*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

Le Royaume des Dragons

le-royaume-des-dragons
Àâòîð:
Òèï:Êíèãà
Öåíà:199.00 ðóá.
Ïðîñìîòðû: 133
Ñêà÷àòü îçíàêîìèòåëüíûé ôðàãìåíò
ÊÓÏÈÒÜ È ÑÊÀ×ÀÒÜ ÇÀ: 199.00 ðóá. ×ÒÎ ÊÀ×ÀÒÜ è ÊÀÊ ×ÈÒÀÒÜ
Le Royaume des Dragons Morgan Rice “Tous les ingr?dients d'un bestseller : ?nigmes, rebondissements, myst?re, preux chevaliers, amours naissantes et c?urs bris?s, d?ception et trahison. Des heures de lecture ? tout ?ge. Vivement recommand? pour tous les inconditionnels de fantasy.” --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (L'Anneau du Sorcier)“Les pr?mices d'une s?rie prometteuse.” --San Francisco Book Review (La Qu?te des H?ros)Morgan Rice, auteur du bestseller La Qu?te des H?ros (plus de 1.300 commentaires cinq ?toiles) revient avec une toute nouvelle saga de Fantasy. LE ROYAUME DES DRAGONS (Le Temps des Sorciers — Tome Un), ou l'histoire d'un adolescent de 16 ans particulier, fils d'une pauvre famille de forgeron qui se voit offert la chance de faire ses preuves au combat, et entrer ainsi dans le cercle tr?s ferm? de la noblesse. Il d?tient un pouvoir ind?niable, son destin l'attend. Une princesse de 17 ans, ? la veille de son mariage fastueux — voit sa s?ur pestif?r?e rejet?e par sa famille.Trois fr?res, trois princes que tout oppose — tous en qu?te de pouvoir.Un royaume qui vacille, l'invasion, l'extinction de la race des dragons au quotidien.Deux royaumes rivaux, un fleuve tumultueux qui les s?pare, un paysage peupl? de volcans endormis, une capitale seulement accessible ? mar?e haute. Une histoire m?lant amour, passion, haine et rivalit? fraternelle ; tr?sors cach?s et malfrats ; moines et mercenaires ; honneur et gloire, trahison et d?ception.C'est l'histoire de Dragonfell, honneur et sens des valeurs, sorciers, magie, hasard et destin?e. Vous ne le l?cherez plus, partez ? la d?couverte d'un nouveau monde et ses attachants protagonistes. Tout public. Tomes Deux et Trois (LE TR?NE DES DRAGONS et LE FILS DES DRAGONS) d?j? disponibles en pr?commande.“La fantasy tambour battant …. Les pr?mices d'une s?rie prometteuse pour jeunes adultes.” --Midwest Book Review (La Qu?te des H?ros)“Un concentr? d'action …. Rice et son style ?blouissant, une ?nigme qui tient en haleine.” --Publishers Weekly (La Qu?te des H?ros) LE ROYAUME DES DRAGONS (LE TEMPS DES SORCIERS – TOME UN) MORGAN RICE Morgan Rice Morgan Rice est bestseller et meilleure autrice d'apr?s USA Today gr?ce ? la s?rie de fantasy L'ANNEAU DU SORCIER, dix-sept tomes ; bestseller avec MEMOIRES D'UN VAMPIRE, douze tomes ; bestseller avec LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes ; la fantasy ROIS ET SORCIERS, six tomes ; la fantasy DE COURONNES ET DE GLOIRE, huit tomes ; la fantasy UN TR?NE POUR DES S?URS, huit tomes ; une nouvelle s?rie de science-fiction, LES CHRONIQUES DE L’INVASION, en quatre tomes ; la fantasy OLIVER BLUE ? L’?COLE DES PROPH?TES, quatre tomes ; la fantasy LE FIL DE L'?P?E, quatre tomes ; et une nouvelle s?rie de fantasy LE TEMPS DES SORCIERS. Les ouvrages de Morgan sont disponibles en livres audio et broch?s et traduits en plus de 25 langues. TRANSFORMATION (M?moires d'un Vampire Tome 1), AR?NA UN (La Trilogie des Rescap?s Tome 1), LA Q?ETE DU H?ROS (L'Anneau du Sorcier Tome 1), LE R?VEIL DES DRAGONS (Rois et Sorciers Tome 1), UN TR?NE POUR DES S?URS (TOME 1), ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Les Chroniques de l'Invasion — Tome 1), et LA FABRIQUE MAGIQUE (OLIVER BLUE ? L’?COLE DES PROPH?TES — Tome 1) en t?l?chargement gratuit sur Google Play ! Morgan adore vous lire, rendez-vous sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com), recevez un livre gratuit et des cadeaux ; t?l?chargez l'application gratuite et recevez des infos en avant-premi?re, connectez-vous sur Facebook et Twitter, restons en contact ! Morgan Rice - Critiques “Vous pensiez en avoir termin? avec la s?rie L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. D?couvrez LE REVEIL DES DRAGONS, la nouvelle saga prometteuse de Morgan Rice, et laissez-vous entra?ner au pays des trolls et des dragons, o? sens des valeurs, honneur, courage, magie et destin?e r?gnent en ma?tre. Les personnages de Morgan nous envo?tent au fil des pages … vivement recommand? pour tous les inconditionnels de fantasy.” --Books and Movie Reviews Roberto Mattos “Un m?lange de fantasy et d'action qui s?duira les lecteurs de Morgan Rice et Christopher Paolini, auteur de L'HERITAGE … Les fans de fictions pour jeunes adultes vont litt?ralement d?vorer le dernier opus de Rice.” --The Wanderer, A Literary Journal (Le R?veil des Dragons) “Un ouvrage de fantasy de haut vol m?lant intrigue et myst?re. La Qu?te des H?ros aborde les th?mes du courage et de la r?ussite, l'?ge adulte, la maturit?, l'excellence ... R?serv? aux fans de fantasy, les protagonistes m?lent astuces et sc?nes d'action, abordant le passage du jeune Thor ? l'?ge adulte, une vie plac?e sous le signe de la chance …. pr?mices d'une s?rie prometteuse pour jeunes adultes.” --Midwest Book Review (D. Donovan, eBook Reviewer) “L'ANNEAU DU SORCIER comporte tous les ingr?dients d'une recette ? succ?s : intrigues, complots, myst?res, preux chevaliers, amours naissantes et c?urs bris?s, d?ception et trahison. Des heures de lecture, ? tout ?ge. Chaudement recommand? pour les amoureux de fantasy.” --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos “Avec ce premier tome "action" de la s?rie de fantasy L'Anneau du Sorcier (14 tomes), Rice nous pr?sente le jeune Thorgrin "Thor" McLeod, qui, ? 14 ans, r?ve d'int?grer la prestigieuse L?gion d'Argent, les chevaliers d'?lite du roi …. Une prose et une intrigue riches en rebondissements, Rice en majest?.” --Publishers Weekly Livres par Morgan Rice LE TEMPS DES SORCIERS LE ROYAUME DES DRAGONS (Tome 1) LE TR?NE DES DRAGONS (Tome 2) LE FILS DES DRAGONS (Tome 3) OLIVER BLUE A L’ECOLE DES PROPH?TES LA FABRIQUE MAGIQUE (Tome 1) L’ORBE DE KANDRA (Tome 2) LES OBSIDIENNES (Tome 3) LE SCEPTRE DE FEU (Tome 4) LES CHRONIQUES DE L’INVASION ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome 1) ARRIV?E (Tome 2) ASCENSION (Tome 3) RETOUR (Tome 4) LE FIL DE L’?P?E LES PLUS M?RITANTS (Tome 1) LES PLUS VAILLANTS (Tome 2) LES DESTIN?S (Tome 3) LES PLUS T?M?RAIRES (Tome 4) UN TR?NE POUR DES S?URS UN TR?NE POUR DES S?URS (Tome 1) UNE COUR DE VOLEURS (Tome 2) UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome 3) UN CHANT FUN?BRE POUR DES PRINCES (Tome 4) UN JOYAU POUR LA COUR (Tome 5) UN BAISER POUR DES REINES (Tome 6) UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome 7) UNE ?TREINTE POUR DES H?RITI?RES (Tome 8) DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (Tome 1) CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE (Tome 2) CHEVALIER, H?RITIER, PRINCE (Tome 3) REBELLE, PION, ROI (Tome 4) SOLDAT, FR?RE, SORCIER (Tome 5) H?RO?NE, TRA?TRESSE, FILLE (Tome 6) SOUVERAIN, RIVALE, EXIL?E (Tome 7) VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome 8) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome 1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome 2) LE POIDS DE L’HONNEUR (Tome 3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome 4) UN ROYAUME D’OMBRES (Tome 5) LA NUIT DES BRAVES (Tome 6) L’ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome 1) LA MARCHE DES ROIS (Tome 2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3) UN CRI D’HONNEUR (Tome 4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5) UN PRIX DE COURAGE (Tome 6) UN RITE D’?P?ES (Tome 7) UNE CONCESSION D’ARMES (Tome 8) UN CIEL ENSORCELE (Tome 9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10) UN R?GNE DE FER (Tome 11) UNE TERRE DE FEU (Tome 12) UNE LOI DE REINES (Tome 13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome 14) UN R?VE DE MORTELS (Tome 15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16) LE DON DU COMBAT (Tome 17) TRILOGIE DES RESCAP?S ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Tome 1) DEUXIEME ARENE (Tome 2) AR?NE TROIS (Tome 3) LES VAMPIRES D?CHUS AVANT L’AUBE (Tome 1) MEMOIRES D'UN VAMPIRE TRANSFORMATION (Tome 1) ADORATION (Tome 2) TRAHISON (Tome 3) PREDESTINATION (Tome 4) D?SIR (Tome 5) FIAN?AILLES (Tome 6) SERMENT (Tome 7) TROUV?E (Tome 8) REN?E (Tome 9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome 10) SOUMISE AU DESTIN (Tome 11) OBSESSION (Tome 12) Connaissez-vous tous mes ouvrages ? Cliquez et t?l?chargez les premiers ?pisodes ! Des livres gratuits ? Inscrivez-vous ? la mailing-list de Morgan Rice et recevez 4 livres gratuits, 3 cartes gratuites, 1 application gratuite, 1 jeu gratuit, 1 livre audio gratuit et des cadeaux exclusifs ! Rendez-vous sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com) Copyright © 2019 by Morgan Rice. Tous droits r?serv?s. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise par quelque moyen que ce soit, stock?e sur une base de donn?es ou stockage de donn?es sans permission pr?alable de l'auteur. Cet ebook est destin? ? un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut ?tre vendu ou c?d? ? des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ce livre n'a pas ?t? achet? pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, personnages, soci?t?s, organisations, lieux, ?v?nements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilis?s en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou d?c?d?es, serait pure co?ncidence. Photo de couverture Copyright (https://www.shutterstock.com/g/bindemanis)cosmin4000 sous licence istockphoto.com. TABLE DES MATIERES CHAPITRE UN (#u5410eb94-6770-5f59-8095-359016ce1351) CHAPITRE DEUX (#ufacccac5-3da9-5098-817d-9c305cb817f1) CHAPITRE TROIS (#u2fa08f6d-6f3c-560c-b12c-8444d97cb5fb) CHAPITRE QUATRE (#u8a18f888-cba1-5cc9-8ccf-5831722d8b1c) CHAPITRE CINQ (#u96b198f2-c98f-543d-b670-5ecdd1571454) CHAPITRE SIX (#u08df2230-7a05-5402-9fd6-3d0daded57d1) CHAPITRE SEPT (#u11fb3d31-332f-596f-926b-c9859265d4b0) CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE UN Le Roi Godwin III du Royaume du Nord avait eu son content d'aventures. Bien qu'ayant particip? ? la marche des arm?es et vu la magie ? l'?uvre, il ?tait p?trifi? devant la cr?ature ?tendue devant lui sur l'herbe, prostr?e et immobile, silhouette improbable d'os et d'?cailles, allong?e sous le ciel nocturne. Que la faute incombe ? la cr?ature ou simplement au lieu en lui-m?me, le roi avait d? mettre pied ? terre, sa monture ayant refus? d'aller plus avant. Partis de Royalsport, ils avaient chevauch? une journ?e durant en direction du sud, la Spur mugissante cascadait quelques dizaines de m?tres en contrebas, les terres de son royaume s'achevaient dans ses eaux argent?es, turbulentes et rugissantes. Des guetteurs les surveillaient certainement plus au sud, par-del? le vaste horizon. Godwin esp?rait que tel n'?tait pas le cas, lui et ses suivants, d?sormais loin de chez eux, seraient alors des proies faciles pour quiconque passerait les ponts s?parant les royaumes mais … il ne voulait pas qu'ils assistent ? ce spectacle. Le roi Godwin s'avan?a, la petite foule de ses suivants se demandant s'il fallait avancer. Ils ?taient fort heureusement en comit? restreint … la chose n'?tait pas ? mettre sous les yeux de tout un chacun. Rodry, son fils a?n? de vingt-trois ans, ?tait le portrait de Godwin jeune, grand et bien b?ti, cheveux blonds, h?ritage de sa d?funte m?re, ras?s au niveau des tempes pour ne pas ?tre g?n? lors des combats ? l'?p?e. Vars et Greave, les fr?res de Rodry, ?taient rest?s au ch?teau, enfourcher une monture pour si peu n'?tait pas leur genre. Vars se plaindrait probablement du fait que le choix se soit port? sur Rodry—Vars, pas t?m?raire pour deux sous, ne se serait jamais port? volontaire. Quant ? Greave, il devait ?tre fourr? dans ses livres ? la biblioth?que. Ses