Êàê ÷àñòî ÿ âèæó êàðòèíêó òàêóþ Âîî÷èþ, èëè îíà òîëüêî ñíèòñÿ: Äâå äåâî÷êè-ãåéøè î ÷¸ì-òî òîëêóþò, Çàáûâ, ÷òî äàâíî èì ïîðà ðàñõîäèòüñÿ. Íà óëèöå ò¸ìíîé âñå äâåðè çàêðûòû. Ëåíèâîå ïëàìÿ â ôîíàðèêå ñîííîì… À äåâî÷êè-ãåéøè êàê áóäòî çàáûòû Äâóìÿ îãîíüêàìè â ïðîñòðàíñòâå áåçäîííîì. Íó ÷òî âàì íå ñïèòñÿ, ïðåêðàñíûå ãåéøè? Âåäü äàæå ñâåð÷êè íåóìîë÷íû

Le Don du Combat

Le Don du Combat Morgan Rice L'anneau Du Sorcier #17 L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s imm?diat : intrigue, contre-intrigue, myst?re, de vaillants chevaliers, des relations s’?panouissant remplies de c?urs bris?s, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra ? tous les ?ges. Recommand? pour les biblioth?ques de tous les lecteurs de fantasy. Books and Movie Review, Roberto Mattos (? propos de la Qu?te des H?ros) LE DON DU COMBAT (Tome 17) est le final de la s?rie bestseller de L’ANNEAU DU SORCIER, qui a d?but? avec LA QUETE DES HEROS (Tome 1) ! Dans LE DON DU COMBAT, Thor rencontre son plus grand et dernier d?fi, tandis qu’il s’aventure plus profond?ment dans la Terre du Sang pour tenter de secourir Guwayne. Rencontrant des adversaires plus puissants qu’il n’aurait pu l’imaginer, Thor prend rapidement conscience qu’il affronte une arm?e de t?n?bres, une contre laquelle ses pouvoirs ne font pas le poids. Quand il apprend qu’un objet sacr? pourrait lui donner le pouvoir dont il besoin – un objet qui a ?t? tenu secret pendant une ?ternit? – il doit s’embarquer dans une derni?re qu?te pour le r?cup?rer avant qu’il ne soit trop tard, avec le destin de l’Anneau pesant dans la balance. Gwendolyn tient sa promesse faite au Roi de la Cr?te, entre dans la Tour se confronte au chef du culte pour apprendre le secret qu’il dissimule. La r?v?lation l’envoie vers Argon, et en fin de compte au ma?tre d’Argon – o? elle apprend le plus grand des secrets, un qui pourrait changer le destin de son peuple. Quand la Cr?te est d?couverte par l’Empire, l’invasion commence et, attaqu?s par la plus grande des arm?es connues, il ?choit ? Gwendolyn de la d?fendre, et de mener pour un dernier exode de masse. Les fr?res de L?gion de Thor, seuls, font face ? des risques inimaginables, tandis qu’Ange est en train de succomber ? sa l?pre. Darius se bat pour sa vie aux c?t?s de son p?re dans la capitale de l’Empire, jusqu’? ce qu’un d?veloppement inattendu le pousse, sans plus rien ? perdre, ? finalement exploiter ses propres pouvoirs. Erec et Alistair atteignent Volusia, se battant pour se frayer un chemin pour remonter la rivi?re, et ils poursuivent leur qu?te pour Gwendolyn et les exil?s, tandis qu’ils font face ? des batailles inopin?es. Et Godfrey r?alise qu’il doit, en fin de compte, prendre une d?cision pour ?tre l’homme qu’il veut ?tre. Volusia, encercl?e par tous les pouvoirs des Chevaliers des Sept, doit se soumettre ? un test en tant que d?esse et d?couvrir si elle seule a le pouvoir d’?craser les hommes et diriger l’Empire. Pendant qu’Argon, qui fait face ? la fin de ses jours, r?alise que le temps est venu de se sacrifier. Tandis que le bien et le mal p?sent dans la balance, une derni?re bataille ?pique – la plus grande de toutes – d?terminera l’issue de l’Anneau pour toujours. Avec un univers ?labor? et des personnages sophistiqu?s, LE DON DU COMBAT est un r?cit ?pique d’amis et d’amants, de rivaux et de pr?tendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations, de passage ? l’?ge adulte, de c?urs bris?s, de d?ceptions, d’ambition et de trahisons. C’est une histoire d’honneur et de courage, de sort et de destin?e, de sorcellerie. C’est un ouvrage de fantasy qui nous emm?ne dans un monde inoubliable, et qui plaira ? tous. LE DON DU COMBAT est le plus long des livres de la s?rie, avec 93. 000 mots ! Et la nouvelle s?rie ?pique de fantasy de Morgan Rice, LE REVEIL DES DRAGONS (ROIS ET SORCIERS – Tome 1) est aussi disponible ! Rempli d’action… L’?criture de Rice est respectable et la pr?misse intrigante. – PublishersWeekly (? propos de La Qu?te des H?ros) Morgan Rice Le don du combat (Tome 17 de l’Anneau du Sorcier) ? propos de Morgan Rice Morgan Rice est l'auteur ? succ?s n°1 et l'auteur ? succ?s chez USA Today de la s?rie d'?pop?es fantastiques L'ANNEAU DU SORCIER, qui compte dix-sept tomes, de la s?rie ? succ?s n°1 SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, qui compte onze tomes (pour l'instant), de la s?rie ? succ?s n°1 LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique qui contient deux tomes (pour l'instant) et de la nouvelle s?rie d'?pop?es fantastiques ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en ?dition audio et papier, et des traductions sont disponibles en plus de 25 langues. Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc n'h?sitez pas ? visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, des cadeaux gratuits, t?l?charger l'appli gratuite, lire les derni?res nouvelles exclusives, vous connecter ? Facebook et ? Twitter, et rester en contact ! S?lection de critiques pour Morgan Rice « L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s imm?diat : intrigue, contre-intrigue, myst?re, de vaillants chevaliers, des relations s’?panouissant remplies de c?urs bris?s, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra ? tous les ?ges. Recommand? pour les biblioth?ques de tous les lecteurs de fantasy. »     --Books and Movie Review, Roberto Mattos « [Un ouvrage] de fantasy ?pique et distrayant. »     --KirkusReviews « Le d?but de quelque chose de remarquable ici. »     --San Francisco Book Review « Rempli d’action… L’?criture de Rice est respectable et la pr?misse intrigante. »     --PublishersWeekly « [Un livre de] fantasy entrainant… Seulement le commencement de ce qui promet d’?tre une s?rie pour jeunes adultes ?pique. »     --Midwest Book Review Du m?me auteur Livres de Morgan Rice DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRIERE, REINE (Tome n°1) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome n°1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome n°2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4) UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5) LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome 1) LA MARCHE DES ROIS (Tome 2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3) UN CRI D'HONNEUR (Tome 4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5) UN PRIX DE COURAGE (Tome 6) UN RITE D'?P?ES (Tome 7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome 8) UN CIEL DE SORTIL?GES (Tome 9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10) UN R?GNE D'ACIER (Tome 11) UNE TERRE DE FEU (Tome 12) UNE LOI DE REINES (Tome 13) UN SERMENT FRATERNEL (Tome 14) UN R?VE DE MORTELS (Tome 15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16) LE DON DE BATAILLE (Tome 17) TRILOGIE DES RESCAP?S AR?NE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1) AR?NE DEUX (Tome n°2) SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE TRANSFORM?E (Tome n°1) AIM?E (Tome n°2) TRAHIE (Tome n°3) PR?DESTIN?E (Tome n°4) D?SIR?E (Tome n°5) FIANC?E (Tome n°6) VOU?E (Tome n°7) TROUV?E (Tome n°8) REN?E (Tome n°9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n°10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11) OBSESSION (Tome n°12) ?coutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio ! Copyright © 2014 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi des ?tats-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv?, sous licence, ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres personnes. Si vous voulez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet? ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, vous ?tes pri? de le renvoyer et d’acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright Photosani, utilis?e en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. ? Jake Maynard. Un v?ritable guerrier. « Tu viens ? moi avec une ?p?e, une lance et un javelot— Mais je viens ? toi avec le Nom du Seigneur, Ma?tre de L?gions, Dieu des bataillons. »     – David ? Goliath     I Samuel, 17:45 CHAPITRE UN Thorgrin, debout sur le navire qui tanguait violemment, regarda devant lui et lentement, horrifi?, commen?a ? prendre conscience de ce qu’il venait juste de faire. Sous le choc, il baissa les yeux sur ses propres mains, serrant encore l’?p?e du Mort, puis releva le regard pour voir, ? seulement quelques dizaines de centim?tres, le visage de son meilleur ami, Reece, qui le d?visageait, les yeux ?carquill?s ? cause de la douleur et de la trahison. Les mains de Thor tremblaient fortement, tandis qu’il r?alisait qu’il avait tout juste poignard? son meilleur ami au torse, et qu’il le regardait mourir sous ses yeux. Thor n’arrivait pas ? comprendre ce qu’il s’?tait pass?. Pendant que le navire ? se tourner et retourner, les courants continuaient ? le pousser ? travers le D?troit de la Folie, jusqu’? ce que finalement, ils ?mergent de l’autre c?t?. Les courants se calm?rent, le bateau se stabilisa, et les ?pais nuages commenc?rent ? se lever tandis qu’en une derni?re acc?l?ration, ils arriv?rent dans les eaux calmes. Quand ils l’eurent fait, le brouillard qui enveloppait l’esprit de Thor se leva, et il commen?a ? sentir son ancien soi, ? voir de nouveau le monde avec clart?. Il contempla Reece devant lui, et son c?ur se brisa quand il se rendit compte qu’il ne s’agissait pas du visage d’un ennemi, mais celui de son meilleur ami. Il r?alisa lentement ce qu’il avait fait, r?alisa qu’il avait ?t? sous l’emprise de quelque chose de plus grand que lui-m?me, un esprit de folie qu’il ne pouvait pas contr?ler, qui l’avait forc? ? commettre cet acte horrible. « Non ! » cria Thorgrin, la voix cass?e par l’angoisse. Thor retira l’?p?e du Mort de la poitrine de son meilleur ami, et ce faisant, Reece haleta et commen?a ? s’effondrer. Thor jeta l’?p?e, ne voulant plus poser les yeux dessus, et elle atterrit avec un bruit sourd sur le pont, tandis que Thor tombait ? genoux et rattrapait Reece, le tenant dans ses bras, d?termin? ? le sauver. « Reece ! » s’?cria-t-il, accabl? par la culpabilit?. Thor tendit la main et appuya sa paume contre la blessure, pour essayer de stopper le saignement. Mais il pouvait sentir le sang chaud courir ? travers ses doigts, pouvait sentir la vie de Reece s’?couler hors de lui pendant qu’il le tenait dans ses bras. Elden, Matus, Indra et Ange se pr?cipit?rent en avant, eux aussi, enfin lib?r?s des griffes de leur folie, et ils se rassembl?rent autour. Thor ferma les yeux et pria de toutes ses forces que son fr?re revienne ? lui, que lui, Thor, se voie accord? une chance de rectifier son erreur. Thor entendit des bruits de pas, et leva les yeux pour voir Selese accourir, le teint plus p?le que jamais, les yeux embras?s par une lueur venue d’un autre monde. Elle tomba ? genoux devant Reece, le prit dans ses bras, et quand elle le fit, Reece le laissa partir, en voyant la lumi?re qui l’englobait, et en se souvenant de ses pouvoirs en tant que gu?risseuse. Selese regarda Thor, les yeux br?lant intens?ment. « Seul toi peux le sauver », dit-elle urgemment. « Place ta main sur sa blessure, maintenant ! » ordonna-t-elle. Thor tendit le bras et posa sa paume sur le torse de Reece, et ce faisant, Selese posa sa main par-dessus la sienne. Il pouvait sentir la chaleur et le pouvoir courir ? travers sa paume, sur sa main, et ? l’int?rieur de la blessure de Reece. Elle ferma les yeux et commen?a ? fredonner, et Thor sentit une vague de chaleur s’?lever dans le corps de son ami. Thor pria de toutes ses forces pour que son fr?re revienne ? lui, pour qu’il soit pardonn? pour cette folie qui l’avait conduit ? faire cela. Pour le plus grand soulagement de Thor, Reece ouvrit doucement les yeux. Il cilla et regarda vers le ciel, puis s’assit lentement. Thor observa, stup?fait, Reece battre des paupi?res, et baissa les yeux sur sa plaie : elle ?tait compl?tement gu?rie. Thor ?tait sans voix, boulevers?, admiratif face aux pouvoirs de Selese. « Mon fr?re ! » s’?cria Thor. Il tendit les bras et l’?treignit, et Reece, d?sorient?, l’enla?a lentement en retour, tandis que Thor l’aidait ? se remettre sur pieds. « Tu es vivant ! » s’exclama Thor, osant ? peine y croire, serrant son ?paule. Thor pensa ? toutes les batailles dans lesquelles ils avaient ?t? impliqu?s ensemble, ? toutes leurs aventures, et il n’aurait pu supporter l’id?e de le perdre. « Et pourquoi ne le serais-je pas ? », dit Reece en clignant des yeux, confus. Il regarda tout autour de lui les visages interrogatifs de la L?gion, et parut perplexe. Les autres s’avanc?rent et l’?treignirent, un par un. Pendant que les autres approchaient, Thor parcourut les environs du regard, fit le point, et se rendit soudain compte,  avec horreur, que quelqu’un manquait : O’Connor. Thor se pr?cipita jusqu’au bastingage et chercha fr?n?tiquement dans les eaux, se rappelant qu’O’Connor, ? l’apog?e de sa folie, avait bondi du navire dans les courants tumultueux. « O’Connor ! » hurla-t-il. Les autres se h?t?rent ? ses c?t?s et scrut?rent les eaux, eux aussi. Thor gardait les yeux fix?s vers le bas, et tendit le cou pour regarder vers le D?troit, dans les eaux en furie, ?paisses de sang – et ce faisant, il vit O’Connor, qui se d?battait, en train d’?tre emport? juste au bord du D?troit. Thor ne perdit pas de temps ; il r?git instinctivement et sauta sur le bastingage, puis plongea t?te la premi?re par-dessus bord, dans la mer. Submerg?, surpris par sa chaleur, Thor sentit combien cette eau ?tat ?paisse, dense, comme s’il nageait dans du sang. Nager dans l’eau, qui ?tait si chaude, ?tait comme nager dans de la boue. Il fallut toute la force de Thor pour progresser ? travers l’eau visqueuse, jusqu’? la surface. Il braqua son regard vers O’Connor, qui commen?ait ? couler, et il pouvait voir la panique dans ses yeux. Il pouvait aussi voir, alors qu’O’Connor passait la fronti?re avec la haute mer, la folie commencer ? le quitter. Cependant, alors qu’il se d?menait, il commen?ait ? couler, et Thor sut que s’il ne l’atteignait pas bient?t, il sombrerait au fond du D?troit et ne serait jamais retrouv?. Thor redoubla d’efforts, nageant de toutes ses forces, malgr? la douleur intense et l’?puisement qu’il ressentait dans ses ?paules. Et pourtant, juste quand il se rapprochait, O’Connor commen?a ? s’enfoncer dans l’eau. Thor eut une pouss?e d’adr?naline en voyant son ami dispara?tre sous la surface, et sut que c’?tait maintenant ou jamais. Il se jeta en avant, plongea sous l’eau, et donna un grand coup de pied. Il nagea sous l’eau, luttant pour ouvrir les yeux et voir ? travers l’?pais liquide ; il ne le pouvait pas. Ils piquaient trop. Thor ferma les yeux et fit appel ? son instinct. Il invoqua une part profonde en lui qui pouvait voir sans regarder. Avec un autre mouvement d?sesp?r?, Thor tendit les bras, t?tonnant dans les eaux devant lui, et sentit quelque chose : une manche. Ravi, il empoigna O’Connor et le tint fermement, stup?fait par son poids tandis qu’il coulait. Thor tira avec force tout en se retournant et, de toutes ses forces, visa ? remonter ? la surface. Il ?tait ? l’agonie, chaque muscle de son corps protestait, tandis qu’il battait des jambes et nageait vers la libert?. Les eaux ?taient si denses, maintenaient tant de pression, ses poumons paraissaient ?tre sur le point d’exploser. ? chaque coup de sa main, il avait l’impression de tirer l’univers. Juste quand il pensait qu’il n’y arriverait jamais, qu’il sombrerait ? nouveau dans les ab?mes avec O’Connor et mourrait ici dans ce lieu terrible, Thor fit soudain surface. Haletant, il se tourna, regarda tout autour o? il ?tait et vit, avec soulagement, qu’ils avaient ?merg? de l’autre c?t? du D?troit de la Folie, dans les eaux libres. Il vit la t?te d’O’Connor appara?tre ? c?t? de lui et remarqua que, lui aussi, chercher ? reprendre sa respiration, et son soulagement fut complet. Thor observa la folie quitter son ami et la lucidit? lentement revenir dans ses yeux. O’Connor battit des paupi?res plusieurs fois, toussant et recrachant l’eau, puis il regarda Thor d’un air interrogateur. « Que faisons-nous ici ? » demanda-t-il, confus. « O? sommes-nous ? » « Thorgrin ! » s’?cria une voix. Thor entendit un bruit d’?claboussure, se tourna et vit une corde lourde atterrir dans l’eau ? c?t? de lui. Il leva les yeux et vit Ange debout l?, rejointe par les autres au bastingage du navire, qui avait fait demi-tour pour les rejoindre. Thor l’agrippa, empoigna O’Connor avec l’autre main, et quand il l’eut fait la corde bougea, Elden la saisit et avec sa grande force les tira tous deux le long de la coque. Les autres membres de la L?gion se joignirent ? lui et tir?rent, un coup ? la fois, jusqu’? ce que Thor sente qu’il s’?levait dans les airs et, enfin, par-dessus bord. Ils atterrirent tous deux sur le pont du navire avec un bruit sourd. Thor, ext?nu?, ? court de souffle, recrachant encore de l’eau de mer, s’?tala sur le pont ? c?t? d’O’Connor ; ce dernier se tourna et regarda vers lui, ?galement ?reint?, et Thor put voir de la reconnaissance dans ses yeux. Il pouvait voir qu’O’Connor le remerciait. Aucun mot n’avait besoin d’?tre prononc? – Thor comprenait. Ils avaient un code silencieux. Ils ?taient fr?res de L?gion. Se sacrifier les uns pour les autres ?tait ce qu’ils faisaient. C’?tait ce pour quoi ils vivaient. Soudain, O’Connor se mit ? rire. Au premier abord Thor fut inquiet, se demandant si la folie pesait encore sur lui, mais ensuite il se rendit compte qu’O’Connor allait bien. Il ?tait simplement ? nouveau lui-m?me. Il riait de soulagement, riait de joie d’?tre en vie. Thor commen?a ? rire, lui aussi, le stress ?tait derri?re lui, et tous les autres se joignirent ? eux. Ils ?taient en vie ; contre toute attente, ils ?taient en vie. Les autres membres de la L?gion s’avanc?rent, empoign?rent O’Connor et Thor et les remirent sur pieds. Ils se serr?rent tous la main, s’?treignirent gaiement, leur navire, enfin, entra dans des eaux dont la navigation s’annon?ait douce. Thor regarda au loin et vit avec soulagement qu’ils s’?loignaient de plus en plus du D?troit, et la lucidit? les envahissait tous. Ils avaient r?ussi ; ils ?taient pass?s ? travers le D?troit, bien qu’? un prix lourd. Thor ne pensait pas qu’ils pourraient survivre ? une autre travers?e. « L? ! » s’?cria Matus. Thor se tourna avec les autres et suivit son doigt du regard tandis qu’il montrait – et il fut stup?fait par la vue s’offrant ? eux. Il vit un tout nouveau panorama s’?tendre