*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

Esclave, Guerri?re, Reine

Esclave, Guerri?re, Reine Morgan Rice De Couronnes et de Gloire #1 Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page.. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour 'Le R?veil des Dragons') Morgan Rice, l'auteur ? succ?s n°1, nous offre une splendide nouvelle s?rie de fantasy. Ceres, 17 ans, fille pauvre et belle de Delos, cit? de l'Empire, m?ne la vie dure et impitoyable d'une roturi?re. Le jour, elle livre les armes forg?es par son p?re au terrain d'entra?nement du palais, et la nuit, elle s'entra?ne secr?tement avec eux car elle d?sire fortement devenir guerri?re dans ce pays o? les filles n'ont pas le droit de se battre. Comme elle va bient?t ?tre vendue comme esclave, elle est d?sesp?r?e. Le prince Thanos, 18 ans, d?teste tout ce que d?fend sa famille royale. Il ex?cre leur traitement violent des masses, surtout la comp?tition brutale – Les Tueries – qui forment le c?ur de la vie de la cit?. Il d?sire ardemment se lib?rer des contraintes impos?es par son ?ducation, mais l'excellent guerrier qu'il est ne voit aucune fa?on d'y parvenir. Quand Ceres ?bahit le public du terrain d'entra?nement en lui montrant ses pouvoirs cach?s, elle se retrouve injustement d?tenue et condamn?e ? vivre une vie encore pire que ce qu'elle avait pu imaginer. ?perdument amoureux, Thanos doit d?cider de tout risquer ou non pour elle. Pourtant, jet?e dans un monde de duplicit? et de secrets mortels, Ceres apprend rapidement qu'il y a ceux qui r?gnent et ceux qui leur servent de pions, et que, parfois, ?tre choisie est la pire des choses qui puisse vous arriver. ESCLAVE, GUERRIERE, REINE raconte une histoire ?pique d'amour tragique, de vengeance, de trahison, d'ambition et de destin?e. Pleine de personnages inoubliables et d'action palpitante, cette histoire nous transporte dans un monde que nous n'oublierons jamais et nous fait retomber amoureux de l'heroic fantasy. Le tome n°2 de la s?rie 'De Couronnes et de Gloire' sortira bient?t ! Morgan Rice Esclave, Guerri?re, Reine 'De Couronnes et de Gloire', Tome 1 Morgan Rice Ecrivain prolifique et auteur ? succ?s, Morgan Rice a d?j? sign? de sa plume une s?rie de fantasy ?pique en dix-sept tomes, L’ANNEAU DU SORCIER, une s?rie de bit-lit en douze tomes, SOUVENIRS D’UNE VAMPIRE, un thriller post-apocalyptique en cours d’?criture, LA TRILOGIE DES RESCAPES, une autre s?rie de fantasy ?pique en six tomes, ROIS ET SORCIERS, et enfin une nouvelle s?rie de fantasy ?pique en cours d’?criture, OF CROWNS AND GLORY (traduction ? venir). Les romans de Morgan sont disponibles en versions audio et papier. Ils sont traduits en plus de vingt-cinq langues. Morgan adore recevoir de vos nouvelles. N'h?sitez pas ? visiter son site web www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire ? la newsletter, recevoir un livre gratuit, des infos exclusives et des cadeaux, t?l?charger l'appli gratuite, vous connecter sur Facebook et Twitter et rester en contact ! S?lection de Critiques pour Morgan Rice « Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre apr?s la fin de la s?rie de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE R?VEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page .... Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites ». –-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le R?veil des Dragons) « Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. » —The Wanderer,A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) « Une histoire du genre fantastique entra?nante qui m?le des ?l?ments de myst?re et de complot ? son intrigue. La Qu?te des H?ros raconte la naissance du courage et la r?alisation d’une raison d'?tre qui m?ne ? la croissance, la maturit? et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'?volution de Thor d'un enfant r?veur ? un jeune adulte confront? ? d'insurmontables d?fis de survie .... Ce n'est que le d?but de ce qui promet d'?tre une s?rie pour jeune adulte ?pique. » —Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres ?lectroniques) « L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s instantan? : intrigues, contre-intrigues, myst?res, vaillants chevaliers et des relations en plein ?panouissement pleines de c?urs bris?s, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les ?ges. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs de fantasy. » – Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « Dans ce premier livre bourr? d'action de la s?rie de fantasy ?pique L'Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice pr?sente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McL?od, 14 ans, dont le r?ve est de rejoindre la L?gion d'argent, des chevaliers d'?lite qui servent le roi .... L'?criture de Rice est solide et le pr?ambule intrigant. » – Publishers Weekly Livres par Morgan Rice LA VOIE DE L'ACIER SEULS LES BRAVES (Tome n°1) DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (Tome n°1) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome n°1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome n°2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4) UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5) LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome n°1) LA MARCHE DES ROIS (Tome n°2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3) UN CRI D'HONNEUR (Tome n°4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n°5) UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n°6) UN RITE D'?P?ES (Tome n°7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n°8) UN CIEL DE CHARMES (Tome n°9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n°10) LE R?GNE DE L'ACIER (Tome n°11) UNE TERRE DE FEU (Tome n°12) LE R?GNE DES REINES (Tome n°13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome n°14) UN R?VE DE MORTELS (Tome n°15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n°16) LE DON DE LA BATAILLE (Tome n°17) TRILOGIE DES RESCAP?S AR?NE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1) AR?NE DEUX (Tome n°2) AR?NE TROIS (Tome n°3) LES VAMPIRES D?CHUS AVANT L'AUBE (Tome n°1) SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE TRANSFORM?E (Tome n°1) AIM?E (Tome n°2) TRAHIE (Tome n°3) PR?DESTIN?E (Tome n°4) D?SIR?E (Tome n°5) FIANC?E (Tome n°6) VOU?E (Tome n°7) TROUV?E (Tome n°8) REN?E (Tome n°9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n°10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11) OBSESSION (Tome n°12) ?coutez la s?rie L'ANNEAU DU SORCIER en format livre audio ! Vous voulez des livres gratuits ? Abonnez-vous ? la liste de diffusion de Morgan Rice pour recevoir 4 livres gratuits, 3 cartes gratuites, 1 appli gratuite, 1 jeu gratuit, 1 bande dessin?e gratuite et des cadeaux exclusifs ! Pour vous abonner, allez sur : www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) Copyright © 2016 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright Nejron Photo, en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. “Approche, cher guerrier, que je te conte une histoire. Une histoire de lointaines batailles. Une histoire d'hommes et bravoure. Une histoire de couronnes et gloire.”     --Les Chroniques Oubli?es de Lysa CHAPITRE PREMIER Ceres courait dans les ruelles de Delos, les veines bouillant d'excitation, sachant qu'elle ne pouvait se permettre d'?tre en retard. Le soleil se levait tout juste et pourtant l'air lourd et poussi?reux se faisait d?j? suffocant dans l'ancienne cit? de pierre. Bien qu'elle ait les jambes en feu et mal aux poumons, elle se for?a ? courir de plus en plus vite, en sautant par-dessus un des innombrables rats qui sortaient furtivement des caniveaux et les ordures qui envahissaient les rues. Elle entendait d?j? le grondement distant et avait le c?ur qui en battait d'anticipation. Elle savait que, quelque part devant elle, le Festival des Tueries allait commencer. Laissant tra?ner ses mains le long des murs de pierre alors qu'elle suivait les m?andres d'une ?troite ruelle, Ceres jeta un coup d’?il en arri?re pour s'assurer que ses fr?res ne se faisaient pas distancer. Elle vit avec soulagement Nesos, sur ses talons, et Sartes, qui n'?tait qu'? quelques m?tres derri?re eux. Nesos, dix-neuf ans, n'avait que deux cycles solaires de plus qu'elle, alors que Sartes, son fr?re cadet, avait quatre cycles solaires de moins et ?tait sur le point de devenir un homme. Avec  leurs cheveux blond roux mi-longs et leurs yeux marron, les deux gar?ons se ressemblaient ? s'y m?prendre. Ils ressemblaient aussi ? leurs parents mais pas