Êàê ÷àñòî ÿ âèæó êàðòèíêó òàêóþ Âîî÷èþ, èëè îíà òîëüêî ñíèòñÿ: Äâå äåâî÷êè-ãåéøè î ÷¸ì-òî òîëêóþò, Çàáûâ, ÷òî äàâíî èì ïîðà ðàñõîäèòüñÿ. Íà óëèöå ò¸ìíîé âñå äâåðè çàêðûòû. Ëåíèâîå ïëàìÿ â ôîíàðèêå ñîííîì… À äåâî÷êè-ãåéøè êàê áóäòî çàáûòû Äâóìÿ îãîíüêàìè â ïðîñòðàíñòâå áåçäîííîì. Íó ÷òî âàì íå ñïèòñÿ, ïðåêðàñíûå ãåéøè? Âåäü äàæå ñâåð÷êè íåóìîë÷íû

Un mauvais pressentiment

Un mauvais pressentiment Blake Pierce Une Enqu?te de Keri Locke #1 Une histoire haletante qui vous accroche d?s le premier chapitre pour ne plus vous l?cher Midwest Book Review, Diane Donovan (au sujet de Sans laisser de traces) Blake Pierce, auteur ? succ?s de romans policiers, nous livre son dernier chef-d’?uvre de suspense. Keri Locke, une agent du service des personnes disparues au sein de la police de Los Angeles, n’a qu’une obsession : retrouver sa fille, qui a ?t? enlev?e des ann?es plus t?t et n’a jamais ?t? retrouv?e. Keri noie sa peine en s’investissant ? corps perdu dans ses enqu?tes sur des personnes disparues ? Los Angeles. Un apr?s-midi, elle re?oit un appel d’une maman inqui?te, dont la fille adolescente ne donne plus de nouvelles depuis deux heures. Malgr? qu’on lui ordonne de l’ignorer, Keri est touch?e par l’accent d?sesp?r? de cette m?re, et d?cide de mener l’enqu?te. Ce qu’elle va d?couvrir est choquant : l’adolescente, qui est aussi la fille d’un s?nateur am?ricain, avait de nombreux secrets. Tout semble indiquer une fugue, et Keri est dessaisie de l’affaire. Et pourtant, malgr? la pression de ses sup?rieurs, des m?dias, et malgr? l’absence de pistes, Keri persiste. Brillante et obstin?e, Keri sait qu’elle n’a que 48 heures pour retrouver la jeune fille vivante. Un mauvais pressentiment est un thriller psychologique au suspense haletant, qui ouvre une nouvelle s?rie de romans – et une nouvelle enqu?trice attachante – et qui vous tiendra en haleine jusqu’? la fin. Un chef-d’?uvre de suspense et de myst?re ! L’auteur a parfaitement r?ussi ? d?velopper la psychologie des personnages, qui sont si bien d?crits qu’on se sent dans leur peau et qu’on a peur pour eux. L’intrigue est tr?s bien ficel?e et vous captivera tout au long du livre. Ce roman plein de rebondissements vous tiendra en haleine jusqu’? la toute derni?re page. Books and Movie Reviez, Roberto Mattos (au sujet de Sans laisser de traces) Le deuxi?me tome de la s?rie Keri Locke sera bient?t disponible. Blake Pierce UN MAUVAIS PRESSENTIMENT Blake Pierce Blake Pierce est l’auteur de la populaire s?rie de thrillers RILEY PAIGE. Il y a sept tomes, et ce n’est pas fini ! Blake Pierce ?crit ?galement les s?ries de thrillers MACKENZIE WHITE (cinq tomes, s?rie en cours), AVERY BLACK (quatre tomes, s?rie en cours) et depuis peu KERI LOCKE. Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'h?sitez pas ? visiter son site web www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com/) pour en savoir plus et rester en contact ! Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la loi des Etats-Unis sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l’autorisation pr?alable de l’auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule utilisation personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d’autres personnes. Si vous souhaitez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir achet? ou s’il n’a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, vous ?tes pri? de le renvoyer et d’acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur travail de cet auteur. Il s’agit d’une ?uvre de fiction. Les noms, personnages, entreprises, organisations, lieux, ?v?nements et p?rip?ties sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilis?s dans un but de fiction. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou d?c?d?es, n’est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright Anna Caczi, utilis?e en vertu d’une licence accord?e par Shutterstock.com DU M?ME AUTEUR LES ENQU?TES DE RILEY PAIGE SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1) REACTION EN CHAINE (Tome 2) LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3) LES PENDULES ? L’HEURE (Tome 4) QUI VA A LA CHASSE (Tome 5) A VOTRE SANT? (Tome 6) DE SAC ET DE CORDE (Tome 7) UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8) LES ENQU?TES DE MACKENZIE WHITE AVANT QU’IL NE TUE (Tome 1) AVANT QU’IL NE VOIE (Tome 2) AVANT QU’IL NE CONVOITE (Tome 3) LES ENQU?TES D’AVERY BLACK RAISON DE TUER (Tome 1) RAISON DE COURIR (Tome 2) RAISON DE SE CACHER (Tome 3) LES ENQUETES DE KERI LOCKE UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (TOME 1) DE MAUVAIS AUGURE (TOME 2) L’OMBLRE DU MAL (TOME 3) PROLOGUE Il v?rifia sa montre : 14h59. La cloche de l’?cole allait sonner dans moins d’une minute. Ashley habitait ? douze rues de l’?cole, soit un peu plus d’un kilom?tre, et faisait g?n?ralement le trajet ? pied. Sa seule crainte ?tait qu’aujourd’hui, elle ait exceptionnellement de la compagnie en chemin. Peu apr?s la sortie du flot d’?coliers, il la vit se diriger vers la grand-rue, accompagn?e de deux autres filles. Constern?, il les vit s’arr?ter ? un passage pi?ton en discutant. Ce n’?tait pas possible – il fallait que les deux filles s’en aillent, il fallait qu’Ashley se retrouve toute seule. Il le fallait. Il sentit l’angoisse monter. C’?tait son jour, l’occasion parfaite. Assis ? l’avant de sa fourgonnette, il s’appliqua ? ma?triser ce qu’il surnommait son « moi v?ritable ». C’?tait son moi v?ritable qui faisait ses exp?riences particuli?res sur ses sujets d’?tude, chez lui. C’?tait son moi v?ritable qui lui permettait de passer outre les hurlements et les implorations de ses sujets d’?tude, afin de se concentrer sur ses pr?cieuses recherches. Il lui fallait dissimuler son ‘moi v?ritable’ avec soin : il devait se rappeler de les appeler ‘filles’ et non ‘sujets d’?tude’. Il devait se rappeler d’utiliser de vrais pr?noms, tels que « Ashley ». Il devait se rappeler qu’aux yeux des gens, il avait l’air parfaitement normal, et que tant qu’il agissait normalement, personne ne soup?onnerait ce qui ?tait tapi au fond de lui. Cela faisait des ann?es qu’il se comportait de fa?on aussi normale que possible, et certains le qualifiaient m?me de beau parleur. Il s’en r?jouissait, car cela signifiait qu’il jouait bien son r?le. Et, en se comportant de la sorte, il ?tait parvenu ? cr?er une vie, une vie que certains pouvaient envier. Ainsi, il pouvait se cacher au vu de tous. Aujourd’hui, toutefois, il sentait son « moi v?ritable » gonfler dans sa poitrine et le supplier d’?tre lib?r?, au point qu’il peinait ? ma?triser ses d?sirs. Il lui fallait les contenir. Il ferma les yeux et inspira profond?ment, essayant de se rem?morer les instructions. Il inspira l’air pendant plusieurs secondes, avant de le laisser s’?chapper en formant le son qu’il avait appris ? faire. « Ohhmmmm… » Lorsqu’il rouvrit les yeux, il ressentit une bouff?e de soulagement en voyant que les deux amies d’Ashley avaient tourn? dans Clubhouse Avenue, pour se diriger vers le plan d’eau. Ashley, elle, continuait seule sa route sur la grand-rue, longeant le parc pour chiens. Occasionnellement, elle ralentissait le pas ? ce niveau, pour regarder les chiens jouer et pourchasser les balles de tennis qu’on leur envoyait. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle marchait d’un pas d?cid?, comme si elle avait un but pr?cis en t?te. Si elle avait su ce qui l’attendait, son pas n’aurait pas ?t? aussi alerte. ? cette pens?e, un rictus amus? se dessina sur son visage. Il l’avait toujours trouv?e attirante. Il calqua l’allure de la fourgonnette sur celle d’Ashley, prenant garde de laisser traverser les hordes de coll?giens, tout en admirant sa silhouette mince et athl?tique. Elle portait une jupe rose qui s’arr?tait au-dessus du genou, et un haut bleu moulant. Il d?cida de passer ? l’acte. Un sentiment de calme l’envahit. Il s’empara de la cigarette ?lectronique qui attendait sur le tableau de bord et appuya d’un geste l?ger sur l’acc?l?rateur afin de parvenir ? sa hauteur. Il l’interpella : « Salut. » Surprise, elle jeta un coup d’?il dans la fourgonnette, les yeux pliss?s. De toute ?vidence, elle ne parvenait pas ? l’identifier. « C’est moi », dit-il nonchalamment. Il arr?ta le van et se pencha pour ouvrir la porti?re passager, afin qu’elle puisse distinguer son interlocuteur. Elle s’approcha pour mieux le voir, et sembla le reconna?tre apr?s un instant d’h?sitation. « Ah, salut. D?sol?e, fit-elle. – Pas de probl?me » Il prit une longue bouff?e de sa cigarette ?lectronique. Elle observa l’appareil qu’il tenait. « Je n’avais jamais vu de cigarette ?lectronique pareille ! – Tu veux essayer ? » Il avait pos? la question du ton le plus d?sinvolte possible. Elle acquies?a et s’approcha de lui. Il se pencha ?galement vers elle, comme s’il allait lui tendre sa cigarette. Mais quand elle fut ? moins d’un m?tre, il actionna un dispositif sur l’appareil, qui vaporisa un petit nuage d’une substance chimique droit sur le visage de la jeune fille. Sans attendre, il plaqua un masque sur son propre visage, afin de ne pas inhaler la substance. Son geste avait ?t? si rapide et discret qu’Ashley ne l’avait m?me pas remarqu? – et son corps commen?a ? s’affaisser avant qu’elle puisse r?agir. Elle ?tait d?j? ? moiti? inconsciente, et pench?e vers l’int?rieur du v?hicule. Il lui suffit de l’attraper et de la glisser sur le si?ge passager. Aux yeux d’un passant, elle aurait presque eu l’air  de monter dans la fourgonnette de son propre chef. Son c?ur battait la chamade, mais il se for?a ? rester calme. Il avait fait le plus dur. Il tendit le bras au-dessus de son sujet d’?tude pour fermer la porti?re, puis attacha la ceinture de s?curit? sur le corps inerte, avant d’attacher la sienne. Enfin, il prit une derni?re grande respiration – inspiration, expiration… Lorsqu’il fut certain que la voie ?tait libre, il repartit sur la route. Quelques rues plus loin, la fourgonnette s’ins?ra dans le trafic d’un apr?s-midi comme les autres, dans le sud de la Californie. Il ?tait un automobiliste comme les autres, frayant son chemin dans un oc?an de destins. CHAPITRE 1 Lundi, en fin d’apr?s-midi La d?tective Keri Locke se promit de ne pas y aller. Elle ?tait la plus jeune parmi les agents du service « personnes disparues » du secteur Ouest du LAPD – la police de Los Angeles –, et l’on s’attendait d’elle qu’elle travaille plus dur que quiconque dans son service. Elle avait rejoint la police quatre ans plus t?t, et en avait aujourd’hui trente-cinq. Elle avait souvent l’impression qu’elle n’avait pas le droit ? l’erreur, ni m?me d’avoir l’air de prendre une pause. Autour d’elle, le service fourmillait d’activit?. Au bureau d’? c?t?, une femme ?g?e, d’origine latino-am?ricaine, recueillait le t?moignage d’une victime de vol ? l’arrach?e. Un peu plus loin, on interrogeait un agresseur. C’?tait un apr?s-midi typique de son quotidien, qui avait fini par devenir normal pour elle. Et pourtant, comme d’habitude, une envie la d?mangeait, refusait d’?tre ignor?e. Elle c?da. Elle se leva et prit la direction de la baie vitr?e qui donnait sur Culver Boulevard. Plant?e l?, elle apercevait son faible reflet, qui semblait fantomatique sous les rayons dansants du soleil. Fantomatique – c’?tait ?galement l’impression qu’elle avait d’elle-m?me. Elle savait ?tre une femme s?duisante. 