*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

Le R?veil des Dragons

Le R?veil des Dragons Morgan Rice Rois et Sorciers #1 Si vous pensiez que rien ne pouvait plus ?galer la s?rie L’anneau du Sorcier, vous vous trompiez. Dans LE REVEIL DES DRAGONS, Morgan Rice nous am?ne la promesse d’une nouvelle s?rie ? succ?s en nous immergeant dans un monde fantastique peupl? de trolls et de dragons et o? l’honneur, le courage, la magie et la foi en son destin sont mis en avant. Une fois de plus, Morgan nous pr?sente des personnages forts pour lesquels nous tremblons page apr?s page… Ce livre trouvera imm?diatement sa place dans la biblioth?que des amateurs de fantastique. Books and Movie Reviews, Roberto MattosLe Bestseller #1! L’auteur #1 de Bestsellers, Morgan Rice, revient avec une nouvelle s?rie fantasy : LE REVEIL DES DRAGONS (ROIS ET SORCIERS – Livre 1) . Kyra a 15 ans et r?ve de devenir une grande guerri?re ? l’image de son p?re, bien qu’elle soit l’unique fille vivant dans un fort rempli d’hommes. Elle a du mal ? comprendre d’o? lui viennent ses aptitudes particuli?res, son myst?rieux pouvoir et elle finit par r?aliser qu’elle est diff?rente des autres. Elle apprend qu’on lui cache un secret depuis sa naissance et qu’il existe une proph?tie ? son sujet. Cela l’am?ne ? se poser des questions sur qui elle est vraiment. Lorsque Kyra atteint l’?ge l?gal et que le seigneur local vient pour l’enlever, son p?re veut la marier pour la prot?ger. Mais Kyra refuse et d?cide de partir seule dans les bois dangereux o? elle rencontre un dragon. Cette rencontre d?clenchera une s?rie d’?v?nements qui changeront ? jamais l’avenir du royaume. Alec a 15 ans mais n’h?site pas ? se sacrifier pour son fr?re et ? prendre sa place en tant que recrue. Il est emmen? pour servir Les Flammes, un mur de feu de dizaines de m?tres de haut qui prot?ge le royaume d’une arm?e de Trolls vivant ? l’est. De l’autre c?t? du royaume, Merk est un mercenaire qui s’efforce de laisser son sombre pass? derri?re lui. Il s’?lance dans une qu?te au travers des bois pour devenir un Guetteur dans l’une des Tours et d?fendre l’?p?e de feu, une source magique ? l’origine du pouvoir du royaume. Mais les Trolls veulent s’emparer de cette ?p?e et ils pr?parent une invasion massive qui an?antira ? jamais le royaume. Avec une atmosph?re puissante et des personnages complexes, LE REVEIL DES DRAGONS est une saga impressionnante de chevaliers, de guerriers et de rois qui met en avant courage et honneur, magie, destin, monstres et dragons. C’est une histoire d’amour et de c?urs bris?s, de d?ception, d’ambition et de tra?trise. C’est ?pop?e fantastique est finement men?e et vous emportera dans un monde que vous n’?tes pas pr?t d’oublier et qui convient ? tous les ?ges. Livre #2 dans ROIS ET SORCIERS ? para?tre bient?t. LE REVEIL DES DRAGONS est une r?ussite et ce, d?s le d?but… Une fantaisie de qualit?… Elle commence par le conflit int?rieur d’une protagoniste et s’ouvre sur un cercle de chevaliers, de dragons, de magie, de monstres et de destin?e… On y retrouve tous les ?l?ments clefs d’une bonne fantaisie: batailles, soldats, confrontation avec soi-m?me… ? recommander ? toute personne qui appr?cie les ?pop?es fantastiques regorgeant de jeux de pouvoir avec pour protagonistes de jeunes adultes. Midwest Book Review, D. Donovan, critique eBook Morgan Rice Le R?veil des Dragons (Rois et Sorciers—Livre 1) Au sujet de Morgan Rice Morgan Rice est l’auteur de best-sellers #1 de USA Today et l’auteur de la s?rie d’?pop?e fantastique L’ANNEAU DU SORCIER de dix-sept livres; de la s?rie ? succ?s #1 MEMOIRES D’UNE VAMPIRE comprenant onze livres (en cours);  de la s?rie ? succ?s #1 LA TRIOLOGIE DES RESCAPES, un thriller post-apocalyptique de deux livres (en cours) ainsi que de la nouvelle s?rie d’?pop?e fantastique ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier; et ont ?t? traduits dans plus de 25 langues. Morgan sera ravi que vous le contactiez, n’h?sitez pas ? vous rendre sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour souscrire ? la liste de diffusion et recevoir un livre gratuit, des cadeaux, t?l?charger une appli gratuite, recevoir les nouvelles exclusives, connecter sur Facebook et Twitter et rester en contact! Critiques Choisies sur Morgan Rice “Une fantasy enthousiasmante parsem?e de myst?res et d’intrigues. La Qu?te des H?ros traite de courage et des ?preuves de la vie menant au monde adulte, la maturit? et l’excellence… Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques, les protagonistes, intrigues et actions regorgent de rencontres mettant en valeur l’?volution de Thor qui passe du stade d’enfant r?veur ? celui de jeune adulte cherchant ? survivre ? des situations impossibles… Rien que le d?but est prometteur d’une formidable s?rie pour jeunes adultes.”                   --Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres ?lectroniques) “L’ANNEAU DU SORCIER r?unit tous les ?l?ments d’un grand succ?s: complots, contre-complots myst?res, valeureux chevaliers et grand nombre de relations dramatiques emplies de c?urs bris?s, de d?ceptions et de trahisons. Ce livre vous captivera des heures durant et trouvera imm?diatement sa place dans la biblioth?que des amateurs de fantastique de tous ?ges.”                       –Books and Movie Reviews, Roberto Mattos “L’?pop?e fantastique de Rice est intrigante [L’ANNEAU DU SORCIER] et reprend les traits classiques du genre – un d?cor bien ?tabli fortement inspir? de l’?cosse ancienne et de son histoire, un bon sens des intrigues de la cour.” —Kirkus Reviews “J’adore comment Morgan Rice construit le personnage de Thor et le monde dans lequel il vit. Les paysages et les cr?atures qui le peuplent y sont tr?s bien d?crits… J’ai aim? [l’intrigue]. Courte et adorable… Il y a juste la bonne proportion de personnages secondaires donc on ne s’y perd pas. Il y a les moments d’aventure et les moments d?chirants, mais l’action d?crite est bien dos?e. Le livre est parfait pour le lecteur adolescent… Les d?buts d’une s?rie remarquable…” --San Francisco Book Review “Dans ce premier livre regorgeant d’action dans la s?rie d’?pop?e fantastique L’Anneau du Sorcier (qui comporte actuellement 14 livres), Rice pr?sente au lecteur un jeune homme de 14 ans, Thorgrin "Thor" McLeod, dont le r?ve est de rejoindre la L?gion des Gris, les chevaliers d’?lite au service du roi… L’?criture de Rice est bien tourn?e et les d?buts captivants.” --Publishers Weekly “[LA QU?TE DES H?ROS] est facile et rapide ? lire. La fin des chapitres vous donne envie de vous lancer imm?diatement dans le suivant et vous n’avez pas envie de l?cher le livre. Il y a quelques fautes d’orthographe dans le livre et certains noms sont m?lang?s mais cela n’emp?che pas de suivre l’histoire. La fin du livre m’a donn? envie de commencer directement le livre suivant et c’est ce que j’ai fait. Les neufs livres de la s?rie de L’Anneau du Sorcier sont disponibles ? la vente sur le Kindle store et La Qu?te des H?ros est actuellement gratuite si vous ne connaissez pas la s?rie! Si vous ?tes ? la recherche de quelque chose de rapide et sympa ? lire pendant les vacances, ce livre sera parfait.” --FantasyOnline.net Livres de Morgan Rice ROIS ET SORCIERS LE REVEIL DES DRAGONS (Livre #1) L’ANNEAU DU SORCIER LA QUETE DES HEROS (Livre #1) LA MARCHE DES ROIS (Livre #2) LE DESTIN DES DRAGONS (Livre #3) LE CRI D’HONNEUR (Livre #4) LE SERMENT DE GLOIRE (Livre #5) LE POIDS DU COURAGE (Livre #6) LE RITE D’EPEES (Livre #7) LE PRET D’ARMES (Livre #8) LE CIEL DE CHARMES (Livre #9) LA MER DE BOUCLIERS (Livre #10) LE REGNE D’ACIER (Livre #11) LA TERRE DE FEU (Livre #12) LE REGNE DES REINES (Livre#13) LE SERMENT DES FRERES (Livre#14) LE REVE DES MORTELS (Livre #15) LA JOUTE DES CHEVALIERS (Livre #16) LE CADEAU DE LA BATAILLE (Livre #17) TRILOGIE DES RESCAPES ARENA UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre #1) DEUXIEME ARENE (Livre #2) MEMOIRES D’UNE VAMPIRE TRANSFORMATION (Livre #1) ADORATION (Livre #2) TRAHISON (Livre #3) PREDESTINATION (Livre #4) DESIR (Livre #5) FIANCEE (Livre #6) PROMESSE (Livre #7) TROUVEE (Livre #8) RESURRECTION (Livre #9) DESIREE (Livre #10) CONDAMNATION (Livre #11) Copyright © 2014 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf dans la mesure permise par la Loi U.S. Copyright Act de 1976, aucun extrait de cet ouvrage ne peut ?tre reproduit, distribu? ou diffus? sous une quelconque forme ou par un quelconque moyen, ni stock? dans une base de donn?es ou syst?me de recherche, sans l’autorisation expresse de l’auteur. Cet ebook ne peut ?tre utilis? que pour votre usage personnel. Cet ebook ne peut ?tre revendu ni donn? ? d’autres personnes. Si vous souhaitez partager cet ebook avec une autre personne, veuillez acheter des exemplaires suppl?mentaires pour chaque destinataire. Si vous lisez cet ebook sans l’avoir achet? vous-m?me, ou s’il n’a pas ?t? achet? pour votre seul usage personnel, veuillez le retourner et achetez votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur travail r?alis? par l’auteur. Ce r?cit est une ?uvre de pure fiction. Les noms, personnages, entreprises, organisations, lieux, ?v?nements et incidents sont soit le produit de l’imagination de l’auteur ou utilis?s de fa?on fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant exist? ne saurait ?tre que fortuite. Copyright image de couverture Photosani, utilis?e avec l’autorisation de Shutterstock.com. “Les Hommes sont parfois ma?tre de leur destins: Si nous sommes soumis, la faute, cher Brutus n'est pas dans nos ?toiles mais en nous-m?mes.”     --William Shakespeare     Jules C?sar CHAPITRE UN Kyra se trouvait au sommet d’une petite colline herbeuse. Ses bottes reposaient sur le dur sol gel? et la neige tombait tout autour d’elle. Elle essaya de faire abstraction de la morsure du froid et banda son arc tout en se concentrant sur sa cible. Elle plissa les yeux, oubliant compl?tement le reste du monde – une bourrasque de vent, le cri distant d’un corbeau au loin – et s’effor?a de se concentrer sur le fr?le petit bouleau blanc et noir au loin qui se d?tachait dans le paysage de pins violets. ? quarante m?tres, c’?tait tout ? fait le genre de tir que ni ses fr?res, ni m?me son p?re, n’?taient capables de r?aliser – cela renfor?ait d’autant plus sa d?termination qu’elle ?tait la plus jeune du groupe et l’unique fille de la fratrie. Kyra s’?tait toujours sentie diff?rente. Au fond d’elle, une partie de sa personnalit? avait envie de faire ce qui ?tait attendu d’elle et de passer du temps avec les autres filles, d’?tre ? sa place de fille, de s’occuper des t?ches domestiques, mais ce n’?tait pas sa vraie nature. Elle ?tait la digne fille de son p?re, tout comme lui elle avait l’esprit d’une guerri?re et ne pouvait pas rester derri?re les murs de leur forteresse et passer sa vie enti?re aupr?s d’un foyer. Elle ?tait meilleure arch?re que les hommes de son p?re – elle ?tait d?j? capable de tirer plus loin que le meilleur archer de son p?re – et elle ?tait pr?te ? tout pour leur prouver – et en particulier ? son p?re – qu’elle m?ritait d’?tre prise au s?rieux. Son p?re l’aimait, ?a elle le savait, mais il refusait d’accepter de voir la personne qu’elle ?tait devenue. Le meilleur terrain entra?nement de Kyra se trouvait loin du fort, sur les plaines de Volis, seule – ce qui lui convenait tout ? fait car en tant qu’unique fille vivant dans un fort rempli de guerriers, elle avait appris ? passer beaucoup de temps tout seule. Elle avait pris l’habitude de se retirer tous les jours en ce lieu, son endroit pr?f?r? sur les hauteurs du plateau surplombant le fort aux vieux murs de pierre, o? elle trouvait de bons arbres, de petits arbres fins difficiles ? atteindre. Le bruit de l’impact de ses fl?ches ?tait devenu un son omnipr?sent dont l’?cho se r?percutait dans le village. Aucun arbre n’ayant ?t? ?pargn? par ses fl?ches, leurs troncs ?taient marqu?s et certains d’entre eux commen?aient m?me ? pencher. Kyra savait que la plupart des archers de son p?re s’entra?naient sur les souris, faciles ? trouver dans les plaines. Au tout d?but, elle s’?tait ?galement entra?n?e dessus mais elle avait trouv? que les tuer ?tait relativement facile. Cela l’avait aussi rendue malade. Elle ?tait courageuse mais ?galement sensible et elle ne trouvait aucun plaisir ? tuer un ?tre vivant sans raison valable. Elle s’?tait alors fait le serment de ne jamais plus tuer d’?tre vivant ? moins qu’il ne s’agisse de quelque chose de dangereux ou la mettant en danger, comme ces Wolfbats qui sortaient ? la nuit tomb?e et s’approchaient bien trop pr?s du fort de son p?re. Elle n’avait aucun scrupule de les abattre en particulier depuis que son plus jeune fr?re Aidan s’?tait fait mordre par un de ces Wolfbats, ce qui l’avait rendu malade pendant une demi-lune. C’?taient ?galement les cr?atures les plus rapides connues. Elle savait donc que si elle ?tait capable de les tirer, qui plus est de nuit, alors elle ?tait capable de toucher n’importe quelle cible. Il lui ?tait arriv? une fois par un soir de pleine lune, de passer la nuit enti?re ? leur tirer dessus depuis la tour de son p?re. Au petit matin elle s’?tait pr?cipit?e avec impatience pour d?nombrer les Wolfbats qui recouvraient le sol, ravie de les voir encore empal?s sur ses fl?ches. Les villageois s’?taient attroup?s et avaient observ? la sc?ne avec surprise. Kyra se for?a ? rester concentr?e. Elle essaya de visualiser le tir dans son esprit, se voyant positionner son arc, tendre rapidement la corde vers son menton et rel?cher la tension sans aucune h?sitation. Elle savait qu’un tir se jouait avant m?me de tirer. Elle avait vu trop d’archers de son ?ge, aux alentours de quatorze ans, tirer sur la corde et h?siter. Elle savait alors d’avance que le tir serait rat?. Elle inspira profond?ment, mit son arc en position, tira sur la corde et l?cha. Elle n’avait m?me pas besoin de regarder pour savoir qu’elle allait atteindre l’arbre. Un bref instant plus tard elle entendit le bruit de l’impact, mais elle avait d?j? tourn? les talons ? la recherche d’une autre cible encore plus ?loign?e. Kyra entendit un g?missement ? ses pieds et baissa les yeux. L?o, son loup la suivait en se frottant contre ses jambes comme ? son habitude. Ayant atteint ? sa taille adulte et lui arrivant presque ? la taille, L?o ?tait aussi protecteur envers Kyra qu’elle ne l’?tait envers lui. Ils ?taient sans cesse ensemble. Kyra ne pouvait aller nulle part sans L?o sur ses talons. Il