Ðàñòîïòàë, óíèçèë, óíè÷òîæèë... Óñïîêîéñÿ, ñåðäöå, - íå ñòó÷è. Ñëåç ìîèõ ìîðÿ îí ïðèóìíîæèë. È îò ñåðäöà âûáðîñèë êëþ÷è! Âçÿë è, êàê íåíóæíóþ èãðóøêó, Âûáðîñèë çà äâåðü è çà ïîðîã - Òû íå ïëà÷ü, Äóøà ìîÿ - ïîäðóæêà... Íàì íå âûáèðàòü ñ òîáîé äîðîã! Ñîææåíû ìîñòû è ïåðåïðàâû... Âñå ñòèõè, âñå ïåñíè - âñå îáìàí! Ãäå æå ëåâûé áåðåã?... Ãäå æå - ïðàâ

L’utopie Pragmatique

lutopie-pragmatique
Àâòîð:
Òèï:Êíèãà
Öåíà:813.88 ðóá.
Ïðîñìîòðû: 315
Ñêà÷àòü îçíàêîìèòåëüíûé ôðàãìåíò
ÊÓÏÈÒÜ È ÑÊÀ×ÀÒÜ ÇÀ: 813.88 ðóá. ×ÒÎ ÊÀ×ÀÒÜ è ÊÀÊ ×ÈÒÀÒÜ
L’utopie Pragmatique Domenico Villano Domenico Villano L'Utopie pragmatique ?  la d?©couverte des ??covillages et des Communaut?©s intentionnelles Traduit de l'italien par Murielle Pahaut Pr?©face Par Maria Rosaria Mariniello Elle est ?  l???horizon [??¦] Je m???approche de deux pas, elle s????©loigne de deux pas. J???avance de dix pas et l???horizon s???enfuit dix pas plus loin. J???aurai beau avancer, jamais je ne l???atteindrai. ?? quoi sert l???utopie ? Elle sert ?  cela : ?  cheminer. Eduardo Galeano, Paroles vagabondes. Fen??tre sur l???utopie. C???est avec ?©motion que je r?©dige, pour la toute premi??re fois, la pr?©sentation d???un travail ?©crit par quelqu???un d???autre; consciente de la lourde responsabilit?© qui m???incombe, car les premiers mots doivent accrocher le lecteur et donner l???envie de se plonger dans la lecture ou, au contraire, de la poursuivre ?  son rythme. Cette t??che m???a ?©t?© confi?©e par le jeune auteur lui-m??me, pour les raisons que je vais maintenant tenter d???expliquer en termes concis, car les mots ont parfois tendance ?  lasser, m??me s???ils sont n?©cessaires pour raconter. Je suis la pr?©sidente de l???Association CortoCircuito Flegreo, fond?©e en avril 2011 par 27 membres fondateurs, consommateurs, agriculteurs et artisans, qui partagent tous le m??me d?©sir de r?©aliser un r??ve, mais diff?©rent entre ville et campagne, entre nature et culture, entre agriculture et terre, et ce, de mani??re structur?©e, au-del?  de la pratique qui existe d?©j?  depuis quelque temps et qui s???est d?©velopp?©e de mani??re informelle. La d?©finition de cette exp?©rience s???apparente ?  celle d???une communaut?©, bien qu???elle soit en perp?©tuelle ?©volution, vu la pr?©sence irr?©guli??re de certains membres et la segmentation de la contigu??t?© territoriale, entravant l????©change continuel. Cependant, l???Association CortoCircuito Flegreo a ?©t?© fond?©e avec l???intention de cr?©er un projet issu de principes communs et partag?©s, lesquels doivent ??tre n?©cessairement ?©labor?©s au cours de l???approfondissement des relations, qu???elles soient humaines, ?©conomiques, culturelles ou solidaires, et qui ne sont jamais consid?©r?©es comme acquises une fois pour toutes par l???acte fondateur de l???association, appel?© statut. De nombreux projets, parmi tous ceux d?©velopp?©s ces derni??res ann?©es, nous ont encourag?©s ?  modifier nos modes de vie, en adoptant, ce qu???on appelle pour simplifier, les ?«bonnes pratiques?». Ils nous ont ainsi permis de cr?©er de petites ?©conomies solidaires, avec le producteur et avec la Terre, et ce, notamment, en apprenant d???un grain de bl?© qu???il doit pousser sur un sol qui n???a pas encore ?©t?© exploit?© ou encore de la mac?©ration d???une petite ortie ch?©tive qu???elle peut contribuer ?  la croissance d???une salade, lorsqu???elle est pulv?©ris?©e sur la plante. En outre, nous avons mis sur pied un syst??me de certification de producteurs et de produits, d?©fini comme une soci?©t?© en participation, car elle vit ?  travers la rencontre et la connaissance du cycle de production et la vie concr??te de celui qui produit, et nous permet ?©galement de repousser toujours plus loin la logique du label de qualit?© payant, qui d?©cide, par d?©l?©gation, si ce qu???on produit et ce dont on se nourrit est sain. Ce parcours a toujours ?©t?© fertile et exaltant, d?©bordant d???id?©es et enrichissant humainement, suscitant sans cesse le sentiment que cela valait vraiment la peine d?????tre v?©cu. Notamment, il nous a fait comprendre les changements avec humilit?© et nous a enseign?© que les dynamiques, g?©n?©r?©es non seulement de l???ext?©rieur, mais aussi en nous-m??mes, appel?©es commun?©ment ?«crises?», devaient ??tre affront?©es chaque jour pour ?©viter les chutes d?©sastreuses. Bref, un v?©ritable march?© clandestin qui renferme, selon le principe des poup?©es russes, tant d???autres choses : les circuits d???approvisionnement courts, le pr?©financement ?  la source, le soutien aux activit?©s sociales, les approfondissements et la formation de nouveaux syst??mes agro-?©cologiques, et ce, afin de prendre soin de la Terre et d???en tirer une alimentation non intensive. Ainsi donc, fouler la Terre d???un pas plus l?©ger pour ?©viter de lui infliger d???autres blessures. J???ai connu Domenico Villano, il y a un peu plus d???un an. Il ?©tait venu au Lac d???Averno lors d???une de nos r?©unions bimensuelles, durant lesquelles producteurs et consommateurs s????©changent des exp?©riences, des produits, des id?©es, des projets et consolident leurs liens d???amiti?©. Il nous proposa de visiter le ?«jardin tropical?» de Licola, l???endroit o?? son grand-p??re cultive avec amour ses kiwis et ses avocats, pour partager avec nous ses connaissances et les fruits de sa terre. Tout comme sa famille, Domenico aide son grand-p??re ?  entretenir ce lieu d???une mani??re, je dirais, presque magique. Nous avons tout de suite ?©t?© charm?©s par l???harmonie de ce jardin, par l???entrelacement des diff?©rentes plantes, se soutenant les unes les autres, et dont les branches s???affaissaient sous le poids de grands avocats luisants et la quantit?© de petits kiwis velus. Nous sommes entr?