167 centim?tres pour 59 kilos (60, pour ?tre honn?te), une chevelure blond cendr? et une ligne qui n’avait pas trop souffert de la grossesse. Elle faisait encore tourner quelques t?tes. Mais il suffisait d’y regarder de plus pr?s pour s’apercevoir que ses yeux marron ?taient inject?s de sang, son front creus? de rides pr?matur?es, et son teint  d’une p?leur, eh bien… fantomatique. Comme tous les jours, elle portait une simple chemise rentr?e dans un pantalon noir, et des chaussures plates, noires, qui lui donnaient l’air s?rieux tout en lui permettant de courir. Ses cheveux ?taient relev?s en queue-de-cheval. C’?tait l? son uniforme standard. La seule variable ?tait la couleur de la chemise, qui changeait tous les jours. Cela renfor?ait le  sentiment qu’elle avait de jalonner sa vie plut?t que de la vivre. Keri per?ut un mouvement du coin de l’?il et sortit de sa r?verie. Elles arrivaient. En contrebas, Culver Boulevard ?tait presque d?sert. Il ?tait bord? d’une piste pour les v?los et les joggeurs. En g?n?ral, en fin d’apr?s-midi, les trottoirs ?taient bond?s, mais aujourd’hui r?gnait une chaleur accablante, sans un souffle d’air – alors m?me que la plage ?tait ? moins de dix kilom?tres. Les parents qui d’ordinaire amenaient leurs enfants ? l’?cole ? pied avaient opt? pour leurs voitures climatis?es. Tous, sauf un. ? exactement 16 :12, r?gl?e comme une horloge, une jeune fille de sept ou huit ans apparut, p?dalant lentement sur son v?lo. Elle portait une jolie robe blanche. Sa m?re, plut?t jeune, ?tait ? la tra?ne derri?re elle, le cartable de sa fille jet? sur l’?paule. Keri sentit l’angoisse monter dans sa gorge et elle se retourna pour v?rifier qu’on ne l’observait pas. Personne ne pr?tait attention ? elle. Alors, elle c?da ? l’envie qui la tenaillait depuis le d?but de la journ?e et fixa du regard la m?re et sa fille. Elle les contempla avec jalousie et ferveur. Malgr? qu’elle les ait ?pi?es un nombre incalculable de fois, elle ne parvenait pas ? croire ? quel point cette fillette ressemblait ? Evie. Elle avait les m?mes cheveux blonds ondul?s, les m?mes yeux verts, et le m?me sourire de guingois. Elle resta debout au m?me endroit, dans un ?tat second, bien apr?s que la m?re et sa fille eussent disparu. Lorsque finalement elle se secoua et se d?cida ? retourner ? son bureau, sa voisine hispanique se pr?parait ? partir. L’agresseur avait ?t? entendu, et un nouveau d?linquant menott?, l’air renfrogn?, avait investi son si?ge, flanqu? d’un agent de police. Keri jeta un coup d’?il ? l’horloge digitale suspendue au-dessus de la machine ? caf?. 16 :22. Je suis vraiment rest?e dix minutes enti?res devant cette fen?tre ? C’est en train d’empirer, pas le contraire… Elle retourna ? son bureau, t?te baiss?e, s’effor?ant de ne pas croiser le regard de ses coll?gues curieux. Elle s’assit et contempla la pile de dossiers sur son bureau. Le dossier Martine ?tait presque achev?, et n’attendait que le tampon du procureur pour ?tre transf?r? dans l’armoire des dossiers « en attente de proc?s ». Le dossier Sanders ?tait en suspens jusqu’? ce qu’elle obtienne le rapport de la police scientifique. La police du secteur Rampart, un quartier de Los Angeles, avait demand? aux agents du secteur Ouest  de faire des recherches sur une prostitu?e d?nomm?e Roxie. Cette derni?re avait disparu, et une de ses amies leur avait expliqu? qu’elle avait commenc? ? travailler dans le secteur Ouest. Ils esp?raient qu’un agent du service de Keri pourrait le confirmer – ainsi, ils n’auraient pas besoin d’ouvrir un nouveau dossier. Ce qui ?tait d?licat, dans les dossiers « personnes disparues », c’?tait qu’il est tout ? fait autoris? de dispara?tre. Tout du moins, pour les adultes. La police avait un peu plus de marge de man?uvre lorsqu’il s’agissait de mineurs, en fonction de leur ?ge. Toutefois, de mani?re g?n?rale, rien n’interdit ? un adulte de laisser tomber sa vie et dispara?tre. Cela arrive plus souvent qu’on ne l’imagine. Si rien n’indique une activit? criminelle, les autorit?s ont des pouvoirs d’investigation limit?s. C’est pour cette raison que les dossiers tels que celui de Roxie passaient ? travers les mailles du filet. Keri se rendit compte que rien ne justifiait qu’elle reste au bureau pass? 17h. Elle poussa un soupir de r?signation. Yeux ferm?s, elle visualisa le moment, dans moins d’une heure, o? elle se verserait trois doigts de whiskey Glenlivet – peut-?tre quatre – apr?s avoir regagn? son bateau habitable Sea Cups. Elle mangerait des restes de plats chinois ? emporter et regarderait quelques ?pisodes de Scandal. Si cette forme de psychoth?rapie maison venait ? faillir, elle se retrouverait sur le divan de Dr Blanc, une perspective peu r?jouissante. Elle avait commenc? ? ranger ses dossiers, se pr?parant ? partir, lorsque Ray fit irruption et s’affala dans la chaise en face d’elle, de l’autre c?t? du bureau qu’ils partageaient. Ray ?tait officiellement l’agent Raymond Sands, de son petit nom Big, son coll?gue depuis presque un an, et son ami depuis sept ans. Son surnom, « Big », lui collait tout ? fait. Ray (car Keri ne l’appelait jamais « Big », inutile de flatter excessivement son ego), ?tait en effet un grand gaillard noir d’1,93 m?tres et 104 kg. Il avait un cr?ne chauve et luisant, une dent cass?e, un bouc tir? au cordeau, et un penchant pour les chemises trop petites, qui faisaient ressortir ses muscles. ? quarante ans, Ray ressemblait toujours au boxeur olympique m?daill? de bronze qu’il avait ?t? ? vingt ans, et au challenger professionnel, cat?gorie poids lourds, qu’il est rest? jusqu’? 28 ans. C’est ? cet ?ge-l? qu’un petit boxeur gaucher mal rafistol? et plus petit que lui d’une t?te lui avait ?clat? l’?il droit et an?anti sa carri?re. Ray avait port? un cache-?il pendant deux ans avant de se r?soudre ? se faire implanter un ?il de verre. Ce qui lui convenait tr?s bien. Tout comme Keri, Ray avait rejoint le LAPD ? un ?ge plus avanc? que la moyenne. La trentaine entam?e, il cherchait un sens ? sa vie. Il avait grimp? les ?chelons tr?s vite et ?tait aujourd’hui le plus ancien d?tective du service des personnes disparues. « Tu as la t?te d’une femme qui ne r?ve que de l’oc?an et d’un verre de whiskey, fit-il. – ?a se voit tant que ?a ? – Je suis bon d?tective. Mes capacit?s d’observation sont sans pareille. En plus, tu as d?j? ?voqu? deux fois ta palpitante soir?e ? venir… – Que veux-tu, je suis acharn?e dans mes projets, Raymond ». Il sourit. Son ?il trahissait la tendresse que son attitude cachait. Keri ?tait la seule autoris?e ? l’appeler par son vrai pr?nom, et il lui arrivait d’abuser de sa pr?rogative en accolant au pr?nom des ?pith?tes peu flatteuses. Il lui rendait sans h?siter la monnaie de sa pi?ce. « Bon, ?coute, Princesse Sourire, tu ferais mieux de passer les derni?res minutes de ta journ?e de travail ? v?rifier le rapport de la police scientifique, pour le dossier Sanders… au lieu de r?ver de ton whiskey alors qu’il fait encore jour ! – Boire la journ?e ? » Elle fit semblant de se vexer. « C’est acceptable si je commence apr?s 17 heures, M. Hulk. » Il allait r?pliquer quand le t?l?phone sonna. Keri d?crocha avant que Ray ne puisse riposter. Elle lui tira la langue, taquine. « Police de Los Angeles, service des personnes disparues. Agent Locke ? l’appareil. » Ray d?crocha son combin? pour ?couter, sans intervenir. La femme ? l’autre bout de la ligne semblait jeune, fin de la vingtaine ou d?but de la trentaine. Avant m?me qu’elle ait expliqu? pourquoi elle appelait, Keri sentit l’inqui?tude dans sa voix. « Je m’appelle Mia Penn. J’habite pr?s de Dell Avenue, dans le quartier de Venice, du c?t? des canaux. Je m’inqui?te pour ma fille, Ashley. Elle aurait du arriver ? la maison ? trois heures et demie, et elle savait qu’on devait aller ? un rendez-vous chez le dentiste ? 16h45. Elle m’a envoy? un message juste avant de partir de l’?cole ? 15h mais elle n’est jamais arriv?e ? la maison, et elle ne r?pond pas aux appels et aux messages. ?a ne lui ressemble pas ! Elle est tr?s responsable. – Mme Penn, Ashley rentre-t-elle ? la maison ? pied ou en voiture ? demanda Keri. – ? pied, elle n’a que quinze ans. Elle n’a m?me pas commenc? ? pr?parer le code de la route ! » Keri jeta un coup d’?il ? Ray. Elle savait ce qu’il allait dire, et elle savait qu’il aurait raison. Mais quelque chose, dans la voix de Mia Penn, l’interpellait. Elle devinait que cette femme ne ma?trisait qu’? grand-peine sa panique, qui bouillonnait sous la surface. Elle voulait demander ? Ray de passer outre le protocole habituel, mais elle ne parvenait pas ? trouver une bonne justification. « Mme Penn, je suis l’agent Ray Sands. Je me joins ? la discussion. Je voudrais que vous respiriez calmement et que vous me disiez s’il est d?j? arriv? que votre fille arrive en retard ? la maison. » Mia Penn se h?ta de r?pondre, oubliant de respirer : « Oui, bien s?r » admit-elle, tentant de cacher son exasp?ration. « Comme je vous ai dit, elle a quinze ans. Mais elle a toujours appel? ou envoy? un message si elle avait plus d’une heure de retard. Et ?a n’est jamais arriv? alors que nous avions un rendez-vous pr?vu ! ». Ray r?pondit sans tenir compte du regard d?sapprobateur de Keri. « Mme Penn, votre fille est mineure. En cons?quent, les dispositions sur les personnes port?es disparues sont diff?rentes que s’il s’agissait d’un adulte. Nous avons plus de marge pour enqu?ter. Mais pour ?tre honn?te, une adolescente qui ne r?pond pas aux appels de sa m?re et qui n’est pas rentr?e deux heures apr?s la sortie des cours, cela ne va pas provoquer une r?action imm?diate, comme vous l’esp?rez. ? ce stade, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Dans une situation comme celle-ci, le mieux que vous puissiez faire serait de venir au commissariat et faire un rapport. ?a serait une tr?s bonne id?e, ?a ne co?te rien et ?a pourrait acc?l?rer les choses au cas o? nous aurions besoin de mobiliser plus de moyens. » Il y eut un long silence. Lorsque Mia Penn r?pondit, sa voix avait un accent tranchant qu’elle n’avait pas auparavant. « Et dans combien de temps aurons-nous besoin de mobiliser plus de moyens, Monsieur l’agent ? demanda-t-elle. Est-ce que deux heures de plus suffiront ? Dois-je attendre qu’il fasse nuit ? Qu’elle ne soit pas rentr?e demain matin ? Je parie que si c’?tait… » Elle s’interrompit. Quoi qu’elle ait eu l’intention de dire, elle semblait savoir que ce serait contreproductif. Ray s’appr?tait ? r?pondre mais Keri lui fit signe et lui adressa un regard signifiant « laisse-moi faire ». « ?coutez, Mme Penn, c’est de nouveau l’agent Locke. Vous avez dit que vous habitez dans le quartier des canaux de Venice ? C’est sur mon chemin pour rentrer chez moi. Donnez-moi votre adresse email, je vous enverrai le formulaire pour d?clarer une disparition. Vous pouvez commencer ? le remplir et je m’arr?terai chez vous pour vous aider ? le finir et pour le faire traiter plus vite. ?a vous va ? – Oui, c’est tr?s bien, agent Locke. Je vous remercie. – Pas de probl?me. Et peut-?tre qu’Ashley sera rentr?e d’ici l? et je pourrai lui passer un savon sur la n?cessit? de r?pondre aux appels de sa m?re. » Keri ramassa ses cl?s et son sac, pr?te ? se rendre chez les Penn. Ray n’avait pas dit un mot. Elle savait qu’il fulminait, mais elle ne voulait pas croiser son regard. S’il croisait son regard, il allait lui faire la le?on, et elle n’en avait aucune envie. Mais apparemment, Ray avait bien l’intention de la sermonner : « Les canaux de Venice ne sont pas sur ton chemin. – C’est juste un petit d?tour, fit-elle sans le regarder.  