du tout ? Ceres. Pourtant, bien que Ceres soit une fille, ils n'avaient jamais r?ussi ? courir aussi vite qu'elle. “Vite !” hurla Ceres par-dessus son ?paule. Un autre grondement se fit entendre et, bien qu'elle ne soit jamais all?e au festival, elle l'imaginait dans ses moindres d?tails : la cit? toute enti?re, les trois millions de citoyens de Delos amass?s dans le Stade en ce jour f?ri? du solstice d'?t?. Ce serait enti?rement nouveau pour elle et, si ses fr?res et elle ne se d?p?chaient pas, il ne resterait pas un seul si?ge. En acc?l?rant, Ceres s'essuya une goutte de sueur du front l'?tala sur sa tunique blanc cass? effiloch?e, qu'elle avait re?ue d'occasion des mains de sa m?re. Jamais on ne lui avait donn? de nouveaux v?tements. Selon sa m?re, qui adorait ses fr?res mais semblait r?server ? Ceres une haine et une jalousie particuli?res, sa fille ne m?ritait pas d'avoir des v?tements neufs. “Attendez !” hurla Sartes avec une pointe d'irritation dans sa voix ?raill?e. Ceres sourit. “Il faut que je te porte, alors ?” r?pondit-elle en hurlant. Elle savait qu'il d?testait qu'elle le taquine, mais sa remarque sarcastique aiderait ? le motiver pour qu'il ne se laisse pas distancer. Ceres n'avait rien contre le fait de le voir tra?ner derri?re elle; elle trouvait touchant qu'il soit pr?t, ? treize ans, ? faire tout son possible pour qu'ils le consid?rent comme l'un des leurs. Et bien qu'elle refuse de l'admettre franchement, Ceres avait vraiment besoin que Sartes ait besoin d'elle. Sartes poussa un fort grognement. “Maman te tuera quand elle se rendra compte que tu lui as encore d?sob?i !” r?pondit-il en hurlant. Il avait raison. C'?tait ce que leur m?re ferait, ou alors, elle lui donnerait au moins une bonne flagellation. La premi?re fois que sa m?re l'avait battue, Ceres avait cinq ans et c'?tait ? ce moment-l? qu'elle avait perdu son innocence. Avant cela, le monde avait ?t? amusant, bienveillant et bon. Apr?s cela, rien n'avait plus jamais ?t? s?r et la seule chose ? laquelle elle pouvait se raccrocher ?tait l'espoir d'un avenir o? elle pourrait s'?loigner de sa m?re. Maintenant qu'elle ?tait plus grande, la libert? se rapprochait, mais m?me ce r?ve s'effritait lentement dans son c?ur. Heureusement, Ceres savait que ses fr?res ne la d?nonceraient jamais. Ils ?taient aussi loyaux envers elle qu'elle l'?tait envers eux. “Dans ce cas, tant mieux si Maman n'en entend jamais parler !” r?pondit-elle en criant. “Papa, lui, s'en rendra compte !” dit Sartes d'un ton sec. Ceres gloussa. Papa ?tait d?j? au courant. Ils s'?taient mis d'accord : si Ceres se couchait plus tard pour finir d'aiguiser les ?p?es qu'il devait livrer au palais, elle pourrait aller voir les Tueries. Et elle avait accept?. Ceres atteignit le mur du fond de la ruelle et, sans s'arr?ter, elle plongea les doigts dans deux fentes et se mit ? grimper. Ses mains et ses pieds bougeaient vite et elle monta d'au moins six m?tres avant d'atteindre le sommet. Elle se redressa en respirant avec difficult? et le soleil l'accueillit de ses rayons lumineux. Elle se prot?gea les yeux d'une main. Elle eut le souffle coup?. Normalement, la Vieille Cit? ?tait parsem?e de quelques citoyens, avec un chat ou un chien errant ?? et l?, mais aujourd'hui elle grouillait de vie et de gens. Ceres ne voyait m?me pas les pav?s sous la mer de gens qui s'amassaient dans la Place de la Fontaine. Au loin, le bleu vif de l'oc?an scintillait et le Stade blanc dominait les environs comme une montagne au milieu du m?andre des rues et des maisons ? deux ou trois ?tages serr?es comme des sardines. Autour du bord ext?rieur de la place, les marchands avaient align? leurs stands, tous d?sireux de vendre de la nourriture, des bijoux ou des v?tements. Une bourrasque lui effleura le visage et l'odeur de plats fra?chement cuits s'insinua dans ses narines. Que ne donnerait-elle pas pour manger une nourriture qui satisfasse cette sensation qui la rongeait ! Elle eut soudain tr?s faim et se passa les bras autour du ventre. Ce matin, le petit d?jeuner n'avait consist? que de quelques cuiller?es de porridge mou, qui avait d'une fa?on ou d'une autre r?ussi ? lui donner l'impression d'avoir encore plus faim qu'avant de l'avoir mang?. Comme c'?tait aujourd’hui son dix-huiti?me anniversaire, elle avait esp?r? qu'elle aurait au moins droit ? un petit suppl?ment de nourriture dans son bol, ou ? un c?lin ou ? quelque chose d'autre. Cependant, personne n'avait dit un seul mot. Elle n'?tait m?me pas s?re qu'ils s'en souvenaient. Un ?clair de lumi?re attira son attention et, quand elle regarda vers le bas, elle rep?ra une cal?che dor?e qui se frayait un chemin dans la foule comme une bulle dans du miel, lente et brillante. Ceres fron?a les sourcils. Excit?e comme elle l'?tait, elle avait oubli? que la famille royale assisterait elle aussi ? l'?v?nement. Elle les m?prisait, m?prisait leur d?dain, m?prisait le fait que leurs animaux soient mieux nourris que la plupart des gens de Delos. Ses fr?res esp?raient vaincre un jour le syst?me de classes mais Ceres ne partageait pas leur optimisme : si une sorte d'?galit? ou une autre devait faire son apparition dans l'Empire, il faudrait qu'elle s'y introduise par l'interm?diaire d'une r?volution. “Tu le vois ?” demanda Nesos en haletant alors qu'il se hissait ? son c?t?. Quand Ceres pensa ? lui, elle sentit son c?ur se mettre ? battre plus vite. Rexus. Elle s'?tait elle aussi demand?e s'il ?tait venu, mais avait scrut? la foule en vain. Elle secoua la t?te. “L?-bas.” Nesos montra l'endroit du doigt. Elle suivit son doigt en direction de la fontaine en plissant les yeux. Soudain, elle le vit et ne put contenir son explosion de joie. Elle ressentait toujours la m?me chose quand elle le voyait. Il ?tait l?-bas, assis sur le rebord de la fontaine, en train de bander son arc. M?me ? cette distance, elle voyait les muscles de ses ?paules et de sa poitrine bouger sous sa tunique. Il n'avait que quelques ann?es de plus qu'elle, des cheveux blonds qui se d?marquaient des autres chevelures noires ou marron, et sa peau bronz?e luisait au soleil. “Attends !” cria une voix. Ceres jeta un coup d’?il en arri?re et vit Sartes qui, en bas du mur, avait du mal ? grimper. “D?p?che-toi ou on te laisse en plan !” dit Nesos pour le provoquer. ?videmment, jamais ils n'abandonneraient leur fr?re cadet, bien qu'il ait vraiment besoin d'apprendre ? tenir le rythme. A Delos, un moment de faiblesse pouvait se r?v?ler fatal. Nesos se passa une main dans les cheveux et retint lui aussi son souffle en examinant la foule. “Alors, sur quel vainqueur tu paries ?” demanda-t-il. Ceres se tourna vers lui et rit. “Avec quel argent ?” demanda-t-elle. Il sourit. “Imagine que tu en as”, r?pondit-il. “Brennius”, r?pondit-elle imm?diatement. Nesos leva les sourcils, surpris. “Vraiment ?” demanda-t-il. “Pourquoi ?” “Je ne sais pas”, r?pondit-elle avec un haussement d'?paules. “L'intuition.” En fait, elle savait bien pourquoi. Elle le savait tr?s bien, mieux que ses fr?res, mieux que tous les gar?ons de sa cit?. Ceres avait un secret : elle n'avait dit ? personne que, ? l'occasion, elle s'?tait d?guis?e en gar?on et s'?tait entra?n?e au palais. Un d?cret royal interdisait aux filles —sous peine de mort – d'assimiler la culture des seigneurs de guerre, alors que les roturiers de sexe masculin avaient la possibilit? de b?n?ficier d'un tel apprentissage s'ils fournissaient une quantit? ?quivalente de travail dans les ?curies du palais, ce que Ceres faisait volontiers. Elle avait observ? Brennius et avait ?t? impressionn?e par sa fa?on de se battre. Il n'?tait pas le plus grand des seigneurs de guerre mais il calculait ses mouvements avec pr?cision. “Aucune chance”, r?pondit Nesos. “Ce sera Stefanus.” Ceres secoua la t?te. “Stefanus mourra dans les dix premi?res minutes”, dit-elle cat?goriquement. Stefanus ?tait le choix le plus ?vident, le plus grand des seigneurs de guerre, et probablement le plus fort, mais il n'?tait pas aussi r?fl?chi que Brennius ou que quelques-uns des autres guerriers qu'elle avait observ?s. Nesos rit grossi?rement. “Si ?a arrive, je te donnerai ma bonne ?p?e.” Elle jeta un coup d’?il ? l'?p?e qui ?tait attach?e ? sa taille. Nesos n'avait aucune id?e de la jalousie qu'avait ressentie sa s?ur quand Maman lui avait donn? cette arme luxueuse comme cadeau d'anniversaire trois ans auparavant. Son ?p?e ? elle ?tait une ?p?e inutilis?e que son p?re avait jet?e sur le tas d'ordures ? recycler. Oh, elle pourrait en faire de belles choses si elle avait une arme comme celle de Nesos ! “Je