se tenait en permanence ? ses c?t?s ? moins qu’un ?cureuil ou un lapin ne lui passe sous le nez. Il pouvait alors se lancer dans une chasse qui pouvait durer des heures. “Je ne t’ai pas oubli? mon gars,” dit Kyra en plongeant la main dans sa poche et lui tendant un os des restes du repas. L?o s’en empara aussit?t et se mit ? trotter joyeusement ? ses c?t?s. Alors que Kyra marchait dans le froid, son souffle se mat?rialisant en une brume, elle mit son arc en bandouli?re et souffla dans ses mains froides et humides. Elle traversa le grand plateau froid et observa la vue qui s’offrait ? elle. De ce point d’observation elle voyait toute la campagne, les collines de Volis d’habitude verdoyantes ?taient recouvertes d’un manteau de neige, le bastion de son p?re, cette province nich?e au nord-est du royaume d’Escalon. Depuis son perchoir, Kyra avait une vue plongeante sur toutes les activit?s qui se d?roulaient dans le fort de son p?re, les all?es et venues des villageois et des guerriers. C’?tait ?galement une des raisons qui faisait qu’elle aimait ?tre ici. Elle aimait pouvoir observer les formes du vieux fort en pierre de son p?re, la forme des remparts et des tours qui s’?levaient de fa?on impressionnante au milieu des collines qui semblaient s’?tendre ? l’infini. Volis ?tait la construction la plus ?lev?e des environs, certains de ses b?timents faisaient quatre ?tages et ils ?taient prot?g?s par diverses rang?es de remparts impressionnants. De l’autre c?t?, une tour circulaire compl?tait l’ensemble, une chapelle pour les gens du peuple mais pour elle il s’agissait avant tout d’un endroit o? grimper, un bon point d’observation sur la campagne alentour et o? elle savait qu’elle pouvait ?tre tranquille. Le complexe de pierre ?tait encercl? par des douves et reli? ? la route principale par un pont de pierre. Tout autour des digues, monticules, foss?s et murs rendaient cet endroit encore plus impressionnant, ? la hauteur de ce qu’un des meilleurs guerriers du Roi – son p?re – pouvait esp?rer. Dernier bastion avant Les Flammes, Volis se trouvait ? quelques jours de chevauch?e d’Andros, la capitale d’Escalon et nombres d’anciens guerriers c?l?bres du Roi y avaient ?lu r?sidence. C’?tait ?galement devenu un point de rep?re, des centaines de villageois et de fermiers vivant dans ou en dehors des murs ?taient venus y chercher une certaine protection. Kyra baissa les yeux sur les dizaines de petites habitations en glaise log?es aux pieds des collines ? la p?riph?rie du fort. La fum?e s’?levait des chemin?es et les fermiers se h?taient de se pr?parer en vue de l’hiver prochain et des festivit?s pr?vues pour le soir-m?me. Kyra savait que le fait que les villageois se sentent suffisamment en s?curit? pour vivre en dehors des murs du fort (chose qui ne pouvait ?tre observ?e nulle part ailleurs dans Escalon) ?tait une grande marque de respect envers la puissance de son p?re. Apr?s tout ils vivaient ? port?e de son du cor protecteur qui sonnerait instantan?ment le ralliement de tous les hommes de son p?re en cas de danger. Kyra regarda vers le pont levis qui ?tait toujours envahi par une foule de gens – fermiers, cordonniers, bouchers, forgerons et bien s?r guerriers – tous s’empressant d’aller et venir entre la campagne et le fort. Les gens non seulement vivaient et s’entra?naient ? l’int?rieur des murs, mais les nombreuses cours pav?es s’?taient transform?es en lieux d’?change pour les commer?ants. Tous les jours ils montaient leurs stands et vendaient leurs marchandises, faisaient du troc, exposaient les prises ou la chasse du jour ou des habits, ?pices ou confiseries troqu?s dans des contr?es situ?es de l’autre c?t? de la mer. Les petites cours du fort ?taient toujours emplies de senteurs exotiques, que ce soit un th? ?trange ou rago?t en train de mijoter et elle adorait s’y perdre des heures durant. Et juste au-del? des murs, un peu plus loin, son c?ur s’acc?l?ra ? la vue du terrain d’entra?nement circulaire des hommes de son p?re, la Porte du Combattant, et du petit mur de pierre l’entourant. Elle regarda avec enthousiasme ses hommes charger ? cheval en lignes organis?es, essayant d’atteindre les cibles – des boucliers suspendus ? des arbres. Elle avait terriblement envie de s’entra?ner avec eux. Kyra entendit soudain un cri, d’une voix qui lui ?tait tr?s famili?re et qui provenait de la porte d’acc?s principale. Tous les sens en alerte, elle se tourna vers le lieu d’o? provenaient les cris. La foule ?tait agit?e. En observant la sc?ne, elle vit son plus jeune fr?re Aidan ?merger de la foule et se diriger vers la route principale. Il ?tait accompagn? par leurs fr?res a?n?s, Brandon et Braxton. Kyra ?tait tendue. D’apr?s la d?tresse qu’elle percevait dans la voix de son petit fr?re, elle pouvait imm?diatement dire que les a?n?s n’avaient pas de bonnes intentions. Kyra plissa des yeux et les observa, sentant cette col?re famili?re monter en elle. Inconsciemment, ses mains serr?rent son arc de plus en plus fort. Aidan marchait entre ses deux fr?res. Ces derniers faisaient tous deux une t?te de plus que lui et l’avaient empoign? par le bras, le tra?nant sans m?nagement ? l’?cart du fort. Aidan ?tait un petit gar?on sensible et maigrelet d’une dizaine d’ann?es. Il avait l’air extr?mement vuln?rable ainsi entour? de ses deux fr?res, des brutes d?mesur?es de dix-sept et dix-huit ans. Ils avaient tous les m?mes caract?ristiques physiques, une m?choire prononc?e, des mentons fiers, des yeux marron et des cheveux ch?tain et boucl?s – Brandon et Braxton les portaient courts alors que ceux d’Aidan retombaient dans ses yeux de fa?on indisciplin?e. Ils se ressemblaient mais elle ne leur ressemblait pas, elle avec ses cheveux blonds clairs et ses yeux gris p?le. V?tue d’un pantalon en tissu, d’une tunique en coton et d’une cape, Kyra ?tait grande et mince, on lui disait souvent qu’elle ?tait trop p?le. Son front ?tait large et son nez petit, son visage retenait l’attention de plus d’un homme. Cela ?tait d’autant plus vrai ? pr?sent qu’elle avait quinze ans. Elle avait remarqu? l’int?r?t croissant que les hommes lui portaient. Cela la mettait mal ? l’aise, elle n’aimait pas attirer l’attention et elle ne se consid?rait pas comme belle. Elle ne faisait pas attention ? son apparence – seuls l’entra?nement, le courage et l’honneur lui importaient. Elle aurait pr?f?r? ressembler ? son p?re, ce qui ?tait le cas de ses fr?res, cet homme qu’elle admirait et qu’elle aimait profond?ment, plut?t que d’avoir ce visage d?licat. Il lui arrivait souvent de se regarder dans le miroir pour retrouver un peu de lui dans ses yeux, mais m?me en s’y effor?ant, elle n’arrivait pas ? trouver la moindre ressemblance. “J’ai dit, l?che-moi!” cria Aidan, sa voix portant jusqu’? elle. En entendant le cri de d?tresse de son petit fr?re, un gar?on qu’elle aimait plus que tout au monde, Kyra se redressa d’un coup, comme un lion cherchant ? prot?ger ses petits. L?o aussi se raidit, ses poils se h?riss?rent sur son dos. Leur m?re ?tait morte depuis bien longtemps et Kyra s’?tait toujours sentie responsable d’Aidan, de jouer le r?le de la m?re qu’il n’avait jamais eue. Brandon et Braxton le tra?n?rent rudement ? l’?cart du fort sur la route isol?e menant au bois et elle les vit lui donner une lance trop lourde ? manier pour sa taille. Aidan ?tait une cible facile pour eux. Brandon et Braxton cherchaient ? l’intimider. Ils ?taient forts et quelque part courageux aussi mais ils avaient plus d’audace que de vraies comp?tences et avaient tendance ? se retrouver dans des situations dont ils ne pouvaient pas se sortir seuls. Cela en ?tait exasp?rant. Kyra r?alisa ce qui ?tait en train de se passer: Brandon et Braxton cherchaient ? entra?ner Aidan dans une de leur partie de chasse. Elle remarqua les outres de vin qu’ils tenaient et se rendit compte qu’ils avaient bu. Cela la rendit folle de rage. Cela ne leur suffisait pas de tuer un animal sans raison, mais ? pr?sent ils avaient besoin d’entra?ner leur jeune fr?re avec eux en d?pit de ses protestations. L’instinct de Kyra fut le plus fort et elle sauta dans l’action, descendit de la montagne en courant pour les confronter, L?o courant ? ses c?t?s. “Tu es assez vieux maintenant,” disait Brandon ? Aidan. “Il est grand temps de devenir un homme,” dit Braxton. Descendant ? toute allure les collines herbeuses qu’elle connaissait par c?ur, Kyra les rejoignit rapidement. Elle s’?lan?a sur la route et se planta devant eux, leur bloquant le passage en haletant bruyamment avec L?o ? ses c?t?s. Ses fr?res furent clou?s sur place d’?tonnement. Le soulagement se lisait sur le visage d’Aidan “Es-tu perdue?” se moqua Braxton. “Tu es sur notre route,” dit Brandon. “Retourne jouer avec tes fl?ches et tes bouts de bois.” Les deux gar?ons se mirent ? rire en se moquant d’elle mais elle leur lan?a un regard noir et d?termin?. L?o ? ses c?t?s se mit ? grogner. “?loigne cette b?te de nous,” dit Braxton, en essayant de prendre une voix pleine de courage mais la peur s’entendait dans sa voix et sa main se resserra sur sa lance. “Et o? croyez-vous emmener Aidan?” demanda-t-elle sur un ton dur et les regardant droit dans les yeux sans ciller. Ils h?sit?rent un instant et leurs visages se durcirent. “Nous l’emmenons o? bon nous semble,” d?clara Brandon. “Il nous accompagne ? la chasse pour devenir un homme,” dit Braxton en insistant bien sur le dernier mot de sa phrase pour l’emb?ter. Mais elle ne releva pas l’allusion. “Il est trop jeune,” r?pondit-elle s?chement. Brandon la fusilla du regard. “Et pouvons-nous savoir qui a d?cid? de cela?” demanda-t-il narquois. “Moi-m?me.” “Es-tu sa m?re?” demanda Braxton. Kyra s’empourpra. Elle sentit la rage monter en elle, souhaitant plus que jamais que leur m?re puisse ?tre pr?sente. “Autant que tu es son p?re,” r?pondit-elle. Ils rest?rent ainsi dans un silence tendu et Kyra regarda Aidan qui lui rendit un regard terroris?. “Aidan,” lui demanda-t-elle, “en as-tu envie?” Honteux, Aidan baissa les yeux. Il resta ainsi, silencieux, ?vitant soigneusement de croiser son regard. Kyra savait qu’il avait trop peur de parler et ne voulait pas provoquer la col?re de ses fr?res a?n?s. “Et bien voil?,” dit Brandon. “Il n’a rien contre.” Kyra bouillonnait de frustration. Elle voulait qu’Aidan ose dire ce qu’il pensait mais elle ne pouvait pas le forcer ? parler. “Ce n’est pas raisonnable de votre part de l’entra?ner dans votre partie de chasse,” dit-elle. “Un orage se pr?pare. Il fera bient?t nuit et les bois sont plein de dangers. Si vous voulez vraiment lui apprendre ? chasser, emmenez-le une autre fois lorsqu’il sera en ?ge d’y aller.” Agac?s, ils lui jet?rent un regard de travers. “Et que connais-tu ? la chasse d’abord?” demanda Braxton. “Qu’as-tu chass? jusqu’? pr?sent ? part tes arbres?” “L’un d’entre eux t’a-t-il mordu r?cemment?” rajouta Brandon. Ils se mirent ? rire et Kyra se f?cha en se demandant quelle attitude adopter. Avec Aidan se refusant ? parler, elle ne pouvait gu?re faire plus. “Tu t’inqui?tes trop ma s?ur,” finit par dire Brandon. “Rien n’arrivera  ? Aidan en notre compagnie. Nous voulons l’endurcir un peu, pas le tuer. Crois-tu vraiment ?tre la seule ? se soucier de son bien?” “En plus P?re nous regarde,” dit Braxton. “Souhaites-tu le d?cevoir?” Kyra releva imm?diatement les yeux vers la tour et rep?ra leur p?re qui se tenait ? la fen?tre ouverte et qui les regardait. Elle ressentit une immense d?ception qu’il n’essaie pas d’intervenir pour arr?ter cela. Ils essay?rent de forcer le passage mais Kyra ne bougea pas, continuant ? leur bloquer la voie. L’espace d’un instant ils sembl?rent pr?ts ? la bousculer mais L?o s’interposa en grognant et ils se retinrent de tout mouvement violent. “Aidan, il n’est pas trop tard,” lui dit-elle. “Tu n’es pas oblig? de faire cela. Veux-tu rentrer au fort avec moi?” Elle le regarda et vit qu’il pleurait. Elle pouvait voir le supplice qu’il ?tait en train de vivre. Un long silence s’?tablit, que rien n’interrompit ? part le hurlement du vent et la neige qui continuait de tomber. Finalement il capitula. “Je veux aller chasser,” murmura-t-il d’une voix ? peine audible. Ses fr?res d?cid?rent brusquement de forcer le passage et la bouscul?rent d’un coup d’?paule en tra?nant Aidan ? leur suite. Tandis qu’ils se h?taient sur la route, Kyra se retourna pour les regarder avec une sensation de naus?e. Elle se retourna vers le fort et regarda en direction de la tour, mais son p?re avait d?j? disparu. Kyra regarda jusqu’? ce que ces trois fr?res soient hors de vue. La temp?te forcissait au-dessus du Bois des ?pines. Elle en avait l’estomac nou?. Elle eut l’id?e d’enlever Aidan pour le ramener mais elle ne voulait pas le mettre encore plus dans l’embarras. Elle savait qu’elle aurait d? laisser les choses ainsi mais elle ne pouvait s’y r?soudre. Quelque chose en elle s’y refusait. Elle avait un mauvais pressentiment, en particulier parce que c’?tait le soir de la Lune d’Hiver. Elle n’avait pas confiance en ses fr?res a?n?s. Elle savait bien qu’ils ne feraient pas de mal ? Aidan, mais ils ?taient irr?fl?chis et trop rustres. Et pire que tout, ils surestimaient leurs capacit?s. C’?tait une bien mauvaise combinaison. Kyra ne pouvait pas le supporter plus longtemps. Si son p?re n’?tait pas pr?t ? r?agir, alors elle le ferait. Elle ?tait suffisamment m?re ? pr?sent pour prendre des d?cisions par elle-m?me. L?o ? sa suite, Kyra se mit ? courir sur le sentier isol? en direction du Bois des ?pines. CHAPITRE DEUX Kyra p?n?tra dans le lugubre Bois des ?pines ? l’ouest du fort. Un bois tellement ?pais qu’on avait d? mal ? y voir. Elle marchait lentement avec L?o, la neige et la glace craquant ? chacun de leurs pas. Elle releva les yeux. Elle se sentait oppress?e par les arbres ?pineux qui s’?tendaient ? l’infini. C’?taient de vieux arbres noirs avec des branches noueuses qui ressemblaient ? de grosses ?pines et qui avaient d’?paisses feuilles noires. Cet endroit semblait maudit, rien de bon ne pouvait en sortir. Les hommes de son p?re partis ? la chasse en ?taient revenus bless?s et plus d’une fois des trolls ?chapp?s des Flammes y avaient trouv? refuge et s’en ?taient servi comme embuscade pour attaquer des villageois. D?s qu’elle mit un pied dans le bois, un frisson la parcourut. Le bois ?tait sombre et froid, l’air y ?tait plus humide et la forte odeur des arbres ?pineux emplissait l’air, rappelant celle de la terre pourrissante. Les arbres massifs emp?chaient la faible lueur du jour