©s dans une dimension tropicale, cr?©?©e en plein c??ur de la r?©gion phl?©gr?©enne, gr??ce ?  la passion obstin?©e d???un grand p??re, attis?©e par l???enthousiasme de son petit-fils ! Au cours de nos rencontres successives, Domenico fut toujours tr??s loquace. Le sourire aux l??vres, il me raconta son exp?©rience de jeune ?©tudiant, futur dipl??m?© en sociologie de l???environnement et du d?©veloppement territorial. Il me parla d???un m?©moire au titre fascinant ?«L???Utopia come pratica. Le comunit?  intenzionali e l???etica di Foucault?» [L???Utopie pragmatique. Les communaut?©s intentionnelles et l????©thique chez Foucault] et de certaines exp?©riences communautaires, italiennes ou non. Il ?©tait all?© vivre dans ces communaut?©s pour recueillir les aspects quotidiens et les dynamiques conceptuelles, afin de capturer les forces qui en sous-tendent l???ossature et d???interagir avec le travail, les personnes et les espaces. Je ne pus que m???int?©resser ?  ce travail, que je suivais ?  distance, lorsqu???il allait de-ci et de-l?  pour ?©toffer son exp?©rience, couch?©e ensuite sur le papier, page apr??s page. Il y a quelques mois, il eut la grande satisfaction d???obtenir son dipl??me et envoya son travail de fin d????©tude ?  certains de ses contacts, susceptibles d?????tre int?©ress?©s. Je fus parmi ceux-ci. J???ai donc lu son travail, fra?®chement achev?©, authentique, traitant tant des questions th?©oriques que des observations faites sur le terrain, selon les r??gles de l???art de la sociologie. En ?©voquant avec lui tous les efforts entrepris pour r?©aliser cet ouvrage, j???ai per?§u une pointe de d?©ception, li?©e ?  l???absence d???opportunit?©s de publication. Son sourire est alors devenu un peu triste, presqu????©teint. Pourquoi ne pas r?©aliser son r??ve gr??ce ?  un soutien ?  partir de la base ? Pourquoi ne pas lancer cette id?©e parmi nos membres ? Cela me paraissait coh?©rent avec nos principes et nos pratiques de durabilit?© et de r?©silience. J???ai donc partag?© cette id?©e avec le groupe territorial de CortoCircuito Flegreo et l???initiative fut lanc?©e. Cela a march?©! D?©sormais, le travail de Domenico est devenu un petit ouvrage inestimable. Bonne lecture ! Prologue Procolo n????©tait pas un homme primitif, ni un aborig??ne australien, ni m??me quelqu???un qui venait d???une terre lointaine. Sur la ligne 1 du m?©tro de Naples, en direction de la Station Centrale, tous les visages lui ?©taient familiers. Pas vraiment tous, en r?©alit?©. Il avait remarqu?© des ?©trangers ?  la peau noire, d???autres aux yeux en amande, ou encore des petites familles attendrissantes, couleur caf?© au lait. Chacun d???eux parlait une langue inconnue mais cela n???avait aucune importance ?  ses yeux. Quand il ?©tait encore jeune, il ?©tait all?© deux ou trois fois au port de Pozzuoli pour vendre le vin d???une ann?©e exceptionnelle, et l? , il avait vu des ?©trangers, venant des quatre coins de la plan??te. Mais ce qui l???intriguait, c????©tait plut??t tous les autres: ils lui ressemblaient tellement, avec leurs yeux noirs, leurs cheveux ch??tains et leur visage familier, mais ils avaient quelque chose d????©trange. Ils ?©taient tous tr??s grands et habill?©s comme des princes. Ils arboraient des chemises impeccables, des chaussures toute neuves et des cheveux soigneusement peign?©s. Il devait sans doute se trouver dans une ville de rois. Il avait entendu parler des villes, de leur salet?©, de la mis??re du peuple et de la grande richesse des seigneurs, enferm?©s dans leur palais et d?©fendus par leur cour. Mais qui ?©taient tous ces messieurs dans ce wagon souterrain? Aucun n???avait le visage br?»l?© par le soleil. Il y avait bien quelques jeunes gar?§ons ?  la peau rouge??tre, mais il s???agissait d???une couleur ?©trange, comme s???ils s????©taient d?©p??ch?©s de s???immerger dans une baignoire pleine de rayons de soleil. Procolo regardait les mains de ceux qui s???agrippaient aux montants tubulaires du wagon pour ne pas perdre l????©quilibre. Elles ne ressemblaient en rien aux siennes. Aucune callosit?©, aucune cicatrice. Elles ?©taient fines et propres; les ongles bien soign?©s et longs, plus longs encore que ceux du marquis de De Suricis, l???homme le plus cultiv?© et le plus riche de Roccafiniterre, son village bien-aim?©, o?? il avait pass?© presque toute sa vie. Et maintenant, Dieu sait o?? il se trouvait. ?? vrai dire, il ne se souvenait pas comment il ?©tait arriv?© dans ce curieux engin souterrain, mais il ?©tait pr??t ?  tout pour retrouver le chemin de la maison. Il tenta de demander des informations ?  un des passagers, mais, malheureusement, celui-ci arrivait ?  peine ?  comprendre ce que Procolo lui disait. Il avait des dents bien droites, comme il n???en avait jamais encore vu, et il parlait une langue qu???il avait d?©j?  entendue une fois, lorsqu???il avait d?» aller devant le juge, dans un immense b??timent de Benevento, pour ce probl??me de poulets qu???il avait emprunt?©s au poulailler de Mariuccia, sans en demander la permission. Heureusement, cette fois-l? , il s???en ?©tait bien sorti, avec seulement quelques nuits pass?©es en cellule. Mais comme il ?©tait curieux, ce monsieur aux dents toutes droites, il parlait ?  Procolo comme s???il ?©tait un accus?©. Et quelles mani??res il avait ! Il avait perdu patience apr??s deux tentatives infructueuses et s????©tait plong?© dans la lecture d???un gros livre, lui qui n????©tait m??me pas cur?©! Dans ce wagon, c????©tait chacun pour soi; personne ne se parlait. Certains passagers lisaient un livre ou un journal, d???autres fixaient le vide, h?©b?©t?©s. Il y en avait bien deux ou trois qui bavardaient dans le jargon des juges, cette fois peut-??tre un peu plus compr?