filles auraient bien voulu venir, deux d'entre elles du moins. Erin, la benjamine, aurait ador? partir ? l'aventure. Nerra aurait certainement voulu voir cette ?trange cr?ature, aurait certainement pleur? devant sa d?pouille. Godwin sourit en songeant ? sa gentillesse l?gendaire, son sourire s'?vanouit au souvenir de sa toux persistante, sa maladie l'obligeait ? garder la chambre. Lenore aurait probablement pr?f?r? rester au ch?teau mais s'affairait aux pr?paratifs du mariage. Godwin et Rodry n'?taient pas seuls, toutefois. Une demi-douzaine des membres du cercle des Chevaliers d'Argent les accompagnait, Lars et Borus, Halfin et Twell, Ursus et Jorin, tous fid?les serviteurs de Godwin, pour certains depuis des d?cennies - le fleuve miroitant faisait ?tinceler les armoiries de leurs armures - sans compter les villageois qui avaient d?couvert la cr?ature, et, juch? sur un cheval malingre, la silhouette du sorcier drap? dans sa robe. “Grey,” lan?a le roi Godwin en faisant signe ? l'homme d'avancer. Ma?tre Grey s'approcha doucement en prenant appui sur sa canne. En d'autres circonstances, le roi Godwin se serait gauss? du contraste. Grey ?tait mince, cheveux ras?s, d'une p?leur de cire, affubl? d'une robe blanc et or. Godwin ?tait plus grand et massif, son armure et sa grosse barbe lui conf?raient un air de puissance, ses cheveux noirs lui tombaient aux ?paules. “Vous oseriez les traiter de menteurs ?” cingla le roi Godwin en indiquant les villageois d'un mouvement de t?te. Godwin savait que les hommes avaient peur, ils agitaient des ossements de vaches, harnach?s dans leurs armures de cuir, mais son mage ?luda la question. Grey secoua ostensiblement la t?te et le regarda droit dans les yeux. Un frisson parcourut Godwin. La b?te ?tait bien r?elle, il ne s'agissait pas d'une plaisanterie dans le but de gagner leurs faveurs ou leur soutirer de l'argent. Il se trouvait devant un vrai dragon. Un sang rouge teintait ses ?cailles couleur de rouille. Ses dents semblables ? de l'ivoire, aiguis?es comme des rasoirs, faisaient la taille d'un homme. Ses ailes gigantesques bizarrement d?ploy?es, immenses et comparables ? celle d'une chauve-souris, paraissaient bien petites, pour permettre ? pareille cr?ature de s'?lever. Le corps de la b?te gisait au sol, recroquevill?, aussi long que douze chevaux en file indienne, assez large pour que Godwin fasse figure d'un vulgaire jouet ? ses c?t?s. “C'est la premi?re fois que j'en vois un,” avoua le roi Godwin, en touchant la forme ?cailleuse. Il s'attendait presque ? sentir de la chaleur mais la rigor mortis s'?tait d?j? empar?e de l'animal. “Rares ceux qui en ont vu,” r?pondit Grey. La voix de Godwin ?tait grave et sonore, celle de Grey r?duite ? un simple murmure. Le roi acquies?a. Le sorcier n'allait ?videmment pas lui confier tous ses secrets, non pas que cette id?e le rassure. Voir un dragon, mort de surcro?t … “Que savons-nous ? son sujet ?” demanda le roi. Il l'examina de tout son long, poursuivant son inspection jusqu'? l'interminable queue. “Une femelle,” annon?a le sorcier, “rouge—qui plus est.” Il ne lui expliqua bien ?videmment pas ce que cela impliquait. Le sorcier en fit le tour, songeur. Il regardait de temps ? autre derri?re lui, perdu dans ses pens?es. “De quoi est-il mort ?” demanda Godwin. Il avait men? de nombreuses batailles mais se demandait quelle arme avait pu venir ? bout d'une b?te pareille, il n'apercevait aucune trace de cicatrice ou de coup d'?p?e dans la cr?ature. “De vieillesse … peut-?tre.” Godwin soutint son regard. “Je les croyais immortels,” r?torqua Godwin. Ce n'?tait plus le roi mais l'enfant qui s'adressait ? Grey, il se revoyait des ann?es en arri?re, alors qu'il qu?mandait aide et savoir aupr?s de lui. Le sorcier lui paraissait d?j? tr?s ?g? ? l'?poque. “Ils ne sont pas ?ternels mais vivent mille ans tout au plus, ? condition d'?tre n?s sous la lune du dragon,” r?pondit Grey, comme s'il ?non?ait une v?rit? absolue. “Mille ans est d?j? bien assez long pour qu'on puisse en voir un mort,” r?pondit Godwin. “Je n'aime pas ?a du tout. C'est de mauvais augure.” “C'est possible,” avoua Grey, il n'?tait pas homme ? s'avancer sans raison. “La mort est parfois un puissant pr?sage. Elle peut incarner la mort. Ou la vie.” Il contempla le royaume. Le roi Godwin soupira, d?sesp?r? ? l'id?e de ne jamais vraiment r?ussir ? sonder le c?ur de cet homme, et observa de nouveau la b?te, il essayait de comprendre comment un ?tre aussi puissant et magnifique avait trouv? la mort. Son corps ne pr?sentait aucune trace de combat ni de blessure. Il fixa l'?il de la cr?ature, esp?rant y trouver des r?ponses. “P?re ?” lan?a Rodry. Le roi Godwin se tourna vers son fils. Il ressemblait ?norm?ment ? Godwin au m?me ?ge, il ?tait muscl? et vigoureux, son air rac? et ses cheveux blonds lui rappelaient sa d?funte m?re. Assis sur son fid?le destrier, son armure bleut?e resplendissait. Rester plant? l? sans rien faire lui tapait sur les nerfs. Il esp?rait, s'agissant d'un dragon, pouvoir en affronter un. Sa jeunesse lui conf?rait un sentiment d'invicibilit?. Les chevaliers alentours attendaient patiemment les ordres du roi. Godwin savait pertinemment qu'ils auraient d? arriver sur site il y a fort longtemps d?j?. La nuit tombait, les Sudistes pouvaient surgir du pont enjambant le fleuve. “C'est trop long, la Reine va croire qu'on l'a fait expr?s pour ?viter les pr?paratifs du mariage,” crut bon de pr?ciser Rodry. “Nous mettrions beaucoup trop longtemps, m?me en chevauchant ? bride abattue.” Nous en ?tions venus au fait. Le mariage de Lenore aurait lieu dans une semaine, Aethe ne le lui pardonnerait jamais, surtout s'il faisait le mur avec Rodry. En d?pit de ses efforts, elle ?tait persuad?e qu'il pr?f?rait les trois fils qu'Illia lui avait donn?s, ? ses trois filles. “Nous serons bient?t rentr?s,” annon?a le roi Godwin, “mais nous devons tout d'abord nous occuper de ?a.” Godwin jeta un ?il vers Grey avant de poursuivre. “Si les gens entendent parler d'un dragon, mort, qui plus est, ils prendront ?a pour une mal?diction, je ne tol?rerais pas qu'un mauvais pr?sage g?che le mariage de Lenore.” “Non, bien s?r que non,” r?pondit Rodry, honteux de ne pas y avoir song?. “Qu'allons-nous faire ?” Le roi y avait d?j? r?fl?chi et se dirigea vers les villageois avec de l'argent. “Je vous remercie de m'avoir pr?venu,” dit-il en distribuant des pi?ces. “Rentrez chez vous et ne racontez ? personne ce que vous avez vu. Rien de tout ceci ne serait arriv? si vous ne r?diez pas dans les parages. Si jamais j'apprends …” Ils comprirent la menace ? peine voil?e et s'inclin?rent bien bas. “Oui, mon Roi,” dit l'un deux, avant de tous d?taler comme des lapins. “Et maintenant,” dit-il en s'adressant ? Rodry et aux chevaliers, “Ursus, tu es le plus vigoureux d'entre nous ; montre-nous ta force. Qu'on aille chercher des cordes pour tra?ner la b?te.” Le plus robuste des chevaliers opina du chef, tous se mirent ? l'ouvrage, fouillant dans leurs sacoches jusqu'? ce que l'un d'eux s'avance avec une corde solide. On pouvait compter sur la pr?voyance de Twell. Ils attach?rent la d?pouille du dragon, op?ration qui s'av?ra plus longue que Godwin l'aurait souhait?. Aucune corde ne semblait suffire pour attacher l'immense b?te ; Jorin, plus agile, grimpa sur la cr?ature, une corde autour de son ?paule, afin de l'attacher. Il sauta lestement ? terre malgr? son armure et tous finirent par la ligoter. Le roi s'approcha d'eux et s'empara de la corde. “Et alors ?” lan?a-t-il aux autres. “Vous croyez peut-?tre que je compte le tra?ner seul jusqu'au fleuve ?” Il aurait pu jadis, il ?tait assur?ment aussi fort qu'Ursus ou Rodry mais savait admettre lorsqu'il avait besoin d'aide. Les hommes comprirent le message et s'empar?rent de la corde. Godwin per?ut le moment o? son fils se joignit ? l'effort, tous pouss?rent la d?pouille du dragon, ahanant sous l'effort. La cr?ature s'?branla lentement, laissant des traces de son passage dans la poussi?re tandis que tous tra?naient la masse imposante. Seul Grey ne fit pas mine de tirer sur la corde, personne ne comptait sur lui d'ailleurs. Le groupe tira peu ? peu le dragon jusqu'au fleuve. Ils parvinrent ? le haler jusque sur la berge, aux abords du fleuve qui symbolisait ? la fois la fronti?re et les d?fenses du royaume. Il reposait en ?quilibre parfait, en direction de Godwin, un souffle de vent aurait pu le faire basculer, on aurait presque dit qu'il s'appr?tait ? prendre son envol vers des contr?es plus m?ridionales. Il appuya sa botte sur son flanc et, au prix d'un immense effort, fit basculer le cadavre dans le vide. “Une bonne chose de faite,” affirma-t-il, tandis que le dragon frappait l'onde. Il ne disparut pas pour autant mais flottait, la f?rocit? des ondes argent?es auraient pu l'emporter mais le cadavre du dragon se cognait aux rochers et tournoyait au gr? du courant. Nul ne r?sistait ? ce flot imp?tueux, l'immense dragon ?tait devenu un vulgaire f?tu de paille, il serait bient?t entra?n? vers la lointaine mer, l? o? les eaux sombres rejoignaient l'immensit? sal?e. “Esp?rons qu'elle n'ait pas pondu,” murmura Grey. Le roi Godwin restait l?, trop ?reint? pour poser une quelconque question, observant le corps de la cr?ature jusqu'? compl?te disparition. Il voulait simplement s'assurer qu'elle ne reviendrait pas dans son royaume, qu'elle ne leur occasionnerait aucun tracas suppl?mentaire. Il n'?tait plus tout jeune et dut reprendre son souffle. Il se leurrait. En v?rit?, l'inqui?tude le rongeait. Il r?gnait sur son royaume depuis fort longtemps mais n'avait jamais rien vu de tel. Un malheur allait forc?ment se produire. Quoiqu'il arrive, Godwin savait d'ores et d?j? que son royaume ne serait pas ?pargn?. CHAPITRE DEUX Dans son r?ve, Devin se trouvait tr?s loin de son atelier de forgeron, hors la cit? de Royalsport, o? il vivait avec sa famille. Il r?vait souvent, allant o? bon lui semblait. Son imaginaire avait fait de lui un chevalier. Son r?ve ?tait ?trange, cela dit. Il savait que ce n'?tait qu'un r?ve, mais ce n'?tait pas toujours le cas. Il pouvait y entrer, le r?ve semblait se mouvoir, les paysages ?voluaient autour de lui. Comme s'il volait au-dessus du royaume. Il pouvait voir la terre se d?rouler sous lui, au nord et au sud, parcourue par la Slate, et Leveros, l'?le aux moines, ? l'extr?me est. Plus au nord, aux confins du royaume, ? cinq ou six journ?es de cheval, il apercevait les volcans endormis depuis des si?cles et plus ? l'ouest, le Troisi?me Continent, personne n'osait en parler, effray?s qu'ils ?taient par les cr?atures vivant l?-bas. Il savait qu'il ne s'agissait que d'un r?ve, un r?ve particuli?rement pr?cis concernant le royaume. Il ne survolait plus le vaste monde. Il se trouvait dans un endroit sombre, en compagnie de quelque chose : une forme occupait tout l'espace, une odeur de moisi, s?che, de reptile. Un rai de lumi?re filtrait par les escaliers, dans la semi-p?nombre, il entendait comme un bruissement, une respiration mugissante. Dans son r?ve, Devin ?tait p?trifi? et refermait instinctivement sa main sur la poign?e de son ?p?e, dont la lame dardait un ?clat m?tallique d'un noir bleut?. De grands yeux dor?s s'ouvrirent soudain dans le noir, un ?clat de lumi?re lui parvint. Il aper?ut une forme gigantesque, il n'en avait jamais vu d'aussi grande, des ailes repli?es et une gueule grande ouverte dont s'?chappait de la lumi?re. Devin mit un moment avant de comprendre que la lumi?re provenait de la gueule de la cr?ature, des flammes l'entour?rent tout ? coup, l'encerclaient, br?lant tout sur leur passage … Les flammes s'?cart?rent, il se retrouva assis dans une pi?ce circulaire, probablement au sommet d'une tour. L'endroit ?tait tapiss?, du sol au plafond, d'un bric-?