Je serai ? la maison un peu plus tard que pr?vu, et alors ? Mon ?pisode de Scandal peut attendre. » Ray se renfon?a dans sa chaise. « Et alors ? Alors, Keri, ?a fait un an que tu es enqu?trice ici. Je suis content de t’avoir pour coll?gue, et tu as fait du super boulot, m?me avant d’obtenir ton insigne. Le dossier Gonzales, par exemple – je ne pense pas que j’aurais pu l’?lucider tout seul, et pourtant ?a fait dix ans que je travaille ici. Tu as un instinct pour ces choses, et c’est pour ?a qu’on faisait appel ? toi. C’est pour ?a que tu as le potentiel pour ?tre une grande enqu?trice. – Merci… fit-elle, tout en sachant qu’il n’en avait pas fini. – Mais tu as une faiblesse, et elle va te d?truire si tu ne la ma?trises pas. Tu dois laisser le syst?me de la police faire son travail. C’est pour ?a qu’il existe. 75% de notre travail se r?sout tout seul dans les vingt-quatre heures, sans notre intervention. Nous devons laisser ces 75% de c?t? et se concentrer sur les 25% restants. Sinon, on va s’?puiser, et on risquerait de devenir improductifs, ou pire : contreproductifs. Et ce serait trahir les gens qui ont r?ellement besoin de nous. Notre travail, c’est aussi de choisir quels combats mener et lesquels abandonner. – Ray, je ne demande pas qu’on d?clenche une alerte enl?vement au niveau national. Je veux juste aider une maman inqui?te ? remplir un formulaire, et, je t’assure, c’est juste un petit d?tour pour moi. – Et … ? demanda-t-il. – Et il y avait quelque chose d’inqui?tant dans sa voix. Elle a omis de nous dire quelque chose. C’est pour ?a que je veux lui parler face ? face. Il se peut que je me trompe, et dans ce cas, je m’en irai. » Ray secoua la t?te. Il tenta une derni?re fois : « Combien d’heures est-ce que tu as perdues ? enqu?ter sur ce jeune sans-abri dont tu ?tais certaine qu’il avait disparu ? Quinze heures ? » Keri haussa les ?paules. « Mieux vaut ?tre trop prudent, murmura-t-elle. – Mieux vaut ?tre salari?e que d’?tre vir?e pour mauvaise utilisation des ressources du d?partement, r?torqua-t-il. – Il est 17h pass?es. – Et alors ? – ?a veut dire que j’ai fini ma journ?e de travail. Et cette m?re m’attend. – On dirait que tes journ?es de travail ne finissent jamais. Appelle-la, Keri. Dis-lui de t’envoyer par email le formulaire, ou de t’appeler si elle a des questions. Mais tu dois rentrer ? la maison. » Elle avait atteint les limites de sa patience. « On se voit demain, M. Propre », lui dit-elle avec une tape sur l’?paule. Elle se dirigea vers le parking, o? l’attendait sa Toyota Prius. Elle essayait d?j? de visualiser le trajet le plus court pour se rendre dans le quartier des canaux de Venice. Elle avait un sentiment d’urgence inexplicable. Un sentiment tr?s d?sagr?able. CHAPITRE 2 Lundi, en fin d’apr?s-midi Keri, au volant de sa Prius argent?e, se faufila dans le trafic jusqu’? la p?riph?rie ouest du quartier de Venice. Elle conduisait plus vite que n?cessaire. Un pressentiment la dirigeait, qui enflait dans sa poitrine, un pressentiment qui ne lui plaisait pas le moins du monde. Les canaux se trouvaient non loin de plusieurs hauts lieux touristiques tels que le Boardwalk ou Muscle Beach, la plage des bodybuilders. Elle dut parcourir plusieurs fois Pacific Avenue avant de trouver une place pour se garer. Elle sauta de sa voiture et se laissa guider par son t?l?phone. Les canaux de Venice sont un entrelacs de canaux creus?s par l’homme au d?but du 20 si?cle, et inspir?s des canaux de la ville ?ponyme, en Italie. Ils recouvrent environ dix p?t?s d’immeubles au sud de Venice Boulevard. Quelques-unes des maisons qui bordaient les canaux ?taient modestes, mais la plupart ?taient des demeures extravagantes, dans le style baln?aire. Bien que les emplacements soient petits, les maisons les plus somptueuses atteignaient presque dix millions de dollars. Celle o? se rendait Keri ?tait parmi les plus impressionnantes. Elle s’?levait sur trois ?tages, dont seul le dernier ?tait visible de la rue, ? cause des hauts murs recouverts de stucs qui ceignaient la propri?t?. Elle en fit le tour pour arriver ? l’entr?e principale, remarquant de nombreuses cam?ras de s?curit? fix?es au mur d’enceinte et sur la maison elle-m?me. Plusieurs d’entre elles semblaient pivoter pour suivre ses mouvements. Pourquoi est-ce qu’une m?re ayant la vingtaine habite ici avec sa fille adolescente ? Et pourquoi tant de cam?ras de s?curit? ? Elle parvint au portail en fer forg? et fut surprise de le trouver ouvert. Elle s’engagea dans le jardin et la porte d’entr?e de la maison s’ouvrit avant qu’elle ait le temps de toquer. Une femme s’avan?a pour l’accueillir. Elle portait une paire de jeans d?lav?e et un d?bardeur blanc, et avait une longue chevelure ch?tain. Elle ?tait pieds nus. Comme Keri l’avait devin? en l’entendant au t?l?phone, elle avait l’air d’avoir moins de trente ans. Elle faisait la m?me taille que Keri, bien que plus mince, et ?tait bronz?e et svelte. De plus, malgr? l’expression anxieuse sur son visage, elle ?tait belle. La premi?re chose qui vint ? l’esprit de Keri fut qu’elle avait en face d’elle une femme-troph?e. « Mia Penn ? demanda Keri. – Oui, rentrez, je vous prie, agent Locke. J’ai rempli le formulaire que vous m’avez envoy?. » ? l’int?rieur, l’entr?e ?tait imposante, avec un double escalier en marbre menant ? l’?tage. Il semblait y avoir plus d’espace que sur un terrain de football. La d?coration ?tait impeccable : les murs recouverts de tableaux, et l’espace ponctu? de sculptures pos?es sur des gu?ridons ouvrag?s. L’ensemble aurait pu sortir du magazine Maisons et jardins pour d?moraliser les pauvres mortels. Keri reconnut un tableau bien plac? comme ?tant un Delano, ce qui en faisait un objet plus co?teux que la mis?rable p?niche qu’elle habitait depuis vingt ans. Mia Penn conduisit Keri vers un salon plus modeste, et lui offrit un si?ge et une eau min?rale. Dans un coin de la pi?ce se tenait debout un homme b?ti comme une armoire ? glace, v?tu de v?tements de sport. Il ne dit rien, mais ses yeux ne quittaient pas Keri. Elle remarqua un renflement sur sa hanche droite, sous la veste. Un flingue. ?a doit ?tre un garde du corps. D?s que Keri fut assise, son h?te se lan?a. « Ashley ne r?pond toujours pas ? mes appels et messages. Elle n’a rien post? sur les r?seaux sociaux depuis la sortie des cours. Rien sur Twitter, ni Facebook, ni Instagram. » Elle expira et ajouta : « Merci d’?tre venue. Vous ne pouvez pas savoir ? quel point ?a me touche. » Keri acquies?a. Elle d?taillait Mia Penn, tentant de prendre sa mesure. Tout comme lors de leur conversation t?l?phonique, elle semblait v?ritablement affol?e. Elle a l’air d’?tre vraiment inqui?te pour sa fille. Mais elle cache quelque chose. « Vous ?tes plus jeune que je ne le pensais, dit-elle finalement. – J’ai trente ans. J’ai eu Ashley quand j’avais quinze ans. – Ouah… – Oui, c’est la r?action de la plupart des gens. J’ai l’impression que, parce que nous sommes si proches en ?ge, nous avons un lien particulier. Je vous jure que parfois, je sais ce qu’elle ressent avant m?me de la voir. Je sais que ?a semble absurde mais nous avons un lien sp?cial. Et je sais que ?a ne prouve rien pour vous, mais je sens qu’il y a un probl?me. – Ne commen?ons pas ? paniquer » fit Keri. Elles pass?rent en revue les informations qu’elles avaient. Mia avait vu sa fille pour la derni?re fois le matin m?me. Tout allait bien. Au petit-d?jeuner, elles avaient mang? du yaourt avec du muesli et des fraises. Ashley ?tait partie ? l’?cole de bonne humeur. La meilleure amie d’Ashley ?tait Thelma Gray. Mia l’avait appel?e quand elle avait constat? qu’Ashley ne revenait pas ? l’heure pr?vue. D’apr?s Thelma, Ashley ?tait bien all?e au dernier cours de la journ?e, un cours de math?matiques, et elle l’avait vue pour la derni?re fois autour de 14h. Thelma n’avait aucune id?e de la raison pour laquelle Ashley n’?tait pas rentr?e. Mia avait aussi parl? au petit copain d’Ashley, un gar?on sportif nomm? Denton Rivers. Denton d?clarait avoir vu Ashley ? l’?cole le matin seulement. Il lui avait envoy? quelques messages apr?s les cours, sans r?ponse. Ashley ne prenait pas de m?dicaments, n’avait aucun probl?me de sant?. Mia dit qu’elle avait inspect? la chambre de sa fille et n’avait rien trouv? d’anormal. Keri notait tout cela sur son carnet, soulignant les noms de ceux qu’elle contacterait ensuite. « Mon mari devrait rentrer du travail d’un instant ? l’autre. Je sais qu’il veut vous parler ?galement. » Keri leva les yeux. Quelque chose avait chang? dans la voix de Mia. Elle semblait mesur?e, plus prudente. Quoi qu’elle cache, je parie que ?a a ? voir avec lui. « Et comment s’appelle votre mari ? demanda-t-elle d’un ton enjou?. – Stafford. – Attendez un peu, s’?cria Keri. Votre mari est Stafford Penn ? Le s?nateur Stafford Penn ? – Oui. – C’est une information importante, Mme Penn. Vous auriez du le mentionner plus t?t. – Stafford m’a demand? de ne pas le dire, s’excusa-t-elle. – Pourquoi ? – Il dit qu’il veut voir ?a avec vous quand il arrive. – Et quand est-ce qu’il va arriver, d?j? ? – Dans moins de dix minutes, certainement. » Keri la d?visagea, sans arriver ? d?cider si elle devait insister. Finalement, elle choisit de s’abstenir. « Vous avez des photos d’Ashley ? » Mia Penn lui tendit son t?l?phone. Son fond d’?cran ?tait une photo d’une adolescente en robe d’?t?. On aurait dit la petite s?ur de Mia. Except? les cheveux blonds d’Ashley, elles se ressemblaient en tous points. Ashley ?tait l?g?rement plus grande, plus athl?tique et plus bronz?e. La robe ne cachait pas ses jambes muscl?es et ses ?paules puissantes. Keri devina qu’elle faisait r?guli?rement du surf. « Se pourrait-il qu’Ashley ait oubli? le rendez-vous et soit all?e ? la plage faire un peu de surf ? » Mia sourit pour la premi?re fois. « Je suis impressionn?e, agent Locke. Vous avez devin? ?a gr?ce ? une seule photo ? En tout cas, non, Ashley ne fait du surf que le matin – les vagues sont plus belles et il y a moins de chahuteurs. J’ai v?rifi? dans le garage et sa planche de surf est ? sa place. – Pouvez-vous m’envoyer cette photo ainsi que d’autres photos de son visage, avec et sans maquillage ? » Alors que Mia s’ex?cutait, Keri lui demanda : « O? est-ce qu’elle va ? l’?cole ? – Au lyc?e de West Venice. » Keri fut incapable de masquer sa surprise. West Venice ?tait un grand ?tablissement public, un m?lange m?tiss? de milliers de jeunes, avec tout ce que cela implique. Elle avait d?j? interpell? de nombreux lyc?ens fr?quentant West Venice. Pourquoi diable est-ce que la fille d’un riche s?nateur irait l?