*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

Un Baiser pour des Reines

Un Baiser pour des Reines Morgan Rice Un Tr?ne pour des S?urs #6 L'imagination de Morgan Rice est sans limite. Dans une autre s?rie qui promet d'?tre aussi passionnante que les pr?c?dentes, UN TR?NE POUR DES S?URS nous pr?sente l'histoire de deux s?urs (Sophia et Kate), des orphelines qui se battent pour survivre dans le monde cruel et contraignant d'un orphelinat. Le charme est imm?diat. Je suis impatient de lire les deux tomes suivants ! Books and Movie Reviews (Roberto Mattos) Morgan Rice, l'auteur ? succ?s n°1, nous propose une nouvelle s?rie fantastique. Dans UN BAISER POUR DES REINES (Un Tr?ne pour des S?urs : Tome Six), il est temps que Sophia r?cup?re ce qui lui revient de droit. Il est temps qu'elle dirige une arm?e, gouverne une nation, prenne sa place et devienne la commandante de la bataille la plus ?pique que le royaume ait jamais connue. Son amoureux, Sebastian, est encore prisonnier et doit ?tre ex?cut?. Se retrouveront-ils ? temps ?Kate s'est finalement lib?r?e du pouvoir de la sorci?re et est libre de devenir la guerri?re qu'elle ?tait cens?e ?tre. Lors de la plus grande bataille de sa vie, ses comp?tences seront mises ? l'?preuve quand elle se battra aux c?t?s de sa s?ur. Est-ce que les deux s?urs parviendront ? se sauver l'une l'autre ?La Reine, qui est furieuse contre Rupert et Lady D’Angelica, exile Rupert et condamne Angelica ? mort. Cela dit, ces deux-l? ne comptent pas se laisser faire. Ensuite, tous ces ?v?nements m?nent ? une bataille ?pique qui d?cidera d?finitivement de l'avenir de la couronne et du destin du royaume. UN BAISER POUR DES REINES (Un Tr?ne pour des S?urs : Tome Six) est le sixi?me tome d'une nouvelle s?rie de fantasy ?blouissante plein d'amour, de c?urs bris?s, de trag?die, d'action, d'aventure, de magie, d'?p?es, de sorcellerie, de dragons, de destin?e et de suspense haletant. Ce roman captivant d?borde de personnages qui vous charmeront et se d?roule dans un monde que vous n'oublierez jamais. Le tome n°7 de la s?rie para?tra bient?t. Un Tr?ne pour des S?urs est le d?but puissant d'une s?rie qui produira un m?lange de protagonistes fougueux et de circonstances difficiles et qui plaira non seulement aux jeunes adultes mais aussi aux fans de fantaisie adulte ? la recherche d'?pop?es nourries d'amiti?s et d'adversaires de grande envergure. Midwest Book Review (Diane Donovan) UN BAISER POUR DES REINES (UN TR?NE POUR DES S?URS, TOME N 6) MORGAN RICE Morgan Rice Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de ?tats-Unis Today et l’auteur de la s?rie d’?pop?es fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la s?rie ? succ?s n°1 SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la s?rie ? succ?s n°1 LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes; de la s?rie de fantaisie ?pique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes; de la s?rie d’?pop?es fantastiques DE COURONNES ET DE GLOIRE, comprenant huit tomes; de la nouvelle s?rie de fantaisie ?pique UN TR?NE POUR DES S?URS, comprenant sept tomes pour l'instant ; et de la nouvelle s?rie de science-fiction LES CHRONIQUES DE L’INVASION. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont ?t? traduits dans plus de 25 langues. Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'h?sitez pas ? visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, t?l?charger l'appli gratuite, lire les derni?res nouvelles exclusives, vous connecter ? Facebook et ? Twitter, et rester en contact ! S?lection de Critiques pour Morgan Rice « Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre apr?s la fin de la s?rie de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE R?VEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page .... Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites ». --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. » —The Wanderer, A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) « Une histoire du genre fantastique entra?nante qui m?le des ?l?ments de myst?re et de complot ? son intrigue. La Qu?te des H?ros raconte la naissance du courage et la r?alisation d’une raison d'?tre qui m?ne ? la croissance, la maturit? et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'?volution de Thor d'un enfant r?veur ? un jeune adulte confront? ? d'insurmontables d?fis de survie .... Ce n'est que le d?but de ce qui promet d'?tre une s?rie pour jeune adulte ?pique. » —Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres ?lectroniques) « L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s instantan? : intrigues, contre-intrigues, myst?res, vaillants chevaliers et des relations en plein ?panouissement pleines de c?urs bris?s, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les ?ges. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs de fantasy. » --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « Dans ce premier livre bourr? d'action de la s?rie de fantasy ?pique L'Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice pr?sente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McL?od, 14 ans, dont le r?ve est de rejoindre la L?gion d'argent, des chevaliers d'?lite qui servent le roi .... L'?criture de Rice est solide et le pr?ambule intrigant. » --Publishers Weekly Livres par Morgan Rice LES CHRONIQUES DE L’INVASION ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome n°1) ARRIV?E (Tome n°2) LA VOIE DE L'ACIER SEULS LES BRAVES (Tome n°1) UN TR?NE POUR DES S?URS UN TR?NE POUR DES S?URS (Tome n°1) UNE COUR DE VOLEURS (Tome n°2) UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome n°3) UN CHANT FUN?BRE POUR DES PRINCES (Tome n°4) UN JOYAU POUR LA COUR (Tome n°5) UN BAISER POUR DES REINES (Tome n°6) UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome n°7) DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (Tome n°1) CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE (Tome n°2) CHEVALIER, H?RITIER, PRINCE (Tome n°3) REBELLE, PION, ROI (Tome n°4) SOLDAT, FR?RE, SORCIER (Tome n°5) H?RO?NE, TRA?TRESSE, FILLE (Tome n°6) SOUVERAIN, RIVALE, EXIL?E (Tome n°7) VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome n°8) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome n°1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome n°2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4) UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5) LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome n°1) LA MARCHE DES ROIS (Tome n°2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3) UN CRI D'HONNEUR (Tome n°4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n°5) UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n°6) UN RITE D'?P?ES (Tome n°7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n°8) UN CIEL DE CHARMES (Tome n°9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n°10) LE R?GNE DE L'ACIER (Tome n°11) UNE TERRE DE FEU (Tome n°12) LE R?GNE DES REINES (Tome n°13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome n°14) UN R?VE DE MORTELS (Tome n°15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n°16) LE DON DE LA BATAILLE (Tome n°17) TRILOGIE DES RESCAP?S AR?NE UN : ESCLAVAGISTES (Tome n°1) AR?NE DEUX (Tome n°2) AR?NE TROIS (Tome n°3) LES VAMPIRES D?CHUS AVANT L'AUBE (Tome n°1) SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE TRANSFORM?E (Tome n°1) AIM?E (Tome n°2) TRAHIE (Tome n°3) PR?DESTIN?E (Tome n°4) D?SIR?E (Tome n°5) FIANC?E (Tome n°6) VOU?E (Tome n°7) TROUV?E (Tome n°8) REN?E (Tome n°9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n°10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11) OBSESSION (Tome n°12) Copyright © 2018 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. SOMMAIRE CHAPITRE PREMIER (#uc4b3b721-ad76-5b3d-9cda-e81d7792c875) CHAPITRE DEUX (#u918fdfc6-3c82-5f76-890d-37e0f4a946df) CHAPITRE TROIS (#u45163858-17fa-58df-9d4b-5a6ce704a05b) CHAPITRE QUATRE (#uf7ec6e1e-ea42-534e-bd81-712721832950) CHAPITRE CINQ (#u38ab642b-75c3-5139-ab9f-75886c7d5e2a) CHAPITRE SIX (#u2e68d319-a748-5a3d-8106-70a77e53b4e1) CHAPITRE SEPT (#u2a684d4d-00b9-5083-b11d-48b93f0ae1a5) CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE PREMIER Sebastian traversait discr?tement Ashton avec autant de pr?cautions qu'un cerf aux abois et il essayait de calculer ce qu'il allait faire ensuite. Il ?tait libre mais, en v?rit?, il n'avait pas confiance. M?me en ce moment-l?, cela lui semblait ?tre un mauvais tour. Les circonstances de son ?vasion ?taient trop louches. Sebastian n'arrivait toujours pas ? les comprendre. Quelqu'un avait d?verrouill? la porte de sa cellule et tu? tous les gardes de la maison de ville de Rupert mais ses sauveteurs n'avaient pas pris la peine de s'en pr?valoir. Ils ne s'?taient m?me pas pr?sent?s. Sebastian se serait attendu ? ce qu'un sauveteur participe aussi ? cette partie de l'?vasion alors que, maintenant, il avan?ait seul dans les rues d'Ashton. Il passa discr?tement par Knotty Hill et les Screws en avan?ant lentement vers les quais. Il ?tait prudent et pas seulement pour toutes les raisons habituelles qui incitaient tous ceux qui traversaient Ashton ? ?tre prudents. A un moment ou ? un autre, Rupert d?couvrirait qu'il ?tait parti et enverrait des hommes ? sa poursuite. “Il faut que je sois parti avant”, se dit Sebastian. Cela semblait ?vident. S'il avait encore la b?n?diction de sa m?re, ce serait une autre histoire mais, comme il s'?tait enfui de son mariage, il ne pensait pas qu'elle serait d'humeur ? l'aider. De plus, ce qu'il voulait vraiment, c'?tait quitter rapidement Ashton pour une autre raison : plus il partirait vite, plus il retrouverait Ishjemme et Sophia vite. “Je la retrouverai”, se promit-il. Il la retrouverait et il serait avec elle. C'?tait ce qui comptait pour l'instant. Il se dirigea vers les quais, y trouva une auberge et s'installa dans un coin. Il garda la capuche de son manteau lev?e pour v?rifier si certains hommes ne travaillaient pas pour Rupert. Apr?s tout, la derni?re fois, ces hommes l'avaient captur? alors qu'il cherchait ? quitter la ville. “Que puis-je vous servir ?” lui demanda une serveuse. Sebastian sortit une petite pi?ce de la bourse que quelqu'un lui avait laiss?e avec le manteau et un poignard ? double tranchant et il la posa sur la table. “A manger”, dit-il, “et des informations. Y a-t-il des navires en partance pour Ishjemme ?” La serveuse prit la pi?ce. “A manger, c'est bon, j'ai ?a. Pour les informations, vous pouvez rester assis ici et ?couter. Avec les quais, les capitaines passent assez souvent par ici.” Sebastian avait pens? que ?a pourrait se passer comme ?a. Il avait esp?r? pouvoir quitter Ashton rapidement mais il ne pouvait pas prendre ? nouveau le risque d'aller sur les quais et d'y demander quel navire partait pour Ishjemme. La derni?re fois, c'?tait comme ?a que Rupert l'avait captur?. Il fallait qu'il prenne son temps. Il fallait qu'il ?coute. Il fit les deux. Tout en mangeant du pain, du fromage et du jambon fum?, il resta assis et essaya d'?couter ce qu'il pouvait des conversations qui avaient lieu dans l'auberge. Les hommes assis dans le coin parlaient des guerres qui avaient lieu de l'autre c?t? du Knifewater, endroit qui ne paraissait plus aussi lointain maintenant que la Nouvelle Arm?e avait essay? d'envahir le pays. Un homme et une femme parlaient ? voix basse mais Sebastian les voyait assez bien pour deviner qu'ils se faisaient des promesses mutuelles et qu'ils comptaient vivre ensemble. Cela le fit penser ? Sophia. D'autres parlaient des derni?res pi?ces de th??tre ou des querelles auxquelles ils avaient assist? sur les quais. Cependant, au milieu de tout cela, un seul murmure attira l'attention de Sebastian. “La Douairi?re …” Sebastian se leva et se dirigea vers l'ouvrier des quais qui avait prononc? ces mots. “Qu'avez-vous dit ?” demanda-t-il. “Qu'avez-vous dit ? propos de la Douairi?re ?” Il garda la t?te baiss?e en esp?rant que personne ne le reconna?trait. “Qu'est-ce que ?a peut vous faire ?” demanda l'ouvrier des quais. Sebastian r?fl?chit rapidement et imita le ton rude de la voix de l'ouvrier. “J'ai entendu prononcer son nom toute la journ?e. Finalement, je me suis dit que j'allais voir ce qui se passait.” L'ouvrier des quais haussa les ?paules. “En fait, vous n'obtiendrez pas grand-chose de moi. Tout ce que j'ai entendu dire, c'est ce que tout le monde sait : il se passe quelque chose au palais. On murmure des choses sur la Douairi?re et, maintenant, l'endroit est compl?tement boucl?. Mon fr?re avait quelque chose ? livrer l?