©hensible, mais la plupart d???entre eux ?©taient aux prises avec de dr??les d???engins lumineux en m?©tal, parfois pourvus de longues protub?©rances caoutchouteuses allant jusqu???aux oreilles, et qui ressemblaient ?  celui du docteur pour mesurer la tension ou qui sait quoi. Procolo ?©tait encore tout absorb?© par ses observations quand le m?©tro arriva ?  la Station Centrale et, aussit??t, la foule se pr?©cipita convulsivement vers les escaliers m?©caniques. Des escaliers m?©caniques ??? en voil?  une sorcellerie ! ??? pensa notre personnage, tandis qu???entra?®n?© par le flot de bras, de jambes et de sacs, il gravissait les escaliers de marbre, serr?© entre ces deux serpents m?©talliques, montant et descendant, qui ?©taient surcharg?©s de personnes. ?? peine sorti des profondeurs, il fut happ?© par un tourbillon de lumi??res, de bruits et de gens et perdit tout sens d???orientation. Il sentit alors ses jambes se d?©rober, la sueur froide couler sur son front et il s???effondra sur le sol, sans connaissance. Ce ne fut qu???apr??s quelques heures qu???il fut r?©veill?© par un jeune gar?§on qui, heureusement, pronon?§ait des mots qui ressemblaient ?  ceux de sa langue. Il parvenait enfin ?  comprendre quelqu???un. Il s???appelait Mike, il avait seize ans et venait d???Am?©rique. ??? De l???Am?©rique? ??? demanda Procolo surpris ??? Et qu???est-ce que tu fais ici? Et pourquoi tu parles comme les gens de la Rocca? Le jeune gar?§on proposa au vieux paysan de l???accompagner chez sa tante Pina, qui habitait dans le quartier de la Forcella, tout pr??s d???ici. Chez elle, il pourrait manger quelque chose et reprendre des forces et, chemin faisant, il aurait la r?©ponse ?  toutes ses questions. Procolo accepta son invitation et se remit p?©niblement debout. Alors qu???ils marchaient le long du Corso Umberto, Mike expliqua au vieil homme que son arri??re-grand-p??re avait immigr?© en Am?©rique, o?? il avait finalement trouv?© un travail de marchand de fleurs en Pennsylvanie. Lui, il avait appris le dialecte gr??ce ?  sa grand-m??re, la m?©moire vivante des origines italiennes de sa famille. Ce jour-l? , Mike revenait de la Rocca et il se trouvait, lui aussi, ?  la station de m?©tro. Cependant, il eut aussi beaucoup de mal ?  s???orienter dans cette station bond?©e, car il ne parlait que l???anglais et le dialecte de la Rocca, et il ne comprenait pratiquement pas l???italien. ?? sa grande d?©ception, m??me les quelques jeunes de son ??ge de la Rocca ne comprenaient pas le dialecte de sa grand-m??re; il avait juste r?©ussi ?  ?©changer deux mots avec des vieillards, ??g?©s de plus de quatre-vingts ans, assis au bar du village. Les voitures passaient ?  toute allure sur l???avenue et le jeune gar?§on manipulait sans arr??t cet engin lumineux. Les filles d?©ambulaient sans une once de pudeur, v??tues de pantalons ou de shorts et, parfois m??me, en montrant leur ventre! Procolo finit par avoir la conviction que, par quelque ?©trange sortil??ge, il avait ?©t?© propuls?© une centaine d???ann?©es au moins dans le futur. Le calendrier lumineux d???une pharmacie affichait le 11/08/2016. Il n????©tait pas all?© ?  l????©cole mais, heureusement, il avait appris ?  calculer pour ne pas se faire arnaquer au march?©. Les jours suivants, Procolo se d?©lecta des commodit?©s offertes par la modernit?©. Il mangea de la viande ?  sati?©t?©, comme si c????©tait P??ques tous les jours. La nourriture ?©tait tellement exquise et raffin?©e dans le futur et cette armoire froide ?©tait un don du ciel! Sans parler de tous les appareils qui envahissaient la maison et, surtout, cette bo?®te, appel?©e ?«T?©l?©vision?», qui racontait les nouvelles du journal, m??me ?  lui, qui ne savait pas lire. Avec Mike, il alla acheter des habits neufs, comme personne du village n???en avait jamais eus, et qui devaient co?»ter autant qu???un sac de pommes de terre. Gr??ce aux appareils lumineux, les fameux t?©l?©phones portables, on pouvait parler et m??me voir les personnes de l???Am?©rique et faire des tas d???autres choses encore. Les jeux vid?©o restaient d?©finitivement un myst??re pour lui mais, en revanche, la calculatrice et l???appareil photographique, minuscule et tellement sophistiqu?©, l???emballaient. Mike et sa tante l???emmen??rent faire un tour avec l'Automobile et lui firent voir, en une seule journ?©e, des endroits merveilleux, distants de plusieurs dizaines de kilom??tres les uns des autres; lui, il aurait mis des mois ?  les atteindre avec sa mule. Un jour, ils all??rent m??me ?  Rome avec un vaisseau volant, appel?© ?«avion?». Procolo ?©tait terroris?©, mais il fut un peu rassur?© en voyant qu???il n????©tait pas le seul, car, autour de lui, des personnes ??g?©es avaient la sueur au front et les yeux ?©carquill?©s exactement comme lui. Apr??s le d?©collage, son ?©merveillement dissipa toutes ses craintes; la vue du ciel ?©tait encore plus belle que celle du massif du Matese, qu???il avait gravi une fois. Il y avait tellement de maisons qu???il n???arrivait pas ?  les compter, ni m??me ?  imaginer combien de personnes habitaient dans cette ville. Il avait toujours r??v?© de venir ?  Rome, de franchir les portes du Vatican et d????©couter le Pape. Sa saintet?© venait aussi de l???Am?©rique et parlait comme un magistrat. Mais au fond, lui aussi, il commen?§ait ?  parler ?«Litaiano?» et ?  caresser l???id?©e que, peut-??tre, un jour, il pourrait ??tre juge. Un matin, il ?©tait seul dans la maison de la Forcella. Assis sur le balcon, il regardait les ?©trangers qui, en contrebas, marchandaient des objets faits dans ce caoutchouc plastique. Il en avait vu des tas dans les magasins et autant dans les poubelles. Aux dires de Mike, chacun de ces engins avait une fonction sp?