*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

La Nuit des Braves

La Nuit des Braves Morgan Rice Rois et Sorciers #6 Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) La s?rie ? succ?s n°1, avec plus de 400 ?valuations ? cinq ?toiles sur Amazon ! LA NUIT DES BRAVES est le tome n°6 (le dernier) de la s?rie ?pique et ? succ?s d’heroic fantasy de Morgan Rice intitul?e ROIS ET SORCIERS (et qui commence par LE REVEIL DES DRAGONS, disponible en t?l?chargement gratuit) ! Dans LA NUIT DES BRAVES, Kyra doit trouver le moyen de quitter Marda et de revenir ? Escalon avec le B?ton de V?rit?. Si elle y parvient, la bataille la plus ?pique de toute sa vie l’y attendra, car il faudra qu’elle affronte les arm?es de Ra, une nation de trolls et une meute de dragons. Si ses pouvoirs et son arme sont assez puissants, sa m?re l’attendra et lui r?v?lera les secrets de sa destin?e et de sa naissance. Duncan doit se battre vaillamment contre les arm?es de Ra une fois pour toutes. Pourtant, alors m?me qu’il livre les plus grandes batailles de sa vie, dont le point culminant est un dernier conflit dans Le Ravin du Diable, il ne saurait pr?voir la sombre supercherie que lui r?serve Ra. Dans la Baie de la Mort, Merk et la fille du roi Tarnis doivent s’allier ? Alec et aux guerriers des ?les Perdues pour repousser les dragons. Ils doivent trouver Duncan et s’unir pour sauver Escalon, mais Vesuvius a refait surface et ils ne sauraient pr?voir la trahison qui les attend. Dans la conclusion ?pique de Rois et Sorciers, les batailles, les armes et la sorcellerie les plus spectaculaires qui soient m?nent toutes ? une fin stup?fiante et inattendue qui regorge aussi bien de trag?dies d?chirantes que de renaissances exaltantes. Avec son atmosph?re puissante et ses personnages complexes, LA NUIT DES BRAVES est une saga spectaculaire de chevaliers et de guerriers, de rois et de seigneurs, d'honneur et de bravoure, de magie, de destin?e, de monstres et de dragons. C'est une histoire d'amour et de c?urs bris?s, de tromperie, d'ambition et de trahison. C'est de la fantasy de haute qualit? qui nous invite ? d?couvrir un monde qui vivra en nous pour toujours, un monde qui plaira ? tous les ?ges et ? tous les sexes. Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre apr?s la fin de la s?rie de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page.. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le R?veil des Dragons) Morgan Rice La Nuit des Braves (Rois et Sorciers–Tome 6) Morgan Rice Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la s?rie d’?pop?es fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la s?rie ? succ?s SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la s?rie ? succ?s LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique comprenant deux tomes (jusqu'? maintenant); et de la s?rie de fantaisie ?pique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont ?t? traduits dans plus de 25 langues. La nouvelle s?rie d’?pop?es fantastiques de Morgan, DE COURONNES ET DE GLOIRE, sortira en avril 2016. Elle commencera par le tome n°1 : ESCLAVE, GUERRIERE, REINE. Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'h?sitez pas ? visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, t?l?charger l'appli gratuite, lire les derni?res nouvelles exclusives, vous connecter ? Facebook et ? Twitter, et rester en contact ! Choix de Critiques pour Morgan Rice « Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre apr?s la fin de la s?rie de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE R?VEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page .... Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites ». –-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le R?veil des Dragons) « LE R?VEIL DES DRAGONS est un succ?s d?s le d?but .... C'est une histoire de qualit? sup?rieure qui commence traditionnellement par les luttes d'un protagoniste puis ?volue vers un cercle plus large de chevaliers, de dragons, de magie et de monstres et de destin .... Tous les signes ext?rieurs de la « high fantasy » sont ici, des soldats et des batailles aux affrontements avec soi-m?me .... Une histoire s?duisante recommand?e pour tous ceux qui aiment la fantasy ?pique aliment?e par de jeunes protagonistes adultes puissants et cr?dibles. » –Midwest Book Review, D. Donovan, critique de livres ?lectroniques « Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. » —The Wanderer,A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) « Une histoire du genre fantastique entra?nante qui m?le des ?l?ments de myst?re et de complot ? son intrigue. La Qu?te des H?ros raconte la naissance du courage et la r?alisation d’une raison d'?tre qui m?ne ? la croissance, la maturit? et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'?volution de Thor d'un enfant r?veur ? un jeune adulte confront? ? d'insurmontables d?fis de survie .... Ce n'est que le d?but de ce qui promet d'?tre une s?rie pour jeunes adultes ?pique. » —Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres ?lectroniques) « L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s instantan? : intrigues, contre-intrigues, myst?res, vaillants chevaliers et des relations en plein ?panouissement pleines de c?urs bris?s, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les ?ges. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs de fantasy. » – Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « Dans ce premier livre bourr? d'action de la s?rie de fantasy ?pique L'anneau du sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice pr?sente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McL?od, 14 ans, dont le r?ve est de rejoindre la L?gion d'argent, des chevaliers d'?lite qui servent le roi .... L'?criture de Rice est solide et le pr?ambule intrigant. » – Publishers Weekly Livres de Morgan Rice DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRIERE, REINE (Tome n°1) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome n°1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome n°2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4) UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5) LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome n°1) LA MARCHE DES ROIS (Tome n°2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3) UN CRI D'HONNEUR (Tome n°4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n°5) UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n°6) UN RITE D'?P?ES (Tome n°7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n°8) UN CIEL DE CHARMES (Tome n°9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n°10) LE R?GNE DE L'ACIER (Tome n°11) UNE TERRE DE FEU (Tome n°12) LE R?GNE DES REINES (Tome n°13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome n°14) UN R?VE DE MORTELS (Tome n°15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n°16) LE DON DE LA BATAILLE (Tome n°17) TRILOGIE DES RESCAP?S AR?NE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1) AR?NE DEUX (Tome n°2) SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE TRANSFORM?E (Tome n°1) AIM?E (Tome n°2) TRAHIE (Tome n°3) PR?DESTIN?E (Tome n°4) D?SIR?E (Tome n°5) FIANC?E (Tome n°6) VOU?E (Tome n°7) TROUV?E (Tome n°8) REN?E (Tome n°9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n°10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11) OBSESSION (Tome n°12) ?coutez ROIS ET SORCIERS en ?dition audio ! Vous voulez des livres gratuits  ? Abonnez-vous ? la liste de diffusion de Morgan Rice et recevez 4 livres gratuits, 3 cartes gratuites, 1 application gratuite, 1 jeu gratuit, 1 bande dessin?e gratuite et des cadeaux exclusifs ! Pour vous abonner, allez sur : www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) Copyright © 2015 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright Algol, utilis?e en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. CHAPITRE PREMIER Duncan traversait l'inondation en reflux. L'eau lui ?claboussait les mollets. Entour? par des dizaines de ses hommes, il se frayait un chemin dans le cimeti?re flottant. Des centaines de cadavres pand?siens flottaient devant eux, venaient buter contre ses jambes alors qu'il pataugeait dans ce qui restait de l'inondation de l'Everfall. A perte de vue s'?tendait une mer de cadavres, de soldats pand?siens rejet?s par le Canyon qui d?bordait, emport?s vers le d?sert par les eaux fuyantes. C'?tait l'air solennel de la victoire. Duncan baissa les yeux vers le Canyon, qui d?bordait en bouillonnant et recrachait encore des cadavres ? chaque minute. Il se tourna vers l'horizon, vers Everfall, o? les torrents bouillonnants s'?taient r?duits ? un filet. Lentement, il sentit le frisson de la victoire s'?lever en lui. Tout autour de lui, l'air commen?a ? r?sonner des acclamations victorieuses de ses hommes qui, abasourdis, traversaient tous les eaux, incr?dules, en se rendant tous lentement compte qu'ils avaient r?ellement gagn?. Contre toute attente, ils avaient surv?cu, avaient vaincu cette l?gion bien plus nombreuse qu'eux. Leifall s'?tait finalement alli? avec eux. Duncan ressentit un regain de gratitude envers ses loyaux soldats, Leifall, Anvin et, surtout, son fils. Ils n'avaient eu presque aucune chance de r?ussir mais aucun d'eux n'avait c?d? ? la peur. On entendit un grondement lointain. Duncan regarda ? l'horizon et fut ravi de voir Leifall et ses hommes de Leptus, Anvin et Aidan parmi eux, White courant ? leurs pieds, tous revenir d'Everfall pour les rejoindre. Ils furent rejoints par la petite arm?e de Leifall, forte de quelques centaines d'hommes, dont les cris de triomphe s'entendaient m?me d'ici. Duncan regarda ? nouveau vers le nord et, ? l'horizon distant, il rep?ra un monde rempli de noir. L?-bas, ? peut-?tre un jour de cheval, se trouvait le reste de l'arm?e pand?sienne qui se mobilisait et se pr?parait ? se venger de sa d?faite. Duncan savait que, la prochaine fois, ils n'attaqueraient pas avec dix mille hommes mais avec cent mille. Duncan savait qu'il ?tait ? court de temps. Il avait eu de la chance une fois, mais il n'avait aucune chance de r?sister ? l'attaque de centaines de milliers de soldats, m?me avec toutes les ruses du monde. Et il avait ?puis? toutes ses ruses. Il lui fallait une nouvelle strat?gie, et vite. Alors que ses hommes se rassemblaient autour de lui, Duncan examina tous ces visages durs et graves et comprit que ces grands guerriers attendaient qu'il leur donne des ordres. Il savait que la d?cision qu'il prendrait ensuite, quelle qu'elle soit, n'affecterait pas que sa personne mais aussi tous ces grands hommes – et m?me le destin d'Escalon tout entier. Il fallait qu'il d?cide avec sagesse : il le leur devait ? tous. Duncan se creusa la cervelle, voulut forcer la r?ponse ? se manifester, envisagea toutes les ramifications de toutes les tactiques strat?giques. Toutes les tactiques supposaient la prise de grands risques, l'?ventualit? de r?percussions terribles, et toutes ces tactiques ?taient encore plus risqu?es que ce qu'il avait fait ici dans le canyon. “Commandant ?” fit une voix. Duncan se tourna et vit le visage grave de Kavos, qui le contemplait avec respect. Derri?re lui, des centaines d'hommes le regardaient fixement, eux aussi. Ils attendaient tous ses ordres. Ils l'avaient suivi jusqu'au bout et en ?taient ressortis vivants, et ils lui faisaient confiance. Duncan hocha la t?te et inspira profond?ment. “Si nous affrontons les Pand?siens ? d?couvert”, commen?a-t-il, “nous perdrons. Ils sont encore cent fois plus nombreux que nous. Ils sont aussi mieux repos?s, arm?s et ?quip?s. Si nous faisons ?a, nous serons tous morts au coucher du soleil.” Duncan soupira. Ses hommes ?taient pendus ? ses l?vres. “Pourtant, nous ne pouvons pas fuir”, poursuivit-il, “et nous ne le devrions pas. Avec les trolls qui nous attaquent eux aussi et les dragons qui nous survolent, nous n'avons pas le temps de nous cacher, de mener