-bas et il a ?t? bloqu? plus d'une heure ? Higharch.” “Merci”, dit Sebastian en s'?cartant de l'autre homme et en se dirigeant vers la porte. En eux-m?mes, les ?v?nements qui se passaient peut-?tre au palais auraient d? ne rien signifier pour lui. Il aurait d? en rester ? son premier plan de trouver un bateau et d'aller retrouver Sophia aussi rapidement que possible. Ce qui arrivait ? sa m?re ne le regardait pas, quoi que ce soit. Sebastian essaya de s'en convaincre mais, malgr? cela, ses pieds se tourn?rent comme automatiquement en direction du palais puis le port?rent au-dessus des pav?s et lui firent traverser la ville. “Sophia attend s?rement”, se dit-il, mais, en v?rit?, il ne savait m?me pas si Sophia avait jou? un r?le dans son ?vasion. Si tel ?tait le cas, ses sauveurs ne se seraient-ils pas pr?sent?s ? Elle ne savait peut-?tre pas qu'il ?tait en chemin et, de toute fa?on, Sebastian pouvait-il vraiment partir sans au moins savoir ce qui se passait ? Il se d?cida. Il irait au palais, y prendrait des provisions et y apprendrait ce qui se passait. S'il le faisait discr?tement, Sebastian pensait pouvoir quitter le palais avant que qui que ce soit ne remarque sa pr?sence et, alors, il aurait beaucoup plus de facilit?s ? trouver le navire qu'il lui fallait pour aller rejoindre Sophia ? Ishjemme. Il hocha la t?te, convaincu, et partit dans la direction du palais, puis il s'arr?ta pour h?ler un palanquin de location qui passait. Les porteurs le regard?rent d'un air m?fiant mais gard?rent leurs doutes pour eux-m?mes quand il leur jeta deux ou trois pi?ces. “C'est assez pr?s”, dit Sebastian quand ils atteignirent une rue assez proche des terrains du palais. Il ne pouvait pas risquer d'essayer d'entrer par les portes de devant au cas o? les complices de Rupert s'y seraient trouv?s. Il pr?f?ra contourner discr?tement le b?timent pour aller ? une des portes du jardin. Il y avait un garde ? cet endroit. Il avait l'air ?tonnamment alerte pour la petite porte qu'il surveillait. Sebastian le regarda pendant un moment puis fit signe ? un enfant des rues qui passait et lui tendit une pi?ce. “Pour quoi faire ?” demanda l'enfant d'une voix soup?onneuse. Sebastian n'?tait pas s?r d'avoir envie de savoir ce qui s'?tait pass? pour que cet enfant se m?fie des inconnus ? ce point. “Je veux que tu ailles emb?ter ce garde. Arrange-toi pour qu'il te poursuive mais sans te laisser attraper. Penses-tu pouvoir le faire ?” L'enfant hocha la t?te. “Si tu te d?brouilles bien, tu auras une autre pi?ce”, promit Sebastian, qui recula alors dans l'embrasure d'une porte pour attendre. Il n'eut pas besoin d'attendre longtemps. Moins d'une minute plus tard, l'enfant ?tait l? et il jetait de la boue vers le garde. Un tas de boue gicla sur son casque puis ?claboussa son uniforme en l'aspergeant de terre. “H? !” cria le garde, qui courut vers l'enfant des rues. Sebastian se d?p?cha de profiter du cr?neau dont il disposait. Il entra par la porte et se retrouva sur les terres du palais. Il esp?rait que l'enfant s'en tirerait. Il soup?onnait que oui parce que tous les enfants qui vivaient dans les rues d'Ashton apprenaient tr?s vite ? courir. Sebastian traversa les jardins et se mit ? repenser aux promenades qu'il y avait faites avec Sophia. Il la retrouverait bient?t. Peut-?tre Ishjemme aurait-elle des jardins dont la beaut? pourrait rivaliser avec celle des roses grimpantes d'Ashton. D'une fa?on ou d'une autre, il avait l'intention de le constater par lui-m?me. Les terrains ?taient plus silencieux qu'ils ne l'?taient d'habitude. Par une journ?e normale, il aurait d? y avoir des domestiques en train de courir de tous les c?t?s, de jardiner ou de cueillir des herbes m?dicinales et des l?gumes pour les cuisines. Il aurait d? y avoir des nobles qui inspectaient solennellement les terrains, pour faire de l'exercice, pour pouvoir parler politique les uns avec les autres sans qu'on les entende ou pour exprimer les allusions ?labor?es et effectuer les gestes subtils par lesquels on faisait la cour dans ce royaume. En fait, les jardins ?taient tous quasiment vides et Sebastian se glissa par les jardins potagers et entra dans le palais par une porte lat?rale. Des domestiques le regard?rent fixement et Sebastian continua ? avancer parce qu'il ne voulait pas que quelqu'un signale sa pr?sence et lui complique la t?che. Il ne voulait pas qu'on le surprenne en train de parler ? la cour enti?re; il voulait juste d?couvrir ce qui se passait puis repartir aussi discr?tement que possible. Sebastian traversa le palais. Baissant la t?te ? chaque fois qu'il pensait qu'un garde arrivait peut-?tre, il se dirigeait vers ses appartements. Il entra, prit une ?p?e de rechange, changea de v?tements puis saisit un sac et le remplit de toutes les provisions qu'il put. Il repartit dans le palais … … et, presque imm?diatement, il se trouva face ? face avec une domestique, qui commen?a ? reculer d'un air terrifi? comme si elle pensait qu'il allait peut-?tre la tuer. “Ne vous inqui?tez pas”, dit Sebastian. “Je ne vous ferai pas de mal. Je suis seulement venu —” “Il est ici !” cria la domestique. “Le Prince Sebastian est ici !” Presque imm?diatement, Sebastian entendit un son de bottes. Sebastian se retourna et courut dans le hall, fon?ant dans les couloirs o? il avait pass? la plus grande partie de sa vie ? marcher. Il alla ? gauche puis ? droite pour semer les hommes qui, maintenant, le poursuivaient en lui criant de s'arr?ter. Il y avait d'autres hommes devant lui. Sebastian regarda autour de lui puis se pr?cipita dans une pi?ce adjacente en esp?rant qu'elle pourrait au moins contenir une porte ou une cachette. Elle ne contenait ni l'un ni l'autre. Les gardes se pr?cipit?rent dans la pi?ce. Sebastian r?fl?chit ? ce qu'il pouvait faire, se souvint que les hommes de Rupert l'avaient tabass? et tira son ?p?e presque par instinct. “Posez l'?p?e, votre altesse”, ordonna le chef des gardes. A pr?sent, il y avait des hommes des deux c?t?s de Sebastian et, ? sa grande surprise, plusieurs d'entre eux le visaient avec un mousquet. Quels hommes risqueraient de provoquer la col?re de sa m?re en mena?ant de mort un de ses fils comme ?a ? En g?n?ral, ils n'osaient m?me pas lui adresser un reproche. C'?tait en partie pour cela que Rupert avait b?n?fici? d'une telle impunit? au cours des ann?es. Cela dit, Sebastian n'?tait pas Rupert et il n'?tait pas idiot au point d'envisager de se battre contre un groupe d'hommes arm?s comme eux. Il baissa son ?p?e mais ne la laissa pas tomber. “Que signifie tout cela ?” demanda-t-il. Il pouvait jouer la carte de l'indignation et cela ne lui convenait gu?re mais c'?tait peut-?tre la meilleure solution pour ?chapper au danger. “Je suis l'h?ritier du tr?ne de ma m?re et vous me menacez. Baissez vos armes tout de suite !” “Est-ce pour cela que vous l'avez fait ?” demanda le chef des gardes sur un ton qui exprimait plus de haine que Sebastian n'en avait entendu dans sa vie. “Parce que vous vouliez ?tre l'h?ritier ?” “Est-ce pour cela que j'ai fait quoi ?” r?pliqua Sebastian. “Qu'est-ce qui se passe ici ? Quand ma m?re sera au courant de ?a —” “Inutile de jouer l'innocent”, dit le capitaine des gardes. “Nous savons que c'est vous qui avez assassin? la Douairi?re.” “Assassin? …” Sebastian eut l'impression que le monde s'arr?tait de tourner. Il resta bouche b?e et son ?p?e tomba de ses doigts gourds quand le choc le frappa. Quelqu'un avait assassin? la Douairi?re ? Sa m?re ?tait morte ? Le chagrin le submergea et l'horreur pure de ce qui s'?tait pass? le remplit. Sa m?re ?tait morte ? C'?tait impossible. Elle avait toujours ?t? l?, aussi in?branlable qu'un roc, et maintenant … elle ?tait morte, on la lui avait arrach?e en un instant. Imm?diatement, les hommes se ru?rent sur lui pour l'attraper et des bras l'immobilis?rent des deux c?t?s. Sebastian ?tait trop choqu? pour ne serait-ce que se d?battre. Il ne pouvait le croire. Il avait cru que sa m?re vivrait plus longtemps que tous les occupants du royaume. Il avait pens? qu'elle ?tait si forte, si rus?e que rien ne pourrait mettre fin ? ses jours. Or, quelqu'un l'avait assassin?e. Non, pas quelqu'un. Il n'y avait qu'un coupable possible. “C'est Rupert qui l'a fait”, dit Sebastian. “C'est Rupert qui —” “Arr?tez de mentir”, dit le capitaine des gardes. “Devrais-je croire que c'est une co?ncidence si je vous trouve arm? au palais si peu de temps apr?s la mort de votre m?re ? Prince Sebastian de la Maison de Flamberg, je vous arr?te pour l'assassinat de votre m?re. Emmenez-le dans une des tours, les gars. J'imagine qu'ils voudront le juger pour ce qu'il a fait avant de l'ex?cuter comme le tra?tre qu'il est.” CHAPITRE DEUX Angelica ?tait bien sagement assise dans le salon de la maison de ville de Rupert, aussi parfaitement appr?t?e que les fleurs qui tr?naient sur le manteau de la chemin?e. Elle ?coutait le prince a?n? du royaume se laisser aller ? la panique tout en essayant de ne pas montrer son m?pris. “Je l'ai tu?e !” cria-t-il en faisant les cent pas les bras largement ?cart?s. “Je l'ai vraiment tu?e.” “Criez-le un peu plus fort, mon prince”, dit Angelica, incapable de contenir enti?rement le m?pris qu'elle ressentait. “Je crois qu'il y a des voisins qui ne vous ont peut-?tre pas entendu.” “Ne te moque pas de moi !” dit Rupert en la montrant du doigt. “Tu … c'est toi qui m'as pouss? ? le faire.” Quand Angelica entendit ces paroles, elle sentit une petite peur s’insinuer en elle. Elle ne voulait surtout pas ?tre la cible de la col?re de Rupert. “Et pourtant, c'est vous qui ?tes couvert du sang de la Douairi?re”, dit Angelica avec une l?g?re nuance de d?go?t. Ce n'?tait pas le meurtre qui l’?c?urait : la vieille folle avait m?rit? ?a. C'?taient simplement l'in?l?gance de la man?uvre et la stupidit? de son futur ?poux qui la d?go?taient. Rupert eut soudain l'air furieux puis il se regarda comme s'il voyait le sang qu'il avait sur la chemise pour la premi?re fois. Elle ?tait tach?e en rouge comme pour mieux aller avec son manteau. Alors, Rupert eut ? nouveau l'air d?sempar?. C'est ?trange, se dit Angelica. ?tait-il possible que Rupert regrette vraiment d'avoir fait du mal ? la Douairi?re ? “On me tuera pour ?a”, dit Rupert. “J'ai tu? ma m?re. J'ai travers? le palais couvert de son sang. On m'a vu.” La moiti? d'Ashton avait d? le voir car il avait s?rement parcouru les rues de la ville dans cet ?tat. Au moins, on pouvait le f?liciter d'avoir port? un manteau pendant cette partie du trajet. En ce qui concernait le reste … eh bien, Angelica s'en occuperait. “Enlevez votre chemise”, ordonna-t-elle. “Tu ne me donnes pas d'ordres !” dit Rupert en se tournant vers elle d'un air agressif. Angelica resta calme mais s'exprima avec plus de consid?ration en essayant de calmer Rupert comme il le voulait visiblement. “Enlevez votre chemise, Rupert. Il faut qu'on vous nettoie.” Il le fit et se d?barrassa aussi de son manteau. Avec un mouchoir et un bol d'eau, Angelica nettoya les taches de sang qui restaient pour effacer autant de traces de violence que possible. Elle sonna une domestique, qui arriva avec des v?tements propres et emporta les autres. “Voil?”, dit Angelica quand Rupert fut habill?. “C'est mieux, n'est-ce pas ?” A sa grande surprise, Rupert secoua la t?te. “Cela n'efface pas ce qui s'est pass?. Cela n'efface pas ce que je vois l?