de p?n?trer. Sur ses gardes, Kyra ?tait en col?re contre ses fr?res. Tout le monde savait qu’il ?tait dangereux de s’aventurer en ces lieux sans ?tre escort? de quelques guerriers, en particulier ? l’approche du cr?puscule. Elle sursautait ? chaque bruit. Elle entendit le cri lointain d’un animal, elle tressaillit et se tourna dans la direction d’o? provenait le cri. Mais les bois ?taient ?pais et elle ne put rien distinguer. L?o quant ? lui se mit ? grogner et s’?lan?a soudainement dans cette direction. “L?o!” hurla-t-elle. Mais il avait d?j? disparu. Contrari?e, elle poussa un long soupir, c’?tait toujours lui qui d?cidait du d?roulement des ?v?nements d?s qu’un autre animal croisait son chemin. Elle savait bien qu’il finirait par revenir. D?sormais seule, Kyra continua sa progression dans le bois qui devenait de plus en plus sombre. Elle avait du mal ? suivre la piste de ses fr?res mais elle entendit soudain des rires au loin. Elle essaya de se concentrer sur l’origine du bruit et d?passa un bosquet d’arbres serr?s. Ses fr?res se trouvaient un peu plus loin. Kyra recula pour conserver une bonne distance afin de ne pas ?tre rep?r?e. Elle savait qu’Aidan serait embarrass? de la voir et lui demanderait de partir. Elle avait d?cid? de rester dans l’ombre et de les ?pier pour s’assurer qu’ils n’aient pas de probl?mes. Il valait mieux ?viter de mettre Aidan mal ? l’aise, lui donner l’impression d’?tre un homme. Une brindille craqua sous ses pas et Kyra plongea pour se cacher en esp?rant que le bruit n’aurait pas r?v?l? sa pr?sence. Mais ses fr?res a?n?s ?taient tellement ivres qu’ils n’avaient aucune id?e de sa pr?sence et continuaient d’avancer rapidement ? une trentaine de m?tres d’elle. Le bruit fut ?touff? par leurs propres rires. Le langage corporel d’Aidan r?v?lait ? quel point il ?tait tendu, comme s’il ?tait sur le point de pleurer. Il s’accrochait d?sesp?r?ment ? sa lance, comme pour se prouver ? lui-m?me qu’il ?tait un homme, mais cela n’avait rien de naturel car la lance ?tait bien trop grande et trop lourde pour lui. “Ram?ne-toi!” lan?a Braxton en se tournant vers Aidan qui se trouvait ? quelques m?tres derri?re lui. “De quoi as-tu peur?” lui dit Brandon. “Je n’ai pas peur—” insista Aidan. “Silence!” dit soudain Brandon en s’arr?tant net et en mettant sa paume sur la poitrine d’Aidan, avec pour la premi?re fois une expression s?rieuse sur le visage. Braxton s’arr?ta ?galement. Ils ?taient tous aux aguets. Kyra resta cach?e derri?re un arbre ? observer la sc?ne. Ils se trouvaient au bord d’une clairi?re et regardaient droit devant eux comme s’ils avaient vu quelque chose. Elle rampa vers la clairi?re, sur ses gardes, afin d’avoir une meilleure vue. Se faufilant entre deux gros arbres, elle fut surprise de d?couvrir ce qui avait captur? leur attention. L?, seul au milieu de la clairi?re, un sanglier ?tait occup? ? d?terrer des glands. Ce sanglier n’?tait pas de taille ordinaire, il ?tait monstrueux. C’est un sanglier ? Corne Noire, le plus gros qu’elle ait vu jusqu’? ce jour, avec de longues d?fenses blanches et recourb?es et trois cornes noires ac?r?es: l’une au niveau du groin et les deux autres situ?es plus haut sur la t?te. Il faisait quasiment la taille d’un ours. Cette cr?ature peu courante ?tait r?put?e pour sa m?chancet? et sa rapidit?. Les gens avaient peur de cet animal qu’aucun chasseur n’avait envie de trouver sur son chemin. Cela annon?ait des ennuis. Kyra eut les poils qui se h?riss?rent et souhaita que L?o soit l?. Mais en m?me temps il valait mieux qu’il ne soit pas dans les parages car il se serait sans aucun doute jet? sur la b?te et Kyra n’avait aucune id?e de l’issue qu’une telle confrontation aurait pu avoir. Kyra continua de s’avancer en faisant lentement glisser son arc de son ?paule tout en cherchant instinctivement ? attraper une fl?che. Elle essaya de calculer la distance s?parant le sanglier des gar?ons en se disant qu’ils ?taient bien trop proches. Il y avait trop d’arbres pour qu’elle puisse ?tre s?re de toucher sa cible et avec un animal de cette taille, elle n’avait pas le droit ? l’erreur. Elle n’?tait pas certaine qu’une seule fl?che soit suffisante pour faire tomber un animal de cette taille. La peur se lisait sur les visages de ses fr?res que Brandon et Braxton essay?rent de camoufler par une fausse attitude courageuse qui ?tait probablement due ? leur exc?s de boisson. Ils lev?rent tous deux leurs lances et s’avanc?rent de quelques pas. Braxton voyant qu’Aidan restait clou? sur place fit demi-tour et attrapa le petit gar?on par l’?paule pour le forcer ? avancer. “Voici ta chance de devenir un homme,” d?clara Braxton. “Tue ce sanglier et les gens loueront tes prouesses pendant des g?n?rations.” “Si tu nous ram?nes sa t?te tu seras c?l?bre jusqu’? la fin de tes jours,” d?clara Brandon. “Je… J’ai peur,” murmura Aidan. Brandon et Braxton se mirent ? rire en se moquant de lui. “Peur?” dit Brandon. “Et que dirait P?re s’il t’entendait dire cela?” Alert?, le sanglier releva la t?te, d?couvrant ses yeux jaunes brillants. Il les regarda fixement, sa t?te se d?formant sous l’effet d’un grognement de col?re. Il ouvrit sa gueule et r?v?la ses crocs tout en bavant. Un grondement terrifiant monta depuis les profondeurs de ses entrailles. Depuis sa cachette, Kyra fut parcourue par un frisson de peur, n’osant imaginer la terreur qu’Aidan pouvait ressentir Kyra sortit pr?cipitamment de sa cachette en tenant compte du vent, d?termin?e ? intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Lorsqu’elle se trouva ? proximit? de ses fr?res, elle leur lan?a: “Laisse-le tranquille!” Sa voix tonna dans le silence et ses fr?res firent volte-face, clairement surpris de sa pr?sence. “Vous vous ?tes bien amus?s,” ajouta-t-elle. “?a suffit maintenant.” Aidan avait clairement l’air soulag? mais Brandon et Braxton la fusill?rent du regard. “Qu’en sais-tu?” lui r?pondit Brandon. “Arr?te d’emb?ter les vrais hommes.” Le grondement du sanglier s’intensifia et il commen?a ? s’avancer vers eux. ? la fois furieuse et inqui?te Kyra s’avan?a. “Si vous ?tes suffisamment insens?s pour provoquer cette b?te, libre ? vous,” dit-elle. “Mais Aidan va rentrer avec moi.” Brandon fron?a les sourcils. “Aidan va tr?s bien s’en tirer,” r?pliqua Brandon. “Il est sur le point d’apprendre ? se battre, n’est-ce pas Aidan?” Aidan garda le silence,  p?trifi? par la peur. Kyra ?tait sur le point de faire un pas suppl?mentaire pour attraper Aidan par le bras lorsqu’un bruissement se fit entendre dans la clairi?re. Elle vit le sanglier s’avancer lentement, un pas apr?s l’autre, d’un air mena?ant. “Il n’attaquera pas si on ne le provoque pas,” implora Kyra. “Laissez tomber.” Mais ses fr?res l’ignor?rent et se retourn?rent pour faire face ? l’animal tout en levant leurs lances. Ils s’avanc?rent dans la clairi?re comme s’ils cherchaient ? prouver ? quel point ils ?taient courageux. “Je vise la t?te,” dit Brandon. “Et moi la gorge,” ajouta Braxton. Le grondement s’intensifia et le sanglier ouvrit grand la gueule, bavant de plus en plus tout en continuant de s’avancer. “Retirez-vous!” hurla Kyra d?sesp?r?e. Ignorant son avertissement, Brandon et Braxton lev?rent leurs lances et les jet?rent simultan?ment. Le temps sembla s’arr?ter, Kyra vit les lances traverser les airs et elle se pr?para au pire. ? son grand d?sarroi, la lance de Brandon toucha l’oreille de l’animal qui se mit ? saigner – et le provoqua – tandis que celle de Braxton ratait mis?rablement sa cible de plusieurs m?tres. Pour la premi?re fois Brandon et Braxton montr?rent r?ellement leur peur. Debout, bouche-b?e, un air d’incr?dulit? sur le visage, les restants de leur ivresse firent instantan?ment place ? une pure terreur. Furieux, le sanglier baissa sa t?te, ?mit un son terrifiant et chargea soudainement. Kyra vit avec horreur l’animal fondre sur ses fr?res. Compte tenu de sa taille, c’?tait la chose la plus rapide qu’elle ait jamais vue, traversant les herbes hautes comme un cerf. Brandon et Braxton prirent leurs jambes ? leurs cous ? son approche et s’enfuirent dans des directions oppos?es. Aidan se retrouva seul, clou? sur place de terreur. La bouche grande ouverte, sa lance lui glissa des mains et tomba ? terre. Kyra savait que de toute fa?on il ?tait incapable de se d?fendre. M?me un homme adulte n’en aurait pas ?t? capable. Comme s’il en ?tait conscient, le sanglier prit Aidan pour cible. Leu c?ur battant, Kyra passa ? l’action en sachant qu’elle n’avait pas le droit ? l’erreur. Sans m?me r?fl?chir, elle s’?lan?a et sauta entre les arbres en tenant son arc devant elle pr?te ? tirer. Elle n’aurait le droit qu’? une fl?che et il fallait que ce soit un tir parfait. Dans son ?tat de panique, cela aurait d?j? ?t? un tir difficile ? r?ussir m?me si le sanglier n’avait pas boug?. Pour que tous deux s’en sortent, il fallait absolument que ce soit un tir parfait. “AIDAN, BAISSE-TOI!” cria-t-elle. Au d?but, il ne r?agit pas. Aidan ?tait en plein sur sa trajectoire et l’emp?chait de tirer. Brandissant son arc tout en courant, elle r?alisa que si Aidan ne bougeait pas, elle n’aurait m?me pas l’occasion de tirer. Tr?buchant sur une branche, les pieds glissant sur la neige et la terre d?tremp?e, elle crut l’espace d’un instant qu’ils ne s’en sortiraient pas. “AIDAN!” hurla-t-elle de nouveau d?sesp?r?e. Puis comme par miracle il r?agit et s’aplatit au sol au dernier moment, lib?rant ainsi une fen?tre de tir pour Kyra. Le sanglier rectifia sa trajectoire pour atteindre Aidan et Kyra eut l’impression que le temps ralentit. Elle eut la sensation d’entrer dans une dimension parall?le, elle sentit monter en elle quelque chose qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant et qu’elle ne comprit pas vraiment. Le monde se r?tr?cit et tout lui parut tr?s clair. Elle entendit distinctement le bruit des battements de son propre c?ur, le bruissement des feuilles et le cri d’un corbeau haut dans le ciel. Elle eut l’impression d’?tre en ad?quation totale avec l’univers, comme si elle p?n?trait dans un monde o? elle ne formait qu’un avec les forces de l’univers. Kyra sentit ses paumes picoter d’une ?nergie inconnue, ? la fois chaude et piquante, comme si une influence ?trang?re s’emparait de tout son ?tre. Comme si l’espace d’un instant elle ?tait devenue plus grande et bien plus puissante. Kyra ?tait dans un ?tat secondaire, incapable de r?fl?chir, elle s’en remettait enti?rement ? ses instincts et ? ce nouveau flux d’?nergie qui l’envahissait. Fermement plant?e sur ses pieds, elle brandit son arc, pla?a une fl?che et la laissa filer. ? la seconde o? elle tira, elle sut qu’il s’agissait d’un tir tr?s sp?cial. Elle n’eut pas besoin de regarder la fl?che pour savoir qu’elle allait se planter exactement l? o? elle avait vis?: dans l’?il droit de l’animal. Son tir fut tellement puissant que la fl?che se planta d’une profondeur de trente centim?tres avant de s’arr?ter. L’animal grogna, ses pattes cess?rent de bouger et il tomba la t?te la premi?re dans la neige. Il finit sa course en glissant sur le sol de la clairi?re avec des soubresauts, toujours en vie, jusqu’? atteindre Aidan. La b?te s’immobilisa ? trente centim?tres d’Aidan, tellement pr?s qu’ils se touchaient presque. Immobilis?e au sol, la b?te ?tait parcourue de spasmes et Kyra ayant d?j? mis une nouvelle fl?che en place, s’avan?a et se tint au-dessus du sanglier avant de lui d?cocher une ultime fl?che ? l’arri?re de la t?te. La b?te cessa enfin de bouger. Le c?ur battant, Kyra se tenait debout dans la clairi?re silencieuse, les paumes cessant progressivement de picoter, l’?nergie de dissipant lentement et s’interrogeant sur ce qui venait de se passer. Venait-elle vraiment de r?ussir ce tir? Ses pens?es se tourn?rent directement vers Aidan. Ce dernier se retourna et la regarda comme si elle ?tait sa m?re, ses yeux encore emplis de terreur mais sain et sauf. Elle ressentit une vague de soulagement en r?alisant qu’il n’avait rien. En se retournant, Kyra vit ses deux autres fr?res encore dans la clairi?re, la regardant en ?tat de choc et ?merveill?s ? la fois. Mais leurs regards r?v?laient autre chose, une chose qui la mit mal ? l’aise: de la suspicion. Comme si elle ?tait diff?rente d’eux. Diff?rente. Kyra avait d?j? vu ce regard auparavant, en de rares occasions il est vrai mais suffisamment de fois pour qu’elle en vienne elle aussi ? se poser des questions sur elle-m?me. Elle se retourna et regarda l’?norme b?te morte monstrueuse qui gisait raide ? ses pieds. Elle se demanda comment en effet une fille de quinze ans avait pu faire cela. C’?tait au-del? des capacit?s normales d’une personne de son ?ge. Ce ne pouvait pas ?tre un simple coup de chance. Elle s’?tait toujours sentie diff?rente des autres. Elle se retrouvait l?, abasourdie, incapable de bouger. Elle savait que ce n’?tait pas la rencontre avec la b?te qui l’avait ?branl?e aujourd’hui mais plut?t la fa?on dont ses fr?res l’avaient regard?e. Et elle ne pouvait pas s’emp?cher de retourner pour la millioni?me fois dans sa t?te la question dont elle avait toujours eu peur de conna?tre la r?ponse: Qui ?tait-elle? CHAPITRE TROIS Kyra suivait ses fr?res qui remontaient la route les menant au fort, en les regardant peiner sous le poids du sanglier. Aidan ? ses c?t?s et L?o sur les talons qui ?tait finalement revenu de sa partie de chasse. Brandon et Braxton avaient du mal ? transporter la b?te morte qu’ils avaient suspendue ? leurs lances qu’ils portaient sur leurs ?paules. Leur humeur sombre avait radicalement chang?e depuis qu’ils ?taient sortis du bois et qu’ils avaient retrouv? l’air libre, surtout maintenant que le fort de leur p?re ?tait en vue. ? chaque pas Brandon et Braxton retrouvaient confiance en eux et avaient presque retrouv? leurs personnalit?s arrogantes au point qu’ils riaient de nouveau, se chahutant l’un l’autre tout en se vantant au sujet de leur prise. “C’est ma lance qui l’a bless? en premier,” affirma Brandon ? Braxton. “Mais,” r?pliqua Braxton, “c’est  ma lance qui l’a incit? ? se diriger vers la fl?che de Kyra.” Kyra ?tait rouge de col?re en ?coutant leurs mensonges. Ses imb?ciles de fr?res arrivaient ? se convaincre eux-m?mes de leurs propres mensonges au point qu’ils semblaient r?ellement y croire. Elle les imaginait tr?s bien en train de se vanter dans la grande salle de leur p?re, en train de dire ? tout le monde qu’il s’agissait de leur troph?e. C’?tait ahurissant. Elle n’avait pas envie de se rabaisser ? les reprendre. Elle croyait