òåíè ñëóæåáíûõ êàáèíåòîâ, ñðåäè áóìàæíîé êàíèòåëè è ëåãêîìûñëåííûõ áåðåòîâ - çàëîæíèêîâ äíåâíîé êàïåëè îòòàÿâøåé âñåãî íà ñóòêè çèìû - ñëó÷àþòñÿ ðîìàíû: è ñòàéêîé âüþòñÿ ìèíè-þáêè, è ìîëîäåþò ìàðüèâàííû. Çíîáèò ñîëèäíûå Ïðèêàçû îò ñóåòû ïå÷àòíûõ êëåðêîâ. Ìíîãîçíà÷èòåëüíûå ôðàçû: «Âîçìîæíî. Æäèòå» - ôåéåðâåðêîì ïîñëåîáåäåííîé äðåìîòû. Çàâàðêîé ïë

L'Anneau des Dragons

L'Anneau des Dragons Morgan Rice Le Temps des Sorciers #4 “Tous les ingr?dients d'un bestseller : ?nigmes, rebondissements, myst?re, preux chevaliers, amours naissants et c?urs bris?s, d?ception et trahison. Des heures de lecture ? tout ?ge. Vivement recommand? pour tous les inconditionnels de fantasy.” . –Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (L'Anneau du Sorcier). “Les pr?mices d'une s?rie prometteuse.” . –San Francisco Book Review (La Qu?te des H?ros). Morgan Rice, auteur du bestseller La Qu?te des H?ros (plus de 1.300 commentaires cinq ?toiles) revient avec une toute nouvelle saga de Fantasy. . L'ANNEAU DES DRAGONS (Le Temps des Sorciers – Tome Quatre). Ravin encercle la capitale. Vars le l?che est devenu Roi, la ville sombre dans le chaos, la ruine est proche, avec les mar?es et murs d’enceinte pour seules protections. Une ultime bataille d?cidera de sa survie ou de sa destruction… Le page connait l’identit? secr?te de l'assassin du roi. La r?v?lera-t-il ? temps, changera-t-il le destin de la cit?? Devin ach?vera-t-il la fameuse ?p?e ? Lenore avouera-t-elle son amour pour Devin ? Greave trouvera-t-il le rem?de pour sauver sa s?ur ? temps ? . Nerra m?nera-t-elle une arm?e de dragons? LE TEMPS DES SORCIERS, une histoire m?lant amour, passion, rivalit? fraternelle ; tr?sors cach?s et malfrats ; moines et mercenaires ; honneur et gloire, trahison, hasard et destin?e. Un r?cit qui vous tiendra en haleine des heures durant, d?couvrez un nouveau monde, tombez sous le charme de protagonistes inoubliables. Tout public… Tome 5 bient?t disponible en pr?commande… “La fantasy tambour battant? Les pr?mices d'une s?rie prometteuse pour jeunes adultes.” . –Midwest Book Review (La Qu?te des H?ros). “Un concentr? d'action? Rice et son style ?blouissant, une ?nigme qui tient en haleine.” . –Publishers Weekly (La Qu?te des H?ros) Morgan Rice L'ANNEAU DES DRAGONS L'ANNEAU DES DRAGONS (LE TEMPS DES SORCIERS – TOME QUATRE) MORGAN RICE Morgan Rice Morgan Rice est bestseller et meilleure autrice d'apr?s USA Today gr?ce ? la s?rie de fantasy L'ANNEAU DU SORCIER, dix-sept tomes ; bestseller avec MEMOIRES D'UN VAMPIRE, douze tomes ; bestseller avec LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes ; la fantasy ROIS ET SORCIERS, six tomes ; la fantasy DE COURONNES ET DE GLOIRE, huit tomes ; la fantasy UN TR?NE POUR DES S?URS, huit tomes ; une nouvelle s?rie de science-fiction, LES CHRONIQUES DE L’INVASION, en quatre tomes ; la fantasy OLIVER BLUE ? L’?COLE DES PROPH?TES, quatre tomes ; la fantasy LE FIL DE L'?P?E, quatre tomes ; et une nouvelle s?rie de fantasy LE TEMPS DES SORCIERS. Les ouvrages de Morgan sont disponibles en livres audio et broch?s et traduits en plus de 25 langues. Morgan adore vous lire, rendez-vous sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/), recevez un livre gratuit et des cadeaux ; t?l?chargez l'application gratuite et recevez des infos en avant-premi?re, connectez-vous sur Facebook et Twitter, restons en contact ! Morgan Rice – Critiques “Vous pensiez en avoir termin? avec la s?rie L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. D?couvrez LE REVEIL DES DRAGONS, la nouvelle saga prometteuse de Morgan Rice, laissez-vous entra?ner au pays des trolls et dragons, o? sens des valeurs, honneur, courage, magie et destin?e r?gnent en ma?tre. Les personnages de Morgan nous envo?tent au fil des pages … vivement recommand? pour tous les inconditionnels de fantasy.”     --Books and Movie Reviews     Roberto Mattos “Un m?lange de fantasy et d'action qui s?duira les lecteurs de Morgan Rice et Christopher Paolini, auteur de L'HERITAGE … Les fans de fictions pour jeunes adultes vont litt?ralement d?vorer le dernier opus de Rice.”     --The Wanderer, A Literary Journal (Le R?veil des Dragons) “Un ouvrage de fantasy de haut vol m?lant complot et myst?re. La Qu?te des H?ros aborde les th?mes du courage et du succ?s, l'?ge adulte, la maturit?, l'excellence … R?serv? aux fans de fantasy, les protagonistes m?lent astuces et sc?nes d'action, abordant le passage du jeune Thor ? l'?ge adulte, une vie plac?e sous le signe de la chance …. pr?mices d'une s?rie prometteuse pour jeunes adultes.”     --Midwest Book Review (D. Donovan, eBook Reviewer) “L'ANNEAU DU SORCIER comporte tous les ingr?dients d'une recette ? succ?s : intrigues, complots, myst?res, preux chevaliers, amours naissantes et c?urs bris?s, d?ception et trahison. Des heures de lecture, ? tout ?ge. Chaudement recommand? pour tous les amoureux de fantasy.”     --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos “Avec ce premier tome "action" de la s?rie de fantasy L'Anneau du Sorcier (14 tomes), Rice nous pr?sente le jeune Thorgrin "Thor" McLeod, qui, ? 14 ans, r?ve d'int?grer la prestigieuse L?gion d'Argent, les chevaliers d'?lite du roi …. Une prose et une intrigue riches en rebondissements, Rice en majest?.”     --Publishers Weekly Livres par Morgan Rice LE TEMPS DES SORCIERS LE ROYAUME DES DRAGONS (Tome 1) LE TR?NE DES DRAGONS (Tome 2) LE FILS DES DRAGONS (Tome 3) L'ANNEAU DES DRAGONS (Tome 4) OLIVER BLUE A L’ECOLE DES PROPH?TES LA FABRIQUE MAGIQUE (Tome 1) L’ORBE DE KANDRA (Tome 2) LES OBSIDIENNES (Tome 3) LE SCEPTRE DE FEU (Tome 4) LES CHRONIQUES DE L’INVASION ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome 1) ARRIV?E (Tome 2) ASCENSION (Tome 3) RETOUR (Tome 4) LE FIL DE L’?P?E LES PLUS M?RITANTS (Tome 1) LES PLUS VAILLANTS (Tome 2) LES DESTIN?S (Tome 3) LES PLUS T?M?RAIRES (Tome 4) UN TR?NE POUR DES S?URS UN TR?NE POUR DES S?URS (Tome 1) UNE COUR DE VOLEURS (Tome 2) UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome 3) UN CHANT FUN?BRE POUR DES PRINCES (Tome 4) UN JOYAU POUR LA COUR (Tome 5) UN BAISER POUR DES REINES (Tome 6) UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome 7) UNE ?TREINTE POUR DES H?RITI?RES (Tome 8) DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (Tome 1) CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE (Tome 2) CHEVALIER, H?RITIER, PRINCE (Tome 3) REBELLE, PION, ROI (Tome 4) SOLDAT, FR?RE, SORCIER (Tome 5) H?RO?NE, TRA?TRESSE, FILLE (Tome 6) SOUVERAIN, RIVALE, EXIL?E (Tome 7) VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome 8) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome 1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome 2) LE POIDS DE L’HONNEUR (Tome 3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome 4) UN ROYAUME D’OMBRES (Tome 5) LA NUIT DES BRAVES (Tome 6) ROIS ET SORCIERS : NOUVELLE L’ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome 1) LA MARCHE DES ROIS (Tome 2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3) UN CRI D’HONNEUR (Tome 4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5) UN PRIX DE COURAGE (Tome 6) UN RITE D’?P?ES (Tome 7) UNE CONCESSION D’ARMES (Tome 8) UN CIEL ENSORCELE (Tome 9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10) UN R?GNE DE FER (Tome 11) UNE TERRE DE FEU (Tome 12) UNE LOI DE REINES (Tome 13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome 14) UN R?VE DE MORTELS (Tome 15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16) LE DON DU COMBAT (Tome 17) TRILOGIE DES RESCAP?S ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Tome 1) DEUXIEME ARENE (Tome 2) AR?NE TROIS (Tome 3) LES VAMPIRES D?CHUS AVANT L’AUBE (Tome 1) MEMOIRES D'UN VAMPIRE TRANSFORMATION (Tome 1) ADORATION (Tome 2) TRAHISON (Tome 3) PREDESTINATION (Tome 4) D?SIR (Tome 5) FIAN?AILLES (Tome 6) SERMENT (Tome 7) TROUV?E (Tome 8) REN?E (Tome 9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome 10) SOUMISE AU DESTIN (Tome 11) OBSESSION (Tome 12) Connaissez-vous tous mes ouvrages ? Cliquez et t?l?chargez les premiers ?pisodes ! Des livres gratuits ? Inscrivez-vous ? la mailing-list de Morgan Rice et recevez 4 livres gratuits, 3 cartes gratuites, 1 application gratuite, 1 jeu gratuit, 1 livre audio gratuit et des cadeaux exclusifs ! Rendez-vous sur  www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) Copyright © 2020 by Morgan Rice. Tous droits r?serv?s. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise par quelque moyen que ce soit, stock?e sur une base de donn?es ou stockage de donn?es sans permission pr?alable de l'auteur. Cet ebook est destin? ? un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut ?tre vendu ou c?d? ? des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ce livre n'a pas ?t? achet? pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, personnages, soci?t?s, organisations, lieux, ?v?nements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilis?s en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou d?c?d?es, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright kevron2001 sous licence istockphoto.com. CHAPITRE UN Ma?tre Grey dominait Royalsport, bras ?cart?s, contenant la mar?e des affluents de la ville ? un niveau anormalement haut, le poids immense de ce qui ?tait en train de se passer commen?ait ? lui peser. Il savait que tout cela finirait par arriver, qu'il y aurait de nombreux morts, mais la r?alit? ?tait pire, bien pire. Une perle de sueur coula le long de son visage alors qu'il regardait la ville en contrebas, l'obscurit? ne constituant pas le moindre obstacle. Il avait appris ce secret voil? fort longtemps. Il contemplait Royalsport s'?tendre plus bas, morcel?e en quartiers s?par?s par le flot imp?tueux, chacun d'eux formant d?sormais un ?lot ? part enti?re. Des centaines, voire des milliers d'hommes grouillaient parmi ces ?les, des troupes arboraient le rouge et le violet du Roi Ravin. Sa magie avait eu le m?rite de les scinder en groupes distincts, ce qui signifiait que la majeure partie des forces ?tait toujours pi?g?e ? la p?riph?rie de la ville, il ne pouvait faire gu?re plus que former un goulet d’?tranglement au niveau des issues de Royalsport. Un autre groupe se trouvait dans le quartier o? la Maison des Armes crachait comme ? l'accoutum?e sa fum?e et ses flammes malgr? l'obscurit?, mais ses forges ?taient d?sormais silencieuses, les hommes qui y ?uvraient habituellement avaient uni leurs forces pour sa d?fense. D'autres groupes s'?taient d?vers?s dans les autres quartiers, autour des Maisons des Lettr?s, des Marchands et des Plaisirs. Ils feraient moins de d?g?ts coup?s les uns des autres, mais le mal qu’ils pouvaient faire ?tait encore bien pr?sent, d’autant plus apr?s avoir vu tant des leurs emport?s. Cette id?e arracha une grimace ? Ma?tre Grey ; combien de vies avait-il pris cette nuit-l?, en tombant et en se fracassant le long des berges, en se noyant dans les profondeurs ? Quel que soit le nombre, le sorcier gardait en lui le compte de tous ces visages, il savait au fond de lui qu'il lui faudrait payer un jour. Tout vient ? point qui sait attendre. Tout ?a, pour les emp?cher de se pr?cipiter au ch?teau et massacrer ceux qui s'y trouvaient, lorsque les soldats avaient c?d? ? leur soif de sang. En cela, au moins, Ma?tre Grey avait r?ussi. Il pouvait voir ? ses pieds la troupe men?e par le Roi Ravin pi?g?e dans le quartier noble pr?s du ch?teau, incapable de progresser. Ma?tre Grey souhaitait simplement, en son for int?rieur, tendre la main et faire en sorte que sa magie arr?te purement et simplement le c?ur de cet homme. Cela lui ?pargnerait bien des souffrances ? venir, mais mettrait