-dedans, l?-dedans !” Il se frappa le c?t? de la t?te du plat de la main. Angelica lui prit la main et lui embrassa le front aussi doucement qu'une m?re l'aurait fait ? son enfant. “Vous ne devez pas vous faire de mal. Vous m'?tes trop pr?cieux.” “Pr?cieux” ?tait une fa?on de le dire. Elle aurait aussi pu choisir “n?cessaire”. Angelica avait besoin que Rupert soit en vie, au moins pour l'instant. Il ?tait la cl? avec laquelle elle d?verrouillerait les portes du pouvoir et il fallait qu'il soit indemne pour cela. Jusqu'? pr?sent, elle l'avait contr?l? sans difficult? mais tout cela ?tait … inattendu. “Tu me perdras bient?t”, dit Rupert. “Quand ils trouveront ce que j'ai fait …” “Rupert, je n'ai jamais vu une mort vous faire un tel effet”, dit Angelica. “Vous avez combattu ? la guerre. Vous avez command? des arm?es qui ont tu? des milliers de personnes.” Il avait aussi combattu et tu? des gens pour des causes dont l'?vidence laissait un peu plus ? d?sirer. Dans la vie, il avait fait souffrir plus que sa part de gens. D'apr?s ce qu'Angelica avait entendu dire, il avait fait des choses qui auraient ?c?ur? la plupart des gens mais sans que le monde ne le sache. Pourquoi une mort de plus poserait-elle probl?me ? “C'?tait ma m?re”, dit Rupert comme si cela expliquait tout. “Ce n'?tait pas une paysanne quelconque. C'?tait ma m?re et la reine.” “C'?tait votre m?re mais elle allait vous voler votre droit de naissance et vous exiler”, signala Angelica. “Quand m?me —”, commen?a Rupert. Angelica le prit par les ?paules en souhaitant arriver ? lui mettre un peu de plomb dans la cervelle. “Il n'y a pas de quand m?me”, dit-elle. “Elle allait tout vous prendre. Elle allait vous d?truire pour tout donner ? son fils —” “Je suis son fils !” cria Rupert en repoussant Angelica. Angelica savait qu'elle aurait d? avoir peur de lui ? ce moment-l? mais, en v?rit?, elle n'avait pas peur du tout. C'?tait elle qui ma?trisait la situation, du moins pour l'instant. “Oui”, dit Angelica. “Vous ?tes son fils et son h?ritier et elle a essay? de vous prendre tout cela. Elle a essay? de le donner ? un homme qui vous aurait fait du tort. C'?tait quasiment une r?action de survie.” Rupert secoua la t?te. “Les gens ne … ils ne le verront pas comme ?a. Quand ils apprendront ce que j'ai fait …” “Pourquoi devraient-ils l'apprendre ?” demanda Angelica sur un ton parfaitement raisonnable en pr?tendant ne pas comprendre. Elle se dirigea vers un des sofas, s'y assit et prit une coupe de vin frapp?. Elle fit signe ? Rupert de faire de m?me et il but le sien si vite qu'il dut ? peine en sentir le go?t. “Des gens m'auront vu”, dit Rupert. “Ils devineront d'o? venait le sang.” Angelica n'avait pas pens? que Rupert serait aussi stupide. Elle avait pens? qu'il ?tait bien ?videmment un imb?cile, sinon m?me un imb?cile dangereux, mais pas ? ce point. “Les gens, cela s'ach?te, se menace ou se tue”, dit-elle. “On peut les distraire avec des rumeurs ou m?me les persuader qu'ils se sont tromp?s. J'ai des serviteurs qui surveillent ceux qui parlent contre vous et tous ceux qui le font seront r?duits au silence ou ridiculis?s et donc ignor?s.” “Quand m?me —”, commen?a Rupert. “Vous vous r?p?tez, mon amour”, dit Angelica. “Vous ?tes un homme fort et plein d'assurance. Pourquoi vous critiquez-vous ainsi ?” “Parce qu'il y a tant de possibilit?s que tout aille mal”, dit Rupert. “Je ne suis pas un imb?cile. Je sais ce que les gens pensent de moi. Si des rumeurs se propagent, ils les croiront.” “Dans ce cas, je vais faire en sorte qu'elles ne se propagent pas”, dit Angelica, “ou de leur trouver une cible plus appropri?e.” Elle tendit le bras et prit une de ses mains dans la sienne. “Quand vous avez couch? avec la fille d'un noble et que vous avez ?t? trop rude avec elle, avez-vous craint sa col?re ?” Rupert secoua la t?te. “Je n'ai jamais —” “Le mensonge sera votre premier outil”, dit calmement Angelica. Elle savait exactement ce que Rupert avait fait autrefois et ? qui. Elle s'?tait assur?e de conna?tre tous les d?tails pour pouvoir s'en servir si n?cessaire. A l'origine, son plan avait ?t? de d?truire le prince quand elle ?pouserait Sebastian mais ces informations pouvaient s'av?rer tout aussi utiles maintenant. “Je ne sais pas pourquoi tu parles de ?a”, dit Rupert. “Ce n'est pas pertinent. C'est —” “La distraction sera votre deuxi?me”, dit Angelica. “Nous trouverons d'autres choses pour attirer l'attention des gens.” Elle vit Rupert rougir de col?re. “Je serai ton roi”, dit-il s?chement. “Et c'est votre troisi?me outil”, murmura Angelica en s'approchant de lui pour l'embrasser. “Vous ne courez aucun danger. Comprenez-vous, mon amour ? Ou alors, vous ne courrez aucun danger. Ce qu'il faut faire maintenant, c'est vous renforcer.” Elle regarda Rupert se d?tendre ? vue d’?il ? mesure que l'id?e faisait son chemin en lui. M?me si tuer sa m?re l'avait touch? profond?ment, il savait se tirer impun?ment de tout ce qu'il faisait. Il le faisait depuis assez longtemps, apr?s tout. Ou peut-?tre ?tait-ce la perspective du pouvoir, l'id?e de ce qui s'ensuivrait, qui l'avait calm?. “J'ai d?j? parl? ? mes alli?s”, dit Rupert. “Et maintenant, il est temps de les convaincre d'agir”, r?pondit Angelica. “Faites-en vos collaborateurs d'entr?e de jeu. La mort de la Douairi?re est d?j? une rumeur qui court en ville et qui sera annonc?e officiellement tr?s vite. A pr?sent, les choses vont devoir changer vite.” Elle l'incita ? se relever. “Toutes sortes de choses.” “Quelles choses ?” demanda Rupert. Angelica attribua son manque de compr?hension au choc. “Notre mariage, Rupert”, dit-elle. “Il faut qu'il ait lieu avant que les gens n'aient le temps de protester. Nous devons leur pr?senter un front stable, une dynastie royale install?e et dot?e d'un avenir.” Rupert bougea avec une rapidit? surprenante. Il saisit Angelica ? la gorge et sa col?re monta ? nouveau avec une rapidit? dangereuse. “Ne me dis pas ce que je dois faire”, dit-il. “Ma m?re a essay?.” “Je ne suis pas votre m?re”, r?pondit Angelica en essayant de ne pas grimacer sous la force de son ?treinte. “Cependant, j'aimerais bien ?tre votre ?pouse avant la fin de la journ?e. Je croyais que nous en avions discut?, Rupert. Je croyais que c'?tait ce que vous vouliez.” Rupert la rel?cha. “Je ne sais pas. Je ne … je n'avais pas pr?vu tout ?a.” “Vraiment ?” demanda Angelica. “Vous aviez pr?vu de prendre le tr?ne. Vous saviez forc?ment quels sacrifices cela supposerait, n'est-ce pas ? Cela dit, j'aime ? penser que m'?pouser sera la moindre des ?preuves.” Elle s'?carta de lui. “Si vous le voulez, il n'est pas trop tard pour tout arr?ter. Dites-moi de partir et je quitterai Ashton pour me rendre dans les propri?t?s de ma famille. Si vous voulez attendre, nous attendrons. Bien s?r, dans ce cas de figure, vous n'aurez plus la puissance de ma famille ou de leurs alli?s pour vous soutenir. De plus, il n'y aurait personne pour vous aider ? contenir toutes ces … rumeurs difficiles ? g?rer.” “Tu me menaces ?” demanda Rupert. Angelica savait qu'elle jouait un jeu dangereux. Malgr? cela, elle allait le jouer parce que le jeu qu'elle jouait r?ellement ?tait beaucoup plus dangereux. “Je ne fais que vous signaler les avantages que vous gagneriez en acceptant de faire le n?cessaire, mon amour”, dit Angelica. “?pousez-moi et je vous faciliterai consid?rablement la t?che. Il vaut mieux le faire aujourd'hui que dans un mois. Si je peux agir en tant que votre ?pouse, j'aurai une raison de vous prot?ger contre le monde.” Rupert resta muet pendant plusieurs secondes et, l'espace d'un instant, Angelica pensa qu'elle avait peut-?tre mal ?valu? la situation et qu'il allait peut-?tre refuser apr?s tout. Alors, il hocha la t?te une seule fois, laconique. “Tr?s bien”, dit-il. “Si ?a compte pour toi, nous le ferons aujourd'hui. Maintenant, je vais aller prendre l'air et commencer ? contacter nos alli?s.” Il se retourna et sortit. Angelica soup?onnait qu'il allait plus probablement acheter du vin qu'aller voir leurs alli?s mais cela n'avait aucune importance. Il ?tait m?me probable que cela leur serait avantageux. Bient?t, elle les commanderait tous et leur enverrait des messages de la part de son mari. Elle sonna une domestique. “Assurez-vous de br?ler les v?tements que le Prince Rupert portait quand il est rentr?”, dit-elle ? la fille qui entra. “Ensuite, allez chercher une pr?tresse de la D?esse Masqu?e et invitez les membres du cercle priv? de la Douairi?re ? se r?unir au palais. Oh, envoyez aussi quelqu'un chez mon tailleur. A l'heure qu'il est, une robe de mariage m'y attend probablement.” “Madame ?” demanda la fille. “Je ne m'exprime pas clairement ?” demanda Angelica. “Allez chez mon tailleur.” La fille partit. C'?tait ?trange de voir comment les gens pouvaient ?tre stupides, parfois. La domestique avait visiblement suppos? qu'Angelica n'avait effectu? aucune pr?paration pour son propre mariage alors qu'elle avait commenc? ? envoyer des messages pour faire commencer les pr?parations presque d?s le moment o? elle avait eu l'id?e de demander ? Rupert de l'?pouser. Vu les d?lais tr?s brefs, il ?tait important que ce mariage ait l'air aussi authentique que possible. Elle ne pourrait pas avoir de plus grande c?r?monie par la suite et c'?tait dommage mais il y avait un obstacle ? cette id?e : ? ce stade, Rupert serait mort. La journ?e d'aujourd'hui avait montr? la n?cessit? de cette mort encore plus clairement qu'Angelica aurait pu le croire. Elle avait cru que Rupert serait un homme qui saurait se contr?ler aussi bien qu'elle mais il restait aussi changeant que le vent. Non, le plan qu'elle avait pr?par? ?tait la seule solution. Elle ?pouserait Rupert ce soir, le tuerait le lendemain matin et serait couronn?e reine avant m?me qu'on ait eu le temps d'ensevelir son corps. Alors, Ashton aurait la reine dont elle avait besoin. Angelica r?gnerait et le royaume s'en porterait mieux qu'avant. Tout allait se passer ? merveille. Elle le sentait. CHAPITRE TROIS Sophia ne pouvait qu'attendre pendant que la flotte avan?ait vers Ashton. Sa flotte. M?me ici et maintenant, apr?s tout ce qui s'?tait pass?, elle avait de la peine ? se souvenir que tout cela ?tait ? elle. Toutes les vies qui se trouvaient sur les navires qui l'entouraient, tous les seigneurs qui envoyaient des hommes, toutes les terres d'o? ils venaient, relevaient de sa responsabilit?. “Cela fait beaucoup de responsabilit?s”, murmura Sophia ? Sienne. La chatte de la for?t