fermement ? la justice de la vie et elle savait que la v?rit? finissait toujours par ?clater. “Vous ?tes des menteurs,” dit Aidan en marchant ? ses c?t?s, visiblement encore sous le choc des ?v?nements. “Vous savez tr?s bien que c’est Kyra qui a tu? le sanglier.” Brandon lui lan?a un regard moqueur par-dessus l’?paule, comme si Aidan n’?tait qu’un vulgaire insecte. “Comment pourrais-tu le savoir?” demanda-t-il ? Aidan. “Tu ?tais trop occup? ? te faire pipi dessus.” Ils se mirent tous deux ? rire comme si chacun de leur pas donnait plus de poids ? leur histoire. “Et vous ne vous ?tes pas enfuis sous le coup de la peur?” demanda Kyra, prenant la d?fense d’Aidan, incapable de supporter cette situation une minute de plus. Ils ne surent que r?pondre. Kyra aurait vraiment pu les humilier si elle l’avait voulu, mais elle n’avait m?me pas besoin d’hausser la voix. Elle continua de marcher joyeusement, contente de sa r?partie et du fait qu’elle avait sauv? la vie de son fr?re. C’?tait suffisamment satisfaisant pour elle. Kyra sentit une petite main se poser sur son ?paule et elle se retourna pour d?couvrir un Aidan souriant et cherchant ? la r?conforter, reconnaissant d’?tre en vie et en un seul morceau. Kyra se demanda si ses fr?res a?n?s ?taient capables d’appr?cier ce qu’elle avait fait pour eux car apr?s tout, si elle n’avait pas agi comme elle l’avait fait, ils seraient morts ? l’heure qu’il est. Kyra regarda le sanglier rebondir ? chacun de leur pas et elle grima?a. Elle aurait souhait? que ses fr?res le laissent reposer en paix dans la clairi?re, l? o? ?tait sa place. C’?tait un animal maudit, il n’appartenait pas ? Volis et n’avait rien ? faire ici. C’?tait un mauvais pr?sage de le ramener du Bois des ?pines, en particulier le soir de la Lune d’Hiver. Elle se souvenait d’un vieil adage qu’elle avait lu: ne te vante pas apr?s ?tre pass? pr?s de la mort. Elle avait l’impression que ses fr?res cherchaient ? tenter le destin en ramenant les t?n?bres chez eux. Elle ne pouvait s’emp?cher de penser que cela faisait office de mauvaises choses ? venir. Arrivant au sommet d’une colline, la forteresse et une vue imprenable des alentours s’offrirent ? eux. Malgr? les rafales de vent et l’accumulation de neige, Kyra se sentait immens?ment soulag?e d’?tre rentr?e. De la fum?e s’?levait des chemin?es parsemant la campagne et le fort de son p?re ?mettait une douce lueur accueillante, tout ?clair? de feux combattant la tomb?e de la nuit. ? l’approche du pont, la route devint plus large et en meilleur ?tat. Ils acc?l?r?rent le pas et se h?t?rent sur le dernier tron?on. La route ?tait encombr?e de personnes impatientes ? l’id?e du festival qui se pr?parait et ce, malgr? le mauvais temps et la nuit tombante. Kyra n’?tait pas surprise. Le festival de la Lune d’Hiver ?tait l’un des ?v?nements les plus importants de l’ann?e et tout le monde s’affairait aux pr?paratifs. Une foule de personnes se pressait sur le pont-levis, tous press?s de se procurer leur marchandise aupr?s des vendeurs, de rejoindre les festivit?s, tandis qu’un nombre ?quivalent de personnes cherchaient ? sortir par les portes, impatients de retrouver leur foyer pour c?l?brer en famille. Des chariots tir?s par des b?ufs et transportant des marchandises circulaient dans les deux directions tandis que des ma?ons frappaient et s’affairaient ? ?lever un nouveau mur pour prot?ger le fort, le son de leur marteaux retentissant dans les airs et venant s’ajouter au vacarme du b?tail et des chiens. Kyra s’?tait toujours demand?e comment ils arrivaient ? travailler par ce temps et ?vitaient que leurs mains ne s’engourdissent. Tout en traversant le pont et se m?lant ? la masse, Kyra releva les yeux et son estomac se noua lorsqu’elle vit que des Hommes du Seigneur se tenaient pr?s de la porte, des soldats du Seigneur Gouverneur Local mandat?s par Pand?sia et portant leurs armures ?carlate distinctive en c?tes de mailles. Comme la plupart des gens de son peuple, elle fut indign?e de les voir ainsi. La pr?sence des Hommes du Seigneur ?tait outrageante et encore plus en ce soir de la Lune d’Hiver car ils ne cherchaient rien d’autre qu’? pr?lever ce qu’ils pouvaient sur les gens de son peuple. Pour elle, ce n’?taient que des charognards, des tyrans et des charognards ? la botte d’inf?mes aristocrates qui s’?taient octroy? le pouvoir depuis l’invasion pand?sienne. La faiblesse de leur vieux Roi ?tait ? bl?mer. Il leur avait c?d? ? tous mais cela n’avait amen? rien de positif ? son peuple. Aujourd’hui, leur plus grande honte ?tait que le peuple devait se soumettre ? ces hommes. Cette situation faisait enrager Kyra. Son p?re, ses grands guerriers ainsi que tout le peuple n’?taient rien de plus que des serfs. Elle souhaitait d?sesp?r?ment qu’ils se rebellent, qu’ils se battent pour leur libert?, qu’ils se lancent dans cette guerre tant redout?e par leur vieux Roi. Elle savait ?galement que s’ils se rebellaient maintenant ils subiraient les foudres de l’arm?e pand?sienne. Peut-?tre auraient-ils pu leur r?sister s’ils ne s’?taient pas laiss?s envahir mais ? pr?sent qu’ils ?taient parmi eux, ils n’avaient que peu d’alternatives. Ils atteignirent le pont et se m?l?rent ? la foule. Les gens s’arr?taient sur leur passage, les regardant et montrant le sanglier du doigt. Kyra ressentit une certaine satisfaction en voyant ses fr?res peiner sous le poids de leur fardeau, soufflant et haletant. Ils continu?rent d’avancer, les t?tes se retournaient sur leur passage, les gens s’?cartaient. Les gens du peuple aussi bien que les guerriers, tous ?taient impressionn?s par la b?te massive. Elle remarqua ?galement quelques regards superstitieux, un certain nombre de personnes se demandant comme elle si cela n’?tait pas un mauvais pr?sage. Cependant, tous les yeux regardaient ses fr?res avec fiert?. “Une belle prise pour le festival!” lan?a un fermier menant son b?uf dans les rues parmi la foule. Brandon et Braxton rayonnaient de fiert?. “Cela devrait nourrir la moiti? de la cour de ton p?re!” avan?a un boucher. “Comment avez-vous fait cela?” demanda un ?cuyer. Les deux fr?res se regard?rent et Brandon finit par sourire ? l’homme. “Un beau tir sans peur aucune,” r?pondit-il avec audace. “Si vous ne vous aventurez pas dans les bois,” rajouta Braxton, “vous ne savez pas ce que vous y trouverez.” Quelques hommes applaudirent et leur donn?rent des tapes dans le dos. Kyra prit sur elle pour ne rien dire. Elle n’avait pas besoin de la reconnaissance de ces gens. Elle savait ce qu’elle avait fait. “Ils n’ont pas tu? le sanglier!” l?cha Aidan indign?. “Toi, ferme-la,” siffla Brandon en se retournant. “Recommence et je leur dirai ? tous que tu t’es fais pipi dessus lorsqu’il a charg?.” “Mais ce n’est pas vrai!” protesta Aidan. “Et tu esp?res qu’ils vont te croire?” ajouta Braxton. Brandon et Braxton se mirent ? rire. Aidan regarda Kyra comme s’il cherchait un indice sur ce qu’il devait faire. Elle secoua la t?te. “Ne gaspille pas tes efforts,” lui dit-elle. “La v?rit? triomphe toujours.” La foule devint plus dense alors qu’ils traversaient le pont. Ils se retrouv?rent bient?t ?paule contre ?paule avec les autres personnes tandis qu’ils traversaient le pont. Kyra pouvait sentir l’excitation dans l’air alors que la nuit tombait, que les torches s’allumaient progressivement et que la neige tombait de fa?on plus intense. Elle releva les yeux et comme d’habitude son c?ur s’acc?l?ra ? la vue de l’imposante porte de pierre en forme d’arche du fort qui ?tait gard?e par une dizaine d’hommes de son p?re. Tout en haut se trouvait une herse relev?e avec des pics en fer aiguis?s et renforc?e par de solides barres suffisamment r?sistantes pour d?tourner n’importe quel ennemi, pr?te ? ?tre referm?e au premier coup de cor. La porte faisait dix m?tres de haut et elle ?tait surmont?e d’une large plateforme qui faisait tout le tour du fort et sur laquelle des remparts ?taient ?rig?s, r?guli?rement interrompus par des points d’observation d’o? des yeux vigilants guettaient en permanence les alentours. Kyra avait toujours su que Volis ?tait une belle forteresse et elle ?tait fi?re d’y habiter. Elle ?tait encore plus fi?re des hommes qui l’habitaient, les hommes de son p?re. La grande majorit? d’entre eux faisant partie des meilleurs guerriers d’Escalon qui se regroupaient progressivement ? Volis apr?s avoir ?t? dispers?s depuis la reddition de leur Roi, attir?s comme des aimants autour de son p?re. Plus d’une fois elle avait press? son p?re de se d?clarer comme le nouveau Roi, ce que tous les gens du peuple souhaitaient. Mais ? chaque fois il se contentait de secouer la t?te en disant que ce n’?tait pas sa fa?on de faire les choses. Alors qu’ils approchaient de la porte, une dizaine d’hommes de son p?re jaillirent par la porte ? dos de cheval, la foule s’?carta de part et d’autre pour leur laisser la voie libre jusqu’au terrain d’entra?nement situ? en dehors des murs du fort et d?marqu? par un large talus circulaire au milieu des champs, entour? d’un mur de pierre assez bas. Le c?ur battant, Kyra se retourna sur leur passage et les regarda passer. Le terrain d’entra?nement ?tait son lieu pr?f?r?. Elle aimait s’y rendre et les regarder s’exercer pendant des heures, d?taillant chacun de leurs mouvements, leur fa?on de monter leurs chevaux, leur mani?re de d?gainer leurs ?p?es, de brandir leurs lances et de manier leurs fl?aux d’arme. Ces hommes chevauchaient pour aller s’entra?ner malgr? l’obscurit? naissante et le fait que ce soit un jour de f?te. Ils voulaient s’entra?ner, devenir les meilleurs car ils pr?f?raient ?tre sur un champ de bataille plut?t que de se retrouver ? festoyer bien au chaud ? l’int?rieur comme elle. Elle savait que ces hommes ?taient les plus vaillants de son peuple. Un autre groupe d’hommes de son p?re sortit du fort ? pieds. Alors que Kyra et ses fr?res approchaient de la porte, ils s’?cart?rent de m?me que la foule pour laisser ? Brandon et Braxton suffisamment de place pour circuler avec le sanglier. Ils siffl?rent d’admiration et s’attroup?rent. Tous ?taient d’imposants hommes ? la musculature d?velopp?e, d?passant d’une t?te ses fr?res qui n’?taient pourtant pas petits, la plupart d’entre eux arboraient une barbe poivre et sel. Ils avaient dans les trente-quarante ans et avaient surv?cu ? de nombreuses batailles, avaient ?t? au service du vieux Roi et subissaient actuellement l’affront de sa reddition. Ces hommes ne s’?taient eux-m?mes jamais rendus. Ces hommes avaient tout vu et rien ne pouvait plus les impressionner ? part peut-?tre ce sanglier. “Vous avez tu? cet animal vous-m?me n’est-ce pas?” demanda l’un d’entre eux ? Brandon, en s’approchant pour l’examiner. La foule s’amassant autour d’eux, Brandon et Braxton finirent par s’arr?ter, profitant des ?loges et de l’admiration que ces grands hommes leur t?moignaient et essayant de ne pas montrer ? quel point ils avaient du mal ? reprendre leur souffle. “En effet!” proclama fi?rement Braxton d’une voix forte. “Un sanglier ? Corne Noire,” s’exclama un autre guerrier en s’approchant et en laissant courir sa main sur le dos de l’animal. “Je n’en ai plus vu depuis tout gamin. J’avais aid? ? l’abattre mais nous ?tions tout un groupe d’hommes et deux d’entre nous y avaient laiss? des doigts.” “Et bien nous, nous sommes entiers,” s’exclama fi?rement Braxton. “Une simple lance, droit dans la t?te.” Kyra bouillonnait int?rieurement en voyant tous ces hommes rirent d’admiration devant le troph?e. Anvin, leur chef, s’approcha et ?tudia leur prise avec attention. Les hommes s’?cart?rent en signe de respect. Anvin ?tait le commandant au service de son p?re et le pr?f?r? de Kyra. Il ne r?pondait qu’aux ordres de son p?re et ?tait ? la t?te de ces excellents guerriers. Pour Kyra, Anvin ?tait comme un second p?re et elle le connaissait depuis toute petite. Il l’aimait profond?ment et veillait sur elle. Et ce qui la touchait par-dessus tout ?tait qu’il prenait toujours du temps pour s’occuper d’elle, lui montrer les techniques d’entra?nement et de maniement des armes qu’aucun autre n’aurait pris le temps de lui montrer. ? plus d’une occasion il l’avait laiss?e s’entra?ner avec les hommes et elle avait savour? chacun de ces instants. Il ?tait le plus fort d’entre eux et pourtant c’?tait lui le plus gentil – mais seulement avec les personnes qu’il appr?ciait. Pour les autres, mieux valait ?viter de croiser son chemin. Anvin ne supportait pas les mensonges. C’?tait le genre d’hommes qui mettait un point d’honneur ? r?v?ler la v?rit? de chaque situation. Il avait l’?il pour les d?tails et Kyra le vit observer ses deux trous de fl?ches avec un tr?s grand int?r?t. Si quelqu’un devait d?couvrir la v?rit?, ce ne pouvait ?tre que lui. Anvin examina les deux blessures, s’arr?ta sur les deux petites t?tes de fl?ches encore log?es ? l’int?rieur, les fragments de bois qui ?taient rest?s ? l’int?rieur apr?s que ses fr?res aient cass? ses fl?ches. Ils avaient fait en sorte de les casser aussi pr?s que possible de la t?te de la fl?che pour que les gens ne puissent pas se rendre compte de ce qui avait abattu l’animal. Mais Anvin n’?tait pas comme tout le monde. Kyra le regarda ?tudier les blessures, le vit plisser des yeux et sut qu’il avait d?couvert la v?rit? au premier coup d’?il. Il ?ta son gant, mit ses doigts dans l’?il de la b?te et il r?ussit ? en extraire une pointe de fl?che. Il la tint devant ses yeux encore toute d?goulinante de sang, puis se tourna lentement vers ses fr?res avec un regard sceptique. “Une lance, vraiment?” demanda-t-il d’un ton d?sapprobateur. Un silence tendu s’installa et Brandon et Braxton commenc?rent ? avoir l’air nerveux. Ils pi?tinaient sur place. Anvin se tourna vers Kyra. “Ou bien une t?te de fl?che,” ajouta-t-il. Kyra pouvait voir qu’il r?fl?chissait et tirait ses propres conclusions de son enqu?te. Anvin s’approcha de Kyra, retira une fl?che de son carquois et la compara ? la t?te de fl?che. Tout le monde put se rendre compte que la correspondance ?tait parfaite. Il lan?a un regard empli de fiert? ? Kyra et cette derni?re sentit tous les regards se porter vers elle. “C’?tait ton tir, n’est-ce pas?” lui demanda-t-il. Mais c’?tait plus une affirmation qu’une question. Elle approuva d’un mouvement de t?te. “Oui,” r?pondit-elle avec humilit?, reconnaissante qu’Anvin ait r?tabli la v?rit? et se sentant enfin veng?e. “Et c’est le tir qui a abattu l’animal,” dit-il en guise de conclusion. C’?tait une observation, pas une question qu’il fit ? voix haute tout en continuant d’observer le sanglier. “Je ne vois aucune autre blessure ? part ces deux-l?,” ajouta-t-il en faisant courir sa main sur l’animal et marquant une pause au niveau de l’oreille. Il examina cette derni?re et se retourna vers les gar?ons. “? moins de consid?rer cette ?gratignure inflig?e par une lance comme une blessure.” Il releva l’oreille du sanglier et Brandon et Braxton rougirent tandis que le groupe de guerriers riait ? gorge d?ploy?e. Un autre guerrier de son p?re s’avan?a, Vidar, un ami proche d’Anvin. Plus mince et moins grand que les autres, il devait avoir dans les trente ans. Il avait un visage d?charn? et une cicatrice lui barrait le nez. De petite carrure, il ne payait pas de mine mais Kyra connaissait sa r?putation. Vidar ?tait r?sistant comme un roc et ?tait r?put? pour les combats au corps-?