une gu?rilla. De plus, nous n'avons pas l'habitude de nous cacher. Nous avons besoin d'une strat?gie audacieuse, rapide et d?cisive pour vaincre les envahisseurs et en d?barrasser notre pays une fois pour toutes.” Duncan resta longtemps silencieux en r?fl?chissant ? la t?che quasi-impossible qui les attendait. On n'entendait que le son du vent qui se propageait dans le d?sert. “Que proposes-tu, Duncan ?” insista finalement Kavos. Duncan retourna les yeux vers Kavos, serrant et desserrant sa hallebarde, le regardant intens?ment en laissant r?sonner ses mots dans sa t?te. Il devait une strat?gie ? ces grands guerriers. Pas seulement un moyen de survivre, mais un moyen de vaincre. Duncan r?fl?chit au terrain d'Escalon. Il savait que toutes les batailles se gagnaient par connaissance du terrain, et sa connaissance du terrain de sa patrie ?tait peut-?tre le seul avantage qui lui restait dans cette guerre. Il r?fl?chit ? tous les endroits d'Escalon o? le terrain pourrait offrir un avantage naturel. Il faudrait que ce soit vraiment un endroit tr?s sp?cial, un endroit o? quelques milliers d'hommes pourraient en repousser des centaines de milliers. Il y avait peu d'endroits en Escalon – peu d'endroits o? que ce soit – susceptibles de permettre une telle chose. Pourtant, quand Duncan se souvint des l?gendes et des contes que son p?re et le p?re de son p?re avaient grav?s dans sa m?moire d'enfant, quand il se souvint de toutes les grandes batailles d'autrefois qu'il avait ?tudi?es, il se mit ? se souvenir des batailles qui ?taient les plus h?ro?ques, les plus ?piques, des batailles o? peu d'hommes s'?taient battus contre beaucoup. A plusieurs reprises, il se souvint d'un seul endroit : le Ravin du Diable. Le lieu des h?ros. L'endroit o? un petit nombre d'hommes avait repouss? une arm?e, o? tous les grands guerriers d'Escalon avaient ?t? mis ? l'?preuve. Le Ravin offrait le col le plus ?troit dans tout Escalon, et c'?tait peut-?tre le seul endroit du pays o? le terrain d?cidait de l'issue de la bataille. Une paroi abrupte de falaises et de montagnes rencontrait la mer et ne laissait qu'un corridor ?troit pour passer, formant ainsi le Ravin qui avait pris un nombre certain de vies. Cela for?ait les hommes ? le franchir en file indienne. Cela for?ait les arm?es ? le franchir en file indienne. Cela cr?ait un goulet d'?tranglement o? quelques guerriers, du moment qu'ils ?taient bien plac?s et assez h?ro?ques, pouvaient repousser toute une arm?e. Du moins, selon ce que disaient les l?gendes. “Le Ravin”, r?pondit finalement Duncan. Tous les hommes ?carquill?rent les yeux. Lentement, ils lui r?pondirent d'un hochement de t?te respectueux. Le Ravin ?tait une d?cision grave; c'?tait l'endroit de la derni?re chance. C'?tait un endroit o? on allait quand il n'y avait nulle part ailleurs o? aller, un endroit o? les hommes mouraient ou vivaient, o? le pays ?tait perdu ou sauv?. C'?tait un endroit de l?gende. Un endroit de h?ros. “Le Ravin”, dit Kavos, en hochant longtemps la t?te et en se frottant la barbe. “Une id?e forte. Pourtant, il reste un probl?me.” Duncan le regarda. “Le Ravin est con?u pour repousser les envahisseurs, pas pour les y attirer”, r?pondit-il. “Les Pand?siens y sont d?j?. Nous pourrions peut-?tre le boucher et les y emprisonner. Cependant, ce que nous voulons, c'est les chasser.” “Du temps de nos anc?tres”, ajouta Bramthos, “jamais une arm?e d'invasion, une fois qu'elle avait travers? le Ravin, n'a ?t? forc?e de le retraverser. C'est trop tard. Ils l'ont d?j? travers?.” Duncan r?pondit d'un hochement de t?te, pensant lui-m?me la m?me chose. “J'y ai pens?”, r?pondit-il. “Pourtant, il y a toujours un moyen. Peut-?tre pourrions-nous les inciter ? repasser dans le ravin par la ruse, pour aller vers l'autre c?t?. Et ensuite, une fois qu'ils seraient au sud, nous pourrions le boucher et nous battre l?.” Les hommes le regardaient fixement, visiblement perplexes. “Et comment proposes-tu que nous le fassions ?” demanda Kavos. Duncan tira son ?p?e, trouva une ?tendue de sable sec, s'avan?a et commen?a ? dessiner. Tous les hommes s'agglutin?rent contre lui pendant que sa lame grattait le sable. “Quelques-uns d'entre nous les y attireront”, dit-il en tra?ant une ligne dans le sable. “Le reste attendra de l'autre c?t?, pr?t ? boucher la route. Nous ferons croire aux Pand?siens qu'ils sont en train de nous poursuivre, que nous fuyons. Quand mes hommes auront travers?, ils pourront faire demi-tour par les tunnels, revenir de ce c?t? du Ravin et le boucher. A ce moment-l?, nous pourrons tous nous battre ensemble.” Kavos secoua la t?te. “Et qu'est-ce qui te fait penser que Ra enverra son arm?e dans ce ravin ?” Duncan se sentait d?termin?. “Je comprends Ra”, r?pondit-il. “Il d?sire fortement nous d?truire. Il d?sire fortement une victoire compl?te et totale. Cette man?uvre en appellera ? sa vanit? et, pour la satisfaire, il nous enverra toute son arm?e.” Kavos secoua la t?te. “Les hommes qui les attireront”, dit-il, “seront expos?s. Il sera presque impossible de revenir ? temps par les tunnels. Ces hommes risquent de se faire pi?ger et de mourir.” Duncan hocha gravement la t?te. “C'est pourquoi je m?nerai ces hommes moi-m?me”, dit-il. Les hommes tourn?rent tous les yeux vers lui avec respect. Ils se caress?rent la barbe, le visage assailli par la pr?occupation et le doute. Visiblement, ils comprenaient tous ? quel point cette man?uvre ?tait risqu?e. “?a pourrait peut-?tre marcher”, dit Kavos. “Peut-?tre pourrions-nous attirer les forces pand?siennes et peut-?tre m?me les fermer dehors. Pourtant, m?me dans ce cas de figure, Ra n'enverra pas tous ses hommes. Seules ses forces du sud sont stationn?es ici. Il a d'autres hommes, r?partis partout sur nos terres. Il a une arm?e puissante qui garde le nord. M?me si nous gagnons cette bataille ?pique, nous ne gagnerons pas la guerre. Ses hommes ma?triseront encore Escalon.” Duncan r?pondit d'un hochement de t?te, pensant lui-m?me la m?me chose. “C'est pourquoi nous allons s?parer nos forces”, r?pondit-il. “Une moiti? d'entre nous se rendra au Ravin pendant que l'autre moiti? ira vers le nord et attaquera l'arm?e septentrionale de Ra. Men?e par toi.” Kavos le regarda fixement avec surprise. “Si nous sommes suppos?s lib?rer Escalon, nous devons le faire en une seule fois”, ajouta Duncan. “Tu m?neras la bataille dans le nord. Emm?ne-les dans ta patrie, ? Kos. D?place la guerre vers les montagnes. Personne ne peut s'y battre aussi bien que toi.” Kavos hocha la t?te. Il appr?ciait visiblement cette id?e. “Et toi, Duncan ?” demanda-t-il en retour d'une voix charg?e de pr?occupation. “J'aurai beau avoir peu de chances dans le nord, les tiennes dans le Ravin seront bien plus r?duites.” Duncan r?pondit d'un hochement de t?te et sourit. Il serra l'?paule ? Kavos. “J'aurai plus de chances de m'en tirer avec gloire, dans ce cas”, r?pondit-il. Kavos lui sourit avec admiration. “Et la flotte pand?sienne ?” demanda Seavig en s'avan?ant. “Actuellement, ils tiennent le port d'Ur. Escalon ne pourra pas ?tre libre tant qu'ils seront ma?tres des mers.” Duncan r?pondit ? son ami d'un hochement de t?te et lui posa une main sur l'?paule. “C'est pourquoi tu vas emmener tes hommes et te diriger vers la c?te”, r?pondit Duncan. “Sers-toi de notre flotte cach?e et navigue vers le nord, de nuit, en remontant le Chagrin. Rends-toi ? Ur et, si tu es assez rus?, tu arriveras peut-?tre ? les vaincre.” Seavig le regarda fixement en se frottant la barbe, les yeux luisants de malice et d'audace. “Tu te rends compte qu'on sera une douzaine de navires contre mille ?” r?pondit-il. Duncan r?pondit d'un hochement de t?te et Seavig sourit. “Je savais que, si je t'aimais, c'?tait pour une raison”, r?pondit Seavig. Seavig monta ? cheval, suivi par ses hommes, et il partit sans un autre mot, les menant tous dans le d?sert, vers l'ouest et vers la mer. Kavos s'avan?a, serra l'?paule ? Duncan et le regarda dans les yeux. “J'ai toujours su que nous mourrions tous les deux pour Escalon”, dit-il. “Ce que je ne savais pas, c'est que ?a se passerait avec tant de gloire. Ce sera une mort digne de nos anc?tres. Je te remercie pour ?a, Duncan. Tu nous as fait un grand cadeau.” “Moi aussi, je te remercie”, r?pondit Duncan. Kavos se tourna, hocha la t?te en direction de ses hommes et, sans un autre mot, ils mont?rent tous ? cheval et partirent vers le nord, vers Kos. Ils s'en all?rent tous en poussant des cris d'enthousiasme, soulevant un grand nuage de poussi?re sur leur chemin. Duncan se retrouva face ? plusieurs centaines d'hommes, qui attendaient tous qu'il leur donne des ordres. Il se tourna vers eux. “Leifall sera bient?t ici”, dit-il en les regardant s'approcher ? l'horizon. “Quand ils arriveront, nous partirons tous ensemble vers le Ravin.” Duncan allait monter ? cheval quand, soudain, une voix fendit l'air. “Commandant !” Duncan se retourna et fut choqu? par ce qu'il vit. L?-bas, ? l'est, une silhouette solitaire approchait, traversant le d?sert pour venir les rejoindre. Duncan eut le c?ur qui battait la chamade quand il la vit. C'?tait impossible. Ses hommes s'?cart?rent de tous les c?t?s quand elle approcha. Le c?ur de Duncan s'emballa et, lentement, il sentit ses yeux se remplir de larmes de joie. Il avait peine ? y croire. L?-bas, telle une apparition surgie du d?sert, approchait sa fille. Kyra. Kyra s'avan?ait vers eux, seule, souriante, se dirigeant directement vers lui. Duncan ?tait d?rout?. Comment ?tait-elle arriv?e ici ? Que faisait-elle ici ? Pourquoi ?tait-elle seule ? Avait-elle fait tout ce chemin ? pied ? O? ?tait Andor ? O? ?tait son dragon ? Tout cela ?tait absurde. Et pourtant, elle ?tait l?, en chair et en os. Sa fille ?tait venue le retrouver. En la voyant, il avait l'impression qu'on venait de lui rendre son ?me. Tout allait bien dans le monde, m?me si ce n'?tait que provisoirement. “Kyra”, dit-il en s'avan?ant avec enthousiasme. Les soldats s'?cart?rent quand Duncan s'avan?a en souriant et en tendant les bras, impatient de la prendre dans ses bras. Elle souriait elle aussi et elle ouvrit largement les bras en s'avan?ant vers lui. Pour Duncan, rien que savoir qu'elle ?tait en vie lui donnait l'impression que la vie valait la peine d'?tre v?cue. Duncan fit les derniers pas, extr?mement heureux de la prendre dans ses bras, et, quand elle s'avan?a et le prit dans ses bras, il l'enla?a. “Kyra”, dit-il, se r?pandant en effusions, les larmes aux yeux. “Tu es vivante. Tu m'es revenue.” Il sentait les larmes lui couler sur le visage, des larmes de joie et de soulagement. Pourtant, ?trangement, alors qu'il la tenait, elle ne disait mot, ne lui r?pondait rien. Lentement, Duncan commen?a ? se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Une fraction de seconde avant qu'il comprenne, il fut soudain submerg? par une douleur aveuglante. Duncan haleta, incapable de reprendre son souffle. Ses larmes de joie se transform?rent rapidement en larmes de douleur et il eut le souffle coup?. Il ne comprenait rien ? ce qui lui arrivait; au lieu d'une tendre accolade, il sentait une froide lame d'acier lui poignarder les c?tes et s'enfoncer jusqu'au fond. Il eut une sensation de chaleur au ventre, se sentit paralys?, incapable de respirer, de penser. La douleur ?tait si violente, si br?lante, si inattendue. Il baissa les yeux et vit qu'il avait un poignard plong? dans le c?ur, alors qu'il se tenait l?, fig? par le choc. Il leva les yeux vers Kyra, la regarda dans les yeux et, bien que la douleur f?t terrible, la douleur de sa trahison ?tait pire. Ce n'?tait pas de mourir qui l'emb?tait. C'?tait de mourir tu? par sa fille qui le d?chirait. Sentant le monde tourner sous lui, Duncan cligna des yeux, d?rout?, essayant de comprendre pourquoi la personne qu'il aimait le plus au monde le trahissait. Pourtant, Kyra se contenta de lui sourire sans montrer le moindre remords. “Bonjour, P?re”, dit-elle. “Quel