ronronna en se frottant contre les jambes de Sophia et s'enroula autour d'elle par impatience. Quand ils avaient quitt? Ishjemme, ils avaient eu assez de navires pour former une flotte mais, depuis ce moment, de plus en plus de vaisseaux s'?taient joints ? eux, arrivant des c?tes d'Ishjemme ou des petites ?les qui la longeaient, venant m?me du royaume de la Douairi?re car ceux qui ?taient fid?les ? Sophia venaient se joindre ? l'attaque. Il y avait tant de soldats avec elle, ? pr?sent. Peut-?tre y en aurait-il assez pour gagner cette guerre, pour rayer Ashton de la carte si elle le voulait. Tout se passera bien, lui dit Lucas par t?l?pathie, sentant visiblement son inqui?tude. Des gens vont mourir, r?pondit Sophia de la m?me fa?on. Mais ils sont ici parce qu'ils l'ont choisi, r?pondit Lucas. Il avan?a et lui posa une main sur l'?paule. Honore-les en ne gaspillant pas leur vie mais ne diminue pas ce qu'ils offrent en ?vitant la bataille. “Je crois que c'est une de ces choses qui sont plus faciles ? dire qu'? faire”, dit Sophia ? voix haute. Elle baissa machinalement le bras pour ?bouriffer les oreilles ? Sienne. “C'est possible”, admit Lucas. Contrairement ? Sophia, il avait l'air pr?t ? faire la guerre, une ?p?e au flanc et des mousquets ? la ceinture. Sophia se dit qu'elle avait l'air incroyablement ronde avec le poids de son enfant ? na?tre, alors qu'elle se tenait l? sans arme ni armure. Mais pr?te quand m?me, lui dit Lucas par t?l?pathie. Il fit signe ? l'arri?re du navire. “Nos commandants attendent.” Cela signifiait en majorit? ses cousins et son oncle. Ils assuraient la coh?sion de l'arm?e avec autant de fermet? que Sophia mais il y avait aussi d'autres hommes : des chefs de clan et des petits seigneurs, des hommes aust?res qui baiss?rent quand m?me la t?te quand Sophia approcha accompagn?e par son fr?re et la chatte de la for?t. “Sommes-nous pr?ts ?” demanda-t-elle en regardant son oncle et en essayant de prendre l'apparence de la reine qu'ils avaient tous besoin qu'elle soit. “Il y a encore des d?cisions ? prendre”, dit Lars Skyddar. “Nous savons ce que nous essayons d'accomplir mais, maintenant, il faut que nous d?cidions certaines choses sp?cifiques.” “Qu'y a-t-il ? d?cider ?” demanda son cousin Ulf du ton direct qu'il employait toujours. “On rassemble les hommes, on bombarde les murailles au canon puis on charge ? l'int?rieur.” “Cela en dit long sur la fa?on dont tu chasses”, dit Frig, la s?ur d'Ulf, avec un sourire carnassier. “Nous devrions encercler la ville comme un n?ud coulant et approcher.” “Il faut qu'on soit pr?ts pour un si?ge”, dit Hans avec sa prudence habituelle. Tout le monde semblait avoir son id?e personnelle sur la question et une partie de Sophia aurait voulu pouvoir se retirer et laisser des gens plus sages et qui s'y connaissaient plus en guerre qu'elle prendre les d?cisions ? sa place. Pourtant, elle savait qu'elle ne pouvait pas faire ?a et que les cousins se disputeraient jusqu'? la fin des temps si elle le leur permettait. Cela signifiait qu'elle ?tait oblig?e de d?cider. “Quand atteindrons-nous la ville ?” demanda-t-elle en essayant de r?fl?chir. “Probablement au cr?puscule”, dit son oncle. “Dans ce cas, il sera trop tard pour effectuer un assaut classique”, dit-elle en pensant aux moments qu'elle avait pass?s dans la ville la nuit. “Je connais les rues d'Ashton. Croyez-moi, si nous essayons de charger dans le noir, ?a finira mal.” “Un si?ge, alors”, dit Hans, qui eut l'air satisfait par cette perspective ou peut-?tre parce que c'?tait son plan qu'on choisissait. Sophia secoua la t?te. “Un si?ge fait souffrir les gens qui ne le m?ritent pas et n'aide pas ceux que nous voulons aider. Les vieilles murailles de la ville ne prot?gent que la partie int?rieure de la ville et vous pouvez parier que la Douairi?re ferait mourir de faim les plus pauvres pour avoir ? manger. De plus, plus on attend, plus Sebastian est en danger.” “On fait quoi, alors ?” demanda son oncle. “As-tu un plan, Sophia ?” “Quand nous arriverons devant Ashton, nous y jetterons l'ancre”, dit-elle. “Nous enverrons des messages pour leur proposer de se rendre.” “Ils ne se rendront pas”, dit Hans, “m?me si nous leur laissons la vie sauve.” Sophia secoua la t?te. Elle le savait. “La Douairi?re ne croira pas que quelqu'un d'autre puisse avoir plus de piti? qu'elle mais, si nous leur donnons l'illusion de leur donner du temps pour se rendre, cela laissera le temps ? la moiti? de nos hommes de contourner la ville par la terre. Ils prendront discr?tement la p?riph?rie. Les gens qui y habitent n'aiment pas la Douairi?re.” “Aimeront-ils plus un envahisseur ?” demanda Lucas. C'?tait une bonne question mais son fr?re ?tait dou? pour poser les bonnes questions. “Je l'esp?re”, dit Sophia. “J'esp?re qu'ils se souviendront de qui nous sommes et de la vie telle qu'elle ?tait avant la Douairi?re.” Elle se tourna vers Hans. “Tu y m?neras les forces. Il me faut quelqu'un qui puisse garantir une discipline parmi les hommes et emp?cher qu'ils massacrent les gens ordinaires.” “Je m'en occuperai”, lui assura Hans. Sophia savait qu'il le ferait. Sophia se tourna vers Ulf et Frig. “Vous deux, vous emm?nerez une petite force pr?s des portes du fleuve. Si les hommes que j'ai envoy?s ont r?ussi ? entrer, ces portes s'ouvriront. Votre mission sera de les aider ? tenir la position jusqu'? ce que le reste de nos soldats puisse attaquer. La flotte principale accostera et nous avancerons couverts par l'artillerie de nos navires.” Cela ressemblait ? un bon plan, ou du moins elle esp?rait qu'il l'?tait. S'il ne l'?tait pas, cela signifiait qu'elle venait de condamner ? mort les hommes qu'elle commandait. C'est un bon plan, lui dit Lucas par t?l?pathie. J'esp?re seulement qu'il marchera, r?pondit Sophia. Alors, une troisi?me voix se joignit ? leur conversation depuis un autre navire. Il marchera. Je ferai en sorte qu'il marche. Sophia se retourna et vit approcher une plus petite flotte de navires. Ils avaient l'air peu recommandable, comme si c'?tait le type de vaisseaux que des mercenaires ou des bandits auraient pu choisir. Cependant, c'?tait la voix de la s?ur de Sophia qui en ?manait. Kate ? Tu es l? ? Je suis l?, r?pondit-elle par t?l?pathie, et j'ai emmen? la compagnie la moins recommandable du monde. Lord Cranston dit que ce sera un honneur de te servir. Cette pens?e r?conforta Sophia presque autant que la pr?sence de sa s?ur. Ce n'?tait pas juste que cela leur apportait plus de combattants, m?me si, ? ce stade, Sophia ?tait pr?te ? accepter tous ceux qui voudraient bien la suivre. C'?tait le fait que sa s?ur ?tait revenue dans la Compagnie Libre avec laquelle elle avait tant aim? combattre et que … Est-ce que Will est l? ? demanda Sophia. Il est l?, r?pondit Kate. Sophia entendit son bonheur. On se reverra bient?t, ma s?ur. Garde-moi quelques ennemis. Je suis s?re qu'il y en aura bien assez. “Kate vient avec nous”, dit Sophia ? Lucas. “Je sais”, dit son fr?re. “J'ai entendu ses pens?es. J'aurais cru qu'il faudrait que j'attende notre retour pour faire enfin sa connaissance.” “Et pour retrouver nos parents apr?s ?a”, dit Sophia. Elle savait qu'elle ne devrait pas anticiper ? ce stade. Il fallait qu'elle se concentre sur la bataille qui venait mais elle avait ?norm?ment de mal ? ne penser qu'? elle. Elle ?tait trop occup?e ? penser ? tout ce qui pourrait en d?couler. Elle retrouverait Sebastian. Elle lib?rerait le peuple de la Douairi?re du poids ?crasant de sa tyrannie. Elles retrouveraient leurs parents. “Quand nous retrouverons nos parents, Kate sera aussi heureuse que nous”, dit Sophia. “Elle le sera m?me plus. Je ne suis m?me pas s?re qu'elle ait des souvenirs d'eux pour garder patience.” “Bient?t, nous aurons tous plus que ?a”, dit Lucas. “Je l'esp?re”, r?pondit Sophia, qui ne pouvait quand m?me s'emp?cher de s'inqui?ter. “Est-ce que tu l'as ?” Lucas hocha la t?te, comprenant sans probl?me de quoi elle parlait. Il sortit le disque plat constitu? de morceaux de m?tal imbriqu?s, qui afficha un m?lange de lignes lumineuses quand il le toucha. Quand Sophia posa aussi une main sur le m?tal, les segments de l'appareil se mirent en place et r?v?l?rent des silhouettes de masses terrestres correspondant tant?t au royaume de la Douairi?re tant?t ? des formes distantes qui devaient ?tre les Colonies Lointaines et les Terres de Soie. L'appareil leur r?v?lait des choses qui ?taient cruellement proches de ce qu'ils avaient besoin de savoir et aucune d'elles ne leur indiquait o? leurs parents pouvaient ?tre maintenant. Sophia supposa que cette information leur serait donn?e quand Kate les rejoindrait. Elle l'esp?rait. “Garde l'appareil en s?curit?”, dit Sophia. “Si nous le perdons …” Lucas hocha la t?te. “Je l'ai prot?g? jusque l?. Ce qui m'inqui?te plus, c'est de vous prot?ger, toi et Kate.” Sophia n'avait pas pens? ? ?a. Ils allaient tous les trois se jeter au milieu d'une bataille. Si l'un d'eux devait p?rir au cours de cette bataille, ils ne pourraient plus jamais retrouver leurs parents. ?tre priv? de la promesse de retrouver leur m?re et leur p?re tout en pleurant la perte d'un fr?re ou d'une s?ur, ce serait la double peine. “Il faut que tu fasses aussi attention ? toi”, dit Sophia, “et je ne le dis pas seulement parce que je veux retrouver nos parents.” “Je sais”, dit Lucas, “et je ferai tout mon possible. L'Officiel Ko m'a offert un bon entra?nement.” “Et Kate a appris beaucoup de choses de la sorci?re qui avait essay? de la poss?der”, dit Sophia. “Si elle est ? moiti? aussi dangereuse que quand elle m'envoyait promener en l'air au ch?teau, elle ne court aucun risque”, dit Lucas. “C'est pour toi que je m'inqui?te, Sophia. Je sais que tu as Sienne mais comment survivras-tu au milieu d'une bataille ?” “Je ne serai pas au milieu”, promit Sophia. Elle mit une main protectrice sur son ventre. “Cependant, je ferai tout ce qu'il faudra pour m'assurer que mon enfant ait un p?re.” “Il en aura un”, dit Lucas et, quand Sophia l'entendit s'exprimer avec une telle certitude, elle le regarda. Elle savait qu'elle avait aper?u des choses dans ses r?ves. Elle se demanda si Lucas les avait aper?ues, lui aussi. “As-tu vu quelque chose ?” demanda Sophia. Lucas secoua la t?te. “J'ai quelques talents dans ce domaine mais je crois que tu en as plus que moi. Ce que je vois pour demain, c'est surtout du sang.” C'?tait assez facile ? deviner m?me sans la magie qui leur apportait des r?ves pr?monitoires. Sophia regarda encore ? l'horizon et, maintenant, une c?te y apparaissait avec une ville minuscule dessus. “Ashton”, dit Sophia. Il lui semblait ne pas l'avoir vue depuis une ?ternit?. La ville s'?talait comme une tache sur le paysage. Ses vieux b?timents d?passaient les confins de ses murailles. Une partie de leur flotte se s?parait d?j? d'eux. Hans allait accoster plus loin et prendre la p?riph?rie. Le reste de la flotte approcha en essayant de coordonner ses mouvements ? l'aide de drapeaux de signalisation. Ils jet?rent l'ancre hors de port?e des canons et envoy?rent des petits bateaux avec des messagers pour demander ? l'ennemi de se rendre. Sophia savait qu'Ulf et Frig pr?paraient leurs propres petits bateaux pour se rapprocher de la ville en catimini avant que la bataille ne commence, pr?ts ? ce que les portes du fleuve s'ouvrent pour les laisser passer. Sophia vit les navires qui attendaient l?