t'obligerai ? tenir ta promesse, tu sais”, dit Ceres en souriant, alors qu'en r?alit? elle ne voulait surtout pas lui prendre son ?p?e. “Je n'en attendrais pas moins de toi”, dit-il avec un sourire en coin. Une pens?e sombre traversa l'esprit ? Ceres et elle se croisa les bras devant la poitrine. “Maman ne l'accepterait pas”, dit-elle. “Mais Papa l'accepterait”, dit-il. “Il est tr?s fier de toi, tu sais.” La gentillesse de la remarque de Nesos la prit au d?pourvu et, comme elle ne savait pas exactement comment l'accepter, elle baissa les yeux. Elle aimait tendrement son p?re et elle savait qu'il aimait lui aussi. Pourtant, pour une raison quelconque, le visage de sa m?re apparut devant elle. Tout ce qu'elle voulait, c'?tait que sa m?re l'accepte et l'aime autant que ses fr?res. Cependant, en d?pit de tous ses efforts, Ceres sentait qu'elle ne pourrait jamais ?tre assez bonne ? ses yeux. Sartes grogna en finissant de grimper derri?re eux. Il faisait encore une t?te de moins que Ceres et il ?tait d'une maigreur extr?me, mais Ceres ?tait convaincue qu'il allait bient?t se mettre ? pousser comme un bambou. C'?tait ce qui ?tait arriv? ? Nesos. Maintenant, il ?tait muscl? et baraqu? et il la dominait du haut de son m?tre quatre-vingt dix-sept. “Et toi ?” demanda Ceres en se tournant vers Sartes. “Tu vois qui comme vainqueur ?” “Le m?me que toi. Brennius.” Elle sourit et lui ?bouriffa les cheveux. Il disait toujours la m?me chose qu'elle. On entendit un autre grondement, la foule s'?paissit et elle ressentit son impatience. “Allons-y”, dit-elle, “pas de temps ? perdre.” Sans attendre, Ceres descendit du mur et, d?s qu'elle atteignit le sol, elle se mit ? courir. Sans d?tacher le regard de la fontaine, elle se fraya un chemin ? travers la place, impatiente de rejoindre Rexus. Il se tourna et ?carquilla les yeux de plaisir quand elle s'approcha. Elle se pr?cipita sur lui et sentit ses bras s'enrouler autour de sa taille alors qu'il pressait une joue pas ras?e contre la sienne. “Ciri”, dit-il de sa voix basse et rauque. Un frisson lui parcourut l'?chine quand elle se tourna et regarda Rexus dans ses yeux bleu cobalt. Comme il mesurait un m?tre quatre-vingt deux, il faisait presque une t?te de plus qu'elle et ses cheveux blond n?glig?s encadraient son visage en forme de c?ur. Il sentait le savon et l'ext?rieur. Dieux, c'?tait bon de le revoir. M?me si elle ?tait capable de se d?brouiller dans quasiment n'importe quelle situation, sa pr?sence lui apportait une sensation d'apaisement. Ceres se dressa sur la pointe des pieds et enroula volontiers ses bras autour de son cou ?pais. Pour elle, il n'avait jamais ?t? qu'un ami, jusqu'au jour o? elle l'avait entendu parler de la r?volution et de l'arm?e secr?te dont il ?tait membre. “Nous nous battrons pour nous lib?rer du joug de l'oppression”, lui avait-il dit quelques ann?es auparavant. Il avait parl? de la r?bellion avec une telle fougue que, l'espace d'un instant, elle avait vraiment cru qu'il serait possible de renverser la caste royale. “Comment ?tait la chasse ?” demanda-t-elle avec un sourire. Elle savait qu'il ?tait parti plusieurs jours. “Ton sourire m'a manqu?.” Il caressa ses longs cheveux roses dor?s. “Et tes yeux ?meraude aussi.” Rexus avait aussi manqu? ? Ceres mais elle n'osait pas le dire. Elle avait peur de perdre leur amiti? en allant trop loin. “Rexus”, dit Nesos qui, suivi de pr?s par Sartes, les rattrapa et lui serra le bras. “Nesos”, dit-il de sa voix grave et autoritaire. “Si on veut entrer, il faut qu'on se d?p?che”, ajouta-t-il en faisant signe aux autres de la t?te. Ils partirent tous h?tivement et se m?l?rent ? la foule qui se dirigeait vers le Stade. Les soldats de l'Empire ?taient partout et ils faisaient avancer la foule, parfois ? coups de b?ton ou de fouet. Plus ils se rapprochaient de la route qui menait au Stade, plus la foule s'?paississait. Soudain, Ceres entendit crier pr?s un des stands et, instinctivement, elle se tourna vers le son. Elle vit qu'un grand espace s'?tait ouvert autour d'un petit gar?on qui ?tait avec deux soldats de l'Empire et un marchand. Quelques badauds prirent la fuite alors que d'autres rest?rent en regardant la sc?ne bouche b?e, en cercle. Ceres se pr?cipita en avant et vit un des soldats faire tomber une pomme de la main du gar?on tout en tenant le bras au petit et en le lui secouant violemment. “Voleur !” grogna le soldat. “Piti?, je vous en supplie !” cria le gar?on, dont les larmes coulaient sur ses joues sales et creuses. “J'avais … tellement faim !” Ceres sentit la compassion lui envahir le c?ur, car elle avait ressenti la m?me faim et savait que les soldats ne se g?neraient pas pour ?tre cruels. “Laissez partir ce gar?on”, dit calmement le marchand costaud d'un geste de la main qui fit briller son anneau d'or au soleil. “?a ne va pas me ruiner de lui donner une pomme. J'ai des centaines de pommes.” Il gloussa un peu, comme pour montrer que la situation n'?tait pas si grave. Cependant, la foule se rassembla autour d'eux et se fit silencieuse quand les soldats se tourn?rent vers le marchand en faisant cliqueter leur armure brillante. Ceres ressentit un pincement au c?ur, inqui?te pour le marchand, car elle savait que personne ne prenait jamais le risque de se mettre l'Empire ? dos. Le soldat s'avan?a vers le marchand d'un air mena?ant. “Tu d?fends un criminel ?” Le marchand regarda les deux soldats l'un apr?s l'autre, moins s?r de lui-m?me qu'avant. Alors, le soldat se tourna et frappa le gar?on au visage. Le coup produisit un craquement qui fit frissonner Ceres. Le gar?on tomba par terre avec un bruit sourd et la foule eut le souffle coup?. En d?signant le marchand du doigt, le soldat dit : “Pour prouver ta loyaut? envers l'Empire, tu vas tenir le gar?on pendant qu'on le fouette.” Le regard du marchand se durcit et il transpira du front. A la grande surprise de Ceres, il refusa de c?der. “Non”, r?pondit-il. Le second soldat fit deux pas vers le marchand d'un air mena?ant et mit la main au pommeau de son ?p?e. “Fais-le, ou tu perdras ta t?te et on br?lera ta boutique”, dit le soldat. Le visage rond du marchand s'affaissa et Ceres comprit qu'il ?tait vaincu. Il s'avan?a lentement vers le gar?on et le saisit par le bras en s'agenouillant devant lui. “Pardonne-moi, je t'en prie”, dit-il, les larmes aux yeux. Le gar?on g?mit puis se mit ? crier en essayant de se d?gager de son emprise. Ceres voyait que l'enfant tremblait. Elle voulait continuer ? avancer vers le Stade pour ?viter d'assister ? cette triste histoire. Cependant, elle avait les pieds fig?s au milieu de la place et les yeux riv?s sur la brutalit? qui se d?roulait devant elle. Le premier soldat ouvrit violemment la tunique du gar?on pendant que le second soldat faisait tourner un fouet au-dessus de sa t?te. La plupart des badauds encourageaient les soldats, m?me si quelques-uns partaient en murmurant, la t?te basse. Personne ne d?fendit le voleur. Avec une expression avide, presque exasp?rante, le soldat frappa violemment le dos au gar?on avec le fouet, le faisant crier de douleur pendant qu'il le fouettait. Le sang suinta des nouvelles lac?rations. Le soldat fouetta encore et encore le gar?on jusqu'? ce qu'il ait la t?te qui pende en arri?re sans plus crier. Ceres ressentait un besoin fort de se pr?cipiter en avant et de sauver le gar?on. Cependant, elle savait que, si elle le faisait, elle encourrait la peine de mort, pour elle comme pour tous ceux qu'elle aimait. Elle laissa tomber les ?paules, se sentant d?sesp?r?e et vaincue. En son for int?rieur, elle se promit de se venger un jour. Elle tira violemment Sartes vers elle et lui couvrit les yeux dans une tentative d?sesp?r?e de le prot?ger, de lui donner quelques ann?es d'innocence de plus, bien que l'innocence soit ?trang?re ? ce pays. Cependant, elle se for?a ? ne pas c?der ? cette impulsion. Sartes ?tait un homme et, en tant que tel, il fallait qu'il voie ces exemples de cruaut?, pas seulement pour s'adapter mais aussi pour participer avec force ? la r?bellion quand le temps serait venu. Les soldats retir?rent le gar?on des mains du marchand puis jet?rent son corps inerte ? l'arri?re d'une charrette en bois. Le marchand se plaqua les mains contre le visage et sanglota. En quelques secondes, la charrette partit et l'espace auparavant d?gag? se remplit ? nouveau de gens qui erraient sur la place comme s'il ne s'?tait rien pass?. Ceres sentait une sensation naus?euse monter en elle. C'?tait injuste. A l'instant m?me, elle apercevait une demi-douzaine de pickpockets, des hommes et des femmes