-brac de diverses provenances ; des soieries recouvraient les murs, les ?tag?res ?taient encombr?es d'objets en cuivre dont Devin ignorait le sens. Un homme ?tait assis, jambes crois?es, dans le peu d'espace restant, au centre d'un cercle trac?e ? la craie et entour? de bougies. Il ?tait chauve et fixait Devin d'un air s?rieux. Sa robe richement rebrod?e arborait des ?cussons et bijoux d?cor?s de motifs mystiques. “Vous me connaissez ?” demanda Devin en s'approchant. Un long silence s'ensuivit, si long que Devin se demanda s'il lui avait effectivement pos? la question. “Dans mes r?ves, les ?toiles m'ont dit que tu viendrais si j'attendais,” finir par dire la voix. “Tu es l'?lu.” Devin comprit de qui il s'agissait. “Vous ?tes Ma?tre Grey, le sorcier du roi.” Il d?glutit p?niblement. On racontait que cet homme pouvait percevoir des choses qu'aucun homme sain d'esprit n'aurait voulu voir ; qu'il avait pr?dit au Roi la mort de sa premi?re femme, les gens lui avait ri au nez jusqu'? ce qu'elle s'?vanouisse et se fracasse le cr?ne sur un pont en pierres. On racontait qu'il pouvait lire dans l'?me d'un homme et raconter ce qu'il y avait vu. Tu es l'?lu. Que voulait-il dire par l? ? “Vous ?tes Ma?tre Grey.” “Tu es n? ? une ?poque improbable. J'ai remu? ciel et terre pour te trouver, et te voil?.” Le c?ur de Devin s'emballa, le sorcier du roi connaissait son identit?. Pourquoi un homme si ?minent s'int?ressait-il donc ? lui ? Il comprit ? cet instant pr?cis que son r?ve n'en ?tait pas un. Il s'agissait d'une ?preuve initiatique. “Qu'attendez-vous de moi ?” demanda Devin. “Ce que j'attends ?” sa question prit le sorcier de court, si tant est que ce soit possible. “Je voulais te voir en personne. Te voir en ce jour, avant que ta vie ne change ? tout jamais.” Devin mourait d'envie de le questionner mais Ma?tre Grey se pencha pour moucher l'une des bougies ? l'aide de deux longs doigts, en murmurant des paroles inaudibles. Devin voulut s'approcher, comprendre ce qui se passait mais une force formidable le tira en arri?re, ? l'ext?rieur de la tour, dans le noir … *** “Devin !” l'appela sa m?re. “L?ve-toi sans quoi tu peux faire une croix sur ton petit d?jeuner.” Devin pesta en ouvrant les yeux. L'aurore pointait d?j? par la fen?tre de la petite maison familiale. Il n'arriverait pas ? temps ? la forge s'il ne se h?tait pas, et n'aurait le temps de rien, hormis se mettre imm?diatement au travail. Allong? dans son lit, le souffle court, il tentait de s'extraire des r?ves si r?els qui lui collaient ? la peau. Peine perdue. Ses r?ves ?taient plus pesants qu'une chape de plomb. “DEVIN !” Devin secoua la t?te. Il sauta ? bas du lit et se d?p?cha de s'habiller. Ses v?tements ordinaires ?taient repris?s ? certains endroits. Certains, h?rit?s de son p?re, ne lui allaient pas tr?s bien ; ? seize ans, Devin ?tait encore mince, pas plus costaud que la moyenne des gar?ons de son ?ge, bien que l?g?rement plus grand. Il repoussa une m?che brune devant ses yeux, ses mains portaient les marques de br?lures et coupures, stigmates de son travail ? la forge, ce serait encore pire l'?ge aidant. Le vieux Gund, rompu au dur labeur, ne bougeait pratiquement plus ses doigts. Devin s'habilla et se d?p?cha de rejoindre la cuisine de la maisonnette. Il s'installa ? table et mangea son rago?t en compagnie de ses p?re et m?re. Il essuya son assiette avec un morceau de pain dur, ce repas, bien que simple, lui serait n?cessaire pour affronter le dur labeur qui l'attendait ? la forge. Sa m?re ?tait menue comme un oiseau. Elle semblait si fragile ? c?t? de lui, il craignait qu'un jour elle se brise sous le dur labeur quotidien, et pourtant. Son p?re ?tait aussi petit que lui mais large d'?paules et muscl?, fort comme un roc. Des mains aussi larges qu'un marteau, les tatouages serpentant sur ses avant-bras racontaient des r?cits d'autres territoires du Royaume du Sud, des terres situ?s par-del? les mers. Une petite carte mentionnait les deux territoires mais ?galement l'?le de Leveros et le continent de Sarras, de l'autre c?t? de la mer. “Pourquoi regardes-tu mes bras, fiston ?” demanda brusquement son p?re. Cet homme n'?tait pas du genre affectueux. Lorsque Devin ?tait entr? ? la forge, prouvant ainsi qu'il ?tait aussi valable que les meilleurs ma?tres ? la fabrication des armes, son p?re s'?tait fendu d'un simple signe de t?te. Devin mourrait d'envie de lui raconter son r?ve mais pr?f?ra s'abstenir. Son p?re se moquerait de lui et entrerait dans une col?re noire. “Je regardais un tatouage que je n'avais encore jamais vu.” En g?n?ral son p?re portait des manches longues, Devin ne le voyait donc que rarement. “Pourquoi on voit Sarras et Leveros ? Tu y es all? quand tu ?tais—” “M?le-toi de tes affaires !” aboya son p?re, cette simple question l'avais mis dans une col?re noire. Il baissa ses manches h?tivement et rattacha les boutons ? ses poignets, les cachant ainsi ? la vue de Devin. “Ne pose pas ce genre de question !” “Excuse-moi.” Il y avait des jours comme ?a o? Devin ne savait pas quoi dire ? son p?re ; des jours o? il n'avait pas l'impression d'?tre son fils. “Je pars au travail.” “D?j? ? Tu vas encore t'entra?ner au maniement de l'?p?e, c'est ?a ? Pour devenir chevalier.” Sa col?re montait crescendo, Devin n'en comprenait pas la raison. “Ce serait donc si terrible ?” osa demander Devin. “Reste ? ta place,” lan?a son p?re. “Tu n'es pas un chevalier mais un vulgaire villageois—comme nous tous.” Devin se fit violence pour ne pas se rebiffer. Son travail ne commencerait que dans une heure mais il savait que s'il restait, la discussion terminerait forc?ment en dispute, comme ? chaque fois. Il se leva sans m?me terminer son repas et sortit. Un timide soleil l'accueillit. La ville dormait encore, tout ?tait paisible au petit matin, m?me parmi ceux qui rentraient chez eux apr?s un travail de nuit. Devin avait les rues d?sertes pour lui tout seul, il se dirigea vers la forge en courant comme un d?rat? sur les pav?s. Plus vite il serait rendu, plus il aurait de temps, de plus, il avait toujours entendu les ma?tres dire ? leurs apprentis que l'exercice ?tait vital pour faire preuve d'ardeur au combat. Devin ne savait pas vraiment si les autres faisaient de m?me mais lui, en tous cas, oui. Il devait mobiliser tous ses atouts pour esp?rer devenir chevalier. Devin se fraya un chemin en ville en courant de plus en plus vite, essayant de se d?barrasser des r?miniscences de son r?ve. L'avait-il r?ellement rencontr? ? Tu es l'?lu. Qu'avait-il voulu dire ? Avant que ta vie ne change ? tout jamais. Devin r?fl?chissait, cherchant un signe, une quelconque indication qui ferait de lui un autre homme aujourd'hui. Mais il ne remarquait aucune diff?rence par rapport ? sa routine habituelle. Etait-ce un r?ve insens? ? Un souhait ? Royalsport regorgeait de ponts et ruelles, de coins sombres et odeurs ?tranges. A mar?e basse, lorsque le niveau du fleuve baissait entre les ?les, on pouvait traverser d'une berge ? l'autre, bien que des gardes veillent ? ce que personne ne s'aventure en zone ind?sirable. Les voies navigables entre les ?les formaient une s?rie de cercles concentriques, la zone la plus riche ?tant au centre, prot?g?e par les bancs du fleuve en contrebas. On y trouvait le quartier des plaisirs et des quartiers riches, des zones commer?antes et plus pauvres, mieux valait alors tenir sa bourse ? l'?il. Les Maisons se dressaient ? l'horizon, b?timents l?gu?s par d'anciennes institutions, aussi anciennes que le royaume ; voire plus vieilles encore, elles dataient de l'?poque o? r?gnait la dynastie des dragons, bien avant que les guerres ne les chassent. De la fum?e s'?chappait de la Maison des Armes malgr? l'heure matinale, tandis que la Maison de la Connaissance se dressait avec ses deux tours enchev?tr?es, la Maison des Marchands, brillante comme un sou neuf, et la Maison des Soupirs ?mergeant du quartier des plaisirs. Devin poursuivit son chemin parmi les rues, ?vitant les silhouettes matinales sans cesser de courir vers la Maison des Armes. A son arriv?e, la Maison des Armes ?tait presque aussi calme que le reste de la cit?. Un portier reconnut Devin, habitu? qu'il ?tait ? le voir arriver ? des heures indues. Devin le gratifia d'un signe de t?te avant d'entrer. Il s'empara de l'?p?e qu'il travaillait, une arme solide et fiable, faite pour la poigne d'un soldat. Il avait termin? de gainer le manche et monta ? l'?tage. Cet endroit ne sentait pas mauvais, nulle trace de poussi?re y r?gnait, contrairement au reste de la forge. Il s'agissait d'une pi?ce en bois o? la sciure absorbait la moindre goutte de sang, gantelets et armures ?taient dispos?s dans des r?teliers, un espace dod?cagonal en occupait le centre, entour? de quelques bancs r?serv?s aux ?l?ves. On y trouvait des ?p?es et des lames destin?s aux riches ?tudiants d?sireux de s'entra?ner. Devin s'empara d'une quintaine plus grande que lui, des lances m?talliques faisant office d'armes qu'on projetait pour parer les coups d'une fine lame. Il fallait alors faire mouche, se d?porter ou esquiver, faire en sorte que l'arme ploie sans se la faire prendre, toucher sans se faire toucher. Devin se mit en garde et frappa. Ses premiers coups d'estoc ?taient bien droits, il se d?pla?ait et testait son ?p?e. Il re?ut les premiers coups de lance de plein fouet, esquiva de justesse les suivants, faisant peu ? peu corps avec l'?p?e. Il acc?l?ra son allure, ajusta son jeu de jambes, se d?pla?a, mettant en garde ? chacun de ses coups : par?, fente et retour. Happ? par la pratique, il cessa de r?fl?chir ? ses mouvements, frapper, esquiver et ployer s'encha?naient, l'acier se frottait ? l'acier, sa lame pourfendait, il attaquait et ripostait. Il s'entra?na jusqu'? ?tre en sueur, la quintaine tournant avec une rapidit? pouvait lui infliger blessures ou ?gratignures s'il n'esquivait pas ? temps. Il finit par reculer et saluer le m?t tel un ?p?iste saluant son adversaire, et v?rifia que la lame n'?tait pas endommag?e. Pas d'entaille ni de fissure, parfait. “Ta technique est bonne,” lan?a une voix, Devin fit volte-face et se retrouva nez ? nez avec un homme d'une trentaine d'ann?es en haut-de-chausses, chemise nou?e afin que le v?tement n'entrave pas la lame. Sa longue tresse noire ne risquait pas de se d?faire au combat, ses traits aquilins faisaient ressortir ses yeux gris per?ant. Il boitillait, signe probable d'une ancienne blessure. "D?colle tes talons du sol quand tu te retournes ; tu dois progresser pour acqu?rir ce mouvement.” “Vous … vous ?tes le ma?tre d'armes Wendros,” r?pondit Devin. La Maison comptait plusieurs ma?tres d'armes mais Wendros ?tait le plus r?put?, la liste d'attente ?tait longue. “Tu crois ?” en contemplant un moment son reflet dans une armure argent?e. “Peut-?tre bien. Hmm, ? ta place, j'?couterais. Il semblerait que je n'ai plus rien ? apprendre en mati?re de maniement d'?p?e.” “Ecoute bien ce que je vais te dire,” ajouta le ma?tre d'armes Wendros. “Abandonne.” “Pardon ?” ajouta Devin, interloqu?. “Laisse tomber tes ambitions de futur ma?tre d'armes. Les soldats sont juste bons ? attendre au garde ? vous. Un guerrier, ce n'est pas ?a.” Il s'approcha. “Pas ?a du tout.” Devin ne savait que r?pondre. Il parlait de quelque chose de grandiose, quelque chose qui requ?rait de la sagesse mais il ne comprenait pas encore quoi. Devin voulut r?pondre mais les mots lui firent d?faut. Sur ces entrefaites, Wendros tourna les talons et sortit au soleil levant. Devin repensa ? son r?ve. Une sorte de connexion les reliait. Il avait le sentiment qu'aujourd'hui, sa vie changerait ? tout jamais. CHAPITRE TROIS La Princesse Lenore avait du mal ? en croire ses yeux, le ch?teau ?tait une vraie splendeur, m?tamorphos? par les domestiques ? l'occasion de son mariage. Les murs de pierre gris ?taient recouverts de tentures bleues et d'?l?gantes