plaisir de te revoir !” CHAPITRE DEUX Alec se tenait dans la gueule du dragon et serrait l'?p?e Inachev?e de ses mains tremblantes, h?b?t?, pendant que le sang du dragon lui jaillissait dessus comme une chute d'eau. Depuis les rang?es de crocs ac?r?s, chacun aussi grand que lui, il regarda vers l'ext?rieur et se pr?para quand le dragon plongea directement sous l'oc?an. Il sentit son ventre lui remonter dans la gorge quand les eaux glaciales de la Baie de la Mort vinrent pr?cipitamment ? sa rencontre. Il savait que, s'il n'?tait pas tu? par l'impact, il serait ?cras? par le poids du cadavre du dragon. Encore choqu? d'avoir r?ussi ? tuer cette grande b?te, Alec savait que le dragon, avec tout son poids et toute sa vitesse, coulerait jusqu'au fond de la Baie de la Mort et l'entra?nerait avec lui. L'?p?e Inachev?e pouvait tuer un dragon mais aucune ?p?e ne pourrait arr?ter sa chute. Pire encore, les m?choires du dragon, maintenant rel?ch?es, se refermaient sur lui ? mesure que les muscles de la m?choire se d?tendaient et se refermaient en formant une cage de laquelle Alec ne pourrait jamais s'?chapper. Il savait qu'il allait devoir bouger vite pour survivre. Alors que le sang lui jaillissait sur la t?te depuis le palais du dragon, Alec retira l'?p?e et, quand les m?choires furent presque referm?es, il se pr?para et bondit. Il hurla en fendant l'air glac?. Les crocs ac?r?s du dragon lui effleur?rent le dos, lui entaill?rent la chair et, l'espace d'un instant, sa chemise s'accrocha ? une des dents du dragon et il se dit qu'il n'y arriverait pas. Derri?re lui, il entendit les grandes m?choires se refermer soudainement, sentit sa chemise se d?chirer, perdre un morceau – puis, finalement, il tomba en chute libre. Alec se d?battit en tombant, se pr?para ? tomber dans les eaux noires et tourbillonnantes d'en-dessous. Soudain, on entendit un plouf et Alec fut choqu? quand il plongea dans les eaux glac?es, dont la temp?rature extr?me lui coupa le souffle. La derni?re chose qu'il vit en regardant vers le haut fut le cadavre du dragon qui plongeait pr?s de lui, sur le point de percuter la baie. Le corps du dragon frappa la surface en produisant un fracas terrible et en envoyant d'?normes gerbes d'eau dans toutes les directions. Heureusement, il rata Alec de peu et la vague, au lieu d'?craser le jeune homme, s'?tala et s'?loigna du cadavre de la b?te. Elle souleva Alec de plus de six m?tres avant de s'arr?ter, puis, ? la grande peur d'Alec, elle commen?a ? tout aspirer autour d'elle en formant un tourbillon g?ant. Alec nagea de toutes ses forces pour s'?loigner mais en vain. Il eut beau essayer, la seconde d'apr?s, il se retrouva aspir? dans le vaste tourbillon, vers les profondeurs. Alec nagea de son mieux tout en serrant encore l'?p?e. Il ?tait d?j? ? plus de six m?tres au-dessous de la surface et, malgr? ses coups de pied, il s'enfon?ait dans les eaux glaciales. Il donna d?sesp?r?ment des coups de pied pour rejoindre la surface et la lumi?re du soleil qui ?tincelait loin au-dessus, et, quand il le fit, il vit d'immenses requins se mettre ? nager vers lui. Il rep?ra tout juste la coque du navire qui montait et descendait dans les eaux loin au-dessus de lui et comprit qu'il ne lui restait pas beaucoup de temps pour se tirer vivant de ce mauvais pas. Avec un ultime coup de pied, Alec refit finalement surface en haletant; un moment plus tard, il sentit de fortes mains le saisir. Il leva les yeux et vit Sovos le tirer brusquement pour le remonter ? bord du navire et, une seconde plus tard, il se retrouva ? l'air libre, serrant encore l'?p?e. Pourtant, il per?ut un mouvement du coin de l'?il, se tourna et vit un immense requin rouge bondir hors de l'eau en lui visant la jambe. Il n'avait plus le temps. Alec sentit l'?p?e lui vibrer dans la main et lui dire quoi faire. Jamais il n'avait connu ce type de sensation. Il se retourna et hurla en abattant son ?p?e des deux mains et de toutes ses forces. On entendit le son de l'acier qui tranchait la chair et, choqu?, Alec regarda l'?p?e Inachev?e trancher l'?norme requin en deux. Les eaux rouges se remplirent rapidement de requins, qui se mirent ? manger les morceaux. Un autre requin bondit pour lui attraper les pieds, mais, cette fois-ci, Alec se sentit violemment tir? vers le haut et il atterrit sur le pont en produisant un bruit sourd. Il roula et g?mit, couvert de douleurs et de contusions, et respira avec difficult? bien qu'avec soulagement, ?puis?, d?goulinant. Quelqu'un le recouvrit imm?diatement d'une couverture. “Comme si ce n'?tait pas assez de tuer un dragon”, dit Sovos avec un sourire. Se tenant au-dessus d'Alec, il lui tendit une flasque de vin. Alec en prit une longue gorg?e, qui lui r?chauffa l'estomac. Le navire fourmillait de soldats, tous excit?s, en d?sordre. Alec n'en fut pas surpris: apr?s tout, il ?tait rare qu'un dragon meure d'un coup d'?p?e. Il regarda autour de lui et vit, sur le pont, au milieu de la foule, Merk et Lorna, visiblement sauv?s des eaux. Merk lui semblait ?tre une canaille, peut-?tre un assassin, alors que Lorna ?tait d'une beaut? ?th?r?e ? couper le souffle. Ils d?goulinaient tous les deux et avaient l'air h?b?t?s et heureux d'?tre en vie. Alec remarqua que tous les soldats le regardaient fixement, abasourdis, et il se releva lentement, lui-m?me choqu? en se rendant compte de ce qu'il venait d'accomplir. Les soldats regard?rent l'?p?e d?goulinante qu'il tenait puis le regard?rent, lui, comme s'il ?tait un dieu. Il ne put s'emp?cher de regarder l'?p?e lui-m?me, de sentir son poids dans sa main comme si c'?tait une cr?ature vivante. Il contempla le myst?rieux m?tal ?tincelant comme si c'?tait un objet ?trange et qu'il revivait dans sa t?te le moment o? il avait frapp? le dragon, le choc qu'il avait ressenti en lui trouant la chair. Il s'?merveilla de la puissance de cette arme. Peut-?tre encore plus que ?a, Alec ne put s'emp?cher de se demander qui il ?tait. Comment se faisait-il que le simple gar?on de village qu'il ?tait puisse tuer un dragon ? Que lui r?servait la destin?e ? Il commen?ait ? se dire que ce ne serait pas une destin?e ordinaire. Alec entendit claquer mille m?choires, regarda par-dessus le bastingage et vit qu'un banc de requins rouges se repaissait maintenant de l'?norme carcasse du dragon, qui flottait ? la surface. Les eaux noires de la Baie de la Mort ?taient maintenant rouge sang. Alec regarda la carcasse qui flottait et comprit alors que c'?tait lui qui avait vraiment fait ?a. D'une fa?on ou d'une autre, il avait tu? un dragon et il ?tait le seul ? l'avoir fait en Escalon. De grands hurlements remplirent le ciel. Alec leva les yeux et vit des dizaines d'autres dragons d?crire des cercles au loin, cracher de grandes colonnes de flammes, assoiff?s de vengeance. Tous le fixaient du regard mais certains semblaient avoir peur de l'approcher. Plusieurs d'entre eux quitt?rent la meute quand ils virent que leur compagnon flottait mort dans l'eau. Cependant, d'autres hurl?rent de fureur et plong?rent directement vers lui. En les voyant s'abattre vers lui, Alec n'attendit pas. Il courut vers la poupe, bondit sur le bastingage et leur fit face. Il sentit la puissance de l'?p?e le traverser, l'encourager ? se battre et, alors qu'il se tenait ? cet endroit, il sentit en lui une nouvelle d?termination inflexible. Il eut l'impression que l'?p?e le poussait en avant. Il ne faisait plus qu'un avec son arme. La meute de dragons descendit directement vers lui. Un ?norme dragon aux yeux vert brillant les menait et hurlait tout en crachant des flammes. Alec tint l'?p?e haut. La vibration qu'il sentait dans sa main lui donnait du courage. Il savait que le destin m?me d'Escalon ?tait en jeu. Alec ressentit un regain de courage qu'il n’avait jamais connu. Il poussa lui-m?me un cri de guerre et, quand il le fit, l'?p?e s'illumina. Un intense jet de lumi?re s'en ?chappa, s'?leva et arr?ta le mur de flammes ? mi-ciel. Il continua jusqu'? faire rebrousser chemin aux flammes et, quand Alec redonna un coup d'?p?e, le dragon hurla quand il se retrouva enferm? dans sa propre colonne de flammes. Formant une grande boule de feu, le dragon hurla et se d?battit en tombant tout droit dans les eaux. Un autre dragon plongea et, une fois de plus, Alec leva l'?p?e, qui arr?ta le mur de flammes et tua le dragon. Un autre dragon vola plus bas et, quand il le fit, il baissa les serres comme pour saisir Alec. Alec se tourna, donna un coup d'?p?e et fut choqu? quand l'?p?e trancha les jambes au dragon, qui poussa un hurlement. Du m?me mouvement, Alec frappa ? nouveau et lui blessa le flanc en y ouvrant une ?norme entaille. Le dragon s'?crasa dans l'oc?an et, alors qu'il y battait des ailes, incapable de voler, il se fit attaquer par une masse de requins. Un autre dragon, petit et rouge, vola ? basse altitude par l'autre c?t?, les m?choires ouvertes en grand, et, quand il le fit, cette fois-ci, Alec permit ? ses instincts de prendre le dessus et bondit en l'air. L'?p?e lui donna de la force et il bondit plus haut qu'il n'aurait pu l'imaginer, par-dessus la t?te du dragon, pour lui atterrir sur le dos. Le dragon hurla et rua, mais Alec tint bon. Le dragon ne pouvait pas le d?sar?onner. Alec se sentit plus fort que le dragon et en mesure de le commander. “Dragon !” cria-t-il. “A mes ordres ! Attaque !” Le dragon fut oblig? de se retourner et de s'envoler directement vers la meute d'une dizaine de dragons qui descendaient encore. Alec leur fit face sans peur et vola vers eux en tenant l'?p?e devant lui. Quand ils se crois?rent dans le ciel, Alec donna de nombreux coups d'?p?e avec une force et une vitesse qu'il ignorait poss?der. Il coupa l'aile ? un dragon, puis la gorge ? un autre, puis en poignarda un autre au c?t? du cou, puis se retourna et coupa la queue ? un autre. L'un apr?s l'autre, les dragons tomb?rent du ciel et s'?cras?rent dans les eaux en cr?ant un tourbillon dans la baie d'en-dessous. Alec ne s'arr?ta pas. Il attaqua la meute ? plusieurs reprises, traversa les cieux dans tous les sens, sans jamais battre en retraite. Pris dans la tourmente, il remarqua tout juste le moment o?, finalement, les rares dragons qui restaient se retourn?rent, hurl?rent et s'enfuirent, effray?s. Alec avait peine ? y croire. Des dragons. Effray?s. Alec regarda au-dessous. Il vit ? quelle altitude il ?tait, vit la Baie de la Mort qui s'?tendait au-dessous de lui, vit des centaines de navires, en flammes pour la plupart, et des milliers de cadavres de trolls qui flottaient. L'?le de Knossos ?tait elle aussi en flammes et son grand fort ?tait en ruines. Devant lui s'?tendait une sc?ne de chaos et de destruction. Alec rep?ra sa flotte et fit descendre le dragon. Quand ils s'en approch?rent, Alec leva l'?p?e et la plongea dans le dos du dragon, qui hurla et commen?a ? tomber. Quand ils approch?rent de l'eau, Alec bondit et atterrit dans les eaux ? c?t? du navire. Imm?diatement, on lui jeta des cordes et Alec fut hiss? ? bord. Quand il atterrit sur le pont, cette fois-ci, il ne frissonna pas. Il n'avait plus froid, n'?tait plus fatigu? ni affaibli, n'avait plus peur. Au lieu de tout cela, il ressentait une force qu'il n'avait jamais connue. Il se sentait rempli de courage, de force. Il sentait qu'il venait de rena?tre. Il avait tu? une meute de dragons. Et maintenant, plus rien ne pourrait l'arr?ter en Escalon. CHAPITRE TROIS R?veill? par la sensation de pinces ac?r?es en train de lui ramper sur le dos de la main, Vesuvius ouvrit un ?il; l'autre ?tait encore scell?. Il regarda vers le haut, d?sorient?, et se retrouva allong? face contre terre dans le sable pendant que les vagues de l'oc?an se fracassaient derri?re lui et que l'eau glaciale lui remontait le long des jambes. Il se souvint. Apr?s cette bataille ?pique, il avait ?chou? sur le rivage de la Baie de la Mort; il se demanda combien de temps il ?tait rest? allong? ici, inconscient. A pr?sent, la mar?e