-bas plut?t que dans un ?tablissement priv? de luxe ? Mia avait not? la surprise de Keri. « Stafford n’aime pas ?a. Il a toujours voulu qu’elle aille dans une ?cole priv?e, pour ?tre sur la voie royale pour Harvard – c’est l? qu’il est all?. Il ne voulait pas juste un meilleur enseignement mais aussi une plus grande s?curit?, ajouta-t-elle. Moi, j’ai toujours voulu qu’elle aille dans une ?cole publique, pour ?tre avec toutes sortes d’enfants, apprendre les r?alit?s de la vie. C’est une des seules choses pour lesquelles j’ai eu gain de cause face ? lui. Si Ashley devait avoir des probl?mes ? cause de cet ?tablissement, ?a sera de ma faute. » Keri s’empressa de la rassurer. « D’abord, Ashley n’aura aucun probl?me. Ensuite, si quelque chose devait lui arriver, ?a serait de la faute de la personne qui lui a fait du mal, et certainement pas la faute de sa m?re qui l’aime. » Elle essaya de deviner si Mia ?tait convaincue, sans arriver ? le d?terminer. En v?rit?, elle voulait la rassurer avant tout pour qu’elle ne s’effondre pas, et qu’elle puisse continuer ? leur fournir des informations pr?cieuses. Elle d?cida d’insister. « Parlons un peu de ?a. Est-ce que vous savez si quiconque pourrait avoir des raisons de lui faire du mal ? ? elle, ? vous ou encore ? Stafford ? – Ashley et moi, non. Pour Stafford, il n’y a rien de pr?cis, pour autant que je sache. Mais le travail qu’il fait comporte un risque… Je veux dire, il re?oit des menaces de mort d’?lecteurs qui affirment ?tre des extra-terrestres… Donc c’est difficile de savoir ce qu’il faut prendre au s?rieux ! – Et personne ne vous a demand? de ran?on, n’est-ce-pas ? » demanda Keri. Une angoisse soudaine apparut sur le visage de Mia. « Vous pensez qu’il pourrait s’agir de ?a ? – Non, non, je ne vais que survoler les possibilit?s. Pour le moment, je ne pense pas encore que ce soit grave. C’est juste la proc?dure. – Non, personne n’a demand? de ran?on. – De toute ?vidence, vous avez de l’argent… » Mia acquies?a. « Je viens d’une famille tr?s riche. Mais personne ne le sait, tout le monde s’imagine que notre argent vient de Stafford. – Et, juste par curiosit?, de combien d’argent s’agit-il ? » demanda Keri. Parfois, son travail rendait tout discr?tion impossible. « Je ne sais pas exactement, r?pondit Mia. Nous avons une maison de plage ? Miami et un appartement ? San Francisco. Les deux sont au nom de notre compagnie. Nous sommes actifs sur le march? et poss?dons de nombreux autres biens. Vous avez vu toutes les ?uvres d’art dans la maison.  Globalement, nous sommes entre cinquante-cinq et soixante millions. – Est-ce qu’Ashley est au courant ? » Mia haussa les ?paules. « Plus ou moins… Elle ne conna?t pas les montants exacts mais elle sait que nous avons beaucoup de biens, et que le public n’est pas cens? ?tre au courant pour tout. Stafford pr?f?re se pr?senter comme un homme du peuple. – Est-ce qu’elle pourrait en parler ? ses amis, par exemple ? – Non. Nous lui avons clairement ordonn? de ne pas le faire, fit-elle en soupirant. Mon Dieu, je suis vraiment en train de d?blat?rer sur notre fortune, Stafford serait furieux. – Stafford et vous, vous vous entendez bien ? – Oui, bien s?r. – Et Ashley ? Vous vous entendez bien avec elle ? – C’est la personne dont je suis la plus proche au monde. – Ok. Est-ce que Stafford s’entend bien avec elle ? – Oui. – Est-ce qu’elle pourrait avoir une raison de fuguer ? – Non, impossible. Il ne s’agit pas d’une fugue. – Comment a ?t? l’humeur d’Ashley, r?cemment ? – ?a va. Elle est heureuse, stable, tout va bien. – Pas de probl?mes de gar?ons… – Non. – Et concernant les drogues et l’alcool ? – Je ne peux pas dire qu’elle n’ait rien fait. Mais en g?n?ral, c’est une jeune fille responsable. Cet ?t?, elle a suivi une formation de jeune sauveteur en mer, et elle a du se lever tous les matins ? cinq heures. Elle est tr?s constante. En plus, je ne vois pas comment elle pourrait d?j? s’ennuyer ? l’?cole, ce n’est que la deuxi?me semaine de l’ann?e scolaire ! – Il n’y a pas de probl?mes avec ses camarades ? – Non. Elle aime ses profs, elle s’entend bien avec tous ses camarades. Elle va faire des essais pour int?grer l’?quipe f?minine de basket. » Keri la scruta et lui demanda : « Alors, ? votre avis, qu’est ce qui se passe ? » Un voile de confusion recouvrit le regard de Mia. Ses l?vres tremblaient. « Je ne sais pas, fit-elle, tournant les yeux vers la porte d’entr?e. O? peut bien ?tre Stafford ? » Au m?me moment, le s?nateur Stafford Penn apparut. Keri l’avait vu des dizaines de fois ? la t?l?vision, mais l’?cran ne rendait pas justice ? son charisme. Il avait autour de quarante-cinq ans, ?tait grand et vigoureux, avec des cheveux blonds comme ceux d’Ashley, une m?choire volontaire, et des yeux verts per?ants. Il ?tait dot? d’un magn?tisme presque palpable. Keri d?glutit en lui tendant sa main. « Stafford Penn », dit-il tout en sachant qu’elle connaissait d?j? son nom. Keri sourit. « Keri Locke, agent du service des personnes disparues du LAPD. » Stafford fit une bise rapide ? sa femme et s’assit ? son c?t?. Il ne perdit pas une minute en civilit?s. « Nous vous sommes reconnaissants d’?tre venue. Mais, personnellement, je pense qu’on peut mettre ?a de c?t? jusqu’? demain matin. » Incr?dule, Mia le d?visagea. « Stafford… commen?a-t-elle. – Les enfants finissent toujours par s’?loigner de leurs parents, continua-t-il. Ils se s?vrent, ?a fait partie de l’adolescence. Si Ashley ?tait un gar?on, nous aurions connu cette situation d?j? il y a deux ou trois ans. C’est pour ?a que j’ai demand? ? Mia d’?tre discr?te en vous appelant. Je suis certain que ceci va se reproduire de nombreuses fois et je ne veux pas ?tre accus? de crier au loup. – Donc vous pensez qu’il n’y a aucun probl?me ? » demanda Keri. Il secoua la t?te. « Non. Je pense qu’Ashley est une ado qui fait ce que font les ados. Honn?tement, je suis plut?t content que ce jour soit venu, car ?a montre qu’elle devient plus ind?pendante. Retenez ce que je vous dis : je vous assure qu’elle va revenir ce soir. Au pire, demain matin, sans doute avec la gueule de bois. » Mia ?tait toujours incr?dule. « Pour commencer, fit-elle, nous sommes un lundi apr?s-midi en pleine ann?e scolaire – ce ne sont pas les vacances d’?t? ? Miami ! Et de deux, elle ne ferait jamais ?a. » Stafford secoua la t?te. « Il nous arrive ? tous de faire quelques conneries, Mia. Lors de mon quinzi?me anniversaire, j’ai bu dix bi?res en l’espace de deux heures. J’ai pass? les trois jours suivants ? vomir… ?a a bien fait rire mon p?re. Je pense qu’il ?tait plut?t fier de moi, en fait. » Keri opina de la t?te, faisant mine de trouver ?a compl?tement normal. Inutile de se mettre ? dos un s?nateur si on pouvait l’?viter. « Merci, Monsieur.  Vous avez sans doute raison. Mais puisque je suis ici, vous permettez que je jette un ?il ? la chambre d’Ashley ? » Il haussa les ?paules et indiqua les escaliers de marbre. « Allez-y ». ? l’?tage, au bout du couloir, Keri trouva la chambre d’Ashley et ferma la porte. La d?coration correspondait ? ses attentes : un lit luxueux, des commodes assorties, des posters de la chanteuse Adele et de la l?gendaire surfeuse amput?e d’un bras Bethany Hamilton. Il y avait une lampe magma r?tro sur la table de chevet, et une peluche sur son oreiller. La peluche ?tait si vieille et en lambeaux qu’il ?tait impossible de d?terminer si c’?tait un chien ou un mouton. Keri alluma l’ordinateur portable Apple qui se trouvait sur son bureau, et fut surprise qu’il ne soit pas prot?g? par un mot de passe. Quel genre d’adolescent laisserait son ordinateur ouvert sur son bureau, susceptible d’?tre fouill? par n’importe quel adulte curieux ? L’historique de recherche montrait les sites visit?s dans les deux derniers jours ; les pr?c?dents avaient ?t? effac?s. Ses recherches avaient trait ? un devoir de biologie qu’elle pr?parait. Elle avait ?galement visit? les sites d’agences de mannequins locales, ainsi que d’agences ? Los Angeles et Las Vegas. Un autre lien menait au site d’une prochaine comp?tition de surf ? Malibu. Enfin, elle ?tait all?e sur le site d’un groupe de musique local nomm? Rave. Soit cette fille est la sainte-nitouche la plus ennuyante de tous les temps, soit elle fait expr?s de laisser ces liens pour donner l’image qu’elle veut ? ses parents. L’instinct de Keri lui dit que la seconde option ?tait la bonne. Elle s’assit au pied du lit d’Ashley et ferma les yeux, tentant de se mettre dans la peau d’une adolescente de quinze ans. Elle en avait ?t? une. Elle esp?rait toujours qu’elle en serait un jour la m?re. Apr?s deux minutes, elle ouvrit les yeux et essaya de poser un regard neuf sur la pi?ce. Elle parcourut des yeux les ?tag?res, cherchant quoi que ce soit d’inhabituel. Elle allait laisser tomber quand elle remarqua le livre de math?matiques au bout de l’?tag?re : Alg?bre niveau 3 .  Mia n’avait-elle pas dit qu’Ashley ?tait en seconde ? Son amie Thelma l’avait vue en cours de math?matiques. Alors pourquoi garde-t-elle un vieux manuel ? Au cas o? elle aurait besoin de revoir les bases ? Keri s’empara du manuel et commen?a ? le feuilleter. Aux deux-tiers du livre, deux pages ?taient scotch?es ensemble. Elles enfermaient quelque chose de dur. Keri trancha le scotch et quelque chose tomba au sol. Elle le ramassa. C’?tait un faux permis de conduire extr?mement bien r?alis?, affichant la photo d’Ashley. Le nom mentionn? ?tait Ashlynn Penner, et la date de naissance lui donnait vingt-deux ans. Sa d?couverte avait rassur? Keri, qui se sentait sur la bonne voie. Elle se d?p?cha de fouiller le reste de la pi?ce, ne sachant pas combien de temps il lui restait avant que les Penn ne deviennent soup?onneux. Au bout de cinq minutes, elle trouva autre chose : coinc? dans une chaussure de sport au fond du placard se trouvait un ?tui pour pistolet 9mm, vide. Elle sortit un sachet pour y mettre les preuves – l’?tui et le faux permis de conduire – puis quitta la chambre. Mia Penn se dirigeait vers elle dans le couloir, alors qu’elle refermait la porte. Keri se douta tout de suite qu’il ?tait arriv? quelque chose. « Je viens de recevoir un appel de Thelma, la copine d’Ashley. Elle a parl? ? plusieurs personnes de la disparition d’Ashley. Elle dit qu’une autre amie ? elles nomm?e Miranda Sanchez a vu Ashley monter dans une fourgonnette noire sur Main Street, ? c?t? du parc pour chiens non loin de l’?cole. Elle a dit qu’elle ne savait pas si Ashley ?tait mont?e volontairement ou si on l’avait tir?e ? l’int?rieur. ?a ne lui avait pas sembl? bizarre jusqu’? ce qu’elle entende qu’Ashley avait disparu. » Malgr? les battements pr?cipit?s de son c?ur, Keri s’effor?a de garder une expression neutre. « Connaissez-vous quelqu’un qui poss?de une fourgonnette noire ? – Non, personne. » Keri s’?lan?a vers l’escalier pour sortir, Mia sur ses talons. « Mia, vous devez appeler le service, la m?me ligne que vous avez appel?e pour m’avoir. Dites ? la personne qui va d?crocher – ?a sera sans doute un homme nomm? Suarez – que je vous ai ordonn? d’appeler. Donnez-lui la description physique d’Ashley et de la tenue qu’elle portait. Donnez-lui aussi les noms et coordonn?es de toutes les personnes dont vous m’avez parl? : Thelma, Miranda, le petit ami Denton Rivers, tout le monde. Ensuite, dites-lui de m’appeler. – Pourquoi est-ce que vous avez besoin de toutes ces informations ? – Nous allons les interroger, tous. – Vous me faites peur. La situation est grave, n’est-ce pas ? demanda Mia. – Peut-?tre pas. Mais mieux vaut pr?venir que gu?rir. – Qu’est ce que je peux faire d’autre ? – Vous devez rester ici, au cas o? Ashley revienne ou si elle appelle. » Elles arriv?rent en bas. Keri cherchait des yeux Stafford. « O? est votre mari ? – Il a du retourner au bureau. » Keri se retint de faire une remarque, et se h?ta vers la porte. Mia cria derri?re elle : « O? allez-vous ? ». Sans se retourner, Keri lui r?pondit : « Je vais retrouver votre fille. » CHAPITRE 3 Lundi, en d?but de soir?e ? l’ext?rieur, le bitume r?verb?rait la chaleur, et Keri se pr?cipita vers sa voiture en essayant de l’ignorer. Des perles de sueur se formaient d?j? sur son front. En composant le num?ro de Ray, elle jura int?rieurement. On est mi-septembre, ? quelques lieues de l’oc?an pacifique, merde ! Quand est-ce que cette chaleur va diminuer ? Au bout d’une demi douzaine de sonneries, Ray d?crocha le t?l?phone. «  Quoi ? dit-il d’un