tapisseries, de cha?nettes torsad?es et de pampilles. Des douzaines de servantes s'affairaient autour d'elle, disparaissant sous robes et accessoires, toutes s'affairant telles des abeilles ouvri?res. Elles faisaient tout ?a pour elle, Lenore leur en ?tait extr?mement reconnaissante, m?me si tout ceci ?tait bien pr?visible, en tant que princesse. Lenore ?tait toujours ?tonn?e qu'on se donne autant de mal pour elle, simplement ? cause de son rang. Elle appr?ciait ?norm?ment la beaut? ; les soieries et les dentelles conf?raient au ch?teau un air de merveilleux … “Tu es parfaite,” lui dit sa m?re. La reine Aethe donnait ses ordres, elle ?tait resplendissante de velours noir v?tue, couverte de bijoux ?tincelants. “Tu trouves ?” demanda Lenore. Sa m?re la conduisit devant le grand miroir install? par les servantes. Lenore admirait leurs ressemblances, leurs cheveux noirs, leur taille fine et ?lanc?e. Greave except?, ses autres fr?res et s?urs tenaient tous de leur p?re, Lenore ?tait la digne fille de sa m?re. Gr?ce aux attentions de ses servantes, la voici par?e de soie et de diamants, ses cheveux tress?s agr?ment?s d'un lien bleu, dans sa robe brocard?e d'argent. Sa m?re ajouta la touche finale et d?posa un baiser sur sa joue. “Tu es parfaite, une vraie princesse.” Quel immense compliment venant de sa m?re. Elle avait toujours martel? ? Lenore qu'en tant qu'a?n?e, elle se devait de jouer son r?le de princesse conform?ment aux attentes du royaume, et donc para?tre et se comporter en cons?quence. Lenore faisait de son mieux, esp?rant que cela soit suffisant et essayait toujours de remplir ses obligations, aussi difficile que cela puisse para?tre. Sa situation conf?rait ?videmment un statut particulier ? ses jeunes s?urs ... Lenore aurait bien aim? que Nerra et Erin soient pr?sentes. Oh, Erin se serait forc?ment plainte ? force d'essayages et Nerra se serait certainement arr?t?e en cours de route parce qu'elle ne se sentait pas bien, mais Lenore se languissait d'elles. Une seule personne ?tait ici pr?sente. “Quand doit-il arriver ?” demanda Lenore ? sa m?re. “La cour du Duc Viris est arriv?e en ville ce matin, son fils doit ?tre parmi eux.” “Vraiment ?” Lenore courut imm?diatement se pencher ? son balcon, esp?rant apercevoir son futur mari arriver de ce c?t? de la ville. Elle regarda par-del? le chapelet d'?les faisant office de ponts et formant la cit? de Royalsport, il lui ?tait impossible de distinguer des personnages de cette hauteur mais uniquement les cercles concentriques que l'eau formait entre les ?les, et les ?difices s'y dressant. Elle pouvait apercevoir les baraquements des gardes dont des hommes se d?versaient, permettant ainsi le passage d'une rive ? l'autre ? mar?e basse, les Maisons—des Armes et des Soupirs, de la Connaissance et des Marchands—se dressaient au c?ur de la cit?, chacune r?gnant sur son quartier. Les pauvres gens vivaient sur des ?les situ?es en marge, les plus riches habitaient sur des ?les proches dont ils ?taient parfois propri?taires. Le ch?teau dominait certes mais Lenore ne pouvait pas apercevoir son futur ?poux pour autant. “Il sera bient?t l?,” lui promit sa m?re. “Ton p?re organise une partie de chasse demain matin, cela fait partie des c?l?brations, le Duc ne la manquerait pour rien au monde.” “Son fils assiste ? la chasse de P?re et ne vient pas me voir ?” demanda Lenore. Elle se sentit subitement nerveuse, comme une petite fille, et non une femme de dix-huit printemps. S'agissant d'un mariage arrang?, elle imaginait qu'il ne veuille pas d'elle, qu'il ne l'aime pas. “Il t'aimera d?s qu'il te verra,” affirma sa m?re. “Comment pourrait-il en ?tre autrement ?” “Je l'ignore, M?re … il ne m'a jamais vue …,” r?pondit Lenore, qui craignait de perdre son sang-froid. “Il t'aimera et …” sa m?re s'interrompit alors qu'on frappait ? la porte de la chambre. “Entrez.” Une servante moins richement v?tue entra ; vraisemblablement une domestique du ch?teau, indirectement rattach?e au service de la princesse. “Votre Majest?, Votre Altesse,” d?buta-t-elle, avec courtoisie. “Je vous informe de l'arriv?e de Finnal, le fils du Duc Viris, il vous attend dans l'antichambre, si vous souhaitez faire sa connaissance avant les festivit?s.” Ah, les festivit?s. Son p?re avait d?cr?t? voil? un peu plus d'une semaine qu'il donnerait un banquet avec moult r?jouissances, ouvert ? tous. “Si je le souhaite ?” r?pondit Lenore, avant de se rappeler l'usage en vigueur ? la cour. Elle ?tait princesse, apr?s tout. “Bien s?r. Dites ? Finnal que je descends.” Elle se tourna vers sa m?re. “Pourquoi P?re se montre si g?n?reux en organisant pareilles r?jouissances ? Je ne suis pas … je ne m?rite pas une semaine enti?re de festivit?s, cela va amoindrir nos r?serves d'argent et de nourriture.” “Ton p?re veut faire preuve de g?n?rosit?. D'apr?s lui, la chasse de demain nous fournira le gibier n?cessaire.” Elle ?clata de rire. “Mon mari se prend pour un chasseur hors-pair.” “Un excellent moyen de faire avancer les choses pendant que tout le monde sera occup? ? festoyer,” avan?a Lenore. “C'est exact,” affirma sa m?re. “Nous devons nous assurer que tu sois pr?sentable pour le banquet, Lenore.” Elle s'affaira encore quelques instants aupr?s de Lenore, qui esp?rait l'?tre. “Pr?te pour faire la connaissance de ton futur mari ?” Lenore acquies?a, incapable de r?primer l'excitation allant crescendo. Elle traversa le ch?teau avec sa m?re et ses suivantes et arriva jusqu'? l'antichambre jouxtant l'immense salon. De nombreuses personnes s'affairaient au ch?teau, toutes s'attelaient ? la pr?paration du mariage, d'autres se dirigeaient vers le grand salon. Le ch?teau ?tait une succession de chambres et d'antichambres, le tout s'enchev?trant telles les rues de la cit?, afin qu'un quelconque agresseur ne puisse p?n?trer sans ?tre arr?t? par la garde. Ses anc?tres avaient ?rig? bien plus que de simples murs de d?fense gris, chaque pi?ce ?tait peinte de couleurs vives, fid?le reproduction du monde chatoyant. Les murs n'?taient pas ? l'image de la cit?, d?lav?e par la pluie, la boue, la fum?e et autres odeurs ?touffantes. Lenore se fraya un passage dans la galerie de promenade, des portraits de ses a?eux occupaient tout un pan de mur, tous arborant un air plus vaillant et plus raffin? que le pr?c?dent. Elle monta des escaliers en colima?on donnant sur une enfilade de salles de r?ception menant ? une antichambre d?bouchant sur le grand salon. Elle se tenait devant la porte avec sa m?re, attendant que les domestiques l'ouvrent et l'annoncent. “La Princesse Lenore du Royaume du Nord et sa m?re, la Reine Aethe.” Elles p?n?trent ? l'int?rieur et l'aper?urent enfin. Il ?tait … parfait. Ce qualificatif lui allait ? merveille, il se tourna vers Lenore et effectua la plus gracieuse des r?v?rences qui lui ait ?t? donn?e de voir depuis fort longtemps. Il arborait de magnifiques cheveux bruns boucl?s coup?s courts, des traits fins, presque beaux, une silhouette ?lanc?e, v?tu d'un pourpoint rouge et d'un haut-de-chausses gris. Il devait avoir un an ou deux de plus que Lenore, c'?tait plus excitant qu'effrayant. “Votre Majest?,” dit-il en adressant un regard ? la m?re de Lenore. “Princesse Lenore. Je me pr?sente, Finnal Viris. J'attends ce moment depuis si longtemps. Vous ?tes encore plus ravissante que je l'imaginais.” Lenore rougit int?rieurement mais ne le montra pas, sa m?re lui ayant toujours dit que cela ne se faisait pas. Finnal prit sa main dans la sienne avec une gr?ce infinie, sa poigne ?tait ferme, elle imaginait d?j? quel effet ?a lui ferait d'?tre dans ses bras, l'embrasser, voire plus … “Vous n'?tes pas en reste.” “Votre beaut? m'embellit.” S?duisant et po?te de surcro?t ? “Je peine ? croire que nous serons mari?s d'ici une semaine.” “Nous avons patient? de longs mois avant ce mariage,” r?pondit Finnal en souriant d'un air exquis. “Je suis fort aise que vos parents y soient favorables.” Il contempla la pi?ce, sa m?re et ses suivantes. “Quel dommage que je ne puisse vous avoir pour moi tout seul Princesse, c'est peut-?tre mieux ainsi. Je craindrais de me noyer dans vos yeux, votre p?re serait bien f?ch? de mon absence aux festivit?s.” “Vous faites toujours autant de compliments ?” demanda Lenore. “Uniquement s'ils sont justifi?s.” Lenore ?tait boulevers?e de le savoir ? ses c?t?s, tout pr?s de la porte menant de l'antichambre au grand salon. Elle constata, lorsque les domestiques l'ouvrirent, que la f?te battait son plein ; la musique des m?nestrels et les acrobates r?galaient l'assembl?e populaire. “Nous devrions y aller,” dit sa m?re. “Ton p?re sera bien aise de donner son accord quant ? ce mariage mais je suis certaine qu'il aimerait voir ton bonheur de ses propres yeux. Es-tu heureuse, Lenore ?” Lenore acquies?a sans quitter son fianc? des yeux. “Oui.” “Je ferai mon possible pour qu'il en soit toujours ainsi,” ajouta Finnal. Il lui fit un baisemain, la chaleur qui s'en d?gageait heurta Lenore de plein fouet. Elle l'imaginait embrasser d'autres zones de son corps, Finnal souriait, conscient de l'effet produit. “Bient?t, mon amour.” Mon amour ? Lenore l'aimait d?j? ? L'aimait-elle, apr?s un si bref ?change ? C'?tait pure folie, du domaine des r?ves, mais ? cet instant pr?cis, Lenore en ?tait persuad?e. Oh oui, elle y croyait dur comme fer. Elle avan?a avec Finnal d'un pas assur?, leur couple semblait tout droit sorti d'un conte de f?es, marchant tel un seul homme. Ils seraient bient?t mari et femme, Lenore ne se tenait plus de joie tandis qu'ils se joignaient ? la f?te. Rien ne viendra ternir mon bonheur, songea-t-elle. CHAPITRE QUATRE Le prince Vars descendit un grosse chope de bi?re, tout en s'assurant avoir une vue plongeante sur Lyril, nue dans son lit, elle se redressa et le d?visagea avec un int?r?t non dissimul?, ses ecchymoses de la nuit derni?re ?taient ? peine visibles. Elle l'avait bien cherch?, songea Vars. C'?tait un prince de sang apr?s tout, plut?t s?duisant, peut-?tre pas aussi muscl? que son grand fr?re, il n'avait que vingt-et-un ans. Elle le regardait avec int?r?t et d?f?rence, voire, une certaine crainte, si seulement elle savait ce qu'il pensait d'elle ? cet instant pr?cis. Non, mieux valait laisser tomber pour le moment. La brutalit? ?tait une chose mais son statut de prince l'emp?chait d'aller plus avant. Mieux valait r?server ses acc?s de col?re ? ceux dont la pr?sence ne manquerait ? personne. Lyril ?tait plut?t jolie, bien ?videmment, sinon Vars n'aurait jamais couch? avec elle : rousse aux yeux verts, peau laiteuse et corps voluptueux, fille d'un noble se targuant d'?tre commer?ant, ou d'un commer?ant ayant achet? son titre de noblesse, Vars ne s'en souvenait pas vraiment et d'ailleurs, il s'en fichait. Une moins que rien ob?issant ? ses ordres. Que faire d'autre ? “Tu n'as plus envie de moi, mon prince ?” demanda-t-elle en se levant et en s'approchant. Vars appr?ciait sa fa?on de faire, ainsi que plusieurs aspects de sa personne. “Mon p?re veut que je participe ? la chasse qu'il organise demain.” “Je pourrais chevaucher ? tes c?t?s. Te regarder et te faire b?n?ficier de mes faveurs lorsque tu seras ? cheval.” Vars ?clata de rire, qu'est-ce que ?a pouvait lui faire qu'elle en prenne ombrage ? Lyril avait l'habitude d?sormais. En g?n?ral, il se lassait rapidement de ses amantes qui s'en allaient d'elles-m?mes, ? moins qu'il ne se montre trop brutal et qu'elles partent en courant. Il fr?quentait Lyril depuis longtemps maintenant, des ann?es, bien qu'il ait couch? avec d'autres entre-temps. “?a t'ennuierait qu'on nous voie ensemble ?” Vars s'approcha et la fit taire d'un simple regard. La peur se lisait dans ses yeux, c'?tait la plus belle cr?ature qu'il ait jamais vue. “Je fais comme bon me semble,” l?cha Vars. “Oui, mon prince,” r?pondit-il en fr?missant, Vars tremblait de