trop de choses en branle. Il devait se persuader que les faits qui se produisaient ?taient d?j? bien assez, parvenir ? toucher les personnes concern?es ?tait tout ce qu'il esp?rait. Quoiqu’il en soit, faire usage de la magie pour atteindre son but montait forc?ment ? la t?te du commun des mortels. Il ne faisait pas partie des Forces Obscures pour passer outre l'?quilibre naturel et devenir peu ? peu encore plus perverti. Il travaillait avec cet ?quilibre, c'est ce qui lui conf?rait du pouvoir. Comme pour lui rappeler les limites de ce pouvoir, Ma?tre Grey constata que ses mains tremblaient, mais il parvint ? maintenir le sortil?ge, son esprit maintenait en place tous les liens t?nus n?cessaires ? la connexion, et ainsi d?tourner l'eau de son cours habituel. Chaque seconde ?coul?e laissait le temps ? ceux qui se trouvaient au ch?teau de se pr?parer davantage, afin que les ?v?nements puissent progresser dans les voies qui leur ?taient conf?r?es. Ma?tre Grey songea ? Devin parti recueillir les fragments de l'?p?e inachev?e ; ? Erin, qui combattait en bas dans les ruelles ; aux individus qui n'avaient pas encore jou? leur r?le dans cette affaire. Pour l'instant, son r?le ?tait simple : il devait s'accrocher. Mais cela devenait de plus en plus difficile seconde apr?s seconde, minute apr?s minute. Il ?chouerait t?t ou tard, et alors… alors un d?ferlement de violence s’ensuivrait. * Le Roi Ravin contemplait fixement la tour ? l’extr?mit? du ch?teau. Le sorcier se tenait l?, au sommet, pendant un instant, Ravin sembla persuad? que l'homme regardait dans sa direction. Parfait ; qu'il voie l'ennemi venir ? lui, tous combien ils ?taient. Autour de lui, les ?difices du quartier ais? se tenaient dans le calme et l'obscurit?, les habitants ? l'int?rieur trop effray?s pour sortir dans les rues. Ils avaient de bonnes raisons d'avoir peur : autour de Ravin, les cadavres de ceux qui s'?taient oppos?s ? lui gisaient, d?bit?s en morceaux, morts. Les soldats ennemis avaient essay? de bloquer leur progression dans le quartier, mais seuls ses propres hommes se tenaient l? d?sormais. Ils avaient pris possession des rues, les hommes attendaient ses ordres en silence. "Qu'attendez-vous de nous, mon roi ?" demanda un de ses officiers. "Poursuivons-nous jusqu'au ch?teau ?" Ravin r?fl?chit ; il savait que certains de ses hommes se jetteraient ? coup s?r dans l'eau des douves du ch?teau s'il leur en donnait l'ordre, peut-?tre l'aurait-il envisag? s'il avait dispos? de toutes ses forces sur place, le foss? aurait ?t? comble, par le poids du nombre. Mais il n'en avait que quelques-uns sous la main, et il n'en avait pas besoin de toute fa?on. Ravin n'?tait pas un mage mais il avait appris ? conna?tre la magie et ses limites, de la m?me fa?on qu'il avait appris ? conna?tre toutes les autres armes auxquelles un roi pouvait avoir acc?s. Ma?tre Grey ?tait sans aucun doute puissant, mais il n’?tait qu’un homme et avait par cons?quent ses limites. "Le sortil?ge finira par se briser," dit Ravin d’une voix calme, montrant par la m?me ? ses troupes que ce revers n'?tait pas un probl?me. "Occupez-vous de relier les quartiers entre eux. Jetez des cordes entre les maisons afin que les hommes puissent grimper et transmettre des messages. Contactez les troupes dont nous disposons dans chaque quartier." "Oui, mon roi," r?pondit l'homme, il opina du chef ? l’adresse de certains des hommes pr?sents et les envoya bien vite ex?cuter les ordres. Ravin r?fl?chit ? ce que le magicien essayait de faire. Pour un autre homme, cela aurait pu sembler ?vident : prendre les troupes ? revers, faire en sorte que les d?fenseurs les disloquent. Mais cela n'avait aucun sens pour Ravin. Il n'y avait plus assez de troupes pr?sentes dans la cit? pour que ce stratag?me fonctionne. Tout ce qui risquait de se produire se bornerait au contraire ? ralentir l'invasion. Quoi d'autre, alors ? L'homme esp?rait peut-?tre que Ravin paniquerait et se retire, ? moins qu’il esp?re que les d?fenseurs soient suffisamment pr?par?s pour que le ch?teau tienne assez longtemps. Peut-?tre que sa seule pr?occupation ?tait de prot?ger le ch?teau. Tout le monde n’?tait pas aussi vers? en mati?re de strat?gie que Ravin, peut-?tre pas m?me les sorciers. Sa strat?gie aurait peut-?tre fonctionn? si Ravin ne s'?tait pas pr?par? aussi soigneusement, ou s'il avait ?t? un commandant moins patient. Elle aurait peut-?tre fonctionn? si Ravin n'avait pas quitt? le lit du cours d’eau ? temps. Lorsqu'on se bat pour le tr?ne, tuer l'homme qui cherche ? porter la couronne est un moyen efficace de gagner. Ravin ne le lui pardonnerait pas. Le sorcier mourrait pour avoir voulu attenter ? sa vie. Mais patience. "Dispersez-vous," dit-il aux autres. "Que l'un de vous trouve un point culminant et se signale aux autres ? l'aide de sa torche. Dites au reste des hommes de faire de m?me. Je veux qu'ils prennent la ville, qu'elle nous appartienne. Etouffez la moindre r?sistance dans l’?uf, tout individu dans les rues est une proie facile, mais ne saccagez pas plus que n?cessaire." "O? serez-vous, Votre Majest? ?" demanda l'officier. "Suivez-moi." Ravin choisit une maison bourgeoise au hasard, avec une porte ?l?gamment ouvrag?e entour?e de pierres, des plantes qui poussaient au niveau des fen?tres descendaient telles des larmes en hommage aux morts de la cit?. Il s'approcha de la porte et frappa du poing. Evidemment, seul le silence lui r?pondit. Ravin donna un coup de botte dans la porte, brisant les verrous du premier coup qui la retenaient. Il p?n?tra dans un couloir o? ?taient accroch?s des tableaux repr?sentant les nombreux portraits de ce qu'il supposa ?tre la longue lign?e des anc?tres du propri?taire. Ravin les contemplait lorsqu'un homme s'approcha dans la p?nombre, se pr?cipita sur lui l'?p?e brandie. Ravin le frappa au niveau des c?tes et planta son ?p?e dans la poitrine de l'homme, qui s'?croula ? terre aux pieds de Ravin. "Vous seriez toujours de ce monde si vous ?tiez parti," lui dit-il. Il traversa la maison et arriva dans une cuisine en suivant l’unique et faible lueur disponible. Il poussa la porte et trouva une femme et ce qu'il supposa ses filles blotties au fond de la cuisine, ainsi que quelques domestiques. Elles se blottirent pr?s du feu, essayant d'utiliser une grande table en bois renvers?e sur le c?t? en guise de barricade. Des serviteurs arm?s de couteaux s'avanc?rent, comme d?sireux de se battre. Ravin leva son ?p?e, la lame encore humide du sang de l'homme qui l'avait approch?. "Croyez-vous ?tre vraiment en mesure de me battre ?" demanda-t-il. "Je suis Ravin, Roi des Trois Royaumes, votre souverain l?gitime. Agenouillez-vous, ou vous mourrez." Il mit toute la force de son commandement dans sa voix, il vit les hommes p?lir lorsqu’ils comprirent l'importance de l’homme qui se tenait devant eux. L'un d'entre eux l?cha son couteau au sol, mais l'autre fut plus lent. Ravin perdit patience et planta son ?p?e dans la poitrine de l’homme, ignorant les cris des femmes alentour. Ravin lui donna un coup de pied qui le fit basculer en arri?re, avant de remettre la table sur ses pieds. Il prit une chaise qu’il pla?a devant la table et y d?posa son ?p?e ensanglant?e. Il regarda ses hommes qui l'avaient suivi. "Je reste l?. Faites votre devoir." Ils se mirent en route, seuls deux d'entre eux rest?rent pour faire office de gardes du corps. Ravin assis l?, examinaient ceux pr?sents dans la pi?ce. Ils ?taient tous ? genoux et le regardaient avec une terreur ?vidente. "Qu’on m'apporte du vin. Quant aux autres, comprenez-moi bien : tout ce que vous croyez ?tre ? vous m’appartient d?sormais – votre argent, vos biens, vous-m?mes. Cette cit?, tout ce royaume, m’appartient." D?s que le sortil?ge du mage serait rompu du moins. CHAPITRE DEUX Le grand salon du ch?teau bourdonnait comme une ruche, les tapis carr?s ?taient envahis par des gens qui se pressaient d’accomplir tout et n'importe quoi, les hauts murs de pierre r?sonnaient de leurs conversations alors qu'ils essayaient de voir comment se rendre utiles pour la suite des ?v?nements. Cela rappelait en quelque sorte ? Lenore l'activit? d?bordante des semaines pr?c?dant son mariage, lorsque tout le ch?teau r?sonnait de festivit?s, mais la situation n’avait plus rien de l?ger ni joyeux. Certaines banni?res jadis suspendues aux murs avaient ?t? d?croch?es, les nobles se disputaient pour savoir s'il fallait les couper pour en faire des bandages de fortune, tandis que le tr?ne demeurait vacant, sans aucun signe de Vars pour y prendre place, l'homme qui aurait d? s'y asseoir ?tant mort. Cette pens?e emplit Lenore de chagrin, mais elle devait faire semblant de garder son calme, demeurer le noyau immobile autour duquel les autres gravitaient. Ils avaient besoin de quelqu'un qui se ma?trisait, qui gardait son sang-froid, qui r?fl?chissait quand eux se contentaient simplement d’agir ; ils avaient besoin d'une princesse, ce qui signifiait que Lenore jouait le r?le auquel elle s'?tait pr?par?e toute sa vie durant. "Non, ne vous contentez pas de barricader la porte du grand salon donnant sur l’ext?rieur ; clouez-la." "Mais o? trouver des clous ?" demanda un noble. Lenore ne retira aucun plaisir du fait qu'il lui demande des instructions alors qu’il la percevait voil? encore un jour ou deux comme un bel objet inutile. "Je ne sais pas. Cherchez dans les r?serves du ch?teau s'il le faut," r?pondit Lenore. "Ex?cution." L'homme s’?loigna sans poser de questions. Beaucoup de ceux pr?sents agissaient sans remettre ses instructions en doute. Lenore soup?onnait que c’?tait li? au fait qu’elle soit la s?ur du nouveau roi et la femme du fils du Duc Viris. A moins que les gens veuillent simplement que quelqu'un leur dise quoi faire en p?riode de crise. Lenore aurait tellement souhait? qu'il y ait quelqu'un qui puisse lui dire quoi faire. Elle n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Une arm?e compos?e d’hommes semblables ? ceux qui l'avaient kidnapp?e avait envahi la cit?. Les Chevaliers d’Argent ?taient partis, ainsi que la plupart des soldats. Comment pourraient-ils r?sister ? Et si le ch?teau tombait entre leurs mains ? Ils p?riraient donc tous ? Ce n'?tait pas le pire que puisse imaginer Lenore, au vu des horreurs subies par certaines de ses servantes pendant l'enl?vement. Elle n'avait ?t? impliqu?e que dans une seule et unique bataille terrifiante, mais que se passerait-il si toute une horde de soldats incontr?lables faisait irruption dans le ch?teau ? Sans parler du Roi Ravin, le commanditaire de son enl?vement, le responsable de la mort de son fr?re et son p?re. Lenore avait entendu parler de sa cruaut?, des histoires toutes plus ?c?urantes les unes que les autres. La peur s’emparait d’elle rien qu'en y pensant. "Votre Altesse," demanda un serviteur. "D?sirez-vous que l’on apporte les armes de l'armurerie ?" Lenore r?fl?chit ? ses troupes potentielles. Des serviteurs qui n'avaient probablement jamais tenu une ?p?e de leur vie. Une nu?e de nobles, dont beaucoup ?g?s, pour la plupart aussi effray?s que Lenore. Mieux valait peut-?tre essayer de se battre malgr? tout. Une mort rapide serait la meilleure option. "Allez chercher un maximum de gens." Elle d?signa un autre serviteur. "Accompagnez-le." "Oui, Votre Altesse." Lenore continua d’organiser la d?fense du ch?teau, s’adressant tour ? tour aux serviteurs et aux nobles. "Vous, prenez qui vous voulez et allez me chercher le plus d’huile possible en cuisine. Apportez-la ? la maison du garde et commencez ? la chauffer, afin qu’elle soit pr?te ? ?tre vers?e. Vous, fermez les portes et baissez la herse." "Et ceux encore dans la cit? ?" demanda l'homme. Le