remontait lentement et l'aurait emport? s'il ne s'?tait pas r?veill?. Pourtant, ce n'?taient pas les eaux froides qui l'avaient r?veill? mais la cr?ature qui se trouvait sur sa main. Vesuvius regarda sa main, ?tendue sur le sable, et vit un grand crabe violet enfoncer une pince dans sa main et en arracher un petit morceau de sa chair. Il prenait son temps, comme si Vesuvius ?tait un cadavre. A chaque coup de pince, Vesuvius sentait l'onde de choc de la douleur. Vesuvius ne pouvait en vouloir ? la cr?ature; elle avait regard? et vu des milliers de cadavres, le reste de son arm?e de trolls, tous r?pandus sur cette plage. Ils ?taient tous allong?s l?, couverts de crabes violets, et le claquement de leurs pinces remplissait l'air. La puanteur des trolls en d?composition l'accablait, lui donnait presque un haut-le-c?ur. Ce crabe sur sa main ?tait visiblement le premier qui ait os? s'aventurer jusqu'? Vesuvius. Les autres avaient probablement senti qu'il ?tait encore en vie et avaient pris leur temps. Pourtant, ce crabe courageux avait pris le risque tout seul. A pr?sent, des dizaines d'autres se tournaient vers lui en l'imitant avec h?sitation. Vesuvius savait que, dans quelques moments, il serait recouvert, mang? vivant par cette petite arm?e, sauf s'il ?tait d'abord emport? au large par les mar?es glaciales de la Baie de la Mort. Saisi par un acc?s soudain de rage, Vesuvius tendit sa main libre, attrapa le crabe violet et le serra lentement. Le crabe essaya de s'?loigner mais Vesuvius ne voulait pas le laisser faire. L'animal se d?battit sauvagement, essayant d'atteindre Vesuvius avec ses pinces, mais Vesuvius le tenait ferme et l'emp?chait de se retourner. Il serra de plus en plus, lentement, prenant son temps, prenant grand plaisir ? infliger de la douleur. La cr?ature hurla, poussa un affreux cri aigu. Lentement, Vesuvius serra la main jusqu'? en faire un poing. Finalement, le crabe explosa. Du sang violet et gluant goutta sur la main de Vesuvius, qui entendit le craquement satisfaisant de la coquille. Il laissa tomber le crabe, r?duit en bouillie. Vesuvius se redressa sur un genou, encore chancelant et, quand il le fit, des dizaines de crabes s'enfuirent pr?cipitamment, visiblement choqu?s de voir se lever un mort. Une r?action en cha?ne s'ensuivit et, quand il se redressa, des milliers de crabes s'?parpill?rent, et, quand Vesuvius fit ses premiers pas sur le rivage, la plage ?tait vide. Il traversa le cimeti?re et, lentement, la m?moire lui revint. La bataille de Knossos. Il gagnait, il allait d?truire Lorna et Merk quand ces dragons ?taient arriv?s. Il se souvint qu'il ?tait tomb? de l'?le, avait perdu son arm?e, que sa flotte avait br?l? et, finalement, qu'il s'?tait presque noy?. ?'avait ?t? la d?bandade et il en rougit de honte. Il se tourna, regarda la baie, le lieu de sa d?faite, et vit au loin l'?le de Knossos encore en feu. Il vit surnager les vestiges de sa flotte, en pi?ces; certains navires, ? moiti? d?truits, ?taient encore en feu. Puis il entendit un hurlement loin au-dessus. Il regarda vers le haut et cligna des yeux. Vesuvius avait peine ? croire ce qu'il voyait devant lui. C'?tait inconcevable. Des dragons tombaient du ciel, chutaient dans la baie, immobiles. Morts. Loin au-dessus, il vit un homme seul chevaucher un des dragons et se battre ? l'?p?e contre tous les autres tout en s'accrochant au dos du sien. Finalement, le reste de la meute se retourna et s'enfuit. Il regarda ? nouveau vers les eaux et vit, ? l'horizon, des dizaines de navires qui portaient l'?tendard des ?les Perdues. Il vit l'homme sauter du dernier dragon et retourner sur les navires. Il rep?ra la fille, Lorna, l'assassin, Merk, et il fut furieux de constater qu'ils avaient surv?cu. Vesuvius regarda ? nouveau vers le rivage et, alors qu'il examinait les cadavres de sa nation de trolls, qui se faisaient manger par des crabes ou prendre par la mar?e et manger par des requins, il se sentit plus seul que jamais. Avec un choc, il se rendit compte qu'il ?tait l'unique survivant de l'arm?e qu'il avait emmen?e. Vesuvius se tourna vers vers le nord, vers le continent d'Escalon, et il sut que quelque part, loin vers le nord, les Flammes avaient ?t? baiss?es. A l'instant m?me, son peuple quittait Marda, d?vastait Escalon, et des millions de trolls migraient vers le sud. Apr?s tout, Vesuvius avait r?ussi ? atteindre la Tour de Kos, ? d?truire l'?p?e de Flammes et, maintenant, sa nation avait s?rement travers? la fronti?re et devait ?tre en train de mettre Escalon en pi?ces. Il leur fallait un commandant. Ils avaient besoin de lui. Vesuvius avait peut-?tre perdu cette bataille mais il ne devait pas oublier qu'il avait gagn? la guerre. Son plus grand moment de gloire, le moment qu'il avait attendu toute sa vie, l'attendait encore. Il ?tait maintenant temps qu'il prenne le pouvoir, m?ne son peuple ? une victoire compl?te et totale. Oui, se dit-il en se redressant et en repoussant la douleur, les blessures, le froid paralysant. Il avait obtenu ce qu'il ?tait venu chercher. Que la fille et son peuple se prom?nent sur l'oc?an si ?a leur chante. Apr?s tout, il lui restait la destruction d'Escalon. Il pourrait toujours revenir la tuer plus tard. L'id?e le fit sourire. Il la tuerait bel et bien. Il la taillerait en pi?ces. Vesuvius partit au trot, puis, bient?t, se mit ? courir ? fond. Il irait vers le nord. Il retrouverait sa nation et il lui offrirait la plus grande bataille de tous les temps. Il ?tait temps de d?truire d?finitivement Escalon. Bient?t, Escalon et Marda ne feraient plus qu'un. CHAPITRE QUATRE En admiration, Kyle regarda s'?largir la fissure dans le sol et des milliers de trolls faire une chute mortelle jusque dans les entrailles de la terre en se d?battant. Alva se tenait juste ? c?t?, le b?ton lev?, et d'intenses rayons de lumi?re en jaillissaient, si brillants que Kyle ?tait oblig? de se prot?ger les yeux. Alva annihilait l'arm?e de trolls et prot?geait le nord tout seul. Kyle s'?tait battu de toutes ses forces, comme l'avait fait Kolva ? ses c?t?s, et, bien qu'ils aient tu? des dizaines de trolls dans le cadre d'un combat rapproch? f?roce avant de tomber sous le coup de leurs blessures, leurs ressources n'?taient pas in?puisables. Alva ?tait le seul qui emp?che les trolls d'envahir Escalon. Les trolls comprirent bient?t que la fissure ?tait en train de les tuer et ils s'arr?t?rent de l'autre c?t?, ? quinze m?tres, en se rendant compte qu'ils n'allaient plus pouvoir avancer. Ils regard?rent Alva, Kolva, Kyle, Dierdre et Marco, la frustration dans le regard. Comme la fissure continuait ? s'?tendre vers eux, ils se retourn?rent et, la panique dans le regard, ils s'enfuirent. Bient?t, le grand grondement disparut et tous rest?rent silencieux. La mar?e de trolls s'?tait arr?t?e. Est-ce qu'ils retournaient ? Marda ? Allaient-ils se regrouper pour reprendre l'invasion ailleurs ? Kyle n'en ?tait pas s?r. Alors que tout se calmait, Kyle resta allong? sur place, souffrant de ses blessures. Il regarda Alva baisser lentement son b?ton et la lumi?re diminuer autour de lui. Alors, Alva se tourna vers lui, tendit une main et la posa sur le front de Kyle. Kyle sentit une pouss?e de lumi?re lui p?n?trer le corps, sentit qu'il se r?chauffait, s'all?geait et, en quelques moments, il se sentit compl?tement gu?ri. Il se releva, choqu?, se sentant rena?tre et d?bordant de gratitude. Alva s'agenouilla ? c?t? de Kolva, lui posa une main sur l'estomac et le gu?rit, lui aussi. En quelques moments, Kolva se leva, visiblement surpris d'?tre ? nouveau debout, le regard lumineux. Dierdre et Marco furent les suivants et, quand Alva leur posa les mains dessus, ils furent gu?ris eux aussi. Alva tendit son b?ton et toucha aussi Leo et Andor, qui se lev?rent, tous les deux gu?ris par les pouvoirs magiques d'Alva avant que leurs blessures ne les ach?vent d?finitivement. Kyle se tenait l?, ?bahi, personnellement t?moin de la puissance de ce magicien dont il n'avait entendu que des rumeurs la plus grande partie de sa vie. Il savait qu'il ?tait en pr?sence d'un vrai ma?tre. Il sentait aussi que c'?tait une pr?sence fugace, un ma?tre qui ne pouvait pas rester. “Tu l'as fait”, dit Kyle, rempli d'admiration et de gratitude. “Tu as arr?t? toute la nation des trolls.” Alva secoua la t?te. “Non”, r?pondit-il pos?ment d'une voix mesur?e et ancienne. “Je n'ai fait que les ralentir. Une grande et terrible destruction nous attend encore.” “Mais comment ?” insista Kyle. “La fissure … ils ne pourraient jamais la traverser. Tu en as tu? tant de milliers. Ne sommes-nous pas en s?curit? ?” Alva secoua tristement la t?te. “Tu n'as m?me pas commenc? ? voir le commencement de cette nation. Il en reste encore des millions, qui viendront bient?t. La grande bataille a commenc?. La bataille qui d?cidera du destin d'Escalon.” Alva traversa les d?combres de la Tour d'Ur, se frayant un chemin avec son b?ton, et Kyle l'examina, d?rout? comme toujours par cette ?nigme. Il se tourna finalement vers Dierdre et Marco. “Vous voulez vraiment retourner ? Ur, n'est-ce pas ?” leur demanda-t-il. Dierdre et Marco r?pondirent d'un hochement de t?te, l'espoir dans le regard. “Allez-y”, ordonna-t-il. Ils le regard?rent fixement, visiblement d?rout?s. “Mais il ne reste rien l?-bas”, dit Dierdre. “La ville a ?t? d?truite. Inond?e. Les Pand?siens y font la loi, maintenant.” “Y retourner serait suicidaire”, ajouta Marco. “Pour l'instant”, r?pondit Alva. “Cependant, on aura bient?t besoin de vous l?-bas, quand la grande bataille commencera.” Dierdre et Marco ne se le firent pas dire deux fois. Ils se retourn?rent, mont?rent Andor ensemble et partirent au galop vers le sud, dans les bois, retournant vers la cit? d'Ur. Leo resta aux c?t?s de Kyle, qui lui caressa la t?te. “Tu penses ? moi et ? Kyra, hein, mon gar?on ?” demanda Kyle ? Leo. Leo lui r?pondit d'un g?missement affectueux et Kyle comprit qu'il allait rester avec lui et le prot?ger comme s'il ?tait Kyra. Il sentait que Leo serait un grand fr?re d'armes. Quand Alva se tourna vers les bois qui s'?tendaient au nord en les regardant fixement, Kyle le contempla d'un air interrogateur. “Et nous, mon ma?tre ?” demanda Kyle. “O? a-t-on besoin de nous ?” “Ici-m?me”, dit Alva. Kyle regarda fixement ? l'horizon, regarda vers le nord, vers Marda, en compagnie d'Alva. “Ils arrivent”, ajouta Alva. “Et nous trois, nous sommes le dernier espoir.” CHAPITRE CINQ Gagn?e par la panique, Kyra se d?battait et se tortillait dans la toile d'araign?e, essayant d?sesp?r?ment de se lib?rer alors que l'?norme cr?ature rampait dans sa direction. Elle ne voulait pas regarder, mais ne put s'en emp?cher. Elle se tourna et fut terrifi?e quand elle vit une ?norme araign?e qui rampait vers elle en sifflant, une ?norme patte ? la fois. Regardant fixement Kyra de ses ?normes yeux rouges, elle leva ses longues pattes noires et duveteuses et ouvrit grand la gueule en montrant ses crocs jaunes d'o? d?goulinait de la salive. Kyra savait qu'il ne lui restait pas longtemps ? vivre et que ce serait une fa?on terrible de mourir. Alors qu'elle se tortillait, Kyra entendit tout autour d'elle le cliquetis des os pris dans la toile; elle regarda, vit les restes de toutes les victimes qui ?taient mortes ici avant elle et comprit que ses chances de survie ?taient minces. Elle ?tait coll?e ? la toile et elle ne pouvait rien y faire. Kyra ferma les yeux car elle savait qu'elle n'avait pas le choix. Elle ne pouvait pas compter sur le monde ext?rieur. Il fallait qu'elle regarde en elle-m?me. Elle savait que la r?ponse ne se trouvait pas dans sa force ext?rieure, dans ses armes ext?rieures. Si elle comptait sur le monde ext?rieur, elle mourrait. Cela dit, elle sentait que sa force int?rieure ?tait vaste, infinie. Il fallait qu'elle puise dans sa force int?rieure, qu'elle invoque les forces qu'elle avait peur de confronter. Il fallait qu'elle finisse par comprendre ce qui lui