×òî æå åñòü ó ìåíÿ? Äûðû â äðàíûõ êàðìàíàõ, Òðè ìîðùèíû íà ëáó, Äà èñò¸ðòûé ïÿòàê... Íî íå æàëêî íè äíÿ- Ìíå ñóäüáîþ ïðèäàííûõ, Õîòü ïîðîé ÿ æèâó Ïîïîäàÿ â ïðîñàê. Âñ¸ ÷òî åñòü ó ìåíÿ: Ñîâåñòü, ÷åñòü è óìåíüå. ß îòäàì íå ñêóïÿñü- Ïðîñòî òàê çà ïóñòÿê. Çà ïîñòåëü ó îãíÿ, Äîáðîòó áåç ñòåñíåíüÿ. È çà òî, ÷òî ïðîñòÿñü, Íå çàáûòü ìíå íè êàê... Âñ¸ ÷

Le D?guisement Id?al

Le D?guisement Id?al Blake Pierce Un thriller psychologique avec Jessie Hunt #10 «Dans ce chef-d’?uvre de suspense et de myst?re, Blake Pierce a magnifiquement d?velopp? ses personnages en les dotant d’un versant psychologique si bien d?crit que nous avons la sensation d’?tre ? l’int?rieur de leur esprit, de suivre leurs angoisses et de les encourager afin qu’ils r?ussissent. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’? la derni?re page.». –Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (? propos de Sans Laisser de Traces). LE D?GUISEMENT ID?AL est le tome 10 tome d’une nouvelle s?rie de suspense psychologique par l’auteur ? succ?s Blake Pierce qui commence par LA FEMME PARFAITE, best-seller n°1 disponible en t?l?chargement gratuit qui a obtenu plus de 500 critiques ? cinq ?toiles… Quand une starlette exigeante de Hollywood est assassin?e, Jessie doit ?voluer dans le monde trouble des studios de cin?ma, des directeurs de casting, des producteurs, des agents, des rivalit?s entre acteurs et d’un ?cosyst?me de personnes qui ont peut-?tre d?sir? la mort de la jeune femme… Apr?s de nombreux coups de th??tre, Jessie se rend compte que la v?rit? pourrait ?tre beaucoup plus inattendue qu’on ne le pense… Est-ce que Jessie, qui lutte encore contre ses d?mons personnels, pourra entrer dans l’esprit de l’assassin et l’arr?ter avant qu’il ne tue quelqu’un d’autre? Thriller psychologique palpitant aux personnages inoubliables et au suspense haletant, LE D?GUISEMENT ID?AL est le tome 10 d’une nouvelle s?rie fascinante qui vous tiendra ?veill? tard la nuit… Le tome 11, LE SECRET ID?AL, est maintenant disponible lui aussi! Blake Pierce LE D?GUISEMENT ID?AL le d?guisement id?al (roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome 10) b l a k e p i e r c e Blake Pierce Blake Pierce est l’auteur de la s?rie ? succ?s myst?re RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes (pour l’instant). Black Pierce est ?galement l’auteur de la s?rie myst?re MACKENZIE WHITE, comprenant quatorze volumes (pour l’instant) ; de la s?rie myst?re AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la s?rie myst?re KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la s?rie myst?re LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, comprenant six volumes (pour l’instant), de la s?rie myst?re KATE WISE comprenant sept volumes (pour l’instant) et de la s?rie de myst?re et suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la s?rie de suspense psychologique JESSIE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant), ; de la s?rie de myst?re et suspense psychologique LA FILLE AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; et de la s?rie de myst?re ZO? PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la nouvelle s?rie de myst?re AD?LE SHARP et de la nouvelle s?rie myst?re VOYAGE EUROP?EN. Lecteur avide et admirateur de longue date des genres myst?re et thriller, Blake aimerait conna?tre votre avis. N’h?sitez pas ? consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et de rester en contact. Copyright © 2020 by Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise par quelque moyen que ce soit, stock?e sur une base de donn?es ou stockage de donn?es sans permission pr?alable de l'auteur. Cet ebook est destin? ? un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut ?tre vendu ou c?d? ? des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ce livre n'a pas ?t? achet? pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, personnages, soci?t?s, organisations, lieux, ?v?nements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilis?s en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou d?c?d?es, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright Gromovataya sous licence Shutterstock.com. LIVRES PAR BLAKE PIERCE UN VOYAGE EUROP?EN MEURTRE (ET BAKLAVA) (Livre 1) LES MYST?RES DE AD?LE SHARP LAISS? POUR MORT (Volume 1) CONDAMN? ? FUIR (Volume 2) CONDAMN? ? SE CACHER (Volume 3) CONDAMN? ? TUER (Volume 4) LA FILLE AU PAIR PRESQUE DISPARUE (Livre 1) PRESQUE PERDUE (Livre 2) PRESQUE MORTE (Livre 3) LES MYST?RES DE ZOE PRIME LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1) LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2) LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3) LE VISAGE DE LA FOLIE (Tome 4) LE VISAGE DE LA RAGE (Tome 5) S?RIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT LA FEMME PARFAITE (Volume 1) LE QUARTIER ID?AL (Volume 2) LA MAISON ID?ALE (Volume 3) LE SOURIRE ID?ALE (Volume 4) LE MENSONGE ID?ALE (Volume 5) LE LOOK ID?AL (Volume 6) LA LIAISON ID?ALE (Volume 7) L’ALIBI ID?AL (Volume 8) LA VOISINE ID?ALE (Volume 9) LE D?GUISEMENT ID?AL (Volume 10) S?RIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE LA MAISON D’? C?T? (Volume 1) LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2) VOIE SANS ISSUE (Volume 3) LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4) DE RETOUR ? LA MAISON (Volume 5) VITRES TEINT?ES (Volume 6) S?RIE MYST?RE KATE WISE SI ELLE SAVAIT (Volume 1) SI ELLE VOYAIT (Volume 2) SI ELLE COURAIT (Volume 3) SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4) SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5) SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6) SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7) LES ORIGINES DE RILEY PAIGE SOUS SURVEILLANCE (Tome 1) ATTENDRE (Tome 2) PIEGE MORTEL (Tome 3) ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4) LA TRAQUE (Tome 5) SOUS HAUTE TENSION (Tome 6) LES ENQU?TES DE RILEY PAIGE SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1) R?ACTION EN CHA?NE (Tome 2) LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3) LES PENDULES ? L’HEURE (Tome 4) QUI VA ? LA CHASSE (Tome 5) ? VOTRE SANT? (Tome 6) DE SAC ET DE CORDE (Tome 7) UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8) SANS COUP F?RIR (Tome 9) ? TOUT JAMAIS (Tome 10) LE GRAIN DE SABLE (Tome 11) LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12) PI?G?E (Tome 13) LE R?VEIL (Tome 14) BANNI (Tome 15) MANQUE (Tome 16) CHOISI (Tome 17) UNE NOUVELLE DE LA S?RIE RILEY PAIGE R?SOLU S?RIE MYST?RE MACKENZIE WHITE AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1) AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2) AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3) AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4) AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5) AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6) AVANT QU’IL NE P?CHE (Volume 7) AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8) AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9) AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10) AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11) AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12) AVANT QU’IL NE HARC?LE (Volume 13) AVANT QU’IL NE BLESSE (Volume 14) LES ENQU?TES D’AVERY BLACK RAISON DE TUER (Tome 1) RAISON DE COURIR (Tome2) RAISON DE SE CACHER (Tome 3) RAISON DE CRAINDRE (Tome 4) RAISON DE SAUVER (Tome 5) RAISON DE REDOUTER (Tome 6) LES ENQUETES DE KERI LOCKE UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1) DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2) L’OMBRE DU MAL (Tome 3) JEUX MACABRES (Tome 4) LUEUR D’ESPOIR (Tome 5) CHAPITRE PREMIER Chastity Ronin s’installa sur le sofa. Elle avait son pop-corn, son vin blanc et sa t?l?commande. Elle appuya sur la touche « Play » et tira sa couverture jusqu’? sa poitrine pendant que le g?n?rique d’ouverture de son ?mission pr?f?r?e commen?ait. Elle avait baiss? les lumi?res dans le salon et il faisait compl?tement noir dehors. C’?tait l’ambiance parfaite pour regarder une sitcom l?g?re et oublier son petit ami, Brad, qui ne l’avait pas rappel?e ? propos de ce soir. ? trente-quatre ans, Chastity pensait qu’elle avait finalement d?croch? le gros lot apr?s avoir pass? des ann?es ? collectionner les rat?s, les bons ? rien, les tar?s et, dans deux ou trois cas, des malheureuses victimes de meurtre. Cependant, maintenant, il semblait que Brad se soit av?r? ?tre un autre ?chec, car il n’?tait pas venu ? leur soir?e et ne l’avait m?me pas pr?venue. De toute fa?on, dans sa vie, Chastity avait connu bien pire qu’un petit copain foireux. Alors qu’elle commen?ait ? s’int?resser ? l’?mission, son t?l?phone sonna. C’?tait Brad. Une partie d’elle-m?me aurait voulu laisser la messagerie lui r?pondre, mais elle d?cida de lui accorder une derni?re chance. – J’esp?re que tu as une bonne raison, dit-elle s?chement apr?s avoir d?croch?. Pendant plusieurs secondes, elle n’entendit aucune r?ponse, seulement un son qui ressemblait ? une respiration laborieuse. – Brad ? C’est toi ? – Sors, dit une voix rauque. – Quoi ? demanda-t-elle, exasp?r?e. – Sors de la maison. C’?tait Brad, mais sa voix paraissait faible, h?sitante. – Il est ? l’int?rieur. Soudain, il y eut un l?ger choc ? l’autre bout de la ligne et elle l’entendit aussi dans le couloir. Elle se leva et alla dans sa direction. – Brad, dit-elle doucement, arr?te de te foutre de moi. Tu connais mon pass?. Ce n’est pas dr?le. – D?p?che-toi, g?mit Brad ? voix basse. Il approche. Chastity se tenait devant la penderie de son couloir. Elle entendait la m?me voix que celle qu’elle entendait au t?l?phone r?sonner derri?re cette porte. Sans prendre le temps de trop r?fl?chir, elle ouvrit brusquement la porte, mais ne trouva que des manteaux. Alors qu’elle allait la refermer, elle remarqua qu’il y avait du mouvement pr?s du sol. Deux pieds en mocassins d?passaient sous les manteaux, o? ils s’agitaient mollement. Le choc des chaussures contre la fine porte de la penderie avait d? ?tre le bruit qu’elle avait entendu. Elle d?pla?a les cintres et leurs vestes de c?t?. Devant elle, sur le sol, assis contre le fond de la penderie avec un couteau qui lui d?passait du ventre et des bulles sanguinolentes aux l?vres, elle vit Brad. – Fuis, g?mit-il une derni?re fois avant que ses yeux ne perdent toute vie et que sa t?te ne s’avachisse sur sa poitrine. ?a recommence. Chastity se retint de hurler. Si la personne qui avait fait ?a ?tait dans la maison, il fallait qu’elle sorte vite et discr?tement. Elle avait d?j? v?cu ce type de situation et elle savait que la panique ?tait la pire action imaginable. Au lieu de cela, elle saisit la premi?re arme qu’elle vit, un parapluie dans la penderie, et partit dans le hall en direction de la porte d’entr?e. Alors, elle s’arr?ta sur place. C’est ce ? quoi il s’attend. Elle fit rapidement demi-tour et repartit dans le salon, ignora la t?l?vision et se pr?cipita vers la baie vitr?e coulissante qui menait dans sa cour de derri?re. Elle ?tait ? quelques pas et allait la d?verrouiller quand elle sentit qu’elle n’?tait pas seule dans la pi?ce. Elle se retourna. Debout dans le couloir, de ses yeux froids et sombres qu’elle voyait par les trous d’une cagoule noire, le Maraudeur la contemplait. Elle avait cru s’?tre finalement lib?r?e des horreurs qu’il lui avait inflig?es, mais elle s’?tait tromp?e. Il ?tait de retour. Chastity se tourna et fon?a vers le verrou de la porte coulissante. Elle la d?verrouilla et l’ouvrit brusquement. Alors qu’elle ?tait presque sortie, il lui sauta dessus, la retourna vers lui et lui serra la gorge de ses mains en lui arrachant sa vie souffle apr?s souffle. – Bon sang, Terry ! cria-t-elle, exasp?r?e. Combien de fois faudra-t-il que je te dise d’y aller moins fort ? J’attrape facilement des bleus. Tu ne peux pas faire semblant de m’?trangler ? ?a s’appelle ?tre un acteur, cr?tin. – Coupez ! cria une voix de l’autre c?t? de la pi?ce. Le r?alisateur poussa un soupir profond. Anton Zyskowski ?tait un Polonais de la quarantaine qui r?alisait son premier film en anglais apr?s avoir obtenu un succ?s moyen avec plusieurs films ? suspense polonais. Il ?tait assez petit, avait les cheveux fins et clairsem?s et une attitude sans pr?tention. Quand il approcha de Corinne Weatherly, elle sourit m?chamment. Apr?s tout, si l’on avait choisi Anton pour r?aliser ce film, c’est avant toute chose parce que, comme il ?tait presque nouveau dans les studios de Hollywood, il ?tait d?savantag? en ce qui concernait ces points de discorde. En tant que star de Le Maraudeur : Renaissance et ?tant aussi l’actrice qui avait port? Chastity Ronin ? l’?cran pour la premi?re fois, Corinne pouvait g?cher la vie ? Anton si elle le d?cidait et elle l’avait d?cid?. – Anton, siffla-t-elle quand il approcha, il se passe quoi, l? ? Faut-il vraiment que je supporte cet idiot ? C’est la troisi?me prise que ce mec g?che en me brutalisant. Je veux dire, on ne peut pas demander ? n’importe quel imb?cile muscl? de jouer ce r?le ? Apr?s tout, on ne voit jamais son visage ! – Corinne, dit Anton en mauvais anglais d’un ton mal assur?, tu sais que Terry est important pour les sc?nes sans cagoule tant que Chastity ne sait pas encore qu’il est un tueur. Nous avons besoin d’un acteur fort. Ce sera peu cr?dible si le tueur encagoul? est un autre acteur. Les spectateurs le verront. Bon, je vais lui rappeler de t’appuyer moins fort sur le cou. Corinne ne fut pas convaincue. – Combien de fois faudra-t-il le rappeler ? ce cr?tin ? demanda-t-elle. Je jure que je suis entour?e de d?biles ! Et moi qui croyais que tu ?tais cens? ?tre le plus grand r?alisateur de films d’horreur polonais ! Du coin de l’?il, elle vit des membres de l’?quipe de tournage secouer la t?te. Derri?re elle, quelqu’un grommela de mani?re tout juste intelligible. – ? force, on va finir par avoir une autre crise de nerfs style Olivet. Elle virevolta, pr?te ? engueuler ce cr?ateur de rumeurs aussi vertement que le r?alisateur mais, avant qu’elle n’ait pu l’identifier, Anton avan?a. – Corinne, je t’en prie … commen?a-t-il. – Tais-toi, je t’en prie, interrompit-elle. Voici ce qui va se passer. Je vais d?compresser dans mon mobile home. Toi, tu vas trouver quelqu’un d’autre que Terry Slauson pour m’?touffer