c?ur de Lenore se brisa face ? sa question, et la r?ponse qu'elle ne voulait pas lui donner. "Ils… ils n'ont aucune chance de s’en sortir ? mar?e haute. Si nous les voyons revenir, nous pouvons… nous lancerons des cordes." Elle ne lui dit pas que les chances de les voir revenir ?taient infimes ; elle n'y songea pas, parce qu'Erin et son ?trange moine ?taient toujours l?, ? combattre l'ennemi. Ils ?taient peut-?tre m?me plus en s?curit? ? l’ext?rieur qu'au sein du ch?teau, cela signifiait qu'ils auraient une chance de se cacher et s'enfuir le moment venu. Non pas qu'Erin s'enfuirait de gaiet? de c?ur, mais peut-?tre que Odd l'y obligerait. Lenore regarda autour d'elle, sachant qu'elle et les autres n'auraient aucune chance de s'?chapper. Leur seul espoir consistait ? essayer de prot?ger le ch?teau, mais ils ?taient bien trop peu nombreux en v?rit?. Elle pourrait donner une lance ? chaque serviteur, insister pour que chaque noble prenne place sur la muraille pour tenter de repousser la mar?e montante que ce ne serait toujours pas suffisant. Les t?ches qu'elle leur assignait ?taient davantage dues au fait qu'elle savait qu'ils devaient se sentir utiles en pareil moment, et non parce qu'elle imaginait que ce soit vraiment efficace lorsque l'arm?e du Roi Ravin surgirait. Avoir quelques notions de strat?gie se serait peut-?tre av?r? plus efficace. A vrai dire, ses ordres n’?taient que les r?miniscences de ses jeux avec Erin, qui insistait ? jouer ? d?fendre le ch?teau contre des ennemis imaginaires lorsqu’elles ?taient enfants, ou parce que Rodry ou leur p?re racontaient des histoires sur la fa?on dont ils avaient combattu tel ou tel ennemi. Certaines de ces histoires lui avaient sembl? vraies, nombre d'entre elles invent?es. Elle souhaitait, pour la centi?me fois, qu’un autre prenne les choses en main. Vars ?tait cens? ?tre roi maintenant, mais il n'?tait pas l? pour donner ses ordres. Rodry et son p?re ?taient tous les deux morts, morts au moment o? leurs comp?tences en l’art de la guerre auraient ?t? les plus utiles. Erin ?tait dans la cit? et faisait de son mieux l? o? elle pouvait apporter son aide. Lenore comprenait mais savait qu'avec si peu de troupes, lutter et combattre dans la cit? valait mieux qu'attendre au ch?teau, elle aurait tant voulu que sa s?ur soit ? ses c?t?s. Lenore se trouva m?me ? souhaiter la pr?sence Finnal, m?me si elle ne savait que penser de son mari. ?tait-il l'homme bon qu'il incarnait parfois, ou un individu cruel ? Dans les contes, ce serait le moment o? il accourrait prendre la situation en main et prouverait ? Lenore combien il l'aimait. Mais aucun signe de lui. ?uvrait-il ? la d?fense de la cit? ? Mais plus encore que Finnal, Lenore se trouva ? souhaiter la pr?sence de Devin. Il ?tait intelligent et gentil, elle se sentait… en s?curit? d?s qu'elle pensait ? lui. S'il avait ?t? pr?sent, il aurait peut-?tre pu lancer un sortil?ge appris de Ma?tre Grey, un sort de protection. Lenore se languissait de sa pr?sence plus encore que celle de son mari. Mieux valait peut-?tre qu’il ne soit pas l?. Mieux valait peut-?tre qu'il soit parti de par le vaste monde, charg? d’une ?trange mission confi?e par le sorcier. Il y serait peut-?tre plus en s?curit?. Certainement plus en s?curit? que ne l'?tait Lenore. Lenore ?tait perdue dans ses pens?es lorsque sa m?re entra dans la pi?ce. Sa d?marche assur?e attira d'abord son attention ; la Reine Aethe avait arpent? le ch?teau durant de nombreux jours tel un ?tre bris?, an?anti. Aujourd'hui, et bien que toujours v?tue de noir en signe de deuil, elle fit irruption au centre de la pi?ce tel un g?n?ral, avec un air de commandement. "Qui s'en occupe ?" demanda-t-elle. Tous les regards se tourn?rent vers Lenore. "Je crois … je crois bien que c'est moi, M?re," r?pondit Lenore. Sa m?re posa sa main sur son ?paule. "Tu ne devrais pas t’en occuper seule. Vous," dit-elle, en d?signant un noble. "Pourquoi rester les bras crois?s ? Rendez-vous utile, ne serait-ce que d?couper ces banni?res pour en faire des bandages." Elle avait ?videmment remarqu? ce que Lenore avait imagin?, bien qu'elle n'ait pas ?t? l? au moment voulu. "Mais les banni?res sont frapp?es du sceau royal." "Pensez-vous que mon mari se souciait plus des banni?res, ou des gens qui les portaient ?" La Reine Aethe r?torqua "Je suis l’?pouse d'un roi et la belle-m?re d'un autre. Si un homme se vidait de son sang parce que nous n'avons pas suffisamment de bandages, je vous en tiendrai responsable." Le noble se d?p?cha de s'atteler ? la t?che. Lenore ne pouvait s’emp?cher de d?visager sa m?re. "J'essaie de faire en sorte qu’ils se bougent, mais en vain," dit-elle. "Oui, ils sont habitu?s ? ma s?v?rit?," dit La Reine Aethe. Elle regarda Lenore dans les yeux. "J'ai ?t? dure avec toi ? propos de Finnal. Une m?re doit ?tre l? pour sa fille, et pas seulement quand elle fait ce qu'elle pense devoir faire." La derni?re fois qu'elles s’?taient parl?es, sa m?re n'avait pas ?cout?, d?versant son chagrin sur Lenore comme si ses propres difficult?s ne comptaient pas face aux siennes, Lenore ne s'y attendait pas le moins du monde. "Merci," dit Lenore en posant sa main sur celle de sa m?re. "Tu ne devrais pas avoir ? me remercier de me comporter en tant que m?re. Tu avais raison l’autre fois, quand tu m'as dit qu'il y avait plus grave au monde que mon chagrin." "Je suis d?sol?e," d?clara Lenore. "Je me suis montr?e dure. P?re me manque aussi." "Je sais mais tu avais raison. Il y a des choses plus importantes. Son royaume, notre royaume est en danger, et je ne resterai pas les bras crois?s. Je ferai le n?cessaire pour le prot?ger, et vous aussi. Tout, quoi qu’il arrive." CHAPITRE TROIS Erin s’accroupit au sommet d'un mur et regarda passer trois soldats du Roi Ravin d’un air m?prisant. Ils ne pouvaient pas la voir dans la p?nombre du petit jour, et c'?tait probablement aussi bien. Erin ne s'?tait jamais beaucoup pr?occup?e de son apparence, elle portait toujours ses cheveux noirs coup?s courts pour ne pas qu’ils la g?nent, des tuniques et des hauts-de-chausse au lieu de robes autant que faire se peut. Mais maintenant, elle ressemblait ? un monstre. Son armure n’?tait pas seulement couverte de sang ni bossel?e par les coups ennemis. De la salet? soigneusement ?tal?e maculait son visage et son armure, afin de se fondre dans l'obscurit?. Mais son ressenti ?tait plus pr?gnant encore que son apparence. Odd avait peut-?tre pass? son temps ? essayer de lui apprendre ? se battre sereinement, Erin n’?prouvait que de la rage en pareil moment, contre ces hommes qui avaient envahi sa demeure. Elle sauta du mur, hurlant sa col?re tout en maniant sa lance qu’elle plongea dans le premier des trois soldats. Un sang neuf ?mailla la patine de son armure, jaillit au fur et ? mesure qu'elle empalait son adversaire. Elle chuta lourdement et se remit sur pied, abandonnant momentan?ment sa lance au profit de deux longs couteaux qu’elle tint dans ses mains. Les deux soldats restants firent alors volte-face mais trop lentement, encore sous le choc de l'attaque, Erin ?tait proche du second qu’elle poignarda de ses deux courtes dagues, trop pr?s pour qu'il puisse utiliser son ?p?e. Elle fit en sorte que l’homme mourant reste entre elle et le troisi?me, usant de lui tel un bouclier qui arr?ta un coup de hache. Elle laissa tomber son ennemi d?j? mort, entra?nant la hache de son camarade avec lui, il s'av?ra que ce dernier l’avait enroul?e ? son poignet ? l’aide d’une corde pour ne pas la perdre au beau milieu de la bataille. Il ?tait pench? et ? d?couvert lorsqu'Erin s'avan?a et le poignarda dans le cou. Combien ?taient-ils d?sormais ? Erin avait essay? de les compter ? la nuit tomb?e, avait m?me essay? d'en faire un jeu, avec les hommes qui la suivaient. Mais elle avait d?sormais perdu le compte ; ils ?taient bien trop nombreux. On ?tait loin des jeux de chevaliers auxquels elle jouait avec Rodry ?tant enfant, lorsqu’elle parvenait ? le persuader ; on ?tait tr?s loin de la violence nette et sans bavure dont elle avait fait preuve dans le village tomb? aux mains des mercenaires de Ravin, avec Sire Til et Sire Fenir. Ce genre de combat demandait du cran, passer d’une maison ? l’autre, frapper et s’enfuir, tuer et vite partir s’embusquer. Erin mit un pied sur le dos du premier soldat et tira pour r?cup?rer sa lance, qu’elle extirpa dans un horrible bruit mouill?. Elle nettoyait le sang quand elle entendit des bruits de bottes et vit une vingtaine de soldats de Ravin ?clair?s par des lampes, qui approchaient rapidement. "Bon sang," jura-t-elle avant de d?taler. La troupe pressait l’allure derri?re Erin, elle se mit ? courir, tournant ? gauche puis ? droite, Erin esp?rait conna?tre les rues de Royalsport aussi bien qu'elle l’imaginait. Oui, elle se trouvait dans la Rue des Potiers, la rue o? on jetait les reliquats d'argile en temps ordinaire. Erin savait o? elle se trouvait. Cela ne la rassura gu?re. Un carreau d'arbal?te effleura son ?paule, elle partit en zizaguant, histoire de ne pas repr?senter une cible immobile pour l'ennemi. Elle sauta par-dessus une pile de bo?tes, entendit des individus les percuter derri?re elle et piqua un sprint pour les devancer. Elle ?tait fatigu?e, et pas seulement ? force de courir. Elle souffrait d'une douzaine de petites blessures suite aux combats survenus plus t?t au cours de la nuit. Elle ?tait ?veill?e depuis un nombre d'heures incalculable, sans compter la violence sans fin et ?tourdissante, des hommes mouraient autour d'elle ? chaque pas, amis et ennemis sans distinction aucune. L'effervescence de la bataille poussait Erin ? avancer, elle tourna dans une cour d?gageant des relents de tannerie, la puanteur assaillit ses narines plus grandement encore que l’odeur du sang. La cour donnait bien ?videmment dans une impasse, elle fit volte-face, aux abois, regarda les soldats arriver, ils se d?pla?aient plus lentement en r?alisant qu'elle n'avait nulle part o? aller. "A l’assaut !" cria-t-elle. Les hommes embusqu?s sur les toits ?taient en vue, arm?s d’arcs et d'arbal?tes, de lances et m?me de pierres. Le blocus commen?a, ils tiraient sur l'ennemi encercl?, d'aucuns se mirent en retrait, pr?ts ? couper toute possibilit? de fuite. Dans un effort pour se lib?rer, l'un des hommes se pr?cipita sur Erin, ?p?e en main. Erin esquiva sur le c?t? de justesse, lui enfon?a sa lance dans le ventre alors m?me qu'il manquait sa cible. Ses hommes leur tomb?rent dessus, poursuivant leur attaque initiale par la violence des ?p?es, des massues et des haches. Ils assaillirent les soldats du Royaume du Sud, les tuant l'un apr?s l'autre, mais pas sans perte. Erin vit le serviteur d’un noble qui l'avaient accompagn?e se faire transpercer par une courte ?p?e, la t?te d'un garde ?clater sous le poids d'une masse. Erin tressaillait chaque fois qu'elle voyait un des siens tomber, comme si on meurtrissait sa propre chair. Mais elle savait que tel ?tait le prix ? payer lorsqu’on donnait des ordres ; elle ne pouvait pas assurer la s?curit? de tous ses suivants. Tout ce qu'elle pouvait faire, c'?tait esp?rer que le plus d’ennemis possibles vengent leurs propres morts. Le combat dans la cour fut rapide et brutal, les soldats du Roi Ravin furent d?cim?s en moins d'une minute. Erin et ses hommes ne rest?rent pas pour autant dans les environs, d?j?, d'autres arrivaient. Il en arrivait toujours. Ils s’empar?rent des armes des victimes autant que faire se peut et s’?lanc?rent dans les ruelles, s’en tenant aux chemins de traverse, ils connaissaient mieux la cit? que leurs ennemis. "Combien sont-ils ?" demanda un homme derri?re Erin. Elle sentait sa lassitude poindre dans