-corps. C’?tait l’un des hommes les plus forts que Kyra connaissait, capable de mettre ? terre un homme de deux fois plus grands que lui. ? cause de sa taille, de nombreux hommes avaient fait l’erreur de le provoquer et avaient fait les frais de leur erreur. Il avait ?galement pris Kyra sous son aile et se montrait toujours tr?s protecteur envers elle. “On dirait que les gar?ons ont rat? leur coup,” conclu Vidar, “et que la fille les a sauv?s. Qui vous a appris ? viser?” Brandon et Braxton ?taient de plus en plus nerveux. ? l’?vidence ils ?taient pris en flagrant d?lit de mensonge et ne savaient plus quoi dire. “C’est une chose grave que de mentir au sujet d’un troph?e,” dit sombrement Anvin en se tournant vers ses fr?res. “Cela suffit. Votre p?re voudra que vous lui disiez la v?rit?.” Brandon et Braxton rest?rent ainsi, clairement mal ? l’aise, ? se regarder l’un l’autre pour trouver quelque chose ? r?pondre. Aussi loin qu’elle se souvienne, c’?tait la premi?re fois qu’elle les voyait rester sans voix. Alors qu’ils ?taient sur le point de parler, une voix ?trang?re s’?leva de la foule. “Cela n’a pas d’importance de savoir qui l’a tu?,” dit la voix. “Il est ? nous ? pr?sent.” Tous se retourn?rent, surpris par cette voix inconnue et rude. Son estomac se noua ? la vue d’un groupe d’Hommes du Seigneur qui s’avan?aient au travers de la foule dans leurs armures ?carlates facilement identifiables, les villageois se h?taient se s’?carter sur leur passage. Ils s’approch?rent du sanglier en le regardant avec convoitise et Kyra compris qu’ils voulaient ce troph?e non pas parce qu’ils en avaient besoin mais parce que c’?tait une nouvelle fa?on d’humilier son peuple, de leur ?ter cette petite fiert?. L?o se mit ? grogner ? ses c?t?s et elle mit une main rassurante sur son cou tout en le retenant. “Au nom du Seigneur Gouverneur,” dit l’Homme du Seigneur, un soldat corpulent avec un front tombant, d’?pais sourcils, un gros ventre et un visage d’imb?cile “nous confisquons ce sanglier. Il vous remercie d’avance pour ce pr?sent que vous lui faites en cette p?riode de festivit?s.” Il fit signe ? ses hommes de s’approcher du sanglier pour s’en emparer. Mais Anvin et Vidar s’interpos?rent vivement, leur bloquant le passage. Un silence stup?fait se fit. Personne n’avait jamais os? confronter les Hommes du Seigneur. C’?tait une r?gle implicite. Personne n’avait envie de susciter les foudres de Pand?sia. “Il me semble que personne ne vous a fait de cadeau,” dit-il d’une voix glaciale, “ni ? vous, ni ? votre Seigneur Gouverneur.” La foule grossissait de plus en plus, des centaines de villageois s’?taient r?unis pour observer la sc?ne qui ne pouvait mener qu’? une confrontation. En parall?le, certains d’entre eux s’?cartaient pour laisser de l’espace aux deux hommes. La tension ?tait palpable. Kyra sentit son c?ur s’acc?l?rer. Inconsciemment, sa poigne se referma sur son arc. Elle sentait que la situation allait d?g?n?rer. Bien qu’elle souhait?t d?sesp?r?ment un combat et la libert?, elle savait ?galement que son peuple ne pouvait pas se permettre de subir le courroux du Seigneur Gouverneur. M?me si par miracle ils arrivaient ? les battre, l’Empire Pand?sien tout entier les soutenait. Ils pouvaient envoyer des divisions d’hommes aussi grandes que la mer. En m?me temps, Kyra ?tait fi?re qu’Anvin ose s’interposer. Quelqu’un avait enfin fini par le faire. Hostile, le soldat le regarda de haut. “Oses-tu d?fier le Seigneur Gouverneur?” demanda-t-il. Anvin ne bougea pas. “Ce sanglier nous appartient et personne ne vous l’a donn?,” dit Anvin. “Il ?tait ? vous,” le corrigea le soldat, “et ? pr?sent il nous appartient.” Il se retourna vers ses hommes. “Saisissez-vous du sanglier,” ordonna-t-il. Les Hommes du Seigneur s’approch?rent mais une dizaine d’hommes de son p?re s’avanc?rent, venant en renfort ? Anvin et Vidar et bloquant le passage des Hommes du Seigneur, la main sur leurs armes. La tension devint si forte que Kyra serra son arc jusqu’? en faire blanchir les articulations de ses doigts. Elle se sentait tr?s mal car elle avait l’impression d’?tre responsable de cette situation car c’?tait elle qui avait abattu le sanglier. Elle pressentait que quelque chose de terrible ?tait sur le point de se produire et elle maudit ses fr?res d’avoir ramen? cette cr?ature de mauvais augure dans leur village, en particulier le soir de la Lune d’Hiver. Il se passe toujours des choses ?tranges les jours de festivit?s, ces jours mystiques o? les morts sont soi-disant capables de passer d’un monde ? un autre. Pourquoi ses fr?res avaient-ils eu besoin de provoquer ainsi les esprits? Les hommes ?taient sur le point de se confronter. Les hommes de son p?re ?taient pr?ts ? d?gainer leurs ?p?es, pr?ts ? faire couler un bain de sang. Lorsque soudain une voix autoritaire fendit les airs, retentissant dans le silence. “Ce troph?e appartient ? la fille!” dit la voix. C’?tait une voix forte, pleine de confiance, une voix imposant l’attention, une voix que Kyra admirait et respectait le plus au monde: celle de son p?re. Le Commandant Duncan. Tous les regards se tourn?rent vers son p?re, la foule s’ouvrit sur son passage en signe de grand respect. Il se tenait l?, fier comme une montagne, deux fois plus grand et ses ?paules deux fois plus larges que les autres, une barbe brune sauvage et avec de longs cheveux bruns grisonnants. Il portait ses fourrures sur ses ?paules et deux longues ?p?es pendaient ? sa ceinture. Une lance pendait dans son dos. Son armure noire typique de Volis ?tait orn?e d’un dragon sur le plastron, le symbole de leur maison. Ses armes ?taient ray?es et ?br?ch?es par de trop nombreux combats. Son exp?rience du combat transparaissait de toute sa personne. C’?tait un homme craint, admir?, un homme que tous savaient droit et juste. Un homme aim? et par-dessus tout, respect?. “C’est le troph?e de Kyra,” r?p?ta-t-il en lan?ant un regard d?sapprobateur ? ses fils. Ignorant les Hommes du Seigneur, il se tourna vers Kyra. “C’est ? elle de d?cider.” Kyra fut stup?faite par les mots de son p?re. Elle ne s’?tait pas attendue ? cela, ? se retrouver avec une telle responsabilit? sur les ?paules, ? devoir prendre une d?cision lourde de cons?quences. Il ne s’agissait pas seulement du sanglier, tous le savait, mais il s’agissait ?galement du sort de son peuple. Tendus, les soldats des deux camps s’align?rent la main ? l’?p?e. Regardant leurs visages qui la d?visageaient dans l’attente de sa r?ponse, elle savait que son prochain choix, ses prochains mots, seraient les plus importants qu’elle ait jamais prononc?s. CHAPITRE QUATRE Merk marchait lentement sur le sentier forestier, progressant dans Whitewood tout en r?fl?chissant sur sa vie. Ses quarante ann?es avaient ?t? difficiles. Il n’avait jamais pris le temps de se promener dans un bois de toute sa vie, d’admirer la beaut? de la nature autour de lui. Il baissa les yeux sur les feuilles blanches qui craquaient sous ses pas, le son r?gulier de son b?ton heurtant le sol de la for?t. Il releva les yeux et admira la beaut? des Aesops dont les feuilles blanches brillantes contrastaient avec les branches rouges qui scintillaient ? la lumi?re du soleil. Les feuilles tombaient sur lui comme de la neige et pour la premi?re fois de sa vie il ressentit une sensation de paix. De taille et de corpulence moyenne, il avait les cheveux bruns et ne se rasait jamais le visage. Sa m?choire large, ses pommettes saillantes et ses grands yeux noirs cern?s lui donnaient en permanence l’apparence d’une personne n’ayant pas dormi depuis des jours. Et c’?tait exactement la sensation qu’il avait au quotidien. Sauf maintenant. ? pr?sent il se sentait repos?. Ici, ? Ur, dans le nord-ouest d’Escalon, il ne neigeait pas. L’oc?an, ? un jour de chevauch?e ? l’ouest, leur assurait des temp?ratures plus temp?r?es ce qui permettait aux feuilles de toutes les couleurs de s’?panouir. Merk pouvait donc se permettre de ne porter qu’une cape. Il n’avait pas besoin de se prot?ger des vents glaciaux, ce que la plupart des habitants d’Escalon devaient faire. Il en ?tait encore ? s’habituer ? l’id?e de porter une cape plut?t qu’une armure, ? taper les feuilles avec son b?ton plut?t que de transpercer ses adversaires avec son poignard. Tout cela ?tait nouveau pour lui. Il essayait de voir ce que cela faisait de devenir la nouvelle personne qu’il esp?rait devenir. C’?tait une sensation de calme, mais ?trange. Comme s’il essayait d’?tre une personne qu’il n’?tait pas. Merk n’?tait ni un voyageur, ni un moine. Ni m?me un homme pacifique. Au plus profond de lui-m?me, il ?tait un guerrier. Et pas un simple guerrier. Un guerrier qui combattait selon ses propres r?gles. Qui n’avait jamais perdu une bataille. Un homme qui n’avait pas peur de se battre aussi bien sur un terrain de joute que dans les ruelles des tavernes qu’il aimait fr?quenter. Il ?tait ce que les gens appelaient un mercenaire. Un assassin. Une ?p?e ? louer. On le qualifiait de diff?rents noms, certains peu flatteurs, mais Merk n’y accordait aucune attention. Il se fichait de ce que les gens pouvaient penser. Tout ce qui lui importait ?tait d’?tre l’un des meilleurs. Comme pour correspondre ? son r?le, Merk avait chang? de nom ? plusieurs reprises selon ses envies. Il n’aimait pas le nom que son p?re lui avait donn?. D’ailleurs, il n’aimait pas son p?re non plus. Et il avait d?cid? de ne pas vivre sous le nom qu’une autre personne lui avait impos?. Merk ?tait le nom qu’il utilisait le plus souvent et pour l’instant, cela lui convenait. Il se contrefichait bien de la fa?on dont les autres l’appelaient. Deux choses ?taient importantes pour lui: trouver le point parfait o? enfoncer son poignard et que ses employeurs le paient en or fra?chement frapp? et en grandes quantit?s. Tr?s jeune, Merk s’?tait d?couvert un don, qu’il ?tait sup?rieur aux autres dans tout ce qu’il faisait. Ses fr?res tout comme son p?re et leurs c?l?bres a?euls, ?taient de fiers et nobles chevaliers, portant les meilleures armures, maniant les meilleures armes, se pavanant sur leurs chevaux, agitant leurs banni?res les cheveux d?cor?s de fleurs et remportant toutes sortes de comp?titions tandis que leurs dames lan?aient des fleurs qui tombaient ? leurs pieds. Ils n’auraient pu ?tre plus fiers d’eux-m?mes. ? l’inverse, Merk d?testait le faste et les feux de la rampe. Ces chevaliers avaient quelque chose de maladroit sur le champ de bataille. Ils ?taient tr?s peu efficaces et Merk n’avait aucun respect pour eux. Il n’avait pas besoin de reconnaissance, ni ne courrait apr?s les insignes, banni?res ou armoiries qui faisaient r?ver tous les chevaliers. Pour lui, cela ?tait bon pour les personnes auxquelles le plus important faisait d?faut: l’habilet? n?cessaire pour prendre la vie d’un homme rapidement, silencieusement et de fa?on efficace. Pour lui, rien d’autre n’avait une quelconque importance. Plus jeune, lorsque ses amis trop petits pour se d?fendre eux-m?mes, venaient le trouver lorsqu’on les emb?tait, il avait d?j? la r?putation d’?tre une fine lame. Il n’h?sitait pas ? se faire payer pour les d?fendre. Leurs pers?cuteurs ne les emb?taient plus jamais. Les rumeurs de ses prouesses se r?pandirent rapidement. Acceptant de plus en plus de paiements, l’habilet? de Merk pour tuer progressa. Tout comme ses fr?res, Merk aurait pu devenir un chevalier, un guerrier acclam?. Mais ? la place il avait choisi de travailler dans l’ombre. Ce qui l’int?ressait c’?tait de gagner, d’avoir une efficacit? mortelle. Il s’?tait rapidement rendu compte que les chevaliers par?s de leurs belles ?p?es et de leurs encombrantes armures n’?taient pas capables de tuer aussi rapidement ou efficacement que lui, un homme seulement v?tu d’une chemise de cuir et d’une lame ac?r?e. Tout en marchant et titillant les feuilles avec son b?ton, il se souvint d’une nuit pass?e dans une taverne avec ses fr?res, o? les armes avaient ?t? d?gain?es contre des chevaliers rivaux. Ses fr?res ?taient cern?s, en inf?riorit? num?rique et tandis que tous les chevaliers raffin?s respectaient le protocole, Merk n’avait pas h?sit? une seconde. Arm? de son poignard, il avait travers? la salle comme une fl?che et avait tranch? la gorge des hommes avant qu’ils n’aient le temps de d?gainer leurs ?p?es. Ses fr?res auraient d? le remercier de leur avoir sauv? la vie, mais au lieu de cela ils avaient pris leurs distances par rapport ? lui. Ils le regardaient de haut mais en m?me temps il leur faisait peur. Ce fut toute la gratitude qu’il re?ue et leur trahison le toucha plus qu’il ne voulait le reconna?tre. Cela creusa le foss? de noblesse et de chevalerie qui les s?parait. ? ses yeux c’?tait de la pure hypocrisie, un acte int?ress?. Ils pouvaient bien se pavaner dans leurs belles armures brillantes et le m?priser, il n’en restait pas moins que sans son poignard, ils seraient tous morts aujourd’hui. Merk continua de marcher en soupirant et essayant d’oublier le pass?. Tout en r?fl?chissant, il r?alisa qu’il ne comprenait pas bien l’origine de son talent. Peut-?tre ?tait-ce sa rapidit? et son agilit?, ou peut-?tre encore parce qu’il ?tait particuli?rement agile avec ses poignets et ses mains, peut-?tre avait-il un talent particulier pour trouver le point vital de ses victimes, peut-?tre ?tait-ce d? au fait qu’il n’h?sitait jamais ? aller encore plus loin, ? r?aliser cette ultime action qui effrayait tant d’autres hommes, peut-?tre ?tait-ce d? au fait qu’il n’avait jamais d? s’y reprendre ? deux fois ou peut-?tre encore parce qu’il ?tait capable d’improviser et de tuer avec n’importe quel outil ? sa disposition: un pic, un marteau ou une vieille b?che. Il ?tait plus rus? que