devant eux ? l’horizon, un nouveau paysage dans cette Terre du Sang. C’?tait une perspective pleine d’obscurit?, avec des nuages sombres qui s’attardaient bas ? l’horizon, l’eau ?tait encore ?paisse de sang – et pourtant ? pr?sent, le contour du rivage ?tait plus proche, plus visible. Il ?tait noir, d?pourvu d’arbres ou de vie, ressemblait ? des cendres et de la boue. Le rythme cardiaque de Thor s’acc?l?ra quand, au loin, il rep?ra un ch?teau noir, fait de ce qui semblait ?tre de la terre, des cendres et de la boue, s’?levant du sol comme s’il faisait un avec lui. Thor pouvait sentir le mal qui en ?manait. Un ?troit canal menait au ch?teau, sur ses rives ?taient align?s des flambeaux, et il ?tait bloqu? par un pont-levis. Thor vit les torches br?lant aux fen?tres du ch?teau, et il ?prouva une soudaine certitude : de tout son c?ur, il savait que Guwayne ?tait ? l’int?rieur, et l’attendait. « Pleines voiles ! » s’?cria Thor, qui sentait qu’il reprenait le contr?le, avec un nouvel objectif. Ses fr?res se mirent en action, hiss?rent les voiles tandis qu’ils prenaient la brise forte qui se levait derri?re eux et les propulsait en avant. Pour la premi?re fois depuis qu’ils avaient p?n?tr? dans la Terre du Sang, Thor ressentit de l’optimisme, qu’ils pourraient vraiment trouver son fils et le sauver de l?. « Je suis heureuse que tu sois en vie », dit une voix. Thor pivota et baissa les yeux pour voir Ange lui sourire, tirant sur sa chemise. Il sourit, s’agenouilla ? c?t? d’elle, et l’enla?a. « Tout comme moi pour toi », r?pondit-il. « Je ne comprends pas ce qui s’est pass? », dit-elle. « ? un moment j’?tais moi-m?me, et le suivant…c’?tait comme si je ne me reconnaissais plus. » Thor secoua lentement la t?te, tentant d’oublier. « La folie est le pire des ennemis », r?pondit-il. « Nous sommes nous-m?mes  des ennemis que nous ne pouvons vaincre. » Elle fron?a les sourcils, soucieuse. « Cela se reproduira-t-il ? » demanda-t-elle. « Y a-t-il quelque chose d’autre dans cet endroit qui soit similaire ? » le questionna-t-elle, la peur dans la voix tandis qu’elle examinait l’horizon. Thor le scruta, lui aussi, se demandant la m?me chose lui aussi – quand bien trop rapidement, ? sa grande ?pouvante, la r?ponse se jeta sur eux. Un incroyable bruit d’?claboussure s’?leva, comme le bruit d’une baleine faisant surface, et Thor fut stup?fait de voir la cr?ature la plus hideuse qu’il ait jamais vue ?merger devant lui. Elle ressemblait ? un monstrueux calmar, de quinze m?tres de haut, rouge vif, de la couleur du sang, et elle se profila par-dessus le bateau tandis qu’elle jaillissait des eaux avec ses innombrables tentacules de neuf m?tres de long, dont des dizaines s’?tiraient dans toutes les directions. Ses per?ants yeux jaunes les fusillaient du regard, emplis de fureur, tandis que son ?norme gueule, dans laquelle s’alignaient des crocs jaunes et aiguis?s, s’ouvrait avec un son r?pugnant. La cr?ature occultait le peu de lumi?re que le ciel sombre permettait d’avoir, et elle poussa un hurlement per?ant, surnaturel, tout en commen?ant ? fondre sur eux, les tentacules ?cart?s, pr?te ? d?vorer le navire tout entier. Thor la contempla avec terreur, pris dans son ombre avec tous les autres, et il sut qu’ils ?taient pass?s d’une mort certaine ? une autre. CHAPITRE DEUX Le commandant de l’Empire cravacha encore et encore son zerta tout en galopant ? travers la Grande D?solation, suivant la piste, comme il l’avait fait pendant des jours, sur le sol du d?sert. Derri?re lui, ses hommes chevauchaient, haletants, sur le point de s’effondrer, car il ne leur avait pas laiss? un instant pour se reposer durant tout le temps qu’ils avaient avanc? – m?me pendant la nuit. Il savait comment pousser les zertas au maximum – et il savait comment mener les hommes, aussi. Il n’avait aucune piti? pour lui-m?me, et il n’en avait certainement pas pour ses hommes. Il voulait qu’ils soient insensibles ? l’?puisement, ? la chaleur et au froid – en particulier quand ils ?taient sur une mission aussi sacr?e que celle-l?. Apr?s tout, si la piste menait r?ellement l? o? il esp?rait – vers la l?gendaire Cr?te elle-m?me – cela pourrait changer le sort tout entier de l’Empire. Le commandant plongea ses talons dans le dos du zerta jusqu’? ce qu’il hurle, le for?ant ? aller encore plus vite, jusqu’? ce qu’il tr?buche presque sur lui-m?me. Il plissa les yeux dans le soleil, scrutant les traces tout en progressant. Il avait suivi bien des pistes dans sa vie, et avait tu? bien des personnes ? leur fin – pourtant il n’avait jamais suivi de piste aussi captivante que celle-l?. Il pouvait sentir combien il ?tait proche de la plus grande d?couverte de l’histoire de l’Empire. Son nom serait comm?mor?, chant? pendant des g?n?rations. Ils gravirent une cr?te dans le d?sert, et il commen?a ? entendre un faible bruit s’?lever, comme un orage couvant ; il regarda au loin quand ils l’eurent franchie, s’attendant ? voir une temp?te de sable venant dans leur direction, et il fut choqu?, ? la place, de rep?rer un mur de sable stationnaire, ? une centaine de m?tres, s’?levant droit du sol vers les cieux, tournoyant et tourbillonnant, comme une tornade sur place. Il s’arr?ta, ses hommes ? c?t? de lui, et observa, curieux, car elle ne semblait pas bouger. Il ne pouvait comprendre. C’?tait un mur de sable faisant rage, mais il ne se rapprochait pas. Il se demanda ce qui se trouvait de l’autre c?t?. D’une certaine mani?re, il le sentait, c’?tait la Cr?te. « Votre piste s’ach?ve », dit un de ses soldats avec d?rision. « Nous ne pouvons pas passer ? travers ce mur », dit un autre. Le commandant secoua lentement la t?te, les sourcils fronc?s avec conviction. « Et si une contr?e s’?tend de l’autre c?t? de ce sable ? » r?torqua-t-il. « De l’autre c?t? ? » demanda un soldat. « Vous ?tes fou. Ce n’est rien qu’un nuage de sable, une ?tendue aride sans fin, comme le reste de ce d?sert. » « Admettez votre ?chec », dit un autre soldat. « Faites demi-tour maintenant – ou sinon, nous nous en retournerons sans vous. » Le commandant pivota et fit face ? ses soldats, abasourdi par leur insolence – et vit m?pris et r?bellion dans leurs yeux. Il savait qu’il devait agir rapidement s’il voulait l’?touffer. Dans un soudain ?lan de rage, le commandant se baissa, prit une dague ? sa ceinture, porta un coup vers l’arri?re, dans un seul geste vif, et la logea dans la gorge du soldat. Ce dernier hoqueta, puis tomba en arri?re de son zerta et heurta le sol, une mare de sang frais se forma par terre. En quelques instants, une nu?e d’insectes apparut, sortie de nulle part, recouvra son corps et le d?vora. Les autres soldats consid?raient ? pr?sent leur commandant avec crainte. « Y a-t-il quelqu’un d’autre qui souhaiterait d?fier mon commandement ? » demanda-t-il. Les hommes le d?visag?rent nerveusement, mais cette fois ne dirent rien. « Soit le d?sert vous tuera », dit-il, « ou je le ferais. C’est votre choix. » Le commandant s’?lan?a en avant, baissa la t?te, et poussa un grand cri de guerre tandis qu’il galopait droit vers le mur de sable, sachant que cela pourrait entrainer sa mort. Il savait que ses hommes suivraient, et un instant apr?s il entendit le bruit de leurs zertas, et sourit de satisfaction. Parfois ils avaient seulement besoin d’?tre maintenus dans les rangs. Il poussa un cri per?ant en p?n?trant dans la tornade de sable. Il avait l’impression que des tonnes de sable pesaient sur lui, frottant contre sa peau dans tous les sens tandis qu’il chargeait de plus en plus profond?ment en son sein. C’?tait si bruyant, sonnant comme des milliers de frelons dans ses oreilles, pourtant il progressait encore, ?peronnant son zerta, le for?ant, m?me s’il protestait, ? s’y enfoncer de plus en plus. Il pouvait sentir le sable ?rafler sa t?te, ses yeux et son visage, et il avait l’impression qu’il allait ?tre mis en pi?ces. Pourtant il pers?v?rait. Juste alors qu’il se demandait si ses hommes avaient raison, si ce mur ne menait nulle part, s’ils allaient tous mourir l? dans cet endroit, au grand soulagement du commandant, il jaillit hors du sable et ? nouveau dans la lumi?re du jour, sans plus de sable pour le frotter, plus de bruit dans ses oreilles, rien que le ciel et l’air – qu’il n’avait jamais ?t? si heureux de voir. Tout autour de lui, ses hommes sortirent, eux aussi, tous irrit?s et en sang comme lui, de m?me que leurs zertas, tous paraissant plus morts que vifs – mais tous en vie. Et alors qu’il levait les yeux et regardait devant lui, le c?ur du commandant s’emballa soudain en s’arr?tant sur la vue saisissante. Il ne put plus respirer en admirant le panorama, et lentement mais s?rement, il sentit son c?ur se gonfler d’un soudain sentiment de victoire, de triomphe. Des pics majestueux s’?levaient droit vers le ciel, formant un cercle. Un lieu qui ne pouvait ?tre qu’une chose : La Cr?te. Elle se tenait l? ? l’horizon, s’?lan?ant dans les airs, magnifique, vaste, et elle s’?tirait ? perte de vue des deux c?t?s. Et l?, au sommet, brillant dans la lumi?re du soleil, il fut stup?fait de voir des milliers de soldats dans des armures ?tincelantes, en patrouille. Il l’avait trouv?e. Lui, et lui seul, l’avait trouv?e. Ses hommes s’arr?t?rent abruptement ? c?t? de lui, et il put les voir, eux aussi, lever les yeux avec admiration et ?merveillement, bouche b?e, tous pensant ? la m?me chose que lui : ce moment ?tait historique. Ils allaient tous devenir des h?ros, connus pour des g?n?rations dans les traditions de l’Empire. Avec un large sourire, le commandant se retourna et fit face ? ses hommes, qui le regardaient ? pr?sent avec d?f?rence ; puis il tira s?chement sur son zerta et fit demi-tour, s’appr?tant ? chevaucher ? nouveau ? travers le mur de sable – et ? refaire tout le chemin, sans s’arr?ter, jusqu’? ce qu’il atteigne la base de l’Empire et rapporte au Chevaliers des Sept ce qu’il avait personnellement d?couvert. D’ici quelques jours, il le savait, toutes les forces de l’Empire assailliraient ce lieu, le poids de millions d’hommes r?solus ? d?truire. Ils passeraient ? travers ce mur de sable, escaladeraient la Cr?te, et ?craseraient ces chevaliers, prendraient le contr?le du dernier territoire libre de l’Empire. « Hommes », dit-il, « notre temps est venu. Pr?parez-vous ? avoir vos noms grav?s pour l’?ternit?. » CHAPITRE TROIS Kendrick, Brandt, Atme, Koldo et Ludvig cheminaient ? travers la Grande D?solation, vers les soleils levants de l’aube du d?sert, marchant ? pied, comme ils l’avaient fait durant toute la nuit, d?termin?s ? secourir le jeune Kaden. Ils marchaient d’un air sombre, dans un rythme silencieux, chacun avec la main sur son arme, le regard attentif, suivant la piste des Marcheurs des Sables. Les centaines de traces de pas les menaient de plus en plus profond?ment dans ce paysage de d?solation. Kendrick commen?ait ? se demander si cela se terminerait un jour. Il s’?tonnait de s’?tre retrouv? une fois encore dans cette position, de retour dans ce d?sert dans lequel il avait jur? de ne plus remettre les pieds – surtout ? pied, sans chevaux, sans provisions, et aucun moyen de rentrer. Ils avaient fond? tous leurs espoirs sur les autres chevaliers de la Cr?te, pour qu’ils reviennent ? eux avec les chevaux – mais sinon, ils s’?taient offert un aller simple pour une qu?te sans retour. Mais c’?tait ce que la bravoure signifiait, Kendrick le savait. Kaden, un excellent jeune guerrier au grand c?ur, avait noblement mont? la garde, s’?tait bravement aventur? dans le d?sert pour faire ses preuves pendant qu’il faisait le guet, et avait ?t? enlev? par ces b?tes sauvages. Koldo et Ludvig ne pouvaient pas tourner le dos ? leur fr?re cadet, m?me si la chance ?tait mince – et Kendrick, Brandt, Atme ne pouvaient pas se d?tourner d’eux tous ; leur sens du devoir et de l’honneur les contraignait ? faire autrement. Ces bons guerriers de la Cr?te les avaient accueillis avec hospitalit? et gr?ce quand ils avaient eu le plus besoin d’eux – et maintenant il ?tait temps de leur rendre la faveur – quel que soit le prix. La mort signifiait peu pour lui – mais l’honneur signifiait tout. « Parlez-moi de Kaden », dit Kendrick en se tournant vers Koldo, voulant briser la monotonie du silence. Koldo leva les yeux, surpris apr?s cette profonde qui?tude, et soupira. « Il est un des meilleurs jeunes guerriers que vous rencontrerez jamais », dit-il. « Son c?ur est toujours plus grand que son ?ge. Il voulait ?tre un homme avant m?me d’?tre un gar?on, voulait brandir une ?p?e avant m?me de pouvoir en tenir une. » Il secoua la t?te. « Cela ne me surprend pas qu’il se soit aventur? trop profond?ment, soit le premier de la patrouille ? ?tre pris. Il ne reculait devant rien – en particulier si cela signifiait veiller sur les autres. » Ludvig intervint. « Si n’importe lequel d’entre nous devait ?tre pris », dit-il, « notre petit fr?re serait le premier ? se porter volontaire. Il est le plus jeune d’entre nous, et il repr?sente ce qu’il y a de mieux en nous. » Kendrick en avait suppos? autant d’apr?s ce qu’il avait vu en parlant ? Kaden. Il avait reconnu l’esprit du guerrier en lui, m?me avec son jeune ?ge. Kendrick savait, comme il l’avait toujours su, que l’?ge n’avait rien ? voir avec le fait d’?tre un guerrier : l’esprit du guerrier r?sidait en quelqu’un, ou pas. L’esprit ne pouvait pas mentir. Ils continu?rent ? marcher pendant un long moment, retombant dans leur silence constant tandis que les soleils montaient plus haut, jusqu’? ce que finalement Brandt se racle la gorge. « Et qu’en est-il de ces Marcheurs des Sables ? » demanda Brandt ? Koldo. Ce dernier se tourna vers lui pendant qu’ils avan?aient. « Un groupe de nomades vicieux », r?pondit-il. « Plus des b?tes que des hommes. Ils sont connus pour patrouiller ? la p?riph?rie du Mur de Sable. » « Des charognards », intervint Ludvig. « Ils sont connus pour entrainer leurs victimes loin dans le d?sert. » « Vers o? » demanda Atme. Koldo et Ludvig ?chang?rent un regard sinistre. « Vers l? o? ils se rassemblent – l? o? ils accomplissent un rituel et les mettent en pi?ces. » Kendrick tressaillit ? la pens?e de Kaden, et au sort qui l’attendait. « Alors il y a peu de temps ? perdre », dit Kendrick. « Courons, d’accord ? » Ils se regard?rent tous les uns les autres, connaissant l’immensit? de cet endroit et la longue course qu’ils auraient devant eux – en particulier avec la chaleur qui augmentait et leur armure. Ils savaient tous combien il ?tait risqu? de ne pas doser leurs efforts dans ce milieu impitoyable. Pourtant ils n’h?sit?rent pas ; ils se mirent ? courir ensemble. Ils couraient vers le n?ant, de la sueur coula bient?t sur leurs visages, sachant que s’ils ne trouvaient pas Kaden rapidement, ce d?sert les tuerait tous. * Kendrick haletait tout en courant, le second soleil ?tait maintenant haut au-dessus de leurs t?tes, sa lumi?re aveuglante, sa chaleur ?touffante, et cependant lui et les autres continuaient ? courir, tous essouffl?s, leur armure cliquetant. De la sueur d?goulinait le long du visage de Kendrick et piquait tant ses yeux qu’il pouvait ? peine voir. Alors que ses poumons ?taient pr?ts ? exploser, il n’avait jamais imagin? ? quel point il pouvait avoir si terriblement envie d’oxyg?ne. Kendrick n’avait jamais exp?riment? quoi que ce soit de similaire ? la chaleur de ces soleils, si intense, comme si elle allait dess?cher la peau sur son corps. Ils ne progresseraient gu?re plus loin avec cette chaleur, ? ce rythme, Kendrick le savait ; bien assez t?t, ils mourraient tous l? dehors, s’effondreraient, ne deviendraient rien d’autre que de la nourriture pour les insectes. En effet, tandis qu’ils couraient, Kendrick entendit un cri strident, distant, et leva les yeux pour voir des vautours d?crire des cercles, comme ils l’avaient fait depuis des heures, perdant de l’altitude. Ils ?taient toujours les plus fut?s : ils savaient quand une mort fra?che ?tait imminente. Tandis que Kendrick regardait fixement les traces de pas des Marcheurs des Sables, qui s’estompaient encore ? l’horizon, il ne pouvait pas comprendre comment ils avaient couvert une telle distance si rapidement. Il priait seulement pour que Kaden soit en vie, que tout cela n’ait pas ?t? pour rien. Mais il ne pouvait pas, malgr? lui, s’emp?cher de se demander s’ils l’atteindraient tout bonnement. C’?tait comme suivre des empreintes dans un oc?an ? mar?e descendante. Kendrick jeta quelques regards autour de lui et vit les autres effondr?s eux aussi, tous titubant plus que courant, tous ? peine sur pieds – mais tous d?termin?s, comme lui, ? ne pas s’arr?ter. Kendrick le savait – ils le savaient tous – que d?s qu’ils arr?teraient de bouger, ils seraient tous morts. Kendrick voulait casser la monotonie du silence, mais il ?tait trop fatigu? pour parler aux autres ? pr?sent, et il for?a se jambes ? avancer, avec l’impression qu’elles pesaient des tonnes. Il n’osa m?me pas utiliser de l’?nergie pour lever les yeux vers l’horizon, sachant qu’il ne verrait rien, sachant qu’il ?tait condamn? ? mourir l? apr?s tout. ? la place, il regarda par terre, observant la piste, pr?servant toute la pr?cieuse ?nergie qu’il lui restait. Kendrick entendit un bruit, et d’abord fut certain qu’il s’agissait de son imagination ; mais il se fit entendre ? nouveau, un bruit distant, comme le bourdonnement d’abeilles, et cette fois il s’obligea ? lever les yeux, sachant que c’?tait stupide, que rien ne pouvait ?tre l?, et craignant d’avoir bon espoir. Mais cette fois-ci, la vue devant lui fit palpiter son c?ur d’excitation. L?, devant lui, ? peut-?tre cent m?tres, se tenait un rassemblement de Marcheurs des Sables. Kendrick donna un coup de coude aux autres, et chacun leva les yeux, tir? de ses r?veries, et ils le virent chacun avec un choc. Le combat ?tait l?. Kendrick baissa la main et saisit son arme, tout comme le firent les autres, et ressentit la famili?re pouss?e d’adr?naline. Les Marcheurs des Sables, des dizaines d’entre eux, se tourn?rent et les rep?r?rent ; eux aussi se pr?par?rent et leur firent face. Ils pouss?rent des cris stridents et se mirent ? courir. Kendrick leva son ?p?e haut et laissa ?chapper un grand cri de guerre, pr?t, au moins, ? tuer ses ennemis – ou mourir en essayant. CHAPITRE QUATRE Gwen marchait solennellement ? travers la capitale de la Cr?te, Krohn ? ses c?t?s, Steffen derri?re elle, sa t?te lui tournait tandis qu’elle r?fl?chissait aux mots d’Argon. D’un c?t?, elle ?tait ravie qu’il ait r?cup?r?, qu’il soit revenu ? lui – cependant