ton essouffl? et irrit?. – Viens me retrouver sur Main Street, en face du lyc?e West Venice. – Quand ? – Maintenant, Raymond. – Une seconde. » Elle l’entendait s’agiter et grommeler dans sa barbe. Il semblait avoir de la compagnie. Lorsqu’il reprit le t?l?phone, il avait manifestement chang? de pi?ce. « J’?tais, comment dire, plut?t pris, Keri. – Eh bien, lib?re-toi, Monsieur l’agent. Nous avons une enqu?te ? mener. – Ne me dis pas qu’il s’agit de la femme ? Venice ? fit-il, exasp?r?. – C’est bien ?a. Et s’il te pla?t, change de ton. ? moins que tu n’estimes que l’enl?vement de la fille d’un s?nateur, disparue dans une fourgonnette noire, ne m?rite pas qu’on s’en occupe ? – Mon Dieu. Pourquoi n’a-t-elle pas dit tout de suite que son mari est s?nateur ? – Parce qu’il lui a demand? de ne pas le faire. Il ?tait aussi d?tach? que toi, peut-?tre m?me plus. Attends une seconde. » Elle avait atteint sa voiture. Elle mit le haut-parleur, jeta son t?l?phone sur le si?ge passager, et s’assit au volant. En prenant la route, elle lui expliqua le reste : le faux permis de conduire, l’?tui de pistolet, la copine qui avait vu Ashley monter dans le fourgon – peut-?tre contrainte –, et son projet d’interroger toutes les personnes concern?es. Alors qu’elle achevait son expos?, un double appel s’afficha. « Suarez est en train de m’appeler. Je vais lui donner toutes les informations. C’est bon ? Tu t’es lib?r? ? – Je suis en train de monter en voiture, dit-il sans mordre ? l’hame?on. J’arrive dans un quart d’heure. – J’esp?re que tu as fait tes plus plates excuses ? ta partenaire, qui qu’elle soit, ajouta Keri d’un ton moqueur. – Ce n’est pas le genre de nana avec qui je dois m’excuser, r?pondit-il. – Sans surprise. » Elle raccrocha sans plus de c?r?monie. * Un quart d’heure plus tard, Keri et Ray descendaient Main Street, au niveau o? Ashley Penn ?tait mont?e dans le fourgon – que ce soit de gr? ou de force. Il n’y avait rien d’inhabituel ? signaler. Du parc pour chiens bordant la route s’?levaient les jappements ravis des chiens et les cris de leurs ma?tres, qui les appelaient de noms comme Th?odore, Pavlov ou Deborah. Ah, Venice et ses riches bobos propri?taires de chiens. Keri s’appliqua ? bannir ses pens?es parasites et ? se concentrer. Il n’y avait rien d’anormal dans la rue. Ray semblait du m?me avis. « Je me demande si elle peut avoir d?cid? de partir, ou de fuguer, fit-il. – Je n’exclus pas la possibilit?. En tout cas, elle n’est certainement pas la petite princesse innocente que sa m?re s’imagine. – Elles ne le sont jamais… – Quoi qu’il lui soit arriv?, c’est possible qu’elle l’ait voulu. Plus nous r?ussirons ? nous immiscer dans sa vie, plus nous en saurons. Il nous faut parler ? des gens qui ne nous serviront pas le discours officiel, comme le faisait ce s?nateur. Je ne sais pas ce qu’il a, mais il ?tait plut?t mal ? l’aise ? l’id?e que je me renseigne ? leur sujet. – Pourquoi, ? ton avis ? – Aucune id?e. J’ai juste le sentiment qu’il cache quelque chose. Je n’ai jamais vu un parent aussi indiff?rent ? la disparition de son enfant. Il m’a servi une histoire sur les b?tises qu’il faisait ? quinze ans – comme quoi il se serait compl?tement so?l? pour son anniversaire… Il en faisait trop. » Ray grima?a. « Tu as bien fait de ne pas insister, fit-il. C’est bien la derni?re chose dont on ait besoin : un adversaire qui porte le titre de s?nateur. – Je m’en fous, de son titre. – Tu ne devrais pas. Il lui suffirait de deux mots ? Beecher ou ? Hillman, et tu serais hors jeu. – Je l’?tais il y a cinq ans. – Ne dis pas ?a… – Tu sais que c’est vrai. – Bon, parlons d’autre chose » dit Ray. H?sitante, elle leva les yeux sur lui, puis observa le parc pour chiens. ? quelques m?tres d’eux, un chiot ? la fourrure marron se roulait dans la terre avec d?lices. « Tu veux que je te raconte un truc que je ne t’avais jamais dit ? demanda-t-elle. – Pas s?r… – Apr?s ce qui s’est pass?, tu sais… – Avec Evie ? » Keri sentit son c?ur se serrer en entendant le nom de sa fille. « Oui. Juste apr?s que c’est arriv?, pendant un moment, j’ai essay? d?sesp?r?ment de tomber enceinte. ?a a dur? deux ou trois mois. Stephen ne tenait pas le coup. » Ray restait silencieux. Elle poursuivit : « Et un matin, je me suis lev?e, et je me d?testais. C’?tait comme si j’avais perdu un chien et que j’?tais all?e directement au chenil pour le remplacer. Je me sentais l?che, comme si je ne m’occupais que de moi-m?me alors que j’aurais du me concentrer sur Evie. Je laissais tomber Evie au lieu de me battre pour la retrouver. – Keri, tu dois arr?ter ?a. Tu te fais du mal, vraiment. – Ray, je sens qu’elle est l?. Elle est en vie. Je ne sais pas o?, ni comment, mais elle est en vie. » Il prit sa main. « Je sais, fit-il. – Elle a treize ans, maintenant. – Je sais. » Ils remont?rent la rue en silence. Lorsqu’ils arriv?rent au croisement de Westminster Avenue, Ray dit, d’un ton professionnel : « ?coute, on peut suivre toutes les pistes qu’on trouve. Mais il s’agit de la fille d’un s?nateur. Si jamais elle a vraiment ?t? enlev?e, les gros bonnets vont se saisir de l’affaire. D’ici ? demain matin, le FBI sera de la partie, et les hauts grad?s du LAPD aussi. Toi et moi, on va ?tre mis de c?t?. » C’?tait sans doute vrai, mais Keri n’en avait que faire – elle verrait bien, le lendemain matin. Pour le moment, elle voulait faire avancer son enqu?te. Elle soupira et ferma les yeux. Ray, ?tant son co?quipier depuis plus d’un an, avait appris ? ne pas la d?ranger quand elle essayait de se concentrer. Au bout de trente secondes, elle rouvrit les yeux et parcourut la rue du regard. Elle montra du doigt un commerce situ? de l’autre c?t? du carrefour. « L?-bas », fit-elle en se dirigeant vers l’endroit. Cette partie de Venice, au nord de Washington Boulevard et jusqu’? Rose Avenue, ?tait une ?trange mosa?que d’humanit?s. Au sud se trouvaient les demeures des canaux de Venice ; ? l’est les magasins cossus de Abbot Kinney Boulevard ; au nord, la zone industrielle ; et enfin, le long de la plage, la zone parfois mal fam?e des skateurs et des surfeurs. Dans toute cette zone, il y avait des gangs. Ils ?taient actifs de nuit, notamment du c?t? de la plage. La police de Los Angeles d?nombrait quatorze gangs actifs dans le quartier ?tendu de Venice. Au moins cinq d’entre eux consid?raient que l’endroit o? se tenait Keri leur appartenait. Il y avait un gang de noirs, deux gangs de latinos, un groupe de motards supr?matistes blancs, et un gang compos? principalement de surfeurs trafiquants de drogues et d’armes. Ils coexistaient non sans difficult?s sur les m?mes rues que les repr?sentants branch?s de la g?n?ration Y, les prostitu?es, les touristes b?ats, les v?t?rans de guerre sans-abri, et les riverains, fanatiques de graines germ?es de la premi?re heure. En cons?quence, les commerces dans le quartier allaient des bars clandestins de hipsters aux salons de tatouage au henn?, en passant par les dispensaires de cannabis th?rapeutique, ou encore les officines de garants de caution judiciaire, comme celui devant lequel se trouvait Keri. L’officine ?tait situ?e au deuxi?me ?tage d’un immeuble r?cemment r?nov?, juste au-dessus d’un bar ? jus de fruits frais. « Regarde », dit-elle. Au-dessus de la porte d’entr?e, un panneau indiquait : Garant de caution judiciaire Briggs. « Oui, et donc ? fit Ray. – Regarde au-dessus du panneau. » Il plissa son bon ?il et distingua finalement une minuscule cam?ra de surveillance. Il se tourna pour voir ce qu’elle captait. La cam?ra ?tait point?e sur le carrefour derri?re eux. Un peu plus loin, on voyait la partie de Main Street qui longeait le parc pour chiens, o? Ashley ?tait suppos?ment entr?e dans un fourgon. « Bien vu », fit-il. Keri recula et ?tudia les environs. C’?tait sans doute plus anim? qu’au moment de la disparition d’Ashley, mais ?a n’?tait en aucun cas un endroit calme. « Si tu devais enlever quelqu’un, tu le ferais ici ? demanda-t-elle. – Moi ? Non, tu sais bien que je suis plut?t fan des ruelles sombres, fit-il. – Quel genre de personne est suffisamment s?re d’elle pour kidnapper une gamine en plein jour, au vu et au su de tous, ? un carrefour tr?s passant ? – C’est ce qu’on va d?couvrir. » Ils se dirig?rent vers l’entr?e du b?timent, puis mont?rent au deuxi?me ?tage. La porte du bureau de Briggs ?tait ouverte. ? l’int?rieur, sur la droite, un homme au ventre ?norme ?tait avachi dans un fauteuil, feuilletant un magazine sur les armes ? feu. Il leva la t?te ? l’arriv?e de Ray et Keri, et d?cida qu’ils ?taient inoffensifs. Il leur indiqua le fond de la pi?ce. Un autre homme, aux cheveux longs et ? la barbe broussailleuse, leur fit signe de s’approcher. Ils s’assirent et attendirent patiemment qu’il finisse de s’occuper du client qu’il avait au t?l?phone. Apparemment, l’ennui n’?tait pas le versement de 10%, mais le d?p?t de garantie pour la somme totale. Il lui fallait un acte fiduciaire pour la maison, ou encore une voiture avec acte de propri?t?, quelque chose de ce type. Keri entendait l’interlocuteur de Briggs le supplier, mais Briggs restait impassible. Au bout d’une minute, il raccrocha et s’int?ressa aux deux personnes assises en face de lui. « Stu Briggs, dit-il. Qu’est ce que je peux faire pour vous, monsieur et madame les enqu?teurs de police ? » Aucun des deux n’avait montr? son insigne – Keri en fut impressionn?e. Avant qu’elle ne puisse r?pondre, il reconnut Ray et s’exclama : « Ray Sands ! Le Marchand de Sable ! ?a alors ! J’ai vu votre dernier combat, celui avec le gaucher, comment il s’appelait, d?j? ? – Lenny Jack. – Ouais, c’est ?a, Lenny Jack – l’attaque Jack ! Il lui manquait un doigt, je crois ? Le petit doigt ? – C’est arriv? apr?s. – En tout cas, petit doigt ou pas, je pensais que le combat ?tait gagn? pour vous ! Il avait les jambes en coton, la t?te en sang, il chancelait. Une droite de plus, c’est tout ce qu’il manquait pour gagner. M?me un petit coup aurait suffi ! On aurait dit qu’un souffle d’air pourrait le renverser. – C’est ce que j’ai cru, moi aussi, admit Ray. C’est sans doute pour ?a que j’ai baiss? la garde. Sauf qu’apparemment, il lui restait assez de force pour donner un dernier coup. » Briggs haussa les ?paules. « Eh ouais. J’ai perdu de l’argent sur ce combat. » Il sembla se rendre compte que sa perte n’avait pas ?t? aussi grave que celle de Ray, et ajouta : « Enfin, pas tant que ?a, compar? ? vous. C’est pas si mal, l’?il de verre, je pense que la plupart des gens ne s’en rendraient pas compte – moi je le sais parce que j’ai vu le combat. » Il reprit son souffle. S’ensuivit un long silence g?n?. « Donc vous ?tes rentr? dans la police, dit finalement Briggs. Et pourquoi donc Ray Sands, le Marchand de Sable, se trouve-t-il ? mon bureau avec cette jolie petite dame – pardon, cette jolie petite agent de police ? » Malgr? son agacement, Keri choisit de laisser couler. Ils avaient des choses plus importantes ? r?gler. « On voudrait regarder les enregistrements de votre cam?ra de surveillance, dit Ray. Particuli?rement de 14 :45 ? 16 :00. – Pas de probl?me », dit Briggs comme si c’?tait la chose la plus naturelle du monde. La cam?ra de s?curit? ?tait essentielle au bureau de Briggs, compte tenu de la client?le de l’?tablissement. Les images qu’elle enregistrait n’?taient pas seulement transmises ? un ?cran de surveillance, mais enregistr?es sur un disque dur. La cam?ra filmait en grand angle et couvrait tout le carrefour de Main et Westminster Street. La qualit? de l’image ?tait exceptionnelle. Keri et Ray furent install?s dans une petite pi?ce ? l’arri?re pour visionner l’enregistrement. La partie de Main Street qui longeait le parc pour chien ?tait visible sur un demi-p?t? de maisons. Ils esp?raient que ce qui s’?tait pass? avait bien eu lieu ? cet endroit-l?. Rien d’int?ressant n’eut lieu jusqu’? 