-bas, pr?ts ? livrer bataille pour r?agir aux messages qui les atteindraient, quels qu'ils soient. Ils n'?taient pas assez nombreux pour arr?ter une flotte de leur taille, surtout s'ils ?taient plaqu?s contre la c?te comme ?a. Alors qu'ils approchaient, Sophia entendit sonner des trompettes et vit l'ennemi allumer des feux de signalisation. Au-del? de la c?te, elle chercha le palais et le quartier des nobles. Sebastian ?tait l?-bas, quelque part, d?tenu dans une cellule, attendant que l'on vienne le sauver. “Nous pourrions encore charger comme le veut le cousin Ulf”, dit Lucas. Sophia regarda le ciel. Le soleil se couchait d?j? en touchant l'horizon de ses doigts rouges. Elle dut se forcer ? secouer la t?te. Ce fut une des choses les plus dures qu'elle ait jamais faites. “Nous ne pouvons pas risquer de les attaquer la nuit”, dit-elle. “Il faut s'en tenir au plan.” “Dans ce cas, nous attaquerons ? l'aube”, dit Lucas. Sophia hocha la t?te. A l'aube, tout serait r?solu. Ils verraient si elle r?cup?rerait le royaume de sa famille et aussi l'homme qu'elle aimait ou s'ils seraient tous condamn?s ? mort. “Nous attaquerons ? l'aube”, dit-elle. CHAPITRE QUATRE Alors que le vent marin lui courait sur le visage, Kate se sentait vraiment libre pour la premi?re fois de sa vie. Elle voyait Ashton approcher ? l'horizon et cela lui rappelait la vie qu'elle y avait v?cue si longtemps en tant qu'Oubli?e mais ces souvenirs ne la dominaient plus et la col?re qui les accompagnait lui semblait plut?t ?tre une douleur confuse qu'une sensation r?cente. Elle sentit Lord Cranston approcher avant qu'il ne l'ait rejointe. C'?tait une partie des pouvoirs qui lui ?taient revenus, ses pouvoirs, pas une chose que Siobhan ou sa fontaine lui avaient donn?e. “Nous attaquerons ? l'aube, monseigneur”, dit-elle en se retournant. Lord Cranston sourit en apprenant la nouvelle. “C'est une heure traditionnelle pour ce type d'activit?. Cela dit, Kate, vous n'?tes plus oblig?e de m'appeler comme ?a. C'est nous qui avons jur? de vous servir, votre altesse.” Votre altesse. Kate soup?onnait qu'elle ne s'habituerait jamais ? ce qu'on l'appelle comme ?a. Ce serait encore plus dur ? accepter de la part de l'homme qui avait ?t? un des premiers ? lui donner une place dans le monde. “Et vous n'avez vraiment pas besoin de m'appeler comme ?a”, r?pliqua Kate. Lord Cranston lui fit une r?v?rence ?tonnamment ?l?gante de courtisan. “C'est ce que vous ?tes maintenant mais d'accord, Kate. Ferons-nous comme si nous ?tions de retour au camp, o? je t'enseignais la strat?gie ?” “J'imagine qu'il me reste encore beaucoup ? apprendre”, dit Kate. Elle ne pensait pas avoir appris la moiti? de ce que Lord Cranston aurait pu lui enseigner pendant qu'elle avait servi dans sa compagnie. “Oh, sans nul doute”, dit Lord Cranston. “Donc, faisons cours. Dis-moi, dans l'histoire d'Ashton, comment la ville a-t-elle ?t? prise ?” Kate r?fl?chit. Ce n'?tait pas une chose qu'ils avaient abord?e en cours jusque l?. “Je ne sais pas”, admit-elle. “Cela s'est fait par trahison”, dit Lord Cranston en comptant sur ses doigts. “Cela s'est fait en conqu?rant le reste du royaume, de telle sorte qu'il n'?tait plus utile de r?sister. Dans un pass? lointain, cela s'est fait par magie.” “Et par la force ?” demanda Kate. Lord Cranston secoua la t?te. “Cela dit, l'artillerie pourrait changer la donne.” “Ma s?ur a un plan”, dit Kate. “Et il a l'air bon”, dit Lord Cranston, “mais qu'arrive-t-il aux plans pendant les batailles ?” Kate savait au moins ?a. “Ils ?chouent.” Elle haussa les ?paules. “Dans ce cas, c'est bien que nous ayons la meilleure des compagnies libres pour boucher les trous.” “Et c'est bien que j'aie la fille qui peut invoquer la brume et se d?placer trop vite pour qu'un homme puisse la suivre”, r?pondit Lord Cranston. Kate h?sita une seconde ou deux de trop avant de r?pondre. “Qu'y a-t-il ?” demanda Lord Cranston. “Je me suis s?par?e de la sorci?re qui m'a donn? ce pouvoir”, dit-elle. “Je … je ne sais pas combien il m'en reste. Je sais encore lire dans les pens?es mais la vitesse et la force ont disparu. Je suppose que c'est aussi le cas de ce genre de magie.” Elle en connaissait encore la th?orie, la sentait encore en elle mais il lui semblait que les chemins qui y menaient avaient ?t? br?l?s quand elle avait perdu la connexion avec la fontaine de Siobhan. Il semblait que toutes les choses aient leur prix et celui-l? en ?tait un qu'elle acceptait de payer. Du moins, si cela ne les tuait pas tous. Lord Cranston hocha la t?te. “Je vois. Sais-tu encore te servir d'une ?p?e ?” “Je n'en suis … pas s?re”, admit Kate. C'?tait une chose qu'elle avait apprise avec Siobhan, apr?s tout, mais les souvenirs de son entra?nement ?taient encore l?, encore frais. Elle avait acquis ce qu'elle savait apr?s “avoir ?t? tu?e” un nombre incroyable de fois par des esprits. “Dans ce cas, je crois que nous devrions le v?rifier avant de nous battre pour de bon, n'est-ce pas ?” sugg?ra Lord Cranston. Il recula, fit un salut formel de duelliste sans quitter Kate des yeux et tira son ?p?e en faisant siffler le m?tal. “Avec de vraies ?p?es ?” dit Kate. “Et si je ne la contr?le pas ? Et si —” “La vie regorge de 'et si'”, dit Lord Cranston, “et la guerre encore plus. Je ne veux pas te tester avec une ?p?e d'entra?nement pour voir tes comp?tences te faire d?faut en situation vraiment risqu?e.” Cela semblait quand m?me ?tre une mani?re dangereuse de tester ses comp?tences. Elle ne voulait pas blesser Lord Cranston par accident. “Tire ton ?p?e, Kate”, dit-il. A contrec?ur, elle le fit et le pommeau du sabre lui ?pousa parfaitement la main. Il restait des traces des runes que Siobhan avait grav?es dans la lame mais elles ?taient ? peine lisibles, maintenant, sauf en pleine lumi?re. Kate se mit en position. Lord Cranston attaqua tout de suite avec toutes les comp?tences et toute la violence d'un homme plus jeune. Kate para tout juste le coup. “Je vous l'ai dit”, dit-elle. “Je n'ai plus la force ni la rapidit? que j'avais.” “Dans ce cas, tu dois essayer de trouver un moyen de compenser”, dit Lord Cranston, qui envoya imm?diatement un autre coup vers sa t?te. “La guerre n'est pas honn?te. La guerre ne se soucie pas de ta faiblesse. Tout ce qui l'int?resse, c'est de voir si tu gagnes ou pas.” Kate c?da du terrain, coupa un angle pour ?viter de se faire acculer contre le bastingage du navire. Elle para et para encore en essayant de se prot?ger contre l'assaut. “Pourquoi te retiens-tu ?” demanda Lord Cranston. “Tu peux encore anticiper toutes les attaques, n'est-ce pas ? Tu connais encore tous les mouvements que l'on peut faire avec une ?p?e, n'est-ce pas ? Si je fais la feinte de Rensburg, tu sais que la r?ponse est …” Il fit une double feinte complexe. Automatiquement, Kate lui bloqua son ?p?e ? mi-chemin. “Tu vois que tu le sais !” dit s?chement Lord Cranston. “Maintenant bats-toi, bon sang !” Il attaqua avec une telle f?rocit? que Kate ne put que se d?fendre avec toutes ses comp?tences. Elle lut dans ses pens?es du mieux qu'elle put, vit les lueurs vacillantes des mouvements qui arrivaient, la structure des attaques. M?me si son corps ?tait moins rapide qu'avant, il savait encore ce qu'il fallait faire, positionnait l'?p?e o? il le fallait, battait et parait, d?gageait et for?ait. Kate prit l'?p?e de Lord Cranston et ressentit de tr?s l?g?res faiblesses dans la force avec laquelle il la pr?sentait. Elle contourna le lien, for?a plus qu'avant et l'?p?e de Lord Cranston tomba bruyamment sur le pont du navire. L'?p?e de Kate se pr?cipita vers la gorge de Lord Cranston … et elle r?ussit ? l'arr?ter ? un millim?tre de sa peau. Il lui sourit. “C'est bien, Kate. Excellent. Tu vois, tu n'as pas besoin des ruses de cette sorci?re. C'est toi qui as appris ?a et c'est toi qui vas tailler l’ennemi en pi?ces.” Alors, il serra la main ? Kate, joignit leurs poignets et Kate eut la surprise d'entendre des applaudissements retentir d'une partie plus basse du navire. Elle se retourna et vit que d'autres membres de la compagnie la regardaient se battre avec Lord Cranston comme s'ils ?taient des acteurs cens?s les divertir. Will ?tait l? lui aussi et il avait l'air aussi soulag? qu'heureux. Kate d?vala les marches qui menaient au poste du commande pour aller le rejoindre et, quand elle l’atteignit, elle l’embrassa. Bien s?r, cela donna naissance ? des acclamations d'une autre sorte et Kate recula, toute rouge. “?a suffit, bande de fain?ants”, cria Lord Cranston. “Si vous avez le temps de lorgner, vous avez le temps de travailler !” Les hommes qui se tenaient autour d'eux g?mirent et repartirent se pr?parer ? la bataille. Cependant, ce moment d'exception ?tait pass? et Kate ne voulait pas prendre le risque d'embrasser encore Will de peur que certains hommes ne les regardent encore. “Je me suis vraiment inqui?t? pour toi”, dit Will en d?signant de la t?te l'endroit o? se tenait Lord Cranston. “Quand vous ?tiez en train de vous battre, on aurait dit qu'il essayait vraiment de te tuer.” “C'?tait ce dont j'avais besoin”, dit Kate en haussant les ?paules. Elle n'?tait pas s?re de pouvoir l'expliquer ? Will. Il avait rejoint la compagnie de Lord Cranston mais il semblait toujours avoir envie de repartir travailler dans la forge de son p?re. Il avait rejoint la compagnie pour voir du pays, pour pouvoir voyager. Pour Kate, c'?tait diff?rent. Si elle n'allait pas vers le danger, elle avait l'impression de pas vraiment ?tre vivante. Elle pensait ne pouvoir affronter la violence du monde que si elle se jetait dans la m?l?e. Lord Cranston l'avait compris et il l'avait forc?e ? se retrancher dans l'espace o? elle avait vraiment pu se mettre ? l'?preuve. “Quand m?me”, dit Will, “je pensais qu'il y aurait du sang sur le pont avant la fin du combat.” “Mais il n'y en pas eu”, dit Kate. Elle le serra dans ses bras, tout simplement parce qu'elle le voulait. Elle aurait souhait? que le bateau leur offre assez d'intimit? pour aller plus loin. “C'est ce qui compte.” “Tu as ?t? ?tonnante, l?