donnait force, par comprendre le r?sultat final de tout son entra?nement spirituel. L'?nergie. C'?tait ce qu'Alva lui avait enseign?. Quand nous comptons sur nous-m?mes, nous n'utilisons qu'une fraction de notre ?nergie, qu'une fraction de notre potentiel. Puise dans l'?nergie du monde. Tout l'univers attend pour t'aider. Cela lui courait dans les veines, elle le sentait. C'?tait ce quelque chose de sp?cial avec lequel elle ?tait n?e et que sa m?re lui avait transmis. C'?tait la puissance qui vivait en tout, comme un fleuve souterrain. C'?tait la m?me force ? laquelle elle avait toujours eu peine ? faire confiance. C'?tait la partie la plus profonde d'elle-m?me, et la partie ? laquelle elle ne faisait pas encore enti?rement confiance. C'?tait la partie qu'elle craignait le plus, plus que tout ennemi. Elle voulait invoquer sa m?re, car elle d?sirait d?sesp?r?ment son aide. Pourtant, elle savait qu'elle ne pourrait pas entrer en contact avec elle ? partir d'ici, de ce pays de Marda. Elle ?tait compl?tement seule. Peut-?tre que cette solitude absolue, cette absence de d?pendance de quiconque d'autre, ?tait la derni?re ?tape de son entra?nement. Kyra ferma les yeux car elle savait que c'?tait maintenant ou jamais. Elle sentait qu'il fallait qu'elle devienne plus grande qu'elle-m?me, plus grande que ce monde qu'elle voyait devant ses yeux. Elle se for?a ? se concentrer sur l'?nergie int?rieure, puis sur l'?nergie qui l'entourait. Lentement, Kyra se mit ? l'?coute. Elle sentit l'?nergie de la toile, de l'araign?e; elle la sentit courir en elle. Elle lui permit lentement de devenir part d'elle. Elle ne se d?battit plus contre elle. Au lieu de cela, elle se permit ? elle-m?me de ne plus faire qu'un avec elle. Kyra sentit qu'elle ralentissait; elle sentit ralentir le temps. Elle se mit ? l'?coute des plus petits d?tails, entendit tout, sentit tout ce qui l'entourait. Soudain, Kyra sentit une pouss?e d'?nergie et, pour la premi?re fois, elle sut que l'univers entier ne faisait qu'un. Elle sentit tomber tous les murs de s?paration, sentit se dissoudre la barri?re qui s?parait le monde ext?rieur du monde int?rieur. Elle sentit que cette distinction ?tait elle-m?me fallacieuse. Ce faisant, elle sentit une pouss?e d'?nergie, comme si un barrage venait de c?der en elle. Elle avait les mains qui br?laient comme si elles ?taient en feu. Kyra ouvrit les yeux et vit l'araign?e, tr?s proche maintenant, la regarder et se pr?parer ? lui sauter dessus. Elle se tourna et vit son b?ton coinc? dans la toile ? un m?tre ou deux. Elle tendit le bras sans plus douter d'elle-m?me. Elle appela le b?ton et, quand elle le fit, il s'envola et atterrit droit dans sa main ouverte. Elle le serra fort. Kyra utilisa sa force car elle savait qu'elle ?tait plus forte que tout ce qu'elle voyait devant elle. Elle se fit confiance et, ce faisant, elle leva le bras qui tenait le b?ton et il se d?gagea de la toile. Elle tourna et, juste au moment o? l'araign?e allait refermer ses crocs sur elle, elle tendit le bras et lui piqua le b?ton dans la gueule. L'araign?e poussa un hurlement horrible et Kyra lui enfon?a profond?ment le b?ton dans la gueule en le tournant de c?t?. La b?te essaya de fermer les m?choires mais en vain, car le b?ton lui maintenait la gueule ouverte. Cependant, ? la grande surprise de Kyra, l'araign?e ferma soudain les m?choires et cassa l'ancien b?ton en morceaux. Elle avait cass? ce qui ne pouvait ?tre cass? et l'avait fracass? dans sa gueule comme un cure-dents. Cette b?te ?tait plus forte qu'elle ne l'avait imagin?. L'araign?e bondit vers Kyra et, quand elle le fit, le temps ralentit. Kyra sentit tout s'enclencher. Elle sentit en son for int?rieur qu'elle pouvait se lib?rer, qu'elle pouvait ?tre plus rapide que son ennemie. Kyra se lib?ra, bondit en avant et roula dans la toile; quand l'araign?e donna un coup de crocs, elle mordit dans la toile au lieu d'atteindre Kyra. Alors que Kyra se concentrait, elle sentit pour la premi?re fois un l?ger bourdonnement agiter l'air, sentit quelque chose l'appeler. Elle se tourna et, de l'autre c?t? de la toile, vit ce qu'elle ?tait venue chercher  ? Marda : le B?ton de V?rit?. Il se dressait l?-bas, log? dans un bloc de granite noir, ?th?r?, rayonnant sous le ciel de minuit. Kyra sentit qu'elle avait une connexion intense avec lui, sentit ses paumes la picoter quand elle tendit la main droite. Elle poussa le plus grand cri de guerre de sa vie et comprit, sut tout simplement que le b?ton lui ob?irait. Soudain, Kyra sentit la terre vibrer sous elle. Elle savait qu'elle ?tait en train d'extraire l'arme du c?ur m?me de la terre et, en un moment glorieux, elle ne douta plus d'elle-m?me, de ses pouvoirs ni de l'univers. Un grand bruit s'ensuivit, celui de la pierre raclant contre la pierre, et Kyra regarda, impressionn?e, le b?ton se lever lentement en se d?tachant du granit. Il se souleva lentement puis fendit l'air et son manche noir et orn? de pierreries atterrit dans la paume droite de Kyra. Elle le saisit et se sentit vivante. C'?tait comme saisir un serpent, comme tenir une cr?ature vivante. Sans h?sitation, Kyra virevolta et l'abattit, juste au moment o? l'araign?e s'approchait d'elle. Le b?ton se transforma soudain en lame et trancha en deux l'?norme toile. L'araign?e hurla et tomba par terre, visiblement abasourdie. Kyra se retourna brusquement et trancha encore la toile, se lib?rant compl?tement et atterrissant sur ses pieds. Elle tint le b?ton des deux mains, loin au-dessus de sa t?te, juste au moment o? la b?te se jetait sur elle. Elle l'affronta avec courage, s'avan?a et la frappa de toutes ses forces avec le B?ton de V?rit?. Elle sentit le b?ton fendre le corps ?pais de l'araign?e, qui poussa un hurlement terrible quand Kyra la trancha en deux. Un sang noir et ?pais en jaillit et l'araign?e tomba ? ses pieds, morte. Kyra resta l? en tenant le b?ton, les bras tremblants, sentant une pouss?e d'?nergie comme elle n'en avait jamais senti. A ce moment, elle sentit qu'elle avait chang?. Elle sentit qu'elle ?tait devenue plus forte, qu'elle ne serait plus jamais la m?me. Elle sentit que toutes les portes s'?taient ouvertes et que tout ?tait possible. Loin au-dessus, les cieux tonn?rent et on entendit la foudre. Des ?clairs ?carlates fendirent et ray?rent les nuages comme si ces derniers d?goulinaient de lave. Ensuite, il y eut un immense grondement et Kyra fut ravie de voir Theon s'?lancer au travers des nuages. Elle sentit que la barri?re avait ?t? baiss?e quand elle avait retir? le b?ton. Pour la premi?re fois, elle sut qu'elle ?tait celle qui ?tait destin?e ? tout changer. Theon atterrit ? ses pieds et, sans attendre, elle le monta et ils s'?lev?rent haut en l'air. Le tonnerre gronda tout autour d'eux quand ils s'?lanc?rent dans les cieux et se dirig?rent vers le sud, quittant Marda pour regagner Escalon. Kyra savait qu'elle avait touch? le fond mais aussi qu'elle avait vaincu, r?ussi sa derni?re ?preuve. Et maintenant, le B?ton de V?rit? en main, elle avait une guerre ? mener. CHAPITRE SIX Alors qu'elle s'?loignait, Lorna regarda l'?le de Knossos qui, encore en flammes, disparaissait ? l'horizon, et elle en eut le c?ur bris?. Elle se tenait ? la proue du navire, agripp?e au bastingage, Merk ? c?t? d'elle et la flotte des ?les Perdues derri?re elle, et elle sentait tous les regards pos?s sur elle. Cette ?le ador?e, demeure des Gardiens, des braves guerriers de Knossos, n'?tait plus. Elle ?tait en flammes, son glorieux fort ?tait d?truit et les guerriers ador?s qui avaient mont? la garde pendant des milliers d'ann?es ?taient tous morts, maintenant, tu?s par la vague de trolls et achev?s par la meute de dragons. Lorna per?ut un mouvement, se tourna et vit Alec, le gar?on qui avait tu? les dragons et avait finalement rejoint la Baie de la Mort, s'avancer ? c?t? d'elle, silencieux. Il se tenait l?, l'air aussi h?b?t? qu'elle, son ?p?e ? la main, et elle se sentit reconnaissante envers lui et cette arme qu'il tenait dans ses mains. Elle l'observa. L'?p?e Inachev?e ?tait un objet d'une supr?me beaut? et Lorna sentait l'?nergie intense qui en ?manait. Elle se souvint de la mort des dragons et comprit que ce gar?on tenait le destin d'Escalon dans ses mains. Lorna ?tait reconnaissante d'?tre en vie. Elle savait qu'elle et Merk aurait connu une fin tragique dans la Baie de la Mort si ces hommes des ?les Perdues n'?taient pas arriv?s. Pourtant, elle se sentait aussi coupable pour ceux qui n'avaient pas surv?cu. Ce qui la faisait le plus souffrir, c'?tait qu'elle n'avait pas pr?vu ?a. Toute sa vie, au cours de sa vie solitaire pass?e ? monter la garde dans la Tour de Kos, elle avait tout pr?vu, tous les rebondissements du destin. Elle avait pr?vu l'arriv?e des trolls, avait pr?vu l'arriv?e de Merk et avait m?me pr?vu que l'?p?e de Flammes serait d?truite. Elle avait pr?vu la grande bataille de l'?le de Knossos mais n'avait pas pr?vu son issue. Elle n'avait pas pr?vu que l'?le br?lerait, n'avait pas pr?vu l'arriv?e de ces dragons. Elle doutait de ses propres pouvoirs, et c'?tait ?a qui la blessait plus que toute autre chose. Comment cela avait-il pu se produire ? se demanda-t-elle. La seule r?ponse ?tait peut-?tre que la destin?e d'Escalon ?voluait ? tout moment. Ce qui avait ?t? ?crit des milliers d'ann?es auparavant ?tait en cours de modification. Elle sentait que le destin d'Escalon ?tait incertain et maintenant informe. Lorna sentait le regard de tous les occupants du navire lui peser dessus. Ils voulaient tous conna?tre leur prochaine destination, savoir ce que le destin leur r?servait alors qu'ils quittaient l'?le en feu. Le monde ?tait en flammes et ils attendaient tous qu'elle leur donne la r?ponse. Alors que Lorna se tenait l?, elle ferma les yeux et, lentement, elle sentit la r?ponse monter en elle et lui indiquer ? quel endroit on avait le plus besoin d'eux. Pourtant, quelque chose lui obscurcissait la vision. Elle se souvint et sursauta. Thurn. Lorna ouvrit les yeux et examina les eaux au-dessous d'elle. Elle observa tous les corps flottants qui longeaient le navire, la mer de cadavres qui se heurtait contre la coque. Les autres marins, eux aussi, cherchaient des survivants depuis des heures, scrutant les visages comme elle, et pourtant, ils n'avaient rien trouv?. “Ma dame, le navire attend vos ordres”, insista doucement Merk. “Cela fait des heures que nous scrutons les eaux”, ajouta Sovos. “Thurn est mort. Nous devons le laisser partir.” Lorna secoua la t?te. “Je sens qu'il n'est pas mort”, r?pliqua-t-elle. “J'aimerais plus que quiconque que ce soit le cas”, r?pondit Merk. “Je lui dois la vie. Il nous a sauv?s du feu des dragons. Pourtant, nous l'avons vu prendre feu et tomber dans la mer.” “Mais nous ne l'avons pas vu mourir”, r?pondit-elle. Sovos soupira. “M?me si, d'une fa?on ou d'une autre, il a surv?cu ? sa chute, ma dame”, ajouta Sovos, “il n'a pas pu survivre dans ces eaux. Nous devons le laisser partir. Notre flotte a besoin d'ordres.” “Non”, dit-elle, d?cid?e, d'une voix o? r?sonnait l'autorit?. Elle sentait monter en elle une pr?monition, un picotement entre les yeux. Cette pr?monition lui disait que Thurn ?tait en vie l?-bas, quelque part au milieu des ?paves, au milieu des milliers de corps flottants. Lorna inspecta les eaux, attendant, esp?rant, ? l'?coute. Elle lui devait ?a et elle n'abandonnait jamais un ami. La Baie de la Mort ?tait sinistrement silencieuse depuis que tous les trolls ?taient morts et les dragons partis, et pourtant, elle avait encore un son qui lui ?tait propre, le hurlement incessant du vent, le clapotis de mille moutons, le g?missement de leur navire que le courant ber?ait sans arr?t. Alors qu'elle ?coutait, le vent se mit ? souffler plus fort. “Une temp?te se pr?pare, ma dame”, dit finalement Sovos. “Nous devons partir. Nous avons besoin de vos ordres.” Elle savait qu'ils avaient raison. Et pourtant, elle ne pouvait pas abandonner. Juste au moment o? Sovos ouvrait la bouche pour parler, soudain, Lorna ressentit une pouss?e d'excitation. Elle se pencha et observa quelque chose qui, au loin, montait et descendait dans les eaux, port? vers le navire par les courants. Elle sentit un picotement ? l'estomac et sut que c'?tait lui. “L?