15h05. ? ce moment, un flot d’enfants se d?versa sur la route, se dispersant de tous les c?t?s. ? 15h08, Ashley apparut ? l’?cran. Ray ne la reconnut pas imm?diatement ; Keri la lui indiqua. C’?tait une jeune fille ? l’allure s?re d’elle dans sa jupe et son haut moulant. Juste apr?s apparut la fourgonnette noire. Elle roula ? la hauteur d’Ashley. Les vitres ?taient fortement teint?es – plus que ne le permettait la loi. Le visage du conducteur ?tait cach? par la visi?re d’une casquette. Les deux pare-soleil ?taient baiss?s et le reflet ?blouissant du soleil de l’apr?s-midi emp?chait de voir l’int?rieur du v?hicule. Ashley s’arr?ta et sembla scruter l’int?rieur du v?hicule. Apparemment, le conducteur ?tait en train de dire quelque chose. Elle r?pondit et s’approcha. Alors qu’elle s’avan?ait, la porti?re c?t? passager s’ouvrit. Ashley continuait de parler, et se penchait maintenant vers l’int?rieur du fourgon. Elle ?tait en pleine conversation avec le conducteur. Ensuite, tout d’un coup, elle fut ? l’int?rieur. Il ?tait impossible de dire si elle ?tait mont?e de son plein gr? ou si elle avait ?t? happ?e par le conducteur. Au bout de quelques secondes, la fourgonnette repartit dans la rue, emmenant Ashley. Pas de crissement de pneus, pas d’exc?s de vitesse. Rien ? signaler. Ils analys?rent la sc?ne plusieurs fois de suite, d’abord ? vitesse normale, puis au ralenti. Finalement, Ray haussa les ?paules. « Je ne sais pas, je n’arrive pas ? d?terminer. Elle s’est retrouv?e ? l’int?rieur, c’est tout ce qu’on peut affirmer. Impossible de dire si elle est mont?e de gr? ou de force. » Keri ?tait de son avis. C’?tait rageant – l’enregistrement laissait le doute. Quelque chose clochait, mais Keri ne parvenait pas ? mettre le doigt dessus. Elle revint en arri?re, pour arr?ter l’image au moment o? la fourgonnette ?tait le plus pr?s de la cam?ra. Le v?hicule ?tait enti?rement dans l’ombre, et il ?tait toujours impossible de voir l’int?rieur. Toutefois, une chose ?tait visible. « Tu vois ce que je vois ? » fit-elle. Ray opina du chef. « La plaque d’immatriculation a ?t? masqu?e. C’est carr?ment suspect, fit-il. – Je suis d’accord. » Le portable de Keri sonna. Il s’agissait de Mia Penn. Mia ne s’embarrassa pas de politesses, et expliqua sans attendre : « Je viens d’avoir l’amie d’Ashley, Thelma, au t?l?phone. Elle dit qu’elle a re?u un appel du t?l?phone d’Ashley, elle pense que l’appel a ?t? lanc? involontairement. Elle a entendu des cris, comme si des gens se disputaient, il y avait de la musique forte. Elle ne pouvait pas dire qui c’?tait mais elle pense que ?a peut ?tre Denton Rivers. – Le petit copain d’Ashley ? – Oui. J’ai appel? Denton, sur son propre t?l?phone, pour lui demander s’il avait eu des nouvelles d’Ashley, sans lui dire que je venais d’avoir Thelma. Il a dit qu’il n’a plus vu ni contact? Ashley depuis la fin des cours, mais il avait l’air louche. En plus, j’ai entendu en fond une chanson de Drake, « Summer Sixteen », donc j’ai rappel? Thelma pour lui demander si c’?tait bien la chanson qu’elle entendait quand elle a eu l’appel involontaire du t?l?phone d’Ashley. Elle m’a confirm? que c’?tait celle-l?. Donc je vous ai tout de suite appel?e. Denton Rivers a le t?l?phone de ma fille et je pense qu’il pourrait avoir ma fille aussi ! – Ok, Mia, c’est tr?s bien, vous avez fait un super boulot. Mais vous devez garder votre calme. Quand vous raccrocherez, vous m’enverrez tout de suite l’adresse de Denton Rivers. Et n’oubliez pas, il se peut que tout ceci soit parfaitement innocent. » Elle raccrocha et croisa le regard de Ray. Son ?il montrait qu’il pensait la m?me chose qu’elle. Son t?l?phone vibra quand elle re?ut le message de Mia. Elle transmit l’adresse ? Ray pendant qu’ils d?valaient les escaliers. « Il faut faire vite, fit-elle en se pr?cipitant vers sa voiture. ?a n’est pas innocent du tout. » CHAPITRE 4 Lundi, en d?but de soir?e Dix minutes plus tard, Keri passait devant la maison de Denton Rivers. Elle ralentit pour ?tudier la maison, et se gara quelques rues plus loin, suivie de Ray. Elle ressentait le pincement au ventre qui annon?ait des difficult?s. Et si Ashley ?tait dans cette maison ? Et s’il lui avait fait du mal ? La rue de Denton ?tait un alignement de petits pavillons identiques, plac?s en rangs trop serr?s. Il n’y avait aucun arbre, et les minuscules pelouses avaient s?ch? depuis longtemps. De toute ?vidence, il y avait un monde entre Ashley et Denton. Dans ce quartier, au sud de Venice Boulevard, il n’y avait aucune maison valant des millions. Keri et Ray se dirig?rent vers la maison de Denton. Keri v?rifia sa montre : six heures et quelques. Le soleil commen?ait sa longue descente vers l’ouest, au-dessus de l’oc?an, mais il ne ferait nuit que dans quelques heures. Lorsqu’ils atteignirent la maison de Denton, les fen?tres d?versaient une musique assourdissante, que Keri ne reconnut pas. Ils s’approch?rent silencieusement. ? pr?sent, ils percevaient les vocif?rations furieuses d’un homme. Ray d?gaina son arme et fit signe ? Keri de faire le tour de la maison, puis leva un doigt pour signifier qu’ils entreraient ? l’int?rieur dans exactement une minute. Elle regarda sa montre pour s’assurer du timing et hocha la t?te. Elle sortit son arme, et contourna la maison avec pr?cautions, en s’assurant de s’accroupir en passant devant les fen?tres. Ray avait plus de bouteille, et il ?tait g?n?ralement plus prudent qu’elle quand il s’agissait de p?n?trer dans une propri?t? priv?e. Mais dans ce cas, il semblait persuad? que les circonstances ?taient exceptionnelles, et justifiaient de se passer d’un mandat de perquisition. Il y avait un possible enl?vement, un suspect potentiel dans la maison, et des cris. Une intervention sans mandat ?tait d?fendable. Keri v?rifia le portillon. Il ?tait ouvert. Elle l’entrouvrit le plus lentement possible pour ne pas qu’il grince, et se faufila dans la propri?t?. Il ?tait peu probable qu’on l’entende de l’int?rieur, mais elle ne voulait pas prendre de risques. Une fois dans le jardin, elle rasa le mur, sur le qui-vive. Dans un coin, il y avait un abri de jardin d?cr?pit qui la mettait mal ? l’aise. Sa porte en t?le rouill?e semblait sur le point de tomber. Elle arriva sur la terrasse ? l’arri?re de la maison et s’immobilisa. Elle tendit l’oreille, au cas o? elle entendrait la voix d’Ashley. Elle ne l’entendit pas. ? l’arri?re de la maison, une porte en bois, d?verrouill?e, donnait sur une cuisine des ann?es 1970. Keri distinguait quelqu’un dans le salon, au bout du couloir. C’?tait une personne chantant ? tue-t?te avec la musique en se tr?moussant comme dans la fosse ? un concert de rock. Toujours aucun signe d’Ashley. Keri jeta un coup d’?il ? sa montre. Ray allait faire irruption d’un instant ? l’autre. ? la seconde pr?vue, Ray frappa un coup ? la porte d’entr?e. Elle ouvrit la porte en bois ? l’arri?re de la maison en m?me temps qu’il toquait, afin que le cliquetis de la poign?e soit couvert. Elle attendit. Un deuxi?me coup sur la porte lui offrit l’occasion d’ouvrir en m?me temps la porte de derri?re. Elle parcourut rapidement la cuisine et le couloir, jetant un coup d’?il dans chaque pi?ce qu’elle d?passait. ? la porte d’entr?e, Ray toquait encore, de plus en plus fort. Finalement, Denton l’entendit, s’arr?ta de danser et se dirigea vers la porte. Keri voyait son visage dans le miroir accroch? pr?s de la porte. Denton semblait confus. C’?tait un beau gar?on, aux cheveux bruns coup?s court et aux yeux bleus. Son allure nerveuse sugg?rait qu’il faisait de la lutte plut?t que du football am?ricain. Normalement, il devait ?tre plut?t s?duisant, mais en cet instant son visage ?tait d?form? par une grimace affreuse. Ses yeux ?taient inject?s de sang et il avait une entaille ? la tempe. Lorsqu’il ouvrit la porte, Ray brandit son insigne. « Ray Sands, LAPD, service des personnes disparues », dit-il d’une voix grave et ferme. « Je voudrais vous poser quelques questions au sujet d’Ashley Penn. » Le gar?on parut affol?. Keri connaissait bien cette expression – le gamin ?tait pr?t ? d?guerpir. Ray avait eu la m?me impression : « C’est rien de grave. Je veux juste qu’on discute un peu. ». Keri avait remarqu? un objet noir dans la main droite du gar?on, mais ne parvenait pas ? voir ce que c’?tait. Elle leva son arme et la pointa entre les omoplates de Denton. Lentement, elle enleva la s?curit? sur son pistolet. Ray, du coin de l’?il, avait remarqu? son mouvement. Il jeta un coup d’?il vers la main de Denton. Il voyait ce que c’?tait mais n’avait toujours pas lev? son arme. « Denton, tu as la t?l?commande de la cha?ne st?r?o ? la main ? – Ouais. – Est-ce que tu pourrais la poser par terre devant toi ? » Denton h?sita. « Ok », fit-il avait de laisser tomber la t?l?commande. Ray rengaina son arme, ainsi que Keri. Alors que Ray s’avancait ? l’int?rieur, Denton pivota et fut supris de trouver Keri devant lui. « T’es qui ? demanda-t-il. – Je suis l’agent Keri Locke, je travaille avec lui, fit-elle en d?signant Ray. Sympa, ta maison. » ? l’int?rieur, la maison ?tait sens dessus dessous. Les lampes avaient ?t? jet?es contre les murs, les meubles renvers?s. Sur la table basse se trouvait une bouteille de whiskey ? demi vide et un haut-parleur, d’o? sortait la musique. Keri coupa le son. Une fois la pi?ce redevenue silencieuse, elle put l’examiner avec plus d’attention. Il y avait du sang sur le tapis. Elle le remarqua, sans rien dire. Denton avait le bras droit lac?r?, comme par des ongles. L’entaille sur sa tempe ne saignait plus, mais le sang autour ?tait encore frais. Au sol ?taient ?parpill?s les lambeaux d’une photo de lui et Ashley. « O? sont tes parents ? – Ma m?re est au travail. – Et ton p?re ? – Il est plut?t occup? depuis qu’il est mort. » Keri, sans se d?contenancer, lui r?pondit : « Bienvenue au club. On recherche Ashley Penn. – Elle peut aller se faire voir. – Tu sais o? elle est ? – Non, et je m’en fous. Moi et elle, c’est fini. – Elle est ici ? – Est-ce que vous la voyez ? fit-il d’un ton sarcastique. – Est-ce que son t?l?phone est ici ? insista Keri. – Non. – Est-ce que le t?l?phone que je vois dans ta poche arri?re est celui d’Ashley ? » Le gar?on h?sita un instant, puis dit : « Non. Je pense qu’il est temps pour vous de partir. » Ray s’approcha du jeune homme, tendit la main, et dit : « Fais-moi voir ce portable. » Denton d?glutit avec force, puis finit par sortir le t?l?phone de sa poche pour le remettre ? Ray. La coque de protection ?tait rose et semblait co?teuse. « C’est le t?l?phone d’Ashley ? » demanda Ray. Denton ne r?pondait pas. « Je peux appeler le num?ro d’Ashley et on verra bien s’il sonne, dit Ray. Ou bien tu peux me donner une r?ponse honn?te. – Ok, c’est le sien. Et alors ? – Pose ton cul sur ce canap? et ne bouge pas », fit Ray. Puis, s’adressant ? Keri : « Vas-y ». Keri passa la maison au peigne fin. Il y avait trois petites chambres ? coucher, une minuscule salle de bains, et un placard ? linge. Rien ne laissait penser qu’il y avait eu une bagarre ou qu’on avait s?questr? quelqu’un. Elle trouva la trappe d’acc?s au grenier et fit descendre l’escalier ? ressorts. Elle grimpa les vieilles marches grin?antes et, une fois dans le grenier, sortit sa lampe torche. Le grenier ?tait exigu, le toit ? seulement un peu plus d’un m?tre du sol. Des poutres transversales entravaient l’acc?s au fond des combles. Ceux-ci ne contenaient pas grand-chose : quelques cartons recouverts de poussi?re, des toiles d’araign?es par centaines, et une malle volumineuse, tout au fond du grenier. Pourquoi a-t-on plac? l’objet le plus lourd et le plus suspect tout au fond du grenier ? ?a a du ?tre p?nible de le tirer jusque l?