qui avaient atteint un tel degr? de perfection dans leur art que m?me les soldats de l'Empire ne pouvaient pas les attraper. La vie de ce pauvre gar?on ?tait maintenant g?ch?e ? cause de son manque d'habilet?. Si on les attrapait, les voleurs, jeunes ou vieux, perdaient leurs membres ou pire encore, selon l'humeur dont ?taient les juges ce jour-l?. Si le voleur avait de la chance, on ne le tuerait pas et il serait condamn? ? travailler dans les mines d'or toute sa vie. Ceres pr?f?rerait mourir que devoir supporter de telles conditions d'emprisonnement. Ils continu?rent le long de la rue, le moral ? z?ro, serr?s comme des sardines les uns contre les autres. La chaleur devenait presque insupportable. Un chariot dor? s'arr?ta ? c?t? d'eux en for?ant tout le monde ? se sortir et ? se plaquer contre les maisons qui se trouvaient sur les c?t?s. Violemment bouscul?e, Ceres leva les yeux et vit trois adolescentes v?tues de robes en soie color?es, leur coiffure agr?ment?e de broches en or d?cor?es de pierres pr?cieuses. Une des adolescentes jeta en riant une pi?ce en or dans la rue et une poign?e de roturiers se mit ? quatre pattes pour r?cup?rer ce morceau de m?tal qui suffirait ? nourrir une famille pendant un mois entier. Ceres ne se baissait jamais pour ramasser les aum?nes. Elle pr?f?rait avoir faim qu'accepter les cadeaux de ce genre de personnes. Elle regarda un jeune homme saisir la pi?ce et un homme plus ?g? le plaquer ? terre et lui serrer fermement la main autour du cou. De l'autre main, l'homme plus ?g? arracha la pi?ce ? la main du jeune homme. Les adolescentes rirent et montr?rent la sc?ne du doigt avant que leur chariot ne continue ? se faufiler au travers des masses. Ceres en eut l'estomac nou? par le d?go?t. “Bient?t, l'in?galit? dispara?tra d?finitivement”, dit Rexus. “J'y veillerai.” En l'?coutant parler, Ceres se sentit ragaillardie. Un jour, elle se joindrait ? la r?bellion avec lui et avec ses fr?res. Alors qu'ils approchaient du Stade, les rues s'?largirent et Ceres sentit qu'elle pouvait respirer ? nouveau. L'air vrombissait. Elle ?tait tellement excit?e qu'elle avait l'impression qu'elle allait ?clater. Elle passa sous une des dizaines d'arches d'entr?e et leva les yeux. Des milliers de roturiers grouillaient dans le magnifique Stade. Le b?timent ovale s'?tait effondr? vers le haut du c?t? nord et la plus grande partie des auvents rouges ?taient d?chir?s et ne prot?geaient que peu du soleil ?crasant. Des b?tes sauvages grognaient derri?re des portes en fer et Ceres voyait les seigneurs de guerre qui se tenaient pr?ts derri?re les portes. Bouche b?e, ?merveill?e, Ceres observait l'endroit dans ses moindres d?tails. Avant d'avoir pu s'en apercevoir, Ceres leva les yeux et se rendit compte qu'elle s'?tait laiss?e distancer par Rexus et ses fr?res. Elle se pr?cipita en avant pour les rattraper mais, d?s qu'elle le fit, quatre hommes de forte carrure la cern?rent. Elle sentit une odeur d'alcool, de poisson pourri et de crasse quand ils s'approch?rent trop pr?s d'elle puis se tourn?rent et la contempl?rent bouche b?e avec leurs dents pourries et leur affreux sourire. “Tu viens avec nous, ma jolie”, dit l'un d'eux pendant qu'ils se rapprochaient tous d'elle pour lui barrer la route. Ceres avait le c?ur qui battait la chamade. Elle chercha les autres devant elle mais ils ?taient d?j? perdus dans la foule qui s'?paississait. Elle fit face aux hommes en essayant d'avoir l'air la plus courageuse possible. “Laissez-moi partir ou je …” Ils ?clat?rent de rire. “Ou quoi ?” demanda l'un d'eux d'un ton moqueur. “Une gamine comme toi contre nous quatre ?” “On pourrait t'emmener d'ici de force et personne ne dirait un seul mot”, ajouta un autre. Et c'?tait vrai. Du coin de l’?il, Ceres regarda les gens passer ? toute vitesse en faisant semblant de ne pas remarquer ? quel point ces hommes la mena?aient. Soudain, le leader prit une expression s?rieuse et, d'un mouvement rapide, il la saisit par le bras et la rapprocha de lui. Elle savait qu'ils pourraient l'emporter, qu'on ne la reverrait jamais et cette id?e la terrifia plus que toute autre chose. Essayant de ne pas tenir compte de son c?ur qui battait la chamade, Ceres se retourna et arracha son bras ? la main de l'homme. Les autres hommes rirent, amus?s, mais quand elle frappa le nez du leader de la base de sa paume et lui renvoya ainsi la t?te en arri?re, ils se turent. Le leader pla?a ses mains crasseuses par-dessus son nez et grogna. Ceres ne fl?chit pas. Sachant qu'elle n'avait qu'une chance, elle lui donna un coup de pied ? l'estomac, se souvenant de ses jours d'entra?nement, et l'homme chavira sous le coup. Cependant, les trois autres se jet?rent imm?diatement sur elle. La saisissant de leurs mains fortes, ils la tir?rent loin de leur complice. Soudain, ils fl?chirent. Soulag?e, Ceres vit appara?tre Rexus, qui assomma un des hommes d'un coup de poing au visage. Ensuite, Nesos apparut et saisit un autre homme et lui envoya un coup de genou ? l'estomac avant de l'envoyer ? terre d'un coup de pied et de le laisser dans la poussi?re rouge. Le quatri?me homme fon?a vers Ceres mais, juste au moment o? il allait attaquer, elle se pencha, virevolta et lui donna un coup de pied au derri?re qui l'envoya dans un pilier la t?te la premi?re. Elle resta sur place, respirant avec difficult?, reprenant ses esprits. Rexus pla?a une main sur l'?paule de Ceres. “Tu vas bien ?” Ceres avait le c?ur qui battait encore ? une vitesse folle mais sentait la fiert? faire lentement place ? la peur. Elle s'?tait bien d?brouill?e. Elle hocha la t?te et Rexus lui passa un bras autour des ?paules. Ils poursuivirent leur route. Les l?vres charnues de Rexus form?rent peu ? peu un sourire. “Quoi ?” demanda Ceres. “Quand j'ai vu ce qui se passait, j'ai eu envie de tous les transpercer de mon ?p?e mais, ? ce moment-l?, j'ai vu comment tu te d?fendais.” Il secoua la t?te et gloussa. “Ils ne s'attendaient pas ? ?a.” Ceres se sentit rougir. Elle aurait voulu dire qu'elle n'avait pas eu peur mais elle savait que c'?tait faux. “J'?tais anxieuse”, admit-elle. “Ciri, anxieuse ? Jamais.” Il embrassa Ceres sur le haut du cr?ne et ils continu?rent ? entrer dans le Stade. Ils trouv?rent quelques places qui restaient en bas et s'assirent. D?cidant de ne plus penser aux ?v?nements de la journ?e, Ceres, ravie qu'il ne soit pas trop tard, accepta de se laisser s?duire par les acclamations de la foule excit?e. “Tu les vois ?” Ceres suivit le doigt de Rexus, leva les yeux et vit une dizaine d'adolescents qui, assis dans une cabine, sirotaient du vin dans des coupes en argent. Elle n'avait jamais vu de si beaux v?tements, tant de nourriture sur une seule table, tant de bijoux ?tincelants dans toute sa vie. Aucun de ces adolescents n'avait les joues creuses ou le ventre concave. “Que font-ils ?” demanda-t-elle quand elle vit l'un d'eux verser des pi?ces dans une coupe en or. “Chacun d'eux est propri?taire d'un seigneur de guerre”, dit Rexus, “et ils parient sur le vainqueur.” Ceres se moqua d'eux. Elle se dit que c'?tait vraiment le jeu id?al pour eux. Il ?tait ?vident que ces adolescents g?t?s n'avaient aucun int?r?t pour les guerriers ou l'art du combat. Ils voulaient seulement voir si leur seigneur de guerre allait gagner alors que, pour Ceres, cet ?v?nement ?tait une question d'honneur, de courage et d'habilet?. On leva les banni?res royales, on sonna bruyamment des trompettes et, quand les portes en fer s'ouvrirent soudainement, une ? chaque extr?mit? du Stade, les seigneur de guerre sortirent l'un apr?s l'autre des trous noirs. Leur armure de cuir et de fer ?tincelait en refl?tant la lumi?re du soleil. La foule rugit quand les brutes entr?rent solennellement dans l'ar?ne et Ceres se leva avec elle en applaudissant. Les guerriers form?rent un cercle tourn? vers l'ext?rieur, leurs haches, ?p?es, lances, boucliers, tridents, fouets et autres armes lev?es vers le ciel. “Salut, Roi Claudius !” hurl?rent-ils. Une fois de plus, les trompettes r?sonn?rent fortement et le chariot dor? du roi Claudius et de la reine Athena fit rapidement son apparition dans l'ar?ne par une des entr?es. Il fut suivi par un chariot avec le Prince H?ritier Avilius et la Princesse Floriana, apr?s quoi l'ar?ne fut envahie par tout un entourage de chariots transportant des membres de la famille royale. Chaque chariot ?tait tir? par deux chevaux blanc neige par?s de bijoux pr?cieux et d'or. Quand Ceres rep?ra le Prince Thanos parmi eux, elle fut constern?e par l'air renfrogn? de ce gar?on de dix-neuf ans. De temps ? autre, quand