sa voix, la partageait m?me, mais savait qu'elle ne pouvait pas en faire ?tat. "Nous les chasserons de notre cit? tous autant qu'ils sont," r?pondit Erin. "Continuons. Ne nous arr?tons pas. La vie de chacun de nous en d?pend." Elle ?tait convaincue que son fr?re ou son p?re, voire m?me Lenore, auraient alors tenu un discours enthousiaste ; tout ce qu'Erin pouvait faire, c'?tait montrer l'exemple. "Attachez une corde." L'homme grommela mais hocha la t?te, se dirigea vers l'un des b?timents les plus proches de la rivi?re et lan?a une corde en travers, tira dessus jusqu'? ce qu'il soit s?r d’avoir ferr? une chemin?e de l'autre c?t?. Les hommes d'Erin attach?rent la partie la plus proche sur leur toit, mais c'est elle qui s’aventura dessus avec l’agilit? d’une acrobate. La rivi?re en contrebas habituellement calme, qui traversait le quartier le plus pauvre et le quartier des plaisirs, rugissait telle la Slate. Erin aper?ut la silhouette de Ma?tre Grey en hauteur qui lan?ait son sortil?ge. "Je sais que cela ralentit l'ennemi, sorcier, mais cela ne nous facilite pas vraiment non plus la t?che," murmura-t-elle en atterrissant tel un f?lin sur le toit d’en face. Elle constata que la corde enchev?tr?e ?tait sur le point de se d?faire ; encore une seconde ou deux, moins si elle avait ?t? moins l?g?re, et Erin aurait ?t? pr?cipit?e dans les eaux. Elle l'attacha fermement, s'assurant que ses hommes puissent la suivre. Ils se pr?cipit?rent ? sa suite, passant une deuxi?me corde par-dessus la premi?re afin de traverser plus facilement. "On dirait que l'ennemi a la m?me id?e," dit l'un d'eux en traversant. "Je suis s?r d'avoir vu une lumi?re de l’autre c?t? de la rivi?re." "O? ?a ?" demanda Erin en se jetant sur le c?t? d'un ?difice, elle rep?ra un endroit avec des lumi?res trop proches de la rivi?re. Elle y courut, se d?p?cha de traverser les ruelles, ses hommes ? ses trousses. Elle ralentit alors qu'elle se rapprochait, se d?pla?ait dans l'obscurit?. Elle trouva un pont de corde entre deux b?timents, un homme le traversait. S?rement un messager mais sa mission importait peu aux yeux d'Erin, son but ?tait d’?liminer les habitants de sa cit?. Elle prit sa lance et coupa net, tranchant une des cordes d’un coup d’un seul. L'homme sentit que quelque chose n'allait pas. Il fit demi-tour et repartit vers la berge mais Erin coupait d?j? une deuxi?me corde. La silhouette du messager tomba dans l'eau en contrebas, Erin se retourna vers les hommes qui la suivaient. "Nous ne pouvons pas les laisser," dit Erin. "Mais nous pouvons nous en servir. Nous allons nous faufiler et couper leurs ponts avec leurs hommes dessus. Nous tuerons ceux qui traversent. S'ils ont des ordres pour d’autres escouades dans la cit?, nous ferons en sorte de les pi?ger. Nous trouverons un moyen de leur faire payer ce qu'ils nous font en leur ?tant la vie." "Et qu'en est-il de nos vies ?" dit un des hommes. "Vous voulez la v?rit? ?" r?pondit Erin. "Nos vies importent peu pour le moment. Pensez aux habitants de cette cit?, ? tous ceux qui vont mourir, ou seront ? peine mieux que des esclaves si le Royaume du Sud s’empare de Royalsport. Leur seul espoir est que nous continuions ? avancer, ? tuer le plus des troupes de Ravin que possible." Elle aurait peut-?tre la chance de tomber sur le Roi Ravin entour? de peu d’hommes et ainsi le tuer. Mais cela semblait de moins en moins probable au fur et ? mesure que la nuit avan?ait. Non, ce n'?tait plus la nuit. Erin aper?ut un mince rai de lumi?re ? l'horizon, rouge-sang, comme le sang r?pandu dans les rues de la cit?. En temps normal, elle aurait accueilli l'aube avec bonheur, mais se prit ? maudire le jour qui se levait. L'obscurit? ?tait leur alli?e, leur protection ; la lumi?re ?tait la derni?re chose dont ils avaient besoin. Erin comprit qu'elle devrait bient?t battre retraite dans le ch?teau ; elle d?testait l'id?e de laisser Lenore et leur m?re sans surveillance si longtemps. Pour l'instant, elle devait essayer de poursuivre le combat, m?me si les effectifs de l'arm?e du Royaume du Sud semblaient ne jamais tarir par rapport ? leurs propres forces, petites et disparates. "Nous n'avons pas dit notre dernier mot," rench?rit Erin ? ses soldats. "Allez." Elle plongea dans la lumi?re de l'aube, lance en main, en qu?te du prochain groupe d'ennemis ? tuer. CHAPITRE QUATRE Odd poignarda l'homme qui s'approchait, de sorte que le coup fut port? de fa?on ? repousser l'attaque de son ennemi, tandis que la pointe lui tranchait la gorge. Il pivota et para une autre attaque en entendant un bruit tout pr?s, donna un coup de pied qui envoya l'homme valser sur le dos, en ?gorgea un troisi?me pour ?viter qu’il se jette sur le Ma?tre d'armes Wendros, incapable d’achever l’attaque escompt?e. "Attention," dit Odd. "Il a failli vous avoir." "Je savais que vous l'auriez," r?pondit le ma?tre d'armes en d?sarmant habilement un soldat qui arrivait, avant d’enfoncer sa propre ?p?e dans la poitrine de l'homme. Autour d'eux, la salle d'entra?nement de la Maison des Armes baignait dans la violence, les forgerons et les professeurs se battaient de concert tandis que les soldats du Roi Ravin s'approchaient pour essayer de s’emparer de l’armurerie. Odd vit des hommes se battant avec des marteaux et des ?p?es, utilisant leurs outils et les objets qu'ils avaient fabriqu?s gr?ce ? eux. Odd et le ma?tre d'armes Wendros se battaient dos ? dos sur le ring, les hommes grimp?rent sur les bardages de bois d?limitant la zone, s'avanc?rent vers eux par un ou deux et attaqu?rent avec tout ce qui leur tombait sous la main, des ?p?es aux hallebardes, des lances aux haches de guerre. Odd esquiva une ?p?e sur la gauche, frappa avec le pommeau de sa longue ?p?e pour assommer un adversaire qu'il finit par d?capiter ? revers. L'un d'entre eux arriva de l'autre c?t?, Wendros arr?ta la course de l’?p?e qui mena?ait de s’abattre sur Odd, lui laissant la voie libre pour abattre le soldat suivant. "Vous ?tes tr?s fort," observa Wendros qui se mouvait apparemment sans effort pour ?viter un coup de hache, tuant l'homme qui s'?tait approch? de lui d'un coup d’?p?e. "Je vous aurai cru plus sauvage, ? en croire la rumeur." Odd grommela une r?ponse et s’?lan?a au beau milieu de la m?l?e, sa pr?cision toute r?fl?chie c?dait d?sormais la place ? la fureur, de sorte que son ?p?e fendit l'air une fois, puis deux, pour abattre deux autres adversaires. "Croyez-vous que le moment soit bien choisi pour ce type de conversation ?" demanda-t-il, alors que la douleur cuisante d'une ?p?e traversant son bras le ramenait ? la r?alit?. Il s'?lan?a en guise de r?ponse, sentit l'impact de sa propre ?p?e dans la chair mais n'eut pas le temps de s'arr?ter pour voir le r?sultat. "C’est arriv? parce que vous avez l?g?rement d?vi? votre poignet en passant de parade ? contre," d?clara le ma?tre d'armes Wendros. Comme pour illustrer sa remarque, il esquiva une ?p?e et enfon?a sa propre arme dans le palais d'un homme. "Si jamais je voulais d'une le?on d’escrime, je ne manquerais pas de vous le faire savoir," dit Odd. Il esquiva un autre coup, tua un homme et poursuivit. La violence ? ce stade ?tait purement m?canique, de sorte qu'au lieu de penser ? feinter et contrer, ? la tactique et ? la distance, seuls demeuraient se d?placer, tuer, passer d'un adversaire ? l'autre. Malgr? cela, l’enjeu semblait des plus ais? pour le ma?tre d'armes Wendros. Il se d?pla?ait en douceur avec un timing parfait, sans jamais se presser, toujours l? o? il fallait. Il d?tourna des attaques et en laissa passer, frappait avec une rigueur mortelle presque naturelle, laissant une tra?n?e de cadavres dans son sillage. Seul le boitillement de sa jambe bless?e le d?s?quilibrait, le ralentissant et donnant ? certains de ses jeux de jambes un aspect saccad?. Odd abattit un autre adversaire mais ne put s'emp?cher de se demander ? quel point le ma?tre d'armes avait d? ?tre un bon escrimeur dans sa jeunesse. Odd avait toujours ?t? consid?r? comme l'un des Chevaliers d’Argent les plus dangereux, mais le ma?tre d'armes ?tait diff?rent. Que Odd n'ait pas cherch? ? le combattre ?tait un vrai miracle. Odd s’abima dans la m?ditation de la violence, vivant chaque instant si intens?ment qu'il semblait emplir ses sens. Toutes les couleurs ?taient plus vives, les bruits du combat plus nets, chacun porteur de son propre message, de sorte qu'il se d?couvrit une capacit? ? pouvoir distinguer le flux et le reflux de la bataille autour de lui gr?ce ? d’infimes indices. Les combats faiblissaient peu ? peu autour d'eux, les participants morts ou victorieux, Odd n’aurait su dire leur camp. Il parvint ? distinguer la respiration d’hommes qui approchaient, rep?rer le moindre d?tail d'une ?p?e venue se loger dans son cr?ne, qu’il ?vita, tua l'homme en lui ass?nant un coup du bas vers le haut. En un instant, il n'y eut plus d'assaillants. L'espace autour du ring s’?tait vid? de ses ennemis, l'int?rieur ne contenait que leurs cadavres, l'odeur de la mort flottait dans l’air ambiant. Odd crut apercevoir, ? travers de larges fen?tres vout?es situ?es en hauteur, poindre la lueur rouge-orang?e de l'aube. "Je ne pensais pas que nous vivrions assez longtemps pour la voir," dit-il en regardant en direction du ma?tre d'armes Wendros. L'homme ?tait assis sur l’une des rampes du ring, pansant son torse bless? ? l’aide d’un morceau d’?toffe. Odd n'avait pas vu le coup venir, n’aurait jamais cru qu’un tel homme puisse ?tre touch?, tant sa d?fense ?tait pr?cise. "Jadis, personne ne m'aurait touch?," dit le ma?tre d'armes, agac?. Odd le crut volontiers. "J'aurais aim? me battre avec vous ? l'?poque," dit Odd. Le ma?tre d'armes fron?a les sourcils. "Pas moi. Je connais votre r?putation. Nous nous serions battus jusqu’? ce que le combat cesse, faute de combattants." Odd baissa la t?te, il pouvait nier la v?rit? toute crue. Jadis, sa fiert? l’aurait emp?ch? de se laisser d?fier par un homme aussi exp?riment? sans le mettre ? l'?preuve, la bataille qui se serait ensuivie se serait forc?ment termin?e dans une effusion de sang. "Je ne suis plus l'homme de jadis," r?pondit Odd. C'?tait plus un espoir, qu'une v?rit?. "Qui l’est encore, parmi nous ?" r?pliqua Wendros. "Combattre ? vos c?t?s est un honneur." Odd demeura quelque peu interdit. Erin semblait heureuse d'?tre son ?l?ve, mais elle ne le connaissait pas vraiment, ignorait qui il ?tait et ce qu'il avait fait. Le Ma?tre d'armes Wendros ?tait suffisamment ?g? pour le savoir, mais il ne se d?roba pas, comme l'auraient fait la plupart des Chevaliers d’Argent. "Alors," demanda Wendros. "Quel est votre plan ?" "Nous faisons de notre mieux. L'ennemi est trop nombreux et nous pas suffisamment. La Princesse Erin a pris le commandement des hommes, ils combattent et ont investi les ruelles. Elle m'a envoy? ici pour tenter de r?cup?rer des hommes et des armes." Mais il ne restait malheureusement plus assez d'hommes. Les salles d'entra?nement d?sormais d?sert?es par les envahisseurs, seuls demeuraient quelques ma?tres d'armes et forgerons, bless?s pour la plupart. "Allez," leur ordonna Odd. "Vous ?tes trop peu nombreux pour prot?ger cette Maison. Rejoignez le combat dans les rues. Tuez vos ennemis, bougez-vous. Ex?cution." Ils partirent, visiblement heureux de prendre leurs ordres d’un homme parlant en connaissance de cause. "Nous devrions probablement les rejoindre," dit Wendros. Il sauta de son perchoir sur la balustrade, vacilla l?g?rement sur sa jambe bless?e. "Patience," r?pondit Odd. "Quand vous vous sentirez pr?t." "Ne vous apitoyez pas sur moi," r?pondit le ma?tre d'armes, "sans quoi nous nous battrons pour de bon." Ils travers?rent la Maison des