-BAS !” cria-t-elle. Les hommes se pr?cipit?rent vers la balustrade, regard?rent par-dessus le bord et le virent tous, eux aussi : c'?tait Thurn qui flottait dans l'eau. Lorna ne perdit pas de temps. Elle fit deux grands pas, bondit du bastingage et plongea la t?te la premi?re. Elle fit une chute de six m?tres vers les eaux glaciales de la baie. “Lorna !” cria Merk derri?re elle, d'une voix pleine d'inqui?tude. Lorna vit les requins rouges grouiller au-dessous d'elle et comprit l'inqui?tude de Merk. Ils d?crivaient des cercles autour de Thurn mais, bien qu'ils lui donnent des petits coups, elle vit qu'ils n'avaient pas encore r?ussi ? percer son armure. Lorna comprit que Thurn avait de la chance d'?tre encore dans son armure, ? laquelle il devait la vie, et qu'il avait encore plus de chance de s'?tre accroch? ? une planche en bois qui lui permettait de flotter. Pourtant, les requins se faisaient de plus en plus nombreux, de plus en plus t?m?raires, et elle savait qu'il ne lui restait plus beaucoup de temps. Elle savait aussi que les requins s'attaqueraient ? elle, et pourtant, il ?tait hors de question d'h?siter alors que la vie de Thurn ?tait en jeu. Elle lui devait ?a. Lorna atterrit dans l'eau, choqu?e par son froid glacial et, sans attendre, donna des coups de pied et nagea sous la surface jusqu'? atteindre Thurn, se servant de sa force pour nager plus vite que les requins. Elle l'enla?a, le saisit, sentit qu'il ?tait en vie, bien qu'inconscient. Les requins se mirent ? nager vers elle et elle se pr?para ? les affronter, ? faire le n?cessaire pour qu'elle et Thurn survivent. Lorna vit soudain des cordes atterrir autour d'elle. Elle en agrippa une et se sentit rapidement tir?e vers l'arri?re. Elle s'envola et il ?tait temps car un requin rouge bondit hors de l'eau et donna un coup de m?choires l? o? ses jambes s'?taient trouv?es une seconde auparavant. Lorna, tenant Thurn, fut tir?e vers le haut dans le vent glacial et se balan?a rudement en frappant contre la coque du navire. Un moment plus tard, ils furent remont?s par l'?quipage et, avant de se retrouver ? bord, Lorna aper?ut pour la derni?re fois les requins qui grouillaient au-dessous d'elle, furieux d'avoir perdu leur repas. Lorna atterrit sur le pont en produisant un bruit sourd, Thurn dans les bras. Elle le retourna imm?diatement et l'examina. Il ?tait ? moiti? d?figur?, br?l? par les flammes mais, au moins, il avait surv?cu. Il avait les yeux ferm?s. Au moins, ils ne fixaient pas le ciel; c'?tait un bon signe. Elle posa les mains sur son c?ur et sentit quelque chose. C'?tait un battement de c?ur, quoique faible. Lorna appliqua les paumes sur son c?ur et, quand elle le fit, elle sentit une pouss?e d'?nergie, une chaleur intense le p?n?trer par l'interm?diaire de ses paumes. Elle invoqua ses pouvoirs et demanda que Thurn revienne ? la vie. Thurn ouvrit soudain les yeux et se redressa en inspirant profond?ment, en haletant et en crachant de l'eau. Il toussa et les autres hommes se ru?rent en avant et l'envelopp?rent dans des fourrures pour le r?chauffer. Lorna ?tait ravie. Elle regarda la couleur lui revenir au visage et comprit qu'il vivrait. Lorna sentit soudain qu'on lui entourait les ?paules d'une fourrure chaude, se retourna et vit Merk qui se tenait au-dessus d'elle en souriant et l'aidait ? se relever. Les hommes se rassembl?rent bient?t autour d'elle en la regardant avec encore plus de respect. “Et maintenant ?” demanda s?rieusement Merk en s'approchant d'elle. Il ?tait presque oblig? de crier pour se faire entendre en d?pit du vent et du grincement de leur navire qui tanguait. Lorna savait qu'il leur restait peu de temps. Elle ferma les yeux, leva les paumes vers le ciel et, lentement, sentit la charpente de l'univers. L'?p?e de Flammes ?tait d?truite, Knossos aussi, les dragons ?taient en fuite et elle avait besoin de savoir o? Escalon avait le plus besoin d'eux en cette p?riode de crise. Elle sentit soudain la vibration de l'?p?e Inachev?e ? c?t? d'elle et elle comprit. Elle se tourna vers Alec, qui la regardait fixement, attendant visiblement sa d?cision. Elle sentit la destin?e sp?ciale d'Alec monter en elle. “Tu ne poursuivras plus les dragons”, dit-elle. “Ceux qui se sont enfuis ne viendront pas te retrouver : ils ont peur de toi, maintenant, et si tu les recherches, tu ne les trouveras pas. Ils sont partis se battre en d'autres endroits d'Escalon. C'est maintenant ? quelqu'un d'autre de les d?truire.” “Que ferai-je, alors, ma dame ?” demanda-t-il, visiblement surpris. Elle ferma les yeux et sentit la r?ponse venir ? elle. “Les Flammes”, r?pondit Lorna, sentant avec certitude que c'?tait la r?ponse. “Il faut les r?tablir. C'est la seule fa?on d'emp?cher Marda de d?truire Escalon. C'est ce qui compte le plus, maintenant.” Alec avait l'air perplexe. “Quel rapport avec moi ?” demanda-t-il. Elle le regarda fixement. “L'?p?e Inachev?e”, r?pondit-elle. “C'est le dernier espoir. Elle est seule ? pouvoir r?tablir le Mur de Flammes. Il faut la ramener ? l'endroit d'o? elle vient. Tant que ce ne sera pas fait, Escalon ne pourra jamais ?tre en s?curit?.” Il la regarda fixement, clairement surpris. “Et o? est cet endroit ?” demanda-t-il, alors que les hommes se rapprochaient pour ?couter. “Au nord”, r?pondit-elle. “Dans la Tour d'Ur.” “Ur ?” demanda Alec, d?rout?. “La tour n'a-t-elle pas d?j? ?t? d?truite ?” Lorna hocha la t?te. “La tour, oui”, r?pondit-elle, “mais pas ce qui se trouve en dessous.” Elle inspira profond?ment. Tous les hommes la regardaient avec fascination. “La tour contient une chambre secr?te loin au-dessous du sol. La tour n'a jamais ?t? le plus important : elle n'?tait qu'une diversion. Ce qui compte le plus, c'est ce qui se trouve au-dessous. L?-bas, l'?p?e Inachev?e trouvera sa demeure. Quand tu la ram?neras, le pays sera en s?curit? et les Flammes r?tablies pour toujours.” Alec inspira profond?ment, visiblement en train de dig?rer toutes ces informations. “Vous voulez que j'aille vers le nord ?” demanda-t-il. “A la tour ?” Elle hocha la t?te. “Ce sera un voyage p?rilleux”, r?pondit-elle. “Tu trouveras des ennemis partout. Emm?ne les hommes des ?les Perdues avec toi. Remonte le Chagrin et ne t'arr?te que quand tu auras rejoint Ur.” Elle s'avan?a et lui pla?a une main sur l'?paule. “Ram?ne l'?p?e”, ordonna-t-elle, “et sauve-nous.” “Et vous, ma dame ?” demanda Alec. Elle ferma les yeux, ressentit une terrible pouss?e de douleur et comprit imm?diatement o? il fallait qu'elle aille. “En ce moment, Duncan est en train de mourir”, dit-elle, “et je suis la seule ? pouvoir le sauver.” CHAPITRE SEPT Aidan traversait le d?sert avec les hommes de Leifall, Cassandra d'un c?t?, Anvin de l'autre et White ? ses pieds. Alors qu'ils galopaient en soulevant un nuage de poussi?re, Aidan se sentait fou de joie et de fiert? d'avoir remport? la victoire. Il avait aid? ? accomplir l'impossible, ? d?tourner les chutes, ? modifier le flux gigantesque d'Everfall, ? envoyer ses eaux traverser les plaines et inonder le canyon, ce qui avait sauv? son p?re juste ? temps. Alors qu'il approchait, tr?s impatient de retrouver son p?re, Aidan voyait les hommes de son p?re au loin, entendait leurs cris de jubilation m?me d'ici, et il se sentait rempli de fiert?. Ils avaient r?ussi. Aidan ?tait ravi que son p?re et ses hommes aient surv?cu, que le canyon soit inond? jusqu'? en d?border, que des milliers de Pand?siens aient p?ri et soient rejet?s ? leurs pieds. Pour la premi?re fois, Aidan eut la forte sensation d'avoir un but et d'appartenir ? une communaut?. Il avait r?ellement contribu? ? la cause de son p?re en d?pit de son jeune ?ge et il sentait qu'il ?tait un homme parmi les hommes. Il sentait que c'?tait un des grands moments de sa vie. Alors qu'ils galopaient dans le soleil brillant, Aidan attendait avec impatience le moment o? il reverrait son p?re, la fiert? qu'il verrait dans ses yeux, sa gratitude et surtout son regard respectueux. Aidan ?tait certain que, maintenant, son p?re le consid?rerait comme un ?gal, comme l'un des siens, un v?ritable guerrier. Aidan n'avait jamais rien voulu d'autre. Aidan poursuivit sa route, le son tonitruant des chevaux dans les oreilles, couvert de boue, br?l? par le soleil au cours de sa longue chevauch?e. Finalement, quand ils franchirent la colline et la d?val?rent, il vit le chemin qui leur restait ? parcourir. Il regarda le groupe des hommes de son p?re, le c?ur battant d'anticipation quand, soudain, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas. L?-bas, au loin, les hommes de son p?re se s?paraient et, en leur sein, il vit une silhouette qui marchait seule dans le d?sert. Une fille. C'?tait absurde. Que faisait une fille l?-bas, seule, et pourquoi marchait-elle vers son p?re ? Pourquoi tous les hommes s'?taient-ils arr?t?s pour la laisser passer ? Aidan ne savait pas exactement ce qui n'allait pas mais, ? la fa?on dont son c?ur battait la chamade, quelque chose en son for int?rieur lui disait que les ennuis n'?taient pas loin. Chose encore plus ?trange, quand Aidan s'approcha, il fut ?tonn? quand il reconnut l'apparence singuli?re de la fille. Il vit son manteau en daim et en cuir, ses grandes bottes noires, le b?ton qu'elle tenait, ses longs cheveux blond-clair, son visage et des traits pleins de fiert?, et il cligna des yeux, perplexe. Kyra. Sa confusion ne fit que s'accro?tre. Alors qu'il la regardait marcher, voyait sa d?marche, la fa?on dont elle tenait ses ?paules, il comprenait que quelque chose n'allait pas tout ? fait. ?a lui ressemblait mais ce n'?tait pas elle. Ce n'?tait pas la s?ur avec laquelle il avait v?cu toute sa vie, avec laquelle il avait pass? tant d'heures ? lire des livres, assis sur ses genoux. Aidan ?tait encore ? cent m?tres quand son c?ur se mit ? battre la chamade. Sa sensation d'anxi?t? se fit plus profonde. Il baissa la t?te, donna un coup de pied ? son cheval et le fit se presser, galoper ? une vitesse ? lui couper le souffle. Il avait un pressentiment d?sagr?able, sentait l'imminence d'un d?sastre en voyant la fille s'approcher de Duncan. “P?RE !” hurla-t-il. Cependant, il ?tait trop loin et son cri fut noy? par le vent. Aidan galopa plus vite, sema la troupe, d?vala la montagne. Il regarda, impuissant, la fille tendre le bras pour enlacer son p?re. “NON, P?RE !” cria-t-il. Il ?tait ? cinquante m?tres, puis ? quarante, puis ? trente mais encore trop loin pour faire autre chose que regarder. “WHITE, COURS !” ordonna-t-il. White fon?a, courant encore plus vite que le cheval. Pourtant, Aidan savait quand m?me qu'il n'arriverait pas ? temps. Alors, il regarda la sc?ne se d?rouler. A sa grande horreur, la fille tendit le bras et plongea un poignard dans la poitrine de son p?re. Son p?re ?carquilla les yeux et tomba ? genoux. Aidan eut l'impression qu'on venait de le poignarder, lui aussi. Il sentit tout son corps s'effondrer en lui. Il ne s'?tait jamais senti aussi impuissant de la vie. Tout ?tait arriv? si rapidement, les hommes de son p?re se tenaient l?, perplexes, interloqu?s. Personne n'avait la moindre id?e de ce qui se passait, sauf Aidan. Il avait compris tout de suite. A encore vingt m?tres, Aidan, d?sesp?r?, porta la main ? la taille, sortit le poignard que Motley lui avait donn?, tendit le bras en arri?re et le lan?a. Le poignard s'envola, tourna sur lui-m?me en scintillant dans la lumi?re et se dirigea vers la fille. Elle sortit son poignard, fit une grimace, se pr?para ? poignarder Duncan une fois de plus quand, soudain, le poignard d'Aidan atteignit sa cible. Aidan eut au moins la satisfaction de le voir lui perforer le dos de la main, de