les autres, savait s’adapter plus facilement et retomber plus rapidement sur ses pieds – une combinaison fatale. Tout au long de sa jeunesse, ces fiers chevaliers avaient pris leurs distances par rapport ? lui, ils s’?taient m?me moqu?s de lui dans son dos (car aucun n’aurait os? rire de lui en face). Mais ? pr?sent qu’ils ?taient tous devenus vieux, que leur pouvoir avait diminu? et que sa r?putation s’?tait r?pandue, il ?tait devenu celui que les rois cherchaient ? engager tandis qu’eux avaient sombr? dans l’oubli. Ses fr?res n’avaient jamais compris que la chevalerie ne transformait pas des gens en rois. La violence laide et brutale, la peur, l’?limination de vos ennemis les uns apr?s les autres, le meurtre horrible que personne d’autre ne voulait commettre, tout cela concourrait ? faire des rois. Et c’?tait vers lui qu’ils se tournaient pour que le vrai travail d’un roi soit r?alis?. ? chaque impact de son b?ton, les victimes de Merk lui revenaient en m?moire. Il avait tu? le pire ennemi du Roi, sans utiliser de poison (pour cela ils auraient fait appel aux petits assassins, aux apothicaires ou aux s?ductrices). Pour leurs victimes les plus importantes, ils souhaitaient souvent que le fait soit remarqu? et ils faisaient donc appel ? ses services. Quelque chose d’ignoble et de publique: une dague dans un ?il, un cadavre abandonn? dans un jardin public, se balan?ant ? une fen?tre expos? ? la vue de tout ? chacun au prochain lever de soleil et pour que tout le monde se demande qui avait donc os? d?fier le Roi. Lorsque le vieux Roi Tarnis avait rendu le royaume et par cons?quent ouvert la porte ? Pand?sia, Merk s’?tait soudain senti vide, sans aucun but pour la premi?re fois de sa vie. Sans Roi ? servir, il s’?tait senti partir ? la d?rive. Une chose enfouie en lui depuis longtemps avait refait surface et pour une raison qu’il ne comprenait pas bien, il avait commenc? ? se poser des questions sur la vie. Toute sa vie durant il avait ?t? obs?d? par la mort, les meurtres et ?ter la vie des autres. S’en ?tait devenu facile, trop facile. Mais maintenant, quelque chose en lui avait chang?. C’?tait comme s’il avait du mal ? sentir la terre ferme sous ses pieds. Il avait toujours su ? quel point la vie ?tait une chose fragile, ? quel point elle pouvait facilement ?tre ?t?e mais ? pr?sent il commen?ait ? se demander comment la pr?server. La vie ?tait tellement fragile, la pr?server ne serait-il pas apr?s tout le plus grand des d?fis? Et malgr? lui il commen?ait ? se demander: quelle ?tait cette chose dont il d?pouillait les autres? Merk ne savait pas vraiment ce qui avait d?clench? cette r?flexion personnelle mais cela le mettait grandement mal ? l’aise. Quelque chose en lui avait fait surface, une grande naus?e et cela l’avait d?go?t? du meurtre. Il d?testait ? pr?sent ce qu’il avait tant aim? faire auparavant. Il aurait aim? pouvoir identifier la cause ? tout ceci – le meurtre d’une personne en particulier peut-?tre – mais il n’en trouvait pas. Cela c’?tait insinu? en lui sans raison particuli?re. Et cela en ?tait encore plus perturbant. ? l’inverse des autres mercenaires, Merk n’avait jamais agi que pour les causes en lesquelles il croyait. Ce ne fut que plus tard dans sa vie, lorsqu’il devint trop bon dans ce qu’il faisait, lorsque les sommes propos?es devinrent trop importantes, qu’il commen?a ? franchir certaines limites, ? accepter des paiements pour ?liminer des personnes qui n’?taient pas n?cessairement en faute, dont la mort n’?tait absolument pas n?cessaire. Et c’?tait cela qui le travaillait. Merk d?veloppa une passion aussi forte ? d?faire tout ce qu’il avait fait, ? prouver aux autres qu’il pouvait changer. Il voulait tirer un trait sur son pass?, effacer tout ce qu’il avait fait, faire p?nitence. Il avait fait le v?u solennel envers lui-m?me de ne jamais plus tuer, de ne jamais plus lever la main sur quiconque, de passer le restant de ses jours ? implorer le pardon divin, de se d?vouer ? aider les autres, ? devenir une meilleure personne. Et tout cela l’avait men? sur ce sentier forestier sur lequel il marchait ? pr?sent accompagn? des bruits sourds de son b?ton. Merk vit que le sentier remontait avant de replonger au milieu des feuilles blanches brillantes. Il regarda ? l’horizon ? la recherche de la Tour de Ur, sans succ?s. Il savait que le sentier finirait par l’y mener, cela faisait des mois qu’il esp?rait faire ce p?lerinage. Depuis tout jeune gar?on il avait toujours ?t? captiv? par r?cits sur les Guetteurs, un ordre secret de moines/chevaliers, ? moiti? homme et autre chose, dont la t?che consistait ? vivre dans les deux tours: la Tour de Ur au nord-ouest et la Tour de Kos au sud-est, et ? d?fendre la relique la plus pr?cieuse du Royaume, l’?p?e de Feu. D’apr?s la l?gende, l’?p?e de Feu permettait d’entretenir Les Flammes. Personne ne savait vraiment dans quelle tour elle se trouvait car il s’agissait d’un secret jalousement gard? par les plus anciens Guetteurs. Si elle venait ? ?tre d?plac?e ou vol?e, Les Flammes seraient perdues ? jamais et Escalon deviendrait alors vuln?rable ? toute attaque. On racontait que si les Guetteurs vous acceptaient, monter la garde depuis ces tours ?tait un grand honneur, une t?che sacr?e et honorable. Depuis tout petit Merk avait toujours r?v? de rejoindre les Guetteurs. Il se couchait chaque soir en se demandant quelle impression cela pouvait faire de rejoindre leurs rangs. Il voulait s’isoler dans la solitude, servir une cause, se perdre dans ses r?flexions personnelles et il ne voyait pas de meilleur moyen que de devenir un Guetteur. Merk se sentait pr?t. Il avait d?laiss? sa cotte de maille pour du cuir, son ?p?e pour un b?ton et pour la premi?re fois de sa vie, il avait pass? une lune enti?re sans commettre de meurtre ni faire de mal ? quelqu’un. Il commen?ait enfin ? se sentir bien. Arrivant au sommet d’une colline, il scruta plein d’espoir les alentours. Comme les jours pr?c?dents, il esp?rait que ce sommet lui r?v?lerait la tour de Ur quelque part sur l’horizon. Mais il ne vit rien, rien ? part des bois s’?tendant ? perte de vue. Toutefois, il savait qu’il approchait. Apr?s tant de jours de marche, la tour ne pouvait ?tre bien loin. Merk poursuivit avec la descente et p?n?tra dans un bois plut?t dense. Arriv? en bas, un ?norme tronc tomb? en travers du chemin lui barrait la route. Il s’arr?ta et admira la taille remarquable de l’arbre en se demandant comment le contourner. “Je dirai que c’est encore assez loin,” dit une voix sinistre. Merk d?cela imm?diatement de mauvaises intentions dans cette voix. Il ?tait devenu expert ? cela et il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir ce qui l’attendait. Il entendit des feuilles craquer tout autour de lui et des visages ?merg?rent des bois alentours: des brigands ayant tous une apparence encore plus d?sesp?r?e les uns que les autres. Ces visages ?taient ceux d’hommes pr?ts ? tuer sans raison. Les visages de voleurs et de tueurs s’en prenant aux faibles au hasard et avec une violence aveugle. Pour Merk, ils repr?sentaient le fond du panier. Merk vit qu’il ?tait cern? et sut qu’il venait de tomber dans une embuscade. Gr?ce ? son instinct affut?, il jeta un rapide coup d’?il autour de lui sans qu’ils s’en rendent compte et d?nombra huit hommes. Ils ?taient tous arm?s d’?p?es et de poignards, v?tus de haillons, leurs visages, mains et ongles ?taient sales, non ras?s et leurs regards d?sesp?r?s r?v?laient qu’ils n’avaient pas mang? depuis bien trop longtemps. Ils avaient l’air de s’ennuyer. Merk se raidit ? l’approche de leur chef, non pas de peur, Merk pouvait le tuer, il pouvait les tuer tous en un clin d’?il s’il le voulait. Ce qui le fit se raidir fut l’id?e d’?tre oblig? d’?tre violent. Il ?tait d?termin? ? ne pas briser son serment, quel qu’en soit le prix. “Et qu’avons-nous l??” demanda l’un d’entre eux, en s’approchant de Merk et lui tournant autour. “On dirait un moine,” dit un autre en se moquant. “Mais ses bottes ne sont pas celles d’un moine.” “Peut-?tre est-ce un moine qui se prend pour un soldat,” dit un autre en riant. Ils se mirent tous ? rire et l’un d’entre eux, un lourdaud d’une quarantaine d’ann?es avec une dent de devant en moins s’approcha de Merk avec sa mauvaise haleine et lui donna une tape dans l’?paule. L’ancien Merk aurait tu? n’importe quel homme qui se serait approch? ? cette distance. Mais le nouveau Merk ?tait bien d?termin? ? devenir un homme meilleur et ? ?tre au-dessus de toute violence, m?me si ces hommes le provoquaient. Il ferma les yeux, respira profond?ment et se for?a ? rester calme. Ne recours pas ? la violence, se r?p?ta-t-il ? lui-m?me “Qu’est-ce que ce moine est en train de faire?” demanda l’un d’eux. “Il est en train de prier?” Ils se mirent tous ? rire de nouveau. “Ton dieu ne te sera d’aucune aide maintenant!” s’exclama un autre. Merk ouvrit les yeux et regarda le cr?tin droit dans les yeux. “Je n’ai pas envie de vous faire de mal,” dit-il calmement. Les rires reprirent de plus belle, encore plus forts et Merk r?alisa que rester calme et ne pas r?agir avec violence ?tait la chose la plus difficile qu’il ait jamais faite. “Heureusement pour nous!” r?pondit l’un d’entre eux. Ils continu?rent de rire jusqu’? ce que leur chef s’approche et se retrouve face ? face avec Merk. “Mais peut-?tre,” dit-il d’une voix s?rieuse, si pr?s de son visage que Merk pouvait sentir sa mauvaise haleine, “que nous, nous avons envie de te faire du mal.” Un homme s’approcha de Merk par derri?re et lui passa un bras ?norme autour cou tout en commen?ant ? serrer. Merk se mit ? haleter en se sentant ?touff? ainsi, la poigne de l’homme ?tait suffisamment forte pour lui faire mal sans toutefois emp?cher l’air de passer compl?tement. Son premier r?flexe fut d’attraper l’homme et de le tuer. Il aurait facilement pu le faire, il connaissait parfaitement le point de pression sur l’avant-bras qui lui aurait fait l?cher prise. Mais il se for?a ? ne pas bouger. Laisse passer se dit-il ? lui-m?me. La route de l’humilit? doit commencer quelque part. Merk fit face ? leur chef. “Prenez ce que vous voulez,” r?ussit ? dire Merk en ?touffant. “Servez-vous et poursuivez votre chemin.” “Et si nous d?cidons de nous servir et de rester ici?” r?pondit le chef. “Personne ne te demande ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire gar?on,” ajouta un autre. L’un d’eux s’avan?a et fouilla la veste de Merk, parcourant de ses mains avides les quelques effets personnels qui lui restaient au monde. Merk se for?a ? rester calme tandis que les mains farfouillaient tout ce qu’il poss?dait. Finalement, ils sortirent son poignard ? poign?e d’argent, son arme pr?f?r?e et bien que cela lui co?te, Merk ne r?agit pas. Laisse courir, se dit-il ? lui-m?me. “Qu’est-ce que c’est?” demanda l’un d’entre eux. “Un poignard?” Il d?visagea Merk. “Qu’est-ce qu’un dr?le de moine comme toi fait avec un poignard?” questionna-t-il. “Que fais-tu gar?on, tu sculptes des arbres?” demanda un autre. Ils se mirent tous ? rire et Merk serra les dents et se demandant ce qu’ils allaient lui prendre d’autre. L’homme qui avait trouv? le poignard s’arr?ta et regarda le poignet de Merk et releva sa manche. Merk se crispa en r?alisant qu’ils l’avaient trouv?. “Qu’est-ce que c’est?” demanda le voleur en lui attrapant le poignet et le mettant ? hauteur de ses yeux pour l’examiner. “On dirait un renard,” dit l’un d’eux. “Pourquoi un moine aurait-il un tatouage repr?sentant un renard?” demanda un autre. Un autre homme s’avan?a ? son tour, maigre et grand, les cheveux roux et lui saisit le poignet pour l’examiner ? son tour. Il le laissa retomber et observa Merk de fa?on prudente. “Ce n’est pas un renard esp?ce d’idiot,” dit-il ? son compagnon. “C’est un loup. C’est la marque d’un homme du Roi, un mercenaire.” Merk devint rouge de col?re ? l’id?e qu’ils observaient son tatouage, il ne voulait pas ?tre reconnu. Les voleurs gard?rent le silence tout en l’observant et pour la premi?re fois Merk d?cela une lueur d’h?sitation sur leurs visages. “C’est l’ordre des assassins,” dit un autre en le d?visageant. “Comment as-tu obtenu cette marque gar?on?” “Il se l’est probablement faite lui-m?me,” r?pondit un autre. “Cela rend les routes plus s?res.” Le chef fit signe ? son homme de rel?cher sa poigne sur la gorge de Merk. Soulag?, ce dernier prit une profonde inspiration. Mais le chef se pr?cipita aussit?t sur Merk et lui mit un couteau sous la gorge. Merk se demanda s’il allait mourir ce jour-ci ? cet endroit. Il se demanda si cela ?tait sa punition pour tous les meurtres qu’il avait perp?tr?s. Il se demanda s’il ?tait pr?t ? mourir. “R?ponds-lui,” gronda leur chef. “Tu t’es fait ?a toi-m?me gar?on? La rumeur dit qu’il faut avoir tu? cent hommes pour obtenir cette marque.” Merk respira et au cours du long silence qui suivit, il d?battit sur quelle r?ponse donner. Finalement il soupira. “Un millier,” r?pondit-il. Le chef sourcilla, confus. “Quoi?” demanda-t-il. “Un millier d’hommes,” expliqua Merk. “C’est ce qu’il faut faire pour obtenir ce tatouage. Et c’est le Roi Tarnis lui-m?me qui me l’a fait.” Stup?faits, ils l’observ?rent tous tandis qu’un silence pesant s’installait sur le bois, tellement calme que Merk pouvait entendre les bruits des insectes. Il se demanda ce qui allait suivre. L’un d’entre eux se mit ? rire de fa?on hyst?rique et tous les autres l’imit?rent. Ils glouss?rent et s’esclaff?rent tandis que Merk resta l? ? se dire qu’? l’?vidence, c’?tait la chose la plus dr?le qu’ils aient entendue. “Elle est pas mal mon gar?on,” dit l’un d’eux. “Tu es aussi bon menteur que moine.” Le chef pressa son poignard sur sa gorge au point que du sang se mit ? couler. “J’ai dit, r?ponds-moi,” r?p?ta le chef. “Une vraie r?ponse. Tu veux mourir sur le champ ou quoi gar?on?” Merk subit la douleur et retourna la question dans sa t?te. Il y r?fl?chit vraiment. Voulait-il mourir? C’?tait une bonne question et plus profonde que le voleur ne pouvait le penser. En y r?fl?chissant vraiment, il r?alisa qu’une partie de lui-m?me voulait mourir. Il ?tait fatigu? de la vie, il ?tait ? bout. Mais tout en m?ditant sur la question, Merk en vint ? la conclusion qu’il n’?tait pas pr?t ? mourir. Pas maintenant. Pas aujourd’hui alors qu’il avait d?cid? de prendre un nouveau d?part. Pas alors qu’il commen?ait tout juste ? appr?cier la vie. Il voulait changer. Il voulait une chance de servir la Tour. De devenir un Guetteur. “Non, pas vraiment,” r?pondit Merk. Il regarda