sans causer des contusions permanentes ? ma trach?e. Si ce n’est pas fait ce soir, on devra recommencer la sc?ne demain. De toute fa?on, il se fait tard. Et puis, tant que tu y es, tu pourras peut-?tre ordonner ? ton ?quipe de taire ses railleries et ses r?criminations jusqu’? ce que j’aie quitt? le plateau. Je suis peut-?tre une garce, Anton, mais je suis la garce qui commande. Ne l’oublie pas. Elle quitta furieusement le studio, h?tivement suivie par Monica, son assistante. Corinne se retourna vers elle avec m?pris. – Tu devrais peut-?tre faire un peu plus de sport, Monica, dit-elle pour la r?primander. Comme ?a, tu arr?terais de souffler comme un phoque. Et puis, ce pantalon t’irait mieux. On croirait que tu caches une miche de pain, sous cette ceinture. Monica ne dit rien, ce qui rendit Corinne heureuse. Cette fille ?tait boulotte, mais elle apprenait vite les le?ons les plus importantes : ob?is et tais-toi. Ils atteignirent le mobile home Star Waggon de Corinne juste derri?re le studio 32, ? c?t? du quartier de New York install? au fond des Studios Sovereign. Corinne ouvrit la porte, monta, se retourna vers Monica et leva une main pour lui interdire d’entrer. – Tu dis ? Anton qu’il a dix minutes pour trouver un nouveau Maraudeur pour la sc?ne. Apr?s ?a, je rentre chez moi. – Mais, Mme Weatherly, supplia Monica. – Le compte ? rebours est enclench?, dit Corinne en levant son t?l?phone avant de claquer la porte au nez de l’idiote. Elle alla ? sa table ? maquillage, s’assit et se regarda dans le miroir. Ses cheveux blonds teints avaient l’air cassants. Dans la lumi?re crue, toutes les rides qu’elle avait si d?sesp?r?ment tent? de cacher semblaient briller. Son corps ?tait encore ferme, mais elle avait de plus en plus de mal ? ce qu’il le reste. Cela faisait maintenant cinq ans qu’elle se retenait d’avoir recours ? la chirurgie esth?tique. M?me si le chirurgien ?tait tr?s bon, quand un visage ?tait affich? sur un ?cran de cin?ma de grande taille, elle voyait presque toujours quelle actrice s’?tait fait op?rer. Cependant, il ?tait peut-?tre temps d’appeler finalement quelqu’un. ?a d?pendrait beaucoup de ce film. S’il marchait bien, elle pourrait attendre quelques ann?es de plus avant de se soumettre au bistouri. Si c’?tait un ?chec commercial, dans un avenir proche, il faudrait qu’elle se fasse op?rer. Quand elle avait ?t? la nouvelle ing?nue sexy d’Hollywood, elle n’avait jamais eu ces sortes d’inqui?tudes. Il y a dix ans, elle ?tait devenue c?l?bre gr?ce ? la com?die romantique P?tales et Irritabilit?. Alors, elle avait obtenu le pr?cieux premier r?le dans Maraudeur, le thriller intellectuel et psycho-sexuel. Son personnage, Chastity Ronin, ?tait ? la base une victime, mais elle ?tait aussi une coriace qui finissait par se rebeller contre l’assassin qui la poursuivait. Ce film avait ?t? un succ?s financier et critique et, comme il ?tait venu juste apr?s P?tales et Irritabilit?, il avait fait d’elle une v?ritable star montante. Malheureusement, la suite avait ?t? un flop. Dans les onze ans qui avaient suivi, Corinne n’avait obtenu que des r?les moins glamour puis plus aucun r?le. R?cemment, elle avait d? se contenter de devenir l’animatrice d’un jeu t?l?vis? de premi?re partie de soir?e au cours duquel elle avait d? pr?tendre qu’elle trouvait des enfants aux talents moyens absolument adorables. Cependant, ensuite, elle avait d?couvert cette p?pite d’or fugace, avec quelque assistance et en mettant la pression sur les bonnes personnes, certes. On relan?ait la franchise Maraudeur et un r?alisateur de films d’horreur acclam? qui venait d’Europe, Zyskowski, avait ?t? nomm? r?alisateur d’un film qui aurait l’esprit de l’original tr?s sophistiqu?. Enfin, on allait redemander ? Corinne de jouer Chastity. C’?tait tr?s int?ressant, la sorte de r?le susceptible de la replacer sous les feux de la rampe si tout se passait bien. Cependant, les gens comme Terry Slauson foutaient le bordel. Comme elle ?tait entour?e d’incomp?tents et comprenait peu ? peu que le script n’avait pas le punch qu’elle avait attendu ? l’origine, ce film ne lui semblait plus ?tre gagn? d’avance. De plus, alors qu’elle aimait contr?ler la situation, elle commen?ait ? se demander si insister pour que le studio embauche un r?alisateur manipulable n’?tait pas une erreur. Si le film n’?tait pas un succ?s, elle en serait r?duite ? jouer dans des t?l?films du style le plus pitoyable qui soit. J’aurais peut-?tre d? les laisser choisir un r?alisateur dot? non seulement d’une vision mais aussi d’une autorit? suffisante. Son moment d’introspection fut interrompu quand quelqu’un frappa ? la porte. – Qui c’est ? beugla-t-elle. – Monica, dit une voix timide. Cette fille devrait apprendre ? s’affirmer. Elle se leva et ouvrit la porte du mobile home. – Que se passe-t-il ? La fille avait l’air au bord des larmes. – Anton dit qu’on arr?te pour aujourd’hui. Quand il a dit ? Terry qu’il ne finirait pas la sc?ne, Terry a quitt? le plateau. Quand il est parti, je l’ai entendu dire qu’il allait porter plainte. – Qu’il le fasse, r?pliqua Corinne. De mon c?t?, je porterai plainte parce qu’il m’a maltrait?e. Monica hocha humblement la t?te. Visiblement, elle ne voulait pas protester. – Anton a dit que nous ne pourrions pas avancer tant que les producteurs n’auraient pas r?solu le probl?me … – Je suis productrice, r?pliqua Corinne. – Je crois qu’il voulait parler des producteurs du studio, ceux qui paient les factures. De toute fa?on, il a dit qu’on en avait fini pour aujourd’hui. Il dit que vous recommencez demain matin ? neuf heures et qu’il esp?re qu’il aura tout r?solu ? ce moment-l?. – Bien. J’ai besoin de sommeil, de toute fa?on. Monica hocha la t?te. Visiblement, elle avait envie de dire autre chose mais avait peur de le faire. – Dites-le, dit Corinne d’un ton irritable. – C’est juste que … Avez-vous besoin d’autre chose ce soir, Mme Weatherly ? J’esp?rais passer ? la pharmacie pour y r?cup?rer mes m?dicaments. Ils ferment dans vingt minutes. Corinne se retint de dire quelque chose de narquois sur la nature probable du m?dicament en question. Quand elle baissa les yeux, elle vit que la fille tremblait l?g?rement, apparemment terrifi?e. Pendant un tr?s bref moment, Corinne se sentit coupable. Elle voulait que Monica lui ob?isse mais, en la voyant trembler de peur, elle se demanda si elle n’?tait pas all?e un peu trop loin. – Allez-y, dit-elle en essayant de ne pas avoir l’air trop compatissante, mais je veux que vous soyez l? avant moi demain, avec mon caf? glac?. Vous savez comment je l’aime, maintenant, n’est-ce pas ? – J’ai la commande pr?-remplie sur l’appli, lui assura Monica. – Bien. Je suis contente de voir que vous apprenez. Elle referma la porte avant que Monica n’ait pu r?pondre. Poussant un soupir profond, elle passa rapidement aux toilettes puis r?cup?ra ses affaires sur le lit, qui se trouvait ? l’autre bout du mobile home. Elle se rendit compte qu’elle aurait d? dire ? Monica d’amener sa voiture du garage. Pour y aller, il fallait traverser les studios et ?a prenait cinq minutes. Elle envisagea de la rappeler mais d?cida de la laisser aller tranquille ? sa pharmacie. Elle ne voulait pas que la fille s’effondre sous les effets de sa maladie pitoyable quelle qu’elle soit puis que les tablo?ds le reprochent ? son employeuse. Elle ?teignit le plafonnier et se tourna pour ?teindre aussi la lumi?re du miroir de sa table ? maquillage. Ce fut ? ce moment-l? qu’elle le vit. ?crit sur le miroir en lettres d’imprimerie bien nettes et avec ce qui semblait ?tre son propre rouge ? l?vres, il y avait un mot, un nom, en fait. Elle le reconnut imm?diatement, bien s?r. Comment aurait-elle pu ne pas le conna?tre ? Elle pensait ? cette personne tous les jours depuis dix ans. Cependant, elle ne savait absolument pas comment ce nom avait pu appara?tre sur son miroir. Quand elle avait examin? ses rides, le miroir avait ?t? propre. Elle regarda autour d’elle, perplexe. Alors, derri?re elle, dans la p?nombre, elle vit du mouvement, quelqu’un qui arrivait vers elle en tenant une corde tendue. Avant qu’elle n’ait pu se retourner ou r?agir, elle sentit la corde s’enrouler autour de son cou et se serrer. Dans le miroir de maquillage, elle vit que son agresseur portait une cagoule noire, exactement comme celle que le Maraudeur portait dans la sc?ne o? elle venait de jouer. Elle se d?battit pour se lib?rer, mais cela sembla tendre la corde encore plus. Elle essaya d’inhaler de l’air mais rien n’entra. Quand elle commen?a ? tomber par terre, le c?ur battant la chamade sous l’effet de la peur, le cerveau envahi par la panique, elle eut une pens?e bizarre et inattendue : par rapport ? ?a, quand Terry Slauson avait maladroitement tent? de lui tordre le cou, son geste avait paru presque tendre. Elle mourut avant d’avoir pu appr?cier l’ironie de la chose. CHAPITRE DEUX Jessie Hunt appuya sur le bouton de r?p?tition d’alarme de son t?l?phone et resta tranquillement au lit les yeux ferm?s en esp?rant se rendormir. Apr?s tout, elle n’avait besoin d’aller nulle part. Cependant, ce fut en vain. Son esprit battait d?j? la campagne, malgr? tous ses efforts pour le ralentir. On ?tait lundi matin. C’?tait cens? ?tre un jour de d?tente, ou du moins un jour o? elle devait se d?tendre autant qu’elle en ?tait capable ces temps-ci. Elle n’avait pas besoin d’aller au travail. Elle n’avait pas besoin de se presser d’emmener Hannah ? l’?cole. ? une exception pr?s, elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait. Pourtant, la sensation qu’elle avait du travail ? faire la rongeait. Elle se redressa. Ce geste lui envoya une sensation p?nible partout dans le corps. Son ?paule endolorie lui faisait mal, probablement parce qu’elle avait dormi dessus par inadvertance. Quant ? la peau encore ? vif du bas de son dos, elle lui paraissait bizarre et tendue, comme une plaie qu’il ne fallait pas qu’elle gratte, comme elle le savait. Quand elle regarda l’autre lit de l’autre c?t? de la petite chambre, elle vit que Hannah Dorsey, la demi-s?ur dont elle ?tait la tutrice ? plein temps, ?tait encore endormie et ronflait doucement. Jessie se leva, sortit de la chambre sur la pointe des pieds, alla dans le couloir et se rendit ? la salle de bains. Elle vit que la porte de l’autre chambre ?tait ferm?e, ce qui signifiait que Kat ?tait encore endormie ou, chose plus probable, en train de s’habiller pour sa journ?e. De toute fa?on, cela signifiait que la salle de bains ?tait libre. Katherine « Kat » Gentry, la meilleure amie de Jessie, avait accept? que Jessie et Hannah restent chez elle jusqu’? ce qu’elles trouvent une nouvelle maison. Jessie ne pouvait plus supporter l’id?e de vivre dans son appartement. Il s’y ?tait pass? trop de choses horribles. Elle avait promis ? Kat qu’elles ne resteraient pas plus d’un mois et, m?me si elles n’avaient emm?nag? que depuis deux semaines, elle sentait la pression. C’?tait en partie parce qu’elle se sentait coupable que Kat ne puisse plus accueillir confortablement son petit ami, un sh?rif adjoint de Lake Arrowhead du nom de Mitch Connor. D’habitude, ils ne se voyaient d?j? que le week-end et, maintenant, ils ne pouvaient m?me plus le faire. Cependant, au-del? de ?a, trouver un nouveau logement qui ait assez de place pour deux personnes (et, esp?rait-elle, trois un jour) et qui puisse satisfaire ses exigences en mati?re de s?curit? n’?tait pas facile. Bien que son ex-mari, Kyle Voss, ne soit plus une menace, Jessie avait encore beaucoup d’autres ennemis et beaucoup d’entre eux adoreraient avoir la possibilit? de s’en prendre ? elle. Elle se rappela qu’il y avait une n?cessit? suppl?mentaire. Il faudrait aussi que le logement en question soit accessible aux handicap?s. Le petit copain de Jessie, Ryan Hernandez, policier de la Police de Los Angeles, avait v?cu avec elle avant leur derni?re affaire, mais il ?tait loin de pouvoir quitter l’h?pital. En v?rit?, elle n’?tait pas s?re qu’il puisse le quitter un jour. Cependant, si on l’y autorisait, il aurait besoin de rampes pour fauteuils roulants, de barres de s?curit? et de nombreux autres ?quipements auxquels elle n’avait pas commenc? ? penser. Jessie se regarda dans le miroir avant de se laver le visage. Elle n’avait pas l’air d?tendu d’une femme en cong?. Les cernes qu’elle avait eues sous ses yeux vert vif avaient disparu, mais ses yeux avaient encore une rougeur qui sugg?rait qu’elle passait des nuits troubl?es. Ses cheveux marrons mi-longs n’?taient pas attach?s pour former sa queue de cheval standard et professionnelle mais avaient l’air aussi fatigu?s qu’elle avait la sensation de l’?tre. Comme elle ?tait pench?e au-dessus du lavabo, son corps athl?tique d’un m?tre soixante-dix-sept paraissait beaucoup plus petit. D’une fa?on ou d’une autre, m?me ses pommettes cisel?es semblaient moins marqu?es que d’habitude. Elle n’avait trente ans que depuis peu mais, ce matin, elle se sentait environ dix ans plus vieille. Elle finit de se laver et sortit de la salle de bains. Dehors, elle trouva Kat qui attendait patiemment. Son amie ?tait habill?e de fa?on d?contract?e avec un jean et un haut ample qui cachait son physique cisel?. Bien qu’elle ne soit plus Ranger de l’arm?e am?ricaine ou ? la t?te de la s?curit? d’un service de psychiatrie p?nitentiaire, elle semblait encore ?tre une personne qu’il valait mieux ?viter de contrarier. C’?tait probablement une bonne chose, parce que, dans le cadre de son nouveau travail de d?tective priv?, elle devait encore se d?fendre de temps ? autre. – Tu as attendu longtemps ? demanda Jessie d’un air coupable. – Juste quelques minutes, lui assura Kat. Je ne suis pas press?e. J’ai juste besoin de me passer une brosse dans les cheveux. Si tu veux du caf?, j’en ai pr?par?. – Merci. Il m’en faudra. – La nuit a encore ?t? dure ? demanda Kat avec compassion, tout ? fait consciente des ?preuves r?centes de Jessie. Jessie hocha la t?te. – Cette fois-ci, je ne me souviens pas des d?tails des cauchemars, mais j’ai encore des images qui me flottent dans la t?te. – Veux-tu en d?crire quelques-unes ? demanda Kat avec d?licatesse. Jessie r?fl?chit. Elle craignait que ses cauchemars ne deviennent plus puissants si elle en discutait, mais tout garder pour elle-m?me, comme elle l’avait souvent fait autrefois, ne l’avait pas