©cifique et indispensable, mais lui, il ne parvenait pas comprendre, il ne voyait tout simplement pas leur utilit?©. Il songea ?  sa maison qui commen?§ait ?  lui manquer et ?  la Rocca. Ils y ?©taient tous all?©s une fois, mais ce n????©tait plus comme dans ses souvenirs. L?  aussi des voitures, des t?©l?©visions, des aliments en bo?®te et le silence; d?©sormais, seules quelques personnes y habitaient encore et restaient enferm?©es chez elles. Dans ce monde ?«moderne?», comme disaient les gens, ils vivaient tous comme des princes. Bien s?»r, ici aussi, il y avait de tr??s grandes diff?©rences entre les individus, mais plus personne, sauf peut-??tre les ?©trangers, ne s???ext?©nuait plus dans les champs comme les habitants de son village. Beaucoup de maladies redout?©es avaient disparu compl??tement et tout le monde ?©tait extr??mement propre. Mais il y avait quelque chose qui n???allait pas ; ce qu???ils avaient acquis en bien-??tre, ils l???avaient perdu en bonheur, en foi et en sociabilit?©. Personne ne voulait plus l???accompagner ?  l????©glise le dimanche. La ville regorgeait pourtant d????©glises, mais elles ?©taient presque toutes vides, encore fr?©quent?©es par quelque vieillard. Quand on devait aller quelque part ou rencontrer quelqu???un, on restait des heures dans la voiture, coinc?© dans le trafic, ou il fallait prendre les ?«transports en commun ?». Tout le monde ?©tait press?© et un peu ?©teint. Et pourtant, il avait appris que Naples ?©tait une des villes les plus vivantes et joyeuses du monde ??¦ alors, il n???osait pas imaginer pas les autres! La famille, telle qu???il l???avait connue, n???existait plus. Les oncles, les tantes, les cousins ?©taient dispers?©s aux quatre coins du monde, les membres de la famille ??¦ oubli?©s. Seul le noyau papa-maman-enfants r?©sistait encore malgr?© les divorces fr?©quents. Et puis, les enfants, on n???en faisait plus beaucoup, un ou deux maximum ??? on ne peut pas se le permettre ??? on lui disait. Mais avec toute cette nourriture sur la table, il avait du mal ?  y croire! La campagne, l???odeur de la terre et ses bruits lui manquait ; ici, il n???y avait que l???asphalte et la brique, comme une immense for??t de b?©ton. Mais le pire ?©tait tous ces ?©crans lumineux, les t?©l?©s, les ordinateurs, les t?©l?©phones portables, le cin?©ma. Tout le monde passait son temps devant ces appareils, pour le travail ou pour se divertir et il n???y avait plus personne avec qui parler. Tout compte fait, c???est vrai que ce monde moderne avait de nombreux avantages, car on y vivait incroyablement bien et longtemps. C????©tait facile de fonder une famille et d????©lever ses enfants, sans devoir s????©puiser ?  la t??che, risquer de mourir d???un refroidissement ou tomber dans une embuscade tendue par des canailles meurtri??res. Mais quelque chose avait d?©rap?© dans ce monde o?? les machines fabriquaient du bonheur, car la plupart des gens vivaient dans la tristesse et dans la solitude. Il y avait seulement une poign?©e d???hommes qui poss?©daient des richesses inimaginables, sans m??me lever le petit doigt, tandis que la majorit?© devait se battre pour s???en sortir. Tout ce bien-??tre visible n????©tait rien face ?  la richesse des puissants, peut-??tre parce que dans son monde ?  lui, il n???y avait pas non plus tellement de diff?©rences avec la modernit?©. On disait qu???il fallait continuer ?  travailler tous les jours du matin au soir. Et pourquoi ? Pour produire et acheter plus de caoutchouc plastique ? Ce syst??me, Procolo ne le comprenait vraiment pas! Il se r?©veilla brusquement. Sa femme Nunzia, cach?©e derri??re le lit de paille, ?©tait en proie ?  la panique : la mule avait d?©fonc?© la porte de bois et s????©tait enfuie. Il sentit d???abord des d?©mangeaisons ?  la t??te, puis la chaleur de la laine de sa veste crasseuse et les odeurs de la terre, et enfin, l???agitation des ruelles anim?©es de son village. Il ?©tait finalement de retour chez lui, dans sa maison, apr??s toutes ces aventures! Il avait d?©sormais l???envie de conqu?©rir l???avenir, mais sans commettre les erreurs de ses arri??re-petits-enfants. L???avenir, ils allaient s???en emparer tous ensemble : Procolo et ses concitoyens, en harmonie avec la Nature et l???Au-del? . Le lecteur va sans doute penser s?????tre tromp?© de livre, en lisant ces premi??res pages. Il s???attendait ?  ce que le livre lui parle de communaut?©s et d????©covillages, de d?©veloppement durable et de vie conviviale, mais le voil?  plong?© dans les r??ves d???un paysan m?©ridional du dix-neuvi??me si??cle. Et bien, je voudrais dire au lecteur que les exp?©riences communautaires, qu???il d?©couvrira dans les prochaines pages, fournissent des r?©ponses aux questions du vieux Procolo: comment redonner la chaleur de la vie en communaut?© ?  la modernit?©? Comment concilier la rationalit?© du progr??s avec nos aspirations spirituelles, la force de la technique avec l???harmonie de la nature, le bien-??tre avec l????©galit?© sociale? Les communaut?©s apportent des r?©ponses utopiques, qui sont les avant-gardes de la pens?©e et qui se font pratiques, en se heurtant aux difficult?©s de la r?©alit?©. Bonne Lecture ! Introduction Utopie et Communaut?© En 1516, l???humaniste londonien, Thomas More, publia son c?©l??bre ouvrage, L???Utopie. Ce terme, qu???il a invent?©, renferme une ambigu??t?© fondamentale qui est voulue par son cr?©ateur. En effet, le terme utopie, d???origine grecque, pourrait indiquer un ?«non-lieu?», un lieu qui n???est pas, dans le cas o?? il serait cr?©?© par l???union du pr?©fixe ou (non) et du mot topos (lieu). Il pourrait ?©galement signifier un lieu favorable, s???il proc??de de l???union de topos avec le pr?