finalement l’homme droit dans les yeux, une r?solution naissant en lui. “Et ? cause de cela,” continua-t-il, “Je vais te donner une chance de me lib?rer ou sinon je vous tue tous.” Ils le regard?rent tous stup?faits avant que leur chef ne fronce les sourcils et ne passe ? l’action. Merk sentit la lame s’enfoncer dans sa gorge et quelque chose se d?clencha en lui. Son c?t? professionnel, celui qu’il avait pass? sa vie enti?re ? entra?ner, la partie de son ?tre qui ?tait ? bout. Cela impliquait de briser son serment mais il n’en souciait plus ? ce stade. L’ancien Merk refit brusquement surface, c’?tait comme s’il n’avait jamais disparu. En un clin d’?il, il repassa en mode assassin. Merk se concentra et ne perdit pas un seul des mouvements de ses adversaires, chaque mouvement musculaire, chaque point de pression, chaque endroit vuln?rable. Le d?sir de tuer le submergea et comme un vieil ami, Merk le laissa prendre le contr?le de son ?tre. Dans un mouvement aussi rapide que l’?clair, Merk attrapa le poignet du chef, enfon?a son doigt sur le point de pression et remonta jusqu’? ce qu’il casse. Il attrapa le poignard au vol et trancha la gorge de l’homme d’une oreille ? l’autre d’un mouvement pr?cis. Le chef le regarda avec une expression d’?tonnement avant de s’?crouler au sol, mort. Merk se retourna pour faire face aux autres qui le regardaient bouche-b?e. C’?tait maintenant au tour de Merk de sourire en les regardant chacun leur tour, savourant le moment ? venir. “Gar?ons,” dit-il, “parfois il peut arriver de s’en prendre ? la mauvaise personne.” CHAPITRE CINQ Kyra se trouvait au milieu du pont envahi par la foule. Elle sentait que tous les regards se portaient sur elle dans l’attente de sa d?cision sur le sort du sanglier. Ses joues ?taient rouges, elle n’aimait pas ?tre le centre d’attention. Elle ?tait reconnaissante envers son p?re de lui faire confiance ? ce point, elle en ?tait tr?s fi?re. En m?me temps, le poids de cette responsabilit? pesait sur ses ?paules. Elle savait que quelle que soit sa d?cision, cela impacterait fortement le destin de son peuple. Bien qu’elle m?pris?t grandement les pand?siens, elle ne voulait pas prendre la responsabilit? de d?clencher une guerre que son peuple n’?tait pas en mesure de gagner. Mais elle ne voulait pas non plus faire machine arri?re ni encourager les Hommes du Seigneur ou d?shonorer son peuple et leur donner l’impression d’?tre faibles, surtout apr?s qu’Anvin et les autres aient courageusement os? s’interposer. Elle r?alisa que son p?re ?tait sage: en lui remettant le choix de d?cider, la d?cision apparaissait comme ?tant la leur et non celle des Hommes du Seigneur. Ce simple acte permettait de sauver l’honneur de son peuple. Elle r?alisa qu’il lui avait confi? cette t?che pour une autre raison: il devait savoir que seul un avis ext?rieur permettrait de sauver la face aux deux parties et il l’avait choisie parce qu’elle ?tait toute d?sign?e et qu’elle ne prendrait pas de d?cision impulsive, elle saurait ?tre la voix de la mod?ration. Plus elle m?ditait cela, plus elle r?alisait pourquoi son choix s’?tait port? sur elle: ?viter la guerre – autrement il aurait pu s’en remettre ? Anvin – et non en provoquer une. Elle prit sa d?cision. “La b?te est maudite,” dit-elle de fa?on condescendante. “Elle a failli tuer mes fr?res. Elle vient du Bois des ?pines et a ?t? abattue le soir de la Lune d’Hiver, un jour o? il est interdit de chasser. C’?tait une erreur de la ramener ici ? nos portes, elle aurait d? rester pourrir dans la nature, d’o? elle vient.” Elle regarda les Hommes du Seigneur avec ironie. “Amenez-la ? votre Seigneur Gouverneur,” dit-elle en souriant. “Vous nous ferez une grande faveur.” Les Hommes du Seigneur la regard?rent puis leurs regards se port?rent sur la b?te. Leur expression se transforma. On aurait dit qu’ils venaient de se faire embarquer dans un mauvais plan et que soudainement ils n’en voulaient plus. Kyra saisit le regard approbateur et reconnaissant d’Anvin et des autres, mais surtout, celui de son p?re. Elle avait r?ussi, elle avait sauv? la face de son peuple et venait de leur ?viter la guerre. Et par la m?me occasion, elle avait lanc? une pique ? Pand?sia. Ses fr?res laiss?rent tomber le sanglier ? terre qui atterrit dans la neige avec un bruit sourd. Ils recul?rent humblement, leurs ?paules leur faisant visiblement mal. Tous les regards se tourn?rent vers les Hommes du Seigneur qui ne savaient pas comment r?agir. Les mots de Kyra avaient eu une certaine port?e et ils regardaient ? pr?sent la b?te comme si quelque chose de mauvais essayait de s’extirper des entrailles de la terre. ? l’?vidence ils n’en voulaient plus. Maintenant que la b?te ?tait la leur, ils n’en voulaient plus. Apr?s un long silence tendu, leur commandant fit finalement signe ? ses hommes de ramasser la b?te, fit demi-tour en fron?ant les sourcils et s’?loigna visiblement contrari?, comme s’il savait qu’il venait de se frotter ? un ennemi plus intelligent que lui. La foule de dispersa et la tension retomba. Le soulagement ?tait palpable. La plupart des hommes de son p?re s’approch?rent d’elle et pos?rent leur main sur son ?paule en guise d’approbation. “Bien jou?,” dit Anvin en la regardant avec approbation. “Tu feras une bonne suzeraine un jour.” Les villageois reprirent leurs activit?s, les allers-retours reprirent de plus belle et la tension disparut. Kyra se retourna pour chercher son p?re des yeux. Leurs regards se crois?rent, il se tenait ? quelques m?tres. Il avait toujours beaucoup de retenue devant ses hommes et cette fois-ci les choses n’?taient pas diff?rentes. Son expression ?tait indiff?rente mais il lui fit un petit signe de t?te, un signe d’approbation. Kyra regarda autour d’elle et vit Anvin et Vidar se saisir de leurs lances. Son c?ur s’acc?l?ra. “Je peux me joindre ? vous?” demanda-t-elle ? Anvin sachant qu’ils se dirigeaient vers le terrain d’entra?nement tout comme le reste des hommes de son p?re. Anvin regarda nerveusement son p?re sachant qu’il allait d?sapprouver. “Il neige de plus en plus,” r?pondit finalement Anvin en h?sitant. “Et la nuit tombe ?galement.” “Cela ne vous arr?te pourtant pas,” riposta Kyra. Cela le fit sourire. “Non, c’est vrai,” reconnu-t-il. Anvin regarda de nouveau son p?re mais ce dernier secoua la t?te avant de tourner les talons et de rentrer dans le fort. Anvin soupira. “Ils pr?parent une grande f?te,” dit-il. “Il vaudrait mieux que tu y ailles.” Kyra sentait dans l’air l’odeur des viandes d?licates en train de r?tir et vit ses fr?res entrer dans le fort de m?me que des dizaines de villageois qui se h?taient de finir les pr?paratifs du festival. Mais Kyra leur tourna le dos et regarda avec envie en direction des champs et du terrain d’entra?nement. “Un repas peut attendre,” dit-elle. “Pas l’entra?nement. Laisse-moi venir.” Vidar sourit et secoua la t?te. “Es-tu bien s?re d’?tre une fille et non pas un guerrier?” demanda Vidar. “Je ne peux pas ?tre les deux?” r?pliqua-t-elle. Anvin poussa un long soupir et finit par secouer la t?te. “Ton p?re va me faire la peau,” dit-il. Puis il approuva d’un signe de t?te. “Tu ne sais pas ce que veut dire non,” dit-il pour conclure, “et tu es plus de courageuse que la moiti? de mes hommes. Je suppose ton courage sera le bienvenu.” * Kyra courrait apr?s Anvin, Vidar et quelques hommes de son p?re au milieu du paysage enneig?. Comme d’habitude, L?o la suivait. La neige tombait de plus en plus fort mais cela lui ?tait ?gal. Elle ressentait une immense sensation de libert?, d’euphorie comme toujours d?s qu’elle passait la Porte du Combattant, une ouverture basse et arch?e qui coupait le mur d’enceinte du terrain d’entra?nement. Elle prit une profonde respiration lorsque le ciel se d?couvrit au-dessus de sa t?te alors qu’elle courrait ? d?couvert dans cet endroit qu’elle adorait, au milieu des collines verdoyantes qui ?taient ? pr?sent recouvertes de neige. Elle avait l’impression que chaque chose ?tait ? sa place lorsqu’elle d?couvrit les hommes en train de s’entra?ner, sillonnant la zone ? cheval, jetant leurs lances, visant des cibles ?loign?es, tout cela pour am?liorer leurs comp?tences. Pour elle, c’?tait cela la vraie vie. Ce terrain d’entra?nement ?tait r?serv? aux hommes de son p?re, ni les femmes ni les gar?ons de moins de dix-huit ans n’?taient autoris?s ? y p?n?trer, de m?me que les personnes qui n’y avaient pas ?t? invit?es. Chaque jour, Brandon et Braxton attendaient avec impatience qu’on leur propose mais Kyra se doutait bien que ce ne serait jamais le cas. La Porte du Combattant ?tait r?serv?e aux guerriers honorables ayant une grande exp?rience de la guerre et non pas aux petits vantards comme ses fr?res. Kyra courrait dans les champs, se sentant ici heureuse et vivante comme nulle part ailleurs sur terre. L’?nergie ici ?tait intense, des dizaines de guerriers parmi les meilleurs de son p?re, venus de toutes les r?gions d’Escalon et v?tus d’armures l?g?rement diff?rentes les unes des autres, ?taient ? l’entra?nement. Ces hommes venaient du sud, de Th?bus et Leptis; des Midlands, principalement de la capitale Andros; mais ?galement des montagnes de Kos; certains venaient de l’ouest, de Ur, il y avait des hommes de la rivi?re de Thusis et leurs voisins d’Esephus. Il y avait des hommes originaires du Lac de Ire et d’autres venant d’aussi loin que les cascades d’Everfall. Tous arboraient des couleurs, des armures et des armes diff?rentes, tous ces hommes d’Escalon repr?sentaient chacun leur forteresse. C’?tait un tableau de puissance ?blouissant. Son p?re, le champion du pr?c?dent Roi, ?tait un homme qui imposait le respect. Le seul homme en cette p?riode o? le royaume ?tait scind?, autour duquel les hommes pouvaient se rallier. En effet, lorsque le vieux Roi avait rendu leur royaume sans m?me se battre, c’?tait son p?re que le peuple avait press? de prendre le tr?ne et de mener le combat. Au fil du temps, les meilleurs guerriers du pr?c?dent Roi se r?unissaient autour de lui et leur force grandissait chaque jour. Volis poss?dait d?sormais des forces pouvant presque rivaliser avec celles de la capitale. Kyra r?alisait que c’?tait peut-?tre la raison pour laquelle les Hommes du Seigneur cherchaient ? les humilier. Partout dans Escalon les Gouverneurs du Seigneur de Pand?sia interdisaient les rassemblements de chevaliers, n’autorisaient pas une telle libert? par peur d’une r?volte. Mais ici ? Volis, les choses ?taient diff?rentes. Ils n’avaient pas le choix ici. Ils ?taient oblig?s de l’accepter car il leur fallait les meilleurs hommes pour d?fendre Les Flammes. Kyra se retourna et regarda au-del? des murs, par-del? les collines blanches et malgr? la neige tombante, elle distingua loin ? l’horizon la faible lueur des Flammes. Le mur de feu prot?geait la fronti?re ? l’est d’Escalon. Les Flammes, un mur de feu partant des profondeurs du sol et s’?levant ? quelques centaines de m?tres de haut br?lait comme jamais. Il ?clairait la nuit et se distinguait m?me loin sur l’horizon. Il devenait de plus en plus impressionnant avec la nuit tombante. S’?tirant sur pr?s de quatre-vingt kilom?tres de large, Les Flammes ?taient la seule barri?re se dressant entre Escalon et la nation de trolls sauvages ? l’est. Bien que suffisamment de trolls r?ussissent chaque ann?e ? passer au travers et r?pandre le chaos, sans les Gardiens – les hommes les plus courageux de son p?re, gardiens des Flammes – Escalon ne serait qu’une nation esclave des trolls. Les trolls ayant peur de l’eau, la seule possibilit? pour eux ?tait d’attaquer Escalon par la terre. Les Flammes ?taient par cons?quent l’unique chose les maintenant ? distance. Les Gardiens prenaient des tours de garde, patrouillaient selon une certaine organisation et Pand?sia avait donc besoin d’eux. D’autres individus tenaient des positions au niveau des Flammes mais il s’agissait de recrues, d’esclaves ou de criminels. Sur l’ensemble, les hommes de son p?re, les Gardiens, ?taient les seuls vrais soldats et les seuls ? savoir comment d?fendre Les Flammes. En contrepartie, Pand?sia laissait ? Volis et ? ses hommes une certaine libert?: leur terrain d’entra?nement, de vraies armes, un certain parfum de libert? pour leur donner l’impression d’?tre encore des guerriers m?me si cela n’?tait qu’une illusion. Ils n’?taient pas des hommes libres et tous le savaient. Ils vivaient dans un dr?le d’?quilibre entre la libert? et une servitude que personne n’acceptait. Mais au moins ici ? la Porte du Combattant, ces hommes ?taient libres comme par le pass?, lorsqu’ils ?taient des guerriers qui s’entra?naient, combattaient et travaillaient ? am?liorer leurs comp?tences. Ils repr?sentaient le fleuron d’Escalon, ils ?taient meilleurs guerriers que ceux de Pand?sia, tous ?taient des v?t?rans des Flammes. Ils continuaient de servir les Flammes qui ne se trouvaient qu’? un jour de chevauch?e. Kyra ne souhaitait rien d’autre que de rejoindre leurs rangs, de faire ses preuves, de servir Les Flammes, de combattre de vrais trolls ayant r?ussi ? traverser ainsi que de participer ? la protection de son royaume contre des invasions. Bien s?r, elle savait que cela ne serait jamais autoris?. Elle ?tait trop jeune pour ?tre s?lectionn?e mais elle ?tait ?galement une fille. Aucune femme n’?tait accept?e dans ces rangs et m?me si cela avait ?t? le cas, son p?re ne lui aurait jamais donn? l’autorisation. Ses hommes l’avaient consid?r?e comme une enfant lorsqu’elle avait commenc? ? leur rendre visite des ann?es auparavant. Ils avaient ?t? amus?s par sa pr?sence telle une spectatrice les observant. Mais apr?s leur d?part, une fois seule, elle s’entra?nait chaque jour et chaque nuit sur le terrain d?sert en utilisant leurs armes et leurs cibles. Au d?but, ils avaient ?t? surpris d’arriver le matin et de trouver des fl?ches dans leurs cibles et encore plus surpris lorsque ces fl?ches ?taient en plein c?ur de la cible. Mais avec le temps ils s’y ?taient habitu?s. Kyra avait commenc? ? gagner leur respect aux rares occasions o? elle avait ?t? autoris?e ? se joindre ? eux. ? pr?sent, deux ans plus tard, ils savaient tous qu’elle ?tait capable d’atteindre des cibles qu’eux m?me rataient et leur tol?rance ? sa pr?sence s’?tait transform?e en autre chose: du respect. Bien s?r, elle n’avait jamais particip? ? une bataille, ce que tous ces hommes avaient fait. Elle n’avait jamais tu? un homme ou prit de tour de garde aux Flammes ni m?me rencontr? de troll lors d’une patrouille. Elle ne savait pas