non plus beaucoup aid?e. Finalement, elle d?cida de se livrer ? son amie. – C’est toujours la m?me chose. J’imagine Kyle en train d’?trangler Garland Moses dans cette maison de plage. Je le vois enfoncer le couteau dans la poitrine de Ryan. Je me vois faire un massage cardiaque ? Ryan jusqu’? ce que mes bras refusent de bouger. Alors, je vois Kyle projeter Hannah contre le sofa, o? elle s’affale. Je revis les sensations que j’ai eues quand j’ai ?touff? Kyle, le plaisir que j’ai ressenti quand j’ai entendu craquer sa trach?e. Tu sais, des trucs marrants comme ?a. Kat resta muette pendant un moment. Jessie savait qu’elle se demandait comment r?pondre. Son amie savait incontestablement comment on traitait les traumatismes. Elle avait vu la plus grande partie de son unit? d?chiquet?e par un engin explosif improvis? pendant qu’elle servait en Afghanistan. L’incident lui avait laiss? des maux de t?te r?currents et une longue cicatrice verticale qui lui traversait le visage en descendant de l’?il gauche. Jessie ne connaissait toujours pas les d?tails de ce qui s’?tait pass? ce jour-l?. – Vois-tu encore la docteure Lemmon ? demanda finalement Kat. La docteure Lemmon ?tait la psychoth?rapeute de Jessie et cela faisait maintenant des ann?es qu’elle l’aidait ? traverser toutes ses ?preuves. – Moi et Hannah, on la voit toutes les deux, confirma Jessie. En fait, je l’ai vue vendredi dernier. – Est-ce qu’elle t’a donn? des conseils sp?ciaux ? demanda Kat. – Bien s?r, comme d’habitude : ne gardez pas tout pour vous, parlez-en mais sans vous vautrer dedans, occupez-vous tout le temps et faites autant d’exercices physiques que vos blessures vous le permettent. Les blessures dont elle parlait concernaient aussi bien l’?paule gauche qu’elle s’?tait lux?e en affrontant Kyle jusqu’? la mort que les br?lures au dos qu’elle avait eues en sauvant une femme d’une maison en feu o? se trouvait un tueur en s?rie. – Combien peux-tu en faire ? demanda Kat. – Tout ce que ma tol?rance ? la douleur me permet. Les br?lures ne sont plus si graves. La docteure a dit qu’elles gu?rissaient bien et que je devrais pouvoir arr?ter de porter des bandages dans une semaine environ. L’?paule me fait encore mal mais, au moins, je ne suis plus oblig?e de porter l’?charpe. Cependant, je suis cens?e aller en kin?sith?rapie de deux ? quatre semaines de plus. – Eh bien, au moins, tu n’auras plus de distractions professionnelles pour compliquer ta prise de rendez-vous, dit Kat avec optimisme. C’est le premier jour officiel o? tu es au ch?mage, n’est-ce pas ? Jessie hocha la t?te. C’?tait th?oriquement vrai. Vendredi dernier avait ?t? son dernier jour en tant que profileuse criminelle pour la Police de Los Angeles, mais elle n’avait pas beaucoup travaill? ces derniers temps. Elle avait donn? sa d?mission, ? la grande d?ception de son capitaine, deux semaines auparavant. Le capitaine l’avait suppli?e de prendre un cong? sabbatique et de voir comment elle se sentirait ? la fin, mais Jessie avait ?t? inflexible. Elle avait besoin de se lib?rer du cycle de violence qui avait domin? ses vies professionnelle et personnelle ces derni?res ann?es. De plus, quand elle parcourait les bureaux o? elle avait vu Garland tous les jours, la blessure occasionn?e par sa perte lui faisait trop mal. Comme elle s’?tait occup?e de ses blessures et de l’hospitalisation de Ryan, avait aid? ? conclure les affaires de Garland, rendu l’appartement et soutenu Hannah, elle n’?tait en fait all?e au bureau que deux ou trois fois. La derni?re fois avait ?t? vendredi, quand elle avait vid? son bureau. – J’esp?re que je ne serai au ch?mage que peu de temps, dit Jessie. La semaine prochaine, j’ai des entretiens d’embauche ? plusieurs universit?s pour des postes d’enseignante ? l’automne. Entre temps, j’essaie d’appr?cier de ne pas avoir tant de choses ? faire. Aucune des deux femmes ne mentionna les raisons principales pour lesquelles elle n’avait pas besoin de se presser ? chercher un travail. Son divorce avait ?t? lucratif. Avant d’?tre condamn?, Kyle avait aid? ? g?rer une activit? prosp?re de gestion de fortunes, donc, Jessie aurait quand m?me gagn? beaucoup d’argent lors de son divorce quoi qu’il arrive, mais le fait que Kyle ait tent? de la faire accuser de son propre assassinat puis de la tuer avait permis ? Jessie de gagner un maximum. En dehors de ?a, elle avait aussi re?u un h?ritage g?n?reux de la part de ses parents adoptifs, qui avaient ?t? assassin?s par son p?re biologique tueur en s?rie quelques ann?es auparavant. L’avocat de Garland lui avait aussi dit qu’elle devrait s’attendre ? recevoir un cadeau substantiel quand le testament de ce dernier serait lu cette semaine. Jessie se sentait coupable de vivre confortablement ? cause de tant de douleur et de souffrances mais, comme il fallait qu’elle s’occupe de Hannah, qu’elle paye des factures m?dicales toujours plus ?lev?es et des ?quipements de s?curit? domestique complexes, elle avait accept? cet ?tat de choses. Avant qu’elle n’ait pu parler plus longtemps de ses perspectives professionnelles, la porte de sa chambre s’ouvrit. Elle vit sortir une Hannah aux yeux pris par le sommeil, v?tue d’une culotte et d’un d?bardeur et d?coiff?e par la nuit. – Vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau, dit Kat d’un air narquois. Malgr? la gentillesse de la pique de son amie, Jessie ne put nier que c’?tait vrai. M?me sans les dix centim?tres suppl?mentaires que ses cheveux en bataille lui offraient, Hannah, qui mesurait un m?tre soixante-quinze, ?tait presque aussi grande que Jessie. Elles avaient le m?me corps mince et athl?tique. De plus, quand Hannah finirait par ouvrir compl?tement les yeux, elle regarderait Jessie et Kat avec le m?me regard vert et intense que Jessie. – Comment ?a va, la Belle au bois dormant ? demanda Jessie. – Quels projets pour aujourd’hui, princesse ? ajouta Kat. Hannah les regarda toutes les deux d’un air renfrogn? avant d’entrer dans la salle de bains et de refermer la porte sans dire un seul mot. – Elle est adorable, dit s?chement Kat. – Un vrai rayon de lumi?re, convint Jessie d’un ton sarcastique. Elle est maussade parce que ses vacances d’?t? sont presque finies. Elle doit aller ? l’?cole d’?t? la semaine prochaine et ?a ne lui pla?t pas. – Il ne lui reste qu’une semaine ? se pr?lasser, fit remarquer Kat. Pauvre ch?rie. J’aimerais pouvoir en faire autant. – Qu’as-tu de pr?vu, aujourd’hui ? demanda Jessie. – Rien de passionnant. Je dois relire une documentation judiciaire ce matin. Ensuite, un couple riche veut que je d?couvre qui vend de la drogue ? leur fils. Je suis loin d’?tre Philip Marlowe, le grand d?tective. – Tu veux de l’aide ? Je pourrais lire les documents et — – Non, ma belle, interrompit Kat. Tu es cens?e te reposer aussi bien le corps que le cerveau. Va marcher, regarde un mauvais film mais ne travaille pas. Alors que Jessie allait r?pondre, son t?l?phone sonna. ? pr?sent, elle connaissait bien ce num?ro. Elle r?pondit imm?diatement. – Jessie Hunt ? l’appareil. – Bonjour, Mme Hunt. Je suis l’infirmi?re Janelle de l’Unit? des Soins Intensifs du Centre M?dical. Le Dr Badalia aimerait que vous passiez pour qu’il puisse vous parler. Quand ?tes-vous disponible ? – Je serai l? dans quinze minutes, dit-elle avant de raccrocher. Elle regarda Kat, qui semblait comprendre de quoi il s’agissait. – Habille-toi, dit son amie. Je te verse un caf? et je te fais griller un bagel. Tu pourras partir dans cinq minutes. – Et Hannah ? – Ne te soucie pas d’elle. Je la surveillerai ce matin. Quand je devrai partir, Instagram pourra prendre le relais. Jessie cria « Merci ! » alors qu’?tait d?j? au milieu du couloir et se dirigeait vers sa chambre. CHAPITRE TROIS L’h?pital s’assurait que la chambre de Ryan reste sombre et fra?che. Le sifflement du respirateur artificiel produisait un rythme r?gulier. Jessie aurait presque pu le trouver apaisant si elle avait pu oublier pourquoi il ?tait l?. L’infirmi?re lui avait dit que le Dr Badalia arriverait bient?t. En attendant, Jessie examina Ryan. Il avait meilleure mine qu’avant. Son visage ?tait un peu moins p?le que lors de la derni?re visite de Jessie et il avait un teint moins cireux. Si elle plissait les yeux, elle pouvait imaginer qu’il ?tait juste assoupi. Il avait encore son charme t?n?breux et, avec le drap qui le couvrait jusqu’au cou, on ne voyait pas que le corps qu’il avait entretenu de son mieux avait d?j? commenc? ? s’atrophier. Cependant, c’?tait juste une illusion. Gu?re plus de deux semaines auparavant, Ryan Hernandez avait ?t? le meilleur inspecteur de la SSH, la Section Sp?ciale Homicides de la Police de Los Angeles, celle qui enqu?tait sur les affaires bien en vue ou tr?s suivies par les m?dias, souvent avec plusieurs victimes et des tueurs en s?rie. Maintenant, il ?tait allong? dans un lit d’h?pital, sans d?fense, poignard? ? la poitrine par l’ex-mari de Jessie pendant qu’il ?tait chez eux. C’?tait un souvenir trop lourd et elle l’?carta de ses pens?es. Le Dr Badalia arriva ? la porte et elle se leva pour aller le retrouver dans le hall. C’?tait un homme grand et mince qui approchait de la quarantaine. Comme il avait toujours une expression aust?re, Jessie ne pouvait jamais dire s’il allait lui annoncer de bonnes ou de mauvaises nouvelles. – Merci d’?tre venue, Mme Hunt, dit-il doucement. – Pas de probl?me. Avez-vous des nouvelles ? – Oui. Comme vous le savez, nous avons sorti Ryan de son coma artificiel la semaine derni?re. La nuit derni?re, pour la premi?re fois, il a un peu r?agi aux stimuli. Donc, nous avons l?g?rement r?duit sa s?dation pour voir si nous pouvions r?p?ter l’exp?rience. Nous avons r?ussi. Il a pu ouvrir les yeux et r?pondre ? quelques questions ferm?es en clignant des yeux. Nous avons pu lui expliquer bri?vement sa situation, pourquoi il ?tait en respiration artificielle et ainsi de suite. D’abord, Jessie ne put rien dire. L’?motion du moment la submergea de mani?re inattendue et une boule lui remplit la gorge. Ce ne fut qu’? ce moment qu’elle se rendit compte ? quel point elle avait refoul? son anxi?t? et sa terreur pendant toutes ces semaines. Ce qui ne s’?tait introduit dans sa conscience qu’? ses moments de fatigue ou d’?nervement venait maintenant de s’y d?verser en force. – Vous ?tes s?rieux ? dit-elle. C’est fantastique. Pourquoi ne m’a-t-on pas appel?e ? – Il ?tait tr?s tard, apr?s minuit. De plus, honn?tement, l’effort a sembl? l’?puiser. Au bout d’environ six minutes, il s’est endormi. – Oh. Et ce matin ? S’est-il r?veill?, aujourd’hui ? – En fait, nous avons diminu? le niveau de s?dation il y a environ une heure parce que nous voudrions r?essayer. C’est pour cela que nous vous avons appel?e. J’esp?re que, s’il reprend conscience et si vous ?tes l?, il pourra communiquer un peu plus. – ?a serait formidable, dit Jessie. On le fait dans combien de temps ? Le Dr Badalia jeta un coup d’?il dans la chambre. – Pourquoi pas maintenant ? proposa-t-il. On dirait qu’il est en train d’essayer de se r?veiller. Jessie se tourna et vit que Ryan ?tait effectivement en train d’ouvrir les yeux. Il semblait avoir du mal, comme s’ils ?taient coll?s et qu’il essayait de les ouvrir par la seule force de sa volont?. Cependant, cela semblait fonctionner. Ils retourn?rent dans la chambre. – Ryan, dit le Dr Badalia, vous avez de la visite. Les yeux pliss?s, Ryan regarda Jessie traverser la pi?ce et approcher de lui. Alors, elle prit sa main droite dans les siennes. – Salut, mon ch?ri, chuchota-t-elle. Je suis heureuse de te voir r?veill?. Est-ce que tu m’entends ? Il sembla avoir envie de hocher la t?te mais, que ce soit ? cause du gros tube qu’il avait dans la bouche ou par faiblesse, il n’y arriva pas. – Un clin d’?il pour oui et deux pour non, lui rappela le Dr Badalia. Il cligna des yeux une fois. Jessie toussa pour cacher le sanglot de joie qui lui monta dans la gorge. – Je sais que c’est un long chemin, dit-elle, mais nous allons te sortir d’ici. Il va juste te falloir un peu de patience, d’accord ? Ryan cligna ? nouveau des yeux. Le Dr Badalia avan?a. – Ryan, accepteriez-vous d’essayer un petit exercice ? Ryan cligna des yeux une fois. Jessie ?tait l?g?rement agac?e. Elle avait esp?r? qu’elle pourrait avoir un peu de temps pour parler ? Ryan en priv?, mais elle refoula son irritation. L’exercice ?tait plus important. Le Dr Badalia poursuivit. – Je vais demander ? Jessie de poser la paume de sa main ? plat et de poser votre paume par-dessus. Ensuite, je vais vous demander de lever un doigt pr?cis. Est-ce que ?a vous semble faisable ? Ryan cligna des yeux. Jessie sortit sa main de celle de Ryan, posa la paume de sa main gauche sur le matelas puis celle de Ryan directement sur la sienne. Elle leva les yeux vers lui et sourit. Il plissa les yeux et elle consid?ra que cela signifiait qu’il essayait de sourire lui aussi. – J’aimerais que vous essayiez de lever l’index droit en l’air. Pouvez-vous le faire ? Au bout de ce qui leur parut ?tre une attente interminable, il leva l?g?rement le doigt avant de le laisser retomber. – C’est formidable, Ryan. Maintenant, pensez-vous que vous pourriez essayer de faire la m?me chose avec seulement votre petit doigt ? Ryan plissa les yeux et Jessie sentit sa paume appuyer faiblement contre la sienne. Alors, il r?ussit ? lever le doigt juste un petit peu avant de le laisser retomber. – Vous vous d?brouillez tr?s bien, Ryan, lui assura le Dr Badalia. Pourrions-nous essayer un autre exercice ? Ryan cligna une fois des yeux. – OK. Celui-l? est un peu plus difficile. J’aimerais que vous essayiez de retrousser tous les doigts de votre main droite pour serrer le poing sur la paume de Jessie. Commencez quand vous ?tes pr?t. Jessie sentit la main de Ryan trembler l?g?rement quand il essaya de crisper les doigts afin de serrer le poing. Cependant, rien ne se produisit. Il ferma les yeux. Visiblement, il faisait un gros effort. Un des moniteurs qui se trouvaient ? c?t? commen?a ? biper plus vite qu’avant. – C’est bon, Ryan, dit le Dr Badalia d’un ton apaisant. Vous avez fait un grand effort. ?a viendra, avec le temps. Vous pouvez vous reposer, maintenant. Cependant, il ?tait clair que Ryan refusait de s’arr?ter. Il avait encore les yeux pliss?s et sa paume ouverte vibrait sur celle de Jessie. Il ouvrit les yeux et Jessie vit