sa proph?tie fatidique r?sonnait dans sa t?te comme un sort, comme une cloche carillonnant dans sa t?te. D’apr?s ses sinistres et ?nigmatiques d?clarations, on aurait dit qu’elle n’?tait pas cens?e ?tre r?unie avec Thor pour toujours. Gwen ravalait ses larmes tout en marchant rapidement, avec d?cision, en direction de la tour. Elle tentait de refouler ses mots, refusant de laisser des proph?ties ruiner sa vie. C’?tait ainsi qu’elle avait toujours ?t?, et ce dont elle avait besoin pour demeurer forte. Le futur ?tait peut-?tre ?crit, et pourtant elle sentait qu’il pouvait aussi ?tre alt?r?. Le destin, elle en avait conscience, ?tait mall?able. Il fallait le vouloir assez fort, ?tre pr?t ? abandonner assez – quel que soit le prix. C’?tait un de ces moments. Gwen refusait cat?goriquement de laisser Thorgrin et Guwayne s’?loigner d’elle, et elle ?prouvait une d?termination grandissante. Elle d?fierait son destin, quoiqu’il en co?te, sacrifierait ce que l’univers demanderait d’elle. En aucune circonstance elle ne traverserait la vie sans revoir Thor et Guwayne. Comme s’il entendait ses pens?es, Krohn g?mit ? ses pieds, se frotta ? sa jambe tandis qu’ils marchaient dans les rues. Tir?e de ses pens?es, Gwen leva les yeux et vit la tour mena?ante devant elle, rouge, circulaire, s’?levant juste au centre de la capitale, et elle se souvint : le culte. Elle avait promis au Roi qu’elle p?n?trerait dans la tour et tenterait de sauver son fils et sa fille des griffes de ce culte, affronter son chef ? propos des livres anciens, du secret qu’ils dissimulaient qui pourrait sauver la Cr?te de la destruction. Le c?ur de Gwen battait tandis qu’elle s’approchait de la tour ; anticipant la confrontation ? venir. Elle voulait aider le Roi, et la Cr?te, mais plus que tout, elle voulait ?tre l? dehors, ? la recherche de Thor, de Guwayne, avant qu’il ne soit trop tard pour eux. Si seulement, elle le souhaitait, elle avait un dragon ? ses c?t?s, comme avant ; si seulement Ralibar pouvait revenir ? elle et l’emmener loin ? travers le monde, loin d’ici, loin des probl?mes de l’Empire et ? nouveau de l’autre c?t? du monde, jusqu’? Thorgrin et Guwayne, une fois encore. Si seulement ils pouvaient tous retourner dans l’Anneau et vivre la vie qu’ils avaient autrefois. Cependant elle savait qu’il s’agissait de r?ves pu?rils. L’Anneau ?tait d?truit, et la Cr?te ?tait tout ce qu’il lui restait. Elle devait affronter sa r?alit? actuelle et faire ce qu’elle pouvait pour aider ? sauver cet endroit. « Ma dame, puis-je vous accompagner ? l’int?rieur de cette tour ? » Gwen se retourna en entendant la voix, tir?e de sa r?verie, et elle fut soulag?e de voir son vieil ami Steffen ? c?t? d’elle, une main sur son ?p?e, marchant d’un air protecteur, d?sireux, comme toujours, de veiller sur elle. Il ?tait le conseiller le plus loyal qu’elle ait, elle le savait, alors qu’elle r?fl?chissait ? depuis quand il avait ?t? avec elle, et elle ressentit un ?lan de gratitude. Alors que Gwen s’arr?tait face au pont-levis devant eux, menant ? la tour, il la regarda fixement avec un air suspicieux. « Je n’ai pas confiance en cet endroit », dit-il. Elle posa une main r?confortante sur son poignet. « Tu es un v?ritable ami, et loyal, Steffen », r?pondit-elle. « J’estime ton amiti?, et ta loyaut?, mais c’est une chose que je dois faire seule. Je dois d?couvrir ce que je peux, et t’avoir l? les mettra sur leurs gardes. Du reste », ajouta-t-elle, tandis que Krohn geignait, « j’aurais Krohn. » Gwen regarda par terre, vit Krohn les yeux lev?s vers elle avec espoir, et elle hocha de la t?te. Steffen opina. « Je vous attendrais ici », dit-il, « et s’il y un probl?me quelconque ? l’int?rieur, je viendrais pour vous. » « Si je ne trouve pas ce dont j’ai besoin dans cette tour », r?pondit-elle, « je crains qu’il n’y ait des probl?mes bien plus grands qui nous attendent tous. » * Gwen marchait lentement sur le pont-levis, Krohn ? c?t? d’elle, ses pas r?sonnaient sur le bois, par-dessus les eaux ondoyantes. Tout le long du pont s’alignaient des dizaines de moines, debout dans un garde-?-vous parfait, silencieux, portant des robes ?carlates, les mains dissimul?es ? l’int?rieur, et les yeux ferm?s. Ils formaient un ?trange ensemble de gardes, d?sarm?s, incroyablement ob?issants, montant la garde l? depuis Gwen ignorait combien de temps. Elle s’?merveilla face ? leur loyaut? et leur d?votion intense vis-?-vis de leur chef, et elle r?alisa que c’?tait comme le Roi l’avait dit : ils le v?n?raient tous comme un dieu. Elle se demanda dans quoi elle mettait les pieds. Tandis qu’elle s’approchait, Gwen leva les yeux vers la gigantesque porte en plein cintre qui se profilait devant elle, faite de ch?ne ancien, sculpt?e de symboles qu’elle ne comprenait pas, et elle observa avec ?merveillement pendant que plusieurs moines s’avan?aient et les ouvraient. Elles craqu?rent, r?v?lant un int?rieur dans la p?nombre, ?clair? seulement par des torches, et un courant d’air frais vint ? elle, ? la l?g?re odeur d’encens. Krohn se raidit ? c?t? d’elle, grognant ; Gwen entra et les entendit claquer derri?re elle. Le bruit r?sonna ? l’int?rieur, et il fallut un moment ? Gwen pour s’orienter. Il faisait sombre ? l’int?rieur, les murs ?taient ?clair?s seulement par des torches et par la lumi?re filtrante du soleil qui se d?versait ? travers des vitraux haut en dessus. L’air paraissait sacr?, silencieux, et elle eut l’impression d’?tre rentr?e dans une ?glise. Gwen leva les yeux et vit que la tour s’?levait en spirale encore plus haut, avec des rampes circulaires et graduelles qui menaient dans les ?tages. Il n’y avait pas de fen?tres, et les murs r?sonnaient du faible son des chants. L’encens pesait lourdement dans l’air ici, et des moines apparaissaient ou disparaissaient partout, entrant ou sortant des pi?ces, comme en transe. Certains balan?aient de l’encens et d’autres chantaient, pendant que d’autres ?taient silencieux, perdus dans leur r?flexion, et Gwen s’interrogea plus quant ? la nature de ce culte. « Mon p?re vous a-t-il envoy?e ? » r?sonna une voix. Gwen, surprise, tourna les talons pour voir un homme debout ? quelques m?tres de l?, v?tu d’une longue robe ?carlate, lui souriant avec bonhomie. Elle pouvait ? peine croire combien il ressemblait ? son p?re, le Roi. « Je savais qu’il enverrait quelqu’un t?t ou tard », dit Kristof. « Ses efforts pour me ramener dans le droit chemin sont infinis. S’il vous pla?t, venez », lui fit-il signe en se tournant sur le c?t? et en faisant un geste de la main. Gwen se mit ? c?t? de lui pendant qu’ils marchaient dans un couloir de pierre vo?t?, montant progressivement le long de rampes en cercle vers les niveaux sup?rieurs de la tour. Gwen se retrouva prise au d?pourvu ; elle s’?tait attendue ? un moine fou, ? un fanatique religieux, et fut surprise de trouver quelqu’un d’affable et accommodant, et ? l’?vidence avec toute sa t?te. Kristof ne ressemblait pas la personne perdue et folle pour qui son p?re l’avait fait passer. « Votre p?re vous demande », dit-elle en fin de compte, brisant le silence apr?s qu’ils aient d?pass? un moine descendant dans l’autre sens, sans jamais lever les yeux du sol. « Il veut que je vous ram?ne ? la maison. » Kristof secoua la t?te. « C’est le probl?me avec mon p?re », dit-il. « Il pense qu’il a trouv? le seul v?ritable foyer dans le monde. Mais j’ai appris quelque chose », ajouta-t-il en lui faisant face. « Il y a beaucoup de v?ritables foyers dans ce monde. » Il soupira et continua ? marcher. Gwen voulait lui laisser de l’espace, ne voulait pas insister trop lourdement. « Mon p?re n’a jamais accept? qui je suis », ajouta-t-il finalement. « Il n’apprendra jamais. Il reste bloqu? dans ses vieilles croyances limit?es – et il veut me les imposer. Mais je ne suis pas lui – et il ne l’acceptera jamais. » « Votre famille ne vous manque-t-elle pas ? » demanda Gwen, surprise qu’il puisse d?dier sa vie ? cette tour. « Si », r?pondit-il avec franchise, ce qui la surprit. « Beaucoup. Ma famille est tout pour moi – mais ma vocation spirituelle compte plus. Ma maison est ici d?sormais », dit-il, tournant le long d’un couloir tandis que Gwen suivait. « Je sers Eldof maintenant. Il est mon soleil. Si vous le connaissiez », dit-il en se tournant vers Gwen et en la d?visageant avec une intensit? qui l’effraya, « il serait le v?tre aussi. » Gwen d?tourna le regard, n’aimant pas cet air de fanatisme dans ses yeux. « Je ne sers personne hormis moi-m?me », r?pondit-elle. Il lui sourit. « Peut-?tre est-ce la source de tous vos soucis terrestres », r?pondit-il. « Personne ne peut vivre dans un monde o? ils ne servent pas quelqu’un d’autre. En ce moment m?me, vous servez quelqu’un d’autre. » Gwen le d?visagea avec suspicion. « Comment cela ? » demanda-t-elle. « M?me si vous pensez vous servir vous-m?me », r?pondit-il, « vous ?tes tromp?e. La personne que vous servez n’est pas vous, mais plut?t la personne que vos parents ont model?e. C’est vos parents que vous servez – et toutes leurs croyances, transmises par leurs parents. Quand serez-vous assez t?m?raire pour vous d?barrasser de leurs croyances et vous servir vous ? » Gwen fron?a les sourcils, ne gobant pas sa philosophie. « Et endosser les croyances de qui ? la place ? » demanda-t-elle. « Celles d’Eldof ? » Il secoua la t?te. « Eldof n’est qu’un conduit », r?pondit-il. « Il aide ? se d?faire de qui vous ?tiez. Il vous aide ? trouver votre v?ritable personne, tout ce que vous ?tiez cens?e ?tre. C’est elle que vous devez servir. C’est elle que vous ne d?couvrirez jamais jusqu’? ce que votre faux moi soit lib?r?. C’est ce que fait Eldof : il nous lib?re tous. » Gwendolyn regarda ? nouveau ses yeux brillants, et elle put voir ? quel point il ?tait d?vot – et cette d?votion l’alarma. Elle pouvait imm?diatement dire qu’il ?tait au-del? de la raison, qu’il ne quitterait jamais cet endroit. C’?tait effrayant, cette toile qu’Eldof avait tiss?e pour attirer tous ces gens ? l’int?rieur et les pi?ger l? – une philosophie sans m?rite, avec une logique qui lui appartenait ? elle seule. Gwen ne voulait pas en entendre plus ; c’?tait une toile qu’elle ?tait d?cid?e ? ?viter. Gwen tourna et continua ? marcher, se d?barrassa de tout cela d’un frisson, et continua ? monter le long de la rampe, tournant dans la tour, de plus en plus haut, o? que cela la m?ne. Kristof se mit ? c?t? d’elle. « Je ne suis pas venue pour discuter des m?rites de votre culte », dit Gwen. « Je ne peux pas vous convaincre de retourner aupr?s de votre p?re. Je lui ai promis de demander, et je l’ai fait. Si vous ne faites pas grand cas votre famille, je ne peux pas vous l’apprendre. » Kristof la regarda en retour avec un air grave. « Et pensez-vous que mon p?re estime la famille ? » demanda-t-il. « Beaucoup », r?pondit-elle. « Au moins d’apr?s ce que je peux voir. » Kristof secoua la t?te. « Laissez-moi vous montrer quelque chose. » Kristof prit son coude et la mena le long d’un autre couloir vers la gauche, puis grimpa une longue vol?e de marches s’arr?tant devant une ?paisse porte de ch?ne. Il la regarda avec un air lourd de sens, puis l’ouvrit, r?v?lant des barres de fer. Gwen se tint l?, curieuse, nerveuse de voir ce qu’il voulait lui montrer – puis elle s’avan?a et jeta un regard ? travers les barreaux. Elle fut horrifi?e de voir une belle jeune fille assise seule dans la cellule, regardant fixement par la fen?tre, ses longs cheveux pendant sur son visage. Bien que ses yeux soient grand ouverts, elle ne semblait pas remarquer leur pr?sence. « C’est ainsi que mon p?re prend soin de sa famille », dit Kristof. Gwen reporta ses yeux sur lui, curieuse. « Sa famille ? » demanda-t-elle, sid?r?e. Kristof acquies?a. « Kathryn. Son autre fille. Celle qu’il cache au monde. Elle a ?t? rel?gu?e l?, dans cette cellule. Pourquoi ? Car elle est touch?e. Car elle n’est pas parfaite, comme lui. Car il a honte d’elle. » Gwen fit silence, sentant un n?ud ? l’estomac tout en observant avec tristesse la fille, voulant l’aider. Elle commen?ait ? s’interroger ? propos du Roi, et commen?ait ? se demander s’il y avait une part de v?rit? dans les mots de Kristof. « Eldof attache de l’importance ? la famille », poursuivit Kristof. « Il n’abandonnerait jamais un des siens. Il estime nos v?ritables moi. Personne n’est chass? par honte. C’est le fl?au de l’orgueil. Et ceux qui sont touch?s sont les plus proches de leur vrai moi. » Kristof soupira. « Quand vous rencontrerez Eldof », dit-il, « vous comprendrez. Il n’y a personne comme lui, et il n’y en aura jamais. » Gwen pouvait voir le fanatisme dans ses yeux, pouvait voir combien il ?tait perdu dans cet endroit, ce culte, et elle sut qu’il ?tait perdu trop loin pour retourner un jour vers le Roi. Elle jeta un coup d’?il et vit la fille du Roi assise l?, et se sentit envahie de tristesse pour elle, pour ce lieu tout entier, pour leur famille d?chir?e. Son image parfaite de la Cr?te, de la famille royale irr?prochable, se d?sagr?geait. Cet endroit, comme n’importe quel autre, poss?dait sa propre face cach?e sombre. Une guerre silencieuse faisait rage ici, et c’?tait une guerre des croyances. C’?tait une bataille que Gwen savait ne pas pouvoir gagner. Elle n’en avait pas le temps non plus. Gwen pensa ? sa propre famille abandonn?e, et elle ressentit l’urgence pressante de secourir son mari et son fils. Sa t?te tournoyait dans cet endroit, avec l’encens lourd dans l’air et l’absence de fen?tres qui la d?sorientait, elle voulait obtenir ce dont elle avait besoin et partir. Elle tenta de se rem?morer la raison pour laquelle elle ?tait venue ici, puis cela lui revint : pour sauver la Cr?te, comme elle l’avait promis au Roi. « Votre p?re croit que cette tour d?tient un secret », dit Gwen, en venant au fait, « un secret qui pourrait sauver la Cr?te, pourrait sauver votre peuple. » Kristof sourit et croisa les doigts. « Mon p?re et ses croyances », r?pondit-il. Gwen fron?a les sourcils. « ?tes-vous en train de dire que c’est faux ? » demanda-t-elle. « Qu’il n’y a pas de livres anciens ? » Il fit une pause, d?tourna le regard, puis soupira profond?ment et demeura silencieux pendant un long moment. En fin de compte, il continua. « Ce qui devrait vous ?tre r?v?l?, et quand », dit-il, « me d?passe. Seul Eldof peut r?pondre ? vos questions. » Un sentiment d’urgence s’?leva en Gwen. « Pouvez-vous me mener ? lui ? » Kristof sourit, pivota, et commen?a ? marcher le long d’un couloir. « Aussi s?rement », dit-il, marchant rapidement, d?j? loin, « qu’un papillon de nuit vers une flamme. » CHAPITRE CINQ Stara se tenait sur la plateforme pr?caire en essayant de ne pas regarder vers le bas tandis qu’elle ?tait hiss?e de plus en plus haut vers le ciel, voyant le paysage s’?tendre ? chaque secousse de la corde. La plateforme s’?levait de plus en plus haut le long du bord de la Cr?te, et Stara se tint l?, le c?ur battant, dissimul?e, le capuchon rabattu sur son visage, et de la sueur coulait le long de son dos tandis qu’elle sentait la chaleur du d?sert augmenter. C’?tait ?touffant ? cette hauteur, et le jour s’?tait ? peine lev?. Tout autour d’elle r?sonnaient les bruits toujours pr?sents des cordes et poulies, de roues grin?antes, pendant que les soldats tiraient et tiraient, aucun ne r?alisant qui elle ?tait. Bient?t, cela s’arr?ta, et tout fut immobile tandis qu’elle se tenait ? la cime de la Cr?te – le seul son ?tait le hurlement du vent. La vue ?tait ?poustouflante, lui donnait l’impression qu’elle se tenait au sommet du monde. Cela lui rappela des souvenirs. Stara se rem?mora la premi?re fois o? elle ?tait arriv?e ? la Cr?te, juste apr?s la Grande D?solation, avec Gwendolyn, Kendrick et tous les autres tra?nards, la plupart plus morts que vifs. Elle savait qu’elle ?tait chanceuse d’avoir surv?cu, et au premier abord, la vue de la Cr?te avait ?t? un grand cadeau, avait ?t? une vue salvatrice. Et pourtant maintenant elle ?tait l?, pr?te ? partir, ? descendre de la Cr?te encore une fois sur sa face ext?rieure, ? se diriger dans la Grande D?solation, de retour dans ce qui serait une mort certaine. ? c?t? d’elle, son cheval s’agita, ses fers cliquet?rent sur la plateforme creuse. Elle tendit la main et caressa sa crini?re pour le rassurer. Ce cheval serait son salut, son moyen pour sortir de cet endroit ; cela ferait de sa travers?e de la Grande D?solation un sc?nario tr?s diff?rent de ce que cela avait ?t?. « Je ne me souviens pas d’ordres de notre commandant ? propos de cette visite », s’?leva la voix autoritaire d’un soldat. Stara se tint tr?s calme, sachant qu’ils parlaient d’elle. « Alors je vais aborder cela avec votre commandant lui-m?me – et avec mon cousin, le Roi », r?pondit Fithe avec assurance, debout ? c?t? d’elle, sonnant aussi convaincant que d’ordinaire. Stara savait qu’il mentait, et elle savait qu’il risquait sa vie pour elle – et elle lui en ?tait pour toujours reconnaissante. Fithe l’avait surprise en tenant parole, en faisant tout en son pouvoir, comme il l’avait promis, pour l’aider ? quitter la Cr?te, pour l’aider ? avoir une chance de sortir et trouver Reece, l’homme qu’elle aimait. Reece. Le c?ur de Stara ?tait douloureux en y pensant. Elle quitterait cet endroit, aussi s?r soit-il, traverserait la Grande D?solation, les oc?ans, le monde, juste pour une chance de lui dire combien elle l’aimait. Bien qu’elle d?testa mettre Fithe en p?ril, elle en avait besoin. Elle avait besoin de tout risquer pour celui qu’elle aimait. Elle ne pouvait pas rester en s?curit? dans la Cr?te, peu importait ? quel point elle ?tait splendide, riche et s?re, jusqu’? ce qu’elle soit r?unie avec Reece. Les portes de fer de la plateforme s’ouvrirent en grin?ant, et Fithe prit son bras, l’accompagnant, tandis qu’elle portait son capuchon bas, son d?guisement fonctionnait. Ils sortirent de la plateforme en bois, sur le dur plateau de pierre au sommet de la Cr?te. Un vent hurlant passait ? travers, assez fort pour presque la d?s?quilibrer, et elle agrippa la crini?re du cheval, le c?ur battant tandis qu’elle levait les yeux, et voyait la vaste ?tendue, la folie de ce qu’elle s’appr?tait ? faire. « Gardez la t?te baiss?e et votre capuchon descendu », murmura Fithe urgemment. « S’ils vous voient, s’ils voient que vous ?tes une fille, ils sauront que vous n’?tes pas cens?e ?tre l?