-bas. Elle soupira. ?videmment, il fallait qu’on lui ait compliqu? la vie en pla?ant la malle tout au fond. Elle entendit Ray l’appeler d’en bas : « Tout va bien ? – Ouais. Je v?rifie le grenier. » Elle se hissa sur le plancher du grenier et rampa jusqu’au fond, en prenant garde de ne prendre appui que sur les poutres. Elle craignait qu’un faux pas ne fasse c?der le plancher pourri sous son poids. Couverte de sueur et de toile d’araign?es, elle atteignit la malle. Elle fut soulag?e, en l’ouvrant, de constater qu’elle ?tait vide. Pas de corps. Elle la referma et rebroussa chemin. Dans la salle ? manger, Denton n’avait pas boug? d’un pouce. Ray ?tait ? cheval sur une chaise, en face de lui. Quand elle entra, il lui demanda : « Alors ? – Rien, fit-elle en secouant la t?te. Est-ce qu’on a appris o? se trouvait Ashley, enqu?teur Sands ? – Pas encore, mais on y travaille, n’est-ce pas, M. Rivers ? » Denton feignit de ne pas l’avoir entendu. « Je peux voir le portable d’Ashley ? demanda Keri. – Tiens, fit Ray en le lui tendant sans conviction. Il est prot?g? par un mot de passe. Il va falloir le donner au service informatique pour qu’ils le d?bloquent… » Elle fixa Denton et lui demanda : « Donne-nous le mot de passe. – Je ne le connais pas », dit-il d’un ton railleur. L’expression s?v?re de Keri ne laissait pas de place au doute. « Je vais te le redemander une derni?re fois, tr?s poliment. Donne-nous son mot de passe. » Le jeune homme tergiversa une seconde, puis avoua finalement : « C’est ‘ch?ri’ ». S’adressant ? Ray, Keri indiqua : « Je vais dehors pour jeter un coup d’?il au t?l?phone, et ? la cabane dans le jardin aussi. » Denton jeta un regard rapide vers le jardin, mais ne dit rien. Dehors, Keri se servit d’une pelle rouill?e pour faire sauter le cadenas de la porte de l’abri. Un rayon de soleil tombait ? l’int?rieur, passant ? travers un trou dans le toit. L’abri ne contenait que quelques vieux pots de peinture et outils de jardin. Aucun signe d’Ashley. Keri s’appr?tait ? ressortir quand elle remarqua une pile de plaques d’immatriculation sur une ?tag?re. Elle en compta six paires, comportant des vignettes pour l’ann?e en cours. Qu’est ce que ?a fait ici, ?a ? Je vais devoir les prendre. Elle allait sortir quand un courant d’air fit claquer la porte. Elle se retrouva dans l’obscurit? de l’abri de jardin, et sentit submerg?e par une vague de claustrophobie. Elle inspira profond?ment une fois, puis deux. La porte de l’abri s’entrouvrit sous l’effet d’une nouvelle brise, laissant entrer la lumi?re. Voil? ce qu’a du ressentir ma petite Evie. Toute seule, jet?e dans l’obscurit?, d?sorient?e. C’est donc ?a qu’elle a v?cu ? Pendant combien de temps est-ce qu’elle a v?cu ce cauchemar ? Keri ravala un sanglot. Il lui ?tait arriv? mille fois de s’imaginer sa fille s?questr?e dans un endroit pareil. La semaine prochaine, cela ferait cinq ans exactement qu’elle avait ?t? enlev?e. ?a promettait d’?tre une journ?e p?nible. Il s’?tait pass? beaucoup de choses entre-temps : la lutte sans espoir pour sauver son mariage avec Stephen, puis l’in?vitable divorce, suivi d’un « cong? sabbatique » de sa chaire de criminologie ? l’universit? Loyola Marymount. Officiellement, c’?tait pour conduire des recherches ind?pendantes, mais en v?rit?, l’administration avait ?t? contrainte de la remercier ? cause de son probl?me d’alcool et de ses nombreuses aventures avec des ?tudiants. ? cette ?poque, les morceaux de sa vie bris?e jonchaient son quotidien. Finalement, elle avait du accepter qu’elle serait incapable de retrouver sa fille : son ultime ?chec. Elle essuya rapidement les larmes qui avaient commenc? ? couler, et se fustigea int?rieurement. Bon, tu as ?chou? avec ta fille, ?vite d’?chouer avec Ashley. Reprends-toi ! Toujours debout dans l’abri de jardin, elle alluma le t?l?phone et composa le code secret : ch?ri. Le mot de passe fonctionna. Au moins, Denton avait dit la v?rit? ? ce sujet. Elle v?rifia les photos. Il y en avait des centaines, la plupart ?taient sans surprise : des selfies gentillets d’Ashley et de ses amis du lyc?e, d’elle et de Denton, quelques photos de Mia. Mais, au milieu de ces photos, il y avait d’autres images, plus choquantes. Certaines avaient ?t? prises dans un bar ferm? – de toute ?vidence avant ou apr?s les heures d’ouverture. Ces photos immortalisaient Ashley et ses amis, visiblement ivres, dans des sortes de soir?es de beuverie : ils buvaient des shots d’alcool ? la file, les filles prenaient des poses lascives pour l’appareil photo. Dans d’autres photos, ils fumaient des pipes ? eau, ou roulaient des joints. Le d?cor ?tait parsem? de bouteilles d’alcool. Qui a bien pu fournir l’acc?s ? un endroit pareil ? Quand est-ce qu’elle trouvait le temps de faire ?a ? Quand Stafford ?tait ? Washington ? Comment est-ce possible que sa m?re n’en ait aucune id?e ? Certaines photos, toutefois, ?taient plus inqui?tantes que d’autres. En effet, sur certaines, on apercevait un pistolet, un Sig-Sauer 9mm, ? l’arri?re-plan, pos? n?gligemment sur une table ? c?t? d’un paquet de cigarettes, ou encore, dans une autre photo, pr?s d’un sachet de chips. Un autre clich? encore montrait Ashley dans un sous-bois, pr?s d’un cours d’eau, visant des canettes de Coca avec le pistolet. Pourquoi ? C’?tait juste pour rire ? Est-ce qu’elle voulait apprendre ? se prot?ger ? Si oui, se prot?ger de quoi ? Elle remarqua que les photos avec Denton devenaient sensiblement moins nombreuses au cours des trois derniers mois. Dans le m?me laps de temps, un jeune homme tr?s s?duisant, aux longs cheveux blonds, apparaissait de plus en plus souvent dans ses photos. Dans la plupart, il ?tait torse nu, exhibant ses abdos, dont il semblait tr?s fier. Une chose ?tait s?re : ce n’?tait pas un lyc?en. Il avait l’air d’avoir un peu plus de vingt ans. Est-ce que c’est lui qui leur donnait acc?s ? ce bar ? De plus, Ashley avait pris de nombreuses photos ?rotiques d’elle-m?me. Dans certaines d’entre elles, elle montrait ses sous-v?tements, et dans d’autres, elle ne portait qu’un string. Dans la plupart, elle se caressait de fa?on suggestive. Les photos ne montraient jamais son visage, mais il ?tait ?vident qu’il s’agissait d’Ashley : sa chambre, en arri?re-plan, ?tait clairement reconnaissable. Keri reconnut l’?tag?re qui portait le manuel de math?matiques o? elle cachait son faux permis de conduire. Dans une autre photo, on distinguait la peluche d’Ashley sur l’oreiller, la t?te tourn?e comme si la vue d’Ashley ?tait insoutenable. Keri eut un haut-le-c?ur. Elle quitta le dossier photos et v?rifia les SMS. Les autoportraits ?rotiques avaient ?t? envoy?s un par un ? un certain Walker, sans doute le gar?on aux abdos, qui figurait dans ses photos. Les commentaires accompagnant les photos laissaient peu de place ? l’imagination. Malgr? le suppos? lien « sp?cial » unissant Mia Penn ? sa fille, Keri commen?ait ? croire que Stafford la comprenait beaucoup mieux. Un des messages envoy?s ? Walker, dat? d’il y a quatre jours, disait : « J’ai officiellement largu? Denton aujourd’hui. Je m’attends ? ce qu’il fasse des histoires. Je te tiens au courant ». Keri ?teignit le t?l?phone et s’assit dans l’obscurit?, cogitant. Elle ferma les yeux et laissa son esprit vagabonder. Une sc?ne s’imposa ? elle, si r?aliste qu’elle avait l’impression d’y ?tre. C’?tait un dimanche matin de septembre, ensoleill? et agr?able. Le ciel californien ?tait uniform?ment bleu. Evie et elle ?taient dans un parc de jeux. Stephen allait revenir cet apr?s-midi-l? d’un voyage de randonn?es dans le parc national de Joshua Tree. Evie portait un d?bardeur violet, un short blanc, des chaussettes blanches orn?s de dentelle, et des tennis. Elle souriait. Ses yeux ?taient verts, ses cheveux blonds et ondul?s tir?s en deux couettes. Une de ses incisives ?tait ?br?ch?e. Comme c’?tait une vraie dent et non une dent de lait, il allait bien falloir la faire r?parer. Mais comme Evie paniquait compl?tement ? chaque fois que Keri en parlait, ils ne s’en ?taient toujours pas occup?s. Keri ?tait assise sur la pelouse, pieds nus, des papiers ?parpill?s partout autour d’elle. Elle pr?parait le discours d’inauguration qu’elle allait prononcer le lendemain matin ? la conf?rence californienne de criminologie. Elle avait m?me organis? l’intervention d’un autre invit?, un d?tective du LAPD nomm? Raymond Sands, qui l’avait conseill?e pour quelques dossiers. « Maman ! On va prendre une glace ? » Keri v?rifia sa montre. Elle avait presque fini, et il y avait un glacier sur le chemin du retour. « Dans cinq minutes, ok ? – ?a veut dire que t’es d’accord ? – Oui ! fit-elle en souriant. – J’aurai le droit de prendre des M&M’s dessus ? Ou juste des morceaux de fruits ? – Alors, voyons… Un indice… Quelle lettre vient apr?s le L dans l’alphabet ? – Euh… laquelle ? – Le M ! Tu comprends ? Tu auras droit ? des M&M’s ! – Bien s?r ! Je suis pas un b?b? ! – C’est vrai, pardon. Donne-moi juste cinq minutes. » Elle retourna ? son discours. Peu de temps apr?s, quelqu’un passa juste devant elle, plongeant dans l’ombre la page qu’elle avait sous les yeux. Agac?e, elle tenta de retrouver sa concentration. Tout d’un coup, un hurlement ? glacer le sang r?sonna dans le parc. Keri sursauta et leva les yeux. Un homme en parka et casquette ?tait en train de d?taler ? toutes jambes. Il ?tait de dos, mais Keri voyait qu’il portait quelque chose dans ses bras. Elle se leva d’un bond, cherchant d?sesp?r?ment sa fille des yeux. Evie n’?tait nulle part. Keri s’?lan?a derri?re l’inconnu avant m?me d’?tre s?re qu’il ait sa fille. Une seconde plus tard, la t?te d’Evie apparut par-dessus l’?paule de son ravisseur, terroris?e. « Maman ! » hurlait-elle. Keri fon?ait derri?re l’homme, mais il avait beaucoup d’avance. Il atteignait le parking alors qu’elle n’avait parcouru que la moiti? du parc. Elle s’?poumona : « Evie ! Laissez-la ! Stop, arr?tez-le ! Il a pris ma fille ! » Les promeneurs se retournaient sur elle, d?concert?s. Personne ne vint ? sa rescousse. Dans le parking, il n’y avait personne pour arr?ter l’inconnu. Elle comprit o? il se dirigeait : vers un fourgon blanc, tout au bout du parking, gar? juste en face de la sortie. Il ?tait ? une quinzaine de m?tres de son but quand Evie cria de nouveau : « Maman, aide-moi ! Maman ! – J’arrive, mon b?b? ! » Keri redoubla d’efforts, les poumons en feu, les yeux br?lants de larmes. Elle avait atteint le parking. L’asphalte blessait ses pieds nus. Elle cria de nouveau : « Cet homme a pris ma fille ! Arr?tez-le ! » Un adolescent en t-shirt et sa petite amie ?taient en train de sortir de leur voiture, ? quelques m?tres du fourgon. Le ravisseur les d?passa en courant. Ils avaient l’air d?contenanc?, jusqu’? ce que Keri hurle encore : « Arr?tez-le ! » Le gar?on, h?sitant, commen?a ? se diriger vers le fourgon, puis acc?l?ra le pas. L’homme avait d?j? atteint son v?hicule, il ouvrit la porti?re d’un geste et jeta Evie ? l’int?rieur