©fixe eu (bien). L'oeuvre de More parle justement d???une cit?© id?©ale et parfaite, mais, en m??me temps, irr?©alisable. Bien que le terme utopia ait, jusqu????  nos jours, conserv?© ce sens, ?  savoir le r??ve irr?©alisable d???une soci?©t?© parfaite, il faut admettre que l???histoire de l???Occident, et pas seulement, est constell?©e d???exemples de groupes de personnes qui ont tent?© de fonder des communaut?©s, en ayant des objectifs sp?©cifiques et programmatiques. Il suffit de songer aux monast??res m?©di?©vaux, aux communaut?©s anabaptistes des Hussites, ?  l????©cole pythagoricienne et aux collectivit?©s am?©ricaines des ann?©es 70. La diff?©rence fondamentale entre ces exp?©riences et n???importe quelle autre exp?©rience rurale ou nomade, ?  chaque ?©poque et sur chaque continent, r?©side dans l???intentionnalit?©. Selon la d?©finition de Zablocki, une communaut?© intentionnelle est: Tout groupe de cinq individus adultes, voire plus, avec ou sans enfants, sans lien de sang ni rapport conjugal, ayant choisi de vivre ensemble, pour une dur?©e ind?©termin?©e, afin d???atteindre un objectif id?©ologique, fond?© sur la vie communautaire, o?? la cohabitation est jug?©e n?©cessaire. Cette r?©alit?© a tendance ?  appara?®tre et ?  s????©panouir cycliquement aux ?©poques de crise syst?©miques et de r?©cession ?©conomique, mais aussi durant les p?©riodes de profonde transformation culturelle, o?? l???on assiste au d?©clin des mod??les ?©tablis et ?  l???affirmation de nouveaux syst??mes de pens?©e. Le rapport entre communaut?© et soci?©t?© est un des th??mes fondateurs de la sociologie. Cette discipline scientifique est sans doute n?©e pour donner une r?©ponse pr?©cise aux questions que la modernit?© posait au XIX??me si??cle : la transformation brutale du mode de vie de millions de personnes issues des campagnes, venues grossir les villes industrielles naissantes. En fait, ?  ce moment-l? , on observe une d?©sagr?©gation des r?©alit?©s communautaires mill?©naires, d?©finies par les premiers sociologues allemands comme Gemeinschaft, et, en m??me temps, la formation d???une soci?©t?© urbaine, dynamique et complexe, constitu?©e d???individus, c???est-? -dire la Gesellschaft. Les premi??res g?©n?©rations de sociologues, de Durkheim ?  T?¶nnies, ?©labor??rent des syst??mes th?©oriques pour tenter d???expliquer ces transformations et d???analyser ces configurations soci?©tales extr??mement h?©t?©rog??nes. Aujourd???hui, en revanche, ?  une ?©poque o??, en Occident, le processus d???urbanisation et d???individualisation a atteint un stade avanc?©, il peut ??tre int?©ressant d???aller ?©tudier ces communaut?©s intentionnelles, compos?©es de personnes qui ont d?©cid?© d???abandonner la dimension individualiste de la soci?©t?©, urbaine ou rurale, pour vivre en communaut?©. Types de communaut?©s Pour r?©aliser une classification des r?©alit?©s communautaires contemporaines, il faut envisager une multitude de param??tres. En effet, on constate des variations significatives en termes de long?©vit?©, de peuplement, de position g?©ographique, de syst??me de production et, surtout d???orientation id?©ologique. D???apr??s la classification de Diana Leafe Christian, r?©dactrice de la revue am?©ricaine Communities, en Occident, on peut distinguer sept types de communaut?©s en fonction de l???empreinte id?©ologique : ??? Communaut?©s chr?©tiennes ??? Communaut?©s spirituelles ??? Cohabitat ??? Communaut?©s urbaines ??? Communaut?©s ?©galitaires ??? Communaut?©s rurales d???autoproduction ??? Villages ?©cologiques Dans la cat?©gorie des communaut?©s chr?©tiennes, outre les exp?©riences monastiques pluris?©culaires, on trouve ?©galement des ?©tablissements ruraux, regroupant des familles et des individus, qui sont fond?©s sur une stricte discipline religieuse. Songeons aux communaut?©s anabaptistes : Amish, Hussites et Mennonites, pr?©sents en Am?©rique du Nord, ou encore au ?«Peuple de Nomadelfia?», une exp?©rience communautaire catholique, dont nous parlerons en d?©tail dans le chapitre suivant. Par ailleurs, le cadre des r?©alit?©s monastiques sera illustr?© et approfondi par le cas de Taiz?©, une communaut?© chr?©tienne ??cum?©nique de fr??res consacr?©s, fond?©e en Bourgogne durant la Seconde Guerre mondiale. Toujours selon la classification de Leafe Christian, par communaut?©s spirituelles, on entend par contre toutes les r?©alit?©s de vie communautaire, bas?©es sur un credo non-chr?©tien; par exemple, les ashram hindouistes, les communaut?©s ?©sot?©riques et les diverses exp?©riences d???une spiritualit?© retrouv?©e au contact de la nature. Le cohabitat est une des formes de vie communautaire la moins immersive ; il repose sur le partage des espaces et des services, comme la cuisine et la machine ?  laver, voulu par les colocataires d???un b??timent d???habitation. Il s???agit d???un ph?©nom??ne qui est n?© dans les ann?©es 60 au Danemark, qui s???est ensuite diffus?© en Europe centrale et en Am?©rique du Nord et qui conna?®t un certain engouement en Italie, depuis ces dix derni??res ann?©es. Comparables aux cohabitats, on peut encore citer les communaut?©s urbaines o??, au partage des espaces, s???ajoutent une certaine intimit?© dans les rapports interpersonnels et des moments de vie en commun, tels que les r?©unions communautaires p?©riodiques, les f??tes et les activit?©s bas?©es sur la r?©ciprocit?©. Les communaut?©s ?©galitaires ou communes ont connu une grande popularit?© ?  l????©poque des manifestations estudiantines des ann?©es 60 et 70 et ont une orientation politique progressiste ou libertaire. Dans ces contextes, la d?©mocraticit?© des processus d?©cisionnels et le partage de la propri?©t?© sont des ?©l?©ments fondamentaux; les habitants de ces communaut?