-haut. Ils vous renverront. Attendez jusqu’? ce que nous atteignions l’extr?mit? de la Cr?te. Il y a une autre plateforme qui attend pour vous faire descendre de l’autre c?t?. Elle vous emm?nera – et vous seule. » La respiration de Stara s’acc?l?ra tandis que tous deux traversaient le large plateau de pierre, passant des chevaliers, en marchant rapidement, Stara garda la t?te basse, loin des yeux indiscrets des soldats. Finalement, ils s’arr?t?rent, et il murmura : « D’accord. Levez les yeux. » Stara repoussa son capuchon, les cheveux recouverts de sueur, et quand elle le fit, elle fut stup?faite par la vue : deux ?normes et beaux soleils, encore rouges, s’?levaient dans le magnifique matin du d?sert, le ciel ?tait couvert de millions de nuances de rose et de violet. On aurait dit qu’il s’agissait de l’aube du monde. En regardant au loin, elle vit la Grande D?solation tout enti?re se d?ployer devant elle, semblant s’?tirer jusqu’au bout du monde. Elle chancela ? cause de sa crainte des hauteurs, et souhaita imm?diatement ne pas l’avoir fait. En contrebas, elle vit l’?-pic abrupt, jusqu’? la base de la Cr?te. Et devant elle, elle vit la plateforme solitaire, vide, qui l’attendait. Stara se tourna et leva les yeux vers Fithe, qui la d?visageait avec un air ?loquent. « ?tes-vous certaine ? » demanda-t-il doucement. Elle pouvait voir la crainte dans ses yeux. Stara sentit un ?clair d’appr?hension la traverser, mais ensuite elle pensa ? Reece, et elle acquies?a sans h?sitation. Il hocha gentiment de la t?te vers elle. « Merci », dit-elle. « Je ne sais pas comment je pourrais vous remercier un jour. » Il sourit en retour. « Trouvez l’homme que vous aimez », r?pondit-il. « Si cela ne peut ?tre moi, au moins cela peut ?tre quelqu’un d’autre. » Il prit sa main, l’embrassa, s’inclina, tourna les talons et s’?loigna. Stara le regarda partir, le c?ur plein de reconnaissance envers lui. Si elle n’avait pas aim? Reece de cette mani?re, peut-?tre serait-il un homme qu’elle aimerait. Stara se retourna, s’arma de courage, tint la crini?re du cheval, et fit un premier pas fatidique sur la plateforme. Elle essaya de ne pas regarder au loin la Grande D?solation, le p?riple qui l’attendait et qui signifierait probablement sa mort. Mais elle le fit. Les cordes craqu?rent, la plateforme se balan?a, et tandis que les soldats abaissaient les cordes, trente centim?tres ? la fois, elle commen?a sa descente, toute seule, sans le n?ant. Reece, pensa-t-elle, il se peut que je meure. Mais je traverserais le monde pour toi. CHAPITRE SIX Erec se tenait ? la proue du navire, Alistair et Strom ? ses c?t?s, et scrutait attentivement les eaux tumultueuses de l’Empire en contrebas. Il observa les courants violents d?porter le navire vers la gauche, l’?loignant du passage qui les aurait men?s ? Volusia, Gwendolyn et les autres – et il se sentit ?cartel?. Il voulait secourir Gwendolyn, bien ?videmment ; mais il devait aussi accomplir sa promesse sacr?e faite ? ces villageois affranchis, de lib?rer le village voisin et balayer la garnison toute proche. Apr?s tout, s’il ne le faisait pas, alors les soldats de l’Empire tueraient bient?t les hommes libres, et tous les efforts d’Erec pour les d?livrer auraient ?t? vains, laissant ? nouveau leur village aux mains de l’Empire. Erec leva les yeux et ?tudia l’horizon, parfaitement conscient du fait que chaque instant qui passait, chaque rafale de vent, chaque coup de rame, l’emmenaient plus loin de Gwendolyn, de sa mission initiale ; et pourtant parfois, il le savait, on devait se d?tourner d’une mission dans le but de faire ce qui ?tait le plus honorable et juste. Parfois la mission, r?alisa-t-il, n’?tait pas toujours ce que l’on pensait. Parfois elle ?tait en perp?tuel changement ; parfois c’?tait un voyage mineur en cours de route qui s’av?rait devenir la r?elle mission. Cependant, Erec se r?solut en son for int?rieur ? vaincre la garnison de l’Empire aussi vite que possible et ? reprendre l’embranchement de la rivi?re vers Volusia, pour sauver Gwendolyn avant qu’il ne soit trop tard. « Monsieur ! » cria une voix. Erec leva les yeux pour voir un de ses soldats, en hauteur sur un m?t, pointer du doigt vers l’horizon. Il se tourna pour regarder, et alors que leur navire passait un m?andre de la rivi?re et que le courant s’acc?l?rait, le sang d’Erec palpita en voyant un fort de l’Empire, grouillant de soldats, perch? au bord du cours d’eau. C’?tait un ?difice gris, carr?, en pierre, bas, des contrema?tres de l’Empire ?taient align?s tout autour – aucun ne surveillant la rivi?re. ? la place, ils observaient tous le village d’esclaves en contrebas, rempli de villageois, tous soumis au fouet et au b?ton des contrema?tres. Les soldats fouettaient sans piti? les villageois, les torturaient dans les rues par de rudes t?ches, pendant que les soldats au-dessus regardaient et riaient de la sc?ne. Erec rougit d’indignation, bouillonnant face ? l’iniquit? de tout cela. Il se sentit l?gitim? dans sa d?cision de conduire ses hommes de ce c?t? de la rivi?re, et ?tait d?termin? ? r?parer cette injustice, ? leur faire payer. Ce n’?tait peut-?tre qu’une goutte dans le vase de la supercherie de l’Empire, et pourtant on ne pouvait jamais sous-estimer, Erec le savait, ce que la libert? signifiait ? m?me peu de gens. Erec vit les rives bord?es de navires de l’Empire, gard?s d’un ?il distrait, personne ne suspectant une attaque. Bien s?r, ils ne le feraient pas : il n’y avait pas de forces hostiles dans l’Empire, aucune que sa vaste arm?e pourrait craindre. Aucune, c’est-?-dire, hormis celle d’Erec. Erec savait que m?me si lui et ses hommes ?taient en sous-nombre, ils avaient toujours l’avantage de la surprise. S’ils pouvaient frapper assez rapidement, peut-?tre pourraient-ils les ?liminer tous. Erec se tourna vers ses hommes et vit Strom debout l? ? c?t? de lui, attendant impatiemment ses ordres. « Prends le commandement du navire ? c?t? de moi », ordonna Erec ? son jeune fr?re – et ? peine avait-il prononc? les mots que son fr?re passait ? l’action. Il courut ? travers le pont, bondit du bastingage sur l’embarcation naviguant ? c?t? d’eux, o? il se dirigea rapidement vers la proue et prit le commandement. Erec se tourna vers ses soldats, qui se massaient autour de lui sur son navire, attendant ses ordres. « Je ne veux pas qu’ils soient alert?s de notre pr?sence », dit-il. « Nous devons nous rapprocher autant que possible. Archets – ? vos postes ! » s’?cria-t-il. « Et vous tous, prenez vos lances et agenouillez-vous ! » Les soldats se mirent en position, accroupis le long du bastingage, des rang?es et des rang?es de soldats d’Erec align?s, tous tenant leurs lances et arcs, tous biens disciplin?s, attendant patiemment son ordre. Les courants s’accrurent, Erec vit les forces de l’Empire se profiler non loin, et il sentit un frisson familier dans ses veines : du combat planait dans l’air. Ils se rapproch?rent encore et encore, maintenant ? seulement cent m?tres, et le c?ur d’Erec palpitait, esp?rant qu’ils ne soient pas rep?r?s, sentant l’impatience de ses hommes autour de lui, qui attendaient pour attaquer. Ils devaient juste arriver ? port?e, et chaque clapotis de l’eau, chaque centim?tre parcouru, il le savait, ?tait inestimable. Ils n’avaient qu’une chance avec leurs lances et fl?ches, et ils ne pouvaient la manquer. Allez, pensa Erec. Juste un peu plus pr?s. Le c?ur d’Erec se serra quand un soldat se tourna soudain nonchalamment et scruta les eaux – puis plissa des yeux, confus. Il ?tait sur le point de les rep?rer – et c’?tait trop t?t. Ils n’?taient pas encore ? port?e. Alistair, ? c?t? de lui, le vit aussi. Avant qu’Erec puisse donner l’ordre pour entamer la bataille plus t?t, elle se mit subitement debout et, avec une expression sereine et confiante, leva sa main droite. Une boule jaune y apparut, elle ramena son bras en arri?re puis la lan?a. Erec observa avec ?merveillement tandis que l’orbe flottait haut dans les airs au-dessus d’eux, puis retomba, comme un arc-en-ciel, et descendit sur eux. Rapidement une brume apparut, obscurcissant leur vision et les prot?geant des yeux de l’Empire. Le soldat de l’Empire scrutait ? pr?sent la brume, confus, sans rien y voir. Erec se tourna vers Alistair et lui sourit en sachant que, une fois encore, ils auraient ?t? perdus sans elle. La flotte d’Erec continuait ? avancer, maintenant parfaitement dissimul?e, et Erec jeta un regard ? Alistair, reconnaissant. « Votre main est plus forte que mon ?p?e, ma dame », dit-il en s’inclinant. Elle sourit. « C’est toujours ? toi de gagner ta bataille », r?pondit-elle. Les vents les poussaient plus pr?s, la brume restait avec eux, et Erec pouvait voir tous ses hommes d?sireux de d?cocher leurs fl?ches, de projeter leurs lances. Il comprenait ; sa lance le d?mangeait dans sa paume, ? lui aussi. « Pas encore », murmura-t-il ? ses hommes. Alors qu’ils ?cartaient la brume, Erec commen?a ? entrevoir bri?vement les soldats de l’Empire. Ils se tenaient sur les remparts, leurs dos musculeux luisants, levant haut leurs fouets et frappant les villageois, le claquement ?tait audible m?me depuis l?. Les autres soldats se tenaient les yeux riv?s vers la rivi?re, manifestement appel?s par l’homme de garde, et ils examinaient avec attention le brouillard, comme s’ils suspectaient quelque chose. Erec ?tait maintenant si proche, ses navires ? peine ? trente m?tres, le c?ur battant dans ses oreilles. La brume d’Alistair commen?ait ? se dissiper, et il sut que le moment ?tait venu. « Archers ! » ordonna Erec. « Feu ! » Des dizaines de ses archers, tout le long de sa flotte, se mirent debout, vis?rent et tir?rent. Le ciel fut soudain empli du bruit des fl?ches quittant la corde, volant ? travers les airs – et il s’assombrit avec le nuage des pointes de fl?che mortelles, volant dans un large arc de cercle, puis s’inclinant vers le bas en direction du rivage. Un instant apr?s des cris r?sonn?rent, tandis que le nuage de fl?ches l?tales s’abattait sur les soldats de l’Empire qui fourmillaient dans le fort. La bataille avait commenc?. Des cors sonn?rent partout, tandis que la garnison de l’Empire ?tait alert?e et se rassemblait pour se d?fendre. « LANCES ! » cria Erec. Strom fut le premier ? se mettre debout et ? propulser sa lance, une lance magnifique en argent, sifflant dans les airs en volant ? une vitesse ph?nom?nale, puis elle trouva sa place dans le c?ur du commandant de l’Empire, ahuri. Erec lan?a la sienne dans la foul?e, prenant part en projetant sa lance dor?e, et ?limina un commandant de l’Empire de l’autre c?t? du fort. Tout le long de sa flotte ses rangs d’hommes se joignirent ? lui, projetant leurs lances et abattant des soldats de l’Empire ?tonn?s qui eurent ? peine le temps de se rallier. Des dizaines d’entre eux tomb?rent, et Erec sut que sa premi?re vol?e avait ?t? un succ?s ; cependant des centaines de soldats restaient encore, et alors que le navire d’Erec s’arr?tait, s’?chouant rudement sur la berge, il sut que le moment ?tait venu pour le combat au corps-?-corps. « Chargez ! » hurla-t-il. Erec d?gaina son ?p?e, sauta par-dessus le bastingage, et bondit dans les airs, chutant de quatre bons m?tres avant d’atterrir sur les rives sableuses de l’Empire. Tout autour de lui ses hommes suivirent, forts de plusieurs centaines, tous chargeant ? travers la plage, esquivant les fl?ches et lances de l’Empire tandis qu’ils jaillissaient de la brume et ? travers le sable vers le fort de l’Empire. Les soldats de l’Empire se rassembl?rent, eux aussi, se pr?cipitant pour venir ? leur rencontre. Erec se tint pr?t tandis qu’un soldat de l’Empire imposant chargeait droit sur lui, hurlant, soulevait sa hache et l’abattait en diagonale vers sa t?te. Erec esquiva, le frappa au ventre, et poursuivit. Erec, dont les r?flexes de combat se mettaient en marche, frappa un autre soldat au c?ur, ?vita le coup de hache d’un autre, puis pivota et en entailla un en travers du torse. Un autre s’?lan?a sur lui par-derri?re, et sans se retourner, il lui donna un coup de coude dans le foie, le faisant tomber ? genoux. Erec courait ? travers les rangs de soldats, plus rapide, vif et fort que n’importe qui sur le terrain, menant ses hommes pendant que, un ? la fois, ils ?liminaient les soldats de l’Empire, se frayant un chemin vers le fort. Les affrontements gagn?rent en densit?, au corps-?-corps, et ces soldats de l’Empire, de presque deux fois leur taille, ?taient des adversaires f?roces. Cela brisait le c?ur d’Erec de voir tant de ses homes tomber autour de lui. Mais Erec, d?termin?, se mouvait comme un ?clair. Strom ? c?t? de lui, et il les d?jouait tous de tous c?t?s. Il traversait la plage comme un d?mon lib?r? des enfers. Assez rapidement, la t?che fut achev?e. Tout ?tait calme sur le sable, alors que la plage, rougie, ?tait recouverte de corps, la plupart de soldats de l’Empire. Bien trop d’entre eux, toutefois, ?taient les corps de ses propres hommes. Erec, empli de rage, se rua vers le fort, grouillant encore de soldats. Il prit les degr?s de pierre le long de son abord, tous ses hommes derri?re lui, et rencontra un soldat qui descendait en courant vers lui. Il le poignarda au c?ur, juste avant qu’il ne puisse abattre un marteau ? deux mains sur sa t?te. Erec fit un pas de c?t? et le soldat, mort, d?gringola dans les marches ? c?t? de lui. Un autre soldat apparut, donnant un coup vers Erec avant qu’il ne puisse r?agir –Strom s’avan?a, et avec un grand fracas et un nuage d’?tincelles, il para le coup avant qu’il ne puisse atteindre son fr?re, puis frappa le soldat avec la garde de son ?p?e, le faisant tomber par-dessus le bord, et l’envoya ? sa mort en hurlant. Erec continua ? charger, montant les marches quatre ? quatre jusqu’? ce qu’il atteigne le niveau sup?rieur du fort de pierre. Les dizaines de soldats de l’Empire qui restaient l? ?taient ? pr?sent terrifi?s, voyant tous leurs fr?res morts – et ? la vue d’Erec et ses hommes arrivant aux ?tages, ils tourn?rent les talons et commenc?rent ? fuir. Ils se pr?cipitaient pour descendre de l’autre c?t? du fort, dans les rues du village – et ce faisant, ils rencontr?rent une surprise : les villageois ?taient maintenant enhardis. Leurs expressions apeur?es se transform?rent en rage et, comme un seul homme, ils se soulev?rent. Ils s’en prirent ? leurs ge?liers de l’Empire, s’empar?rent des fouets dans leurs mains, et commenc?rent ? fouetter les soldats tandis qu’ils courraient dans l’autre direction. Les soldats de l’Empire ne s’attendaient pas ? cela et, un ? un, ils tomb?rent sous les fouets des esclaves. Ces derniers continu?rent ? les frapper alors qu’ils ?taient allong?s au sol, encore et encore et encore, jusqu’? ce que finalement, ils arr?tent de bouger. La justice avait ?t? faite. Erec se tint l?, en haut du fort, haletant, ses hommes ? c?t? de lui, et fit le bilan dans le silence. La bataille ?tait termin?e. En contrebas, il fallut une minute aux villageois h?b?t?s pour analyser ce qu’il venait de se produire, mais assez vite ils le firent. Un ? la fois, ils commenc?rent ? pousser des exclamations, et une grande clameur s’?leva vers les cieux, de plus en plus forte, tandis que leurs visages s’emplissaient de joie pure. C’?tait une clameur de libert?. Cela, Erec le savait, faisait que ?a en valait la peine. Cela, il le savait, ?tait ce que signifiait la bravoure. CHAPITRE SEPT Godfrey ?tait assis sur le sol de pierre dans la chambre souterraine du palais de Silis, Akorth, Fulton et Merek ? c?t? de lui, Dray ? ses pieds, Silis et ses hommes en face d’eux. Ils ?taient tous assis sombrement, t?tes baiss?es, les mains autour de leurs genoux, sachant qu’ils participaient tous ? une veill?e fun?bre. La chambre tremblait avec les tambourinements sourds de la guerre au-dessus, de l’invasion de Volusia, le bruit de leur cit? en train d’?tre saccag?e r?sonnait dans leurs oreilles. Ils restaient tous assis l?, patientant, tandis que les Chevaliers des Sept mettaient Volusia en pi?ces au-dessus de leurs t?tes. Godfrey prit une autre longue goul?e de son outre de vin, la derni?re restante dans la cit?, essayant d’anesth?sier la douleur, la certitude de sa mort imminente aux mains de l’Empire. Il fixait ses pieds du regard, se demandait comment tout avait pu en arriver l?. Des lunes auparavant, il avait ?t? en s?curit? dans l’Anneau, passant sa vie ? boire, sans aucun souci hormis de savoir dans quelle taverne ou quel bordel il irait chaque soir. Maintenant il ?tait l?, de l’autre c?t? de la mer, dans l’Empire, pi?g? sous terre dans une cit? en ruine, apr?s s’?tre lui-m?me emmur? dans son propre cercueil. Sa t?te bourdonnait, et il essaya de vider son esprit, de se concentrer. Il avait conscience de ce que ses amis pensaient, pouvait le sentir dans le d?dain de leurs regards noirs : ils n’auraient jamais d? l’?couter ; ils auraient d? tous s’?chapper quand ils en avaient eu l’occasion. S’ils n’avaient pas rebrouss? chemin pour Silis, ils auraient pu atteindre le port, embarquer sur un bateau, et auraient maintenant ?t? loin de Volusia. Godfrey tenta de trouver du r?confort dans le fait qu’il avait, au moins, retourn? une faveur, et avait sauv? la vie de cette femme. S’il ne l’avait pas atteinte ? temps pour la pr?venir de descendre, elle aurait certainement ?t? en haut et morte ? pr?sent. Cela avait d? valoir quelque chose, m?me si c’?tait inhabituel chez lui. « Et maintenant ? » demanda Akorth. Godfrey se tourna et le vit le regarder d’un air accusateur, pronon?ant ? haute voix la question qui br?lait manifestement dans tous leurs esprits. Godfrey regarda autour de lui et examina la petite pi?ce sombre, les torches vacillantes, presque ?teintes. Leurs maigres provisions et une outre de bi?re ?taient tout ce qu’ils avaient, pos?es dans un coin. C’?tait une veill?e fun?bre. Il pouvait encore entendre le bruit de la guerre en haut, m?me ? travers ces murs ?pais, et il se demanda durant combien de temps ils pourraient surmonter cette invasion. Des heures ? Des jours ? Combien de temps passerait-il avant que les Chevaliers des Sept conqui?rent Volusia ? Partiraient-ils ? « Ils ne sont pas apr?s nous », observa Godfrey. « C’est l’Empire qui combat l’Empire. Ils sont en vendetta apr?s Volusia. Ils n’ont pas de probl?mes avec nous. » Silis secoua la t?te. « Ils occuperont ce lieu », dit-elle lugubrement, sa voix forte transper?ant le silence. « Les Chevaliers des Sept ne battent jamais en retraite. » Ils retomb?rent tous dans le silence. « Alors pendant combien de temps pouvons-nous vivre l? ? » demanda Merek. Silis secoua la t?te en jetant un regard ? leurs provisions. « Une semaine, peut-?tre », r?pondit-elle. Un grondement ph?nom?nal se fit entendre en haut, et Godfrey tressaillit en sentant le sol trembler sous ses pieds. Silis bondit sur ses pieds, agit?e, fit les cent pas, examinant le plafond tandis que de la poussi?re commen?ait ? en tomber, pleuvant sur eux. Cela sonnait comme une avalanche de pierres au-dessus d’eux, et elle le scruta avec l’inqui?tude d’une propri?taire. « Ils ont ouvert une br?che dans mon ch?teau », dit-elle, plus pour elle-m?me que pour eux. Godfrey vit une expression pein?e sur son visage, et il le reconnut comme ?tant celui d’une personne perdant tout ce qu’elle avait. Elle se tourna et regarda Godfrey avec gratitude. « J’aurais ?t? l?