-bas”, admit Will. “Nous pourrions peut-?tre nous passer d'attaquer demain et n'envoyer que toi pour que tu les tues tous un par un.” Kate sourit ? cette id?e. “Je crois que ?a pourrait devenir un peu fatigant apr?s les quelques premiers. Et toi, voudrais-tu rater l'action ?” Elle vit Will d?tourner le regard. “Qu'est-ce qui se passe ?” demanda-t-elle en r?sistant ? son envie de lire dans les pens?es de Will pour trouver imm?diatement r?ponse ? sa question. “Honn?tement ? J'ai peur”, dit-il. “On a beau se battre souvent, ?a ne me semble jamais plus facile qu'avant. J'ai peur pour moi, pour mes amis, peur que mes parents ne soient pris dans la tourmente … et j'ai peur pour toi.” “Je crois que nous venons de constater que tu n'avais pas besoin de t'inqui?ter pour moi”, dit Kate. “Tu es la meilleure ? l'?p?e que je connaisse”, reconnut Will, “mais je m'inqui?te quand m?me. Et s'il y a une ?p?e que tu ne vois pas ? Et si tu re?ois une balle de mousquet perdue ? La guerre, c'est le chaos.” Effectivement mais c'?tait en partie ce que Kate aimait chez elle. Quand elle se retrouvait au c?ur d'une bataille, cela avait pour elle un sens que le reste du monde ne lui apportait pas toujours. Cependant, elle garda cette id?e pour elle. “Tout ira bien”, dit-elle seulement. “Tout se passera bien pour moi. Tu seras avec l'artillerie, pas au c?ur des charges. De plus, comme Sophia ne permettrait jamais que ses soldats cambriolent ou attaquent la population, tes parents ne courront aucun risque. Tout ira bien.” “Fais attention ? toi”, dit Will. “Il y a tant de choses que je voudrais avoir le temps de te dire et de faire avec toi et —” “Nous aurons le temps de faire tout ?a”, promit Kate. “Maintenant, tu devrais y aller. Tu sais que Lord Cranston n'aime pas que je t'emp?che trop longtemps de faire ton devoir.” Will hocha la t?te, sembla avoir encore envie de l'embrasser mais se retint de le faire. C'?tait une autre chose qui devrait attendre jusqu'? la fin de la bataille. Kate le regarda partir puis utilisa ce qui restait de son talent pour capter les pens?es et les sentiments des soldats pr?sents aux alentours. Elle sentit leurs peurs et leurs inqui?tudes. Tous ces hommes savaient que la violence ?claterait ? l'aube et ils se demandaient pour la plupart s'ils sortiraient de ce chaos en un seul morceau. Certains pensaient ? des amis, d'autres ? leur famille. Quelques-uns allaient de possibilit? en possibilit? comme si penser au danger ? l'avance pouvait les en prot?ger. Kate ?tait impatiente que la bataille commence. A la guerre, le monde avait plus ou moins du sens. “Demain, je tuerai les gens qui ont fait souffrir ma famille”, promit-elle. “Je les massacrerai et je saisirai le tr?ne pour Sophia.” Demain, ils iraient ? Ashton et reprendraient tout ce qui ?tait cens? leur appartenir. CHAPITRE CINQ Droit debout au sommet des marches du temple de la D?esse Masqu?e, Rupert attendait le commencement des fun?railles de sa m?re en regardant le coucher du soleil. Ces teintes de rouge qui s'?tendaient ? l'horizon ne lui rappelaient que trop le sang qu'il avait vers?. Il n'aurait pas d? s'en pr?occuper. Il ?tait plus fort que ?a, il valait mieux que ?a. Pourtant, ? chaque fois qu'il regardait ses mains, cela lui rappelait comment le sang de sa m?re les avait tach?es et chaque moment de silence lui rappelait ses hal?tements quand il avait l'avait poignard?e. “Toi !” dit Rupert en d?signant un des augures et des pr?tres de rang inf?rieur qui encombraient l'entr?e. “Que pr?sage ce coucher du soleil ?” “Du sang, votre altesse. Un coucher du soleil comme celui-l? annonce du sang.” Rupert faillit avancer afin de frapper l'homme pour son insolence mais Angelica ?tait l? et elle le retint. Elle lui effleura la peau de la main, promettant ainsi des plaisirs futurs que Rupert aurait pr?f?r?s pr?sents. “Ignorez-le”, dit-elle. “Il ne sait rien. Personne ne sait rien que vous ne sachiez vous-m?me.” “Il dit du sang”, g?mit Rupert. Le sang de sa m?re. La douleur de cette id?e le traversa. Il avait perdu sa m?re et son chagrin le surprenait quasiment. Il avait cru qu'il ne ressentirait que du soulagement quand elle mourrait, ou peut-?tre de la joie que le tr?ne soit finalement ? lui. Au lieu de ?a … Rupert se sentait en morceaux, vide et coupable comme il ne s'?tait jamais senti auparavant. “Bien s?r qu'il a dit du sang”, r?pondit Angelica. “Il y aura une bataille demain. N'importe quel imb?cile verrait du sang dans un coucher du soleil quand des navires ennemis sont ancr?s au large.” “Ce ne serait pas la premi?re fois”, dit Rupert. Il montra un autre homme du doigt, un augure qui semblait ?tre en train d'utiliser un m?canisme d'horlogerie complexe pour griffonner des calculs sur un bout de parchemin. “Toi, dis-moi comment la bataille se d?roulera demain !” L'homme leva les yeux, l'air effray?. “Les signes ne sont pas bons pour le royaume, votre majest?. Les engrenages —” Cette fois-ci, Rupert frappa et envoya l'homme ? terre d'un coup de botte. Si Angelica n'avait pas ?t? l? pour le retenir, il aurait pu continuer ? lui donner des coups de pied jusqu'? le r?duire ? un tas d'os bris?s. “Pensez ? l'impression que cela donnerait si vous faisiez ?a aux fun?railles”, dit Angelica. Au moins, cela permit de retenir Rupert. “Je ne comprends pas pourquoi les pr?tres autoriseront des gens comme ?a ? s'installer sur les marches de leur temple. Je croyais qu'ils tuaient les sorci?res.” “Cela indique peut-?tre que ces gens-l? n'ont aucun talent”, sugg?ra Angelica, “et que vous ne devriez pas les ?couter.” “Peut-?tre”, dit Rupert, mais il y en avait eu d'autres. Il semblait que tout le monde ait son opinion sur la bataille ? venir. Au palais, il y avait eu bien assez d'augures, aussi bien des authentiques que de simples nobles qui aimaient faire des pr?visions en regardant le soleil se coucher ou les oiseaux voler. Cependant, pour l'instant, ces fun?railles, les fun?railles de sa m?re, ?taient la seule chose qui comptait. Pourtant, il semblait que certains ne le comprennent pas. “Votre altesse, votre altesse !” Rupert virevolta vers l'homme qui arrivait en courant, v?tu d'un uniforme de soldat. L'homme se prosterna. “Pour s'adresser correctement ? un roi, on dit ‘votre majest?’ !” r?pliqua Rupert. “Pardonnez-moi, votre majest?”, dit l'homme, qui se releva alors, “mais j'ai un message urgent !” “Qu'est-ce qui se passe ?” demanda Rupert. “Ne vois-tu pas que j'assiste aux fun?railles de ma m?re ?” “Pardonnez-moi, votre … majest?”, dit l'homme, qui ne se corrigea que juste ? temps, “mais nos g?n?raux demandent votre pr?sence.” Bien s?r. Maintenant, ces imb?ciles qui n'avaient pas su comment vaincre la Nouvelle Arm?e voulaient s'attirer ses faveurs en montrant combien d'id?es ils avaient pour affronter la menace qui venait de se pr?senter. “Je viendrai, ou pas, apr?s les fun?railles”, dit Rupert. “Ils m'ont dit d'attirer votre attention sur l'importance de la menace”, dit l'homme comme si ces paroles pouvaient d'une fa?on ou d'une autre pousser Rupert ? agir, sinon m?me ? ob?ir. “C'est moi qui d?ciderai de son importance”, dit Rupert. A ce moment-l?, rien ne lui semblait avoir plus d'importance que les fun?railles qui allaient commencer. Pour ce qu'il en avait ? faire, Ashton pouvait partir en flammes; lui, il enterrerait sa m?re. “Oui, votre majest?, mais —” Rupert coupa la parole ? l'homme d'un regard. “Les g?n?raux veulent faire comme si tout devait avoir lieu maintenant”, dit-il, “comme s'il ne pouvait y avoir de plan sans moi, comme s'ils avaient besoin de moi pour d?fendre la ville. J'ai une r?ponse pour eux : faites votre travail.” “Votre majest? ?” dit le messager sur un ton qui donna envie ? Rupert de le frapper. “Fais ton travail, soldat”, dit-il. “Ces hommes pr?tendent qu'ils sont nos meilleurs g?n?raux et ils ne peuvent pas organiser la d?fense d'une ville ? Dis-leur que je les rejoindrai quand je serai pr?t. Entre temps, qu'ils s'en occupent. Maintenant, pars avant que je ne perde patience.” L'homme h?sita un moment puis se prosterna ? nouveau. “Oui, votre majest?.” Il partit pr?cipitamment. Rupert le regarda s'en aller puis se retourna vers Angelica. “Tu es bien silencieuse”, dit-il. Elle avait une expression parfaitement neutre. “Toi non plus, tu ne veux pas que j'enterre ma m?re ?” Angelica posa une main sur son bras. “Je crois que, s'il faut que vous le fassiez, vous devez le faire mais que nous ne pouvons pas non plus n?gliger les dangers qui se pr?sentent.” “Quels dangers ?” demanda Rupert. “Nous avons des g?n?raux, non ?” “Des g?n?raux d'une dizaine de forces diff?rentes qu'on a rassembl?es pour former une arm?e”, signala Angelica. “Si personne ne vient fixer de strat?gie g?n?rale, ils ne parviendront jamais ? se mettre d'accord. Notre flotte est trop proche de la ville, nos murailles sont plus des antiquit?s que des d?fenses et notre ennemi est dangereux.” “Fais attention”, l'avertit Rupert. Son chagrin se refermait sur lui comme un poing et la seule r?action qu'il connaissait ?tait la col?re. Angelica avan?a et l'embrassa. “Je suis seulement prudente, mon amour, mon roi. Nous prendrons le temps de faire tout cela mais il va bient?t falloir que vous dirigiez ces g?n?raux afin d'avoir encore un royaume ? gouverner.” “Qu'il br?le”, dit Rupert sans r?fl?chir. “Qu'ils br?lent tous.” “M?me si vous le pensez maintenant”, dit Angelica, “bient?t, vous aurez besoin d'eux. De plus, ils pourraient bien essayer de vous prendre le pouvoir.” “Me prendre ma couronne ?” dit Rupert. “C'est moi, le roi !” “Vous ?tes l'h?ritier”, dit Angelica, “et nous vous avons constitu? un soutien dans l'Assembl?e des Nobles mais ce soutien risque de dispara?tre si vous ne faites pas attention. Les g?n?raux que vous ignorez se demanderont si l'un d'eux ne devrait pas gouverner ? votre place. Les nobles se demanderont s'il est bon d'avoir un roi qui accorde plus d'importance ? son chagrin qu'? leur s?curit?.” “Et toi, Angelica ?” demanda Rupert. “Qu'en penses-tu ? Es-tu loyale ?” Il toucha presque machinalement le manche d'un couteau pour b?n?ficier du r?confort de sa pr?sence. Angelica posa une main sur la sienne. “Je crois que j'ai choisi ma place”, dit-elle, “et elle est ? vos c?t?s. J'ai envoy? quelqu'un s'occuper de la menace que repr?sente la flotte. Si une mort peut nous ralentir, elle pourra aussi facilement les ralentir eux aussi. Apr?s, nous pourrons faire tout ce qu'il faudra faire ensemble.” “Ensemble”, dit Rupert en prenant la main ? Angelica. “?tes-vous pr?t ?” lui demanda Angelica. Rupert hocha la t?te bien que la douleur qui le rongeait soit trop grande pour que l'on puisse jamais la ma?triser. Il ne serait jamais pr?t ? laisser partir sa m?re. Ils entr?rent dans le temple ensemble. L'endroit avait ?t? d?cor? pour des fun?railles d'?tat avec une h?te presque choquante. L'espace int?rieur ?tait recouvert de draperies sombres et luxueuses sur lesquelles on voyait parfois le cimier royal. Les bancs du temple ?taient tous occup?s par des personnes en deuil. Tous les nobles d'Ashton et des environs ?taient venus, imit?s par des marchands, des soldats et des membres du clerg? entre autres. Rupert avait fait le n?cessaire pour cela. “Ils sont tous ici”, dit-il en regardant autour de lui. “Tous ceux qui ont pu venir”, r?pondit Angelica. “Ceux qui ne sont pas venus sont des tra?tres”, r?pondit s?chement Rupert. “Je les ferai mettre ? mort.” “Bien s?r”, dit Angelica, “mais apr?s l'invasion.” Il trouvait ?trange d'avoir trouv? une personne qui accepte aussi facilement toutes les choses qu'il fallait faire. A sa fa?on, elle ?tait aussi impitoyable que lui, et, en plus, elle ?tait belle et intelligente. De toute fa?on, elle ?tait aussi l? pour ?a. Elle se tenait ? c?t? de Rupert et, gr?ce ? elle, m?me le noir des fun?railles avait l'air superbe. Elle soutint Rupert quand il traversa le temple pour aller ? l'endroit o? le cercueil de sa m?re attendait l'enterrement coiff? de sa couronne. Alors qu'ils avan?aient, un ch?ur commen?a ? chanter un requiem pendant qu'une grande pr?tresse psalmodiait ses pri?res ? la d?esse. Rien de tout cela ne pouvait ?tre original parce qu'il n'y avait pas eu le temps d'innover. Cependant, quand tout serait fini, Rupert embaucherait un compositeur, ferait ?lever des statues ? sa m?re. Il — “Nous y sommes, Rupert”, dit Angelica en l'emmenant ? son si?ge dans la premi?re rang?e. Bien que le b?timent soit bond?, il y avait bien assez d'espace l?. Les gardes qui se tenaient ? cet endroit avaient peut-?tre jou? leur r?le. “Nous sommes r?unis pour t?moigner de la disparition d'une grande figure de notre royaume”, psalmodia la grande pr?tresse pendant que Rupert s'installait. “La Reine Douairi?re Mary de la Maison de Flamberg est partie derri?re le masque de la mort, dans les bras de la d?esse qui l'attendait. Nous pleurons sa disparition.” Rupert la pleurait et le chagrin montait en lui pendant que la pr?tresse expliquait quel grand souverain sa m?re avait ?t? et l'importance