©s sont souvent employ?©s dans une ou plusieurs soci?©t?©s coop?©ratives de production, o?? il n???y a pas de structure hi?©rarchique de la gestion d???entreprise. Nous aurons l???occasion d???approfondir cette dimension productive dans l????©tude d???Urupia, une communaut?© libertaire du Salento. Les communaut?©s rurales sont issues du d?©sir d???abandonner la vie urbaine pour retourner habiter les campagnes et travailler dans le secteur agro-alimentaire. En outre, elles se distinguent des villages ?©cologiques par l'absence d???un projet bien pr?©cis, visant ?  r?©duire l???impact ?©cologique de leur ?©tablissement. Ces derniers, n?©s ?  partir de la deuxi??me moiti?© des ann?©es 80 en Europe et ensuite aux ??tats-Unis, sont aujourd???hui r?©pandus sur tous les continents et consistent dans des habitats ruraux, qui sont apparus pour lutter contre le r?©chauffement climatique par la pratique quotidienne d???un choix de vie radical. Selon la d?©finition de Gilman, un village ?©cologique ou ?©covillage est : ?«un ?©tablissement humain intentionnel, urbain ou rural r?©alis?© ?  ?©chelle humaine disposant de toutes les fonctions n?©cessaires ?  la vie, dans lequel les activit?©s s'int??grent sans dommage ?  l'environnement naturel tout en soutenant le d?©veloppement harmonieux des habitants. C'est un lieu o?? les initiatives se prennent de fa?§on d?©centralis?©e - selon les principes de la d?©mocratie participative - et de mani??re ?  pouvoir se prolonger avec succ??s dans un futur ind?©fini.?» Dans cet ouvrage, nous aurons la possibilit?© d???analyser en profondeur les structures productives et l'?©laboration id?©ologique de la communaut?© ?©cossaise de Findhorn, le premier ?©covillage d'Europe et si??ge du r?©seau mondial des villages ?©cologiques (Global Ecovillage Network). Ce r?©seau, fond?© en 1995, unit des centaines d????©covillages et favorise l????©change de bonnes pratiques et l???aide mutuelle entre les diff?©rentes r?©alit?©s communautaires. Par ailleurs, celui-ci collabore avec les Nations Unies dans le domaine de la r?©solution des conflits et du d?©veloppement durable et entreprend des actions de d?©fense des droits de l???homme, comme le projet de secours aux migrants de l????®le de Lesbos, ?«RefuGen?», mis en place depuis d?©cembre 2015. En Italie, il existe un r?©seau de 34 ?©covillages, appel?© R.I.V.E. (Rete Italiana dei Villaggi Ecologici) [R?©seau Italien des Villages ??cologiques]. Ces r?©alit?©s sont principalement rurales et de petites dimensions, regroup?©es au centre de l???Italie et dans les trois V?©n?©ties. La communaut?© de Nomadelfia et la commune d???Urupia, qui seront envisag?©es dans les chapitres suivants, ne font pas partie du R.I.V.E., car elles ne se reconnaissent pas dans le projet propos?© par le r?©seau. Enfin, en ce qui concerne les communaut?©s intentionnelles dans leur ensemble, il existe une association mondiale appel?©e ?«Fellowship for Intentional Communities?», dont le si??ge se trouve aux ??tats-Unis. Celle-ci s???occupe de la promotion du mod??le de vie communautaire et r?©dige r?©guli??rement un guide des communaut?©s intentionnelles, dans lequel sont list?©es 1 520 r?©alit?©s communautaires ?  travers le monde, dont la plupart sont concentr?©es dans les pays occidentaux. L'?©thique de Foucault et les communaut?©s intentionnelles Dans sa th??se de doctorat ?  l???Universit?© Southern Cross de Lismore en Australie, la philosophe Ruth Rewa Bohill a men?© une ?©tude sur les communaut?©s intentionnelles de la Nouvelle-Galles du Sud, en reprenant les outils d???analyse de l????©thique du philosophe fran?§ais, Michael Foucault. Cette ?©tude a jet?© les bases du pr?©sent ouvrage, ayant pour objet l???analyse, selon les m??mes cat?©gories interpr?©tatives, de quatre r?©alit?©s communautaires contemporaines dans le contexte europ?©en. Dans le dernier tome de la trilogie de l???Histoire de la Sexualit?©, intitul?© Le Souci de soi, Foucault s???appuie sur certaines exp?©riences communautaires de la Gr??ce hell?©nistique, qu???on d?©finirait aujourd???hui comme des communaut?©s intentionnelles, pour ?©laborer une th?©orie de l'?©thique comme pratique de la libert?©. En effet, dans les communaut?©s pythagoriciennes, sto??ciennes et ?©picuriennes, le philosophe fran?§ais red?©couvre une vision de l'?©thique en tant que choix personnel, ayant des cons?©quences imm?©diates dans la pratique quotidienne. Foucault refuse le concept cart?©sien de libert?©, cette vision du Si??cle des Lumi??res, selon laquelle l???essence de l???homme peut ??tre r?©v?©l?©e par la raison. Pour Foucault, il n???existe pas de v?©rit?© ?  d?©couvrir sur l???essence humaine; l'identit?© se construit historiquement, par la succession des cultures et de leurs discours, qui donnent un sens au monde et ?  nous-m??mes. La libert?© de l???homme r?©side dans la possibilit?© de r?©sister aux discours dominants et aux significations d?©coulant des rapports de force, de choisir consciemment d???emprunter d???autres voies et de construire sa propre ?©thique pratique. Cette construction ne cherche pas la v?©rit?© et n???appara?®t pas comme un processus de cr?©ation sans lien avec la tradition et le milieu culturel; au contraire, il s???agit d???une construction qui rassemble des modes de pens?©e, des discours non dominants pr?©sents dans le contexte social. C???est uniquement dans les situations de domination, ayant fait l???objet des premi??res ?©tudes du philosophe fran?§ais, que l'individu se trouve r?©duit ?  un ?©tat de soumission, duquel il est impossible de sortir. En revanche, dans les situations o?? le pouvoir dans sa forme discursive, de relation, se substitue ?  la soumission, il est possible de pratiquer la r?©sistance, d???avoir la libert?