imm?diatement que la frustration le rendait furieux. Le moniteur bipait encore plus vite. – OK, Ryan, dit le Dr Badalia d’une voix aussi calme que toujours en allant vers la s?rie de machines. On dirait que vous vous agitez un peu. Donc, je vais vous donner quelques s?datifs pour vous d?tendre et vous aider ? dormir. Ryan tourna les yeux vers Jessie. Il avait l’air paniqu?, comme s’il la priait silencieusement de ne pas accepter qu’on le replonge dans le sommeil. – Ne t’en fais pas, mon ch?ri, dit-elle en essayant de cacher son angoisse int?rieure. Il faudra juste ?tre patient. Repose-toi un peu. Nous pourrons r?essayer plus tard. Il cligna deux fois des yeux, s’arr?ta puis recommen?a ? plusieurs reprises. Ce ne fut que la quatri?me fois o? il essaya d?sesp?r?ment de lui demander d’interdire qu’on le replonge dans le sommeil que les s?datifs commenc?rent ? faire effet. Son clignement des yeux ralentit avant de s’arr?ter compl?tement. Ses yeux se referm?rent. Jessie se tourna vers le docteur en s’essuyant les larmes des yeux. – On va parler dehors, dit-il gentiment. On ne sait jamais ce qu’ils entendent. Jessie le suivit dans le hall et jusque dans la salle d’attente, o? il s’assit. Elle l’imita. – Comment tenez-vous ? demanda-t-il. – Je me d?brouille, dit-elle vite. Vous n’avez pas besoin de me r?conforter ou de minimiser les faits, docteur. Dites-moi seulement o? nous en sommes. – OK. Ce que nous venons de voir a ?t? prometteur. Je sais que Ryan s’est agac? ? la fin. Cependant, vu ce qu’il a subi, avoir de la mobilit? ? ce stade est un signe positif. Cela dit, une route longue et difficile l’attend. M?me s’il ne subit aucun d?g?t ? long terme, rien que le fait d’?tre alit? et sous respiration artificielle si longtemps peut entra?ner des s?quelles. Il aura besoin de beaucoup de kin?sith?rapie pour r?cup?rer son habilet? motrice de base. Il aura beaucoup de mal ? marcher. Cela lui prendra peut-?tre de nombreux mois. De plus, il risquera d’avoir des d?g?ts permanents aux cordes vocales. Jessie soupira mais, comme elle ne dit rien, le Dr Badalia poursuivit. – C’est le sc?nario le plus optimiste, mais il faut que vous vous pr?pariez ? d’autres. Il pourra subir d’autres d?g?ts que nous ne sommes pas encore capables de d?terminer. – Comme quoi ? – Comme des affections nerveuses dues ? la blessure caus?e par le couteau. De plus, il pourrait souffrir de l?sions permanentes aux poumons. Certaines personnes gu?rissent compl?tement de cette sorte de chose, mais d’autres ont besoin d’une assistance constante, comme des r?servoirs d’oxyg?ne, des tuyaux respiratoires, cette sorte de chose. Enfin, il reste le risque qu’il ait subi une certaine quantit? de l?sions c?r?brales. Jessie le regarda, interloqu?e. C’?tait la premi?re fois qu’elle entendait quelqu’un dire ?a. – Avez-vous vu des signes de cela ? – C’est encore trop t?t pour le dire. Je sais que vous avez commenc? ? effectuer un massage cardiaque peu apr?s son coup de poignard mais, au moins quelques fois, il a eu un acc?s limit? ? l’oxyg?ne. Ses r?actions de la nuit derni?re et d’aujourd’hui sont prometteuses. Il a sembl? comprendre ce que nous disions et r?pondre en cons?quence, mais nous lui avons pos? des questions simples et demand? d’effectuer des t?ches ?l?mentaires. Nous devrons attendre longtemps avant de pouvoir v?rifier s’il a subi des pertes dans ses fonctions c?r?brales sup?rieures ou dans sa m?moire. – Dans sa m?moire ? r?p?ta Jessie, de plus en plus choqu?e. – Oui. Parfois, les blessures traumatiques, les comas artificiels ou la privation d’oxyg?ne peuvent causer une perte de m?moire ? court terme ou m?me permanente. Comme il a subi ces trois choses, nous ne pouvons pas ?liminer ces risques. Jessie resta assise en silence et essaya de dig?rer toutes ces terribles ?ventualit?s. – ?coutez, vous m’avez demand? de ne pas minimiser les faits, donc, je vous ai tout dit. Cependant, aucune de ces issues n’est certaine. Il pourrait repartir travailler dans la police, en pleine forme, dans huit ? douze mois. – Ou alors ? insista Jessie, sentant qu’il n’avait pas tout dit. – Ou alors, il pourra avoir besoin de soins permanents et continus dans un ?tablissement de soins de longue dur?e. De plus, il peut aussi r?gresser et nous serions confront?s au pire des sc?narios. La p?riode actuelle est tr?s impr?visible. – Ouah, dit Jessie en secouant la t?te, incr?dule. J’ai pu lui tenir la main et le regarder dans les yeux. Je ne m’attendais pas ? d?couvrir des perspectives aussi sombres. Ils rest?rent silencieux pendant un moment. – Mme Hunt, puis-je vous donner un conseil ? Jessie leva les yeux. L’expression habituellement aust?re du docteur s’?tait l?g?rement adoucie. – Bien s?r. – Je connais votre m?tier et je sais donc que vous avez l’habitude d’analyser vos probl?mes actuels de mani?re m?thodique et d’avoir au moins un certain degr? de contr?le sur votre situation. En tant que docteur, j’aime moi aussi contr?ler la situation. Cependant, en v?rit?, dans cette situation-l?, on a tr?s peu de contr?le. Vous pouvez venir, le soutenir, lui montrer que vous l’aimez et que vous ?tes l? pour lui mais, ? ce stade du processus, vous n’avez aucun int?r?t ? vous inqui?ter de ce qui pourrait se passer. Vous n’y pouvez rien. De plus, toute cette inqui?tude vous ?puiserait et vous auriez du mal ? ?tre l? pour Ryan de la fa?on dont il en a besoin. – Donc, voici ce que je vous conseille : quand vous ?tes avec lui, soyez enti?rement dans le moment pr?sent mais, quand vous n’?tes pas avec lui, vivez votre vie. Voyez vos amis. Buvez du vin. Partez en randonn?e. Enfin, ne vous sentez pas coupable de le faire. Ces moments de repos vous donneront la force d’?tre l? pour lui quand il aura vraiment besoin de vous. Selon mon exp?rience, la meilleure fa?on que vous ayez de prendre soin de lui, c’est de prendre soin de vous-m?me. Il sourit presque chaleureusement. – Merci, docteur, dit-elle. – Pas de probl?me. Il faut que j’y aille, mais je vous tiendrai au courant. Il quitta la salle d’attente. Jessie y resta et regarda autour d’elle d’un air distrait. Il y avait une demi-douzaine d’autres personnes et elles donnaient toutes la m?me impression d’?tre sous le choc qu’elle, comme elle le savait. Elle se demanda bri?vement quelle horreur personnelle les avait emmen?es l?. Est-ce que l’une d’entre elles avait perdu son mentor et presque perdu son ?me-s?ur dans la m?me semaine ? Avant qu’elle n’ait pu broyer du noir plus longtemps, son t?l?phone sonna. C’?tait le capitaine Decker, qui avait encore ?t? son patron trois jours auparavant. Elle refusa l’appel, se leva et se rendit au parking couvert. Alors qu’elle montait dans sa voiture, elle sentit la vibration qui indiquait qu’elle avait un message vocal. Elle fut tent?e de le supprimer sans l’?couter mais ne put s’y r?soudre. Cela aurait ?t? vraiment impoli et, de plus, une partie d’elle-m?me avait tr?s envie de savoir ce que le capitaine voulait. Elle ?couta le message. – Bonjour, Hunt. J’esp?re que vous allez bien. Je pr?vois d’aller rendre visite ? Hernandez ? l’h?pital cet apr?s-midi. J’ai entendu dire qu’il s’?tait bri?vement r?veill? la nuit derni?re. C’est une bonne chose, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’appelle. Je sais que vous nous avez quitt?s vendredi et je m’excuse de vous demander ?a, mais j’ai besoin d’aide. On vient de nous confier une affaire ?norme, incroyablement m?diatis?e. Normalement, j’y aurais assign? Hernandez mais, comme il n’est pas disponible, je vais y assigner Trembley, qui n’a jamais eu d’affaire aussi importante. De plus, la section a beaucoup trop peu de profileurs qualifi?s depuis que vous ?tes partie et depuis que … vous savez … Moses. Si vous pouviez juste m’aider sur cette affaire-l?, m?me ? titre consultatif, je vous en serais ?ternellement reconnaissant. Tenez-moi au courant. Jessie effa?a le message, rangea son t?l?phone et sortit du parking couvert. Elle avait de la peine pour Decker, mais il y aurait toujours une autre grande affaire qu’il faudrait r?soudre. Jessie voulait pr?server sa sant? mentale et cela supposait ne plus effectuer ce travail-l?. En outre, pour l’instant, elle avait une autre t?che ? accomplir, une t?che qu’elle redoutait. CHAPITRE QUATRE Hannah avait d?cid? qu’elle avait quelque chose d’anormal. Elle avait essay? de gagner du temps et elle ?tait rest?e au lit, o? elle avait tent? de penser ? autre chose en se demandant comment elle allait passer cette derni?re semaine de vacances avant qu’elle ne soit oblig?e d’aller ? l’?cole d’?t? pour rattraper tout ce qu’elle avait rat? dans son ann?e de premi?re. Il n’y avait pas de bons films ? voir. En voiture, la plage ?tait trop loin de l’appartement de Kat, qui ?tait dans le centre-ville. En outre, Hannah n’avait pas de voiture. Tous ses vieux amis, ceux qu’elle avait perdus de vue, habitaient dans la Vall?e de San Fernando. Enfin, elle n’avait pas nou? de nouvelles amiti?s depuis que sa vie s’?tait transform?e en roman d’aventures. Cependant, elle avait beau essayer de s’occuper le cerveau, ses pens?es revenaient toujours ? la conclusion qu’elle avait atteinte. Finalement, elle avait d?cid? de consulter ? nouveau la page web en question. Cette page de la Mayo Clinic ?tait sp?cifiquement d?di?e au trouble de personnalit? antisociale, ou sociopathie. Ils le d?crivaient comme une maladie mentale « dans le cadre de laquelle une personne montre une indiff?rence constante pour le bien et le mal et ignore les droits et les sentiments des autres ». La page disait aussi que les sociopathes « ont tendance ? se mettre ? dos, manipuler ou traiter les autres avec cruaut? ou avec une indiff?rence insensible. Ils ne montrent aucun signe de culpabilit? ou de remords pour leur comportement ». ?a me rappelle quelqu’un. Avant m?me que la docteure Lemmon n’ait commenc? ? poser ses questions lors des s?ances de psychoth?rapie qui avaient men? ? ces interrogations, Hannah s’?tait demand? pourquoi elle se comportait de certaines mani?res. Pourquoi avait-elle r?agi au meurtre de ses parents adoptifs avec plus de curiosit? que d’horreur ? Quand elle avait vu un tueur en s?rie assassiner un homme sous ses yeux et quand le tueur avait tent? de la convaincre de l’imiter, pourquoi n’avait-elle pas ?t? remplie de la r?vulsion ? laquelle elle se serait attendue ? Pourquoi le meurtre de Garland Moses, un vieil homme qui avait toujours ?t? gentil avec elle, ne lui avait-il inspir? aucune r?action forte ? Pourquoi ne faisait-elle que regretter sa pr?sence grincheuse ? Alors, la derni?re question, celle qui l’obs?dait le plus, lui revint en t?te. Que ressentirait-elle s’il arrivait quelque chose ? Jessie, sa demi-s?ur, la personne qui assurait sa tutelle, sa protectrice d?vou?e ? Elle serait « triste », bien s?r, mais serait-ce ? cause de la perte d’un proche ou juste ? cause de la perte d’une personne qui rendait sa vie plus simple et plus stable ? Pleurerait-elle la demi-s?ur disparue ou serait-elle seulement d?rang?e parce que cela lui compliquerait la vie ? Est-ce que je suis vraiment anormale ? Elle d?cida qu’il fallait qu’elle trouve la r?ponse. Elle avait suivi assez de cours de sciences pour conna?tre la r?gle de base : il faut tester une th?orie pour la valider ou la r?futer. Cependant, quelle serait la meilleure fa?on de s’y prendre ? Quelqu’un frappa ? la porte et Kat passa la t?te par l’ouverture. – Tu fais quoi ? demanda-t-elle avec d?sinvolture. – Oh, je v?rifiais juste ce qu’il faut que je lise cet ?t? pour ne pas ?tre d?pass?e quand je commencerai l’?cole la semaine prochaine, mentit-elle joyeusement. – OK, dit Kat, apparemment satisfaite. Il faut que je sorte pour une affaire. Je peux te laisser un peu toute seule ? – Aucun probl?me. Je vais probablement regarder la t?l?. Ou alors, je chercherai ce qui est inflammable dans ton appartement. Kat garda pour elle ce que lui inspirait cette r?plique. – Bonne id?e, pr?f?ra-t-elle r?pondre. ? plus tard. Kat referma la porte et Hannah se retrouva seule avec ses pens?es. C’?tait facile. Elle avait menti sans difficult? et sans id?e ni objectif. Est-ce normal ? Elle d?cida alors qu’une exp?rimentation plus formelle serait requise. Avant qu’elle ne puisse d?terminer si ses limites ?taient ordinaires, il fallait qu’elle d?couvre en quoi elles consistaient. Je me demande si je pourrai obtenir des r?compenses pour ce travail. * Jessie n’arrivait pas ? se d?cider. Cela faisait dix minutes qu’elle ?tait assise dans sa voiture devant la demeure de Garland Moses, maison pittoresque sans ?tage construite ? Mid-City dans les ann?es cinquante. Finalement, ? contrec?ur, elle sortit de sa voiture et alla jusqu’? la porte de la maison. Elle ?vitait cette corv?e depuis plusieurs jours. Garland Moses, son mentor et ami, assassin? par son ex-mari assoiff? de vengeance, n’avait qu’une ni?ce pour toute famille, une femme assez agr?able que Jessie avait rencontr?e ? son enterrement. Cependant, ils n’avaient pas ?t? tr?s proches, elle et Garland, et elle n’?tait venue ? Los Angeles que pour rendre hommage ? son oncle. Elle ne voulait pas examiner ses effets personnels ou s’occuper de sa maison. Donc, elle avait demand? ? Jessie, qui, savait-elle, avait ?t? proche de son oncle, d’assumer cette t?che. Jessie avait accept? sans enthousiasme, surtout parce qu’elle avait senti qu’elle avait des devoirs envers l’homme qui lui avait appris ? ?tre ? la fois une profileuse criminelle et un ?tre humain ? peu pr?s fonctionnel. Cependant, quand elle se retrouva sur le porche de Garland et se pr?para ? suivre ses mesures de s?curit? complexes pour entrer, elle eut tr?s envie de s’en aller et de ne rien faire du tout. Apr?s avoir rendu ? son petit copain infirme qui avait peut-?tre des l?sions c?r?brales, elle ne tenait vraiment pas ? examiner les effets personnels d’un homme qui ?tait mort parce qu’il l’avait connue. Assez. Tu t’es engag?e. Respecte ton engagement. Secouant la t?te parce qu’agac?e par elle-m?me, Jessie alla jusqu’? la porte d’entr?e de la maison petite mais impeccable de Garland. Quand elle y fut, elle suivit les instructions d?taill?es que l’avocat lui avait donn?es avant qu’elle ne vienne ici pour la premi?re fois. Elle saisit un code ? six chiffres sur le pav? num?rique qui se trouvait ? c?t? de la sonnette. Une couverture