du r?le qu'elle avait jou? en unifiant le royaume. La vieille pr?tresse donna un long sermon sur les vertus des textes sacr?s que sa m?re avait incarn?es puis des hommes et des femmes commenc?rent ? venir parler de sa grandeur, de sa bont? et de son humilit?. “On dirait qu'ils parlent de quelqu'un d'autre”, murmura Rupert ? Angelica. “C'est la sorte de choses qu'on s'attend ? ce qu'ils disent ? des fun?railles”, r?pondit-elle. Rupert secoua la t?te. “Non, ?a ne va pas. ?a ne va pas.” Il se leva et alla au fond du temple sans se soucier du fait qu'un seigneur ?tait encore occup? ? d?biter une longue eulogie sur sa seule rencontre avec la Douairi?re. L'homme recula quand Rupert approcha et se tut. “Ce que vous dites tous, c'est n'importe quoi”, dit Rupert d'une voix qui portait facilement. “Vous parlez de ma m?re sans la conna?tre ! Vous dites qu'elle ?tait bonne, gentille et g?n?reuse ? Elle n'?tait rien de tout ?a ! Elle ?tait dure. Elle ?tait impitoyable. Elle pouvait ?tre cruelle.” Il d?signa le public d'un revers de la main. “Parmi vous, y a-t-il ne serait-ce qu'une personne qu'elle n'a pas fait souffrir ? Elle m'a fait souffrir bien assez souvent. Elle m'a trait? comme si je m?ritais tout juste d'?tre son fils.” Il entendit des murmures courir dans le public. Qu'ils murmurent. Il ?tait leur roi, maintenant. Ce qu'ils pensaient ne comptait pas. “Pourtant, elle ?tait forte”, dit Rupert. “C'est gr?ce ? elle que vous avez un pays, gr?ce ? elle que les tra?tres ont ?t? chass?s de ce pays et que leur magie a ?t? ?radiqu?e.” Une id?e lui vint. “Je serai aussi fort qu'elle. Je ferai ce qu'il faudra faire.” A grands pas, il alla au cercueil et en souleva la couronne. Il pensa ? ce qu'Angelica avait dit sur l'Assembl?e des Nobles, comme si Rupert avait besoin de leur permission. Il prit la couronne et se la posa sur la t?te sans tenir compte des exclamations des membres de l'assistance. “Nous enterrerons ma m?re comme la personne qu'elle ?tait”, dit Rupert, “sans ?couter vos mensonges ! Je suis votre roi et je vous l'ordonne !” Alors, Angelica se leva, alla vite le rejoindre et lui prit la main. “Rupert, est-ce que ?a va ?” “Je vais bien”, r?pliqua-t-il. Une autre id?e lui vint subitement et il regarda la foule. “Vous connaissez tous Milady d’Angelica”, dit Rupert. “Eh bien, j'ai une annonce ? vous faire. Ce soir, je la prendrai comme ?pouse. Votre pr?sence ? tous est requise. Tous ceux qui ne viendront pas seront pendus.” Cette fois-ci, il n'y aucune exclamation. Peut-?tre les gens ne pouvaient-ils plus ?tre choqu?s parce qu'ils avaient d?pass? le stade du choc. Rupert avan?a jusqu'au cercueil. “Voil?, M?re”, dit-il. “J'ai votre couronne. Je vais me marier et, demain, je vais sauver votre royaume. Est-ce assez pour vous ? Hein ?” Une partie de Rupert s'attendait ? une sorte de r?ponse, de signe. Il n'y eut rien, rien que le silence de la foule qui l'observait et la culpabilit? profonde qui, d'une fa?on ou d'une autre, le taraudait encore. CHAPITRE SIX Depuis le balcon d'une maison de Carrick, le Ma?tre des Corbeaux regardait ses arm?es qui se rassemblaient par les yeux de ses cr?atures. En le faisant, il sourit car il se sentait de plus en plus satisfait. “Les pi?ces du jeu sont en place”, dit-il pendant que ses corbeaux lui montraient les navires qui se rassemblaient et les d?fenseurs qui se d?p?chaient d'aller b?tir des barricades. “Maintenant, je vais les regarder mourir.” Le coucher du soleil aux couleurs sanglantes refl?tait son humeur du jour, comme les cris qui montaient de la cour qui s'?tendait sous son balcon. Les ex?cutions du jour se poursuivaient ? toute vitesse : deux hommes que l'on avait captur?s alors qu'ils essayaient de d?serter, un qui avait essay? de voler, une femme qui avait poignard? son mari. Ils ?taient tous attach?s ? des poteaux pendant que les bourreaux travaillaient avec des ?p?es et des garrots. Les corbeaux descendaient sur eux. Il y avait probablement des gens qui pensaient que leur Ma?tre appr?ciait la violence de ces moments. En v?rit?, elle ne lui faisait ni chaud ni froid; il ne voulait que le pouvoir que ces morts lui apportaient par l’interm?diaire de ses oiseaux. Le Ma?tre des Corbeaux regardait les commandants qui attendaient ses instructions. Il voulait voir si certains d'entre eux tressaillaient ou d?tournaient le regard des sc?nes qui se d?roulaient dans la cour. La plupart ne le faisaient pas parce qu'ils avaient appris ce que l'on attendait d'eux. Cependant, un jeune officier d?glutit en regardant. Il faudrait probablement le faire surveiller. Pendant un moment ou deux, le Ma?tre des Corbeaux concentra son attention sur les cr?atures qui d?crivaient des cercles au-dessus d'Ashton. Alors qu'elles allaient et venaient, elles lui montraient l'?tendue de la flotte qui avan?ait, la force qui s'en d?tachait pour essayer d'aller accoster plus loin. Un freux perch? sur une des murailles de la ville lui montra un groupe d'hommes d'Ishjemme qui, d?guis?s en marchands, ouvraient un coffre d'armes qui ?tait cach? pr?s du fleuve. Une corneille qui se tenait pr?s du cimeti?re de la ville entendit des hommes parler de battre en retraite quand viendrait l'attaque et de laisser les nobles se d?brouiller seuls. Cette combinaison risquait d'affamer ses corbeaux. C'?tait inadmissible. “Nous avons une t?che ? accomplir”, dit-il aux hommes qui attendaient son bon vouloir quand il revint l? o? il ?tait. “Suivez-moi.” Il partit dans la maison, certain que les autres le suivraient. Les domestiques se sortaient pr?cipitamment de leur chemin, effray?s par tous ces hommes puissants. Le Ma?tre des Corbeaux ressentait leurs ressentiment et leur peur mais cela ne comptait pas pour lui. Ce n'?tait que la cons?quence in?vitable du r?gne d'un roi. Dans la cour, les cris avaient c?d? la place au silence que seule la mort pouvait apporter. M?me la cr?ature vivante la plus discr?te qui soit d?gageait le doux son de sa respiration, la palpitation de son c?ur. Maintenant que les corps pendaient mollement aux poteaux, seul le croassement des corbeaux remplissait le silence. “Il faut maintenir l'ordre”, dit le Ma?tre des Corbeaux en regardant l'officier qui avait bri?vement trahi son d?go?t. “Nous sommes une machine compos?e de nombreuses pi?ces et chacune doit jouer son r?le. Maintenant qu'ils ont d?pass? les limites, le r?le de ces trois-l? est de nourrir les charognards.” A pr?sent, les corbeaux descendaient en plus grands nombres, s'installaient sur les cadavres encore frais et commen?aient ? s'en repa?tre. Le Ma?tre des Corbeaux sentait d?j? le pouvoir qui se r?pandait dans ses oiseaux gr?ce ? ces morts, auxquelles venaient s'ajouter les centaines d'autres qui se produisaient tout le temps dans l'empire de la Nouvelle Arm?e. Il y avait m?me quelques-uns de ses oiseaux qui se nourrissaient dans le royaume de la Douairi?re. “Il est temps de se montrer ferme”, dit-il en puisant dans ce pouvoir et en tra?ant des lignes argent?es de cons?quences dans son esprit. Chacune de ces lignes repr?sentait une possibilit?, un choix. Le Ma?tre des Corbeaux n'avait aucun moyen de savoir laquelle deviendrait r?alit?; il n'?tait pas la femme de la fontaine ou un autre des v?ritables voyants extra-lucides. Cependant, il en voyait assez pour savoir o? exercer son influence, o? encourager les effets qu'il d?sirait obtenir. Il se concentra sur les oiseaux qui battaient des ailes autour d'Ashton. Son esprit chercha les endroits o? quelques mots bien plac?s pourraient obtenir un effet maximal et des corvid?s de toutes les races descendirent du ciel pour les croasser. Quand il l'ordonna, une corneille atterrit pr?s du commandant de la garde d'Ashton et le contempla de ses yeux noirs. “Il y a des hommes du nord sur le fleuve”, croassa-t-il quand le Ma?tre des Corbeaux pronon?a les mots. “Il y a des hommes du nord sur le fleuve et ils sont d?guis?s en marchands.” Il n'attendit pas pour regarder le choc de l'homme qui essayait de comprendre ce qui se passait. Le Ma?tre des Corbeaux pr?f?ra tourner son attention vers un freux qui se trouvait dans le cimeti?re. Il le fit atterrir sur une pierre tombale pr?s des apprentis conspirateurs qui pr?voyaient de s'enfuir. “Soyez courageux”, croassa son oiseau. “On vous regarde.” Pour ?quilibrer la man?uvre, il envoya un autre oiseau ? un homme qui se trouvait pr?s d'une des murailles principales et lui fit croasser une pr?monition de mort. Il sema le courage et la l?chet?, distribua v?rit?s et mensonges en m?langeant les choses connues et les choses ? moiti? connues pour semer la confusion. Tous ses oiseaux ne r?ussissaient pas leur t?che. Il envoya un merle ? la fen?tre du Prince Rupert et la trouva ferm?e. Il envoya un corbeau vers les navires qui attendaient dans le port et il descendit vers le navire-amiral d'Ishjemme, o? il trouva un jeune homme qui regardait vers le haut. Le Ma?tre des Corbeaux connaissait ce jeune homme. C'?tait celui qui l'avait transperc? d'une ?p?e ? Ishjemme. Maintenant, il regardait fixement l'oiseau et sa main alla ? sa ceinture, d'o? il sortit un pistolet ? une vitesse quasi-inhumaine … “Maudits soient-ils !” grogna le Ma?tre des Corbeaux en d?tournant son attention de l'oiseau juste ? temps. Il abandonna la flotte des envahisseurs et pr?f?ra de concentrer sur la ville, o? il trouva des petites choses qui pouvaient donner aux hommes du courage ou leur en prendre, alimenter leur rage ou les rendre imprudents. Une de ses pies vola la bague de mariage d'une ?pouse pendant qu'elle lavait des verres puis la laissa tomber aux pieds du soldat auquel elle ?tait mari?e. Sans nul doute, l'homme passerait la bataille ? se demander pourquoi la bague n'?tait pas au doigt de son ?pouse et s'il fallait qu'il rentre ? la maison. Une corneille souleva une bougie allum?e, la laissa tomber et mit le feu ? une s?rie de b?timents abandonn?s tr?s inflammables. “A eux de choisir s'ils veulent sauver leurs maisons des envahisseurs ou du feu”, dit-il. Il y avait cent autres oiseaux qu'il envoya effectuer cent autres missions. Chacune de ces missions lui co?tait un tout petit peu de pouvoir mais c'?tait ? chaque fois un investissement qui permettrait de r?colter du chaos. Certains parlaient aux soldats, d'autres aux hommes et aux femmes qu'il avait envoy?s pour ce moment et qui racontaient des horreurs sur Ishjemme ? ceux qui acceptaient de les ?couter ou proposaient de se r?volter violemment contre les descendants de la Douairi?re ou les deux. Avec une bataille qui aurait d? ?tre facile ? remporter par les envahisseurs, le Ma?tre des Corbeaux fit quelque chose de plus complexe, de plus dangereux et de plus mortel. Quand il revint ? lui-m?me, il souriait de tout ce qu'il avait accompli. Les hommes admiraient les prouesses de la magie et pensaient ? des symboles ou ? des tomes anciens mais il avait cr?? quelque chose de beaucoup plus puissant avec beaucoup moins de moyens. Il regarda ses officiers, qui observaient encore les corbeaux qui picoraient les morts d'un air consciencieux. “L'ennemi livrera la bataille d'Ashton demain”, dit-il. “Elle sera sanglante et il y aura beaucoup de morts dans tous les camps.” Il ne put s'emp?cher de montrer sa satisfaction ? cette id?e. Apr?s tout, c'?tait surtout ? cause de lui que tant de gens allaient mourir. “Quand frapperons-nous, monseigneur ?” demanda un des commandants de sa flotte. “Avez-vous des ordres pour nous ?” “Vous ?tes impatients d'attaquer ?” demanda le