© de choisir sa propre ?©thique, laquelle devient imm?©diatement pratique de vie dans le Soucis de soi. Dans la philosophie grecque hell?©nistique, la epimeleia heautou (souci de soi) avait un r??le pr?©dominant dans la vie des penseurs et, en tant qu????©thique pratique, pr?©c?©dait la recherche de la v?©rit?© et de la connaissance de soi (gnothi sauton). Foucault parle d???une esth?©tique de l???existence, d???un art de vivre, c???est-? -dire de la possibilit?© de concevoir son propre style de vie, ?  l???instar des artisans et des artistes qui cr?©ent leurs ??uvres. Il ne s???agit pas d???une forme d???individualisme solipsiste, mais d???une ouverture de l???individu ?  la critique et au changement, ainsi qu????  la d?©finition consciente de ses propres r??gles de vie. L'?©thique dans la modernit?© appara?®t comme une forme h?©t?©ro-dirig?©e d???obligation envers autrui, de refus de l????©go??sme, qui plonge ses racines dans la doctrine chr?©tienne de l???abn?©gation. De m??me, dans la pens?©e cart?©sienne, la dimension pratique du souci de soi, comme condition pr?©alable de toute forme de connaissance, dispara?®t compl??tement pour laisser la place ?  la recherche de la v?©rit?©, en ayant recours aux outils de la raison. ?? partir de ces principes th?©oriques, on peut interpr?©ter le choix de vie des habitants des communaut?©s intentionnelles, comme une pratique de la libert?©, consistant en un refus, en une r?©sistance au pouvoir discursif dominant, dans les modes de vie et dans les rapports interpersonnels. Motiv?©s par des finalit?©s ?©thiques, celles que Foucault d?©finit comme telos (t?©l?©ologie) dans sa conceptualisation de l????©thique, objet de l???essai L'usage des plaisirs, les habitants de ces r?©alit?©s d?©cident de mettre en pratique les valeurs qu???ils ont int?©rioris?©es, les critiques de l???existence, et rel??vent le d?©fi de la vie communautaire. En partant de ces pr?©misses, nous allons approfondir, dans les chapitres suivants, l????©tude de six communaut?©s intentionnelles, en envisageant les param??tres historiques, g?©ographiques, des syst??mes de production, d????©ducation et des rapports avec le monde ext?©rieur. La dimension de r?©sistance, d?©j?  identifi?©e par Schehr dans son ouvrage sur les communaut?©s comme des ?«modes subalternes de r?©sistance?», et le comportement ?©thique en tant que pratique de la libert?© ?©mergeront gr??ce ?  la description des modes de vie communautaire de ces r?©alit?©s. La bo?®te ?  outils du sociologue Le pr?©sent ouvrage s???inscrit dans le cadre de la recherche sociale, d?©fini comme non-standard ou qualitatif; en effet, celui-ci se pr?©sente comme un exemple de recherche ethnographique. Qu???est-ce que cela signifie vraiment? Cela veut dire que, pour le plus grand plaisir du lecteur, ni chiffre, ni statistique n???est pr?©sent?© dans cette recherche, mais que tout ce qui y est ?©crit est le fruit de mon exp?©rience sur le terrain: le face-? -face avec les habitants de ces communaut?©s, le travail, les discussions, les entretiens et les lectures sur le sujet. Si l???on veut recourir au langage r?©barbatif acad?©mique pour d?©finir cette recherche, on peut dire que celle-ci est bas?©e sur l???emploi d???outils heuristiques sp?©cifiques de l???observation non-standard, ?  savoir l'enqu??te-participation, l???entretien narratif et l'observation documentaire. Le choix de cette m?©thodologie m???est apparu le plus ad?©quat pour mener mon enqu??te sur ces r?©alit?©s communautaires, dans lesquelles les interactions sociales sont intenses et, en m??me temps, circonscrites dans un cadre spatial et culturel limit?©. En d???autres termes, extraire des donn?©es pour des statistiques et des r?©gressions lin?©aires aurait ?©t?© tir?© par les cheveux dans des contextes si restreints et h?©t?©rog??nes. C???est la raison pour laquelle j???ai opt?© pour des m?©thodes de recherche qualitatives, telles que les entretiens, la lecture d???ouvrage sur le sujet et l???exp?©rience d???observateur de la vie quotidienne en communaut?©. Mais venons-en au projet de recherche, qui, en sociologie, ne se r?©alise pas avec des crayons de couleur, mais bien avec des cartes conceptuelles et d???intenses efforts intellectuels. Ce projet particulier n???est rien d???autre que l???hypoth??se que le scientifique veut mettre ?  l????©preuve, en se dotant des moyens pour le faire. Dans ce cas pr?©cis, j???avais pens?© initialement ?  une recherche sur le terrain dans quelques communaut?©s intentionnelles europ?©ennes, qui serait bas?©e sur l???hypoth??se, sous l????©clairage du mat?©rialisme historique (pour celui qui est n?© apr??s les ann?©es 70, je conseille de faire une recherche sur Google : Marx, Communisme, prol?©tairesdetouslespaysunissez-vous, r?©volution, etc.), que la sp?©cificit?© de ces r?©alit?©s ?©tait ?  rechercher dans le refus du syst??me de production capitaliste et dans la proposition d???un syst??me alternatif. Cependant, lors de ma premi??re phase de recherche, comportant la consultation de la litt?©rature acad?©mique sur les communaut?©s intentionnelles et l???observation documentaire de textes ?©manant de ces communaut?©s, j???ai pu v?©rifier que, d???une part, dans la majorit?© des cas, les exp?©riences communautaires n???avaient pas une identit?© antagoniste vis-? -vis du syst??me de production dominant; et de l???autre, elles ?©taient caract?©ris?©es par des conduites de vie alternative, qui concernaient effectivement le syst??me de production, mais qui avaient une port?©e bien plus large, s????©tendant ?  diff?©rents domaines de la vie communautaire. ?? ce stade, j???ai jug?© n?©cessaire de reformuler le projet de recherche selon le paradigme interpr?©tatif de l????