manier une ?p?e, ni une hache de guerre ou une hallebarde, ni m?me lutter contre un homme. Elle n’avait pas le quart de leur force physique, ce qu’elle regrettait tr?s am?rement. Toutefois Kyra avait d?couvert qu’elle avait un don naturel pour deux armes et qui malgr? sa taille et son sexe faisaient d’elle une redoutable adversaire: son arc et son b?ton. Le premier lui ?tait venu naturellement alors qu’elle avait d?couvert le deuxi?me par hasard il y a de cela des lunes alors qu’elle n’?tait pas capable de lever une ?p?e ? deux mains. ? l’?poque les hommes s’?taient moqu?s de son incapacit? ? lever l’?p?e et comme insulte, l’un deux lui avait jet? un b?ton pour rigoler. “? la place essaie de lever ce b?ton pour voir!” lui avait-il cri? tandis que les autres ?clataient de rire. Kyra n’avait jamais oubli? de moment de honte. Au d?but, les hommes de son p?re avaient consid?r? son b?ton comme une blague. Apr?s tout, ils ne s’en servaient que comme arme d’entra?nement, eux ces hommes courageux qui maniaient de lourdes ?p?es, des hachettes et des hallebardes et qui ?taient capables de couper un arbre en un seul coup. Ce b?ton n’?tait pour eux qu’un jouet et du coup ils lui accordaient encore moins de respect qu’auparavant. Mais elle avait transform? cette blague en instrument inattendu de vengeance, une arme inspirant la crainte. Une arme contre laquelle la plupart des hommes de son p?re n’?taient d?sormais plus en mesure de se d?fendre. Kyra avait ?t? surprise par son poids l?ger et elle avait ?t? encore plus surprise de sentir ? quel point cela lui semblait naturel. Elle ?tait tellement rapide qu’elle pouvait assener des coups alors que les soldats en ?taient encore ? essayer de lever leurs ?p?es. Plus d’un homme avec lequel elle s’?tait entra?n?e s’?tait retrouv? avec des bleus. Coup apr?s coups elle avait gagn? leur respect. ? force de nuits enti?res pass?es ? s’entra?ner seule, Kyra avait r?ussi ? apprendre par elle-m?me, ? ma?triser les mouvements qui impressionnaient ces hommes, des mouvements qu’aucun d’entre eux n’arrivait ? comprendre. Leur int?r?t pour son b?ton s’?tait d?velopp? et elle leur avait enseign? ce qu’elle avait appris seule. Pour Kyra, son arc et son b?ton ?taient compl?mentaires et d’utilit? ?quivalente: elle avait besoin de son arc pour combattre ? distance, alors que son b?ton lui servait pour des combats rapproch?s. Kyra d?couvrit ?galement qu’elle avait un don inn? faisant d?faut ? ces hommes: elle ?tait agile. Elle ?tait comme un petit poisson au milieu d’une mer de requins lents et bien que ces hommes soient tr?s forts, Kyra pouvait danser autour d’eux, sauter dans les airs et pouvait m?me leur passer par-dessus en une roulade parfaite et retomber sur ses pieds. Son agilit? et son maniement expert du b?ton faisaient d’elle une force l?tale. “Que fait-elle ici?” tonna une voix bourrue. Kyra, debout sur le c?t? du terrain d’entra?nement aux c?t?s d’Anvin et Vidar, entendit les chevaux approcher et se retourna pour d?couvrir Maltren accompagn? de ses amis soldats. Il respirait bruyamment. Il la regarda avec d?dain et son estomac se noua. De tous les hommes de son p?re, Maltren ?tait le seul qui ne l’aimait pas. Pour une raison inconnue, il la d?testait depuis la premi?re fois qu’il avait port? les yeux sur elle. Maltren assis sur son cheval fulminait. Avec son nez aplati et son visage laid, c’?tait un homme qui aimait la haine et Kyra ?tait sa cible. Il s’?tait toujours oppos? ? sa pr?sence en ces lieux, probablement parce qu’elle ?tait une fille. “Tu devrais ?tre au fort de ton p?re, fille,” dit-il, “? pr?parer le festin avec toutes les autres jeunes filles ignorantes.” ? c?t? de Kyra, L?o se mit ? grogner ? l’intention de Maltren et elle mit une main rassurante sur sa t?te pour le retenir. “Et que fait ce loup sur notre terrain d’entra?nement?” ajouta Maltren. Anvin et Vidar jet?rent un regard glacial ? Maltren, se rangeant clairement du c?t? de Kyra. Cette derni?re lui fit face en souriant, se sachant sous leur protection et que seul, il ne pouvait pas la forcer ? partir. “Peut-?tre devrais-tu retourner t’entra?ner,” riposta-t-elle d’une voix moqueuse, “et ne pas te pr?occuper des all?es et venues d’une jeune fille ignorante.” Maltren devint rouge de rage, ne sachant que r?pondre. Il tourna les talons, pr?t ? partir mais non sans lui lancer une derni?re pique. “C’est la journ?e des lances aujourd’hui,” ajouta-t-il. “Tu ferais mieux de ne pas rester sur le chemin des vrais hommes jetant de vraies armes.” Il se retourna et s’?loigna accompagn? des autres. Le regardant s’?loigner, elle sentit que sa joie d’?tre parmi eux venait d’?tre entach?e par la pr?sence de ce dernier. Anvin lui lan?a un regard r?confortant et posa sa main sur son ?paule. “La premi?re le?on d’un guerrier,” dit-il, “est d’apprendre ? vivre avec ceux qui te m?prisent. Que tu le veuilles ou non, tu te retrouveras ? combattre aux c?t?s de ces personnes et tu devras remettre ta vie entre leurs mains. Bien souvent, tes pires ennemis ne viendront pas de l’ext?rieur, mais de l’int?rieur.” “Et ceux qui ne combattent pas, utilisent leur bouche,” dit une voix. Kyra se retourna et vit qu’Arthfael s’approchait d’eux en souriant, toujours pr?t ? prendre sa d?fense comme il l’avait toujours fait. Tout comme Anvin et Vidar, Arthfael ?tait un guerrier fier et grand avec une t?te chauve myst?rieuse et une grande barbe noire et droite, qui avait un faible pour elle. C’?tait un des meilleurs hommes d’?p?e, rarement d?fait. Elle se sentait ? l’aise en sa pr?sence. “Ce ne sont que des mots,” ajouta Arthfael. “Si Maltren ?tait meilleur guerrier, il se pr?occuperait plus de lui-m?me que des autres.” Anvin, Vidar et Arthfael enfourch?rent leurs chevaux et rejoignirent les autres. Kyra les regarda, pensive. Pourquoi certaines personnes portaient-elles tant de haine en elles? Se demanda-t-elle. Elle ne savait pas si elle arriverait ? comprendre cela un jour. Alors qu’ils chargeaient sur le terrain en formant de grands cercles, Kyra observa avec ?merveillement les grands chevaux de guerre, impatiente d’en poss?der un jour. Elle regarda les hommes d?crire de grands cercles en suivant le mur de pierre, leurs montures tr?buchant parfois dans la neige. Les hommes s’empar?rent des lances que leur tendaient leurs ?cuyers et tout en finissant leur cercle, ils vis?rent les cibles distantes: des boucliers suspendus ? des branches. Lorsqu’ils atteignaient leur cible, un bruit m?tallique caract?ristique se faisait entendre. L’exercice semblait plus difficile que cela en avait l’air: arriver ? jeter la lance tout en ?tant ? dos de cheval. Plus d’un homme rata sa cible en particulier lorsqu’ils essay?rent de viser les plus petits boucliers. Et parmi ceux qui r?ussirent ? toucher les cibles, tr?s peu atteignirent le centre – ? l’exception d’Anvin, Vidar, Arthfael et de quelques autres. Elle remarqua que Maltren rata sa cible ? plusieurs reprises, jurant dans sa barbe et lui jetant de mauvais regards comme si cela ?tait sa faute. Kyra ne voulait pas se refroidir, elle voulait sortir son b?ton et commencer ? le faire tourner dans tous les sens avec ses mains, au-dessus de sa t?te, au-dessus d’elle, encore et encore comme s’il s’agissait d’une chose vivante. Elle se battait contre un ennemi imaginaire et parait des coups imaginaires. Changeant de main, passant derri?re son coup, pr?s de la taille, son b?ton ?tait comme un troisi?me bras, son manche ?tait lustr? par des ann?es d’utilisation. Tandis que les hommes poursuivaient leur entra?nement, Kyra courut vers son petit terrain d’entra?nement, une partie qui ?tait d?laiss?e par les hommes et qu’elle appr?ciait particuli?rement. Des morceaux d’armures ?tait pendus ? des bouts de cordes dans un bosquet d’arbres et s’?tageaient ? diff?rentes hauteurs. Kyra courut au travers en pr?tendant que chaque cible constituait un adversaire et leur assena un coup de b?ton. L’air s’emplissait du son de ses coups au fur et ? mesure qu’elle s’enfon?ait dans le bosquet, assenant les coups, ?vitant et plongeant lorsque les cibles revenaient vers elle avec un mouvement de balancier. Elle s’imaginait attaqu?e et devait se d?fendre courageusement contre une arm?e d’ennemis imaginaires. “As-tu r?ussi ? tuer quelqu’un?” demanda une voix moqueuse. Kyra se retourna et d?couvrit Maltren qui s’approchait d’elle ? cheval et se moquant ouvertement d’elle avant de s’?loigner au galop. Elle fulminait, esp?rant que quelqu’un le remette ? sa place. Kyra reprit sa respiration tout en regardant les hommes qui avaient fini leur entra?nement ? la lance descendre de cheval et former un cercle au milieu du terrain. Leurs ?cuyers se pr?cipit?rent pour leur apporter des ?p?es d’entra?nement en bois faites de ch?ne brut et presque aussi lourdes que des ?p?es en acier. Kyra resta ? distance, son c?ur s’acc?l?rant en voyant les hommes se positionner face ? face. Elle souhaitait plus que tout les rejoindre. Avant qu’ils ne commencent, Anvin s’avan?a au milieu d’eux et prit la parole. “En cette journ?e de festivit?s, nous nous entra?nons pour un prix sp?cial,” annon?a-t-il. “Celui qui gagnera aura le droit au morceau de choix du festin!” Un cri d’excitation suivi et les hommes charg?rent les uns contre les autres, les cliquetis de leurs ?p?es de bois emplissant l’air. L’entra?nement ?tait ponctu? par le son d’un cor qui retentissait ? chaque fois d’un guerrier ?tait touch? par un coup. Cela signifiait que le combat ?tait fini pour lui et qu’il devait se mettre sur le c?t?. Le cor retentit ? de nombreuses reprises et les combattants restant furent bient?t peu nombreux, la plupart des hommes se trouvant ? pr?sent sur le c?t? ? observer le d?roulement du combat. Kyra les rejoignis, d?vor?e par l’envie de combattre bien qu’elle n’y soit pas autoris?e. Aujourd’hui c’?tait son anniversaire, elle avait quinze ans et elle se sentait pr?te. Il ?tait temps qu’elle fasse ses preuves. “Laisse-moi les rejoindre!” plaida-t-elle aupr?s d’Anvin qui se tenait pr?s d’elle et regardait la sc?ne. Anvin secoua la t?te sans quitter l’action des yeux. “J’ai quinze ans aujourd’hui!” insista-t-elle. “Laisse-moi me battre!” Il la regarda d’un air sceptique. “C’est un terrain d’entra?nement pour les hommes,” grin?a Maltren en se mettant ? l’?cart apr?s avoir ?t? touch? par un coup. “Et non pour les jeunes filles. Tu peux t’asseoir et regarder avec les autres ?cuyers et aussi nous amener de l’eau si nous te le demandons.” Kyra rougit de col?re. “As-tu peur ? ce point de perdre contre une fille?” riposta-t-elle sans se d?monter, en sentant la col?re d?ferler en elle. Elle ?tait bien la fille de son p?re apr?s tout et personne n’avait le droit de lui parler ainsi. Certains hommes rican?rent et se fut au tour de Maltren de devenir rouge de col?re. “Elle marque un point,” glissa Vidar. “Peut-?tre devrions-nous la laisser combattre. Qu’avons-nous ? perdre?” “Se battre avec quoi?” riposta Maltren. “Mon b?ton!” cria Kyra. “Contre vos ?p?es de bois.” Maltren ?clata de rire. “Ce serait un vrai spectacle,” dit-il. Tous les regards se tourn?rent vers Anvin qui visiblement m?ditait sur la question. “Si tu te blesses, ton p?re va me tuer,” d?clara-t-il. “Je ne me blesserai pas,” implora-t-elle. Il resta ainsi pendant ce qui lui parut une ?ternit? puis finit par dire en soupirant: “Alors je ne vois aucun mal ? cela,” dit-il. “Au moins, cela te fera taire. Tant que ces hommes n’y voient aucune objection,” ajouta-t-il en se tournant vers les soldats. “OUI!” s’?cri?rent comme un seul homme une dizaine de soldats de son p?re, tous tr?s enthousiastes pour elle. Kyra les adorait plus qu’elle n’osait l’avouer. Elle voyait bien toute l’admiration qu’ils avaient pour elle, le m?me amour qu’ils vouaient ? son p?re. Elle n’avait pas beaucoup d’amis et ces hommes repr?sentaient son monde. Maltren haussa les ?paules. “Laissons-donc la fille se ridiculiser toute seule,” dit-il. “Elle retiendra peut-?tre la le?on une bonne fois pour toute.” Un cor retentit et tandis qu’un autre homme quittait le cercle, Kyra se pr?cipita pour rejoindre les hommes restant sur le terrain. Kyra sentit que tous les regards se portaient vers elle, les hommes ne s’attendaient visiblement pas ? cela. Elle se retrouva face ? son adversaire, un grand homme trapu d’une trentaine d’ann?es, un puissant guerrier qu’elle connaissait depuis toute petite. Pour l’avoir observ?, elle savait que c’?tait un tr?s bon combattant mais qu’il avait ?galement trop confiance en lui, ayant tendance ? charger d?s le d?but de chaque combat, trop imprudent. Il se retourna vers Anvin en fron?ant les sourcils. “C’est une insulte ou quoi?” demanda-t-il. “Je ne me battrai pas contre une fille.” “Tu t’insultes toi-m?me en ayant peur de te battre contre moi,” r?pondit Kyra, indign?e. “Tout comme toi j’ai deux mains et deux bras. Si tu refuses de te battre contre moi, alors c’est que tu d?clares forfait!” Stup?fait, il cligna des yeux, puis fron?a les sourcils. “Dans ce cas, tr?s bien,” dit-il. “Ne va pas te plaindre ? ton p?re lorsque tu auras perdu.” Il chargea ? toute allure comme elle s’y attendait, il leva son ?p?e en bois haut et fort et plongea droit sur elle en visant son ?paule. Pour l’avoir vu faire tant de fois, elle avait anticip? ce mouvement. De plus le mouvement de son bras laissait deviner ses intentions. Son ?p?e en bois ?tait tr?s r?sistante mais ?galement trop lourde et encombrante compar?e ? son b?ton. Kyra l’observa attentivement et attendit le bon moment pour se d?gager habilement de sa trajectoire, le coup la rata. Au m?me instant elle fit tournoyer son b?ton et lui assena un coup sur le c?t? de l’?paule. Il grogna et tituba de c?t?. Stup?fait et g?n?, il se retrouva oblig? d’accepter sa d?faite. “? qui le tour?” demanda Kyra avec un grand sourire en se tournant pour faire face au reste des hommes. La plupart d’entre eux souriaient visiblement tr?s fiers d’elle, fiers de la voir grandir et atteindre ce niveau. Tous sauf Maltren qui lui jeta un regard noir. Il semblait sur le point de la d?fier lorsqu’un autre soldat s’avan?a avec une expression s?rieuse. Cet homme ?tait plus petit et plus large avec une barbe rousse et des yeux fiers. Vu la fa?on dont il tenait son ?p?e, Kyra put d?terminer qu’il semblait plus prudent que son pr?c?dent adversaire. Elle consid?ra cela comme un compliment: ils la prenaient enfin au s?rieux. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43695119&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.