m?tallique se r?tracta et Jessie aper?ut un petit scanner. Jessie se pencha l?g?rement et l’appareil lui scanna les yeux. Alors, elle pla?a la paume sur une vitre en verre plac?e sous le scanner et attendit qu’elle lise ses empreintes digitales. Apr?s cela, elle chuchota les mots « Nickel Diner caf? noir » dans un micro. Ce ne fut qu’? ce moment-l? que la porte d’entr?e se d?verrouilla avec un clic. Jessie entra et regarda autour d’elle. Apr?s discussion avec l’avocat de Garland, ils avaient convenu que la maison serait vendue ? un prix proche de la valeur du march?. Les meubles seraient offerts ? plusieurs refuges pour femmes des environs. Il ne lui restait qu’? examiner ses papiers et ses effets personnels. C’?tait une t?che non moins intimidante. La derni?re fois qu’elle ?tait venue ici, une semaine auparavant, elle avait d?couvert que Garland gardait des fichiers sur toutes les affaires sur lesquelles il avait enqu?t?, aussi bien au FBI que, plus tard, ? la Police de Los Angeles en tant que consultant. Il y avait de quoi remplir plusieurs casiers ? la banque et la plus grande partie n’avait jamais ?t? num?ris?e. Il y avait quelques exceptions. Dans son coffre-fort, Jessie trouva des cl?s USB avec des documents sur une vingtaine d’affaires qui, non r?solues, avaient visiblement troubl? Garland. Toutefois, il n’y avait qu’une bo?te ignifuge dont tout le contenu, papier et num?rique, ?tait conserv? dans le coffre-fort. Cette affaire ?tait celle du Chasseur Nocturne. Jessie connaissait cette affaire de pr?s. On l’enseignait au FBI et dans tous les postes de police de la r?gion. Le Chasseur Nocturne ?tait un tueur en s?rie notoire qui avait tu? et d?membr? plus de cinquante personnes sur la C?te Est dans les ann?es 1990 avant que Garland ne le rattrape. Malheureusement, le Chasseur Nocturne avait pris le dessus puis captur? et tortur? Garland pendant deux jours. Alors, le profileur avait r?ussi ? se lib?rer et ? utiliser la machette du tueur contre lui avant que l’homme ne s’?clipse dans la nuit. Comme on ne l’avait jamais identifi? et comme aucun des meurtres suivants n’avait correspondu au profil du Chasseur Nocturne, la plupart des gens avaient pens? qu’il avait d? mourir de ses blessures. Cependant, il ?tait clair que Garland en avait dout?. Il n’avait jamais parl? de cette affaire ? Jessie, mais ses derni?res notes ne remontaient qu’? trois mois, ce qui sugg?rait qu’il avait pens? que le coupable vivait peut-?tre encore quelque part. Jessie d?cida qu’elle ne jetterait aucun de ces documents. Elle s’assit au bureau de Garland et imagina combien de fois il avait d? s’installer dans ce fauteuil en cuir confortable pour r?fl?chir ? une affaire. Soudain, elle ressentit une vague d’?motion inattendue. Depuis l’enterrement, Jessie avait la plupart du temps refus? de penser ? Garland parce que cela la faisait trop souffrir. Son p?re biologique avait ?t? un tueur en s?rie qui avait disparu apr?s avoir assassin? sa m?re quand elle avait eu six ans. Ses parents adoptifs avaient ?t? tu?s par ce m?me p?re tueur en s?rie quelques ann?es auparavant et, maintenant, ce qu’elle avait eu de plus proche d’une figure paternelle avait aussi disparu, lui aussi assassin? par une personne ? laquelle elle aurait officiellement d? pouvoir faire confiance. Elle ?carta toute pens?e de sa fin et essaya de se concentrer sur la mani?re dont il avait v?cu. D’apr?s un profil publi? dans le journal, Garland Moses avait aid? ? capturer au moins 1200 assassins dans sa carri?re, dont une centaine de tueurs en s?rie et de tueurs ? la cha?ne. De plus, ce compte n’incluait que les affaires r?solues publiquement. Cependant, la vie de Garland Moses ne s’?tait pas limit?e aux affaires qu’il avait r?solues. Jessie pr?f?rait se souvenir d’autres moments moins c?l?bres. Elle se souvint des petits d?jeuners qu’elle avait mang?s avec lui au Nickel Diner, dont le nom figurait dans le mot de passe qui d?verrouillait sa porte, ? quelques p?t?s de maisons du Poste de Police Central o? ils avaient travaill? tous les deux. Elle se souvint que Garland avait ?t? la seule personne apparemment capable de faire sourire Hannah, m?me quand elle avait ?t? de tr?s mauvaise humeur. Cet homme avait paru distant et sec, mais les deux s?urs avaient appris qu’il avait cach? ainsi une personnalit? ?tonnamment sentimentale. Jessie se souvint des nombreuses fois o? il lui avait remont? le moral et avait montr? qu’il avait confiance en ses capacit?s de jeune profileuse alors qu’elle en avait dout? elle-m?me. Sentant les larmes lui monter aux yeux, Jessie tendit la main vers le bureau pour prendre un mouchoir en papier dans la bo?te. Pendant qu’elle s’essuyait les yeux, elle remarqua que quelque chose lui avait ?chapp? la derni?re fois qu’elle ?tait venue ici. C’?tait un petit presse-papiers en m?tal qui avait la forme d’une tasse ? caf?. Dessus, il y avait une inscription minuscule. Elle prit le presse-papiers et le tourna dans la lumi?re pour mieux pouvoir lire les petits mots inscrits dessus. Ces mots lui ?taient familiers, mais elle ne se serait pas attendue ? les trouver sur le bureau d’un homme aussi peu religieux que Garland Moses. Ces mots ?taient : Celui qui tue une vie tue le monde entier et celui qui sauve une vie sauve le monde entier. Jessie contempla longtemps cette phrase. M?me si Garland ne l’avait jamais prononc?e ? voix haute, il ?tait clair que, ? sa fa?on ronchonne et sans pr?tention, il l’avait prise pour maxime. Il l’avait v?cue, m?me s’il ne l’avait jamais prononc?e. Jessie se demanda ce qu’il aurait pens? s’il l’avait vue effacer le message vocal du capitaine Decker. Aurait-il secou? la t?te, vaguement d??u ? Si Ryan pouvait parler, qu’en dirait-il ? Avant de savoir ce qu’elle faisait, Jessie prit son t?l?phone et appela le capitaine Decker. CHAPITRE CINQ Jessie constata que les gens ?taient ?tonn?s de la voir. Quand elle traversa la grande salle du poste pour aller dans le bureau de Decker, elle pensa rep?rer aussi quelques regards malveillants. Elle fit semblant de ne pas les remarquer. Quand elle avait quitt? la section, elle avait ?t? formellement innocent?e de l’accusation d’avoir post? des messages racistes sur Facebook. Les preuves avaient montr? que son compte, rarement utilis?, avait ?t? pirat?, mais quelques-uns de ses ex-coll?gues semblaient avoir encore leurs doutes. Elle soup?onnait que c’?tait pour cela qu’ils la regardaient de travers. Cependant, la plupart des gens semblaient juste ?tonn?s de la voir trois jours apr?s qu’elle avait officiellement pris cong? de la Police de Los Angeles. Elle frappa ? la porte de Decker, qui ?tait l?g?rement entreb?ill?e, et attendit qu’il r?ponde. En d?pit de toute logique, elle jeta un coup d’?il ? la zone de travail de la Section Sp?ciale Homicides. Actuellement, elle ?tait vide, ce qui sugg?rait que tout le monde ?tait parti enqu?ter sur une affaire. Le vieux bureau de Jessie ?tait vide. En face, il y avait celui de Ryan, qui ?tait encore couvert de papiers comme s’il les y avait laiss?s pour aller boire un caf? et revenir ? tout moment. – Entrez, dit une voix famili?re. Elle entra dans le bureau et ferma la porte derri?re elle. Il y avait deux personnes dans la pi?ce. Le capitaine Roy Decker se tenait derri?re son bureau. D’une fa?on ou d’une autre, il avait l’air remarquablement plus ?g? que quand elle l’avait vu le vendredi dernier. Il ?tait grand et maigre et sa poitrine creuse semblait s’effondrer sur elle-m?me. Il avait soixante ans, mais les rides profondes qu’il avait au visage donnaient plut?t l’impression qu’il en avait soixante-dix. Sur la t?te, quelques m?ches tr?s d?sordonn?es de cheveux gris s’accrochaient d?sesp?r?ment ? son cuir chevelu. Malgr? tout cela, il ?tait encore redoutable d’une fa?on ou d’une autre. Il portait un costume amidonn? impeccable et une cravate comme s’il comptait entrer dans une salle de r?union du conseil d’une des entreprises les plus riches du pays. Son nez pro?minent tressaillit l?g?rement comme s’il sentait des preuves ? ce moment-m?me. Quant ? ses yeux per?ants de faucon, ils vrill?rent Jessie sur place en l’?valuant d’un seul regard. – Je suis content de vous voir, Hunt, dit-il. Merci d’?tre venue. Je peux vous dire que Trembley ici pr?sent a ?t? content quand je lui ai annonc? la nouvelle. Jessie jeta un coup d’?il ? l’inspecteur Alan Trembley, qui ?tait en train de se lever du sofa us? qui se trouvait contre le mur. M?me s’ils avaient tous les deux commenc? ? travailler au Poste Central vers la m?me p?riode, deux ans auparavant, Jessie ne pouvait s’emp?cher de le consid?rer comme un bleu. C’?tait peut-?tre juste parce qu’il avait l’air si inexp?riment? par rapport ? Ryan, ou alors, c’?tait peut-?tre parce qu’il ressemblait ? un enfant ? taille d’homme. Trembley avait vingt-neuf ans, seulement un an de moins que Jessie, mais il donnait l’impression qu’il ?tait encore ? l’universit?. Ses cheveux blonds fris?s ?taient mal coiff?s, ses lunettes tach?es et sa veste de sport semblait avoir au moins deux tailles de trop, comme s’il l’avait emprunt?e ? son p?re. Quand il se leva, nerveux, il faillit tr?bucher sur ses mocassins us?s. – Salut, Jessie, dit-il avec un sourire penaud. Je suis content que tu viennes m’aider. – Comment ?a va, Trembley ? demanda-t-elle. – Oh, tu sais, aussi bien que d’habitude. – Parfait, dit-elle en se retournant vers Decker. Bon, avant que nous n’allions plus loin, je veux juste ?tre claire. Je suis venue vous ?couter. Je ne m’engage ? rien. Je vous le dis pour qu’on se comprenne. Decker hocha la t?te. – J’aurais volontiers ?vit? de vous appeler, mais nous sommes en sous-effectif. Toute la SSH, mis ? part Trembley, travaille d?j? sur d’autres affaires. L’inspecteur Reid enqu?te sur deux corps trouv?s dans le parc historique d’?tat de Los Angeles. On dirait qu’ils ont ?t? d?coup?s et que les morceaux ont ?t? enfouis ? la h?te ?? et l?. Ils ont de quoi s’amuser. Jessie ne dit rien, car elle sentait clairement qu’il n’avait pas fini. Elle avait raison. – L’inspectrice Pointer enqu?te sur un meurtre ? la cha?ne pr?s du complexe de divertissements de L.A. Live, poursuivit-il. Comme Hernandez n’est pas disponible, nous avons m?me demand? ? Parker de la Brigade des M?urs d’aider Pointer. De plus, comme Moses nous a quitt?s et comme vous ?tes partie, nous avons demand? de l’aide ? une autre division, qui doit nous envoyer un profileur. Nous n’avons pas encore de r?ponse mais, honn?tement, apr?s vous avoir eus, vous et Moses, appeler une ?quipe de secours ne m’enthousiasme pas du tout. – Compris, r?pondit Jessie, qui refusait d’accepter quoi que ce soit par culpabilit?. Donc, en quoi consiste cette affaire ? – Je vais vous donner la version courte, r?pondit Decker. C’est parce que, bien qu’une ?quipe d’inspecteurs du Poste de Hollywood soit d?j? sur place, les responsables des lieux exigent que la SSH les remplace. – Ils exigent ? r?p?ta Jessie, incr?dule. Je croyais que vous d?cidiez sur quelles affaires la SSH enqu?te. – J’aurais enqu?t? sur cette affaire m?me si personne ne nous l’avait demand?, lui assura-t-il. Voici pourquoi : la victime est l’actrice Corinne Weatherly. Vous savez qui c’est ? Jessie se creusa la cervelle. – Je sais qui c’est, mais je ne peux pas dire que je connais son ?uvre ; j’ai peut-?tre vu un ou deux films. – Trembley pourra vous renseigner en route si vous prenez l’affaire. On dirait qu’elle a ?t? tu?e (?trangl?e, en fait) dans les Studios Sovereign pendant la nuit derni?re apr?s avoir fini sa journ?e de tournage. On ne l’a retrouv?e que ce matin. Selon les premi?res d?ductions, elle a ?t? tu?e dans son mobile home puis le cadavre a ?t? port? dans la section des accessoires. Apparemment, quand le mouleur en chef a d?couvert le corps, ? premi?re vue, il n’a m?me pas compris que c’?tait un vrai corps. Weatherly tournait dans un film d’horreur et la section regorgeait de faux cadavres. Vous pouvez imaginer la panique qu’il a ressentie quand il s’est rendu compte qu’elle ?tait ? la fois r?elle et morte. – Qu’est-ce que c’est qu’un mouleur ? dit Jessie. Trembley intervint. – C’est la personne charg?e des effets sp?ciaux et du maquillage qui r?alise les fausses blessures et donne un air r?aliste au sang. – OK, dit-elle en grima?ant. ?a a l’air d?go?tant. Trembley eut l’air ?tonn? par sa r?ponse. – Je trouve surprenant qu’une profileuse criminelle confront?e ? la brutalit? r?elle soit impressionn?e par un homme qui cr?e de fausses blessures, fit-il remarquer. – Bien vu, Trembley, dit Jessie. – Bon, dit Decker en les interrompant impatiemment, les cadres du studio en font tout une affaire. L’identit? de la victime a d?j? fuit? et ils veulent pouvoir d?clarer au public que c’est l’unit? anti-homicide la plus sp?cialis?e de la Police de Los Angeles qui s’occupe de la situation. Ce n’est pas absurde mais, si nous n’envoyons pas nos meilleurs ?l?ments r?soudre cette affaire, ?a donnera une mauvaise image de la section et de moi-m?me. Sans vouloir offenser Trembley ici pr?sent, Ryan Hernandez est le meilleur inspecteur de la section et, comme Moses est mort, vous ?tes de loin la meilleure profileuse que nous ayons. – Avions, corrigea Jessie. – Avions, conc?da-t-il. Donc, si je n’ai pas Hernandez, il me faut au moins votre aide. C’est une affaire trop en vue pour que je la confie ? des ?l?ments de second rang. Jessie n’appr?cia pas ce que cela impliquait. – Donc, si la victime avait ?t? une employ?e d’?picerie inconnue de Hollywood, vous auriez accept? d’employer des … Quel terme avez-vous employ?, d?j? ? Des « ?l?ments de second rang » ? – Ne me compliquez pas la t?che, Hunt. Si cela avait ?t? une employ?e d’?picerie, on ne nous aurait jamais appel?s. Vous savez ce que fait la SSH. C’est notre sp?cialit?. Alors, acceptez-vous de m’aider ? Decker avait commenc? sa phrase d’un ton grincheux mais, ? la fin de sa phrase, son ton avait fr?l? la supplication. Pour autant que Jessie se souvienne, c’?tait la premi?re fois qu’il prenait ce ton-l?. Elle ne put s’emp?cher de ressentir une certaine compassion pour lui. En ce moment, malgr? tout ce qui l’incitait ? refuser, elle savait qu’elle allait dire oui. – Si j’accepte, commen?a-t-elle, ce ne sera que pour cette fois-ci, comme consultante, comme Garland le faisait avant moi. Je ne suis pas