d?sir. “Tu une femme superbe, de riche naissance, parfaite.” “Alors pourquoi mettre autant de temps ? m'?pouser ?” demanda Lyril. Le sujet n'?tait pas r?cent. Elle l'?voquait souvent, remettait ?a constamment sur le tapis, en discutait depuis aussi longtemps que Vars s'en souvienne. Il avan?a d'un pas vif et l'attrapa par les cheveux. “T'?pouser ? Pourquoi devrais-je t'?pouser ? Te crois-tu donc sp?ciale ?” “Forc?ment,” r?pliqua-t-elle. “A moins qu'un prince comme toi ne veuille pas de moi.” Elle lui avait clou? le bec. “Bient?t,” dit Vars en r?primant sa col?re. “Lorsque le moment sera venu.” “Quand ?” demanda Lyril. Elle commen?a se rhabiller, la voir faire donnait ? Vars l'envie de la d?shabiller de nouveau. Il s'approcha d'elle et l'embrassa passionn?ment. “Bient?t,” promit Vars, la promesse ?tait ais?e. “Pour le moment …” “Pour le moment, nous devons assister ? la f?te de ton p?re, et c?l?brer la venue du fianc? de ta s?ur,” ajouta Lyril. Elle resta pensive un moment. “Je me demande s'il est beau.” Vars pivota sur ses talons et la saisit violemment par le bras, lui arrachant un cri. “Je ne te suffit pas ?” “Plus qu'amplement.” Vars grommela, la l?cha et s'habilla tout en buvant au goulot d'une flasque de vin qui se trouvait l?, il en proposa ? Lyril qui but une gorg?e. Ils arpent?rent le ch?teau, se frayant un chemin parmi ses tours et d?tours, jusqu'au grand salon. “Votre Altesse, madame,” murmura un domestique sur leur passage, “le banquet a d?j? commenc?.” Vars fit volte-face. “Croyez-vous qu'il soit n?cessaire de m'en informer ? Me croyez-vous donc stupide, sans la moindre notion du temps ?” “Non mon prince, mais votre p?re—” “Mon p?re est occup? avec les politique, ou en train d'?couter Rodry se vanter de ce que mon fr?re a fait,” r?pondit Vars. “Vous avez raison, Votre Altesse,” dit l'homme en s'?loignant. “Attendez,” dit Lyril. “O? allez-vous comme ?a ? Vous devriez vous excuser aupr?s du prince, et envers moi, de nous avoir interrompus.” “Oui, bien s?r,” r?pondit le domestique. “Je suis tr?s—” “Des excuses en bonne et due forme. ? genoux.” L'homme h?sita un instant mais Vars enfon?a le clou. “Ob?issez.” Le domestique tomba ? genoux. “Je vous demande pardon de vous avoir interrompu, Votre Altesse, madame. Je n'aurais pas d?.” Vars vit Lyril esquisser un sourire. “Effectivement,” dit-elle. “Et maintenant, disparaissez.” Le domestique d?tala comme un lapin devant son ordre, Vars ?clata de rire. “Tu peux te montrer d?licieusement cruelle, ? tes heures.” C'est ce qu'il aimait en elle. “Seulement si c'est amusant,” r?pondit Lyril. Ils poursuivirent en direction de la f?te. A leur arriv?e, les festivit?s battaient leur plein, tout le monde buvait et dansait, mangeait et s'amusait. Vars aper?ut sa demi-s?ur devant lui, centre de l'attention avec son futur mari. Que la fille de la seconde femme du roi m?rite tant d'?gards le d?passait. Manque de chance, Rodry ?tait ?galement pr?sent avec de jeunes gentilshommes, ?bahis au r?cit de ses exploits. Pourquoi la destin?e avait fait de lui l'a?n? ? C'?tait insens?, Vars savait pertinemment que Rodry se destinait ? ?tre roi, qu'il volerait bient?t de ses propres ailes. “Un tel mariage offre bien s?r de vastes possibilit?s,” dit Lyril. “Cela attire de nombreux seigneurs et gentes dames …” “Pouvant devenir nos amis,” r?pondit Vars. Il connaissait les r?gles du jeu ? la perfection. “Evidemment, c'est plus facile si on conna?t leurs faiblesses. Tu savais que le Comte Durris avait un faible pour le tabac ?” “Je l'ignorais,” r?pondit Lyril. “Il en sera ainsi tant que nous resterons amis,” dit Vars. Lyril et lui se fray?rent un passage parmi la foule, avant de s'?loigner chacun de leur c?t?. Il la voyait regarder les autres femmes, essayant de se persuader qu'elles ?taient forc?ment moins jolies qu'elle, plus faibles, ou pas du m?me rang. Il essayait probablement de se persuader des avantages qu'elle pourrait tirer de leur fr?quentation. Vars aimait la rigueur ?manant de cette constatation, peut-?tre la raison pour laquelle il la fr?quentait depuis si longtemps. “Raison suppl?mentaire de ne pas participer ? la chasse demain. Je ferai comme bon me semble une fois ces abrutis partis, et faire en sorte que les choses tournent en ma faveur.” “On parle de chasse ?” La voix de son fr?re s'?leva, toujours aussi tonitruante. Vars se tourna vers Rodry en s'effor?ant de sourire, comme il le faisait depuis son enfance. “Rodry, mon fr?re, je ne te croyais pas rentr? … O? ?tiez-vous donc avec P?re ?” Rodry haussa les ?paules. “Tu le saurais si tu nous avais accompagn?s.” “Ah, mais tu es parti comme un voleur,” r?pondit Vars, “et tu es son pr?f?r?.” Si tant est que son ton acerbe n'ait pas ?chapp? ? Rodry, il ne le montra pas. “Viens,” lui dit Rodry en lui donnant une claque dans le dos. “Joins-toi ? mes amis.” Il se joignit aux jeunes abrutis qui le portaient aux nues, tel un h?ros, Vars ?tait pr?t ? payer son pesant d'or pour ?viter sa compagnie. Ils se prenaient pour le cercle des Chevaliers d'Argent de son p?re, bien qu'aucun d'eux ne leur arrive ? la cheville. Il plaqua sur ses l?vres un sourire forc?, s'empara d'un gobelet de vin pour trinquer avant de se joindre ? la compagnie. Il l'avala cul sec et en prit un autre. “Nous parlions chasse,” lui dit Rodry. “Berwick a tu? un sanglier avec un poignard.” Un des jeunes hommes lui adressa un signe de t?te, Vars avait envie de lui casser la figure. “J'ai ?t? bless? ? deux reprises.” “Vous auriez peut-?tre d? utiliser votre lance,” dit Vars. “J'ai bris? ma lance en m'entra?nant ? la Maison des Armes,” r?pondit Berwick. “De quand date ton dernier entra?nement, mon cher fr?re ?” demanda Rodry, bien que connaissant la r?ponse. “Quand rejoindras-tu le cercle des chevaliers, comme moi ?” “Je m'entra?ne ? l'?p?e,” r?pondit Vars, probablement plus sur la d?fensive que de coutume. “Je pense qu'il y a mieux ? faire que passer ses journ?es ? l'entra?nement.” “? moins que tu n'aimes pas l'id?e d'affronter un ennemi pr?t ? te tailler en pi?ces, n'est-ce pas, fr?rot ?” dit Rodry en donnant une tape sur l'?paule de Vars. “Tout comme tu n'aimes pas aller ? la chasse, au cas o? il t'arriverait quelque chose.” Il ?clata de rire, le pire ?tant que son fr?re ne se rendait certainement pas compte de ses paroles blessantes. Rodry n'?tait pas du genre ? prendre des gants. “Me traiterais-tu de l?che, Rodry ?” “Oh non,” r?pondit Rodry. “Certains hommes sont n?s pour se battre, d'autres pour rester bien au chaud, n'est-ce pas ?” “Je pourrais chasser si j'en avais envie,” l?cha Vars. “Ah, quel preux chevalier !” s'?cria Rodry, l'assembl?e ?clata de rire, personne ne se rendit compte de sa cruaut?, Vars except?. “Tu devrais nous accompagner ! On descend en ville afin de s'assurer d'avoir les armes n?cessaires pour demain.” “Vous quittez le festin ?” r?torqua Vars. “La f?te dure plusieurs jours,” r?pliqua Rodry. “On te trouvera une lance, tu nous montreras comment chasser le sanglier.” Vars aurait voulu s'en aller, mieux encore, cogner la t?te de son fr?re sur la table la plus proche. Frapper jusqu'? en faire de la charpie, il deviendrait alors l'h?ritier du tr?ne. Mais il savait qu'il devrait les suivre dans la cit? en franchissant les ponts, d'ici l?, il trouverait quelqu'un sur qui d?verser sa col?re. Oui, Vars n'avait que ?a en t?te, si ce n'est pire. Devenir roi. Une petite voix int?rieure lui disait de ne pas aller au-devant du danger et de ne pas se mettre son fr?re ? dos. Non, ?a attendrait. Le premier qui se mettrait en travers de son chemin une fois en ville le paierait cher. CHAPITRE CINQ Devin levait et abattait son marteau sur le morceau de m?tal qui serait bient?t une lame. Ses dorsaux lui faisaient mal, la chaleur de la forge trempaient ses v?tements de sueur. La chaleur ?tait constante dans la Maison des Armes, ? la limite du supportable ? proximit? des forges. “Tu te d?brouilles bien, gamin,” lan?a le Vieux Gund. “J'ai seize ans, je ne suis pas un gamin,” r?pondit Devin. “Peut-?tre mais tu en as l'air, vue ta taille. Vous n'?tes que des gamins, compar? ? moi.” Devin haussa les ?paules. Quiconque le verrait ne l'imaginerait pas forgeron mais le m?tal exigeait une certaine maturit? pour le manier. Les subtiles gradations de chaleur et formes de l'acier pouvaient changer une arme, une lame d?faillante pouvait atteindre la perfection, voire, devenir magique, Devin ?tait bien d?cid? ? apprendre, ? comprendre. “Fais attention, ?a risque de trop refroidir,” avan?a Gund. Devin remit rapidement le m?tal au feu, observant ses nuances jusqu'? atteindre la perfection, le retira pour le travailler. Il y ?tait presque mais ce n'?tait pas encore ?a, le fil n'?tait pas parfait. Devin en ?tait persuad?, aussi s?rement qu'il reconnaissait sa droite de sa gauche. Il ?tait peut-?tre jeune mais s'y connaissait en armes. Il ma?trisait les meilleures techniques pour les forger et les affuter … il savait m?me les manier, bien que son p?re et Ma?tre Wendros n'y soient pas favorables. La Maison des Armes offrait un enseignement de qualit? aux jeunes gentilshommes d?sireux d'apprendre des meilleurs ma?tres d'armes, Wendros notamment, homme exceptionnellement dou?. Devin devait s'entra?ner seul, il s'exer?ait avec tout ce qui lui tombait sous la main, ?p?es, haches, lances, couteaux, il donnait l'estocade, esp?rant faire mouche. Une clameur s'?levant devant la Maison attira l'attention de Devin. Les grandes portes m?talliques parfaitement ?quilibr?es s'ouvrirent en coulissant sur leurs gonds. De jeunes hommes probablement nobles et visiblement ?m?ch?s p?n?tr?rent ? l'int?rieur. Alcool et Maison des Armes ne faisaient pas bon m?nage. Un homme saoul ?tait renvoy? chez lui sur le champ, et licenci? ? la deuxi?me incartade. Les clients ivres restaient en g?n?ral ? l'ext?rieur. Un homme alcoolis? et arm? devenait dangereux, m?me si telle n'?tait pas son intention. Ces hommes … arboraient les couleurs royales, faire preuve de courtoisie serait la moindre des politesses. “Nous voulons des armes,” dit le premier. Devin reconnut imm?diatement le Prince Rodry, il avait entendu tant de r?cits ? son sujet. “Une chasse est pr?vue demain, le mariage sera suivi d'un tournoi.” Gund, un des ma?tres de forge, vint ? leur rencontre. Devin continua de forger sa lame, la moindre erreur ou manquement pouvait faire p?n?trer des bulles d'air, qui formeraient alors des fissures. Il mettait un point d'honneur ? ce que les armes qu'il forgeait ne se brisent au combat. Bien que concentr? sur le m?tal, Devin ne pouvait quitter des yeux les jeunes gentilshommes ici pr?sents. Ils avaient ? peu pr?s son ?ge ; ils ressemblaient plus ? des gamins d?sireux de copiner avec le prince, qu'aux Chevaliers d'Argent au service de son p?re. Gund leur montra des ?p?es et des lances pouvant convenir ? l'arm?e du roi mais ils les refus?rent. “Ces messieurs sont les fils du roi !” lan?a l'un des hommes en indiquant le Prince Rodry et un autre homme que Devin supposa ?tre le Prince Vars, il n'?tait pas assez mince, taciturne et eff?min? pour ?tre le Prince Greave. “Ces armes sont indignes d'eux.” Gund leur montra leurs plus fines lames, aux poign?es dor?es ou d?cor?es, ? la garde marquet?es, et m?me des lames fabriqu?es par de vrais ma?tres, aux couches superpos?es d'acier le plus pur, aux motifs enchev?tr?s gr?ce ? l'application d'argile ? chaud, au fil tranchant comme un rasoir. “Trop belles pour eux,” murmura Devin in petto. Il prit la lame qu'il ?tait en train de forger et l'examina un moment. Elle ?tait pr?te. Il la chauffa une fois de plus, il la plongerait bient?t dans le grand bain d'huile sombre qui n'attendait qu'elle. Vue leur fa?on de s'emparer et agiter les armes, la plupart n'avait visiblement pas la moindre id?e de ce qu'ils faisaient. Le prince Rodry s'y connaissait