Armes beaucoup plus lentement que les autres malgr? tout, se dirig?rent vers les forges et la sortie. Les forges ?taient silencieuses, seule une faible lueur ?manant du creuset s'ajoutait ? la lueur de l'aube. "Pensez-vous que nous pouvons gagner ?" lui demanda Wendros. Odd haussa les ?paules. "La victoire tient parfois ? la dur?e et la hardiesse au combat." Ils se dirigeaient vers la sortie lorsque d'autres hommes de Ravin p?n?tr?rent dans la Maison des Armes. Deux d’abord, que Odd abattit facilement, mais d'autres suivaient, et d'autres encore derri?re. Ils se d?versaient dans la Maison des Armes, presque trop nombreux pour les d?nombrer. Certainement trop nombreux pour esp?rer se battre, n’?tant que deux. Odd soupesa malgr? tout son ?p?e dans sa main. "Un nouvel assaut est pr?vu ?" demanda Wendros. "Non. Battons en retraite, les forges feront office de couverture." C'?tait un bon plan, ils commenc?rent ? reculer de concert vers une issue. Au d?but, l'ennemi progressait lentement, comme si personne ne voulait ?tre le premier ? atteindre l’autre. Puis un homme avan?a et chargea, vite descendu par Odd. Les hommes qui affluaient en masse tomb?rent sur Odd et Wendros. Le temps n’?tait plus au raffinement mais ? l'habilet?. Ils passaient leur temps ? couper et taillader, en c?dant peu ? peu du terrain. Tout se d?roulait pour le mieux jusqu'? pr?sent, abrit?s par les forges tandis qu’ils combattaient c?te ? c?te, un coup d'?il derri?re lui suffit ? Odd pour comprendre qu’ils se trouveraient bient?t devant un probl?me ; le m?me probl?me rencontr? par Erin et lui sur le pont. La sortie vers laquelle ils se dirigeaient situ?e derri?re les forges ouvrait sur un espace donnant ? leurs ennemis tout loisir de les encercler. Odd doutait fort qu'une arm?e vienne ? leur secours cette fois-ci. "Cela va poser probl?me," dit le ma?tre d'armes Wendros qui l’avait manifestement remarqu?. Son ?p?e s’enroula autour de l’?p?e d’un ennemi, qu’il occis. "Mais tout probl?me ? sa solution, cela dit." "Quelle solution ?" demanda Odd en tuant un homme, puis un autre. "Je les tiens en ?chec pendant que vous vous ?chappez," dit Wendros. Il repoussa une attaque et envoya un soldat valdinguer parmi ses deux confr?res d’un coup de pied. Ce qui eut pour but de les ralentir un court instant. "Quoi ? Non," r?pondit Odd, et pas seulement parce qu'il d?testait l'id?e de battre en retraite. Le ma?tre d'armes l’avait trait? d’?gal ? ?gal, pas comme un chien enrag? qui montrait les dents devant l’ennemi et fuyait en temps normal. "Suis-je en ?tat de courir, d’apr?s vous ?" demanda Wendros, en tuant un autre homme. "Partez, Odd !" "Je… merci," r?pondit Odd qui recula vers la porte, sans s'emp?cher de regarder derri?re lui. Ce qu'il vit se grava dans sa m?moire aussi durablement que tous les autres mauvais souvenirs qui ?maillaient sa vie. Les gestes de Wendros ?taient si rapides qu’il semblait ?voluer dans un tourbillon d’acier, effleurant ? peine ses ennemis, mais sa lame ?tait suffisamment affut?e pour qu’il les ach?ve ? la moindre botte. Son ?p?e s’enroula autour d'autres d'?p?es, s'y attacha presque, il tuait les hommes qui s'approchaient tandis qu’un cercle se refermait sur lui. Il serait peut-?tre parvenu ? tous les tenir en ?chec si sa jambe bless?e ne s’?tait pas d?rob?e alors qu’il se tournait pour r?gler son compte ? l'un d'eux. Il perdit l’?quilibre un court instant, m?nageant ainsi une br?che. Une ?p?e trouva sa cible, il demeura fig?, alors m?me qu'il parvenait ? tuer un autre homme. Une seconde ?p?e p?n?tra sa chair sous son aisselle, rejoignant la premi?re. Odd vit le ma?tre d'armes mourir, tuant les hommes qui s'approchaient alors m?me que la vie le quittait. Le moment ?tait venu de faire la seule chose qu'il n'avait jamais faite durant toutes ses ann?es en tant que Chevalier d’Argent. Il prit la fuite, les soldats du Roi Ravin ? ses trousses. CHAPITRE CINQ Ma?tre Grey baignait dans la lumi?re de l'aube. En d’autres circonstances, la chaleur du jour qui se levait se serait av?r?e agr?able, mais aujourd’hui elle bouleversait ses plans. La magie consistait ? ?quilibrer les forces de l’univers, le moindre changement pouvait perturber cet ?quilibre. L'aube ressemblait ? une rafale de vent incontr?lable qui secouerait les fronti?res de son esprit, l’assaillant de toutes parts. "Encore… quelques… minutes…," marmotta Grey les dents serr?es. Il ?tait le pivot autour duquel s’actionnaient et se mouvaient les leviers de l’univers, l’axe de la roue, le point fixe en son centre. Mais il ne demeurait pas immobile. Il tremblait sous l'effort depuis le commencement, sa robe ?tait tremp?e de sueur alors qu'il luttait pour maintenir la connexion, continuer d’?tre le catalyseur de toute cette magie. Le sortil?ge devenait de plus en plus difficile ? contenir, le faisceau bien ?tabli des premiers instants se d?sint?grait et se d?cha?nait ? mesure que les forces s'enchev?traient de telle ou telle mani?re. Le sortil?ge d'un novice se serait d?j? effondr? derechef, comme cela avait ?t? le cas pour les semblables de Devin qui tent?rent de fa?onner le m?tal de m?t?orite. Un mage exp?riment? pourrait tenir un certain temps mais Ma?tre Grey s'attelait ? la t?che depuis des heures, s'adaptant au moindre changement, pour mieux les englober dans un ensemble. Arriverait t?t ou tard le moment o? il ne tiendrait plus, Ma?tre Grey devait faire un choix. Essayer de tenir plus longtemps et ainsi repousser ses limites, mais la pression finirait par briser le sortil?ge, et lui avec. Et puis… il serait trop ?puis? pour s'enfuir, trop vid? pour riposter lorsque les troupes du Roi Ravin arriveraient. Que se passerait-il s'il tombait entre leurs mains ? Ma?tre Grey n'?tait pas assez orgueilleux pour croire qu'il ne livrerait aucun secret aux mains des tortionnaires de Ravin, qu'il ne les aiderait pas sous la torture. Il ne pouvait pas laisser faire. D'autres ?v?nement se produiraient, il avait encore une mission ? accomplir, faute de quoi les Trois Royaumes seraient en danger, et le mal serait pire que l'arm?e du Roi Ravin. Il jeta un dernier coup d'?il ? la cit? baign?e par la clart? de l'aurore, inutile d'?tre sorcier pour se rendre compte de la progression de l'arm?e du Royaume du Sud. Elle s'?tait d?sormais infiltr?e dans les bas quartiers de la cit? et s'?tendrait bient?t jusqu'au ch?teau. Il contempla l'eau mugissante en furie qui s'?coulait dans les canaux de la cit?. Grey pensait ? tous ceux d?j? morts, aux futures victimes. Il osait esp?rer que ses actes en avaient sauv? un certain nombre. Ils essaieraient peut-?tre d'att?nuer le d?compte des morts ? venir. Il mit fin au sortil?ge. Il eut l'impression de l?cher les r?nes d'un ?talon pr?t ? charger, la puissance d?cupl?e explosa dans un grondement de tonnerre qui retentit sur Royalsport, alors m?me que la fureur de l'eau en contrebas s'apaisait peu ? peu. Le niveau des ruisseaux baissa, l'eau reprit son cours vers la mer apr?s avoir ?t? si longtemps accumul?e et retenue. Les niveaux baiss?rent, Ma?tre Grey comprit bient?t que les troupes de Ravin seraient en mesure de traverser, rien ne pourrait les arr?ter une fois r?unies. Il devait s'en aller. Il prit le contenu du coffre qu'il gardait toujours ferm? dans ses appartements. Il demeura devant, y puisa son pouvoir, esp?rant avoir encore suffisamment de force. Ma?tre Grey comprenait mieux les arts divinatoires que quiconque en ce bas monde. Ce qu'il fit ensuite relevait de la magie pure et simple. Il s'empara de ce pouvoir qu'il modela de sorte qu'une brume emplit la pi?ce, jusqu'? assombrir les murs. Ma?tre Grey d?ambulait dans le brouillard ? t?tons, en pla?ant pr?cautionneusement chacun de ses pas. La brume commen?a ? s'?lever une fois parvenue au donjon, s'?chappa par les fen?tres avant de se dissiper sous l'effet du soleil. L'effet fut de courte dur?e, les brumes s'?taient ?vanouies et Ma?tre Grey avec. * Vars s'enfuit par les tunnels menant au ch?teau aussi vite qu'un animal traqu?, tr?buchant et se relevant, oublieux de ses genoux meurtris par la duret? de la pierre. Tout ce qui comptait ?tait s'enfuir, s'?loigner. Il ?tait tout poussi?reux et souill? par la salet? qui r?gnait dans le tunnel, ses v?tements royaux d?chir?s l? o? il ?tait tomb?, ses cheveux noirs tout sales, ses traits macul?s de poussi?re. Le tunnel ?tait ?troit selon les sections, Vars ?tait heureux de ne pas ?tre aussi grand ou robuste que son fr?re Rodry, lui serait rest? se battre et n'aurait pas sa place ici. Il avan?ait, galvanis? par cette peur qui lui donnait des ailes, ? une vitesse dont il n'aurait jamais cru ses jambes capables en temps normal. Il savait que le Roi Ravin le tuerait pour acc?der au tr?ne, afin qu'il comprenne qu'il avait conquis le royaume, et ?liminerait un rival par la m?me occasion. Vars se maudit d'?prouver tant de peur, m?me si cette peur s'av?rait en fin de compte une b?n?diction, puisqu'elle lui permettait de s'?chapper et ainsi, survivre. Chaque pas ?tait un pas de plus en lieu s?r mais il abandonnait ?galement son devoir, fuyant tout ce pour quoi il avait travaill? si dur. Son p?re ne se serait pas d?fil? ; son fr?re non plus. Tous deux se seraient bien ?videmment fait tuer. Vars avait fait son possible en tant que roi, il avait envoy? ses troupes contrer la menace du Royaume du Sud. Qu'aurait-il pu faire de plus ? Vars aper?ut un rai de lumi?re devant lui et tomba sur une grille fix?e de l'int?rieur par des boulons tout rouill?s. Vars tira dessus de toutes ses forces, il regrettait ne pas avoir pass? plus de temps ? s'entra?ner comme Rodry le lui avait toujours conseill?. Le m?tal lui entaillait les mains mais il continua de tirer jusqu'? ce que le m?tal c?de en grin?ant, il chuta lourdement tandis que la grille s'ouvrait grand. Vars se releva et se hissa ? la lumi?re du jour qui se levait, avant d'aspirer une grande goul?e d'air. Il se leva et regarda autour de lui, cherchant ? comprendre o? il se trouvait. Quelque part dans le quartier des divertissements, pensa-t-il, il reconnut la Maison des Soupirs drap?e de soieries qui surplombait le reste. C'?tait toujours mieux qu'?tre au ch?teau, mais il devait tout de m?me quitter la ville. Vars parcourut les rues t?te baiss?e, s'embusquant sous des porches ? chaque fois qu'il entendait des soldats arriver. Il les vit marcher au pas, arpenter les rues comme en pays conquis, sans oublier de faire usage de leur force purement militaire. Un roturier qui se trouvait sur leur chemin voulut faire demi-tour et s'enfuir ; ils l'abattirent sans h?siter. Vars d?glutit p?niblement, sachant qu'il subirait le m?me sort s'ils le rep?raient mais ils pass?rent heureusement devant lui sans le voir, il poursuivit en direction de la p?riph?rie. Le flot rugissant du courant s'?tait tari, Vars traversa un lit boueux en restant baiss? et longea les murs. Il savait qu'il ne pourrait pas franchir les portes mais d'autres moyens d'entrer et sortir de la cit? existaient. Il les utilisait parfois pour rencontrer des femmes, Lyril notamment. Vars se demandait ce qui ?tait arriv? ? cette femme noble qui aurait tant voulu l'?pouser depuis qu'il l'avait r?pudi?e. Elle se cachait probablement dans une maison quelconque ; ou essayait de s?duire un officier du Sud. Elle avait toujours ?t? dou?e pour assurer sa survie. Mais d?j? Vars apercevait les murailles, la petite boutique d'un gantier se nichait tout contre. Il regarda de part et d'autre de la rue, s'assurant qu'il n'y ait pas de soldats en vue, et partit comme une fl?che afin de se mettre ? couvert dans la boutique. Il se glissa derri?re, jusqu'? atteindre une br?che dans le mur couverte de planches de bois. Elle ?tait utilis?e depuis longtemps par les contrebandiers, et Vars n'?tait que trop heureux de passer outre et en faire bon usage lorsqu'il devait aller et venir discr?tement. En ?change, bien ?videmment, du petit "cadeau" traditionnel. Ce serait sa planche de salut. Tout ce qui lui restait ? faire ?tait traverser, trouver une monture de l'autre c?t? et chevaucher en toute s?curit? en pleine campagne. Il se cacherait jusqu'? ce qu'il trouve le moyen de recouvrer un semblant de pouvoir. Vars se baissa et se fraya un passage dans la br?che, se d?pla?ant rapidement pour ne pas ?tre vu. Il poussa le cache de l'autre c?t? ; il avait r?ussi ! Il ?tait sauv? ! Des mains rudes s’empar?rent de lui, le tra?n?rent hors de la br?che ? l'air libre. On le jeta au sol, Vars aper?ut ? c?t? de lui une demi-douzaine de cadavres entass?s l? o? ils avaient ?t? jet?s. Il fit une culbute et contempla les visages de deux soldats du Roi Ravin, la terreur s’empara de lui en r?alisant qu'ils ?taient manifestement ici pour parer ? cette faiblesse et tuer tous ceux qui essaieraient de s'?chapper. En pareil moment, Rodry ou Erin se seraient probablement battus. Lenore serait sans doute morte dignement, Greave en d?clamant des vers poignants dont on parlerait des si?cles durant. Vars n'?tait pas de ceux-l?. Il fit la seule chose qui lui traversa l’esprit alors qu'une ?p?e s'?levait sur lui : lever les mains en signe de reddition. "Je suis le Roi Vars du Royaume du Nord. Et cent fois plus utile au Roi Ravin vivant que mort !" CHAPITRE SIX Greave se pr?cipita vers le port qui s'?tendait au-del? de la cit? d'Astare, ses cheveux noirs ?bouriff?s par le vent du large, ses traits presque f?minins d?sormais endurcis par une barbe brune, ses v?tements souill?s par le voyage et la violence. Il tenta de contenir le chagrin du manque qu'il ressentait en regardant alentour ? chacun de ses pas, essayant de trouver un navire qui le conduirait en lieu s?r alors m?me que la cit? plus haut r?sonnait des clameurs des envahisseurs. Il semblerait que les candidats fassent d?faut. Les navires du Royaume du Sud montaient la garde autour de vaisseaux plus imposants afin que nul ne s’?chappe, tandis que les petites embarcations s'?loignaient en ordre dispers? sur l'oc?an. Autant dire qu'il n'en restait plus gu?re, leurs capitaines tentaient leur chance en mer plut?t qu’attendre que les hommes du Roi Ravin leur tombent dessus. Greave ne pouvait pas leur en vouloir. Peut-?tre… aurait-il d? tout simplement monter ? bord du bateau sur lequel il avait renvoy? Aurelle, et r?gler tout ceci ult?rieurement. Non. Le c?ur de Greave se brisait de douleur ? la simple ?vocation d’Aurelle. Il croyait qu’elle l'avait accompagn? dans son p?riple parce qu'elle l'aimait, comme lui l’aimait alors. Greave s'?tait si profond?ment entich? d’elle qu'il n'avait pas vu imm?diatement ? qui il avait ? faire : une espionne mandat?e pour l'emp?cher de trouver le rem?de secret contre la maladie de l’homme de pierre, m?me si pour cela il fallait le tuer. Peu importe qu'elle l'ait aid? en fin de compte ; sa trahison… s’av?rait bien trop douloureuse pour tirer un trait dessus. Greave porta sa main sur sa tunique, l? o? il avait cach? la page d?chir?e comportant les notes de Hillard, le parchemin ?tant en lieu s?r alors que le reste de la biblioth?que souterraine d'Astare avait br?l? de la main-m?me d'Aurelle. S'il r?ussissait ? gagner un abri, il lui suffirait de trouver les ingr?dients n?cessaires … Mais Greave ne voyait aucun bateau en mesure de le conduire en lieu s?r. Il y en avait bien mais d?finitivement trop grands pour qu'un seul homme puisse les man?uvrer, m?me s'il n’?tait pas ignare en termes de navigation. Pis encore, des soldats cheminaient le long de la falaise menant aux quais, s’y dispersaient, se d?pla?ant comme s'ils cherchaient quelque chose. Greave s’effor?ait de garder son calme. Il n’?tait pas concern?. Les hommes lanc?s ? ses trousses et celles d’Aurelle dans la grande biblioth?que ?taient morts, tu?s de la main d’Aurelle ou pi?g?s par l’incendie allum? en partant. Greave ressentait du chagrin ? l’id?e d'avoir particip? ? la destruction d’un lieu embl?matique, un puits de savoir, mais il ne pouvait d?sormais plus faire machine arri?re. Il se fraya un passage jusqu'au dernier ponton en bois, esp?rant trouver au moins un capitaine susceptible de l'aider. Mais personne, aucun bateau ? voler, aucune possibilit? de tester ses rares comp?tences nautiques en termes de mar?es. Ne se trouvaient l? que des piles de provisions, dans l’attente de bateaux qui accosteraient prochainement, peut-?tre abandonn?es par ceux qui s'?taient enfuis : des barils de goudron, des caisses de biscuits, du poisson s?ch? et sal?. Greave fit volte-face pour retourner sur les quais, d?termin? ? se fondre dans la masse et trouver un moyen de quitter Astare, mais il vit les soldats venus sur les quais discuter avec les rares habitants qui y ?taient rest?s. Des doigts pointaient dans sa direction. "Non," dit Greave. "Je ne suis pas recherch?." C’?tait pourtant bel et bien le cas. Un homme avait peut-?tre r?ussi ? s'?chapper de la biblioth?que en feu, quelqu'un les avait peut-?tre rep?r?s dans la rue, lui et Aurelle, et les avait reconnus. Quoi qu'il en soit, Greave courait un terrible danger… et Aurelle n'?tait plus l? pour le prot?ger. Greave rit am?rement, il souhaitait sa pr?sence alors qu'elle lui avait fait tant de mal, simplement parce qu'elle savait manier un couteau. Le philosophe Serecus n'avait-il pas ?crit que l'amour importait moins que les choses de la vie ? Et Yerrat, que mieux valait avoir un ennemi d'envergure ? ses c?t?s contre un adversaire des plus insignifiant que des amis faisant preuve de l?chet? ? Greave songea qu'il avait d? rater un ?pisode. Souhaiter la pr?sence d'Aurelle ne servait plus ? rien d?sormais, envol? le souvenir de sa peau douce, ou plus simplement parce qu'elle ?tait capable de tuer un homme en un clin d'?il, d'apr?s Greave. Elle ?tait partie, son passage avait ?t? pay?, le capitaine avait jur? qu'il ne ferait pas demi-tour. Greave devrait se d?brouiller seul. Il commen?a par descendre du ponton sur lequel il se trouvait. Il n’?tait pas suffisamment rapide, trop pris dans ses pens?es au sujet d'Aurelle pour agir avec la c?l?rit? requise. M?me ici, elle lui faisait du mal. Les soldats qui le cherchaient se trouvaient d?sormais au bout du quai, l’uniforme de l'un d'entre eux portait des marques de br?lure, il avait d? ?chapper ? l'incendie de la biblioth?que. "Vous ?tes fait comme un rat, Prince Greave !" s'?cria l'homme. "Oh, nous savons qui vous ?tes, nous savons d?j? que vous allez souffrir pour avoir essay? de nous faire br?ler vif avant de vous livrer au Roi Ravin, vous regretterez d'avoir quitt? Royalsport !" Greave se mit ? reculer sur les quais, les soldats avan?aient d’un pas tranquille, l’allure d’hommes sachant pertinemment que leur proie n'avait nulle part o? aller. Seul hic, la situation semblait leur donner raison. Greave r?fl?chit ? tout ce qu'il avait lu sur la tactique et la strat?gie des grands commandants, ? tous les jeux de strat?gie auxquels il avait jou? et qui, ? en croire les livres, aidaient un g?n?ral ? savoir commander. Ses lectures ne semblaient pas contenir la r?ponse ? une situation similaire, ? savoir un homme totalement ignare au maniement de l'?p?e, face ? une vingtaine hommes, sans aucune ?chappatoire. Qu’aurait fait Aurelle ? L'id?e surgit ? l’esprit de Greave de fa?on brusque et inattendue, il ?tait tent? de la refouler, penser ? sa chevelure rousse et ses yeux d’un vert profond le faisait trop souffrir. Il ne devait pas penser ? ?a pour le moment. Il avait besoin de la femme impitoyable qui se cachait sous ces traits, celle qui avait incendi? la grande biblioth?que d'Astare afin qu'ils puissent… Voil? tout. Greave continua de reculer jusqu'? atteindre le niveau des barils de goudron. Il en fit basculer un au prix d’un gros effort, le contenu se d?versa sur le quai. Il s’empara de la pierre ? feu ? sa ceinture et vit les yeux des soldats s’?carquiller. "Ne faites pas ?a," dit le premier. "Vous mourriez." "A vrai dire," d?clara Greave, "?tant donn? la direction du vent et le combustible s’?coulant loin de moi, j’ai de bonnes chances de survivre. Quant ? vous…" Des ?tincelles jaillirent du silex et tomb?rent sur le goudron. Le combustible rugit en guise de r?ponse, Greave d? se jeter en arri?re ? l’autre bout du quai lorsque le brasier ?clata. Quelques secondes suffirent pour que le quai prenne des allures de torche. Les soldats qui ne purent s’enfuir assez vite tomb?rent en hurlant, essayant d'?teindre le brasier qui les d?vorait. Le feu se propagea le long du quai, s’?tendit ? la majeure partie des barils de goudron. Greave sentit comme un vrombissement alors que tout explosait sous l'effet de la chaleur, de hautes flammes s'?lev?rent. Le quai se mit ? osciller tandis que ses lattes se fendaient sous l’effet de la pouss?e, Greave conserva ? grand peine son ?quilibre. La chaleur du feu ?tait intense, semblable au rugissement d'une forge un jour d'?t?. Il d?vorait les cargaisons entrepos?es le long du quai avec l'avidit? que seul le feu poss?dait, Greave se rem?mora tout ce qu'il avait lu sur les propri?t?s des flammes, sur les th?ories des lettr?s, ? savoir que ces ph?nom?nes d’aspiration pouvaient se produire par l’action conjugu?e d’un combustible au contact d’?tincelles. Rien de tout cela n’?tait suffisant pour expliquer la propagation exponentielle du feu sur le port d'Astare, qui s’?tendaient maintenant en direction des autres quais, se r?pandait ? une vitesse folle, Greave vit des soldats pris au pi?ge. Le feu sur le quai ne faiblissait pas, les poutres se d?solidariseraient au fur et ? mesure que les flammes rongeaient la poix et la corde qui les retenaient. Greave songea un bref instant ? ce plan hasardeux qui s’?tait av?r? au final le plus r?fl?chi, avant de tomber dans l’eau glaciale. Une pluie de longerons et madriers s’abattit dans l'eau autour de Greave, il pouvait se faire assommer ? tout moment, mais ce ne fut heureusement pas le cas. Greave retint sa respiration, tentant d’oublier la crainte qu’il avait des b?tes marines embusqu?es. Il avait vu de ses propres yeux ? quel point les cr?atures des profondeurs pouvaient s’av?rer dangereuses, et ne pouvait qu'esp?rer que nulle cr?ature ne peuple la proximit? des quais. La chaleur des flammes ?tait palpable m?me sous l’eau, il apercevait la lumi?re tremblotante du feu qui semblait s'?tendre pour d?vaster le monde. Greave refit surface alors que ses poumons mena?aient d’exploser. Le port ?tait devenu un enfer, Greave ne voyait plus que des flammes, m?me les grands navires ? quai durent man?uvrer et partir au large pour ?viter les d?g?ts. L'un d'eux ne fut pas assez rapide, Greave vit le feu l?cher et d?vorer son gr?ement comme une chandelle, les voiles enflamm?es se consumaient. Il regarda autour de lui, essayant de trouver comment sortir de cet enfer. Une section enti?re du quai avait atterri sur l'eau tel un radeau, un carr? de planches de bois environ deux fois plus longues qu'un homme. Des barils abandonn?s flottaient tout autour. Greave nagea vers eux, r?fl?chissant, essayant de d?terminer la quantit? dont il aurait besoin. Lentement, avec mille pr?cautions, il les fit passer sous la portion de quai d?truite, les attacha avec la corde existante. La man?uvre n?cessita de longues minutes, mais personne ne s'occupait de Greave. Lorsqu'il fut certain d'avoir fait tout ce qui ?tait en son pouvoir, il grimpa sur le radeau de fortune, s'empara d'un bout de bois qui ferait usage de rame. Le radeau tangua