elle livrait des ?p?es pour son p?re, elle l'avait vu parler avec les seigneurs de guerre au palais et il avait toujours eu cet air acerbe de sup?riorit?. Physiquement, il avait tout ce que pouvait d?sirer un guerrier et aurait m?me pu passer pour l'un d'eux avec son bras gonfl? par les muscles, sa taille mince et muscl?e et ses jambes aussi raides que des troncs d'arbre. Cependant,  Ceres ?tait furieuse quand elle voyait qu'il semblait n'avoir ni respect ni int?r?t pour la position qu'il occupait. Quand les membres de la famille royale mont?rent solennellement vers leur place au podium, les trompettes r?sonn?rent fortement une fois de plus pour signaler que les Tueries ?taient sur le point de commencer. La foule rugit quand tous les seigneurs de guerre sauf deux repartirent par les portes en fer. Ceres reconnut l'un d'eux comme ?tant Stefanus mais ne put identifier l'autre brute qui ne portait qu'un casque ? visi?re et un pagne attach? par une ceinture en cuir. Peut-?tre avait-il fait un long voyage pour participer aux Tueries. Sa peau bien huil?e ?tait de la couleur des terres fertiles et ses cheveux ?taient aussi noirs que la nuit la plus sombre qui soit. Par les fentes du casque, Ceres voyait son air r?solu et il ne lui fallut pas plus d'un instant pour comprendre que Stefanus serait mort dans une heure. “Ne t'inqui?te pas”, dit Ceres en jetant un coup d’?il ? Nesos. “Je te permettrai de garder ton ?p?e.” “Il n'est pas encore vaincu”, r?pondit Nesos avec un sourire satisfait. “Stefanus ne serait pas le favori de tout le monde s'il n'?tait pas sup?rieur.” Quand Stefanus souleva son trident et son bouclier, la foule se tut. “Stefanus !” cria un des jeunes hommes riches depuis sa cabine en levant un poing serr?. “Puissance et bravoure !” Le public rugit son approbation. Stefanus hocha la t?te en direction du jeune homme puis s'attaqua ? l'?tranger de toutes ses forces. L'?tranger l'?vita ? la vitesse de l'?clair, se retourna et envoya un coup d'?p?e ? Stefanus, qu'il manqua d'un pur centim?tre. Ceres grima?a. Avec des r?flexes comme ceux-l?, Stefanus n'allait pas durer longtemps. L'?tranger rugit en donnant des coups r?p?t?s au bouclier de Stefanus pendant que ce dernier battait en retraite. D?sesp?r?, Stefanus finit par lancer le tranchant de son bouclier au visage de son adversaire, qui tomba en envoyant en l'air une fine gicl?e de sang. Ceres trouva que c'?tait plut?t bien vu de sa part. Peut-?tre Stefanus avait-il am?lior? sa technique depuis la derni?re fois o? elle l'avait vu s'entra?ner. “Stefanus ! Stefanus ! Stefanus !” scand?rent les spectateurs. Stefanus se tenait aux pieds du guerrier bless? mais, juste au moment o? il allait le poignarder de son trident, l'?tranger souleva les jambes et donna un coup de pied ? Stefanus, qui recula en tr?buchant et atterrit sur le derri?re. Les deux guerriers se relev?rent d'un bond, aussi rapides que des chats, et se repositionn?rent face ? face. Sans se quitter du regard, ils commenc?rent ? tourner l'un autour de l'autre. Ceres avait l'impression de sentir la tension dans l'air. L'?tranger grogna, souleva son ?p?e haut en l'air et courut vers Stefanus. Stefanus se d?cala rapidement et le piqua ? la cuisse. L'?tranger r?agit en faisant virevolter son ?p?e et en frappant Stefanus au bras. Les deux guerriers grogn?rent de douleur mais c'?tait comme si les blessures nourrissaient leur furie au lieu de les ralentir. L'?tranger retira son casque et le jeta par terre. Son menton noir et barbu ?tait en sang, son ?il droit gonfl?, mais, quand elle vit son expression, Ceres se dit qu'il avait fini de s'amuser avec Stefanus et qu'il allait faire tout son possible pour le tuer. Serait-il capable de le tuer rapidement ? Stefanus chargea en direction de l'?tranger et Ceres eut le souffle coup? quand le trident de Stefanus entra en collision avec l'?p?e de son adversaire. Se regardant dans le blanc des yeux, les guerriers lutt?rent l'un contre l'autre, grognant, haletant, poussant, les vaisseaux sanguins du front saillants et les muscles gonfl?s sous leur peau transpirante. L'?tranger se baissa rapidement et s'arracha ? leur ?treinte mortelle. A la grande surprise de Ceres, il se retourna comme une tornade, fendit l'air de son ?p?e et d?capita Stefanus. Quelques hal?tements plus tard, l'?tranger leva le bras en l'air d'un air triomphant. Une seconde, la foule fut compl?tement silencieuse. Ceres aussi. Elle leva les yeux vers l'adolescent qui ?tait propri?taire de Stefanus. Il ?tait bouche b?e, les sourcils fronc?s, furieux. L'adolescent jeta sa coupe en argent dans l'ar?ne et quitta furieusement sa cabine. La mort nous rend tous ?gaux, se dit Ceres en r?primant un sourire. “August !” hurla un homme dans la foule. “August ! August !” L'un apr?s l'autre, les spectateurs se joignirent ? cet homme jusqu'? ce que le stade tout entier soit en train de scander le nom du vainqueur. L'?tranger fit sa r?v?rence au Roi Claudius puis trois autres guerriers arriv?rent par les portes en fer au pas de course pour le remplacer. Les combats se succ?d?rent et la journ?e passa. Ceres regardait les combats les yeux bien ouverts. Elle n'arrivait pas vraiment ? d?cider si elle d?testait les Tueries ou si elle les aimait. D'un c?t?, elle aimait observer la strat?gie, l'habilet? et la bravoure des participants mais, d'un autre c?t?, elle d?testait que les guerriers ne soient que des pions pour les riches. Quand arriva le dernier combat du premier tour, Brennius et un autre guerrier se battirent juste ? c?t? de l'endroit o? Ceres, Rexus et ses fr?res ?taient assis. Les deux guerriers ne cessaient de se rapprocher d'eux. Leurs ?p?es cliquetaient en faisant voler des ?tincelles. C'?tait palpitant. Ceres regarda Sartes se pencher par-dessus la balustrade, les yeux riv?s sur les combattants. “Recule-toi !” lui hurla-t-elle. Cependant, avant qu'il ait pu r?agir, soudain, un omnichat bondit d'une trappe situ?e au sol de l'autre c?t? du stade. L'?norme animal se pourl?cha les babines et plongea ses griffes dans la terre rouge en se dirigeant vers les guerriers. Les seigneurs de guerre n'avaient pas encore vu l'animal et le stade retenait son souffle. “Brennius est mort”, marmonna Nesos. “Sartes !” hurla encore Ceres. “Je t'ai dit de te reculer —” Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Juste ? ce moment, la pierre que Sartes serrait des mains se d?tacha et, avant que quiconque ait pu r?agir, il chuta par-dessus la balustrade et tomba dans l'ar?ne, o? il atterrit avec un bruit sourd. “Sartes !” hurla Ceres en se levant brusquement, horrifi?e. Ceres regarda vers le bas et vit Sartes, trois m?tres en dessous, se redresser et s'adosser contre le mur. Sa l?vre inf?rieure tremblait mais il ne pleurait pas. Il ne disait rien. Se tenant le bras, il regarda vers le haut, le visage tordu de douleur. Ceres ne pouvait supporter de le voir l?-dessous. Sans r?fl?chir, elle tira l'?p?e de Nesos, bondit par-dessus la balustrade, entra dans l'ar?ne d'un bond et atterrit juste devant son fr?re cadet. “Ceres !” hurla Rexus. Elle jeta un coup d’?il en arri?re et vers le haut et vit des gardes emmener de force Rexus et Nesos avant qu'ils ne puissent la suivre. Ceres se tenait dans l'ar?ne, accabl?e par la sensation surr?aliste de s'y retrouver avec les combattants. Elle voulait sortir Sartes de cet endroit mais, comme elle n'en avait pas le temps, elle se pla?a devant lui, r?solue ? le prot?ger. L'omnichat lui rugit dessus. Il ?tait accroupi, ses yeux jaunes cruels riv?s sur Ceres, qui sentait le danger. Elle brandit brusquement l'?p?e de Nesos des deux mains et la serra fermement. “Fuis, gamine !” hurla Brennius. Il ?tait pourtant trop tard. L'omnichat lui fon?ait dessus et, maintenant, il n'?tait plus qu'? quelques m?tres. Elle se rapprocha de Sartes et, juste avant que l'animal de l'attaque, Brennius arriva par le c?t? et trancha l'oreille ? l'animal. L'omnichat se dressa sur ses pattes arri?re et rugit, arrachant de ses griffes une partie du mur qui se dressait derri?re Ceres, la fourrure tach?e de sang. La foule rugit. Le second seigneur de guerre approcha mais, avant qu'il n'ait pu faire le moindre mal ? l'animal, l'omnichat souleva une patte et coupa la gorge ? l'homme avec ses griffes. Serrant les mains autour du cou, le guerrier s'effondra par terre alors que le sang lui coulait entre les doigts. Assoiff?e de sang, la foule acclama le spectacle. Avec un grognement, l'omnichat frappa Ceres si violemment qu'elle s'envola en l'air et s'?crasa par terre. Lors de l'impact, l'?p?e lui ?chappa et atterrit ? plusieurs m?tres. Ceres resta allong?e sur place, les poumons bloqu?s. Elle ?touffait et avait la t?te qui tournait. Elle essaya de se mettre ? quatre pattes mais retomba rapidement. A bout de souffle, le visage contre le sable r?peux, elle vit l'omnichat se diriger vers Sartes. Quand elle vit son fr?re dans un tel d?nuement, elle sentit ses tripes prendre feu. Elle se for?a ? inspirer et comprit avec une clart? sans d?faut ce qu'il fallait qu'elle fasse pour sauver son fr?re. L'?nergie l'inonda et lui donna imm?diatement de la force. Elle se releva, ramassa l'?p?e et se pr?cipita si vite vers l'animal qu'elle fut convaincue d'?tre en train de voler. Maintenant, l'animal ?tait ? trois m?tres d'elle. Deux et demi. Deux. Un et demi. Ceres serra les dents et se jeta sur le dos de l'animal, plongeant les doigts dans sa fourrure aux poils raides avec insistance dans une tentative d?sesp?r?e de lui d?tourner l'attention de son fr?re. L'omnichat se redressa sur ses pattes arri?re et secoua le haut de son corps en faisant gigoter Ceres dans tous les sens. Cependant, la fermet? de son emprise et sa d?termination ?taient plus fortes que les tentatives de l'animal de se d?barrasser d'elle. Quand la cr?ature se remit ? quatre pattes, Ceres saisit l'occasion. Elle leva son ?p?e haut en l'air et frappa l'animal au cou. L'animal poussa un cri strident et se leva sur ses pattes arri?re. La foule rugit. Tendant une patte vers Ceres, la cr?ature lui per?a le dos de ses griffes et Ceres poussa un cri de douleur car les griffes la perforaient comme des poignards. L'omnichat la saisit et la jeta contre le mur. Elle atterrit ? plusieurs m?tres de Sartes. “Ceres !” hurla Sartes. Ceres avait les oreilles qui sifflaient. Elle s'effor?a de se redresser. Elle sentait palpiter l'arri?re de sa t?te et un liquide chaud lui coulait le long du cou. Elle n'avait pas le temps d'?valuer la gravit? de la blessure. L'omnichat lui fon?ait ? nouveau dessus. L'animal se ruait vers elle et Ceres ne savait plus quoi faire. Sans m?me r?fl?chir, elle leva instinctivement une paume et la tendit devant elle. C'?tait la derni?re chose qu'elle pensait qu'elle verrait jamais. Juste au moment o? l'omnichat se jetait sur elle, Ceres eut l'impression qu'une boule de feu s'allumait dans sa poitrine et, soudain, elle sentit une boule d'?nergie lui jaillir de la main. A mi-course, l'animal se ramollit soudain. Il s'effondra par terre et s'arr?ta en d?rapant sur ses pattes. S'attendant ? moiti? ? ce que l'animal reprenne vie et vienne l'achever, Ceres retint son souffle en le regardant l? o? il ?tait allong?. Cependant, la cr?ature ne bougea pas. D?rout?e, Ceres regarda sa paume. N'ayant pas vu ce qui s'?tait pass?, la foule pensait probablement que l'animal ?tait mort parce qu'elle l'avait frapp? avant avec son ?p?e. Cependant, elle savait que tel n'?tait pas le cas. Une force myst?rieuse avait jailli de sa main et avait tu? l'animal en un instant. Quelle force ?tait-ce ? Rien de semblable ne s'?tait jamais produit et elle ne savait pas vraiment de quoi il s'agissait. Qui ?tait-elle pour d?tenir un tel pouvoir ? Inqui?te, elle laissa retomber sa main par terre. Elle leva les yeux avec h?sitation et constata que le stade s'?tait tu. De plus, elle ne pouvait s'emp?cher de s'interroger. Avaient-ils vu eux aussi ce qui s'?tait vraiment pass? ? CHAPITRE DEUX Pendant une seconde qui sembla durer ind?finiment, Ceres sentit tous les regards lui peser dessus pendant qu'elle restait assise l?, engourdie par la douleur et l'incr?dulit?. Plus que les r?percussions ? venir, elle craignait le pouvoir surnaturel qui r?dait en elle et qui avait tu? l'omnichat. Plus que tous les gens qui l'entouraient, elle avait peur de regarder en elle et de voir une personne qu'elle ne connaissait plus. Soudain, la foule silencieuse et h?b?t?e poussa un rugissement. Ceres mit un certain temps ? comprendre que les spectateurs l'acclamaient. Une voix se diff?rencia des autres. “Ceres !” hurla Sartes ? c?t? d'elle. “Tu es bless?e ?” Elle se tourna vers son fr?re, qui ?tait lui aussi encore allong? l?, sur le sol du Stade, et elle ouvrit la bouche. Cependant, aucun mot n'en sortit. Elle ?tait ? bout de souffle et se sentait abasourdie. Avait-il vu ce qui s'?tait vraiment pass? ? Elle ne savait pas si les autres l'avaient vu mais, ? cette distance, ce serait presque un miracle si son fr?re n'avait rien vu. Ceres entendit des bruits de pas puis, soudain, deux fortes mains la remirent debout. “Sors, maintenant !” grogna Brennius en la poussant vers la porte ouverte qui se trouvait ? sa gauche. Les plaies par perforation qu'elle avait au dos lui faisaient mal mais elle se for?a ? se concentrer ? nouveau sur le pr?sent, saisit Sartes et le remit debout. Ensemble, ils se ru?rent vers la sortie en essayant d'?chapper aux acclamations de la foule. Ils arriv?rent vite dans le tunnel sombre et ?touffant et, ? ce moment-l?, Ceres vit des dizaines de seigneurs de guerre qui, ? l'int?rieur, attendaient leur tour pour glaner quelques moments de gloire dans l'ar?ne. Certains, assis sur des bancs, ?taient plong?s dans de profondes r?flexions, d'autres contractaient les muscles, faisaient des moulinets avec les bras en allant ?? et l?, et d'autres encore pr?paraient leurs armes pour participer au bain de sang imminent. Comme ils avaient tous assist? au combat, ils lev?rent les yeux et la regard?rent fixement et avec curiosit?. Ceres se pr?cipita dans les couloirs souterrains parsem?s de torches qui donnaient une teinte chaude aux briques grises, passant ? c?t? de toutes sortes d'armes pos?es contre les murs. Elle essayait d'oublier sa douleur au dos, mais c'?tait difficile car, ? chaque pas, le tissu grossier de sa robe irritait les plaies ouvertes. Quand l'omnichat lui avait plant? ses griffes dans le dos, elle avait eu l'impression qu'on la poignardait mais cela semblait presque pire maintenant que chaque entaille palpitait. “Tu saignes du dos”, dit Sartes d'une voix tremblante. “?a ira. Il faut qu'on trouve Nesos et Rexus. Comment va ton bras ?” “?a fait mal.” Quand ils atteignirent la sortie, la porte s'ouvrit brusquement et deux soldats de l'Empire s'y tenaient. “Sartes !” Avant qu'elle ait pu r?agir, un soldat s'empara de son fr?re et un autre d'elle. Il ?tait inutile de r?sister. L'autre soldat la jeta par-dessus son ?paule comme si elle ?tait un sac de c?r?ales et l'emporta. Craignant d'avoir ?t? arr?t?e, elle le frappa au dos mais en vain. Quand ils furent juste ? l'ext?rieur du Stade, il la jeta par terre et Sartes atterrit ? c?t? d'elle. Quelques badauds formaient un demi-cercle autour d'elle et les regardaient bouche b?e, comme s'ils voulaient qu'on fasse couler son sang. “Si vous revenez dans le Stade”, grogna le soldat, “vous serez pendus.” A sa grande surprise, les soldats se d?tourn?rent sans un autre mot et disparurent dans la foule. “Ceres !” hurla une voix grave par-dessus le brouhaha de la foule. Ceres leva les yeux et vit avec soulagement Nesos et Rexus se diriger vers eux. Quand Rexus la prit dans ses bras, elle en eut le souffle coup?. Il se retira et la regarda avec pr?occupation. “?a ira”, dit-elle. Quand la foule d?ferla hors du Stade, Ceres et les autres s'y m?l?rent et se d?p?ch?rent de regagner les rues, ne voulant plus rencontrer personne. Alors qu'ils marchaient vers la Place de la Fontaine, Ceres se rem?mora tout ce qui s'?tait pass?, encore sous le choc. Elle remarqua les regards de biais de ses fr?res et se demanda ? quoi ils pensaient. Avaient-ils remarqu? ses pouvoirs ? Probablement pas. L'omnichat avait ?t? trop proche. Pourtant, en m?me temps, ils la regardaient avec un respect renouvel?. Elle voulait plus que toute autre chose leur dire ce qui s'?tait pass?. Cependant, elle savait qu'elle ne le pouvait pas car elle n'en ?tait m?me pas s?re elle-m?me. Tant de choses restaient non dites entre eux ! Pourtant, maintenant, au milieu de cette foule ?paisse, ce n'?tait pas le moment de leur en parler. Il fallait d'abord qu'ils rentrent ? la maison et se retrouvent en s?curit?. A mesure qu'ils s'?loignaient du Stade, les rues devenaient de moins en moins bond?es. Marchant ? c?t? d'elle, Rexus lui prit la main et croisa les doigts avec elle. “Je suis fier de toi”, dit-il. “Tu as sauv? la vie ? ton fr?re. Je ne sais pas combien de s?urs le feraient.” Il sourit, les yeux remplis de compassion. “Ces blessures ont l'air profondes”, remarqua-t-il en jetant un coup d’?il ? son dos. “?a ira”, marmonna-t-elle. C'?tait un mensonge. Elle n'?tait pas du tout certaine que ?a irait, ou