employ?e de la Police de Los Angeles et on ne s’attendra pas ? ce que je continue apr?s cette affaire. D’accord ? – D’accord, dit imm?diatement Decker. – J’ai des entretiens d’embauche ? plusieurs universit?s la semaine prochaine. Je ne les manquerai pas, que cette affaire soit r?solue ou pas. Je ne bousculerai pas ma vie pour elle, capitaine. C’est pour cette raison que je suis partie. Est-ce que c’est clair ? – Limpide, dit-il en formant un d?but de sourire. – Quant ? Trembley ici pr?sent, il devra faire des efforts, ajouta-t-elle. Pas question qu’il fasse le b?te. L’inspecteur eut l’air d??u, mais il ne dit rien. – Je ne peux pas vous promettre ?a, admit Decker avec ironie. – Moi, si, lan?a Trembley, qui s’?tait vite remis de ses ?motions. Jessie le regarda. Il d?bordait d’enthousiasme et bondissait presque sur place. En ce moment-l?, il ?tait l’incarnation m?me de la b?tise. – Allons-y, soupira-t-elle. C’est toi qui conduis. CHAPITRE SIX Alors qu’ils n’avaient ?t? que cinq minutes dans la voiture, Jessie commen?a ? regretter sa d?cision. Trembley parlait sans arr?t et passait du coq ? l’?ne sans coh?rence visible. – Trembley ! finit-elle par dire pour l’interrompre. Calme-toi. – D?sol?, dit-il. Elle jeta un coup d’?il ? son t?l?phone qui vibrait. Jessie avait envoy? un SMS ? Hannah pour lui dire qu’elle aidait la police sur une affaire. Elle vit alors que Hannah avait r?pondu en envoyant une unique ?motic?ne ? visage de fou. Quand Jessie expliquerait sa d?cision ce soir, ?a serait dur. Kat n’avait pas encore r?pondu. – R?capitulons ce que nous savons sur Corinne Weatherly et ce film, dit-elle. Je suppose que tu as des informations ? – Ouais, dit-il avec un enthousiasme d?brid? avant de se calmer un peu. Je veux dire, oui. Est-ce que tu la connais ? – Je ne suis pas tr?s fan. Je sais qu’elle a tourn? dans un film romantique il y a longtemps puis qu’elle a continu? avec des films d’horreur. De plus, elle a particip? ? une ?mission nulle sur la police il y a longtemps. C’est tout ce que je sais. – Tu sais le principal, confirma Trembley, qui semblait maintenant contr?ler son exub?rance. Elle a eu plusieurs petits r?les avant de devenir c?l?bre dans la com?die romantique P?tales et Irritabilit?. Apr?s, elle a obtenu le r?le principal dans le film d’horreur Maraudeur. Par contre, apr?s ?a, elle n’a pas vraiment perc?. Elle a fait la suite du Maraudeur, qui ?tait nulle. Les quelques ann?es qui ont suivi, elle a particip? ? beaucoup d’autres trucs. Certains ont bien commenc? mais ont fini par ?tre nuls. Elle ?tait dans la s?rie Les Profileurs de Tacoma. Je croyais que tu l’aurais regard?e. – Je crois qu’elle a ?t? diffus?e pendant que j’?tudiais pour ma ma?trise en psychologie judiciaire. ? cette ?poque-l?, je n’avais pas le temps de regarder grand-chose. – Tu n’as pas manqu? grand-chose, conc?da Trembley. Elle se d?roulait ? Tacoma, mais ils l’ont film?e ? Vancouver. Elle n’a dur? que trois ans. Apr?s ?a, Corinne Weatherly a fait beaucoup de nullit?s. Je ne t’emb?terai pas en rentrant dans les d?tails. Ce nouveau film ?tait cens? ?tre son grand retour. C’?tait un autre Maraudeur, mais il devait renouveler le genre. Ils avaient embauch? un r?alisateur ?tranger ? la mode. En fait, j’aurais voulu le voir, ce film. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire, maintenant. – Est-ce que les inspecteurs du Poste de Hollywood acceptent qu’on les remplace ? demanda-t-elle. – J’ai parl? ? une inspectrice de cette ?quipe avant que tu n’arrives au poste. Elle s’appelle Bray. Elle avait l’air un peu vex?e, mais j’ai compris qu’elle ?tait aussi un peu soulag?e. Je crois qu’ils n’ont pas envie de subir le tohu-bohu que cette affaire va g?n?rer. Je veux dire, c’est quand m?me du lourd. Jessie l’observa du coin de l’?il. – Tu es s?r que tu vas pouvoir supporter ?a, Trembley ? Je ne veux pas que tu t’affoles parce qu’on va croiser un groupe de c?l?brit?s. Il faut que tu gardes une distance professionnelle. Est-ce que tu peux le faire ? Il eut l’air l?g?rement offens?. – Bien s?r, dit-il. Jessie n’en ?tait pas enti?rement convaincue. * Quand ils arriv?rent aux Studios Sovereign, Jessie remarqua qu’un petit m?morial avait ?t? ?rig? pr?s de la porte de l’entr?e principale. Il n’y avait que quatre personnes avec quelques bougies et quelques affiches. Jessie ne savait pas si cela signifiait que Weatherly n’avait pas ?t? si populaire que ?a ou si la nouvelle ne s’?tait pas encore r?pandue. Un vigile du studio corpulent ? l’expression affable du nom de Paul les attendait. Il les dirigea vers le parking des invit?s, les suivit en voiturette de golf jusqu’? l’endroit o? ils se gar?rent et leur proposa de monter avec lui. – Nous devons traverser la moiti? du parking, dit-il pour s’expliquer. Ce serait loin, ? pied. Ils mont?rent et il partit sur le sentier pav?. Jessie, qui avait ?tudi? ? l’Universit? de Californie du Sud et pass? la plus grande partie de sa jeunesse en ville, n’avait jamais ?t? impressionn?e par sa proximit? avec l’univers du cin?ma, mais elle devait admettre que c’?tait tr?s cool de pouvoir visiter un b?timent o? l’on tournait des films depuis presque cent ans. En route, ils pass?rent devant un immense parking ext?rieur ferm? situ? en contrebas avec un ?norme ?cran couleur ciel au fond. – Qu’est-ce que c’est ? demanda Jessie en d?signant l’endroit. Paul le vigile suivit son doigt et sourit. – Quand une production a besoin de tourner dans l’eau en environnement s?curis?, elle peut utiliser ?a. Ils remplissent le parking avec de l’eau et il devient un ?norme r?servoir d’eau. Alors, ils peuvent projeter l’arri?re-plan qu’ils veulent sur l’?cran et, comme ?a, vous ?tes au milieu de l’oc?an, si vous le d?sirez. Trembley se tourna vers Jessie avec une expression qui disait « C’est incroyable ». Elle lui adressa un regard noir et aust?re pour lui rappeler qu’il fallait qu’il se ma?trise. Cependant, Trembley devint presque fou quand la voiturette d?passa le r?servoir et qu’il vit ce qu’il y avait derri?re. Ils traversaient une restitution de plusieurs sections de New York City. Une vitrine de bodega se dressait ? c?t? d’une pizzeria. Ils pass?rent devant un panneau de station de m?tro et Trembley se leva dans la voiturette pour voir jusqu’o? les marches descendaient vraiment. Derri?re les fa?ades, Jessie remarqua qu’il n’y avait que des ?chafaudages et du vide. Ils pass?rent un coin et l’apparence de la nouvelle rue changea du tout au tout. – Quelle partie de la ville est-ce cens? ?tre ? demanda Trembley, incapable de se retenir. – L?, c’est le Lower East Side, lui dit Paul le vigile quand ils pass?rent devant une rang?e de maisons de ville mitoyennes en gr?s rouge, mais nous avons aussi d’autres p?t?s de maisons comme Greenwich Village, le Financial District et m?me Brooklyn. Nous avons aussi une rue de Chicago. La sc?ne de crime est pr?s de SoHo. Cette derni?re phrase fit dispara?tre une partie de son enthousiasme du visage de Trembley. Il se tut. Quelques secondes plus tard, ils s’arr?t?rent au fond du faux quartier, ? c?t? d’une ?norme salle de tournage avec « 32 » peint dessus. – On y est, dit Paul comme si ce n’avait pas ?t? ?vident, vu la foule qui s’affairait derri?re le ruban jaune que la police avait install? pr?s du studio. – Paul, puis-je vous demander quelque chose ? essaya Jessie. – Vous pouvez me demander ce que vous voulez, mais je ne vous promets pas d’avoir les r?ponses. – J’en doute un peu, r?pliqua-t-elle. Vous semblez ?tre la sorte de personne qui sait ce qui se passe par ici. Depuis combien de temps travaillez-vous dans ces studios ? – Huit ans, dit-il. Avant, j’ai travaill? sept ans chez Sony. Je crois que je vais rester ici. – Donc, vous savez comment ces endroits fonctionnent, dit-elle. ? quoi ressemble le gardiennage de nuit, ici ? Est-il strict ou plus d?tendu ? – ?a d?pend. Il y a toujours du personnel. En g?n?ral, nous fermons les portes lat?rales autour de minuit, mais il y a toujours quelqu’un ? la porte principale. De plus, il y a des vigiles qui surveillent le parking toute la nuit. Cependant, s’il y a des tournages en cours la nuit, il nous faut bien ?videmment plus de personnel. – Y avait-il des tournages la nuit derni?re ? demanda-t-elle. – Tout devait se terminer ? vingt-trois heures mis ? part la production qui avait lieu juste ici, le film Maraudeur. Cependant, ils ont quand m?me fini t?t eux aussi, donc, nous en sommes rest?s ? l’?quipe de base. – Savez-vous pourquoi ils ont fini t?t ? demanda Trembley. Paul remua sur un pied puis sur l’autre, mal ? l’aise. – Allez, Paul, dit Jessie pour le r?conforter. Vous savez pourquoi nous sommes ici. De plus, vous savez que ces cadres du studio vont nous donner la version ?dulcor?e. Un homme comme vous, qui entend tout, conna?t forc?ment la v?rit?. Paul c?da parce qu’il aimait qu’on le flatte ou parce qu’il n’arrivait plus ? se taire. – Officiellement, il y avait des probl?mes techniques avec la s?quence qu’ils voulaient terminer. Officieusement, j’ai entendu dire que Mme Weatherly s’?tait mise en col?re contre son coll?gue, Terry Slauson ; elle disait qu’il ?tait trop brutal avec elle dans la sc?ne qu’ils filmaient. – L’?tait-il ? demanda Jessie. Paul haussa les ?paules. – Comme je n’y ?tais pas, je ne peux rien dire de certain mais, franchement, bien que je n’aime pas critiquer les morts, Mme Weatherly s’en prenait toujours ? quelqu’un pour quelque chose. La semaine derni?re, elle m’a cri? dessus parce que j’avais tourn? trop vite dans cette voiturette-l? ; elle m’a trait? de gros c… peu importe. Disons juste que toutes ses plaintes n’?taient pas justifi?es. Trembley semblait tr?s d??u par la description que Paul avait donn?e de l’actrice. Jessie essaya de contr?ler son exasp?ration et se concentra sur Paul. – Et les harceleurs ? On vous avertit si un acteur a ?t? menac?, non ? Est-ce qu’on vous donne des photos ou des injonctions restrictives ? – Ce n’est pas automatique, lui dit-il, mais, d’habitude, un membre de l’?quipe des acteurs nous avertit s’il y a un probl?me. Quelques fous ont parfois essay? d’entrer dans les studios. – Est-ce que l’?quipe de Corinne Weatherly, peut-?tre un garde du corps, vous a d?j? mentionn? des probl?mes ? Paul gloussa avant de se reprendre. – Je suis d?sol?. Je n’aurais pas d?. C’est juste que Mme Weatherly n’avait pas d’?quipe et encore moins un garde du corps. La production lui a assign? une assistante, mais elle n’?tait pas vraiment en position d’avoir une ?quipe mobile, si vous me comprenez. En outre, si quelqu’un avait harcel? Mme Weatherly, je vous promets qu’elle nous l’aurait signal? en personne et avec vigueur. Jessie hocha la t?te. ? sa grande surprise, Trembley prit la parole. – Donc, vous dites qu’elle n’avait pas de garde du corps. Elle se promenait dans les studios toute seule ? – Bien s?r, dit Paul, un peu interloqu?. C’est en partie pour cela que les productions filment dans un seul studio. Je veux dire, comme ?a, elles ont un environnement de tournage plus contr?l? o? tout ce dont elles ont besoin est facilement accessible, mais c’est aussi plus s?curis?. En th?orie, tous ceux qui sont dans les studios sont autoris?s ? y ?tre. C’est un lieu de travail, comme un immeuble de bureaux mais en plus humble. Cela signifie que les acteurs, m?me les plus c?l?bres, peuvent en g?n?ral marcher tranquillement. J’ai vu des grandes stars faire la queue ? la caf?t?ria du studio en attendant qu’on leur apporte leurs b?tonnets de poulet pan? et des producteurs c?l?bres porter leurs caisses de scripts dans leur voiture. C’est cens? ?tre un environnement s?curis? et, d’habitude, ?a l’est. Malheureusement, ce matin, nous avons eu quelques probl?mes avec des paparazzis qui ont tent? de passer par-dessus la cl?ture pour pouvoir prendre quelques photos impromptues du studio, ici. Cela dit, nous avons r?ussi ? les attraper tous. Jessie vit une petite femme de presque quarante ans approcher rapidement d’eux. Trembley la remarqua lui aussi. – Je crois que c’est l’inspectrice Bray, marmonna-t-il ? voix basse. – Merci, Paul, dit Jessie au vigile. Vous nous avez beaucoup aid?s. Je promets que nous garderons pour nous ce que vous nous avez r?v?l? officieusement. Paul hocha la t?te, monta dans la voiturette et r?ussit ? s’?loigner au moment o? Bray arrivait. De pr?s, Jessie vit que l’inspectrice avait des cheveux ch?tain clair fins et apparemment cassants, des yeux gris fatigu?s et ce qui semblait ?tre des taches de feutre au bout des doigts. Son chemisier ?tait aussi mal reboutonn? et tach?. – Karen Bray, Poste de Hollywood, dit-elle en tendant la main. Je suppose que vous ?tes les gars de la SSH ? – Alan Trembley, dit son coll?gue en prenant la main de Bray et en la secouant vigoureusement. Voici notre profileuse, Jessie Hunt. – Je sais qui vous ?tes, dit Bray. En fait, vous ?tes presque aussi c?l?bre que Weatherly, dans cette ville. L’ann?e derni?re, on a probablement parl? plus souvent de vous que d’elle. – ?a a d? cesser, dit Trembley. L’inspecteur comprit trop tard que ce propos ?tait d?plac?. Les deux femmes le contempl?rent en silence pendant un moment puis Jessie se remit de ses ?motions. – En fait, j’ai quitt? la police la semaine derni?re, dit-elle vite en esp?rant tirer Trembley d’embarras. Je suis juste ici en tant que consultante. – Oui, j’ai aussi entendu dire ?a, fit remarquer Bray. – Vous semblez ?tre au courant de tout, inspectrice Bray, r?pondit Jessie. Je ne sais pas si je serais aussi clairement au courant des choses apr?s avoir tout juste dormi et avoir d? aider quelqu’un ? terminer un – un devoir d’arts plastiques ? Bray la contempla d’un air incr?dule. – Un devoir de sciences de CE1, en fait, dit-elle lentement. Nous avons travaill? dessus jusqu’apr?s minuit et je me suis lev?e ? cinq heures pour le terminer. Comment savez-vous ?a ? – En tant que profileuse, je me dois de faire des miracles de temps ? autre ! dit Jessie. Alors, elle se pencha pr?s de la dame et lui murmura quelque chose ? l’oreille pour que Trembley ne puisse pas l’entendre. – Plus tard, passez aux toilettes. L’encre que vous avez utilis?e pour ce devoir de sciences vous a tach? le chemisier et il est mal boutonn?. Bray la contempla bouche b?e puis la gratifia d’un petit sourire. – Merci. Ah, la maternit? ! dit-elle finalement. Au