©thique de Foucault, objet d????©tude de pr?©dilection du philosophe fran?§ais dans les derni??res ann?©es de sa vie. ?? la lecture de la th??se de doctorat susmentionn?©e de la philosophe australienne, Ruth Rewa Bohill, j???ai eu confirmation du bien-fond?© de mon hypoth??se de recherche et j???ai alors poursuivi dans cette direction. En effet, l????©thique de Foucault convenait ?  des r?©alit?©s h?©t?©rog??nes, dont les traits communs ?©taient des comportements et des productions discursives alternatives ?  l????©thique dominante dans divers secteurs de la vie communautaire. Une fois le projet de recherche red?©fini, j???ai consult?© les archives de la ?«Fellowship for Intentional Communities?» et du ?«Global Ecovillage Network?» et j???ai s?©lectionn?© six communaut?©s, qui, en fonction des crit??res de peuplement, de long?©vit?©, d???importance dans la d?©finition d???une ?©thique de la pratique, ainsi que d???h?©t?©rog?©n?©it?© r?©ciproque, ?©taient adapt?©es ?  ma demande de recherche. Durant l???hiver et le printemps 2016, j???ai achev?© la phase d????©laboration de la documentation empirique (les notes de voyage), en r?©alisant quatre exp?©riences de terrain en Italie, en France et en ??cosse. Pour les communaut?©s du Proche-Orient et du sous-continent indien, j???ai eu recours ?  l???analyse secondaire de documents sur la question. Mes p?©riodes de s?©jour sur le terrain ont vari?© entre quatre ?  neuf jours et d?©pendaient de la disponibilit?© des communaut?©s ?  m???accueillir. Les conditions d???interaction avec les habitants des communaut?©s et les possibilit?©s d???effectuer des entretiens narratifs ont ?©t?© variables. Nous allons maintenant utiliser le langage propre aux d?©tectives et aux sociologues pour d?©crire trois figures importantes dans une enqu??te ethnologique: le surveillant, l???informateur et l???observateur. Le surveillant d???une communaut?© est celui qui d?©cide si une personne ext?©rieure peut ??tre accept?©e, ou pas, et dans quelle mesure. En revanche, l???informateur est un membre de la communaut?© qui raconte tout ce qu???il y a ?  raconter ?  l???observateur. Enfin, l???observateur est le scientifique social, celui qui enqu??te sous couverture ou ouvertement, selon les situations. ?? Urupia, le rapport avec le surveillant, r??le assum?© par une jeune volontaire, fut excellent et, de fait, au bout de quelques heures, je fus accept?© en tant qu???h??te et je pus participer aux activit?©s pratiques. En outre, j???ai pu compter sur l???aide d???un informateur, ??g?© d???une trentaine d???ann?©es et originaire du Salento, qui a r?©pondu imm?©diatement ?  toutes mes questions au cours d???un entretien narratif. De m??me, ?  Nomadelfia, la figure du surveillant ?©tait une jeune femme, mais dans ce cas-ci, il fut difficile de d?©passer le plan formel et institutionnalis?© de l???hospitalit?© r?©serv?©e aux ?©trangers. En effet, depuis la publication d???un article diffamatoire dans un p?©riodique italien connu, les habitants de Nomadelfia se m?©fient des journalistes et des chercheurs et, pour cette raison, pendant l???interaction et l???entretien, on peut difficilement sortir du cadre de la repr?©sentation institutionnelle que la communaut?© donne g?©n?©ralement ?  l???ext?©rieur. L?  encore, j???ai pu profit?© de l???aide pr?©cieuse d???adolescents et de jeunes, davantage dispos?©s ?  ?©tablir un dialogue informel avec moi, en raison d???affinit?©s communes et de l?????ge. ?? Findhorn et ?  Taiz?©, l'interaction fut compl??tement diff?©rente et, ?  certains ?©gards, plus complexe. En effet, ces deux communaut?©s font de l???hospitalit?© un des ?©l?©ments fondamentaux de l???exp?©rience communautaire et ont d?©velopp?© des programmes de dur?©e variable pour organiser l???accueil. Il est donc difficile d???avoir affaire ?  des r?©sidents permanents de la communaut?© en dehors du cadre institutionnel des relations avec les visiteurs. Toutefois, les surveillants, dans les deux cas des jeunes gens, furent dispos?©s ?  fournir des informations et ?  organiser des rencontres avec les autres membres de la communaut?©, et m??me ?  r?©aliser des entretiens narratifs. Dans les quatre exp?©riences de terrain, ces entretiens se sont forg?©s sur le type d???activit?©s communautaires organis?©es et sur la forme de relation entretenue avec les personnes observ?©es. Ce ne fut pas ais?© de trouver le temps et les situations appropri?©es pour faire des entretiens, mais cela est typique des recherches sur le terrain, comme l???affirme Cardano, c?©l??bre sociologue: ?«c???est la relation d???entretien ?  s???adapter aux cultures ?©tudi?©es et pas le contraire?». Durant mon s?©jour dans les communaut?©s, j???ai r?©dig?© quotidiennement des notes ethnographiques et j???ai collect?© le mat?©riel audio-visuel n?©cessaire pour la suite de mes recherches. Apr??s les exp?©riences sur le terrain, j???ai entrepris l???analyse narrative de la documentation empirique (relecture des notes), en r?©?©laborant les notes ethnographiques et les documents textuels, endog??nes aux communaut?©s, dans cinq champs d???analyse, correspondant ?  la question de la recherche et portant sur l????©thique de Foucault. L'analyse du mat?©riel empirique, dont les r?©sultats sont pr?©sent?©s dans ce travail, a confirm?© l???hypoth??se que l???exp?©rience des communaut?©s intentionnelles est ?  envisager comme une r?©alit?© polymorphe non antagoniste, mais de r?©sistance au syst??me culturel dominant, dans laquelle les individus construisent leur propre mode de vie sur base d???une ?©thique, qui, dans l???optique de Foucault, est la pratique de la libert?©. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=40850525&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.