Ma?tre des Corbeaux. “Je le suis, monseigneur”, dit l'homme. Il se frappa la paume d'un poing. “Je veux les ?craser pour leur faire payer l'humiliation qu'ils nous ont inflig?e la derni?re fois.” “Moi aussi”, dit un g?n?ral. “Je veux qu'ils sachent que la Nouvelle Arm?e est la plus forte.” Un ch?ur d'acclamations s'ensuivit. Chaque homme semblait vouloir montrer plus fort que l'autre qu'il s'engageait ? laver l'affront subi lorsqu'ils n’avaient pas r?ussi ? conqu?rir le royaume de la Douairi?re. Peut-?tre ?tait-ce leur but. Peut-?tre voulaient-ils tous montrer qu'ils pouvaient faire mieux. Peut-?tre pensaient-ils qu'ils risquaient leur peau s'ils ?chouaient une autre fois. Ils n'avaient pas enti?rement tort sur ce dernier point. Cela dit, le Ma?tre des Corbeaux leva une main pour qu'ils se calment. “Soyez patients. Allez rejoindre vos hommes et vos navires. V?rifiez que tout soit pr?t pour une attaque. Quand ce sera le moment, je vous le dirai.” Ils partirent ensemble et se d?p?ch?rent d'aller se pr?parer. Le Ma?tre des Corbeaux les laissa partir. Pour l'instant, il se concentrait sur le coucher du soleil rouge sang et sur ce qu'il pr?sageait. Le sang coulerait ? flots le lendemain matin, c'?tait certain. Gr?ce aux efforts de ses cr?atures, il y aurait un carnage d'une ?tendue qui rougirait l'eau du fleuve d'Ashton. Ses cr?atures s'en repa?traient. “Et quand elles auront fini”, dit-il, “nous ajouterons ce qui restera de cette ville ? notre empire.” CHAPITRE SEPT L'assassin qui se faisait appeler Rose attendit qu'il fasse compl?tement noir avant de se diriger en barque vers les navires amarr?s dans le port. Elle avait envelopp? les dames de nage de chiffons pour que ses rames ne fassent aucun bruit. Heureusement, la lune brillait et elle avait toujours bien vu dans le noir quand il l'avait fallu. Donc, elle n'eut pas besoin de risquer d'allumer ne serait-ce qu'une lanterne de voleur. Pourtant, la peur la hantait ? chaque coup de rame et elle ne parvenait ? la r?primer qu'en faisant des efforts. “Tout ira bien”, dit-elle. “Tu as d?j? fait ?a cent fois.” Peut-?tre pas cent. M?me les meilleurs dans sa profession n'avaient jamais tu? tant de gens. Elle n'?tait pas un hachoir de boucher que l'on envoyait tuer autant de gens que possible dans une guerre. Elle ?tait un couteau de jardinier qui ne coupait que ce qu'il fallait de la tige d'une plante. “La moiti? des soldats pr?sents l?-bas ont s?rement tu? plus de gens que moi”, murmura-t-elle comme si cela justifiait sa mission. Au cours de l'action, elle avait toujours peur. Peur qu'on la d?couvre. Peur que quelque chose se passe mal. Peur d'acqu?rir le type de conscience morale qui l'emp?cherait de faire ce qu'elle faisait le mieux. “Jusque l?, pas de probl?me”, murmura Rose. Elle fit doucement passer son bateau entre les navires immobiles. Elle ne fut pas ?tonn?e d'entendre une voix appeler dans la nuit. “H?, qui va l? ? Que faites-vous ?” Rose vit un soldat se pencher par-dessus la proue d'un navire proche, un arc en main. Peut-?tre une personne stupide aurait-elle essay? d'aller se mettre ? l'abri, dans quel cas elle aurait ?t? r?compens?e par une fl?che dans le dos. Rose, elle, prit le temps de r?fl?chir. Les accents ?taient une comp?tence sur laquelle elle avait pris le temps de travailler. Donc, Rose en choisit un bon, pas un accent d'Ishjemme m?me mais l'accent campagnard plus rude d'une des ?les qui se trouvaient entre Ishjemme et la c?te du royaume. C'?tait une meilleure id?e. En effet, si les soldats d'Ishjemme pouvaient se conna?tre les uns les autres, ils ne pouvaient pas s'attendre ? conna?tre tous leurs alli?s. “Je me pr?pare ? livrer bataille, idiot. Qu'est-ce que tu fais, toi ? Tu essaies de r?veiller toute la ville ?” “Ouais, bon, tu pourrais ?tre n'importe qui !” cria le soldat. “Pour autant que je sache, ton bateau aurait pu ?tre plein d'ennemis.” “Est-ce que je ressemble ? un bateau plein d'ennemis ?” r?pliqua Rose. “Bon, maintenant, est-ce que je peux aller livrer mes rapports ? ?a fait des heures que j'explore cette pr?tendue ville et je n'arrive m?me pas ? trouver le navire-amiral.” Elle vit l'homme le montrer du doigt. “C'est celui-l?”, dit-il. “Merci.” Rose savait tr?s bien se faire passer pour des gens qu'elle n'?tait pas. Certains s'imaginaient que les assassins devaient ?tre des gens qui savaient traverser une arm?e ? coups d'?p?e ou tirer une fl?che d'une distance impossible ? voir. Elle aimait les histoires comme celles-l?. Cela signifiait que les gens ne cherchaient pas la personne apparemment innocente qui, juste ? c?t? d'eux, venait d'empoisonner leur vin. “Cela dit, cette fois-ci, je ne pourrai pas le faire”, se dit-elle. Elle n'?tait pas s?re que Milady d’Angelica ait compris ce qu'elle lui demandait de faire quand elle lui avait confi? cette mission-l?. Franchement, elle ne pensait pas que cette femme noble s'en souciait. Pourtant, il y avait une grande diff?rence entre empoisonner un rival ? Ashton et se glisser ? bord d'un navire au milieu d'une flotte de guerre. Surtout quand ceux qui dirigeaient cette flotte avaient des pouvoirs magiques s'il fallait en croire les rumeurs. C'?tait la partie du travail qui la terrifiait. Comment ?tait-elle cens?e se glisser ? bord d'un navire o? les gens pourraient lire ses pens?es de meurtre, sentir son arriv?e et probablement envoyer des fant?mes lui d?vorer l'?me en hurlant ? Cela signifiait que sa strat?gie habituelle, qui reposait sur le d?guisement et le mensonge, ne pourrait pas fonctionner. “Je devrais plut?t aller jusqu'au continent”, marmonna Rose. Ne fallait-il pas ?tre idiot pour se glisser volontairement au milieu d'une bataille comme celle-l? ? Cependant, elle continua d'avancer vers le navire-amiral pour trois raisons. D'abord, on la payait bien pour ?a, trop bien pour qu'elle renonce. Ensuite, Rose soup?onnait que, m?me si elle savait se d?fendre au couteau et avec des fl?ches empoisonn?es, Milady d’Angelica serait un ennemi qu'il valait mieux ne pas avoir. Quant ? la troisi?me raison … eh bien, la troisi?me raison ?tait simple. Elle savait tr?s bien faire ce genre de chose. Rose arr?ta le petit bateau longtemps avant le navire-amiral, dans l'espace qui contenait plut?t de l'ombre que de l'obscurit?. Elle retira son uniforme d'Ishjemme, sous lequel elle avait conserv? ses v?tements noirs, puis se glissa dans les eaux de la baie. Le froid lui su?a la chaleur du corps et elle essaya de ne pas penser ? toute la crasse que les ?gouts d'Ashton envoyaient dans le fleuve puis dans la mer. Elle essaya aussi de ne pas penser aux autres choses qui pouvaient se trouver dans ces eaux, comme les requins et les pr?dateurs qui allaient s?rement s'assembler pour chasser dans le sillage d'une bataille. Peut-?tre leur pr?sence serait-elle m?me une bonne chose car ceux qui pourraient lire dans ses pens?es verraient peut-?tre plut?t les intentions des requins que les siennes. En nageant discr?tement dans l'eau et en ignorant le go?t r?pugnant de l'eau de mer, Rose avan?a et plongea la t?te ? chaque fois qu'elle pensa que quelqu'un regardait peut-?tre dans sa direction. Cela lui sembla prendre une ?ternit? mais elle finit par approcher du navire-amiral malgr? les petites vagues que son roulis produisait et qui claquaient contre elle alors qu'elle approchait. Finalement, ses doigts trouv?rent le bois de la coque et cherch?rent des prises comme quelqu'un d'autre aurait pu le faire en escaladant une paroi rocheuse. Rose avan?ait lentement car elle ne voulait pas produire de sons. Elle essayait m?me de faire taire ses pens?es pour qu'elles ne signalent pas sa pr?sence aux occupants du navire dou?s de pouvoirs magiques. Elle leva suffisamment la t?te pour voir un garde marcher sur le pont. Elle se baissa puis ?couta le rythme de ses pas pour le laisser passer. Elle ne bougea toujours pas mais attendit jusqu'? ce qu'il soit pass? deux fois de plus afin de s'impr?gner de son rythme. Une personne moins aguerrie se serait peut-?tre ru?e sur le pont la premi?re fois et aurait ?t? prise. Rose avait appris quand il fallait se montrer patient. La troisi?me fois que le garde passa, elle se glissa apr?s lui en laissant tomber de sa manche une longueur de garrot. L'homme ?tait plus grand qu'elle mais Rose en avait l'habitude. Elle lui passa rapidement le fil autour de la gorge, le serra brusquement et fermement puis lui enfon?a un genou dans le dos pour qu'il tombe. Il n'eut pas le temps de crier car le fil coupa profond?ment et ne laissa ?chapper qu'une br?ve exclamation de surprise. Rose jeta le corps du garde ? l'eau en essayant de le faire aussi discr?tement as possible. C'?tait une honte de devoir tuer un homme qui n'?tait pas sa cible mais le passage de l'homme ?tait trop fr?quent pour qu'elle soit s?re de pouvoir s'?chapper quand il le faudrait. Elle rangea son garrot. Elle n'allait pas l'utiliser pour la suite. “Silence, maintenant”, se dit-elle ? voix basse en passant rapidement sous le pont. M?me si elle pouvait pas espionner les pens?es des autres en se servant de la magie que poss?daient les passagers de ce navire, elle avait ses yeux, gr?ce auxquels elle distinguait les ombres des cordes enroul?es et des armes empil?es dans la quasi-obscurit?, et ses oreilles, gr?ce auxquelles elle ?coutait la respiration des hommes endormis en faisant la diff?rence entre ceux qui dormaient profond?ment et ceux qui risquaient de de r?veiller si elle s'approchait trop. En se d?pla?ant sur la pointe des pieds et en restant dans l'ombre, elle d?passa les espaces o? dormaient les soldats du rang et se dirigea vers l'espace o? devait se trouver sa cible. Rose ouvrit des portes dans le silence et dans l'obscurit? et elle inspecta les personnes qui dormaient l? en cherchant celle qu'on lui avait ordonn? de tuer. Elle trouva sa cible dans une pi?ce qui portait les couleurs d'Ishjemme : c'?tait la pi?ce d'un chef, la pi?ce d'un souverain. Elle poussa la porte et l'ouvrit en silence. Devant elle, une bougie s'alluma et elle vit Lars Skyddar, assis sur une chaise de marin, une ?p?e sur les genoux. “Vous ?tes venue me tuer”, dit-il. Rose r?fl?chit ? ce qu'elle pouvait faire. Pouvait-elle s'enfuir ? Pouvait-elle quitter ce navire avant que cet homme n'appelle tout l'?quipage ? la rescousse ? “Comment avez-vous su que je venais ?” demanda-t-elle. “Je sais que je n'ai fait aucun bruit.” “Il y a longtemps, on m'a dit que j'affronterais la mort pendant la nuit qui pr?c?derait notre plus grande bataille et que je devrais le faire seul. Depuis l'arriv?e de mes ni?ces, j'ai compris que ce moment arrivait.” “Vous allez les appeler ?” demanda Rose, dont les mains descendirent vers sa ceinture de fa?on presque imperceptible pendant qu'elle se demandait laquelle des fl?ches empoisonn?es qu'elle y gardait serait la plus efficace. Elle n'avait pas pr?vu de tuer cet homme ce soir mais Milady d’Angelica la r?compenserait probablement tr?s bien si elle y arrivait. “Je refuse de risquer leurs vies”, dit Lars Skyddar. “Par contre, la v?tre …” Il bondit en avant si vite que Rose faillit se retrouver au d?pourvu. S'il avait eu vingt ans de moins, elle n'aurait peut-?tre pu rien faire du tout et l'?p?e l'aurait d?coup?e en morceaux. En fait, il r?ussit quand m?me ? la blesser quand elle esquiva le coup et ? laisser une tra?n?e de sang. Elle roula pour se relever. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43695143&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.