fait, d?sol?e pour Moses. Je sais que vous ?tiez proches, vous deux. Tout le monde avait ?norm?ment de respect pour cet homme. D?sol?e aussi pour votre coll?gue – Hernandez, c’est ?a ? Comment va-t-il ? – Merci. C’est difficile ? dire. Certains jours sont meilleurs que d’autres, vous savez ? Bray hocha la t?te puis haussa les ?paules comme pour dire « Qu’y pouvons-nous ? ». Apparemment, la partie de leur conversation d?di?e ? la compassion avait pris fin. – Bon, eh bien, je suppose que vous voulez savoir ce que nous avons d?couvert. – ?a serait parfait, dit Trembley. – Ne vous faites pas d’illusions. Ce n’est pas grand-chose. CHAPITRE SEPT Ils regardaient attentivement les vid?os de surveillance. Une cam?ra fix?e au plafond avait film? l’agresseur au bord de l’?cran pendant qu’il tra?nait Corinne Weatherly dans la section des accessoires. – Apr?s ?a, il n’y a rien pendant un moment, jusqu’? ?a, dit Bray en avan?ant rapidement jusqu’? l’endroit o? le coupable quittait le studio de tournage et partait dans le d?cor de New York. – C’est tout ? demanda Trembley. Bray hocha la t?te. Jessie se rendit compte que l’inspectrice avait raison. Si ces rares extraits de vid?o ?taient tout ce qu’ils avaient, ?a ne leur faisait pas grand-chose. De plus, les images n’?taient pas de tr?s bonne qualit?. Pire encore, les cam?ras ?taient mont?es si haut qu’il n’y avait aucun moyen d’?valuer la taille, le poids ou la carrure g?n?rale du coupable. Tout ce qu’ils pouvaient dire, c’?tait que le tueur ne portait que du noir, dont une cagoule noire. – Donc, le tueur a disparu apr?s ?a ? demanda Jessie ? Bray. – D’apr?s ce que r?v?lent les cam?ras, oui. Le probl?me, c’est qu’il n’y en a que dans les zones tr?s fr?quent?es. Or, comme il y en a beaucoup, c’est difficile de surveiller toutes les cam?ras en temps r?el. Si un vigile du bureau ne regarde pas le bon ?cran au bon moment, on peut facilement rater ce qui se passe. Donc, si une personne conna?t bien les studios et sait comment fonctionne la s?curit? par ici, surtout la nuit, elle peut ?chapper assez facilement aux cam?ras. Trembley avait une suggestion. – Cela signifie peut-?tre que nous devrions nous adresser aux gens qui g?rent la s?curit?, dit-il. Avons-nous un journal qui indique qui ?tait de service la nuit derni?re ? – Nous sommes tr?s en avance sur vous, inspecteur, dit Bray. Nous avons non seulement ce journal, mais chaque agent de s?curit? a une radio avec GPS qui permet de surveiller constamment o? il est. Il doit aussi appeler le bureau principal toutes les quinze minutes. Nous connaissons les mouvements de tous les agents qui ont travaill? la nuit derni?re et aucun d’eux n’?tait pr?s du studio 32 ou du mobile home de Weatherly dans la plage horaire du crime. – C’est terriblement commode pour le coupable, dit Jessie d’un air songeur. Comme vous l’avez dit, c’est presque comme si le tueur avait connu la meilleure heure pour commettre son forfait. – C’est extr?mement louche, convint Bray. – Comment se fait-il que nous n’ayons pas de vid?o o? l’on verrait le tueur la tra?ner hors de son mobile home ? demanda Trembley. – Permettez que je vous montre, dit l’inspectrice Bray en les emmenant au mobile home de Weatherly. Il y a quelques choses qu’il faut que vous voyiez l?-bas, de toute fa?on. Quand ils pass?rent devant plusieurs des membres de l’?quipe de tournage qui s’affairaient aux alentours, Jessie entendit un homme tr?s peu discret en jeans et en tee-shirt grommeler que, au moins, maintenant, ils n’auraient pas tous besoin d’aller ? une th?rapie de groupe. Elle fut tent?e de s’arr?ter et de lui demander ce qu’il entendait par l? mais, avant qu’elle ne puisse le faire, Bray parla. – On y est, dit-elle. Ignorant la foule de badauds, elle se baissa pour passer sous le ruban jaune de la police et entra dans le mobile home. Jessie et Trembley la suivirent. Ils se retrouv?rent imm?diatement dans un autre monde. Quand Jessie pensait ? un mobile home, elle imaginait un b?timent fr?le et temporaire avec des parois int?rieures en li?ge et des n?ons. Cet endroit-l? ressemblait ? un studio on?reux. Il contenait tous les ?quipements auxquels elle n’avait pas eu acc?s dans son vieil appartement et qu’il n’y avait pas non plus chez Kat. Le salon avait une jolie causeuse le long d’un mur. En face de la causeuse, il y avait une tr?s grande t?l?vision. Derri?re, au fond du mobile home, il y avait un lit queen size. Le long de l’autre mur, il y avait la cuisine, qui contenait un r?frig?rateur / cong?lateur immense, un four ? micro-ondes, un four et une cuisini?re. Juste de l’autre c?t?, on trouvait une salle de bains ?tonnamment grande avec une douche qui contenait un petit banc int?gr?. Quand Jessie se tourna dans l’autre sens, elle vit un espace maquillage avec son grand miroir et ses lampes int?gr?es. Sur le miroir, un mot ?tait ?crit avec ce qui semblait ?tre du rouge ? l?vres : « Boatwright ». – Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle. – C’est une des choses qu’il fallait que vous voyiez, r?pondit l’inspectrice Bray. – Est-ce que c’est ce que je crois ? demanda Trembley en approchant du miroir. – ?a d?pend de ce que vous croyez, r?pondit Bray. – Je crois que c’est un nom. – Le nom de qui ? demanda Jessie. – Si je devais deviner, je dirais « Miller Boatwright ». Il s’arr?ta comme s’il avait r?solu l’affaire et attendait qu’on le f?licite. – Je ne sais pas qui c’est, dit simplement Jessie. Trembley regarda l’inspectrice Bray, qui semblait tout aussi ?tonn?e par sa remarque. – Ouah, dit Trembley, stup?fait. Quand tu as dit que tu avais rat? quelques ann?es de culture populaire, c’?tait du s?rieux. – J’ai ?t? un peu occup?e, Trembley. Tu vas expliquer ou tu comptes faire des mani?res toute la matin?e ? – D?sol?. Miller Boatwright est un producteur de Hollywood, un des meilleurs de l’industrie cin?matographique. Vous connaissez s?rement Jerry Bruckheimer ou Brian Grazer, n’est-ce pas ? Il a produit quelques-uns des films les plus c?l?bres des vingt derni?res ann?es. – OK, dit Jessie. Dans ce cas, qu’est-ce que ?a signifie ? Est-il producteur pour ce film ? – Je ne sais pas, mais il a ?t? producteur de P?tales et Irritabilit?, le r?le qui a permis ? Corinne Weatherly de devenir c?l?bre. Le casting de ce film est devenu l?gendaire. Weatherly a battu plus de deux cents actrices, dont quelques c?l?brit?s, et a obtenu le r?le principal f?minin. Boatwright l’a d?fendue contre des actrices plus c?l?bres. Le film a finalement ?t? un succ?s ?norme. Weatherly a ?t? nomin?e pour le Golden Globe. C’est gr?ce ? ce film qu’elle a obtenu le r?le principal dans le Maraudeur original qui, selon moi, fait partie des cinq meilleurs films d’horreur de toute l’histoire du cin?ma. – C’est assez int?ressant, convint Bray. – O? veux-tu en venir, Trembley ? demanda Jessie, dont l’exasp?ration montait. – Ce que je veux dire, c’est que, de plus d’une mani?re, Corinne Weatherly doit sa carri?re ? Miller Boatwright. Donc, le fait que son nom soit ?crit sur le miroir de maquillage du mobile home o? elle a ?t? tu?e ne me semble pas ?tre une co?ncidence. Je ne sais pas si Weatherly l’a ?crit ou si c’est le tueur qui l’a fait ou s’il faut consid?rer Boatwright comme un suspect, mais je crois que nous devrions probablement discuter avec ce monsieur. D’ailleurs, son bureau se trouve dans ces studios-l?. – Comment sais-tu ?a ? demanda Jessie. – Je croyais que nous avions compris que j’?tais un passionn? de cin?ma, lui dit-il comme si c’?tait ?vident. – Je pourrais imaginer un autre mot pour ce que tu es, r?pliqua-t-elle. – Quoi qu’il en soit, je pense quand m?me que nous devrions lui parler. – Bien, convint Jessie avant de se retourner vers Bray. Vous avez dit que vous pouviez nous montrer pourquoi il n’y pas de vid?o du moment o? l’on sort Weatherly d’ici. – Exact, dit Bray en hochant la t?te. Voici pourquoi. Elle alla au fond du mobile home et s’agenouilla au pied du grand lit. Ce ne fut qu’? ce moment que Jessie remarqua une marque rectangulaire sur le sol. – C’est la porte coupe-feu, dit Bray. Tous les mobile homes sont ?quip?s d’une porte de ce type au cas o? la porte principale serait inaccessible. Elle ne peut s’ouvrir que de l’int?rieur. Ne vous inqui?tez pas. Nous avons d?j? cherch? s’il y avait des empreintes digitales et de l’ADN. Elle appuya sur un bouton presque invisible situ? sous le lit et la porte se d?verrouilla. Bray retira le verrou et leur fit signe eux de baisser les yeux. Jessie s’approcha et comprit imm?diatement ce qui s’?tait pass?. Sous le mobile home, il y avait une chaussure de femme. Jessie comprit que ce devait ?tre la m?me que celle qu’on avait retrouv?e sur le corps. Il y avait des bouts de tissu, apparemment d’un v?tement d?chir?, sous le mobile home, o? des fils avaient d? ?tre arrach?s quand le meurtrier avait tra?n? sa victime sur le sol. – Donc, elle a ?t? tu?e ici, dit Jessie, puis tra?n?e sous le mobile home jusqu’au studio. C’est pour ?a qu’on n’a pas de vid?o de ce moment. Ai-je bien compris ? – Cela semble s’?tre pass? comme ?a, confirma Bray. – Pourquoi ne l’a-t-il pas laiss?e ici ? demanda Jessie. Pourquoi courir le risque de l’emmener ? un endroit o? on aurait pu les voir ou de rencontrer un probl?me inattendu ? – Je ne connais pas la r?ponse ? cette question mais, quand vous verrez le corps, je crois que vous comprendrez que, quelle qu’en soit la raison, le tueur a tenu ? ce que Weatherly soit retrouv?e o? elle ?tait, dans l’?tat o? elle ?tait. Jessie et Trembley ?chang?rent des regards curieux. – On vous suit, inspectrice, dit Trembley plus calmement que Jessie aurait cru possible. CHAPITRE HUIT Ils examinaient le corps de Corinne Weatherly. Morte, elle ?tait juste une personne ordinaire. L’aura de c?l?brit? dont elle avait b?n?fici? de son vivant avait ?t? effac?e et remplac?e par une peau froide et des yeux vides. Le corps qu’elle avait visiblement essay? d’entretenir avec tant de soin avait commenc? ? se d?liter. Sa peau avait perdu son ?lasticit? et ses membres ?taient rigides. Jessie essaya de prendre ses rep?res dans l’espace caverneux de la salle des accessoires. Trouver une morte dans un entrep?t, ?a avait un c?t? bizarre. Partout o? Jessie regardait, il y avait des faux cadavres et un nombre illimit? de membres s?par?s en latex sanguinolent qui donnaient l’impression qu’on les avait arrach?s ? des torses. Jessie aurait cru ?tre dans un ?tablissement de conditionnement de viande, mais avec de faux humains. Plusieurs torses f?minins « morts » avaient ?t? plac?s en cercle autour de Corinne, au centre de la salle. La m?decin l?giste adjoint se tenait humblement de c?t?, pr?te ? r?cup?rer le corps et ? l’emporter ? la morgue. Selon l’inspectrice Bray, elle attendait depuis une heure, mais on lui avait interdit de bouger le corps tant que les inspecteurs de la SSH ne l’auraient pas examin?. – D?sol?, lui dit Trembley. Nous allons faire vite. Jessie lui fit signe de se rapprocher d’elle. – Ne t’excuse jamais de faire ton travail, marmonna-t-elle ? voix basse. Nous sommes ici pour r?soudre ce meurtre, pas pour h?ter les choses. Si nous avons besoin d’examiner le corps pendant deux heures avant qu’elle ne l’emporte, alors, on les prend, ces foutues deux heures, d’accord ? – D’accord, dit Trembley en rougissant. Je voulais juste ?tre poli. – D?cide quand tu dois ?tre poli. Cette femme qui g?t au sol m?rite qu’on lui fasse justice aussi bien que possible, pas qu’on soit poli. Elle sentait qu’il allait aussi s’excuser aupr?s d’elle et changea de sujet. – Que penses-tu de ?a ? demanda-t-elle en montrant d’un hochement de t?te ce qu’ils avaient imm?diatement remarqu? tous les deux quand on leur avait pr?sent? le corps. Dans la main droite de Weatherly, il y avait une rose blanche. Visiblement, on l’y avait plac?e apr?s la mort de l’actrice. Jessie ne comprenait pas sa signification. Quand elle regarda Trembley, elle constata qu’il avait son id?e. – ?a vient du film P?tales et Irritabilit?, dit-il. – J’ai vu le film, dit Jessie, mais il y a longtemps. Je crois que j’?tais ? l’universit?. Donc, je ne me souviens pas de la rose. Trembley jeta un coup d’?il ? l’inspectrice Bray pour voir si elle voulait expliquer la chose elle-m?me, mais l’inspectrice haussa les ?paules. – Je me souviens qu’un homme lui en donnait une dans le film mais c’est ? peu pr?s tout. Apparemment stup?fait, Trembley leur rappela l’histoire. – Dans le film, elle incarne une femme du nom de Rosie qui poss?de un petit magasin de fleurs. Elle tombe amoureuse d’un mec charmant du nom de Dave qui entre dans le magasin. Cependant, il s’av?re qu’il est un entrepreneur riche qui a achet? le terrain situ? de l’autre c?t? de la rue afin d’y b?tir une ?norme p?pini?re pour sa cha?ne de magasins. Ils finissent par nouer une relation d’amour-haine. – Je me souviens de cette partie, Trembley, dit Jessie. C’?tait surtout un plagiat de Vous avez un message, qui ?tait un plagiat de Rendez-vous. – Je croyais que tu n’aimais pas le cin?ma, dit Trembley, impressionn?. – Je n’ai pas grandi dans un couvent, r?pondit Jessie. Continue. – Eh bien, ? la fin du film, il vient la trouver avec sa fleur pr?f?r?e, une rose blanche, et il la demande en mariage. – Oui, je me souviens, dit Jessie. Donc, tu penses que celui qui a tu? Weatherly voulait que nous ?tablissions ce rapprochement ? – Cela me para?t assez ?vident, dit Trembley. – Peut-?tre trop ?vident, ajouta l’inspectrice Bray. – Peut-?tre, conc?da Trembley, mais, d’une fa?on ou d’une autre, il semble clair que le coupable connaissait le film et le profil du personnage. C’?tait peut-?tre un fan obsessionnel. C’?tait peut-?tre une personne qui avait travaill? sur le tournage du film, mais il semble quand m?me que P?tales et Irritabilit? soit d’une fa?on ou d’une autre li? ? tout ?a. ?a me fait encore plus penser qu’il faut qu’on parle ? Boatwright. – Ce n’est pas faux, dit vaguement Jessie, l’attention d?tourn?e par un petit homme rougeaud qui avan?ait vers eux. Inspectrice Bray, pourriez-vous nous dire qui est ce petit homme en col?re qui vient vers nous ? Bray se retourna et ses ?paules s’affaiss?rent de mani?re visible. – C’est Anton Zyskowski, le r?alisateur. Il y a plus joyeux. Courage. Zyskowski s’arr?ta devant eux et regarda directement Trembley en ignorant enti?rement