m?me qu'elle pourrait rentrer ? la maison. A cause du sang qu'elle avait perdu, elle avait vraiment la t?te qui tournait et, comme si ce n'?tait pas assez dur comme ?a, elle avait le ventre qui gargouillait et le soleil lui agressait le dos en la faisant transpirer abondamment. Finalement, ils atteignirent la Place de la Fontaine. D?s qu'ils pass?rent devant les stands, un marchand les suivit en leur proposant un grand panier de nourriture ? moiti? prix. Sartes fit un grand sourire, chose que Ceres trouva plut?t ?trange, puis sortit une pi?ce en cuivre avec son bras intact. “Je crois que je te dois un peu de nourriture”, dit-il. Choqu?e, Ceres eut le souffle coup?. “O? as-tu trouv? ?a ?” “Cette fille riche dans le chariot dor? a jet? deux pi?ces, pas une seule, mais les gens ?taient tellement concentr?s sur la bagarre entre les hommes qu'ils ne l'ont m?me pas remarqu?”, r?pondit Sartes avec un sourire quasi-intact. Ceres se mit en col?re. Elle allait confisquer la pi?ce ? Sartes et s'en d?barrasser. Apr?s tout, c'?tait de l'argent sale. Ils n'avaient pas besoin que les riches leur donnent quoi que ce soit. Alors qu'elle tendait le bras pour s'en saisir, soudain, une vieille femme apparut et lui bloqua la route. “Toi !” dit-elle en montrant Ceres du doigt, parlant si fort que Ceres avait l'impression que sa voix lui vibrait partout dans le corps. La femme avait le teint lisse mais ? l'apparence transparente, et ses l?vres parfaitement arqu?es ?taient teintes en vert. Des glands et des mousses agr?mentaient ses longs cheveux noirs ?pais et ses yeux marron allaient bien avec sa robe marron. Ceres la trouvait si belle ? regarder qu'elle fut comme hypnotis?e l'espace d'un instant. Ceres la regarda en clignant des yeux, abasourdie, certaine de ne jamais l'avoir rencontr?e. “Comment connais-tu mon nom ?” Ceres ne quittait pas la femme des yeux. La femme fit quelques pas vers Ceres, qui remarqua qu'elle sentait fortement la myrrhe. “Veine des ?toiles”, dit-elle d'une voix ?trange. Quand la femme souleva le bras en un geste ?l?gant, Ceres vit qu'elle avait un triquetra marqu? au fer rouge ? l'int?rieur de son poignet. Une sorci?re. D'apr?s la senteur des dieux, c'?tait peut-?tre une diseuse de bonne aventure. La femme prit les cheveux rose dor? de Ceres dans sa main et les toucha. “L'?p?e ne t'est pas inconnue”, dit-elle. “Le tr?ne ne t'est pas inconnu. Ta destin?e est vraiment tr?s grande. Le changement sera immense.” Le femme se d?tourna soudain et s'enfuit, disparut derri?re sa cabine, et Ceres resta sur place, engourdie. Elle sentait les mots de la femme p?n?trer son ?me m?me. Elle sentait que ces mots avaient ?t? plus qu'une simple observation, qu'ils ?taient une proph?tie. Immense. Changement. Tr?ne. Destin?e. C'?taient des mots auxquels elle ne s'?tait jamais associ?e. Pouvaient-ils ?tre vrais ? Ou n'?taient-ils que les mots d'une folle ? Ceres regarda aux alentours et vit Sartes tenir un panier de nourriture, la bouche d?j? remplie de bien trop de pain. Il lui tendit le pain. Elle vit les p?tisseries, les fruits et les l?gumes et ils suffirent presque ? affaiblir sa d?termination. En temps normal, elle les aurait d?vor?s. Pourtant, maintenant, pour une raison quelconque, elle avait perdu l'app?tit. Il y avait un avenir qui l'attendait. Une destin?e. * Ils avaient presque mis une heure de plus que d'habitude pour rentrer ? la maison et ?taient tous rest?s silencieux tout ce temps-l?, tous perdus dans leurs propres pens?es. Ceres ne pouvait que se demander ce que le gens qu'elle aimait le plus au monde pensaient d'elle. Elle ne savait pas quoi penser d'elle-m?me. Elle leva les yeux, vit son humble demeure et fut ?tonn?e d'avoir parcouru tant de chemin, car sa t?te et son dos lui faisaient souffrir le martyre. Les autres l'avaient laiss?e peu avant pour faire une course pour son p?re et Ceres passa seule le seuil grin?ant. Elle se pr?para en esp?rant qu'elle n'allait pas tomber sur sa m?re. Elle p?n?tra dans une chaleur ?touffante. Elle se dirigea vers la petite fiole d'alcool de nettoyage que sa m?re avait rang?e sous son lit et la d?boucha en faisant attention de ne pas en utiliser trop de peur que ?a se voie. Se pr?parant ? la sensation de piq?re, elle ouvrit sa chemise et s'en versa dans le dos. Ceres cria de douleur en serrant le poing et en penchant la t?te contre le mur. Il lui semblait que les griffes de l'omnichat la piquaient en des milliers d'endroits. Elle avait l'impression que cette blessure ne gu?rirait jamais. La porte s'ouvrit brusquement et Ceres grima?a. Elle eut le soulagement de voir que ce n'?tait que Sartes. “Papa veut te voir, Ceres”, dit-il. Ceres remarqua qu'il avait les yeux l?g?rement rouges. “Comment va ton bras ?” demanda-t-elle en supposant que c'?tait parce que son bras lui faisait mal qu'il pleurait. “Il n'est pas cass?. Seulement foul?.” Il se rapprocha et son visage devint s?rieux. “Merci de m'avoir sauv? aujourd'hui.” Elle lui offrit un sourire. “Je n'aurais jamais pu faire autrement”, dit-elle. Il sourit. “Va voir Papa, maintenant ”, dit-il. “Je vais br?ler ta robe et le tissu.” Elle ne savait pas comment elle ferait pour expliquer ? sa m?re comment sa robe avait soudain pu dispara?tre, mais il fallait absolument br?ler ce v?tement de deuxi?me main. Si sa m?re le trouvait dans son ?tat actuel, plein de sang et de trous, elle lui imposerait une punition des plus impr?visibles. Ceres partit et suivit le sentier herbeux pi?tin? vers la cabane qui se trouvait derri?re la maison. Il ne restait qu'un arbre sur leur humble parcelle (les autres avaient ?t? d?bit?s pour fournir du bois de chauffage et br?l?s dans le foyer pour chauffer la maison pendant les froides nuits d'hiver) et ses branches surplombaient la maison comme une ?nergie protectrice. A chaque fois que Ceres le voyait, il lui rappelait sa grand-m?re, qui s'?tait ?teinte deux ans auparavant. C'?tait sa grand-m?re qui avait plant? l'arbre quand elle ?tait enfant. D'une certaine fa?on, c'?tait son temple, et aussi celui de son p?re. Quand la vie ?tait trop dure, ils s'allongeaient sous les ?toiles et ouvraient leur c?ur ? Nana comme si elle ?tait encore en vie. Ceres entra dans la cabane et salua son p?re d'un sourire. A sa grande surprise, elle remarqua que la plupart de ses outils avaient ?t? retir?s de l'?tabli et qu'aucune ?p?e n'attendait qu'on la forge pr?s du foyer. Elle ne pouvait se souvenir d'avoir vu le sol aussi propre, ni les murs et le plafond vides d'outils ? ce point. Les yeux bleus de son p?re ?tincel?rent comme ils le faisaient toujours quand il voyait sa fille. “Ceres”, dit-il en se levant. L'ann?e derni?re, ses cheveux sombres ?taient devenus beaucoup plus gris, sa barbe courte aussi et les cernes sous ses yeux tendres avaient doubl? de taille. Autrefois, il avait eu une large stature et avait ?t? presque aussi muscl? que Nesos mais, ces derniers temps, Ceres avait remarqu? qu'il avait perdu du poids et que sa posture, autrefois parfaite, commen?ait ? s'affaisser. Il la rejoignit ? la porte et pla?a une main calleuse en bas de son dos. “Marche avec moi.” Le c?ur de Ceres se serra un peu. Quand il voulait parler et marcher en m?me temps, cela signifiait qu'il allait lui dire quelque chose d'important. L'un ? c?t? de l'autre, ils se fray?rent un chemin vers l'arri?re de la cabane et dans le petit champ. De sombres nuages se profilaient pas tr?s loin et envoyaient d'impr?visibles bourrasques chaudes. Elle esp?rait qu'ils am?neraient la pluie dont ils avaient besoin pour se remettre de cette s?cheresse qui semblait ne jamais vouloir finir, mais, comme avant, ils n'apportaient probablement que de vaines promesses d'averses. Alors qu'elle avan?ait, la terre craquait sous ses pieds, le sol ?tait sec, les plantes jaunes, marron ou mortes. Bien que ce lopin de terre situ? derri?re leur subdivision appartienne au roi Claudius, cela faisait des ann?es qu'il n'avait pas ?t? ensemenc?. Ils arriv?rent au sommet d'une colline puis s'arr?t?rent et regard?rent au-del? du champ. Son p?re restait silencieux, les mains serr?es derri?re le dos, les yeux lev?s au ciel. C'?tait une attitude dont il n'avait pas l'habitude et Ceres eut encore plus peur. Puis il parla, semblant choisir soigneusement ses mots. “Parfois, nous n'avons pas la chance de pouvoir choisir notre destin?e”, dit-il. “Nous devons sacrifier tout ce que nous voulons pour ceux que nous aimons. M?me nous-m?mes, si n?cessaire.” Il soupira et, dans le long silence qui suivit et que seul le vent interrompait, le c?ur de Ceres battit plus vite. Elle se