-haut sans vous. Vous nous avez sauv? la vie. » Godfrey soupira. « Et pour quoi ? » demanda-t-il, contrari?. « Quel bien cela a-t-il fait ? Pour que nous puissions mourir tous ensemble ici en bas ? » Silis paraissait abattue. « Si nous restons l? », demanda Merek, « est-ce que nous mourrons tous ? » Silis se tourna vers lui et hocha tristement de la t?te. « Oui », r?pondit-elle faiblement. « Pas aujourd’hui ou demain, mais d’ici quelques jours, oui. Ils ne peuvent pas arriver jusqu’ici – mais nous ne pouvons pas aller l?-haut. Bient?t nos provisions seront ?puis?es. » « Alors quoi ensuite ? » l’interrogea Ario en lui faisant face. « Comptez-vous mourir ici ? Parce que moi, pour ma part, je n’en ai pas l’intention. » Silis faisait les cent pas, sourcils fronc?s, et Godfrey put la voir r?fl?chir longuement. Puis, finalement, elle s’arr?ta. « Il y a une chance », dit-elle. « C’est risqu?. Mais cela pourrait marcher. » Elle se tourna, leur fit face, et Godfrey retint son souffle, d’espoir et d’attente. « Du temps de mon p?re, il y avait un passage souterrain sous le ch?teau », dit-elle. « Il passe ? travers les murs du ch?teau. Nous pourrions le trouver, s’il existe encore, et partir de nuit, ? la faveur de l’obscurit?. Nous pouvons essayer de nous frayer un chemin ? travers la cit?, vers le port. Nous pouvons prendre un de mes navires, s’il en reste encore, et appareiller depuis cet endroit. » Un long silence incertain tomba sur la pi?ce. « Risqu? », dit finalement Merek, la voix grave. « La cit? va fourmiller de gens de l’Empire. Comment sommes-nous cens?s la traverser sans nous faire tuer ? » Silis haussa les ?paules. « Vrai », dit-elle. « S’ils nous capturent, nous serons tu?s. Mais si nous sortons quand il fait assez sombre, et que nous tuons tous ceux qui se tiennent en travers de notre route, peut-?tre atteindrons nous le port. » « Et si nous trouvons le passage et arrivons jusqu’au port, et que vos navires n’y sont pas ? » demanda Ario. « Aucun plan n’est certain », dit-elle. « Il se peut tr?s bien que nous mourions l? dehors – et il se peut tr?s bien que nous mourions ici en bas. » « La mort viendra pour nous tous », intervint Godfrey, qui ?prouvait une nouvelle motivation en se mettant debout et en faisant face aux autres, plein de d?termination alors qu’il surmontait ses peurs. « C’est une question ? propos de la mani?re dont nous souhaitons mourir : ici, tapis comme des rats ? Ou l?-haut, visant notre libert? ? » Lentement, un ? la fois, les autres se mirent tous debout. Ils lui firent face et hoch?rent tous solennellement de la t?te en r?ponse. Il sut, ? ce moment-l?, qu’un plan avait ?t? cr??. Cette nuit, ils s’?chapperaient. CHAPITRE HUIT Loti et Loc marchaient c?te ? c?te sous le soleil br?lant du d?sert, tous deux encha?n?s l’un ? l’autre, tout en ?tant fouett?s par les contrema?tres derri?re eux. Ils cheminaient ? travers l’?tendue d?sol?e et pendant qu’ils le faisaient, Loti se demanda une fois encore pourquoi son fr?re les avait port?s volontaires pour ce travail dangereux et ?reintant. ?tait-il devenu fou ? « ? quoi pensais-tu ? » lui murmura-t-elle. Ils ?taient pouss?s par-derri?re et quand Loc perdit l’?quilibre et tr?bucha vers l’avant, Loti le prit par son bon bras avant qu’il ne tombe. « Pourquoi nous as-tu port?s volontaires ? » ajouta-t-elle. « Regarde droit devant », dit-il en reprenant son ?quilibre. « Que vois-tu ? » Loti leva les yeux et ne vit rien hormis le d?sert monotone qui s’?tirait devant eux, plein d’esclaves, le sol dur ? cause des rochers ; au-del? de cela, elle vit une pente menant ? une cr?te, au sommet de laquelle travaillaient une dizaine d’esclaves suppl?mentaires. Partout se trouvaient des contrema?tres, le bruit des fouets pesait dans l’air. « Je ne vois rien », r?pondit-elle, impatiente, « ? part plus de la m?me chose : des esclaves exploit?s jusqu’? la mort par des contrema?tres. » Loti ressentit soudain une douleur cuisante dans le dos, comme si sa peau lui ?tait arrach?e, et elle poussa un cri alors qu’elle ?tait fouett?e, la lani?re lui entaillant la peau. Elle se retourna pour voir le visage renfrogn? d’un contrema?tre derri?re elle. « Taisez-vous ! » ordonna-t-il. Loti eut envie de pleurer ? cause de la douleur intense, mais elle tint sa langue et continua ? marcher ? c?t? de Loc, ses cha?nes s’entrechoquant sous le soleil. Elle se jura de tuer tous ces membres de l’Empire sit?t qu’elle le pourrait. Ils continu?rent ? marcher en silence, le seul bruit ?tait celui de leurs bottes crissant sur les pierres. Finalement, Loc s’avan?a doucement plus pr?s d’elle. « Ce n’est pas ce que tu vois », murmura-t-il, « mais ce que tu ne vois pas. Regarde de plus pr?s. L?-haut, sur la cr?te. » Elle ?tudia le paysage, mais ne vit rien. « Il n’y a qu’un contrema?tre l?-haut. Un. Pour deux douzaines d’esclaves. Regarde derri?re, dans la vall?e, et vois combien il y en a l?. » Loti jeta furtivement un regard en arri?re par-dessus son ?paule, et dans la vall?e qui s’?tendait en contrebas, elle vit des dizaines de contrema?tres supervisant des esclaves, qui cassaient des rochers et labouraient la terre. Elle se retourna et regarda ? nouveau vers la cr?te, et elle comprit pour la premi?re fois ce que son fr?re avait ? l’esprit. Non seulement il n’y avait qu’un seul contrema?tre, mais encore mieux, il y avait un zerta ? c?t? de lui. Un moyen de s’?chapper. Elle ?tait impressionn?e. Il hocha de la t?te d’un air entendu. « Le sommet de la cr?te est le poste de travail le plus dangereux », murmura-t-il. « Le plus chaud, le moins convoit?, ? la fois par les esclaves et les contrema?tres. Mais ?a, ma s?ur, c’est une opportunit?. » Loti re?ut soudain un coup de pied dans le dos, et elle tituba vers l’avant avec Loc. Tous deux se redress?rent et poursuivirent vers la cr?te, Loti luttant pour respirer, tentant de reprendre son souffle sous la chaleur montante tandis qu’ils grimpaient. Mais cette fois-ci, quad elle regarda en arri?re, son c?ur se gonfla d’optimisme, battant plus vite dans sa gorge : enfin, ils avaient un plan. Loti n’avait jamais consid?r? son fr?re comme ?tant audacieux, aussi pr?t ? prendre un tel risque, ? affronter l’Empire. Mais maintenant qu’elle le regardait, elle pouvait voir le d?sespoir dans ses yeux, pouvait voir qu’il pensait enfin comme elle. Elle le voyait sous un nouveau jour, et l’admirait grandement pour cela. C’?tait exactement le genre de plan auquel elle serait elle-m?me arriv?e. « Et pour nos cha?nes ? » lui murmura-t-elle en r?ponse, en s’assurant que les contrema?tres n’observent pas. Loc fit un geste de la t?te. « Sa selle », r?pondit-il. « Regarde de plus pr?s. » Loti regarda et vit la longue ?p?e qui y ?tait suspendue ; elle r?alisa qu’ils pouvaient s’en servir pour briser leurs entraves. Ils pouvaient prendre la fuite. Ressentant de l’optimisme pour la premi?re fois depuis leur capture, Loti passa en revue les autres esclaves ? la cime. Ils ?taient tous des hommes et femmes bris?s, courb?s inconsid?r?ment sur leurs t?ches, aucun d?fi ne restant dans leurs yeux ; elle sut imm?diatement qu’ils ne leur seraient d’aucune aide. Cela lui convenait – ils n’avaient pas besoin de leur aide. Ils n’avaient besoin que d’une chance, et pour tous ces autres esclaves qu’ils servent de distraction. Loti sentit un dernier coup de pied brutal dans les reins, elle tituba vers l’avant et atterrit t?te la premi?re dans la poussi?re alors qu’ils atteignaient le sommet de la cr?te. Elle sentit des mains rudes la remettre sur pieds, et se tourna pour voir le contrema?tre la pousser brusquement avant de tourner les talons et de se diriger vers le bas de la colline, les laissant l?. « Mettez-vous en rang ! » hurla un nouveau contrema?tre, le seul ? la cime. Loti sentit ses mains calleuses l’agripper par la nuque et la pousser ; ses cha?nes cliquet?rent tandis qu’elle se pr?cipitait en avant, tr?buchant dans le champ de travail des esclaves. On lui tendit une longue houe avec une extr?mit? en fer, puis une derni?re pouss?e alors que le contrema?tre de l’Empire attendait d’elle qu’elle commen??t ? labourer avec tous les autres. Loti se retourna, vit Loc lui jeter un regard entendu, et elle sentit le feu br?ler dans ses veines ; elle savait que c’?tait maintenant ou jamais. Loti laissa ?chapper un cri, leva sa houe, la fit tourner et l’abattit de toutes ses forces. Elle fut choqu?e de sentir le bruit sourd, de la voir log?e dans l’arri?re de la t?te du contrema?tre. Loti l’avait faite tournoyer si vite, avec tant de r?solution, qu’? l’?vidence il ne s’y ?tait pas attendu. Il n’eut m?me pas le temps de r?agir. Manifestement aucun esclave ici, encercl? par tous ces contrema?tres et sans nulle part o? fuir, n’aurait os? commettre un tel acte. Loti sentit la vibration de la houe ? travers ses mains et ses bras, et elle contempla, h?b?t?e, ensuite avec satisfaction, le garde tituber puis tomber. Avec son dos br?lant encore des coups, elle avait le sentiment que c’?tait justifi?. Son fr?re s’avan?a, leva sa propre houe, et alors que le contrema?tre commen?ait ? se tordre, il l’abattit droit sur sa nuque. Enfin, le contrema?tre demeura immobile. Haletante, couverte de sueur, le c?ur encore battant, Loti l?cha son outils, incr?dule, ?clabouss?e par le sang de l’homme, et ?changea un regard avec son fr?re. Ils l’avaient fait. Loti pouvait sentir les regards curieux de tous les autres esclaves autour d’elle, elle se tourna et vit qu’ils observaient tous, bouche b?e. Ils ?taient tous appuy?s sur leurs houes, avaient cess? le travail, et leur jetaient un regard horrifi? et m?dus?. Loti savait qu’elle n’avait pas de temps ? perdre. Elle courut, Loc ? c?t? d’elle, encha?n?s ensemble, vers le zerta, tira l’?p?e longue de la selle avec les deux mains, la souleva haut, et se tourna. « Attention ! » cria-t-elle ? Loc. Il se tint pr?t tandis qu’elle l’abaissait de toutes ses forces et tranchait leurs cha?nes. Elles dirent des ?tincelles, et elle ressentit la libert? satisfaisante de leurs entraves bris?es. Elle se tourna pour partir quand elle entendit un cri. « Et pour nous ? » s’?cria une voix. Loti pivota pour voir les autres esclaves arriver en courant, en tendant leurs cha?nes. Elle se retourna et vit le zerta qui attendait, elle savait que le temps ?tait pr?cieux. Elle voulait se diriger vers l’est d?s qu’elle le pourrait, aller vers Volusia, le dernier endroit vers lequel elle savait que Darius se dirigeait. Peut-?tre le trouverait-elle l?. Mais en m?me temps, elle ne pouvait supporter la vue de ses fr?res et s?urs encha?n?s. Loti se pr?cipita en avant, ? travers la foule d’esclaves, tranchant les entraves de tous c?t?s, jusqu’? ce que tous soient libres. Elle ignorait o? ils iraient maintenant qu’ils l’?taient, mais au moins ils avaient la libert? de faire ce qu’ils voulaient. Loti se tourna, enfourcha le zerta, et tendit une main ? Loc. Il lui donna la sienne et elle le hissa – puis donna un violent coup de talon dans les c?tes. Alors qu’ils partaient, Loti se r?jouissait de sa libert?, au loin, elle pouvait d?j? entendre les cris des contrema?tres de l’Empire, tous en train de la rep?rer. Mais elle n’attendit pas. Elle tourna et dirigea le zerta le long de la cr?te, sur le versant oppos?, elle et son fr?re bondirent dans le d?sert, s’?loignant des contrema?tres – et de l’autre c?t? de la libert?. CHAPITRE NEUF Darius leva les yeux, abasourdi, le regard fix? sur les yeux du myst?rieux homme agenouill? au-dessus de lui. Son p?re. Alors que Darius avait le regard plong? dans les yeux de cet homme, tout sens du temps et de l’espace s’estompa, sa vie tout enti?re fig?e dans cet instant. Tout se mit soudain en place : cette sensation que Darius avait eue d?s le moment o? il avait pos? les yeux sur lui. Cet air familier, ce petit quelque chose qui l’avait tiraill? ? la limite de sa conscience, qui l’avait importun? depuis qu’ils s’?taient rencontr?s. Son p?re. Le mot ne semblait m?me pas r?el. Il ?tait l?, agenouill? au-dessus de lui, juste apr?s avoir sauv? la vie de Darius, par? un coup mortel du soldat de l’Empire, un qui aurait probablement tu? Darius. Il avait risqu? sa vie pour s’aventurer ici, seul, dans l’ar?ne, au moment o? Darius avait ?t? sur le point de mourir. Il avait tout risqu? pour lui. Son fils. Mais pourquoi ? « P?re », dit Darius en retour, plut?t un murmure, ?merveill?. Darius ressentit un ?lan de fiert? en r?alisant qu’il ?tait parent avec cet homme, cet excellent guerrier, le meilleur qu’il ait jamais rencontr?. Cela lui faisait penser que, peut-?tre, il pourrait ?tre un plus grand guerrier, lui aussi. Son p?re se baissa et attrapa la main de Darius, d’une poigne ferme et forte. Il tira Darius, le remit sur pieds, et quand il le fit, Darius se sentit r?g?n?r?. Il avait l’impression d’avoir une raison de se battre, une raison de pers?v?rer. Darius se baissa imm?diatement, saisit son ?p?e tomb?e au sol, puis se retourna, avec son p?re, et ils firent face ensemble aux hordes de soldats de l’Empire qui arrivaient. Avec ces hideuses cr?atures ? pr?sent mortes, son p?re les ayant toutes tu?es, les cors avaient sonn?, et l’Empire avait envoy? une nouvelle vague de soldats. La foule rugit, et Darius regarda les visages hideux des soldats de l’Empire qui se ruaient sur eux, brandissant de longues lances. Darius se concentra, et il sentit l’univers ralentir tandis qu’il se pr?parait ? se battre pour sa vie. Un soldat chargea et projeta sa lance vers son visage, et Darius esquiva juste avant qu’elle ne touche son ?il ; ensuite, il fit tournoyer son ?p?e et alors que le soldat s’approchait pour le tacler, Darius le frappa violemment ? la tempe avec la garde de son ?p?e, l’envoyant ? terre. Darius se baissa rapidement alors qu’un autre soldat lui portait un coup d’?p?e ? la t?te, puis fit une fente vers l’avant et le poignarda au ventre. Un autre soldat chargea sur le c?t?, la lance dirig?e vers les c?tes de Darius, trop rapide pour que ce dernier puisse r?agir ; pourtant il entendit le bruit du bois contre le m?tal, et se tourna avec gratitude pour voir son p?re appara?tre et utiliser son b?ton pour bloquer la lance avant qu’elle ne touche Darius. Ensuite, il fit un pas en avant et planta son b?ton entre les deux yeux du soldat, ce qu’il l’envoya au sol. Son p?re pivota avec son b?ton et fit face au groupe d’attaquants, le cliquetis de son arme emplissait l’air tandis qu’il d?tournait un coup de lance apr?s l’autre. Son p?re dansait entre les soldats, comme une gazelle serpentant entre les hommes, et il maniait son b?ton comme une beaut?, tournoyant et frappant les soldats de mani?re experte, avec des coups bien plac?s dans la gorge, entre les yeux, au diaphragme, abattant des hommes dans toutes les directions. Il ?tait comme l’?clair. Darius, inspir?, se battait comme un homme poss?d?, tirant de l’?nergie de lui ; il entaillait, esquivait et frappait d’estoc, son ?p?e rencontrait les autres dans un fracas, des ?tincelles volaient pendant qu’il avan?ait intr?pidement dans le groupe de soldats. Ils ?taient plus grands que lui, mais Darius avait plus d’esprit et, contrairement ? eux, se battait pour sa vie – et pour son p?re. Il d?via plus d’un coup destin? ? ce dernier, le sauvant d’une mort impr?vue. Darius faisait tomber des soldats de gauche ? droite. Le dernier soldat de l’Empire se pr?cipita vers Darius, levant haut son ?p?e, par-dessus sa t?te, des deux mains – et alors qu’il le faisait, Darius se jeta en avant et lui transper?a le c?ur. Les yeux de l’homme s’?carquill?rent, il se figea lentement, et tomba au sol, mort. Darius se tint ? c?t? de son p?re, tous deux dos ? dos, ? bout de souffle, examinant leur ?uvre. Tout autour d’eux, des soldats de l’Empire gisaient morts. Ils avaient gagn?. Darius avait le sentiment que l?, aux c?t?s de son p?re, ils pouvaient affronter tout ce que le monde lui envoyait ; il avait le sentiment qu’ensemble, ils constituaient une force inarr?table. Et cela paraissait irr?el d’?tre vraiment en train de se battre ? c?t? de son p?re. Son p?re, dont il avait toujours r?v? qu’il soit en grand guerrier. Son p?re n’?tait pas, apr?s tout, une simple personne ordinaire. Un ch?ur de cors sonna, et la foule poussa des acclamations. Au premier abord Darius esp?ra qu’ils applaudissaient sa victoire, mais ensuite d’?normes portes de fer s’ouvrirent ? l’autre bout de l’ar?ne, et il sut que le pire ne faisait que commencer. Le son d’une trompette s’?leva, plus fort qu’aucun que Darius ait jamais entendu, et cela lui prit un moment pour se rendre compte qu’il ne s’agissait pas de la trompette d’un homme – mais plut?t celle d’un ?l?phant. Tandis qu’il observait la porte, le c?ur battant, apparurent soudain, ? sa grande stupeur, deux ?l?phants, tout noirs, avec de longues d?fenses luisantes et blanches, la gueule tordue de rage tandis qu’ils les rejetaient en arri?re et barrissaient. Le bruit faisait m?me vibrer l’air. Ils soulev?rent leurs membres ant?rieurs puis les abattirent dans un fracas, pi?tinant le sol si puissamment qu’il trembla, d?s?quilibrant Darius et son p?re. Des soldats de l’Empire les chevauchaient, brandissant des lances et des ?p?es, rev?tus de la t?te au pied d’une armure. Alors que Darius les observait, les yeux lev?s vers ces b?tes, plus grandes que tout ce qu’il avait rencontr? dans sa vie, il sut qu’il ?tait impossible que lui et son p?re puissent gagner. Il se tourna et vit son p?re debout l?, bravement, sans reculer alors qu’il regardait sto?quement la mort dans les yeux. Cela donna de la force ? Darius. « Nous ne pouvons gagner, P?re », dit Darius, ?non?ant l’?vidence alors que les ?l?phants commen?aient ? charger. « Nous l’avons d?j? fait, mon fils », dit son p?re. « En nous tenant l? et en leur faisant face, en en tournant pas les talons pour courir, nous les avons vaincus. Il se peut que nos corps meurent ici aujourd’hui, mais