peut-?tre mais il se trouvait au rez-de-chauss?e de la Maison, il essayait une lance immense au bout en forme de feuille, la faisant tournoyer avec art, preuve d'une longue pratique. En comparaison, ses suivants avaient l'air de jouer aux chevaliers, et non d'?tre de vrais chevaliers. Devin observait leurs gestes maladroits, ils n'empoignaient pas leurs armes correctement. “Un homme doit savoir manier les armes qu'il fabrique et dont il se sert,” dit Devin en plongeant la lame qu'il venait de forger dans la trempe. Elle brilla et s'enflamma un moment avant de siffler tandis que l'arme refroidissait lentement. Il fabriquait ces lames, qu'il savait parfaites pour un guerrier entra?n?. Il v?rifia son ?quilibre, sa flexibilit? et sa force, il lui semblait logique qu'un homme soit form? ? ces pratiques. Il trouvait cela difficile ; apprendre lui venait facilement, fabriquer des outils parfaits, comprendre ? quel moment— Son attention fut attir?e par un bruit sourd provenant des gentilshommes, occup?s ? jouer avec les armes, Devin eut le temps d'apercevoir le prince Vars au beau milieu d'armures ?croul?es. Il regardait m?chamment Nem, l'un des gar?ons travaillant ? la Maison des Armes. Nem ?tait ami avec Devin depuis toujours, grand et gras, ce n'?tait pas une lumi?re mais de ses mains sortaient les plus fines lames. Devin fut surpris de la violence avec laquelle le prince Vars le poussa. “Imb?cile !” aboya le prince Vars. “Tu ne peux pas regarder o? tu mets les pieds ?” “Pardonnez-moi, monseigneur,” r?pondit Nem, “mais vous m'?tes rentr? dedans.” Devin eut le souffle coup?, r?pondre ? un gentilhomme ?tait risqu?, d'autant plus s'il ?tait saoul. Le prince Vars se releva et ass?na une gifle sur l'oreille de Nem, l'envoyant valdinguer parmi les armures. Il cria, le bras en sang, il avait d? tomber sur un objet pointu. “Tu oses me r?pondre ?” lan?a le prince. “Je viens de te dire que tu m'es rentr? dedans, tu me prends pour un menteur ?” Un autre que lui se serait f?ch? ou aurait cherch? la bagarre mais Nem ?tait un gentil, malgr? sa taille. Il semblait vex? et perplexe. Devin h?sita un moment, attendant de voir si quelqu'un s'en m?lerait. Aucun suivant du prince Rodry ne fit mine d'intervenir, probablement trop occup?s ? insulter quelqu'un de plus haut plac? qu'eux, bien qu'?tant nobles, d'aucuns devaient penser que leur ami m?ritait une bonne racl?e pour ce qu'il avait fait. Le prince Rodry maniait la lance ? l'autre bout de la Maison, en admettant qu'il ait entendu l'?chauffour?e s'?levant du vacarme des forgerons au travail et des mugissements de la forge. Gund ne s'en m?lerait pas, le vieil homme avait surv?cu dans le milieu si particulier de la forge justement en ne se m?lant pas des affaires des autres. Devin savait qu'il ferait de m?me, bien qu'il vit le prince lever de nouveau sa main. “Tu vas t'excuser ? la fin ?” demanda Vars. “J'ai rien fait !” insistait Nem, probablement trop sonn? pour se rappeler des r?gles de la biens?ance, son manque d'intelligence n'arrangeait ? vrai dire pas les choses. Il croyait ? un monde juste, n'avoir rien fait de mal constituait selon lui une excuse valable. “Personne ne me parle sur ce ton,” dit le prince Vars avant de frapper Nem. “Je vais t'apprendre les bonnes mani?res, tu me remercieras quand j'en aurais termin? avec toi. Tu t'es tromp? d'adversaire, tu m?rites une bonne racl?e, ou plut?t, une bonne le?on.” Devin savait qu'il ne ferait rien, il n'?tait pas aussi jeune que Nem, il savait pertinemment comment les choses se passaient. Si un prince de sang vous marchait sur les pieds, vous deviez vous excuser et le remercier de cet honneur. S'il voulait votre meilleure arme, il fallait la lui donner, m?me s'il ne savait pas s'en servir. Il ne fallait pas s'en m?ler, ne pas intervenir, les cons?quences pouvaient ?tre gravissimes pour vous et votre famille. Devin avait une famille, hors les murs de la Maison des Armes. Il ne voulait pas qu'il leur arrive malheur parce qu'il avait perdu son sang-froid et manqu? ? ses devoirs. Il ne pouvait pas rester plant? l? et regarder un gamin se faire massacrer pour les caprices d'un prince ivre. Devin affermit sa prise sur le marteau et l'abattit, prenant sur lui pour ne pas s'en m?ler. Le prince Vars saisit la main de Nem et la tira de force sur l'enclume. “Voyons si tu seras un aussi bon forgeron lorsque ta main sera cass?e.” Il prit un marteau qu'il leva, Devin comprit ? cet instant pr?cis ce qui se passerait s'il n'intervenait pas. Son c?ur battait la chamade. Sans r?fl?chir, Devin plongea et attrapa le bras du prince. Il ne d?via pas le coup de beaucoup mais suffisamment pour qu'il manque la main de Nem et s'abatte sur l'enclume. Devin ne le l?cha pas, au cas o? le prince s'y reprendrait ? deux fois. “Quoi ?” l?cha le prince Vars. “?te tes sales pattes.” Devin luttait pour bloquer sa main ; Devin sentait son haleine avin?e. “Pas tant que vous continuerez ? frapper mon ami,” r?pondit Devin. Attraper le prince suffisait pour lui attirer de graves ennuis, mais il ?tait d?sormais trop tard. “Nem ne comprend pas tout, les armures ne sont pas tomb?es par sa faute, mais plut?t ? cause de l'alcool.” “J'ai dit 'retire tes sales pattes',” r?p?ta le prince, sa main se d?pla?a vers le couteau ? sa ceinture. Devin le repoussa aussi doucement que possible. Il esp?rait que les choses s'arrangeraient ? l'amiable, bien qu'il ne sache que trop, d?sormais, ce qui risquait d'arriver. “Vous n'allez pas faire ?a, Votre Altesse.” Vars lui lan?a un regard noir haineux, le souffle court. “Je n'ai pas fait d'erreur, moi, esp?ce de tra?tre,” gronda le prince Vars, d'une voix n'augurant rien de bon. Vars posa son marteau et s'empara d'une ?p?e pos?e sur un banc, Devin comprit sur le champ qu'il ne savait pas la manier. “C'est exact—tu es un tra?tre. Agresser un membre de la famille royale ?quivaut ? une trahison, les tra?tres doivent mourir.” Il brandit son ?p?e en direction de Devin, qui s'empara instinctivement de la premi?re chose qui lui tomba sous la main, en l'occurrence un de ses marteaux de forgeron qu'il leva pour parer le coup, le bruit du fer contre fer retentit tandis qu'il emp?chait l'?p?e de lui fendre le cr?ne en deux. Ses mains tremblaient sous l'impact mais il n'avait pas le temps d'y songer. Le marteau se frotta contre la lame de l'?p?e et l'arracha violemment de la main du prince, l'envoyant valser parmi le tas d'armures disloqu?es. Il s’arr?ta de lui-m?me. Il ?tait f?ch? que le prince entre et se permette de s’en prendre ? lui mais Devin avait une sainte patience. Le travail du m?tal l’exigeait. Un homme impatient ? la forge se blessait forc?ment. “Vous avez vu ?” lan?a le prince Vars en pointant un doigt tremblant de col?re ou de peur. “Il m’a frapp? ! Emparez-vous de lui. Qu’on l’enferme dans le cachot le plus sombre du ch?teau, il sera pendu au matin.” Les jeunes hommes qui l’entouraient ne paraissaient pas press?s de r?agir, mais ils n’allaient ?videmment pas rester plant?s l? sans rien faire alors qu’un moins que rien comme Devin affrontait un prince en duel. La plupart tenaient encore les lances ou ?p?es qu’ils avaient maladroitement essay?es, Devin ?tait encercl? par des armes pointant vers son c?ur. “Je ne cherche pas la bagarre,” r?pondit Devin, ne sachant que r?pondre. Il laissa tomber le marteau dans un bruit mat, il n’en avait d?sormais plus besoin. Que pouvait-il faire, seul contre tous ? Bien qu’il subodore ?tre une meilleure lame que les hommes ici pr?sents, ils ?taient trop nombreux pour qu’il tente quoi que ce soit, et quand bien m?me ? O? se r?fugierait-il, que deviendrait sa famille ? “La prison ne sera pas n?cessaire,” lan?a le prince Vars. “Je vais lui trancher la t?te en public. Mettez-le ? genoux. J’ai dit '? genoux' !” r?p?ta-t-il devant la lenteur de ses hommes. Quatre d’entre eux s’approch?rent et mirent Devin ? terre, les autres le mettaient en joue. Entre temps, le prince Vars, avait ramass? son ?p?e. Il la souleva en la soupesant ostensiblement, Devin comprit qu’il allait mourir. La peur l’envahit, il n’avait aucune ?chappatoire. Peu importait qu’il r?fl?chisse ? toute allure et qu’il soit fort, ?a n’y changerait rien. Les autres n’?taient peut-?tre pas d’accord avec la d?cision du prince mais ils se devaient d’?tre l?. Ils le regarderaient se faire trancher la t?te par le prince … … la Terre cessa de tourner l’espace d’un instant, les battements de son c?ur s'amenuisaient. A cet instant pr?cis, il aurait presque pu voir les muscles du prince se dessiner, l'?tincelle de ses pens?es le parcourir. Les atteindre et les modifier serait d’une facilit? d?concertante. “A?e ! Mon bras !” hurla le prince Vars, l?chant son ?p?e dans un bruit fracassant. Devin regarda derri?re lui, abasourdi. Il essayait de comprendre ce qui venait de faire. ll ?tait terroris? par son pouvoir. Le prince tenait son bras, tentant de dissiper la sensation bizarre qui s'?tait empar?e de ses doigts. Devin se contentait de le d?visager. Il avait bien fait quelque chose ? Comment ? Il avait r?ussi ? provoquer une crampe, par la seule volont? de sa pens?e ? Il se rem?mora son r?ve … “?a suffit,” lan?a une voix, les interrompant. “Laisse-le.” Le prince Rodry franchit le barrage des armes, les jeunes hommes les baiss?rent pour toute r?ponse, poussant presque un soupir de soulagement. Devin ?tait soulag? mais gardait n?anmoins le prince Vars et l’arme qu'il tenait ? l’?il. “?a suffit, Vars,” dit Rodry. Il s'interposa entre Devin et le prince Vars, qui h?sita un instant. Devin craignait qu'il lui ass?ne un coup d'?p?e malgr? la pr?sence de son fr?re. Il finit par l'?carter. “Je ne voulais pas venir, de toute fa?on,” lan?a-t-il avant de partir en trombe. Le prince Rodry se tourna vers Devin, les hommes qui le retenaient le rel?ch?rent aussit?t. “Tu as fait preuve de courage en d?fendant ton ami,” dit-il en soulevant sa lance. “Et tu travailles bien. Il para?t que c'est toi qui l'as faite.” “Oui, Votre Altesse,” r?pondit Devin. Il ne savait que penser. En l'espace de quelques secondes, il avait failli ?tre d?capit?, puis rel?ch?, on l'avait pris pour un tra?tre et compliment? pour son travail. C'?tait insens?, mais apr?s tout, pourquoi les choses devaient forc?ment avoir un sens dans un monde o? il ?tait investi de pouvoirs … magiques ? Le prince Rodry acquies?a et se tourna pour s'en aller. “Sois plus attentif ? l'avenir. Je ne serai pas toujours l? pour te tirer d'affaire.” Devin mit de longues secondes avant de se relever, sa respiration ?tait saccad?e. Il regarda Nem comprimer la blessure de son bras repli?, effray? et secou? par ce qui venait de se produire. Le vieux Gund vint ? sa rescousse, s'occupa du bras de Nem qu'il enveloppa dans une bandelette de tissu. Il regarda alors Devin. “Tu ne pouvais pas te m?ler de tes affaires ?” “Je n'allais pas laisser Nem se faire frapper,” r?pondit Devin. Il le referait sans h?siter si c'?tait ? refaire. “Il s'en serait tir? au pire avec une bonne racl?e,” ass?na Gund. “On a vu pire. Et maintenant … va-t'en.” “M'en aller ?” r?pondit Devin. “Maintenant ?” “Maintenant et les jours suivants, imb?cile,” annon?a Gund. “Crois-tu que nous puissions garder parmi nous un homme qui affronte un prince dans la Maison des Armes ?” Devin sentit son c?ur s'arr?ter. Quitter la Maison des Armes ? Sa seule et unique vraie maison ? “Mais je n'ai—” commen?a Devin avant de s'arr?ter. Il n'?tait pas comme Nem, qui croyait que tout se passait toujours pour le mieux dans le meilleur des mondes. Gund l'aurait forc?ment fichu dehors ; Devin savait que son intervention lui co?terait sa place, avant m?me de s'en m?ler. Devin baissa les yeux et acquies?a, il n'avait rien d'autre ? ajouter. Il se d?tourna comme pour s'en aller. “Attends,” Nem le rappela. Il courut ? son ?tabli et revint avec une chose