurtres de personnes c?l?bres et, bien s?r, les tueurs en s?rie. De plus, Jessie devait admettre qu’il ?tait tout ? fait fr?quentable m?me quand il n’enqu?tait pas. Ils s’entendaient bien, comme s’ils se connaissaient depuis beaucoup plus que six mois. ? quelques occasions, ? Quantico, quand Jessie s’?tait d?tendue, elle s’?tait demand?e si les choses auraient pu ?tre diff?rentes s’ils s’?taient rencontr?s dans d’autres circonstances. Cependant, ? cette ?poque-l?, Jessie avait encore ?t? mari?e et Hernandez et son ?pouse ?taient ensemble depuis plus de six ans. Alors, le capitaine Roy Decker ouvrit la porte de son bureau et sortit. Grand, maigre et presque chauve ? l’exception de quelques cheveux ?pars, Decker n’avait pas encore soixante ans mais avait l’air beaucoup plus ?g? que ?a, avec son visage rid? au teint cireux qui sugg?rait qu’il vivait sous un stress permanent. Son nez se terminait en pointe et ses petits yeux ?taient en alerte, comme s’il ?tait toujours en chasse, comme le supposait Jessie. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=51922666&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.