Jessie. – Vous ?tes l’inspecteur sp?cial ? demanda-t-il de fa?on autoritaire en levant les yeux vers Trembley qui, comme Jessie, le d?passait d’au moins quinze centim?tres. – L’inspecteur sp?cial ? r?p?ta-t-il. – Celui qui s’occupe des affaires sp?ciales, dit le petit homme avec un agacement ?vident. Cette femme dit qu’on ne peut plus tourner tant que l’inspecteur sp?cial n’est pas arriv?. – J’imagine que je suis un des inspecteurs sp?ciaux, conc?da Trembley. Nous formons une ?quipe. – L’?quipe, ?a ne veut rien dire pour moi. J’ai besoin que la personne qui dirige l’enqu?te finisse son travail pour que je puisse recommencer ? tourner. ? chaque heure que nous passons sans tourner, nous perdons de nombreux dollars. Le temps, c’est de l’argent. Jessie se mordit la langue et attendit de voir comment Trembley allait r?agir. L’inspecteur regarda ? nouveau le tout petit homme. Il commen?a ? marmonner quelque chose sur la proc?dure. Jessie ne comprit pas de quoi il s’agissait. Elle douta s?rieusement que le r?alisateur l’ait mieux compris qu’elle. Quand il devint manifeste que Trembley ne s’en sortait pas, Jessie avan?a. Zyskowski lui jeta bri?vement un coup d’?il avant de recommencer ? fixer Trembley d’un air intimidant. – Vous ?tes Anton, n’est-ce pas ? demanda-t-elle poliment. – Mes amis m’appellent Anton, dit-il en la regardant de haut. Qui que vous soyez, vous pouvez dire M. Zyskowski. ? c?t? d’elle, l’inspectrice Bray se crispa. Jessie lui adressa un clin d’?il puis gratifia Anton Zyskowski de son sourire le plus ?clatant et le moins sinc?re. – Je m’appelle Jessie Hunt. Voil? comment ?a va se passer, Anton, dit-elle en mettant fortement l’accent sur son nom. Le temps compte peut-?tre ?norm?ment pour vous, mais savez-vous ce qui compte encore plus pour nous ? C’est le cadavre qui g?t au sol, ? six m?tres de vous. Or, comme ce corps est celui de l’actrice principale de votre film, j’aurais cru qu’il pourrait ?galement compter pour vous. – Bien s?r qu’il compte, r?pliqua-t-il, l?g?rement d?concert? par la r?plique de Jessie. Je n’ai pas dit qu’il ne comptait pas, mais je suis en charge de ce film. Plus de trois cents emplois d?pendent de moi. Je ne peux pas me contenter de pleurer la mort de Corinne. Il faut que je pense aux autres travailleurs. Il faut que je pense ? l’investissement du studio. Ce n’est pas de gaiet? de c?ur que je le dis, mais il faut que je sois fort pour que le travail continue, malgr? cette mort. – Eh bien, Anton, dit Jessie, impassible, le travail devra attendre tant que nous n’aurons pas examin? la sc?ne de crime. Franchement, je suis ?tonn? que vous puissiez m?me continuer sans elle. Elle regarda Anton essayer de se retenir, alors que son visage ?tait pass? du rouge ? une nuance de violet. – Les sc?nes de Corinne ?taient presque termin?es, expliqua-t-il. Pour celles qui restent, nous pourrons utiliser une doublure, ou des images num?riques si n?cessaire. Nous pouvons encore tourner quatre jours sans elle sans probl?me. – Je crains que vous ne puissiez plus travailler dans le studio tant que l’?quipe de la sc?ne de crime ne l’aura pas examin?e, lui d?clara Jessie. Il faut encore que nos agents v?rifient plusieurs endroits au cas o? il s’y trouverait des empreintes digitales et d’autres preuves ?ventuelles. Cela risquera de prendre plusieurs heures suppl?mentaires. Je vous recommande de tourner les sc?nes que vous pouvez terminer ailleurs. Anton donna l’impression que sa t?te allait exploser. – Tous nos d?cors sont l?-bas, protesta-t-il. Je ne peux rien tourner ailleurs. – On n’y peut pas grand-chose, Anton, mais voici ce que je propose : demandez ? votre personnel de donner ? l’inspectrice Bray ici pr?sente une liste compl?te de toutes les personnes qui ?taient sur le plateau de tournage la nuit derni?re. Il faut que nous parlions ? toutes ces personnes. Si elles ne sont pas d?j? ici, faites-les venir. Nous vous donnerons quelques heures. Cela permettra ? l’?quipe de la sc?ne de crime de finir son travail et ? mon coll?gue et ? moi de v?rifier quelques pistes. Quand l’?quipe de la sc?ne de crime aura fini son travail et que nous aurons acc?s ? tous vos travailleurs, vous pourrez recommencer ? tourner. Qu’en dites-vous ? – ?a co?tera des centaines de milliers de dollars au studio, se plaignit Anton, peut-?tre des millions. Jessie haussa aimablement les ?paules. – Dans ce cas, je vous sugg?re de nous emmener tous vos travailleurs pour que nous puissions les interroger. Le plus vous serez pr?par?, le plus vite vous pourrez oublier la mort de votre actrice et reprendre le travail. – Puis-je savoir si vous avez l’autorit? pour ?a ? demanda Anton d’un ton de d?fi. Le sourire que Jessie avait affich? pendant toute leur conversation disparut. – M. Zyskowski – Anton – vous pouvez ?tre certain que, bien que je ne sois pas « inspectrice sp?ciale », je suis incontestablement la personne qui commande cette enqu?te. Je vous conseille fermement de ne pas me faire chier plus longtemps. Donc, rassemblez votre personnel et attendez que nous revenions. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, nous avons du travail. CHAPITRE NEUF Le bureau de Miller Boatwright ?tait de l’autre c?t? des studios, ? dix minutes ? pied. Ils s’y rendirent en laissant l’inspectrice Bray organiser le timing des interrogatoires des com?diens et de l’?quipe de production qui aurait lieu plus tard. Sans Paul le vigile pour leur montrer le chemin, ils se perdirent deux fois mais, finalement, ils trouv?rent le bureau qu’ils cherchaient dans le B?timent Fairbanks, assez pr?s de l? o? ils s’?taient gar?s. Quand ils approch?rent, Trembley toussa l?g?rement d’une mani?re qui sugg?rait qu’il allait aborder un sujet difficile. – Qu’y a-t-il, Trembley ? demanda Jessie, qui ne voulait pas attendre qu’il reprenne courage. – Quoi ? Rien. – Visiblement, il y a quelque chose, insista-t-elle. Dis-le-moi maintenant, qu’on s’en d?barrasse avant de parler ? Boatwright. J’ai besoin que tu sois concentr?. Trembley sembla se battre contre son bon sens puis finit par parler. – C’est juste que tu as l’air extr?mement agressive, sur cette affaire. Je croyais que Decker voulait nous mettre ensemble parce que tu avais plus d’exp?rience avec les affaires tr?s en vue et parce que tu ?tais plus … diplomate. Je crois qu’il s’attendait ? ce que tu flattes l’ego ? tous ces gens, mais on dirait que tu veux les mettre plus bas que terre. – Je crois que tu as assez flatt? de gens pour nous deux, r?pondit-elle d’un ton tranchant. En outre, de mon point de vue, je suis libre. Je ne travaille plus pour la Police de Los Angeles. Sur cette affaire, je ne suis que consultante, donc, je ne suis plus li?e par toute cette bureaucratie. Si quelqu’un se plaint et si Decker n’est pas satisfait de moi, il pourra me virer et ?a me permettra peut-?tre de pr?voir quelques entretiens d’embauche de plus pour devenir enseignante. J’imagine que, pour r?sumer, avec tout ce que j’ai subi ces derniers temps, je n’ai plus la patience de me soucier d’autre chose que de l’affaire. Trembley hocha la t?te. Visiblement, il ne tenait pas ? contester ce point. Ils ?taient presque ? la porte du B?timent Fairbanks. – Je n’ai pas eu l’occasion de te dire, de vraiment te dire, ? quel point je suis d?sol? pour la mort de Garland et pour Ryan. Je sais que tu ?tais proche de Garland et je sais que Ryan compte visiblement beaucoup pour toi. – Merci, Trembley. – Je voulais te demander, sans t’offenser, si tu es s?re d’?tre en s?curit? l? o? tu loges. – Que veux-tu dire ? demanda Jessie en plissant les yeux. – Ne t’?nerve pas, d’accord ? commen?a-t-il. Je sais que tu avais beaucoup de mesures de s?curit? ? ton adresse pr?c?dente. Ryan en avait d?crit la complexit?. De plus, vu les menaces que tu avais subies, elles ?taient logiques. Ton p?re avait essay? de te tuer. Ce tueur en s?rie, Bolton Crutchfield, le voulait aussi. Ensuite, ton ex-mari s’est attaqu? ? toi ? cet endroit-l?. Donc, il ?tait logique que tu prennes toutes ces pr?cautions. – O? veux-tu en venir, Trembley ? demanda-t-elle. – Je voulais juste dire que, m?me si ces menaces sp?cifiques ont disparu, certaines existent encore. Ce policier corrompu que tu as fait arr?ter, Hank Costabile, a ?t? condamn? la semaine derni?re. Je sais qu’il aimerait se venger, peut-?tre en envoyant quelques coll?gues faire le sale boulot quand ils sont hors service. Ensuite, il y a aussi Andrea Robinson, la riche psychopathe qui est devenue ton amie puis a essay? de t’empoisonner quand tu t’es rendu compte qu’elle ?tait une criminelle. Je sais qu’elle est dans un service de psychiatrie p?nitentiaire mais, la derni?re fois que tu es all?e la voir, elle ?tait gravement obs?d?e par ta personne. Si elle s’?vadait d’une fa?on ou d’une autre, qui sait ce dont elle serait capable ? – Tu ne penses pas que je pourrais g?rer ?a moi-m?me ? demanda Jessie sans animosit?. – Si. Tu l’as prouv?. Cependant, je suppose que l’appartement de ton amie d?tective priv?e n’est pas aussi bien ?quip? en mesures de s?curit? que ton adresse pr?c?dente. De plus, m?me si Ryan n’?tait pas officiellement chez toi pour vous prot?ger, toi et Hannah, ?a vous arrangeait d’avoir un policier d?cor? comme colocataire. Je dis seulement que Corinne Weatherly n’est peut-?tre pas la seule qui aurait pu b?n?ficier des services d’un garde du corps. Jessie savait que Trembley essayait seulement de l’aider. Honn?tement, sa s?curit? ?tait encore fragile. De plus, comme son petit ami ?tait ? l’h?pital, comme son mentor avait ?t? assassin? et comme sa s?ur sursautait ? chaque fois que l’on claquait une porte, Trembley n’avait pas tort de sugg?rer qu’elle devrait se prot?ger de mani?re proactive. Elle d?cida de lui r?pondre aimablement. – J’appr?cie ton inqui?tude et tu as raison. Il y a encore des menaces s?rieuses. C’est pour cela que je recherche activement un nouveau logement. Cependant, entre temps, Hannah et moi, nous vivons avec une ex-Ranger de l’arm?e am?ricaine. De plus, j’ai quand m?me appris quelques choses en mati?re d’auto-d?fense ? l’Acad?mie du FBI quand j’ai suivi leur formation. Je crois qu’on se d?brouillera pendant les quelques semaines qui suivront, m?me sans garde du corps, jusqu’? ce que je trouve un logement qui me plaise. – OK, dit Trembley, mais je suis s?r que, si tu le lui demandais, le capitaine Decker enverrait une unit? patrouiller r?guli?rement autour de chez ton amie, m?me si tu n’es plus leur employ?e, officiellement parlant. – J’y penserai, promit Jessie. Entre temps, nous devrions peut-?tre nous concentrer sur ce Boatwright. Y a-t-il quoi que ce soit de sp?cial qu’il faut que je sache avant que nous ne lui parlions ? – Je n’en sais pas plus que le fan de cin?ma de base, r?pondit Trembley, mais ce gars a vraiment une r?putation hors du commun. – Qu’entends-tu par-l? ? – Je veux dire qu’il fait tout en grand. Il fait de grands films. Il a une grande personnalit?. De plus, si les rumeurs sont fond?es, il a aussi un gros app?tit. – Pour la nourriture ? – Pour les femmes, dit Trembley. Il est r?put? pour ses relations avec des actrices. On dit qu’il accorde des r?les en ?change de faveurs sexuelles, mais ce ne sont que des suppositions. Je crois que personne n’a de preuve formelle. J’ai aussi entendu dire qu’il a du charme et que de nombreuses femmes le trouvent attirant. Tu pourras en juger par toi-m?me. – On dirait un vrai charmeur, marmonna Jessie. – Apparemment, c’en est un, m?me si, d’apr?s ce que j’ai lu, il a aussi un caract?re impressionnant. Je crois que, s’il est aussi riche et s’il a aussi bien r?ussi, c’est parce qu’il a pris l’habitude d’imposer sa volont?. – Je n’accepte pas cette attitude, dit fermement Jessie. – Je sais, dit prudemment Trembley, mais ne pourrais-tu pas ?viter une confrontation ouverte avec ce gars ? Si tu l’agaces, il pourrait refuser de nous r?v?ler plusieurs choses qui nous font besoin. En outre, tu es encore en train de te remettre de ton ?paule disloqu?e et de tes br?lures, n’est-ce pas ? – J’ai gu?ri presque enti?rement, dit-elle en essayant de ne pas sourire. Je parie que je pourrais lui filer une bonne racl?e. Trembley eut l’air d?courag?. Jessie eut l’impression qu’elle regardait un petit chien tout triste. – Je rigole, lui assura-t-elle. Je promets que je ne frapperai que s’il m’attaque en premier. Le bureau de Miller Boatwright ?tait ? la fin du couloir au rez-de-chauss?e du B?timent Fairbanks, un immeuble d’appartements converti en bureaux et dont la construction remontait ? 1914, selon une plaque fix?e au mur. La pancarte qui se trouvait sur la porte du bureau de Boatwright indiquait « Harlow Bungalow ». – C’est une r?f?rence ? Jean Harlow, chuchota Trembley en ouvrant la porte, une star des ann?es trente. Jessie, qui savait parfaitement bien qui ?tait Jean Harlow, se contenta de remercier son coll?gue. La porte d’entr?e donnait sur une petite salle d’attente qui rappela ? Jessie celle de sa psychoth?rapeute. L’endroit ?tait ?tonnamment impersonnel, m?me s’il comportait une demi-douzaine de fauteuils en cuir anciens s?par?s par des tables basses en bois d?cor?es avec soin. En face, il y avait une baie vitr?e coulissante en verre d?poli qui faisait elle aussi penser ? un cabinet m?dical. ? c?t?, on voyait une porte en bois apparemment lourde. – Puis-je vous aider ? dit une voix f?minine semblant venir de nulle part. Jessie et Trembley regard?rent autour d’eux pour en trouver l’origine. – Par ici, dit la voix. Il y a une cam?ra dans le mur pr?s de la fen?tre. Trembley avan?a jusqu’? l’endroit indiqu? et regarda la petite cam?ra. Ni lui ni Jessie ne l’avaient remarqu?e jusqu’? pr?sent. – Bonjour, dit-il d’une voix soudain nerveuse. Nous sommes venus parler ? M. Boatwright. Jessie ferma les yeux et se rappela de respirer et de ne pas crier. Elle ne comprenait pas pourquoi Trembley n’avait pas dit qui il ?tait. Elle attendit que la voix le lui demande. – Je suis d?sol?e, mais M. Boatwright ne re?oit pas les gens sans rendez-vous. Sur son site web, Boatwright Films, il y a un num?ro de t?l?phone et une page de messagerie avec des instructions. N’oubliez pas de pr?ciser vos coordonn?es et nous vous r?pondrons si nous sommes int?ress?s. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=63590871&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.