envelopp?e dans un chiffon. “Je … ce n'est pas grand-chose. Tu m'as sauv? la vie. C'est ? toi.” “Je l'ai fait parce que je suis ton ami,” lui r?pondit Devin. “Inutile de me faire un pr?sent.” “?a me fait plaisir. S'il avait bris? ma main, je n'aurais plus ?t? capable de rien, prends, c'est moi qui l'ai fait.” Il la donna ? Devin, qui s'en saisit soigneusement et l'ouvrit … c'?tait une ?p?e, enfin, pas vraiment. Un long couteau, un 'messer', trop long pour un couteau ? proprement parler, pas suffisamment pour une ?p?e. Une lame ? simple tranchant, avec une poign?e en saillie d'un seul c?t?, de forme arrondie, une arme de paysan n'ayant rien ? voir avec les ?p?es ? deux mains ni celles des chevaliers mais elle ?tait l?g?re, fatale, tr?s belle. Devin comprit au premier coup d'?il, tandis qu'elle ?tincelait ? la lumi?re, qu'elle serait bien plus rapide et meurtri?re qu'une simple ?p?e. Une arme demandant rapidit?, ruse et adresse, parfaite pour la silhouette ?lanc?e et le jeune ?ge de Devin. “Elle n'est pas termin?e,” lui dit Nem, “mais je sais que tu la finiras mieux que moi, je te jure que l'acier est de bonne qualit?.” Devin donna un coup pour voir, la lame fendit l'air. Il voulait lui dire que c'?tait trop, qu'il ne pouvait pas accepter mais il voyait bien que Nem avait plaisir ? la lui offrir. “Merci, Nem.” “Vous avez termin?, tous les deux ?” demanda Gund en regardant Devin. “Ton d?part me chagrine. Tu es un bon ouvrier, meilleur forgeron que la plupart de mes hommes mais je ne peux pas te garder, ?a pourrait nous retomber dessus. Tu dois t'en aller, mon gar?on. Maintenant.” Devin voulut r?pondre, tout en sachant que cela ne servirait ? rien, sa place n'?tait plus ici. Il ne voulait pas passer pour un ind?sirable. Ce n'?tait pas ainsi qu'il voyait les choses. Travailler ici ?tait un simple moyen de subsistance. Il r?vait d'?tre chevalier et voil? que … Son r?ve le conduisait ? se comporter ?trangement. Il devait en avoir le c?ur net. Ta vie changera ? tout jamais. Etait-ce ce que l'enchanteur avait voulu dire ? Devin n'avait pas le choix. Il ne pouvait pas retourner en arri?re, retourner ? la forge et faire comme si de rien n'?tait. Il s'?lan?a vers la cit?. Vers son destin. L'avenir lui tendait les bras. CHAPITRE SIX Nerra se promenait seule dans la for?t, se faufilait parmi les arbres, savourant la sensation des rayons de soleil sur son visage. Elle imaginait que son absence ne serait pas pass?e inaper?ue au ch?teau mais supposait que personne n'en avait cure. Sa pr?sence ne ferait que compliquer les pr?paratifs du mariage. Elle se sentait chez elle, ici, dans les bois. Elle avait piqu? des fleurs dans ses tresses brunes, retir? ses bottes qu'elle portait nou?es sur son ?paule, elle aimait sentir l'humus sous ses pieds nus. Sa silhouette ?lanc?e sinuait entre les arbres, sa robe ? manches longues aux couleurs automnales se fondait dans le paysage. Sa m?re n'avait eu de cesse de lui seriner qu'elle ?tait contrainte de sortir les bras couverts. Sa famille except?e, personne n'?tait au courant de son infirmit?. Elle adorait le grand air, les plantes et leurs noms, la jacinthe et la berce, le ch?ne et l'orme, la lavande et les champignons. Elle connaissait leurs noms mais ?galement leurs vertus m?dicinales, tant?t b?n?fiques, tant?t v?n?neuses. Elle esp?rait secr?tement passer sa vie ici, libre, en paix. Qui sait ; elle parviendrait peut-?tre ? persuader son p?re de lui b?tir une maison en pleine for?t, elle pourrait alors mettre ses aptitudes au service des malades et des bless?s. Nerra esquissa un p?le sourire, elle savait que son r?ve ne se r?aliserait jamais, alors … Nerra n'osait y songer mais elle ne tiendrait plus bien longtemps. Si tel ?tait le cas, elle ne voulait plus vivre cette vie. La maladie la tuerait ou la transformerait bien assez t?t. Nerra ramassa un bout d'?corce de saule, c'?tait bon pour les douleurs, elle mit les morceaux dans sa sacoche. J'en aurais besoin tr?s prochainement, songeait-elle. Elle ne ressentait aucune douleur aujourd'hui mais le fils de la veuve Merril, en ville, en aurait peut-?tre besoin. On disait qu'il avait la fi?vre, Nerra ?tait naturellement dou?e pour soigner les malades. J'aimerais pouvoir passer un jour sans y penser. Le fait d'y penser provoqua un ?tourdissement ? Nerra, qui dut prendre appui contre un tronc pour ne pas tomber. Elle s'y accrocha, haletante, attendant que la sensation de vertige disparaisse. Elle sentait la pulsation dans son bras droit, ?a la br?lait, la piquait, comme si quelque chose rampait sous sa peau. Nerra s'assit sous les hautes frondaisons et fit ce qu'elle n'osait jamais faire au ch?teau : relever ses manches, dans l'espoir que la fra?cheur ambiante lui soit b?n?fique, tous les autres rem?des ayant ?chou? jusqu'alors. Elle ?tait habitu?e ? voir ces traces noires sur ses bras, telles des veines marbrant sa peau d'une p?leur translucide. Les marques s'?taient-elles ?tendues depuis la derni?re fois ? Nerra n'aurait su le dire, elle ?vitait de les regarder et n'osait les montrer ? personne. Ses fr?res et s?urs savaient pour ses ?vanouissements mais ignoraient le fin mot de l'histoire. Seuls ses parents, Ma?tre Grey et le m?decin de confiance de son p?re ?taient au courant. Nerra en connaissait la raison. Les personnes portant ces marques ?taient bannies par crainte de contagion, par crainte de ce que cela impliquait. On racontait que les personnes atteintes de la maladie de l'homme de pierre se m?tamorphosaient en cr?atures inhumaines, ceux qui en r?chappaient en mourrait. “Je me dois de rester seule,” dit-elle ? haute voix en baissant ses manches, la vue de ses bras la peinait immens?ment. La solitude lui pesait. Elle adorait la for?t mais l'absence d'amis ?tait un r?el fardeau. Elle n'avait jamais eu d'amis ?tant enfant, ils auraient pu s'en apercevoir, contrairement ? Lenore et sa cour de suivantes et nobliaux. Elle n'avait aucun pr?tendant, les galants hommes ne se bousculaient pas au portillon, qui voudrait d'une malade. Nerra r?vait d'?tre comme elle, de mener une vie normale, d'?tre belle et en bonne sant?. Ses parents lui auraient pr?sent? un gentilhomme ? ?pouser, comme Lenore. Nerra aurait eu une maison, une famille, des amis, elle aurait pu aider. Mais … non. La for?t est triste par ma faute, songea Nerra en souriant tristement. Elle se leva et poursuivit son chemin, bien d?cid?e ? jouir de cette belle journ?e. Une chasse aurait lieu demain, les nombreux participants l'emp?cheraient de profiter des environs. Elle devrait discuter aimablement avec les chasseurs s'enorgueillissant de tuer les cr?atures peuplant la for?t, le bruit de cors de chasse serait assourdissant. Nerra entendit quelque chose ; non pas un cor de chasse mais un bruit non loin. Elle crut apercevoir la silhouette d'un jeune gar?on dans un arbre, mais n'en ?tait pas certaine. Elle s'inqui?tait. Avait-il tout vu ? C'?tait certainement trois fois rien. Nerra savait que des gens arpentaient les bois. Ce pouvait ?tre des br?leurs de charbon ou des b?cherons ; voire, des braconniers. Qui que ce soit, Nerra ne tarderait pas ? les rencontrer si elle poursuivait son chemin. Elle n'aimait pas ?a, elle craignait qu'ils n'en voient trop, elle d?cida de changer de direction, au hasard. Elle connaissait son chemin dans la for?t et ne courait aucun risque de se perdre. Elle tomba sur du houx, des bouleaux, des ch?lidoines et autres rosiers sauvages au fil de sa progression. Et autre chose. Nerra s'arr?ta aux abords d'une clairi?re visiblement occup?e, des branches ?taient bris?es, le sol, labour?. Par un sanglier peut-?tre, ou toute une horde ? A moins qu'un ours r?de dans les parages, la meute ? ses trousses ? Nerra ne voyait pas d'ours parmi les arbres, rien qui suppose qu'un animal soit arriv? ici debout sur ses pattes. Un ?uf tr?nait au beau milieu de la clairi?re, couch? dans l'herbe. Elle se figea, incr?dule. C'?tait impossible. Elle en avait entendu parler, les couloirs du ch?teau arboraient des reproductions fig?es, d?pourvues de vie. Mais … elle n'en croyait pas ses yeux … Elle s'approcha suffisamment pour se rendre compte de la taille de l'?uf. Il ?tait ?norme, assez gros pour que les bras de Nerra en fassent difficilement le tour. Assez gros pour qu'aucun oiseau ne puisse le couver. Il ?tait d'un bleu profond, presque noir, vein? d'or, semblable ? des lueurs d'?clair sous un ciel nocturne. Nerra s'approcha et voulut le toucher, sa surface ?tait ?tonnamment chaude, contrairement aux ?ufs ordinaires. Cela confirmait ses doutes. Un ?uf de dragon. C'?tait impossible. A quand remontait la derni?re fois o? on avait vu un dragon ? Les r?cits parlaient de gigantesques b?tes ail?es volant dans les airs, mais d'?ufs, jamais. Les dragons n'?taient pas des cr?atures sans d?fense mais des b?tes immenses, terrifiantes et incroyables. Nerra en ?tait persuad?e. La balle est dans mon camp. Elle aurait pu tourner les talons apr?s avoir d?couvert l'?uf abandonn?, sans la moindre trace de vie, comme le ferait habituellement un oiseau avec sa couv?e. Si elle s'en allait, on racontait qu'une entit? viendrait manger l'?uf, tuant la cr?ature en son sein. A moins que les gens ne s'en emparent pour le vendre ? prix d'or. Ou ne le brise, sous l'emprise de la peur. Les hommes pouvaient parfois se montrer cruels. Elle ne pouvait pas l'emmener avec elle. Elle s'imaginait franchir les grilles du ch?teau, l'?uf de dragon entre ses mains. Son p?re le lui prendrait sans qu'elle ait le temps de dire "ouf", et le confierait ? Ma?tre Grey afin qu'il l'?tudie. Dans le meilleur des cas, la cr?ature ? l'int?rieur finirait en cage avant d'?tre tu?e. Au pire … Nerra tressaillit en imaginant les ?tudiants de la Maison de la Connaissance le diss?quer. Le Docteur Jarran voudrait probablement le prendre pour l'?tudier ? son tour. Que faire ? Nerra se mit ? r?fl?chir. Elle connaissait les bois comme sa poche. Mieux valait cacher l'?uf en lieu s?r … Oui, elle connaissait la cachette id?ale. Elle prit l'?uf dans ses bras, son corps fut subitement envelopp? par son ?trange chaleur. Il ?tait lourd, Nerra redoutait qu'il ne lui ?chappe mais elle resserra ses mains afin qu'il ne tombe pas et chemina ? travers bois. Trouver l'endroit id?al lui prit un temps certain, elle cherchait du regard l'entr?e de la vieille grotte parmi les trembles, mat?rialis?e par des pierres moussues, donnant sur une petite colline dans les bois. A l'aspect du sol, Nerra comprit que la grotte n'?tait pas utilis?e ? des fins d'habitation. C'?tait parfait ; elle ne tenait pas ? ce que son pr?cieux fardeau court un quelconque danger. L'?tat de la clairi?re laissait supposer que les dragons ne nichaient pas mais Nerra en pr?para tout de m?me un pour l'?uf, elle ramassa des brindilles et des branches, des broussailles et de l'herbe qu'elle disposa en ovale avant d'y d?poser l'?uf. Elle poussa le tout dans le fond obscur de la grotte, personne ne l'apercevrait de l'ext?rieur. “Voil?, tu es d?sormais en s?curit?, le temps que je r?fl?chisse ? ce que je vais bien pouvoir faire de toi.” Elle occulta volontairement l'entr?e de la grotte avec des branches et du feuillage, fit rouler devant l'ouverture des pierres ?normes qu'elle d?pla?a difficilement. Elle esp?rait que ?a suffirait pour dissuader quiconque d'entrer. Elle venait ? peine de terminer lorsqu'un bruit la fit sursauter. Le gar?on aper?u pr?c?demment se dissimulait parmi les arbres. Il la d?visageait, comme s'il avait du mal ? en croire ses yeux. “Attendez,” appela Nerra mais son cri per?ant le fit tressaillir. Il d?tala comme un lapin, Nerra se demandait ce qu'il avait bien pu voir, et surtout, s'il raconterait tout. Elle avait la triste sensation que les d?s ?taient jet?s. CHAPITRE SEPT La Princesse Erin savait qu'elle n'avait rien ? faire ici, ? chevaucher