comme un sac de patates. Keri entendit le bruit sourd du corps de sa fille heurtant le c?t? du fourgon. Il claqua la porti?re et faisait en courant le tour de sa voiture pour monter derri?re le volant, quand l’adolescent arriva ? sa hauteur et agrippa son ?paule. L’homme pivota et Keri put distinguer son visage. Il portait des lunettes de soleil et une casquette tir?e tr?s bas. Malgr? le voile de larmes, elle aper?ut une m?che de cheveux blonds et ce qui ressemblait ? un tatouage sur son cou. Avant qu’elle puisse voir autre chose, l’homme leva le bras et ass?na un coup de poing ? l’adolescent, qui fut projet? contre la voiture ? c?t?. Un craquement ?c?urant retentit. Elle vit l’homme d?gainer un couteau et le plonger dans le torse du gar?on. Il attendit une seconde pour v?rifier que le gar?on tombait bien ? terre, avant de se pr?cipiter dans le si?ge conducteur. Keri, ? bout de forces, se concentra sur son but. Elle entendit le moteur vrombir et vit le fourgon reculer, puis prendre la direction de la sortie. Elle ?tait ? une dizaine de m?tres. Le fourgon ?tait d?j? en train d’acc?l?rer sur la route. Elle continuait de courir mais sentait son corps l?cher. Elle baissa les yeux pour voir la plaque d’immatriculation, pr?te ? l’imprimer dans sa m?moire. Il n’y avait pas de plaque. Elle voulut sortir ses cl?s de voiture, mais elles ?taient dans son sac ? main, sur la pelouse. Elle courut vers l’adolescent, dans l’espoir de prendre sa voiture. Mais quand elle parvint ? son niveau, elle vit que sa petite copine, ? genoux, sanglotait ?perdument au-dessus de son corps sans vie. Elle leva les yeux. Le fourgon ?tait loin, ? pr?sent, un nuage de poussi?re derri?re lui. Elle n’avait pas de num?ro d’immatriculation, pas de v?ritable description ? fournir, rien pour aider la police. Sa fille avait disparu et elle ne savait pas quoi faire. Elle se laissa tomber au sol, ? c?t? de l’adolescente ?plor?e, et leurs pleurs s’?lev?rent ? l’unisson. * Quand elle rouvrit les yeux, elle ?tait de retour dans la maison de Denton. Elle ne se souvenait pas ?tre sortie de la cabane et avoir travers? le jardin, et pourtant elle avait rejoint la cuisine des Rivers. ?a faisait deux fois aujourd’hui. ?a empirait. Elle regagna le salon, et demanda ? Denton : « O? est Ashley ? – Je ne sais pas. – Pourquoi est-ce que tu as son portable ? – Elle l’a laiss? ici, hier. – Tu mens. Elle t’a quitt? il y a quatre jours. Elle n’est pas venue ici, hier. » Denton se d?composa. «  Bon, ?a va, je le lui ai pris. – Quand ? – Cet apr?s-midi, au lyc?e. – Tu le lui as arrach? des mains ? – Non, j’ai fait semblant de me cogner contre elle en la croisant, et je l’ai sorti en douce de son sac. – Tu connais quelqu’un qui poss?de un fourgon noir ? – Non. – Aucun ami ? toi n’a de fourgon noir ? – Non. – Quelqu’un que tu aurais pay?, peut-?tre ? – Non. – D’o? viennent les ?raflures sur ton bras ? – Je sais pas. – D’o? vient le sang sur le tapis ? – Je sais pas. » Keri s’effor?a de ma?triser la fureur qui montait en elle. Elle sentait qu’elle allait y c?der. Le fixant du regard, d’une voix sans ?motion, elle dit : « Je te laisse une derni?re chance de r?pondre. O? est Ashley Penn ? – Allez vous faire voir. – Mauvaise r?ponse. Tu auras le temps d’y r?fl?chir sur le chemin du commissariat. » Elle se d?tourna. Elle h?sita un instant, puis se retourna soudainement et lui d?cocha un violent coup de poing, laissant se d?cha?ner toute sa frustration. Elle l’atteignit dans la tempe, exactement au niveau de son entaille. La blessure se rouvrit et du sang gicla partout, y compris sur la chemise de Keri. Ray, stup?fait, la d?visageait. Puis, d’un geste vif, il attrapa Denton par le collet pour le faire se lever, et lui dit : « Tu l’as entendue ? Marche ! Et ne va pas tr?bucher et te cogner la t?te encore une fois ! ». Keri esquissa un sourire en coin, que Ray ne lui retourna pas. Il semblait abasourdi. Un tel geste pouvait lui co?ter son poste. Keri, elle, n’en avait rien ? faire. Elle voulait faire parler le gar?on ? tout prix. CHAPITRE 5 Lundi soir Au volant de sa Prius, Ray dans le si?ge passager, Keri suivait la voiture de police qu’ils avaient appel?e et qui transportait Denton Rivers au commissariat. Keri ?coutait silencieusement Ray passer des coups de fil. L’officier responsable du secteur Ouest du LAPD ?tait Reena Beecher, mais c’?tait le sup?rieur de Keri et Ray, le lieutenant Cole Hillman, qui allait s’occuper de la situation et lui faire des rapports. Ray ?tait en train de le mettre au courant des ?v?nements. Cole Hillman, aussi surnomm? « le Marteau » par ses subalternes, ?tait charg? des personnes disparues, des homicides, des vols, et des crimes sexuels. Keri n’?tait pas une grande admiratrice du « Marteau ». ? ses yeux, le lieutenant Hillman semblait accorder plus d’importance ? son petit confort qu’aux enqu?tes ? mener. Peut-?tre que son grade l’avait ramolli. En tout cas, il n’h?sitait pas ? s’en prendre aux agents qui avaient trop de dossiers non r?solus, d’o? son surnom, qu’il semblait adorer. Pour Keri, c’?tait un hypocrite. Il s’emportait quand les enqu?tes prenaient du temps, mais ne supportait pas non plus que les agents prennent des risques pour r?soudre ces m?mes enqu?tes. D’apr?s elle, un surnom plus appropri? aurait ?t? « connard ». Mais puisqu’elle ne pouvait se permettre de lui donner le petit nom qu’elle aurait voulu, elle se rebellait en ne lui donnant pas non plus le surnom officiel qu’il affectionnait. Keri roulait ? toute vitesse pour tenir le rythme de la voiture de police devant eux. ? c?t? d’elle, Ray r?capitulait le d?roulement des ?v?nements pour Hillman. Il exposait qu’un appel en fin d’apr?s-midi ?tait devenu un potentiel enl?vement de la fille d’un s?nateur. Il d?crivit les images de la cam?ra de surveillance du garant de caution Briggs, ainsi que leur visite au domicile des Briggs – en omettant quelques d?tails. « L’agent Locke et moi-m?me sommes donc en train d’amener Rivers au commissariat pour l’interroger davantage, finit d’expliquer Ray. – Attends un peu, dit Hillman. Qu’est ce que fait Keri Locke sur ce dossier ? C’est bien au-dessus de son niveau de comp?tences, Sands. – C’est elle qui a pris l’appel, lieutenant. Et c’est elle qui a d?couvert toutes les pistes qu’on a pour le moment. Nous sommes presque arriv?s. Je vous tiendrai au courant. – Bon, je vais arriver bient?t, moi aussi. Je dois appeler le capitaine Beecher, elle voudra ?tre avertie.  J’ai convoqu? tout le monde pour une r?union g?n?rale dans quinze minutes. » Il raccrocha sans plus de c?r?monie. Ray se tourna vers Keri et fit : « On va ?tre ?ject?s du dossier d?s qu’on leur aura fait un compte-rendu d?taill?, mais au moins on aura progress? un peu. » Keri se renfrogna. « Ils vont faire n’importe quoi, dit-elle. – Tu n’es pas la seule enqu?trice valable dans le p?rim?tre, tu sais. – Je sais, il y a toi, aussi. – Merci, camarade, pour ce compliment l?g?rement condescendant. – De rien. Mais Hillman ne m’aime pas. – C’est pas dit. Je pense juste qu’il te trouve un peu, comment dire… imp?tueuse, pour un agent avec si peu d’exp?rience. – Peut-?tre. Ou alors, c’est juste un connard. C’est pas grave, je ne l’aime pas non plus. – Pourquoi ? – Parce que c’est un gratte-papier flagorneur et que ses d?marches n’ont aucune originalit?. En plus, quand on se croise dans le couloir, il ne me regarde jamais au-dessus de la poitrine. – Ah. Eh bien, je dois dire que si tu vas en vouloir ? tous les flics qui font ?a, il ne restera que des connards. » Keri le regarda d’un air entendu. « Exactement. – Je vais essayer de ne pas me vexer, r?torqua-t-il. – Ne sois pas si sensible, Colosse d’Acier. » Il resta silencieux pendant un moment. Keri sentait qu’il voulait dire quelque chose, sans savoir comment aborder le sujet. Finalement, il fit : « On va parler de ce que tu as fait, dans la maison ? – Qu’est ce que j’ai fait ? – Tu as attaqu? un adolescent. – Ah, ?a. Je pr?f?rerais qu’on n’en parle pas. D’ailleurs, il me semble que tu as dit qu’il s’est cogn? en tr?buchant. – S’il s’av?re qu’il est innocent, et s’il porte plainte, les cons?quences pourraient ?tre graves. – Je ne me fais pas de soucis. – Moi, oui. Peut-?tre parce qu’on approche de l’?tape des cinq ans. Tu as pu voir le Dr Blanc, r?cemment ? » Le silence de Keri ?tait ?loquent. « Peut-?tre que tu devrais », murmura-t-il. Keri s’engagea dans le parking du commissariat, ce qui mit un terme ? leur discussion. ? l’int?rieur, Keri se chargea de d?poser plainte pour le vol du portable d’Ashley. Pendant ce temps, Denton Rivers ?tait plac? dans une salle d’interrogatoire. Avec ?a, ils pourraient le garder plusieurs heures. Avec un peu de chance, ?a leur permettrait d’en savoir plus. Ensuite, Ray et Keri se rendirent dans la salle de r?union, o? les responsables du centre d’appel attribuaient les missions aux ?quipes, au d?but de chaque garde. La r?union g?n?rale allait commencer. Lorsqu’ils arriv?rent, Hillman ?tait d?j? l?, ainsi que six des agents les plus chevronn?s du service, dont deux du bureau charg? des homicides. Ray ?tait dans son ?l?ment, au contraire de Keri. En voyant les regards converger sur elle, elle se sentit comme un insecte observ? ? la loupe. Ne te laisse pas d?monter. Tu as ta place ici. Le lieutenant Cole Hillman se leva pour prendre la parole. Il avait atteint la cinquantaine r?cemment, mais les sillons qui barraient son front sugg?raient que les choses qu’il avait du affronter dans le cadre de son travail l’avaient fait vieillir pr?matur?ment. Sa tignasse poivre et sel ne se d?garnissait que l?g?rement au niveau des tempes. Il avait un torse massif et une bedaine qu’il tentait de camoufler sous des chemises flottantes. Il ?tait 19h pass?es mais il portait toujours un costume-cravate. Keri ne se souvenait pas l’avoir jamais vu porter autre chose. « Avant tout, merci d’?tre venu dans de si bref d?lais, dit-il. Comme la plupart d’entre vous sait d?j?, cette enqu?te concerne Ashley Penn, la fille du s?nateur Stafford Penn. M?me s’il n’?tait pas un proche ami du maire et du gouverneur de Californie, ce dossier serait une priorit?. Mais puisqu’il l’est, nous avons vraiment la pression. On peut s’attendre ? ce que nos amis du FBI fourrent leur nez dans ce dossier tr?s bient?t, mais pour le moment, on va faire comme si ?a allait rester notre exclusivit?. D’apr?s ce que j’ai compris, le s?nateur n’est pas convaincu qu’il s’agisse d’un enl?vement. Il pense que c’est possible que sa fille soit en train de faire la f?te avec ses amis. C’est effectivement possible. La vid?o la montrant rentrer dans le fourgon ne permet pas de trancher. Mais tant qu’on n’est s?r de rien, on va suivre toutes les pistes qui s’offrent ? nous, compris ? » La salle fut parcourue d’un murmure d’assentiment. Plusieurs agents hochaient la t?te. Hillman poursuivit : « Apparemment, la rumeur s’est d?j? r?pandue dans le lyc?e d’Ashley, le lyc?e de West Venice. C’est en train de prendre de l’ampleur sur les r?seaux sociaux. On a d?j? re?u un appel d’un journaliste inquisiteur. D’ici ? demain matin, l’affaire fera probablement la une de tous les journaux de Californie. Je tiens donc ? ?tre clair : si les m?dias vous sollicitent, et ils le feront certainement, vous ne ferez aucun commentaire. Peu importe le journaliste, vous les redirigerez vers le responsable communications. Compris ? » Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43692567&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.