la voir hurler et laisser tomber son arme. Son cri n'avait rien d'humain et n'?tait certainement pas celui de Kyra. Qui qu'elle soit, Aidan l'avait d?masqu?e. Elle se tourna vers lui et, quand elle le fit, Aidan regarda avec horreur son visage se transformer. Ses traits de jeune fille furent remplac?s par une silhouette virile et grotesque qui, en quelques secondes, devint plus grande qu'eux tous. Aidan ?carquilla les yeux, choqu?. Ce n'?tait pas sa s?ur. Ce n'?tait autre que Sa Saintet? le Grand Ra. Les hommes de Duncan le regardaient fixement eux aussi, choqu?s. D'une fa?on ou d'une autre, le poignard qui lui avait perfor? la main avait d?fait l'illusion, avait r?duit ? n?ant toute la magie noire qu'il avait utilis?e pour tromper Duncan. Au m?me moment, White se jeta brusquement en avant, fendit l'air d'un bond, atterrit sur la poitrine de Ra avec ses ?normes pattes et le fit reculer. Le chien grogna, lui mordit la gorge, l'?gratigna. Il lui griffa le visage, prit Ra compl?tement au d?pourvu et l'emp?cha de se reprendre et d'attaquer Duncan une fois de plus. Se d?battant dans la poussi?re, Ra regarda le ciel et cria quelques mots en une langue qu'Aidan ne comprit pas. On aurait dit qu'il invoquait un sort ancien. Et ensuite, soudain, Ra disparut dans une boule de poussi?re. Il ne restait plus que son poignard ensanglant?, qui ?tait tomb? par terre. Et l?, dans une mare de sang, gisait le p?re d'Aidan, immobile. CHAPITRE HUIT Vesuvius chevauchait vers le nord en traversant la campagne, galopant sur le dos du cheval qu'il avait vol? apr?s avoir tu? un groupe de soldats pand?siens. Depuis, il avait perp?tu? des massacres, avait ? peine ralenti en traversant village apr?s village et en tuant des femmes et des enfants innocents. Parfois, il ?tait pass? par un village pour y trouver nourriture et armes et, d'autres fois, il ne l'avait fait que parce qu'il aimait tuer. Il fit un grand sourire en se souvenant des nombreux villages qu'il avait incendi?s, effac?s du paysage tout seul. Il fallait qu'il laisse son empreinte sur Escalon o? qu'il aille. Alors qu'il sortait du dernier village, Vesuvius grogna et lan?a une torche enflamm?e. Il la regarda atterrir sur un toit de plus et incendier un autre village avec satisfaction. Il sortit brusquement du village avec joie. C'?tait le troisi?me village qu'il incendiait cette heure-ci. Il les aurait tous incendi?s s'il avait pu, mais il avait des choses urgentes ? faire. Il ?peronna son cheval, d?termin? ? rejoindre ses trolls et ? les commander lors de la derni?re ?tape de leur invasion. Ils avaient plus que jamais besoin de lui, maintenant. Vesuvius chevaucha sans arr?t, traversa les grandes plaines et entra dans la partie septentrionale d'Escalon. Il sentait que son cheval se fatiguait, mais il ne l'en ?peronnait que plus. Peu lui importait de tuer sa monture ? la t?che. En fait, il esp?rait que c'?tait ce qui arriverait. Alors que le soleil s'allongeait dans le ciel, Vesuvius sentait que sa nation de trolls se rapprochait, l'attendait; il le sentait dans l'air. Cela le rendait extr?mement joyeux de se dire que son peuple ?tait finalement ici, en Escalon, de ce c?t? des Flammes. Pourtant, ? mesure qu'il chevauchait, il se demandait pourquoi ses trolls n'?taient pas d?j? all?s plus loin vers le sud pour piller toute la campagne. Qu'est-ce qui les arr?tait ? Ses g?n?raux ?taient-ils incomp?tents au point de ne rien pouvoir faire sans lui ? Vesuvius sortit finalement d'une longue ?tendue de bois et, quand il le fit, son c?ur bondit de joie quand il vit ses forces r?pandues dans les plaines d'Ur. Il eut le grand plaisir de voir des dizaines de milliers de trolls se rassembler. Pourtant, quelque chose le rendait perplexe : au lieu d'avoir l'air victorieux, ces trolls avaient l'air d?moralis?s, tristes. Comment pouvaient-ils l'?tre ? Alors que Vesuvius regardait son peuple se tenir l?, inactif, il rougit de d?pit. En son absence, ils avaient tous l'air d?moralis?s, comme s'ils n'avaient plus envie de se battre. Les Flammes avaient finalement ?t? baiss?es, Escalon ?tait ? eux : qu'attendaient-ils ? Vesuvius finit par les rejoindre et, quand il fit une entr?e fracassante dans la foule et galopa en leur sein, il les regarda tous se retourner et le regarder avec choc, peur, puis avec espoir. Ils se fig?rent tous et le fix?rent du regard. Il avait toujours eu cet effet sur eux. Vesuvius descendit de son cheval d'un bond et, sans h?siter, il leva haut sa hallebarde, se retourna brusquement et d?capita son cheval. Le cheval se tint l? un instant, sans t?te, puis il tomba par terre, mort. Voil?, pensa Vesuvius, qui t'apprendra ? courir plus vite. De plus, il aimait toujours tuer quelque chose quand il arrivait quelque part. Quand il s'avan?a vers eux, enrag?, d?cid? ? obtenir des r?ponses, Vesuvius vit la peur dans le regard de ses trolls. “Qui commande ces hommes ?” demanda-t-il d'un ton autoritaire. “Moi, mon seigneur.” Vesuvius se tourna et vit un troll grand et gros lui faire face. C'?tait Suves, son commandant adjoint ? Marda, et des dizaines de milliers de trolls se tenaient derri?re lui. Vesuvius s'aper?ut que Suves essayait d'avoir l'air fier mais ne pouvait cacher la peur qui se voyait dans son regard. “Nous pensions que vous ?tiez mort, mon seigneur”, ajouta-t-il en guise d'explication. Vesuvius se renfrogna. “Je ne meurs pas”, r?pliqua-t-il d'un ton sec. “La mort, c'est pour les l?ches.” Dans la peur et le silence, les trolls fixaient tous Vesuvius, qui serrait et desserrait les doigts avec lesquels il tenait sa hallebarde. “Et pourquoi vous ?tes-vous arr?t?s ici ?” demanda-t-il d'un ton autoritaire. “Pourquoi n'avez-vous pas d?truit la totalit? d'Escalon ?” Le regard effray? de Suves faisait l'aller-retour entre ses hommes et Vesuvius. “Nous avons rencontr? un obstacle, mon ma?tre”, finit-il par admettre. Vesuvius ressentit une pouss?e de rage. “Un obstacle !?” r?pliqua-t-il d'un ton sec. “Quel obstacle ?” Suves h?sita. “L'homme que l'on nomme Alva”, dit-il finalement. Alva. Le nom troubla Vesuvius. Le plus grand sorcier d'Escalon, le seul qui soit peut-?tre plus fort que lui. “Il a ouvert une fissure dans la terre”, expliqua Suves. “Un canyon que nous n'avons pas pu traverser. Il a s?par? le sud du nord. Trop d'entre nous ont d?j? p?ri en essayant de passer. C'est moi qui ai sonn? la retraite et qui ai sauv? tous ces trolls que tu vois ici aujourd'hui. C'est moi que vous devriez remercier pour avoir pr?serv? leur pr?cieuse vie. C'est moi qui ai sauv? notre nation. Pour ?a, mon ma?tre, je vous demande de m'offrir une promotion et de me donner une arm?e personnelle. Apr?s tout, maintenant, cette nation compte sur moi pour la diriger.” Vesuvius sentit sa rage monter et d?border. Les mains tremblantes, il avan?a rapidement de deux pas, balan?a largement sa hallebarde et d?capita Suves. Suves s'effondra par terre. Les autres le regard?rent fixement, choqu?s et effray?s. “Voici ta promotion”, r?pondit Vesuvius au troll mort. Vesuvius examina sa nation de trolls avec d?go?t. Il inspecta toutes ses troupes, les regarda dans les yeux, leur inspira peur et panique comme il aimait le faire. Finalement, il parla et sa voix ressemblait plut?t ? un grognement. “Le grand sud vous attend”, tonitrua-t-il de sa voix grave et furieuse. “Ces terres furent les n?tres avant d'?tre d?rob?es ? vos anc?tres. Ces terres ?taient Marda, autrefois. Ils ont vol? ce qui nous appartient.” Vesuvius inspira profond?ment. “En ce qui concerne ceux d'entre vous qui ont peur d'aller de l'avant, je recueillerai leur nom et celui des membres de leur famille et je les ferai tous torturer lentement, chacun leur tour, puis je les enverrai pourrir dans les cachots de Marda. Ceux d'entre vous qui souhaitent se battre, sauver leur vie, r?cup?rer ce que vos anc?tres poss?daient autrefois, n'ont qu'? me suivre d?s maintenant. Qui est avec moi ?” cria-t-il. On entendit une grande acclamation, un fort grondement se propager dans les rangs. Jusqu'? perte de vue, dans chaque rang?e, les trolls lev?rent leur hallebarde et scand?rent son nom. “VESUVIUS ! VESUVIUS ! VESUVIUS !” Vesuvius poussa un grand cri de guerre, se retourna et fon?a vers le sud. Derri?re lui, il entendit un grondement qui ressemblait au tonnerre, le grondement de milliers de trolls qui le suivaient, d'une grande nation d?termin?e ? r?duire Escalon ? n?ant une fois pour toutes. CHAPITRE NEUF A cheval sur Theon, Kyra survolait Marda ? toute vitesse en direction du sud. Elle recouvrait peu ? peu ses esprits ? mesure qu'elle quittait ce pays de t?n?bres. Elle se sentait plus forte que jamais. Dans sa main droite, elle tenait le B?ton de V?rit?, et la lumi?re qui s'en d?gageait les englobait tous les deux. Kyra savait qu'il s'agissait d'une arme qui la d?passait, que c'?tait un objet de destin?e qui la remplissait de sa force, qui la commandait tout comme elle le commandait. Quand elle le tenait, l'univers lui semblait plus grand, lui donnait l'impression d'?tre plus grande. Kyra avait l'impression qu'elle tenait l'arme qu'elle avait ?t? cens?e manier depuis sa naissance. Pour la premi?re fois de sa vie, elle comprit ce qui lui avait manqu? et elle se sentit compl?te. Elle ne faisait plus qu'un avec le b?ton, cette arme myst?rieuse qu'elle avait extraite des profondeurs des terres de Marda. Kyra volait vers le sud et sentait que Theon ?tait lui aussi plus grand et plus fort, car la furie et la vengeance qui se lisaient dans les yeux du dragon ?taient ?gales aux siennes. Ils volaient sans rel?che, les heures passaient puis, finalement, l'obscurit? commen?a ? diminuer et la verdure d'Escalon devint visible. Quand Kyra vit sa patrie, son c?ur bondit de joie; elle avait pens? ne jamais la revoir. Elle sentit que le temps pressait; elle savait que son p?re, cern? par les arm?es de Ra, avait besoin d'elle dans le sud; elle savait que les soldats pand?siens occupaient le pays; elle savait que les flottes pand?siennes bombardaient Escalon depuis les mers; elle savait que, quelque part loin au-dessus, les dragons attendaient leur heure, eux aussi d?cid?s ? d?truire Escalon, et elle savait que les trolls les envahissaient, que des millions de cr?atures ravageaient son pays. Escalon ?tait attaqu? de tous c?t?s. Kyra cligna des yeux et essaya de ne plus penser aux souffrances de sa patrie, aux longues ?tendues de ruines, de d?combres et de cendres. Et pourtant, alors qu'elle serrait le b?ton encore plus fort dans sa main, elle savait que cette arme pourrait constituer son espoir de r?demption. Est-ce que ce b?ton, Theon et ses pouvoirs pourraient r?ellement sauver Escalon? Est-ce qu'on pouvait encore sauver un pays aussi ravag? ? Est-ce qu'Escalon pouvait m?me esp?rer redevenir ce qu'il avait ?t? jadis ? Kyra l'ignorait, mais elle pouvait quand m?me l'esp?rer. C'?tait ce que son p?re lui avait enseign? : m?me aux moments les plus sombres, quand la situation avait l'air d?sesp?r?e, m?me si tout avait l'air d'?tre enti?rement perdu, il restait toujours l'espoir. Il y avait toujours une ?tincelle de vie, d'espoir, de changement. Rien n'?tait jamais absolu. Pas m?me la destruction. Pendant que Kyra volait, elle sentait sa destin?e monter en elle, sentait un regain d'optimisme, se sentait plus forte de moment en moment. Elle r?fl?chit et eut la sensation d'avoir conquis quelque chose au plus profond d'elle-m?me. Elle se souvint qu'elle avait coup? la toile de l'araign?e et se dit que, quand elle l'avait coup?e, elle avait aussi lib?r? quelque chose en elle. Elle avait ?t? forc?e de survivre toute seule et avait conquis ses d?mons les plus profonds. Elle n'?tait plus la jeune fille qui avait grandi ? Fort Volis; elle n'?tait m?me plus la fille qui s'?tait risqu?e ? entrer ? Marda. C'?tait en femme, c'?tait en guerri?re qu'elle rentrait chez elle. Kyra baissa les yeux et regarda entre les nuages. Elle sentit le paysage changer sous elle et vit qu'ils avaient finalement atteint la fronti?re o? les Flammes s'?taient autrefois dress?es. Alors qu'elle examinait la grande cicatrice qui d?chirait la terre, son attention fut attir?e par des mouvements en-dessous. “Plus bas, Theon.” Ils plong?rent sous les ?pais nuages et, quand l'obscurit? se dissipa, elle fut ravie de revoir le pays qu'elle avait aim?. Elle ?tait ravie de voir sa propre terre, les collines et les arbres qu'elle reconnaissait, de sentir l'air d'Escalon. Pourtant, quand elle regarda encore, elle sentit le d?couragement l'envahir. L?