en pleine for?t, au nord du fleuve d'Argent. Elle aurait d? rebrousser chemin et rentrer au ch?teau, rev?tir sa robe pour le mariage de sa s?ur a?n?e, id?e la contrariant grandement. Cela lui faisait songer ? ce qui l'attendait, ce pourquoi elle ?tait partie. Elle aurait pr?f?r? chevaucher en chemise, pourpoint et haut-de-chausses que rester plant?e l? dans sa robe, pendant que Rodry se moquerait d'elle avec ses amis, et que Greave bouderait, quant ? … Erin tressaillit. Non, mieux valait ?tre ici et se rendre utile, elle leur prouverait ? tous qu'elle n'?tait pas qu'une fille bonne ? marier. Elle cheminait dans la for?t, observant les plantes le long du sentier, bien que Nerra soit plus fascin?e par la botanique qu'elle. Elle passa ? c?t? d'un gros ch?ne et d'un bouleau, leurs frondaisons procurait un ombrage abondant, tout en essayant de ne pas songer ? toutes ces zones sombres, id?ales pour une cachette. Son p?re serait certainement furieux qu'elle soit partie sans escorte. Une princesse ne devait pas s'aventurer ? l'ext?rieur sans protection, lui aurait-il dit, dans des endroits pareils, l? o? la for?t est la plus dense, le sentier ? peine dessin?. M?me s'il avait probablement d'autres raisons de lui en vouloir. Il croyait certainement qu'elle n'avait pas entendu la conversation qu'il avait eu avec sa m?re, discussion qui lui avait fait prendre illico le chemin des ?curies. “Nous devons trouver un mari pour Erin,” disait sa m?re. “Un mari ? Je pencherais plut?t pour des le?ons d'escrime,” avait r?pondu son p?re. “C'est bien l? le probl?me. Une fille ne peut pas faire ce genre de choses et se mettre en danger. Nous devons lui trouver un mari.” “Apr?s le mariage,” avait r?torqu? son p?re. “Tous les gentilshommes des environs seront l? pour la f?te et participer ? la chasse. Nous trouverons peut-?tre un jeune homme digne d'elle.” “Nous devrions peut-?tre offrir une dot.” “Certainement. De l'or, un duch?, rien n'est trop beau pour ma fille.” Elle s'?tait sentie imm?diatement et irr?m?diablement trahie. Erin avait fait irruption dans sa chambre pour prendre ses affaires : sa canne et ses v?tements, ainsi qu'un sac rempli du n?cessaire. Elle s'?tait jur?e de ne plus jamais revenir. “Qui plus est,” dit-elle ? son cheval, “je suis assez grande pour faire comme bon me semble.” A seize ans, c'?tait la benjamine des s?urs. Elle ne correspondait pas ? l'id?al que sa m?re se faisait d'une fille—un vrai gar?on manqu? avec ses cheveux coup?s courts aux ?paules afin de ne pas ?tre g?n?e dans ses mouvements, elle n'?tait pas vers?e dans les travaux d'aiguille, la harpe ou f?rue des bonnes mani?res—mais ?tait tout ? fait capable de s'en sortir seule. Du moins le croyait-elle. Elle aurait tant aim? faire partie du cercle tr?s ferm? des Chevaliers d'Argent. Le c?ur d'Erin s'emballait ? la simple ?vocation de ce nom. Ils incarnaient la fine fleur des guerriers du royaume, de vrais h?ros. Ils ?taient au service de son p?re mais r?paraient aussi les injustices et affrontaient les ennemis l? o? tous les autres auraient ?chou?. Erin aurait donn? tout ce qu'elle poss?dait pour se joindre ? eux. Raison pour laquelle elle chevauchait vers le nord, en direction du fleuve d'Argent. Elle avait emprunt? cette route sciemment, pourtant connue comme ?tant la plus dangereuse de la for?t. Elle progressait en scrutant le paysage. Elle aurait eu le temps de l'appr?cier pleinement en d'autres circonstances, bien que sa place ne soit pas ici. Elle regardait partout, aux aguets, les ombres envahissaient le chemin, les branches l'effleuraient au passage. Quiconque pourrait ais?ment dispara?tre et ne plus jamais repara?tre. Tel ?tait pourtant l'itin?raire qu'elle devait emprunter si elle voulait rejoindre les Chevaliers d'Argent et les impressionner. La peur ?tait secondaire. “Pourquoi ne pas vous arr?ter ici ?” la h?la une voix provenant de la sente foresti?re. Nous y voil?. Erin tressaillit de peur, elle avait des papillons dans le ventre. Elle stoppa sa monture et descendit de selle prestement. Elle s'empara de sa petite canne apr?s coup, bien trop l?g?re dans ses mains gant?es. “? quoi vous servirait ce b?ton ?” lan?a l'homme embusqu? sur le chemin. Il fit un pas en avant, il ?tait v?tu de v?tements grossiers et muni d'une hache. Deux autres hommes sortirent des arbres derri?re Erin, l'un tenait un bon coutelas, l'autre une ?p?e, il avait d?, jadis, ?tre au service d'un gentilhomme. “Les habitants du village que j'ai travers? m'ont dit que la for?t ?tait peupl?e de bandits,” r?pondit Erin. Sa pr?sence ne leur semblait toutefois pas ?trange. Erin avait peur. Avait-elle bien fait de venir ? Elle ?tait certes bien entra?n?e mais … la situation ?tait totalement diff?rente. “On est c?l?bres, les gars,” lan?a le chef en partant d'un rire tonitruant. C?l?bre ?tait le terme qui convenait. Au village, elle avait discut? avec un jeune homme voyageant avec sa femme. Elle lui avait appris que ces hommes d?troussaient les voyageurs et ne reculait devant rien pour parvenir ? leurs fins. Elle ne s'?tait pas montr?e avare de d?tails avec Erin, cette femme avait de la conversation, tout comme Lenore, et faisait preuve d'empathie, ? l'instar de Nerra. Deux qualit?s dont Erin ?tait totalement d?pourvue. “On dit que vous tuez ceux qui osent se rebeller,” dit Erin. “C'est exact,” confirma le chef. “Vous savez donc ce qu'il vous reste ? faire.” “Elle n'en vaut pas la peine,” r?pondit l'un deux. “Un vrai gar?on manqu?.” “De quoi te plains-tu ?” r?pliqua le chef. “Je croyais que les hommes ne te d?rangeaient pas ?” Erin attendait, sto?que. Sa peur s'?tait mu?e en un monstre hideux de la taille d'un ours qui mena?ait de lui sauter dessus, p?trifi?e qu'elle ?tait. Elle n'aurait pas d? venir. Elle n'?tait pas ? l'entra?nement, elle ne s'?tait jamais battu pour de vrai. Cette jeune femme se ferait bient?t tuer, voire pire … Non. Erin r?fl?chissait, elle repensait ? la femme du village et se for?a ? museler sa peur, la col?re prenait le dessus. “Donnez-nous tout ce que vous poss?dez et tout se passera bien. La monture, les objets de valeur, tout.” “Et enlevez vos v?tements,” lan?a celui qui avait parl?. “?a nous ?vitera de les souiller avec du sang.” Erin d?glutit en comprenant o? il voulait en venir. “Non.” “Comme vous voudrez,” r?torqua le chef. “Nous emploierons donc la mani?re forte.” L'homme arm? du long couteau fon?a sur Erin en se jetant violemment sur elle. Erin arr?ta son geste mais sa lame s'insinua entre ses v?tements comme dans du beurre. Le sourire triomphal de l'homme stoppa net et se mua en perplexit? lorsque la lame s'arr?ta, m?tal contre m?tal, dans un bruit mat. “Vous aurez du mal avec ma cotte de maille,” dit Erin. Elle frappa l'homme en plein visage ? l'aide du manche de sa canne, qui tituba en arri?re. Le chef se jeta sur elle avec sa hache, elle leva son arme, qu'elle attrapa par l'autre bout. Elle frappa avec son extr?mit?, abattant violemment sa canne sur la gorge de l'homme qui poussa un cri ?touff? et vacilla. “Salope !” hurla l'homme au couteau. Erin fit tournoyer sa canne et retira l'extr?mit?, r?v?lant une longue lame cach?e en son sein. Des taches de lumi?re, lueurs entre les arbres, se r?fl?chissaient dessus. Sa voix s'?leva dans le silence ?trange qui s'ensuivit. Inutile de se voiler la face. “Ma m?re m'a donn? des le?ons de couture dans ma jeunesse mais la femme qui nous les dispensait ?tait quasiment aveugle, Nerra, ma s?ur, me couvrait pendant que je partais dans la for?t, munie d'un b?ton, avec les gar?ons. Ma m?re s'est f?ch?e lorsqu'elle s'en est aper?ue mais mon p?re a dit qu'autant apprendre, et faire correctement, c'?tait le roi, alors …” “Votre p?re est le roi ?” demanda le chef. La peur – bient?t suivie du lucre - se lisait sur son visage. “Quoiqu'il arrive, ils nous tueront s'ils nous attrapent, nous pourrions obtenir une belle ran?on pour quelqu'un comme vous …” Qu'ils paieraient probablement. Vue la discussion qu'Erin avait surprise et le montant qu'ils ?taient pr?ts ? allouer pour se d?barrasser d'elle … Le bandit plongea de nouveau sur Erin, interrompant ses pens?es, il faisait tournoyer sa hache pour l'en frapper. Erin d?via la hache d'une main, repoussa le coude de son agresseur et lui donna un coup dans le genou alors qu'il essayait de la frapper, l'envoyant valdinguer au sol. Son ma?tre serait certainement f?ch? qu'elle ne l'ait pas achev?. D?place-toi continuellement, ach?ve-le sans tra?ner, ne lui laisse aucune chance. Erin se rem?morait les paroles de son professeur, le ma?tre d'armes Wendros. Il avait ?t? le seul ? lui conseiller l'usage de l'?p?e courte, une arme qui pouvait faire la diff?rence et ainsi compenser sa petite taille et son manque de force, en privil?giant la vitesse et la port?e. Erin avait ?t? quelque peu d??ue ? l'?poque par son choix mais ce n'?tait plus le cas. Elle prit son arme ? deux mains et fit volte-face, se r?parant du coup d'?p?e qui mena?ait. Elle esquivait les coups l'un apr?s l'autre et fit mouche. Une lance pouvait non seulement trancher, mais aussi frapper. Il fit mine d'esquiver l'attaque, leva son ?p?e pour croiser le fer ; d'un geste du poignet, Erin envoya son arme valser sous l'obstacle, la pointe de la lance pointait vers sa gorge. Bien qu'? l'article de la mort, l'homme d?cocha un dernier coup qu'Erin esquiva, sans jamais cesser ses d?placements. Ne t'arr?te pas. Bouge tant que le combat n'est pas termin?. “Elle l'a tu? !” hurla l'homme au couteau. “Elle a tu? Ferris !” Il plongea sur elle avec son coutelas, non pas dans le but de la tuer, mais de la capturer. Il se jetait sur elle, tentant le combat rapproch?, hors d'atteinte de la longue arme d'Erin. Erin recula et s'approcha plus pr?s que ce ? quoi il s'attendait et le fit basculer par-dessus sa hanche, il atterrit lourdement au sol, le souffle coup? … Ce qui serait forc?ment arriv?, s'il ne l'avait pas entra?n?e dans sa chute. Sois attentive, ma petite. Mesure tes gestes. Trop tard, elle se retrouva au sol avec l'homme au couteau, il allait la poignarder, seule sa cotte de maille lui ?pargnerait une mort certaine. Elle n'en menait pas large, elle s'?tait surestim?e et se retrouvait dans une position inconfortable avec un homme bien plus fort qu'elle. Il ?tait sur elle, le couteau point? sur sa gorge … Erin parvint ? s'approcher suffisamment pr?s pour le mordre, ce qui lui laissa assez de latitude pour se lib?rer, il ne s'agissait plus d'art ou d'aptitude, mais de d?sespoir. Le chef s'?tait remis sur pied et agitait son arme. Erin para le premier coup de justesse, ? genoux, encaissa un coup dans le diaphragme et vomit en crachant du sang. “Tu t'es tromp? de cible, salope,” ass?na le chef en prenant son ?lan et lui porter un coup lat?ral sur la t?te. Elle n'avait pas le temps d'esquiver ni de parer. Erin ne pouvait que plonger et le repousser de sa lance. Elle la sentit craquer en s'enfon?ant dans la chair, elle s'attendait ? sentir l'impact de l'arme ennemie sur son corps, le temps suspendit momentan?ment son vol. Elle osa lever les yeux, il ?tait empal? au bout de la lance, si occup? ? regarder l'arme qu'il n'avait pas eu le temps d'achever son attaque. La chance ne doit pas t'emp?cher de rester sur tes gardes, la voix du ma?tre d'armes Wendros r?sonnait dans sa m?moire. L'homme au couteau, toujours ? terre, peinait ? se relever. “Piti?, je vous en supplie,” demanda-t-il. “Piti? ?” r?pondit Erin. “Avez-vous fait preuve de piti? envers les gens que vous avez d?trouss?, tu? et viol? ? Vous vous ?tes bien moqu? d'eux lorsqu'ils vous suppliaient ? Vous les avez bien poursuivis lorsqu'ils tentaient de fuir ? Je serais curieuse de savoir si vous m'auriez t?moign? de la piti? ?” Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=51923362&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.