notre souvenir perdurera – et ?a en sera un de courage ! » Sans ajouter un mot, son p?re laissa ?chapper un cri et commen?a ? charger, et Darius, inspir?, cria et s’?lan?a ? c?t? de lui. Tous deux se ruaient pour aller ? la rencontre des ?l?phants, courant aussi vite qu’ils le pouvaient, n’h?sitant m?me pas pour affronter la mort en face. Le moment de l’impact ne fut pas ce ? quoi Darius s’?tait attendu. Il esquiva une lance alors que le soldat, perch? sur l’?l?phant, la projetait droit sur lui, puis il leva son ?p?e et frappa le pied de l’animal tandis qu’il chargeait droit sur lui. Darius ignorait comment attaquer un ?l?phant, ou si le coup aurait un impact quelconque. Il n’en eut aucun. Le coup de Darius lui ?corcha ? peine la peau. La b?te massive, enrag?e, baissa sa trompe et la balan?a sur le c?t?, touchant Darius au niveau des c?tes. Darius s’envola dans les airs sur neuf m?tres, le souffle coup?, et atterrit sur le dos, roulant dans la poussi?re. Il roula et roula, tentant de reprendre sa respiration tandis qu’il entendait les cris sourds de la foule. Il se tourna et essaya d’entrapercevoir son p?re, inquiet pour lui, et du coin de l’?il il le vit propulser sa lance droit vers le haut, visant un des ?normes yeux de l’?l?phant, puis roula hors de sa trajectoire tandis qu’il chargeait vers lui. Ce fut un coup parfait. Elle se logea fermement dans son ?il et ce faisant l’animal poussa un hurlement et barrit, ses genoux se d?rob?rent tandis qu’il titubait et chutait, entrainant l’autre ?l?phant avec lui dans un gigantesque nuage de poussi?re. Darius se remit sur pieds, inspir? et d?termin?, et il jeta son d?volu sur un des soldats de l’Empire, qui ?tait tomb? et roulait sur le sol. Le soldat se mit ? genoux, puis se tourna et, serrant encore sa lance, visa le dos du p?re de Darius. Son p?re se tenait l?, inconscient du danger, et Darius sut que dans un instant il serait mort. Darius se mit en action. Il s’?lan?a vers le soldat, leva son ?p?e, et fit tomber la lance de sa main – puis la fit tournoyer et le d?capita. La foule l’acclama. Mais Darius eut peu de temps pour savourer son triomphe : il entendit un grand grondement, et se tourna pour voir que l’autre ?l?phant s’?tait relev? – et son cavalier – et se ruait sur lui. N’ayant pas le temps de s’?loigner du passage, Darius s’allongea sur le dos, prit la lance, et la tint droite, tandis que le pied de l’?l?phant s’abaissait. Il attendit jusqu’au dernier moment, puis roula hors de sa trajectoire alors que la b?te s’appr?tait ? la pi?tiner. Darius sentit un grand courant d’air quand le pied de l’?l?phant passa ? c?t? de lui, le manquant de quelques centim?tres, puis entendit un cri et le bruit de la lance p?n?trant dans la chair alors qu’il se tournait pour voir l’?l?phant marcher dessus. La lance se tenait droite, ? travers sa chair et ressortait de l’autre c?t?. L’?l?phant rua et poussa un cri strident, courant en cercles, et ce faisant, le soldat de l’Empire qui le chevauchait perdit l’?quilibre et tomba, de quinze bons m?tres, hurlant alors que son atterrissage ?tait fatal, ?cras? par la chute. L’?l?phant, toujours fou de rage, se tourna de l’autre c?t? et percuta Darius avec sa trompe, l’envoyant voler une fois encore, valdinguer dans une autre direction ; Darius avait l’impression que toutes ses c?tes ?taient en train de se casser. Pendant que Darius rampait ? quatre pattes, tentant de reprendre son souffle, il leva les yeux et vit son p?re combattant vaillamment contre plusieurs soldats de l’Empire, qui ?taient sortis des portes pour assister les autres. Il tournoyait, frappait de taille et d’estoc avec son b?ton, abattant plusieurs d’entre eux dans toutes les directions. Le premier ?l?phant qui avait chut?, la lance toujours dans l’?il, se remit sur pieds, fouett? par un autre soldat de l’Empire qui avait bondi sur son dos. Sous ses ordres, l’animal rua, puis chargea droit vers le p?re de Darius qui, inconscient, continuait de se battre avec les soldats. Darius le vit se produire alors qu’il se tenait l?, impuissant, son p?re trop ?loign? de lui, et lui incapable d’arriver l?-bas ? temps. Le temps ralentit, alors qu’il voyait l’?l?phant tourner droit vers lui. « NON ! » hurla Darius. Darius contempla avec horreur l’?l?phant qui se pr?cipitait en avant, droit vers son p?re, qui ne se doutait de rien. Darius s’?lan?a ? travers le champ de bataille, se pr?cipita pour le sauver ? temps. Pourtant, il le savait alors m?me qu’il courait, que c’?tait vain. C’?tait comme observer son univers s’effondrer au ralenti. L’?l?phant baissa ses d?fenses, chargea, et empala son p?re dans le dos. Son p?re poussa un cri, de sang coulant de sa bouche, tandis que l’?l?phant le soulevait dans les airs. Darius sentit son propre c?ur se serrer en voyant son p?re, le guerrier le plus courageux qu’il ait jamais vu, haut dans les airs, empal? par la d?fense, luttant pour se lib?rer alors m?me qu’il ?tait en train de mourir. « P?RE ! » hurla Darius. CHAPITRE DIX Thorgrin se tenait ? la proue du navire, resserra sa prise sur la garde de son ?p?e, et leva les yeux, de stupeur et d’horreur, vers le titanesque monstre marin qui ?mergeait des profondeurs de l’eau. Il ?tait de la m?me couleur que la mer de sang en dessous, et tandis qu’il s’?levait de plus en plus haut, il obscurcit le peu de lumi?re qu’il y avait dans cette Terre du Sang. Elle ouvrit ses grandes m?choires, r?v?lant des dizaines de rang?es de crocs, et elle d?ploya ses tentacules dans toutes les directions, certains d’entre eux plus longs que le bateau, comme si une cr?ature des profondeurs m?me de l’enfer se tendait vers eux pour les ?treindre. Puis elle plongea vers le navire, pr?te ? tous les engloutir. ? c?t? de Thorgrin, Reece, Selese, O’Connor, Indra, Matus, Elden et Ange se tenaient tous avec leurs armes ? la main, gardant bravement leur position face ? cette b?te. Thor affermit sa r?solution en sentant l’?p?e des Morts vibrer dans sa main, et il sut qu’il devait agir. Il devait prot?ger Ange et les autres, et il savait qu’il ne pouvait pas attendre que la b?te vienne ? eux. Thorgrin bondit en avant pour aller ? sa rencontre, en haut du bastingage, leva son ?p?e au-dessus de sa t?te, et alors qu’un des tentacules arrivait horizontalement vers lui, il tournoya et le trancha. L’?norme tentacule, coup?, tomba sur le navire avec un bruit sourd, secouant le bateau, puis glissa le long du pont jusqu’? ce qu’il heurte le bastingage. Les autres n’h?sit?rent pas non plus. O’Connor d?cocha une vol?e de fl?ches vers les yeux de la b?te, pendant que Reece coupait un autre tentacule s’abattant vers la taille de Selese. Indra envoya sa lance, transper?ant son poitrail, Matus fit tourner son fl?au, tranchant un autre tentacule, et Elden utilisa sa hache, en d?coupant deux en un seul coup. ? l’unisson, la L?gion s’abattit sur la b?te, l’attaquant comme une machine aux rouages bien huil?s. La b?te hurlait de rage, car elle avait perdu plusieurs membres, transperc?e par des fl?ches et des lances, ? l’?vidence prise au d?pourvu par cette attaque coordonn?e. Ses premiers assauts cess?rent, elle hurla encore plus fort, frustr?e, sauta haut dans les airs, puis tout aussi rapidement plongea sous la surface, cr?ant de grandes vagues et laissant le navire balloter dans son sillage. Thor demeura le regard fixe dans le silence soudain, perplexe, et pendant une seconde il pensa qu’elle avait peut-?tre battu en retraite, qu’ils l’avaient vaincue, en particulier en voyant le sang de la b?te former une nappe ? la surface. Mais ensuite il eut le mauvais pressentiment que tout ?tait devenu trop calme, trop rapidement. Et apr?s, trop tard, il r?alisa ce que la b?te s’appr?tait ? faire. « ACCROCHEZ-VOUS ! » cria Thor aux autres. Thor avait ? peine prononc? les mots quand il sentit leur navire s’?lever des eaux, instable, de plus en plus haut, jusqu’? ce qu’il soit dans les airs, dans les tentacules de la b?te. Thor regarda en bas et vit la b?te en dessous, ses tentacules enroul?s tout autour du navire de la proue ? la poupe. Il se pr?para au choc ? venir. La b?te lan?a le navire, et il s’envola comme un jouet dans l’air, tous essayant de s’accrocher et de tenir bon, jusqu’? ce que finalement il atterrisse ? nouveau dans l’oc?an, en tanguant violemment. Thor et les autres perdirent leur prise et gliss?rent le long du pont dans toutes les directions, percutant le bois pendant que le navire se tournait et se retournait. Thor rep?ra Ange, qui glissait sur le pont, vers le bastingage, pr?te ? passer par-dessus bord ; il tendit le bras et agrippa sa petite main, la tenant fermement tandis qu’elle le regardait avec panique. Finalement, le navire se redressa. Thor se remit sur pieds, comme le firent les autres, se pr?parant pour l’attaque suivante, et d?s qu’ils l’eurent fait, il vit la b?te nager vers eux ? toute vitesse, agitant ses tentacules. Elle agrippa l’embarcation de tous les c?t?s, ses tentacules grimpaient par-dessus le bord, sur le pont, et venaient droit sur eux. Thor entendit un cri, jeta un coup d’?il et vit Selese, un tentacule enroul? autour de la cheville, glisser ? travers le pont, tir?e par-dessus bord. Reece pivota et trancha le membre, mais tout aussi vite un autre saisit son bras. De plus en plus de tentacules escaladaient le navire, et tandis que Thor en abattait un sur sa propre cuisse, il regarda autour de lui et vit tous ses fr?res de la L?gion frappant sauvagement, coupant des tentacules. Pour un qu’ils sectionnaient, deux autres apparaissaient. Le navire tout entier ?tait recouvert, et Thor sut que s’il ne faisait pas quelque chose rapidement, ils sombreraient tous pour de bon. Il entendit un cri strident, haut dans le ciel, et quand il leva les yeux, il vit une des cr?atures d?moniaques lib?r?es de l’enfer, volant haut au-dessus de leur t?te, regardant en bas avec un air moqueur tout en s’?loignant. Thor ferma les yeux, sachant qu’il s’agissait d’une de ses ?preuves, un des moments capitaux de sa vie. Il essaya de bloquer le monde ext?rieur, de se concentrer int?rieurement. Sur son entra?nement. Sur Argon. Sur sa m?re. Sur ses pouvoirs. Il ?tait plus fort que l’univers, il le savait. Il y avait des pouvoirs profond?ment enfouis en lui, des pouvoirs sup?rieurs au monde physique. Cette cr?ature ?tait sur cette terre – cependant les pouvoirs de Thor ?taient plus grands. Il pouvait invoquer les forces de la nature, les forces m?mes qui avaient cr?? cette b?te, et la renvoyer dans l’enfer d’o? elle ?tait venue. Thor sentit l’univers ralentir autour de lui. Il sentit une chaleur s’?lever dans ses paumes, se propager dans ses bras, ses ?paules, puis revenir, fourmillante, dans la pointe de ses doigts. Avec l’impression d’?tre invincible, Thor ouvrit les yeux. Il sentait un pouvoir incroyable briller ? travers eux, le pouvoir de l’univers. Thor tendit les bras et posa une main sur le tentacule de la b?te, et ce faisant, il le calcina. La b?te le retira imm?diatement de sa cuisse, comme si elle avait ?t? br?l?e. Thor se tint comme un homme nouveau. Il se tourna et vit la t?te de la cr?ature se soulever le long du bord du navire, gueule ouverte, s’appr?tant ? les avaler tous. Il vit ses fr?res et s?urs de la L?gion glisser, sur le point d’?tre train?s par-dessus bord. Thor poussa un grand cri de guerre et s’?lan?a vers la b?te. Il plongea vers elle avant qu’elle ne puisse atteindre les autres, renon?ant ? son ?p?e, et ? la place il tendit ses mains br?lantes. Il s’agrippa ? la t?te du monstre, et posa ses paumes dessus, et quand il le fit, il les sentit la consumer. Thor s’accrocha fermement pendant que la b?te hurlait et se contorsionnait, essayant de se lib?rer de son emprise. Lentement, un tentacule ? la fois, elle commen?a ? rel?cher sa prise sur le bateau, et ce faisant, Thor sentit son pouvoir grandit en lui. Il empoigna r?solument la b?te, leva ses deux mains, et quand il le fit, il sentit le poids de la cr?ature, qui s’?levait de plus en plus haut dans les airs. Rapidement elle plana au-dessus des paumes de Thor, le pouvoir en lui la maintenant ? flot. Ensuite, quand la b?te fut ? neuf bons m?tres de hauteur, Thor se tourna et dirigea ses mains vers l’avant. Le monstre s’envola, au-dessus du navire, hurlant et tournoyant. Il vola dans les airs sur une trentaine de m?tres, jusqu’? ce que finalement il devienne inerte. Il tomba dans la mer dans une grande ?claboussure, puis coula sous la surface. Mort. Thor se tint l? en silence, le corps tout entier encore chaud, et lentement, un ? la fois, les autres se regroup?rent, se remettant sur pieds et se rapprochant de lui. Thor se tenait l?, ? bout de souffle, h?b?t?, regardant vers la mer de sang. Au-del?, ? l’horizon, ses yeux fixaient le ch?teau noir, qui planait sur cette terre, ce lieu dont il savait qu’il d?tenait son fils. Le temps ?tait venu. Il n’y avait rien pour l’arr?ter ? pr?sent, et il ?tait temps, enfin, de r?cup?rer son fils. CHAPITRE ONZE Volusia se tenait devant ses nombreux conseillers dans les rues de la capitale de l’Empire, les yeux fix?s sur le miroir dans sa main, m?dus?e. Elle examina son nouveau visage sous tous les angles – la moiti? ?tait encore belle, et l’autre d?figur?e, fondue – et elle ?prouva une vague de d?go?t. Le fait que la moiti? de sa beaut? demeure encore rendait d’une certaine mani?re tout cela pire. Cela aurait ?t? plus facile, r?alisa-t-elle, si son visage tout entier avait ?t? d?figur? – ainsi elle n’aurait pu se souvenir de rien ? propos de son ancienne apparence. Volusia se rem?mora sa beaut? ?blouissante, la base de son pouvoir, qui l’avait port?e ? travers chaque ?v?nement de sa vie, qui lui avait permis de manipuler hommes et femmes indiff?remment, de mettre les hommes ? genoux d’un seul regard. Maintenant, tout cela avait disparu. Maintenant, elle n’?tait qu’une fille de dix-sept ans parmi d’autres – et pire, un demi-monstre. Elle ne pouvait supporter la vue de son propre visage. Dans un acc?s de rage et de d?sespoir, jeta le miroir au sol et le regarda se casser en morceaux dans les rues immacul?es de la capitale. Tous ses conseillers se tinrent l?, silencieux, le regard d?tourn?, se gardant bien de lui parler ? ce moment-l?. Il ?tait aussi ?vident pour elle, tandis qu’elle scrutait leurs traits, qu’aucun d’entre eux ne voulait la regarder, voir l’horreur qu’?tait ? pr?sent son visage. Volusia parcourut les alentours du regard ? la recherche des Volks, avide de les mettre en pi?ce – mais ils ?taient d?j? partis, avaient disparu d?s qu’ils lui avaient lanc? ce sort terrible. Elle avait ?t? pr?venue de ne pas s’unir avec eux, et ? pr?sent elle r?alisait que tous les avertissements avaient ?t? justes. Elle l’avait ch?rement pay?. Un prix qui ne pourrait jamais ?tre retourn?. Volusia voulait d?verser sa rage sur quelqu’un, et ses yeux s’arr?t?rent sur Brin, son nouveau commandant, un guerrier sculptural ?g? d’? peine quelques ann?es de plus qu’elle, qui lui avait fait la cour pendant des lunes. Jeune, grand, muscl?, il ?tait d’une beaut? renversante et l’avait convoit?e tout le temps qu’elle l’avait connu. Pourtant maintenant, ? sa fureur, il ne voulait pas m?me croiser son regard. « Toi », lui siffla Volusia, ? peine capable de se contenir. « Ne vas-tu m?me pas me regarder ? » Volusia rougit quand il releva son regard mais sans la regarder dans les yeux. C’?tait son sort d?sormais, pour le restant de sa vie, elle le savait, d’?tre consid?r?e comme un monstre. « Suis-je r?pugnante pour toi maintenant ? » demanda-t-elle, la voix bris?e de d?sespoir. Il baissa la t?te, mais ne r?pondit pas. « Tr?s bien », dit-elle finalement, apr?s un long silence, d?terminer ? se venger sur quelqu’un, « alors je te l’ordonne : tu contempleras le visage que tu hais le plus. Tu me prouveras que je suis belle. Tu coucheras avec moi. » Le commandant leva les yeux et croisa les siens pour la premi?re fois, de la peur et de l’horreur dans son expression. « D?esse ? » demanda-t-il, la voix bris?e, terrifi?, sachant qu’il risquait la mort s’il d?fiait son ordre. Volusia esquissa un large sourire, heureuse pour la premi?re fois, en prenant conscience que cela serait une vengeance parfaite : coucher avec l’homme qui la trouvait la plus r?pugnante. « Apr?s toi », dit-elle, en faisant un pas de c?t? et un geste vers sa chambre. * Volusia se tenait devant la grande fen?tre en plein cintre ouverte, au dernier ?tage du palais de la capitale de l’Empire, et pendant que les soleils matinaux se levaient, les rideaux se gonflant contre son visage, elle pleura silencieusement. Elle pouvait sentir les larmes couler le long du c?t? intact de son visage mais pas de l’autre, le c?t? qui avait fondu. Il ?tait engourdi. Un l?ger ronflement ponctuait l’air, et Volusia jeta un regard par-dessus son ?paule pour voir Brin ?tendu l?, encore endormi, le visage crisp? dans une expression de d?go?t, m?me dans son sommeil. Il avait d?test? chaque instant qu’il avait pass? avec elle, elle le savait, et cela assouvissait un peu sa vengeance. Pourtant elle ne se sentait pas satisfaite. Elle ne pouvait pas le d?verser sur les Volks, et elle ressentait encore un besoin de repr?sailles. C’?tait un petit morceau de vengeance, difficilement celui qu’elle d?sirait ardemment. Les Volks, apr?s tout, avaient disparu, alors qu’elle ?tait encore l?, le matin suivant, encore en vie, encore coinc?e avec elle-m?me, comme elle le serait pour le restant de sa vie. Coinc?e avec cette apparence, ce visage d?figur?, que m?me elle ne pouvait supporter. Volusia essuya une larme et regarda au loin, au-del? des lignes de la cit?, au-del? des murs de la capitale, ? l’horizon. Alors que les soleils se levaient, elle commen?a ? voir les plus faibles traces des arm?es des Chevaliers des Sept, leurs banni?res noires ? l’horizon. Ils ?taient post?s l? dehors, et leurs arm?es s’organisaient. Ils ?taient en train de l’encercler lentement, rassemblant des millions d’hommes de tous les coins de l’Empire, se pr?parant tout ? envahir. ? l’?craser. Elle se r?jouissait de la confrontation. Elle n’avait pas besoin des Volks, elle le savait. Elle n’avait pas besoin de ses hommes. Elle pouvait les tuer tous toute seule. Elle ?tait, apr?s tout, une d?esse. Elle avait quitt? le royaume des mortels depuis longtemps, et maintenant elle ?tait une l?gende, une l?gende que personne, et aucune arm?e dans le monde ne pouvait arr?ter. Elle les accueillerait seule, et les tuerait tous, pour toujours. Ensuite, en fin de compte, il n’y aurait plus personne pour l’affronter. Alors, ses pouvoirs seraient supr?mes. Volusia entendit un bruissement derri?re elle et, du coin de l’?il, elle d?cela un mouvement. Elle vit Brin se lever du lit, repousser ses draps et commencer ? s’habiller. Elle le vit se d?placer furtivement, prenant soin d’?tre silencieux, et elle prit conscience qu’il voulait sortir de la pi?ce avant qu’elle ne le voie – pour qu’il n’ait plus jamais ? poser ? nouveau les yeux sur son visage. Cela ajoutait une insulte ? la blessure. « Oh, Commandant », s’?cria-t-elle nonchalamment. Elle le vit se figer sur place de peur ; il se tourna et jeta un regard vers elle ? contrec?ur, et ce faisant, elle sourit en retour, le torturant avec la monstruosit? de ses l?vres d?compos?es. « Viens ici, Commandant », dit-elle. « Avant que tu ne partes, il y a quelque chose que je veux te montrer. » Il pivota lentement et marcha, traversant la pi?ce jusqu’? ce qu’il atteigne son c?t?, et se tint l?, regardant dehors, regardant n’importe o? hormis son visage. « N’as-tu pas un doux baiser d’adieu pour ta D?esse ? » demanda-t-elle. Elle pouvait le voir tressaillir, m?me l?g?rement, et elle sentit une col?re renouvel?e br?ler en elle. « Peu importe », ajouta-t-elle, son expression s’assombrissant. « Mais il y a, au moins, quelque chose que je veux te montrer. Regarde. Tu vois l? dehors, ? l’horizon ? Regarde de plus pr?s. Dis-moi ce que tu vois l?