-bas, au-dessous, se trouvaient des millions de trolls qui envahissaient le pays et qui, partis de Marda, fon?aient vers le sud. On aurait dit une migration massive d'animaux, car leur grondement ?tait audible m?me d'ici. Quand Kyra vit cela, elle se demanda comment sa nation pourrait jamais repousser une telle attaque. Elle savait que son peuple avait besoin d'elle, et vite. Kyra sentit le B?ton de V?rit? lui vibrer dans les mains, puis produire un sifflement aigu. Elle sentit qu'il lui demandait de passer ? l'action, exigeait qu'elle attaque. Elle ne savait pas si elle commandait le b?ton ou si c'?tait lui qui la commandait. Kyra visa le sol avec le b?ton et, quand elle le fit, un claquement en ?mana. C'?tait comme si elle maniait le tonnerre et la foudre d'une main. Elle regarda, fascin?e, un globe de lumi?re intense jaillir du b?ton et filer vers le sol. Des centaines de trolls s'arr?t?rent et lev?rent le regard. Kyra vit la panique et la terreur se r?pandre sur leurs traits quand ils virent la boule de lumi?re descendre du ciel et leur foncer dessus. Ils n'avaient pas le temps de fuir. Une explosion s'ensuivit et elle ?tait si forte que son onde de choc secoua Theon et Kyra, m?me depuis le sol. Le globe de lumi?re frappa le sol avec la force d'une com?te qui frappait la Terre. L'onde choc se propagea et des milliers de trolls tomb?rent, aplatis par les vagues de lumi?re en constante expansion. Kyra examina le b?ton avec admiration. Elle se pr?parait ? en envoyer un autre coup, ? an?antir l'arm?e de trolls quand, soudain, un grondement terrifiant se fit entendre au-dessus d'elle. Elle regarda en l'air et eut le choc de voir ?merger des nuages le visage ?norme d'un dragon violet, suivi d'une dizaine d'autres dragons. Elle comprit trop tard que ces dragons les avaient recherch?s. Avant que Kyra puisse les frapper avec son b?ton, un dragon tendit une patte et envoya un coup ? Theon avec ses griffes. Pris par surprise, Theon fut d?sempar? par ce coup gigantesque et se mit ? tomber en vrille. Kyra s'agrippa solidement. Ils virevolt?rent, perdant presque le contr?le de leur trajectoire. Theon avait les ailes ? l'envers. Il essaya de se remettre ? l'endroit en se tournant ? plusieurs reprises. Kyra, qui tenait tout juste, se raccrocha ? ses ?cailles jusqu'? ce qu'il finisse par se redresser. Theon rugit par d?fi et, m?me s'il ?tait plus petit que les autres dragons, il fit un mouvement brusque vers le haut, intr?pide, et se rua sur le dragon qui lui avait envoy? un coup. Le dragon fut visiblement surpris que Theon, plus petit que lui, ait r?ussi ? se reprendre et, avant qu'il puisse r?agir, Theon lui plongea les crocs dans la queue. Theon sectionna compl?tement la queue au grand dragon, qui hurla, vola un peu sans queue puis perdit ses rep?res et chuta directement vers le sol d'en-dessous la t?te la premi?re. Il atterrit avec fracas en creusant un crat?re et en soulevant un nuage de poussi?re. Kyra leva son b?ton, le sentant br?ler dans sa main, et le mania quand trois autres dragons s'approch?rent d'elle. Elle regarda une boule de lumi?re en jaillir et frapper les trois dragons au visage. Ils hurl?rent, s'arr?t?rent sur place puis se d?battirent. Ils s'immobilis?rent compl?tement puis tomb?rent en chute libre comme des pierres, jusqu'? ce qu'ils frappent eux aussi le sol avec fracas, morts. Kyra ?tait ?bahie par sa force. Est-ce que le B?ton de V?rit? venait vraiment de tuer trois dragons d'un seul coup ? Kyra leva encore le b?ton quand une dizaine d'autres dragons apparut. Quand elle le baissa pour les abattre, elle eut soudain la surprise de ressentir une douleur terrifiante ? la main. Elle se tourna et remarqua du coin de l'?il qu'un dragon avait piqu? sur elle par derri?re et lui avait taillad? le dos de la main de ses griffes. Pendant qu'il lui lac?rait la main en la faisant saigner, dans le m?me mouvement, il saisit le B?ton de V?rit? et le lui arracha des mains. Kyra hurla, plus parce qu'elle ?tait horrifi?e d'avoir perdu le b?ton que par douleur. Elle regarda impuissante le dragon s'?loigner en tenant son b?ton. Ensuite, le dragon laissa tomber le b?ton et elle le regarda avec horreur fendre l'air, tomber vers le sol en tournant sur lui-m?me. Le b?ton, le dernier espoir d'Escalon, allait ?tre d?truit. Et Kyra, maintenant sans d?fense, se retrouvait face ? une meute de dragons, tous pr?ts ? la tailler en pi?ces. CHAPITRE DIX Sentant que le temps pressait, Lorna traversa vivement le camp. Les hommes de Duncan la laiss?rent passer. Merk marchait ? c?t? d'elle, rejoint par Sovos et suivi par une dizaine d'hommes des ?les Perdues, des guerriers qui s'?taient s?par?s des autres et les avaient rejoints quand ils avaient quitt? la Baie de la Mort, ?taient revenus sur terre et avaient fait le trajet jusqu'ici, dans le d?sert, en passant devant Leptus. Lorna les avait r?solument emmen?s ici car elle savait que Duncan avait besoin d'elle. Alors qu'elle approchait, Lorna vit les hommes de Duncan la regarder avec ?tonnement. Ils lui firent de la place jusqu'? ce qu'elle finisse par atteindre la petite clairi?re o? ?tait allong? Duncan. Des guerriers soucieux ?taient blottis autour de leur commandant, qui ?tait moribond, et ils s'inqui?taient tous pour lui, agenouill?s ? ses c?t?s. Elle vit Anvin et Aidan en pleurs et White ? leurs pieds, seuls ? rompre le silence pesant. Une main arr?ta Lorna quand elle approcha de Duncan. Elle s'arr?ta et regarda l'homme en question. Merk et Sovos ?taient nerveux, la main sur l'?p?e, mais elle les toucha doucement car elle ne voulait pas de confrontation. “Qui es-tu et pourquoi viens-tu ici ?” demanda s?v?rement le guerrier de Duncan. “Je suis la fille du Roi Tarnis”, r?pondit-elle d'un ton autoritaire. “Duncan a essay? de sauver mon p?re. Je suis venue payer ma dette.” L'homme eut l'air surpris. “Sa blessure est mortelle”, dit le guerrier. “J'en ai vu beaucoup comme ?a ? la guerre. Il est au-del? de toute gu?rison.” Lorna fron?a les sourcils ? son tour. “Nous perdons du temps. Veux-tu que Duncan meure ici en se vidant de son sang ? Ou tenterai-je de le soigner ?” Visiblement, les guerriers ?taient tous sceptiques depuis leur rencontre avec Ra et sa sorcellerie. Ils se regard?rent les uns les autres. Finalement, Anvin hocha la t?te. “Laissez-la passer”, dit-il. Ils s'?cart?rent et, quand Merk et Sovos baiss?rent les armes, Lorna se pr?cipita en avant et s'agenouilla ? c?t? de Duncan. Elle l'examina et vit imm?diatement qu'il ?tait en tr?s mauvais ?tat. Elle sentait l'aura noire de la mort qui l'entourait et, quand elle examina ses yeux ferm?s et le vit battre des cils, elle comprit que la fin ?tait proche. Il ?tait bient?t quitter ce monde. Lorna sentait que le coup port? par Ra l'avait gravement bless?, pas tant ? cause du poignard mais ? cause du sentiment de trahison qui le sous-tendait. Duncan croyait encore que c'?tait Kyra qui l'avait poignard? et, en examinant son aura, Lorna sentait que c'?tait ? cause de ?a qu'il ne voulait plus vivre. Cette erreur lui pompait son ?nergie vitale. “Peux-tu sauver mon p?re ?” Lorna regarda autour d'elle et vit Aidan qui, les yeux rougis et les joues mouill?es par les larmes, la regardait avec un espoir auquel il n'osait pas croire. Elle inspira profond?ment. “Je ne sais pas”, r?pondit-elle simplement. Lorna posa une paume sur le front de Duncan et l'autre sur sa blessure. Elle commen?a ? fredonner un hymne ancien et, lentement, la foule fit silence. Aidan arr?ta de pleurer. Elle sentit une immense chaleur lui traverser les paumes et lutter contre la maladie de Duncan. Elle ferma les yeux et invoqua toute la force qu'elle avait, essayant de lire sa destin?e, de comprendre ce qui s'?tait pass?, ce que son destin lui r?servait. Lentement, tout vint ? elle. Duncan avait ?t? cens? mourir ici et aujourd'hui. C'?tait sa destin?e. Ici, en ce lieu, sur ce champ de bataille, apr?s sa grande victoire dans le canyon. Elle vit toutes les batailles qu'il avait men?es, le vit devenir guerrier, puis commandant, vit sa derni?re bataille, la plus grande, ici, au Canyon. Il n'?tait pas cens? survivre ? l'inondation. Il ?tait cens? mourir ? sa suite. Il avait men? la r?volution aussi loin qu'il ?tait cens? le faire. Elle sentit que sa fille, Kyra, arrivait par voie a?rienne, cens?e reprendre son poste de commandant. Duncan ?tait cens? mourir maintenant. Pourtant, quand elle s'agenouilla au-dessus de lui, Lorna invoqua la puissance de l'univers et le pria de changer sa destin?e. Apr?s tout, Duncan avait ?t? le seul v?ritable ami de son p?re, le Roi Tarnis, m?me quand tous les autres l'avaient abandonn?. C'?tait ? Duncan que son p?re avait urgemment demand? d'aller la sauver. Pour son p?re, elle lui devait ?a. De plus, en son for int?rieur, elle sentait aussi que Duncan avait peut-?tre une derni?re bataille ?pique ? mener. Lorna lutta avec le destin, sentant que cette lutte l'?puisait. Elle sentit des esprits se livrer une bataille ?pique en elle. Elle affronta des pouvoirs contre lesquels elle n'?tait pas suppos?e lutter. Des pouvoirs dangereux. Des pouvoirs qui pouvaient la tuer. Apr?s tout, le destin ne se prenait pas ? la l?g?re. Alors qu'elle se d?battait, Lorna sentait que la vie de Duncan ne tenait qu'? un fil. Finalement, elle s'effondra, ?puis?e, le souffle court, et, quand elle le fit, une r?ponse lui vint : elle avait ? la fois gagn? et perdu. Duncan n'allait survivre que bri?vement. Il aurait droit ? une derni?re bataille, le droit de revoir sa fille, sa vraie fille, le droit de mourir dans ses bras. Au moins, c'?tait quelque chose. Lorna trembla. Elle se sentait mal, ?cras?e par les forces contre lesquelles elle s'?tait battue. Elle avait les mains qui br?laient et, finalement, quand vint un ?clair, une sensation telle qu'elle n'en avait jamais connu, elle fut rejet?e en arri?re par sa puissance. Elle atterrit sur le dos ? un m?tre ou deux. Merk la releva rapidement et elle resta l?, ? genoux, faible, parcourue par des sueurs froides. A quelques m?tres, Duncan ?tait encore immobile et Lorna se sentit ?cras?e par la magie de ce qu'elle avait invoqu?. “Ma dame, que s'est-il pass? ?” demanda Anvin. Elle eut peine ? s'?claircir les id?es, ? trouver ses mots. Dans le silence, Aidan s'avan?a et lui fit face d?sesp?r?ment. “Est-ce que mon p?re va vivre ?” supplia-t-il. “Dites-le moi. Je vous en prie.” Sur le point de s'?vanouir ? cause de son ?puisement, Lorna invoqua assez d'?nergie pour lui r?pondre d'un faible hochement de t?te juste avant de perdre connaissance. “Il vivra, mon gar?on”, dit-elle, “mais pas tr?s longtemps.” CHAPITRE ONZE Aidan eut honte mais, malgr? tous ses efforts, il ne put s'emp?cher de pleurer. Il s'?tait retir? ? l'extr?mit? du camp, dans une grotte aux abords du terrain, esp?rant ?tre seul car il ne voulait pas que les autres hommes voient ses larmes. Seul White ?tait assis ? ses pieds et g?missait ? c?t? de lui. Aidan aurait voulu pouvoir arr?ter de pleurer mais, accabl? par le chagrin que lui inspirait la blessure de son p?re, il n'y arrivait pas. Il vivra, mais pas longtemps. Les mots de Lorna faisaient ?cho dans sa t?te et il aurait voulu pouvoir effacer ces mots. Il aurait fait n'importe quoi pour que son p?re puisse vivre ?ternellement. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43695111&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.