mais tint bon, Greave se mit ? pagayer et quitta le port. Il ignorait jusqu'o? il irait comme ?a, ni comment il ma?triserait l'embarcation d?s lors que les courants l'emm?neraient vers le large mais c'?tait toujours mieux que demeurer sur place. Il d?tenait la m?thode pour fabriquer le rem?de, ne restait plus qu'? se procurer les ingr?dients. Greave quitta la cit? d'Astare en proie aux flammes, le c?ur malgr? tout rempli d'espoir. CHAPITRE SEPT "Ramenez-moi !" insistait Aurelle aupr?s du capitaine du petit bateau qui l'emmenait loin d'Astare. "Je vous en prie, je ne peux pas laisser Greave seul. Il mourra." Sans succ?s, comme ses autres suppliques d'ailleurs. Le capitaine ?tait un grand bonhomme au visage imperturbable, ferm?, mais voil? qu'il souriait. "Il mourra parce que vous n'?tes pas l? pour le prot?ger ?" L'?quipage autour d'Aurelle se mit ? rire, ce qui ne fit qu'accentuer la douleur et la honte qui la terrassaient. Elle savait bien s?r ce qu'ils avaient en t?te en la voyant, chose qu'elle avait projet? avec le plus grand soin depuis sa rencontre avec Greave. Ses cheveux roux d?faits n'?taient certes plus tress?s en une ?l?gante coiffure ?labor?e, mais ils remarqu?rent malgr? tout ses riches v?tements, l'?l?gance de ses traits, la finesse de son visage, une femme, tout simplement. Ils en d?duisaient certainement qu'elle ?tait une faible femme sans d?fense. Elle s'?loigna de lui, essayant de trouver un moyen de parvenir ? ses fins, de rejoindre Greave, simplement lui expliquer les choses. Tout se passerait bien si seulement elle pouvait lui prouver… lui prouver qu'elle l'aimait. Elle s'agrippa au bastingage, essaya de voir comment rejoindre Greave ? la nage, mais ils ?taient trop loin d?sormais, et de toute fa?on, les grands navires du Royaume du Sud l'arr?teraient probablement chemin faisant. Elle devait trouver un autre moyen, ceux appris ? la Maison des Soupirs lui seraient certainement secourables. Elle regardait comment man?uvrait le bateau, essayait de comprendre comment provoquer un incident. Elle observait une demi-douzaine d'hommes se d?placer de concert pour essayer de le man?uvrer sans ?-coups, mais n'avait aucun moyen de faire demi-tour sans leur aide. Et apr?s ? Elle attendit un instant que le capitaine descende sur le pont inf?rieur avant de se glisser derri?re lui et le suive, essayait de r?fl?chir comment faire. Jusqu'o? irait-elle pour retrouver Greave ? Ou plut?t, jusqu'o? n'irait-elle pas ? "Seriez-vous en train d'essayer de me faire faire demi-tour ?" demanda le capitaine en s'approchant. "Oui. Je dois retourner aupr?s de mon prince. Je suis pr?te ? tout pour le rejoindre. Tout." Elle s'approcha du capitaine. "Vous croyez que je vais marcher dans votre combine ?" Aurelle sortit un couteau qu'elle pressa prestement sur la gorge du capitaine. "Ramenez-moi imm?diatement." "Si vous me tuez, mes hommes vous tueront," dit le capitaine. Le pire, c'est que c'?tait probablement vrai. Si elle avait dispos? d'endroits pour se cacher, Aurelle aurait pu ?liminer tous les hommes ? bord mais elle aurait d? se battre contre six hommes dans l'espace restreint du navire. M?me un Chevalier d'Argent aurait probablement ?chou? et elle n'?tait pas chevalier. Mieux valait poignarder dans le dos que se battre ouvertement. Qu'elle parvienne ? les tuer tous ne lui laisserait aucune chance de faire demi-tour. Aurelle ne pourrait pas ramener le navire ? bon port seule. "Pourquoi ne pas faire demi-tour ?" Le capitaine haussa les ?paules. "Je suis fid?le ? la couronne, et loyal d?s lors que j'ai ?t? r?tribu?. Le Prince Greave m'a pay? pour vous emmener jusqu'? Royalsport, et c'est ce que je vais faire." "Mais il va mourir. Nous devons le sauver. Je… je l'aime." "Mes hommes n'ont probablement pas entendu votre discussion avec le prince, moi, si. Je sais qui vous ?tes. Je sais quel genre de femme vous ?tes, madame, et je n'ai pas de temps ? perdre dans cette supercherie. Je vais vous ramener, et estimez-vous heureuse que nous ne vous tranchions pas la gorge et ne vous jetions par-dessus bord pour avoir trahi le prince." Il remonta sur le pont, Aurelle mit un moment avant d'?tre capable de le suivre, visiblement p?trifi?e par son ?chec retentissant. Elle ?tait tellement persuad?e de trouver un moyen de faire faire demi-tour ? ce bateau, convaincue qu'elle trouverait un moyen de manipuler son monde pour parvenir ? ses fins. Elle se retrouvait coinc?e et remonta sur le pont en soupirant. Elle aper?ut de l? les quais d'Astare en feu. "Non !" s'?cria Aurelle en contemplant les bateaux en flammes, le ponton le plus proche ?tait en feu. Elle vit une silhouette solitaire ? l'extr?mit? d'un des quais incendi?s, le vit s'effondrer sous ses pieds, le feu br?lait tout sur son passage. "Non, par piti?, non." Aurelle regarda le capitaine mettre les voiles et s'?loigner d'Astare au plus vite. Il n'y avait aucune chance qu'il fasse demi-tour d?sormais, aucune chance de pr?cipiter son navire dans les flammes et risquer de le voir br?ler, contrevenant ainsi aux ordres expr?s de Greave. Aurelle sentit son c?ur se briser alors qu'elle s'accrochait au bastingage du bateau de p?che. Elle savait qu'elle aimait plus Greave qu'elle ne l'aurait d?, plus que de raison ou ce qu'il ?tait permis, et pourtant… perdre quelqu'un qu'on aimait plus que tout au monde ?tait indubitablement douloureux. Aurelle supposait que c'?tait le cas du moins ; elle n'avait jamais aim? quelqu'un de la sorte. A la Maison des Soupirs, Aurelle s'?tait toujours enorgueillie de ne jamais se laisser envahir par l'?motion. Elle avait vu la fa?on dont les individus essayaient d'utiliser leurs semblables, elle se consid?rait comme honn?te dans ses actes et agissait avec son c?ur, m?me si d'autres essayaient de cr?er des besoins ou des sentiments stupides qui se dressaient par la suite en travers du chemin. Elle avait ?t? choisie pour espionner et agir dans l'ombre, Aurelle trouvait ?a facile. Elle n'avait pas l'impression d'?tre trahie sans amour en retour. Mais elle avait d?sormais l'impression d'avoir trahi sur toute la ligne. Trahi Greave en l'espionnant en premier lieu, trahi ce qu'elle ?tait cens?e repr?senter en osant tomber amoureuse de lui. Aurelle ne savait que faire. Elle regarda le port en flammes et sentit son c?ur faire de m?me, se consumer, de sorte qu'il n'en resterait bient?t que des cendres. Aurelle imaginait que ce genre de d?g?ts contrecarrerait l'invasion du Royaume du Sud, mais n'?tait en rien mati?re ? consolation. Quoiqu'il advienne, la bataille d'Astare ?tait termin?e ; la ville ?tait entre leurs mains. Le pire ?tant que ses commanditaires seraient probablement ravis de la tournure des ?v?nements. Elle imaginait le sourire du Duc Viris lorsqu'elle lui annoncerait que la biblioth?que contenant le rem?de contre la maladie de l'homme de pierre avait br?l?, que le prince ? sa recherche avait p?ri, emportant avec lui la page des ingr?dients. M?me si elle essayait de lui dire qu'elle n'?tait en rien responsable, le duc imaginerait probablement qu'elle avait simplement us? de prudence, et se montrerait plus que satisfait de la fa?on dont avaient tourn? les choses. Aurelle imaginait d?j? comment il c?l?brerait l'?v?nement, un homme tel que lui ne la verrait jamais autrement que comme une courtisane, quel que soit le mal qu'elle se donne. Meredith… Aurelle savait que la patronne de la Maison des Soupirs agissait toujours afin de pr?server l'?quilibre du royaume et de la Maison, qu'elle veillait toujours ? prot?ger les hommes et femmes ? son service. Aurelle ne pouvait lui reprocher d'avoir accept? l'argent du duc, sachant que la Maison des Soupirs serait r?compens?e si Aurelle r?ussissait. Elle en voulait cependant au Duc Viris et son fils. Il croyait probablement Aurelle stupide, et n'avait pu percer son plan ? jour. Le d?sir de d?stabiliser la famille royale tout en poussant Finnal au plus haut ?tait flagrant, quand on savait ce qui se tramait. Que des hommes tels que lui le croient ?tait au moins une des raisons de la renomm?e de la Maison des Soupirs. Greave ne … Greave n’avait pas pens? de la sorte, et cette seule pens?e suffit ? accabler Aurelle de douleur. Il ?tait le seul ? l’avoir jamais aim?e pour ce qu'elle ?tait, et non pour ce qu'elle faisait. Le seul ? l’avoir jamais aim?e, et il ?tait mort. Aurelle se tenait l?, compl?tement d?munie tandis qu'Astare s’?loignait peu ? peu. Elle ne savait plus que faire maintenant, ni o? aller, une fois rendue ? Royalsport. Elle ne voulait pas se contenter de dire au Duc Viris qu'il avait r?ussi, que tous ses plans se concr?tisaient. Elle fit ce qu'elle voulait faire, un acte stupide et dangereux, qui lui causerait probablement plus d'ennuis qu'elle l’imaginait si elle survivait. Si elle revenait et pr?tendait avoir effectu? sa mission parfaitement, elle serait grassement r?tribu?e, serait probablement m?me en mesure d’acc?der ? une position influente. Aurelle ne voulait rien de tout cela. Elle ne supportait pas l'id?e d'un monde sans Greave ? ses c?t?s, mais songer ? un monde dans lequel Finnal remportait le pouvoir tandis que le duc Viris ricanait dans son coin lui faisait l’effet d’ongles lac?rant sa peau. Elle ne le supporterait pas… alors pourquoi n'y rem?diait-elle pas ? Ce qu'elle envisageait de faire ne ram?nerait pas Greave. Ne r?parerait aucun d?g?t qu'elle avait contribu? ? causer, ne r?tablirait pas l’ordre des choses, mais contribuerait peut-?tre ? rendre le monde meilleur. Elle les tuerait tous les deux. CHAPITRE HUIT Le courant malmenait Renard, le bousculait tel un mari rentr? plus t?t que pr?vu, de sorte qu'il semblait comme jailli de l'eau. Cet homme robuste se retrouvait ballott? comme un vulgaire jouet, son poids devenu presque plume par la force de l’eau. L’eau s’engouffra dans le manteau de Renard, l’habit se fit plus pesant qu’une chape de plomb sur ses ?paules. Renard d?chira et arracha son pardessus mais la boucle se prit dans sa tignasse rousse, l’immobilisait alors qu'il s'accrochait ? un rocher. Renard arracha une ?paisse m?che de cheveux et parvint ainsi ? se d?gager, projet? en avant par le courant. Renard se d?battait pour rester ? la surface, essayant de se rappeler pourquoi se jeter ? l’eau lui avait sembl? ? la base une si bonne id?e. Il ?mergea, r?ussit ? prendre une goul?e d’air et se souvint avoir aper?u au loin la grosse masse rouge du dragon. Un petit s?jour dans l’eau valait mieux qu'?tre br?l? vif, n’est-ce pas ? La rivi?re apporta la r?ponse ? sa question en l'entra?nant ? nouveau sous les flots, le propulsant ? une vitesse comparable ? celle d’un cheval au galop. Renard se heurta aux rochers qui ?cras?rent ses c?tes et dut user de ses bras et jambes pour repousser les pires ?cueils avant de les percuter ? nouveau. La situation ne pouvait pas ?tre pire. Il remonta ? la surface et le regretta aussit?t. Devant lui, l'eau c?da la place ? l’?cume et aux embruns, tandis que la rivi?re semblait tout bonnement dispara?tre par-del? les rochers d?chiquet?s. Une chute ou un barrage attendaient Renard, il tomberait bient?t de Charybde en Scylla. Il nagea vers le rivage, ne voulant pas combattre la rivi?re de front mais l’affronter de biais. Renard comprit d?s ses premi?res brasses que son id?e ne fonctionnerait pas. La rivi?re ?tait trop puissante, le courant l’entra?nait trop vite. Renard devrait choisir entre passer en force ou s'?craser contre les rochers en vue – sa vie se r?sumait ? des choix draconiens depuis ces derniers temps. Renard supposa que la plupart des gens auraient choisi les rochers, auraient essay? de s'y cramponner pour ?viter de terminer dans la cascade. Ils se seraient probablement fracass?s contre et Renard n'?tait pas du genre ? choisir la facilit?. Il nagea jusqu’? un espace libre entre eux, eut le temps de contempler le vide trente m?tres plus bas, si ce n’est plus, dans la rivi?re en contrebas puis, ce fut la chute. Renard fit en sorte que sa chute se mue en plongeon et quand bien m?me, l'?l?gance n'?tait pas de mise vue la fa?on dont il fit son entr?e dans l'eau. Une vasque attendait Renard, il n’avait plus qu’? esp?rer qu'elle soit assez profonde, faute de quoi cette chute sonnerait son tr?pas. Il tendit les mains droit devant lui, fendant et battant l'eau avec une force qui l’?branlait jusqu’aux os. Renard s’arcbouta afin de p?n?trer moins profond?ment dans l’eau mais il heurta le fond de la vasque suffisamment violemment pour perdre le peu de souffle qui lui restait. Renard apercevait la surface au-dessus, tel un cercle de lumi?re bien trop ?loign? pour qu'il soit en mesure de l'atteindre et le toucher. Mais d?j? ses poumons le br?laient, il dut lutter pour retenir sa respiration alors qu'il remontait vers la lumi?re. La remont?e lui parut une ?ternit?. La vue de Renard s’obscurcissait peu ? peu, la pression allait crescendo sous son cr?ne qui lui semblait ? deux doigts d’exploser. Il respirerait bient?t, qu'il le veuille ou non, l'eau s’engouffrerait dans ses poumons, il mourrait noy?