-bas. » Il fit un pas en avant et elle posa une main sur son ?paule. Il se pencha en avant et examina l’horizon, et ce faisant, elle vit ses sourcils se froncer, confus. « Je ne vois rien, D?esse. Rien qui ne sorte de l’ordinaire. » Volusia esquissa un grand sourire, sentant son vieux caract?re vindicatif monter en elle, sentant son vieux besoin de violence, de cruaut?. « Regarde de plus pr?s, Commandant », dit-elle. Il se pencha en avant, juste un peu plus, et avec un geste rapide, Volusia empoigna sa chemise par derri?re, et de toutes ses forces, le jeta t?te la premi?re par la fen?tre. Brin hurla tout en battant des pieds et des mains, dans les airs, tombant de toute la hauteur, trente m?tres, jusqu’? ce finalement il atterrisse t?te la premi?re, mort sur l’instant, dans les rues en contrebas. Le bruit sourd r?sonna dans les rues autrement calmes. Volusia esquissa un large sourire, examinant son corps, ?prouvant enfin une sensation de vengeance. « C’est toi que tu vois », r?pondit-elle. « Qui est le moins monstrueux de nous deux maintenant ? » CHAPITRE DOUZE Gwendolyn marchait dans les corridors sombres de la tour des Chercheurs de Lumi?re, Krohn ? c?t? d’elle, montant lentement la rampe sur les c?t?s de l’?difice. Sur le chemin ?taient align?es des torches et des fid?les du culte, debout silencieusement au garde-?-vous, mains cach?es dans leur robe, et la curiosit? de Gwen augmenta tandis qu’elle continuait ? grimper un ?tage apr?s l’autre. Le fils du Roi, Kristof, l’avait men?e sur la moiti? du trajet apr?s leur rencontre, puis avait tourn? les talons et ?tait descendu, l’informant qu’elle devrait achever son p?riple seule pour voir Eldof, qu’elle seule pouvait lui faire face. La mani?re dont ils parlaient tous de lui, c’?tait comme s’il ?tait un dieu. De doux chants emplissaient l’air, ainsi que de l’encens, pendant que Gwen que montait sur la rampe ? pente tr?s douce, et s’interrogeait : Quel secret gardait Eldof ? Lui donnerait-il le savoir dont elle avait besoin pour sauver le Roi et sauver la Cr?te ? Serait-elle un jour capable d’extraire la famille du Roi de ce lieu ? Alors que Gwen passait un angle, la tour s’ouvrit soudain, et elle eut le souffle coup? par la vue. Elle p?n?trait dans une pi?ce ?lanc?e aux plafonds d’une trentaine de m?tres, aux murs de laquelle s’alignaient des vitraux, du sol au plafond. Une lumi?re feutr?e inondait la salle, pleine d’?carlate, de pourpre et de rose, donnant ? la chambre un caract?re c?leste. Et ce qui rendait tout cela encore plus surr?el que le reste ?tait de voir un homme assis seul dans ce vaste lieu, au centre de la pi?ce, les rayons de lumi?re tombant sur lui comme pour l’illuminer lui et lui seul. Eldof. Le c?ur de Gwen palpita quand elle le vit assis l? de l’autre c?t? de la pi?ce, comme un dieu tomb? du ciel. Il ?tait assis l?, mains crois?es dans sa cape dor?e ?tincelante, la t?te compl?tement chauve, sur un ?norme tr?ne magnifique sculpt? dans l’ivoire, des torches de chaque c?t? du si?ge et de la rampe qui y menait, ?clairant la pi?ce obliquement. Cette pi?ce, ce tr?ne, cette rampe qui y menait – c'?tait plus impressionnant que d’approcher le Roi. Elle r?alisa imm?diatement pourquoi le Roi se sentait menac? par sa pr?sence, son culte, sa tour. Tout ?tait con?u pour inspirer l’admiration, l’effroi et la soumission. Il ne lui fit pas signe, ou m?me ne lui adressa pas un regard et Gwen, ne sachant pas ce que faire, commen?a l’ascension de la longue passerelle dor?e menant ? son tr?ne. En chemin elle vit qu’elle n’?tait pas seule l? apr?s tout, car dissimul?s dans l’ombre se tenaient des rang?es de fid?les, tous align?s, yeux ferm?s, mains rentr?es dans leurs capes, le long de la rampe. Elle se demanda combien de milliers de fid?les il avait. Elle s’arr?ta enfin quelques m?tres devant le tr?ne et leva les yeux. Il la regarda en retour avec des yeux qui semblaient anciens, d’un bleu glacial, luisants, et alors qu’il lui souriait, ses yeux ne montraient aucune chaleur. Ils ?taient hypnotisant. Cela lui rappelait d’?tre en pr?sence d’Argon. Elle ne savait pas quoi dire pendant qu’il la d?visageait, regard baiss? ; elle avait l’impression qu’il scrutait son ?me. Elle se tint l? dans le silence, attendant jusqu’? ce qu’il soit pr?t, et ? c?t? d’elle, elle pouvait sentir Krohn se raidir, ?galement sur le qui-vive. « Gwendolyn du Royaume Ouest de l’Anneau, fille du Roi MacGil, dernier espoir pour sauver son peuple – et le n?tre », pronon?a-t-il lentement, comme s’il lisait un vieux texte, la voix plus profonde qu’aucune autre qu’elle ait entendu, sonnant comme si elle avait r?sonn? depuis les pierres elles-m?mes. Ses yeux transper?aient les siens, et sa voix ?tait hypnotisante. Tandis qu’elle avait le regard fix? sur eux, cela lui fit perdre tout sens de l’espace, du temps et du lieu, et d?j?, Gwen pouvait se sentir aspir?e par son culte de la personnalit?. Elle se sentait fascin?e, comme si elle ne pouvait pas regarder ailleurs, m?me si elle essayait. Elle eut imm?diatement l’impression qu’il ?tait le centre du monde, et elle comprit sur le champ comment tous ces gens en ?taient venus ? le v?n?rer et ? le suivre. Gwen le fixait des yeux en retour, momentan?ment ? court de mots, quelque chose qui lui ?tait rarement arriv?. Elle ne s’?tait jamais sentie aussi ?blouie – elle, qui avait ?t? devant beaucoup de Rois et Reine ; elle, qui ?tait Reine elle-m?me ; elle, la fille d’un Roi. Cet homme avait une qualit? en lui, quelque chose qu’elle ne pouvait pas vraiment d?crire ; pendant un moment, elle oublia m?me pourquoi elle ?tait venue l?. Finalement, elle vida son esprit assez longtemps pour ?tre capable de parler. « Je suis venue », commen?a-t-elle, « car— » Il rit, l’interrompant, un son court et profond. « Je sais pourquoi vous ?tes venue », dit-il. « Je le savais avant que vous ne le sachiez. J’avais connaissance de votre arriv?e dans cet endroit – en fait, je le savais avant m?me que vous ne traversiez la Grande D?solation. Je savais ? propos de votre d?part de l’Anneau, votre voyage jusqu’aux ?les Septentrionales, et de vos p?riples ? travers la mer. Je connais votre mari, Thorgrin, et votre fils, Guwayne. Je vous ai observ?e avec un grand int?r?t, Gwendolyn, pendant des si?cles, je vous ai surveill?e. » Gwen frissonna ? ses mots, face ? cette familiarit? de la part d’une personne qu’elle ne connaissait pas. Elle ressentit un picotement dans ses bras, le long de son dos, se demandant comment il savait tout cela. Elle sentit qu’une fois qu’elle ?tait dans son orbite, elle ne pourrait s’?chapper m?me si elle essayait. « Comment savez-vous tout cela ? » demanda-t-elle. Il sourit. « Je suis Eldof. Je suis ? la fois le d?but et la fin du savoir. » Il se mit debout, et elle fut stup?faite de voir qu’il ?tait deux fois plus grand qu’aucun homme qu’elle ait rencontr?. Il se rapprocha d’un pas, le long de la rampe, et avec ses yeux si magn?tiques, Gwen eut l’impression qu’elle ne pouvait pas bouger en sa pr?sence. C’?tait si dur de se concentrer devant lui, de formuler une pens?e ind?pendante pour elle-m?me. Gwen se for?a ? se vider l’esprit, ? se concentrer sur l’affaire en cours. « Votre Roi a besoin de vous », dit-elle. « La Cr?te a besoin de vous. » Il rit. « Mon Roi ? » r?p?ta-t-il avec d?dain. Gwen s’obligea ? insister. « Il croit que vous savez comment sauver la Cr?te. Il croit que vous lui dissimulez un secret, un qui pourrait sauver cet endroit et tous ces gens. » « C’est vrai », r?pondit-il laconiquement. Gwen fut d?contenanc?e par sa r?ponse imm?diate et franche, et savait ? peine quoi r?pondre. Elle s'?tait attendue ? ce qu’il le nie. « Vous le faites ? » demanda-t-elle, interloqu?e. Il sourit mais ne dit rien. « Mais pourquoi ? » demanda-t-elle. « Pourquoi ne partagez-vous pas ce secret ? » « Et pourquoi devrais-je faire cela ? » demanda-t-il. « Pourquoi ? », demanda-t-elle, d?concert?e. « ?videmment, pour sauver ce royaume, pour sauver son peuple. » « Et pourquoi voudrais-je faire cela ? » insista-t-il. Gwen plissa les yeux, confuse ; elle n’avait aucune id?e de comment r?pondre. En fin de compte, elle soupira. « Votre probl?me », dit-il, « est que vous croyez que tout le monde doit ?tre sauv?. Mais c’est l? que vous avez tort. Vous consid?rez le temps du seul point de vue des d?cennies ; je les vois en termes de si?cles. Vous consid?rez les gens comme indispensables ; je les vois comme de simples rouages dans la grande roue du destin et du temps. » Il fit un pas de plus, les yeux br?lants. « Certaines personnes, Gwendolyn, sont destin?es ? mourir. Certaines personnes doivent mourir. » « Doivent mourir ? » demanda-t-elle, horrifi?e. « Certaines doivent mourir pour en lib?rer d’autres », dit-il. « Certaines doivent tomber pour que d’autres puissent se lever. Qu’est-ce qui rend une personne plus importante qu’une autre ? Une place plus importante que l’autre ? » Elle r?fl?chit ? ses mots, de plus en plus confuse. « Sans destruction, sans d?vastation, la pousse ne peut pas suivre. Sans les sables st?riles du d?sert, il ne peut y avoir de fondations sur lesquelles construire de grandes cit?s. Qu’est-ce qui compte le plus : la destruction, ou la croissance ? suivre ? Ne comprenez-vous pas ? Qu’est-ce que la destruction, sinon une fondation ? » Gwen, embrouill?e, tentait de comprendre, mais ses mots ne faisaient qu’approfondir sa confusion. « Alors allez-vous rester ? ne rien faire et laisser la Cr?te et son peuple mourir ? », demanda-t-elle. « Pourquoi ? Comment cela pourrait-il vous b?n?ficier ? » Il rit. « Pourquoi tout devrait-il ?tre toujours fait pour un b?n?fice ? » demanda-t-il. « Je ne les sauverais pas, car ils ne sont pas cens?s ?tre sauv?s », dit-il avec emphase. « Cet endroit, la Cr?te, n’est pas suppos? survivre. Elle est cens?e ?tre d?truite. Ce Roi est destin? ? ?tre d?truit. Tous ces gens sont destin?s ? ?tre d?truits. Et ce n’est pas ? moi de me tenir sur la voie du destin. Il m’a ?t? accord? le don de voir dans le futur – mais c’est un don dont je n’abuserais pas. Je ne changerais pas ce que je vois. Qui suis-je pour me mettre en travers du destin ? » Gwendolyn ne pouvait s’emp?cher de penser ? Thorgrin, ? Guwayne. Eldof esquissa un large sourire. « Ah oui », dit-il en regardant droit vers elle. « Votre ?poux. Votre fils. » Gwen le regarda en retour, abasourdie, se demandant comment il avait lu dans son esprit. « Vous voulez tant les aider », ajouta-t-il, puis il secoua la t?te. « Mais parfois vous ne pouvez changer le destin. » Elle rougit et chassa ses mots, d?termin?e. « Je changerais le destin », dit-elle cat?goriquement. « Quoi qu’il faille. M?me si je dois abandonner ma propre ?me. » Eldof la d?visagea longuement, l’?tudiant. « Oui », dit-il. « Vous le ferez, n’est-ce pas ? Je peux voir cette force en vous. L’esprit d’un guerrier. » Il l’examina, et pour la premi?re fois elle vit une part de certitude dans son expression. « Je ne m’?tais pas attendu ? trouver cela en vous », poursuivit-il, la voix humble. « Il y a quelques personnes choisies, comme vous, qui ont le pouvoir de changer le destin. Mais le prix que vous paierez est tr?s grand. » Il soupira, comme s’il chassait une vision. « Dans tous les cas », poursuivit-il, « vous ne changerez pas l’avenir ici – pas dans la Cr?te. La mort est en train d’arriver ici. Ce dont ils ont besoin n’est pas un sauvetage – mais un exode. Ils ont besoin d’un nouveau chez, pour les mener ? travers la Grande D?solation. Je pense que vous savez d?j? de qui il s’agit. » Gwen frissonna ? ses mots. Elle ne pouvait s’imaginer avoir la force de traverser ? nouveau tout cela. « Comment puis-je les mener ? » demanda-t-elle, ext?nu?e par cette pens?e. « Et quel endroit reste-t-il o? aller ? Nous sommes au milieu de nulle part. » Il se d?tourna, devenant silencieux, et alors qu’il commen?ait ? s’?loigner, Gwen ?prouva un soudain d?sir br?lant d’en savoir plus. « Dites-moi », dit-elle, en se pr?cipitant et en agrippant son bras. Il se tourna et regarda sa main, comme si un serpent le touchait, jusqu’? ce que finalement elle la retire. Plusieurs moines sortirent pr?cipitamment de l’ombre et rest?rent non loin, la regardant avec col?re – jusqu’? ce que finalement Eldof leur fasse un signe de la t?te, et ils se retir?rent. « Dites-moi », lui dit-elle, « je vous r?pondrais une fois. Que souhaitez-vous savoir ? » « Guwayne », dit-elle, ? bout de souffle. « Mon fils. Comment puis-je le retrouver ? Comment puis-je changer le destin ? » Il la regarda longuement. « La r?ponse a ?t? devant vous tout le long, et pourtant vous ne voyez pas. » Gwen se creusa la t?te, d?sesp?r?e de savoir, cependant elle ne pouvait comprendre ce que c’?tait. « Argon », ajouta-t-il. « Il reste un secret qu’il a craint de vous dire. C’est l? que la r?ponse se trouve. » Gwen fut abasourdie. « Argon ? » demanda-t-elle. « Est-ce qu’Argon sait ? » Eldof secoua la t?te. « Il l’ignore. Mais son ma?tre sait. » L’esprit de Gwen tournoyait. « Son ma?tre ? » demanda-t-elle. Gwen n’avait jamais envisag? qu’Argon ait un ma?tre. Eldof acquies?a. « Demandez ? ce qu’il vous m?ne ? lui », dit-il, un caract?re d?finitif dans la voix. « Les r?ponses que vous recevrez surprendront m?me vous. » CHAPITRE TREIZE Mardig se pavanait dans les couloirs du ch?teau avec d?termination, le c?ur battant pendant qu’il consid?rait dans son esprit ce qu’il ?tait sur le point de faire. Il tendit la main vers le bas et avec une paume moite serra la dague dissimul?e ? sa taille. Il parcourait le m?me passage qu’il avait emprunt? des millions de fois auparavant – en route pour voir son p?re. La chambre du Roi n’?tait pas loin maintenant, et Mardig faisait des tours et d?tours le long des couloirs familiers, passait tous les gardes qui s’inclinaient avec r?v?rence ? la vue du fils du Roi. Mardig savait qu’il avait peu ? craindre d’eux. Personne n’avait id?e de ce qu’il s’appr?tait ? faire, et personne ne saurait ce qu’il s’?tait pass? jusque longtemps apr?s que l’acte eut ?t? commis – et le royaume ?tait sien. Mardig ressentit un tourbillon d’?motions contradictoires tandis qu’il se for?ait ? mettre un pied devant l’autre, les genoux tremblant, se for?ait ? demeurer r?solu alors qu’il se pr?parait ? commettre l’acte auquel il avait song? toute sa vie. Son p?re avait toujours ?t? un oppresseur pour lui, l’avait toujours d?sapprouv?, pendant qu’il avait toujours approuv? ses autres guerriers de fils. Il avait m?me approuv? sa fille plus que lui. Tout cela parce que lui, Mardig, avait choisi de ne pas prendre part ? cette culture de la chevalerie ; tout cela parce qu’il pr?f?rait boire du vin et courir apr?s les femmes – au lieu de tuer d’autres hommes. Aux yeux de son p?re, cela faisait de lui un ?chec. Son p?re avait vu d’un mauvais ?il tout ce que Mardig avait fait, ses yeux d?sapprobateurs le suivaient dans tous les coins, et Mardig avait toujours r?v? d’un moment de rendre des comptes. Et en m?me temps, Mardig pouvait prendre le pouvoir pour lui-m?me. Tout le monde s’?tait attendu ? ce que la royaut? ?choie ? un de ses fr?res, ? l’a?n?, Koldo, ou si ce n’?tait ? lui, alors au jumeau de Mardig, Ludvig. Mais Mardig avait d’autres plans. Alors que Mardig tournait ? un angle, les soldats de garde s’inclin?rent r?v?rencieusement, et se pivot?rent pour lui ouvrir sans m?me demander pourquoi. Mais soudain, l’un d’eux s’arr?ta, contre toute attente, et se tourna pour le regarder. « Mon seigneur », dit-il, « le Roi ne nous a pas inform?s d’une quelconque visite ce matin. » Le c?ur de Mardig commen?a ? palpiter, mais il s’effor?a d’appara?tre t?m?raire et confiant ; il se tourna et d?visagea le soldat, d’un regard sup?rieur, jusqu’? ce qu’il puisse voir le soldat incertain de lui-m?me. « Et suis-je un simple visiteur ? » demanda froidement Mardig, faisant de son mieux pour ne pas para?tre effray?. Le garde recula lentement puis s’?carta rapidement, et Mardig passa la porte ouverte, les gardes la referm?rent derri?re lui. Mardig marcha fi?rement dans la pi?ce, et ce faisant, il vit les yeux ?tonn?s de son p?re, qui ?tait en train de se tenir ? la fen?tre et regardait pensivement son royaume dehors. Il lui fit face, confus. « Mardig », dit son p?re, « ? quoi dois-je ce privil?ge ? Je ne t’ai pas appel?. Tu n’as pas non plus daign? me rendre visite ces derni?res lunes –? moins que tu ne veuilles quelque chose. » Le c?ur de Mardig tambourinait dans sa poitrine. « Je ne suis pas venu pour vous demander quoi que ce soit, P?re », r?pondit-il. « Je suis venu prendre. » Son p?re paraissait perdu. « Pour prendre ? » demanda-t-il. « Pour prendre ce qui est mien », r?pondit Mardig. Mardig fit plusieurs grands pas ? travers la pi?ce, s’armant de courage, tandis que son p?re l’observait, perplexe. « Qu’est-ce qui est tien ? » demanda-t-il. Mardig sentit ses mains en sueur, la dague dans sa main, et ignorait s’il pouvait en finir avec ?a. « Voyons, le royaume », dit-il. Mardig d?voila lentement la dague dans sa main, voulant que son p?re la voie avant qu’il ne le poignarde, voulant que son p?re voie directement combien il le