… Renard surgit ? la surface, en manque d’air. Il leva les yeux, vit la chute d'eau qui se fracassait au-dessus, elle paraissait encore plus haute vue de l? que lors de sa descente. L'eau martelait tout autour de lui, Renard trouva la chose rafra?chissante au possible ? cet instant pr?cis, il ?tait vivant. "Je suis vivant !" cria-t-il ? la cantonade, attitude assur?ment des plus stupide. Il ?tait d?j? convaincu, ? sa grande joie, que les dieux prenaient visiblement un malin plaisir ? le tourmenter. Renard se mit ? nager jusqu’au bord de la vasque. Arriv? ? bon port, il se hissa hors de l'eau sur une berge rocailleuse, ?puis? et tremp? jusqu'aux os. Il resta allong? pendant ce qui lui sembla une ?ternit?, le soleil ?tait d?sormais suffisamment chaud pour qu’il crut percevoir de la vapeur s'?lever de tout son ?tre. Renard v?rifia ses biens, essaya de d?finir ce qui restait suite ? son plongeon dans la cascade. Il n'avait pas d'?p?e, mais toujours un long couteau sangl? ? sa hanche. Sa bourse contenant son argent avait surv?cu, il poss?dait par cons?quent encore une forte somme, gr?ce ? l'amulette revendue ? Geertstown. Renard savait sans m?me avoir besoin de v?rifier que l'amulette ?tait toujours l?. Il la sentait qui s’amusait ? le pousser ? bout, le vidait petit ? petit de son ?nergie vitale. Renard ?tait bris? et meurtri, ?puis? et ? peine capable de reprendre son souffle. Il sentait malgr? tout quelque chose de bien plus insidieux sous-jacent, alors que l'amulette mena?ait de l’achever. Pourquoi cette amulette ne l’avait-elle pas d?j? tu? ? Renard n'?tait pas du genre ? poser ce genre de question en temps normal, cela ne pouvait qu’attirer du n?gatif mais il ne pouvait s'emp?cher de se poser des questions en pareil moment. Il ne pouvait rien faire hormis s’en poser justement, trop ?puis? pour agir, m?me avec la perspective d'un dragon dans les parages qui le traquerait sans doute. Le receleur auquel il avait vendu l'amulette ?tait mort moins d'une heure apr?s, pomp? jusqu’? la moelle et n’ayant plus rien d’humain. L'homme ?tait certes ?g? mais quand bien m?me, Renard ne pouvait croire que l'amulette ait pu causer pareils d?g?ts. Il se tramait quelque chose, quelque chose qui le d?passait. Renard finit par se redresser, s’asseoir et se lever. Il savait ce qu'il devait faire sans qu’on ait besoin de le lui souffler, il le savait depuis le moment o? il avait vol? l'amulette ? Geertstown : il avait besoin d'un sorcier. Le probl?me ?tait toujours le m?me. Les sorciers ?taient tout sauf du vulgus pecum, trouver quelqu'un qui en savait suffisamment long en mati?re de magie pour s'occuper d'une amulette redout?e par les Forces Obscures en personne, en d?pit de leur terrible pouvoir… comment esp?rer trouver un homme qui en soit capable ? Renard se mit en marche, ses v?tements d?goulinaient ? chacun de ses pas. Il avait d?j? fait une douzaine de pas avant de r?fl?chir quelle direction prendre. La position du soleil lui fournit la r?ponse. Il allait vers l'est, vers Royalsport. Il savait son id?e stupide, les rumeurs qui couraient sur Geertstown disaient que la guerre venait de l'est. Une cit? pleine de voleurs et de contrebandiers ?tait consid?r?e comme un havre de paix eu ?gard au reste du royaume. Evidemment, la majeure partie de Geertstown ?tait actuellement en feu, gr?ce au dragon venu chercher l'amulette. Renard la prit et l’admira. Un petit morceau d'?caille de dragon au centre d’un octogone, chaque face affichait une pierre pr?cieuse de couleur diff?rente qui brillait au soleil. "J'aurais d? te laisser ? ta place," dit Renard ? l'amulette. "Pourquoi faut-il toujours que je n’en fasse qu’? ma t?te ?" Et pourtant. Il l'avait reprise pour ?viter des probl?mes ult?rieurs, la seule solution aurait ?t? de laisser une chose aussi puissante entre les mains des Forces Obscures. Cette seule motivation s'?tait av?r?e suffisante pour que Renard prenne de court des individus capables de le r?duire en pi?ces ? l'aide de leurs pouvoirs magiques. Devoir se rendre ? Royalsport pour trouver un sorcier n'?tait rien en comparaison. Il savait de qui il avait besoin, il n’existait qu'un seul homme capable de l'aider en pareille situation. Renard devait faire appel ? Ma?tre Grey, le sorcier du roi. Il devait aller voir l’enchanteur, m?me si cela impliquait affronter la violence qui s?vissait ? l'est, et demander son aide. Ou bien, conserver simplement l'amulette dans sa main et s’enfuir, en esp?rant que cela suffise ? rompre leur lien, le sorcier saurait quoi faire. Quoi qu'il en soit, Renard continua ? cheminer parmi la rocaille, continua d’avancer dans l'espoir de trouver un chemin. Il tomba sur une piste qu’il suivit et le mena ? une piste plus grande, il poursuivit son p?riple. Il ?tait presque d?j? rendu au prochain village lorsqu’il se hasarda ? jeter un regard en arri?re, il avait gard? les yeux riv?s devant lui jusque-l?, penser ? ce qui l’attendait ?ventuellement l’avait emp?ch? de se retourner. Mais Renard n’y tenait plus. Il regarda par-dessus une ?paule, scruta ciel et terre. Il n'en fallut pas plus pour qu'il trouve ce qu'il cherchait. Ce n'?tait qu'un point maintenant, mais bel et bien l?, de sorte que Renard savait qu'il ne ferait pas halte dans ce village, ou dans n’importe quel autre, bien longtemps, ? peine le temps de voler un cheval. Le dragon volait ? l’horizon, le suivait lentement mais s?rement, Renard savait qu’il r?tirait ? nouveau dans ses flammes s’il ne rejoignait pas le sorcier au plus vite, guerre ou pas. CHAPITRE NEUF Nerra regarda fixement la grosse masse sombre du dragon qui s’?levait au-dessus d'elle, elle ?tait persuad?e de mourir. Il la regardait fixement de ses yeux jaune d’or, contemplant Nerra comme s’il essayait de se persuader de la facilit? d?concertante avec laquelle il la d?vorerait. Les restes de la colonie ?parse autour d'elle lui indiquaient qu’un souffle suffirait ? l’an?antir. Pourtant, le sentiment ?trange qui emplissait son coeur ? cet instant n'?tait pas de la terreur, mais la fascination. Compar? au dragon dont elle avait trouv? l'?uf, celui-ci ?tait ?norme, d’un noir ?tincelant, mais Nerra voyait d?sormais que le noir ?tait en fait une douzaine de nuances et de teintes diff?rentes, du gris le plus clair au noir goudron, comme parsem? des ombres du ciel nocturne. Ses ?cailles ?taient si larges qu'elles ressemblaient ? des plaques d'armure au niveau de son ventre, les seules gicl?es de couleur ?tant le jaune de ses yeux et le rouge profond de sa gueule lorsque le dragon l’ouvrait grand. Il cracha des flammes pr?s de Nerra, la terreur fit soudainement son retour dans l'esprit de Nerra. Elle se retourna et courut, tr?bucha parmi les vestiges de la colonie d?vast?e, se dirigea vers les arbres plut?t que vers le terrain sombre et rocheux ? d?couvert, en partant du principe qu’une cr?ature aussi volumineuse ne pourrait s’y faufiler. Nerra entendit un rugissement derri?re elle, et continua ? courir. Elle se trouvait maintenant dans la jungle ? l'int?rieur de l'?le, des t?ches de soleil trouaient la canop?e tandis qu’elle continuait sa course. Les plantes que Nerra apercevait en courant ne ressemblaient en rien ? celles qu'elle connaissait, des plantes vertes et luxuriantes, aux couleurs vives, qui emplissaient son nez de leurs parfums. Pressait-elle l’allure ? cause des ?pines de la v?g?tation ou sa nouvelle apparence en ?tait-elle la cause ? Nerra distinguait l'ombre ?norme et large du dragon volant au-dessus d'elle, il la suivait sans encombre m?me ? travers les arbres. Nerra ne pouvait s'emp?cher de le regarder, partag?e entre la terreur ? l'id?e qu'un si grand pr?dateur r?de et son admiration pour l'?l?gance avec laquelle il fendait l'air. Il descendait en piqu? et remontait en battant ? peine ses ailes g?antes, crachant des flammes devant lui qui produisaient des courants thermiques facilitant son vol. Mais, comment Nerra savait-elle tout cela ? Elle avait vu son propre dragon, bien s?r, elle avait senti ce lien particulier qui les unissait, mais ignorait tout du fonctionnement de leur organisme, ce qu’?tre un dragon signifiait. Elle semblait d?sormais poss?der ce savoir ind?niable qui allait crescendo. Nerra ne put s'emp?cher de regarder le dragon en arrivant dans une clairi?re, comprit alors que ses serres ?taient presque aussi habiles que ses mains, que son corps pouvait transformer la magie ambiante en flamme, ombre ou brume. Elle savait sans qu'on ait besoin de le lui dire qu’il s’agissait d’un dragon femelle, qu'il ?tait grand, m?me pour son esp?ce. Nerra passa de longues secondes ? contempler le dragon, secondes durant lesquelles un mouvement se fit entendre sur sa gauche. Une b?te couverte d’?cailles surgit des arbres, bondit vers elle tous crocs dehors, pr?te ? mordre. La cr?ature parut ? Nerra semblable aux silhouettes tordues des ?tres difformes de l'Ile de l'Espoir, mais celle-ci semblait plus animale, comme inhumaine ? la base. Elle n'eut cependant pas le temps de r?fl?chir car la cr?ature d?j? se jetait sur elle. En temps normal Nerra aurait couru, perdue, mais elle sortit d’instinct ses mains griffues, griffes qui entaill?rent la chair de la cr?ature et la forc?rent ? bondir en arri?re. Elle la regarda fixement, sifflant et grin?ant des dents comme si elle comptait bondir ? nouveau sur Nerra, deux autres la rejoignirent au m?me moment. Nerra savait d’instinct comment le dragon ?tait mont? en fl?che, qu’il lui serait assez facile de g?rer une cr?ature de la famille des l?zards, mais trois ? la fois s’av?rait plus difficile. Elles encercl?rent Nerra qui sentit sa mort prochaine. Elle vit le dragon plonger telle une pierre vers la terre, ailes repli?es sur le c?t?, alors qu'il descendait en piqu?, se laissant choir jusqu'? ?tre presque au niveau du sol avant d'ouvrir et battre fermement des ailes, cr?ant un tel appel d'air que Nerra se retrouva cul par-dessus t?te. Les dr?les de l?zards s’?tal?rent ? leur tour. Le dragon ouvrit sa gueule diff?remment, en sortit une sorte de bu?e sombre et tremblotante qui s’abattit sur les cr?atures sans endommager les arbres derri?re elles, et non du feu. Elles hurl?rent de douleur et se repli?rent en tout h?te vers la for?t. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=63590451&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.