ha?ssait. Il voulait voir l’expression de peur, de stup?faction, de rage de son p?re. Mais quand son p?re baissa les yeux, ce ne fut pas le moment auquel Mardig s’?tait attendu. Il avait pens? que son p?re r?sisterait, riposterait ; mais ? la place, il leva le regard vers lui avec tristesse et compassion. « Mon gar?on », dit-il. « Tu es toujours mon fils, malgr? tout, et je t’aime. Je sais, au fond de ton c?ur, que tu ne penses pas cela. » Mardig plissa les yeux, confus. « Je suis malade, mon fils », poursuivit le Roi. « Bient?t, je serais mort. Quand ce sera le cas, le Royaume passera ? tes fr?res, pas ? toi. M?me si tu me tuais maintenant, tu n’y gagnerais rien. Tu serais toujours le troisi?me dans le rang. Donc pose ton arme et ?treins-moi. J’aime encore, comme tout p?re le ferait. » Mardig, dans un soudain ?lan de rage, les mains tremblantes, bondit en avant et plongea profond?ment la dague dans le c?ur de son p?re. Ce dernier se tint l?, les yeux exorbit?s d’incr?dulit?, tandis que Mardig le tenait fermement et le regardait dans les yeux. « Ta maladie t’a rendu faible, P?re », dit-il. « Il y a cinq ans je n’aurais jamais pu faire cela. Et un royaume ne m?rite pas un roi faible. Je sais que tu mourras bient?t – mais ce n’est pas assez t?t pour moi. » Son p?re s’effondra enfin au sol, immobile. Mort. Mardig baissa les yeux, haletant, encore choqu? par ce qu’il venait juste de faire. Il essuya sa main sur sa robe, puis jeta le couteau, qui atterrit par terre dans un cliquetis. Mardig fusilla son p?re du regard. « Ne t’inqui?te pas ? propos de mes fr?res, P?re », ajouta-t-il. « J’ai un plan pour eux aussi. » Mardig enjamba le corps de son p?re, approcha de la fen?tre, et contempla la capitale en contrebas. Sa cit?. Maintenant tout ?tait ? lui. CHAPITRE QUATORZE Kendrick leva son ?p?e et para le coup alors qu’un Marcheur des Sables abattait sa griffe aiguis?e comme un rasoir vers son visage. Il l’arr?ta avec un bruit m?tallique, des ?tincelles jaillirent, et Kendrick esquiva, tandis que la cr?ature faisait glisser ses griffes le long de la lame et frappait horizontalement vers sa t?te. Kendrick pivota et frappa, mais la cr?ature ?tait ?tonnamment rapide. Elle recula, l’?p?e de Kendrick la manqua de peu. Elle se jeta en avant, bondit haut dans les airs et vint droit sur Kendrick – et cette fois-ci, il ?tait pr?par?. Il avait sous-estim? sa vitesse, mais ne le ferait pas une seconde fois. Kendrick s’accroupit bas et leva son ?p?e – et il laissa la b?te s’empaler elle-m?me, passer droit ? travers la lame. Kendrick se leva sur ses genoux puis frappa ? l’horizontale et bas, coupant les jambes de deux Marcheurs des Sables qui se dirigeaient vers lui. Ensuite, il donna un coup d’?p?e en arri?re, en transper?ant un dans le ventre avant qu’il n’atterrisse sur son dos. Les b?tes d?ferlaient sur lui depuis toutes les directions, et Kendrick se retrouva au milieu d’une vive bataille, Brandt et Atme d’un c?t?, Koldo et Ludvig de l’autre. Tous les cinq se soutinrent instinctivement les uns les autres, formant un cercle serr?, dos ? dos, frappant de taille et d’estoc, donnant des coups de pied, repoussant les cr?atures tandis qu’ils surveillaient chacun les arri?res des autres. Ils combattirent et combattirent et combattirent sous les soleils torrides, sans nul endroit o? battre en retraite dans ce vaste espace ouvert. Les ?paules de Kendrick ?taient douloureuses, et il ?tait couvert de sang jusqu’aux coudes, ext?nu? par son long p?riple, par cette bataille interminable. Ils n’avaient pas de r?serves, et nulle part o? aller, et ils se battaient tous pour leur vie. Les cris enrag?s des cr?atures emplissaient les airs, pendant qu’elles tombaient ? gauche et ? droite. Kendrick savait qu’ils devaient ?tre prudents ; ce serait un long chemin pour le retour, et si l’un d’entre eux ?tait bless?, ce serait une situation d?sesp?r?e. Alors qu’ils se battaient, au loin, Kendrick aper?ut le gar?on, Kaden, et fut soulag? de voir qu’il ?tait encore en vie. Il luttait, ses mains et bras li?s derri?re son dos, retenu par plusieurs cr?atures. Sa vue motiva Kendrick, lui rappela la raison pour laquelle il ?tait venu pour commencer. Il se battait furieusement, redoublant ses efforts, tentant de passer ? travers toutes ces b?tes et de se frayer un chemin jusqu’au gar?on. Il n’aimait pas la mani?re dont ils le traitaient, et il savait qu’il devait l’atteindre avant que ces cr?atures fassent quoi que ce soit d’impulsif. Kendrick grogna de douleur quand il sentit soudain une coupure en travers de son bras. Il se tourna pour voir une cr?ature frapper ? nouveau, s’abattant avec ses griffes aiguis?es, droit vers son visage. Il ne pouvait r?agir ? temps, et il se pr?para au coup, s’attendant ? ce qu’il lui coupe le visage en deux – quand soudain Brandt se jeta en avant et transper?a la cr?ature ? travers le torse avec son ?p?e, sauvant Kendrick au dernier moment. En m?me temps, Atme s’avan?a et frappa une cr?ature juste avant qu’elle ne puisse plonger ses crocs dans la gorge de Brandt. Kendrick pivota ensuite, entaillant deux cr?atures avant qu’elles se ne ruent sur Atme. Il tourna et tourna, pivotant et frappant, affrontant chaque cr?ature jusqu’? la derni?re. Les b?tes tombaient ? leurs pieds, s’empilaient sur le sable, et le sable devint rouge de sang. Kendrick rep?ra, de coin de l’?il, plusieurs cr?atures se saisissant de Kaden et commen?ant ? s’enfuir avec lui. Son c?ur acc?l?ra ; il savait qu’il s’agissait d’une situation d?sesp?r?e. S’il les perdait de vue, ils dispara?traient dans le d?sert et ils ne retrouveraient jamais Kaden. Kendrick savait qu’il devait s’?chapper. Il se lib?ra du combat, donnant des coups de coude ? plusieurs cr?atures pour les ?carter de son chemin, et poursuivit le gar?on, laissant les autres pour combattre les b?tes. Plusieurs d’entre elles le pourchass?rent, et Kendrick se retourna, donnant des coups de pieds et d’?p?e pour les en dissuader tout en continuant. Kendrick se sentit ?tre ?gratign? de tous c?t?s, mais quoi qu’il arrive, il ne s’arr?ta pas. Il devait atteindre Kaden ? temps. Kendrick, rep?rant Kaden, savait qu’il devait l’arr?ter ; il savait qu’il n’aurait qu’une chance pour ?a. Kendrick chercha ? sa ceinture, saisit un couteau, et le lan?a. Il atterrit dans le cou d’une cr?ature, la tuant avant qu’elle ne puisse plonger ses griffes dans la gorge de Kaden. Kendrick jaillit ? travers la cohue, r?duisant l’?cart, courant jusqu’? Kaden, et en frappa un juste avant qu’il ne puisse l’achever. Kendrick prit une position d?fensive par-dessus Kaden, qui gisait au sol, ligot?, tandis que Kendrick tuait tous ses ravisseurs. Alors que d’autres cr?atures se rapprochaient d’eux, Kendrick para?t leurs griffes dans chaque direction. Il se retrouva encercl?, frappant de taille dans toutes les directions, mais d?termin? ? sauver Kaden. Les autres, il pouvait le voir, ?taient trop immerg? dans la bataille pour se pr?cipiter aux c?t?s de Kaden. Kendrick souleva son ?p?e et trancha les liens du gar?on, le lib?rant. « Prend mon ?p?e ! » l’implora Kendrick. Kaden saisit l’?p?e courte suppl?mentaire dans le fourreau de Kendrick, pivota et fit face au reste des cr?atures, aux c?t?s de Kendrick. M?me s’il ?tait jeune, Kendrick pouvait voir que le gar?on ?tait rapide, courageux et t?m?raire, et il fut ravi de l’avoir ? ses c?t?s, combattant les b?tes. Ils se battirent bien ensemble, abattant des cr?atures ? gauche et ? droite. Mais, pour autant qu’ils se battent, il y en avait simplement trop, et Kendrick et Kaden furent rapidement compl?tement encercl?s. Kendrick perdait de la force, ses ?paules se fatiguaient, quand soudain, il vit que les cr?atures commen?aient ? tomber et entendit un grand cri de guerre venant de derri?re eux. Kendrick fut enchant? de voir Koldo, Ludvig, Brandt et Atme forcer les lignes, tuant des b?tes dans toutes les directions. Encourag?, Kendrick riposta, dans un dernier effort, Kaden ? c?t? de lui. Tous les six, combattant ensemble, ?taient impossibles ? arr?ter, abattant toutes les cr?atures. Kendrick se tint l? dans le silence, ? court de souffle sur le sable du d?sert, faisant le bilan ; il pouvait ? peine croire ce qu’ils avaient tout juste fait. Tout autour d’eux s’empilaient les carcasses des b?tes, ?tal?es dans diverses directions, le sable ?tait rouge de sang. Lui et les autres ?taient couverts de blessures, ?gratign?s – mais ils se tenaient tous l?, en vie. Et Kaden, qui souriait d’une oreille ? l’autre, ?tait libre. Kaden tendit les bras et les ?treignit tous, un ? un, en commen?ant par Kendrick, le regardant avec un air qui en disait long. Il garda sa derni?re ?treinte pour Koldo, son fr?re a?n?, et Koldo l’enla?a en retour, sa peau noire ondulant sous le soleil. « Je ne peux pas croire que vous soyez venus pour moi », dit Kaden. « Tu es mon fr?re », dit Koldo. « ? quel autre endroit pourrais-je ?tre ? » Kendrick entendit un bruit, jeta un coup d’?il et vit les six chevaux que ces cr?atures avaient kidnapp?s, tous attach?s ensemble par une corde – lui et les autres ?chang?rent un regard entendu. Comme un seul homme, ils se pr?cipit?rent tous et enfourch?rent les animaux, chacun ? peine assis avant d’enfoncer leurs talons et de pousser les b?tes en avant, ? nouveau dans la D?solation, tous se dirigeant vers la Cr?te, de retour, enfin, vers la maison. CHAPITRE QUINZE Erec se tenait ? la poupe de son navire, prenant en charge l’arri?re de sa flotte, et v?rifia par-dessus son ?paule une fois de plus avec anxi?t?. D’un c?t?, il ?tait soulag? qu’ils aient r?ussi ? ?craser ce village de l’Empire, ? bifurquer ? nouveau sur la rivi?re vers Volusia, vers Gwendolyn ; de l’autre, il avait pay? un lourd tribut, pas seulement en hommes, mais en temps – il avait supprim? l’avance qu’il leur restait sur le reste de la flotte de l’Empire. Alors qu’il jeta un regard en arri?re, il les vit les suivre, bien trop proches, remontant la rivi?re en serpentant, ? quelques centaines de m?tres ? peine, arborant les ?tendards noir et or de l’Empire. Il avait perdu son avance d’un jour sur eux, et maintenant ils le suivaient furieusement, comme un frelon poursuivant sa proie, leurs embarcations sup?rieures, mieux pourvues en hommes, se rapprochaient de plus en plus ? chaque rafale de vent. Erec se retourna et scruta l’horizon. Il savait d’apr?s ses ?claireurs que Volusia se trouvait juste au-del? d’un m?andre quelque part – cependant, au rythme auquel l’Empire r?duisait l’?cart, il se demanda si sa petite flotte l’atteindrait ? temps. Il commen?ait ? se rendre compte que s’ils n’y arrivaient pas ? temps, ils devraient faire demi-tour et prendre position – et ce serait un combat, en ?tant autant en sous nombre, qu’ils ne pouvaient pas gagner. Erec entendit un son qui lui h?rissa les cheveux sur la nuque, il se retourna et leva les yeux pour voir une vue qui le laissa avec une crainte froide : une vague de fl?ches de l’Empire avait ?t? envoy?e, et elles volaient maintenant dans les airs, noircissant le ciel, se dirigeant, dans un grand arc de cercle, vers sa flotte. Erec se tint pr?t et regarda avec soulagement la premi?re vol?e atterrir dans l’eau tout autour de lui, ? peut-?tre vingt m?tres de son bateau, le bruit des fl?ches touchant l’eau sonnant comme une lourde pluie. « FL?CHES ! » hurla Erec, avertissant ses hommes pour qu’ils se mettent ? couvert. La plupart d’entre eux le fit, et pas un instant trop t?t. Une autre vol?e suivit rapidement, cela tir?s par des arbal?tes avec une port?e plus grande, et Erec observa, horrifi?, quand une atteint le pont de son navire et qu’un de ses soldats cria. Erec se tourna pour la voir d?passant de sa jambe, transperc?e par une fl?che perdue, la seule avec une port?e juste assez grande pour frapper. Erec ?prouva une mont?e d’indignation – et d’urgence. L’Empire ?tait ? port?e : bien trop vite ils seraient submerg?s, et avec la flotte de l’Empire comptant des milliers de navires, il n’y avait simplement aucune possibilit? pour les hommes d’Erec de les battre. Erec savait qu’il devait r?fl?chir rapidement. « Devons-nous nous tourner et combattre, mon fr?re ? » demanda Strom, venant ? c?t? de lui. Alistair regarda en arri?re, elle aussi, calmement debout ? c?t? de lui. « Tu l’emporteras, mon amour », dit-elle. « Je l’ai vu. » Erec se sentit encourag? par ses mots, comme toujours, et tandis qu’il fixait des yeux et ?tudiait le paysage, une id?e vint ? lui. « Parfois », dit-il, « nous devons sacrifier pour accomplir quelque chose de plus grand. » Erec se tourna vers son fr?re, confiant. « Embarque sur le navire ? c?t? de nous. ?vacue-le, puis prend l’arri?re », ordonna-t-il. Il prit ensuite le bras de Strom, et le regarda dans les yeux. « Quand tu auras fini », ajouta-t-il, « enflamme-le, puis dirige-toi droit vers leur flotte. Tu sauteras sur mon navire avant que les flammes ne le recouvrent. » Les yeux de Strom s’?carquill?rent, appr?ciant le plan. Il se mit en mouvement, courut et bondit du pont au navire ? c?t? de lui, ex?cutant les ordres de son fr?re. Il commen?a ? aboyer des ordres, et les hommes se mirent en rang tout autour de lui, se mettant en action et commen?ant ? abandonner l’embarcation, sautant sur le pont de celui d’Erec. Ce dernier pouvait sentir le poids de son navire augmenter. « Plus de rames ! » s’?cria Erec, sentant qu’ils ralentissaient. Il doubla le nombre de rameurs ? bord, et ils pouss?rent tous, se soulevant, tandis que le bateau d’Erec commen?ait ? prendre de la vitesse. « R?partissez-vous ! » ordonna Erec, r?alisant que son navire allait trop lentement. « Sautez sur les autres bateaux ! » Ses hommes firent selon ses ordres, bondissant de son embarcation vers plusieurs autres de sa flotte, distribuant leur poids ?galement parmi elles. Finalement, le navire d’Erec se redressa et gagna en vitesse. Erec se tourna pour voir le dernier homme sauter du bateau de Strom. Ce dernier leva une torche et courut le long du navire, mettant le feu ? tout, puis la lan?a de toutes ses forces. La torche atterrit sur le m?t, l’enflamma, d?clenchant un ?norme incendie, et Strom se tourna, retourna en bondissant sur l’embarcation de son fr?re, et se tint l?, observant, tandis que le navire fant?me, en feu, d?rivait le long du courant – droit vers la flotte de l’Empire. « Ramez ! » cria Erec, voulant distancer plus le bateau en flammes, la flotte de l’Empire. Ils gagn?rent de plus en plus de distance, remontant la rivi?re plus vite. La flotte de l’Empire essaya de se d?tourner du chemin – mais il n’y avait nulle part o? naviguer sur la rivi?re minuscule. Le navire enflamm? causa le chaos. Ils l’attaqu?rent, ne r?alisant pas qu’il n’y avait pas d’?quipage, et gaspill?rent de pr?cieuses fl?ches et lances. Le bateau fut assailli depuis toutes les directions – mais rien ne pouvait arr?ter son cours. En quelques instants, le navire, une ?pave en feu, flottait droit vers le centre de la flotte de l’Empire, la s?parant au milieu. Et ils n’avaient aucun moyen de l’arr?ter. L’embarcation en frappa d’autres, et tandis que des hommes criaient et sautaient hors de la trajectoire, des flammes commenc?rent ? les l?cher, se propageant ? gauche et ? droite causant le chaos dans la flotte de l’Empire. Rapidement, plusieurs autres navires furent en feu, avec leurs soldats se ruant pour les ?teindre. « MONSIEUR ! », Erec entendit quelqu’un s’?crier. Erec se tourna pour voir un des hommes pointant du doigt, et quand il regarda vers l’amont de la rivi?re, il fut frapp? par une vue impressionnante : une cit? majestueuse qui ne pouvait ?tre autre que Volusia. « Volusia », dit Alistair, de l’assurance dans la voix, et Erec sentit que cela devait ?tre cela. Il jeta un coup d’?il en arri?re, vit qu’ils avaient gagn? un temps pr?cieux – peut-?tre des heures – et il sut qu’ils avaient une chance, quoique mince, de p?n?trer dans la cit? et d’en sortir avant que l’Empire ne puisse les rattraper. Il se tourna et fit un signe de la t?te ? ses hommes. « Pleine voile, droit devant », ordonna-t-il. * La flotte d’Erec, naviguant avec r?gularit? pour la plupart de la journ?e, atteignit finalement un tournant dans le m?andre, le courant augmentant, et ce faisant, Erec regarda au loin, en admiration face ? la vue. S’?tendant devant eux se tenait ce qui ne pouvait ?tre que Volusia. Une cit? magnifique, la plus somptueuse sur laquelle il ait jamais pos? les yeux, elle ?tait faite d’or, brillant m?me depuis l?, ses ?difices et rues plus ordonn?s et raffin?s que tout ce qu’il avait pu voir. Partout s’?levaient des statues, en forme de femme qui paraissait ?tre une d?esse, ?blouissante dans le soleil, et il ne pouvait s’emp?cher de se demander qui elle ?tait, et quel culte la v?n?rait. Plus que tout, Erec ?tait interloqu? par son port scintillant, rempli de toutes sortes de navires et vaisseaux, pour une grande partie dor?s, ?tincelants dans le soleil, si brillants qu’il du presque d?tourner le regard. L’oc?an se brisait sur ses rives, et Erec put voir imm?diatement qu’il s’agissait d’une cit? ? la richesse et ? la puissance ph?nom?nales. Alors qu’il l’examinait, Erec fut aussi surpris par quelque chose d’autre qu’il vit : des colonnes de fum?e noire. Elles flottaient au-dessus de la cit?, la recouvrant comme un manteau dans toutes les directions. Il ne pouvait en comprendre la raison. La cit? ?tait-elle en feu ? Au milieu d’un soul?vement ? Attaqu?e ? C’?tait d?routant pour lui. Comment une telle cit?, un tel bastion de puissance, pouvait-elle ?tre attaqu?e ? Quelle force y avait-il dans l’Empire qui soit assez puissante pour assaillir une ville de l’Empire ? Et ce qui l’inqui?tait plus que tout : Gwendolyn ?tait-elle impliqu?e ? Erec plissa les yeux, se demandant s’il voyait des choses ; mais tandis qu’ils se rapprochaient, tandis qu’il entendait le bruit distinct d’hommes poussant des cris d’agonie, il r?alisa qu’il avait raison. Et alors qu’il regardait de plus pr?s, il cligna des yeux, confus. Il apparaissait que l’Empire attaquait l’Empire. Mais pourquoi ? Partout, des hommes tombaient, des milliers de soldats se d?versaient dans les rues, ? travers les portes ouvertes de la cit?, la saccageaient. Ces envahisseurs portaient une armure de l’Empire, mais elle ?tait d’une couleur diff?rente – toute noire. Il vit qu’ils arboraient un ?tendard distinct, et en observant de plus pr?s, il le reconnut d’apr?s ses livres d’histoire : Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43694999&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.