demandait o? il voulait en venir. “Je donnerais tout pour que tu restes ?ternellement une enfant”, ajouta-t-il en scrutant les cieux, le visage un moment d?form? par la douleur. “Qu'est-ce qui ne va pas ?” demanda Ceres en lui pla?ant une main sur le bras. “Il faut que je parte un certain temps”, dit-il. Elle eut l'impression d'?touffer. “Partir ?” Il se tourna et la regarda dans les yeux. “Comme tu le sais, l'hiver et le printemps ont ?t? particuli?rement rudes cette ann?e. Les quelques ann?es pr?c?dentes de s?cheresse ont ?t? dures. Nous n'avons pas gagn? assez d'argent pour survivre ? l'hiver qui viendra et, si je ne pars pas, notre famille mourra de faim. Un autre roi m'a nomm? pour que je sois son forgeron principal. ?a paiera bien.” “Tu vas m'emmener avec toi, hein ?” dit Ceres d'une voix fr?n?tique. Il secoua sombrement la t?te. “Tu dois rester ici pour aider ta m?re et tes fr?res.” Cette id?e l'horrifia. “Tu ne peux pas me laisser ici avec Maman”, dit-elle. “Tu ne ferais pas ?a.” “Je lui ai parl? et elle prendra soin de toi. Elle sera gentille.” Ceres frappa la terre du pied, cr?ant un nuage de poussi?re. “Non !” Les larmes lui coul?rent des yeux et lui tomb?rent sur les joues. Son p?re fit un petit pas vers elle. “?coute-moi avec beaucoup d'attention, Ceres. Le palais a encore besoin qu'on leur livre des ?p?es de temps ? autre. Je t'ai recommand?e et si, tu fabriques les ?p?es comme je te l'ai appris, tu pourras te faire un peu d'argent.” Si elle gagnait de l'argent, cela pourrait lui apporter plus de libert?. Elle avait trouv? que ses petites mains d?licates savaient bien sculpter des motifs et des inscriptions complexes sur les lames et les pommeaux. Son p?re avait les mains larges, les doigts ?pais et trapus, et peu de gens avaient l'habilet? de Ceres. En d?pit de cela, elle secoua la t?te. “Je ne veux pas ?tre forgeron”, dit-elle. “Tu l'as dans le sang, Ceres. Et tu as un don pour ?a.” Elle secoua la t?te, inflexible. “Je veux manier des armes”, dit-elle, “pas les fabriquer.” D?s que ces paroles eurent quitt? sa bouche, elle regretta de les avoir prononc?es. Son p?re plissa le front. “Tu veux ?tre guerri?re ? Seigneur de guerre ?” Il secoua la t?te. “Un jour, on autorisera peut-?tre les femmes ? se battre”, dit-elle. “Tu sais que je me suis entra?n?e.” Il plissa les sourcils, inquiet. “Non”, ordonna-t-il avec fermet?. “Ce n'est pas ta voie.” Le c?ur de Ceres se serra. Elle avait l'impression que ses espoirs et ses r?ves de devenir guerrier se dissipaient avec les paroles de son p?re. Elle savait qu'il n'essayait pas d'?tre cruel, car il n'?tait jamais cruel. C'?tait seulement la r?alit? et, pour qu'ils puissent survivre, elle allait devoir fournir sa part de sacrifice, elle aussi. Elle regarda au loin et vit le ciel brusquement ?clair? par la foudre. Trois secondes plus tard, le tonnerre grogna dans les cieux. Ne s'?tait-elle pas rendue compte ? quel point ils ?taient pauvres ? Elle avait toujours suppos? que leur famille s'en tirerait mais ces nouvelles changeaient tout. Maintenant, elle n'aurait plus Papa ? qui se raccrocher et il n'y aurait personne pour servir de bouclier entre elle et Maman. Elle resta o? elle ?tait, immuable, pendant que ses larmes tombaient l'une apr?s autre sur la terre d?sol?e. Fallait-elle qu'elle renonce ? ses r?ves et qu'elle suive les conseils de son p?re ? Il sortit quelque chose de derri?re son dos, et Ceres ?carquilla les yeux quand elle vit une ?p?e dans sa main. Il se rapprocha et elle regarda l'arme en d?tail. C'?tait une ?p?e impressionnante. Sur le pommeau en or pur, un serpent ?tait grav?. La lame ?tait ? double tranchant et semblait ?tre en acier de qualit? sup?rieure. Bien que la confection f?t ?trang?re ? Ceres, elle comprit imm?diatement que c'?tait une arme de qualit? exceptionnelle. Sur la lame elle-m?me, il y avait une inscription. Quand le c?ur rencontre l'?p?e, la victoire est proche Le souffle coup?, ?bahie, elle regarda fixement l'?p?e. “C'est toi qui l'as forg?e ?” demanda-t-elle, les yeux riv?s sur l'?p?e. Il hocha la t?te. “A la fa?on des gens du nord”, r?pondit-il. “J'ai travaill? trois ans dessus. En fait, rien que cette lame suffirait ? nourrir notre famille toute une ann?e.” Elle le regarda. “Dans ce cas, pourquoi ne pas la vendre ?” Il secoua fermement la t?te. “Elle n'a pas ?t? fabriqu?e pour ?a.” Il se rapprocha et, ? sa grande surprise, il la lui tendit. “Elle a ?t? fabriqu?e pour toi.” Ceres leva une main ? la bouche et poussa un g?missement. “Moi ?” demanda-t-elle, abasourdie. Son p?re lui fit un grand sourire. “Avais-tu vraiment pens? que j'avais oubli? ton dix-huiti?me anniversaire ?” r?pondit-il. Elle sentit les larmes lui envahir les yeux. Elle n'avait jamais ?t? aussi ?mue. Mais alors, elle pensa ? ce qu'il avait dit avant, quand il lui avait dit qu'il ne voulait pas qu'elle devienne guerri?re, et elle se sentit perplexe. “Pourtant”, r?pondit-elle, “tu as dit que je ne devais pas m'entra?ner.” “Je ne veux pas que tu meures”, expliqua-t-il, “mais je vois ce qui te passionne et c'est une chose que je ne peux contr?ler.” Il lui passa la main sous le menton et lui souleva la t?te jusqu'? ce que leurs regards se rencontrent. “Je suis fier que tu aies cet id?al.” Il lui tendit l'?p?e et, quand elle sentit le m?tal froid contre sa paume, elle ne fit qu'un avec son arme. Le poids ?tait parfait pour elle et on aurait dit que le pommeau avait ?t? fa?onn? pour sa main. Tout l'espoir qui avait p?ri auparavant se r?veilla alors dans sa poitrine. “Ne le dis pas ? ta m?re”, avertit-il. “Cache-la ? un endroit o? elle ne pourra pas la trouver, ou elle la vendra.” Ceres hocha la t?te. “Combien de temps pars-tu ?” “J'essaierai de revenir vous voir avant les premi?res neiges.” “Mais c'est dans plusieurs mois !” dit-elle en reculant d'un pas. “C'est ce que je dois faire pour —” “Non. Vends l'?p?e et reste !” Il lui pla?a une main sur la joue. “Vendre cette ?p?e pourrait nous aider pour cette saison, et peut-?tre pour la suivante, mais ensuite ?” Il secoua la t?te. “Non. Il nous faut une solution ? long terme.” A long terme ? Soudain, elle se rendit compte que le nouveau travail de son p?re n'allait pas seulement durer quelques mois mais peut-?tre des ann?es. Son d?sespoir s'accrut. Comme si son p?re l'avait senti, il s'avan?a et la serra contre lui. Elle sentit qu'elle commen?ait ? pleurer dans ses bras. “Tu me manqueras, Ceres”, dit-il par-dessus son ?paule. “Tu es diff?rente de tous les autres. Tous les jours, je regarderai les cieux et je saurai que tu es sous les m?mes ?toiles. En feras-tu autant pour moi ?” D'abord, elle eut envie de lui crier apr?s, de lui dire : comment oses-tu me laisser ici toute seule ? Cependant, elle sentait dans son c?ur qu'il ne pouvait pas rester et elle ne voulait pas lui rendre les choses plus difficiles qu'elles ne l'?taient d?j?. Une larme lui coula sur le visage. Elle renifla et hocha la t?te. “Je me tiendrai sous notre arbre chaque nuit”, dit-elle. Il l'embrassa sur le front et la prit tendrement dans ses bras. Ses blessures au dos lui faisaient aussi mal que des couteaux mais elle serra les dents et resta silencieuse. “Je t'aime, Ceres.” Elle voulait lui r?pondre mais ne pouvait rien dire car ses mots restaient coinc?s dans sa gorge. Il alla chercher son cheval ? l'?table et Ceres l'aida ? le charger avec de la nourriture, des outils et des provisions. Il la prit une derni?re fois dans ses bras et elle crut que la tristesse allait lui fendre la poitrine. Pourtant, une fois de plus, elle fut incapable de prononcer le moindre mot. Il monta sur son cheval et hocha la t?te avant de faire signe ? l'animal de bouger. Ceres lui fit des signes de la main alors qu'il s'?loignait. Elle le regarda avec une attention in?branlable jusqu'? ce qu'il disparaisse derri?re la colline lointaine. Le seul v?ritable amour qu'elle ait jamais connu venait de cet homme et, maintenant, il ?tait parti. La pluie se mit ? descendre des cieux et elle lui gratta le visage. “Papa !” cria-t-elle aussi fort que possible. “Papa, je t'aime !” Elle tomba ? genoux et s'enfouit les mains dans le visage en sanglotant. Elle savait que la vie ne serait plus jamais la m?me. CHAPITRE TROIS Bien qu'elle ait mal aux pieds et que ses poumons la br?lent, Ceres grimpa ? la colline escarp?e aussi vite que possible sans renverser une goutte d'eau des deux seaux qu'elle portait, un de chaque c?t?. Normalement, elle aurait fait une pause mais sa m?re avait menac? de la priver de petit-d?jeuner si elle n'?tait pas revenue ? l'aube, et ?tre priv?e de petit-d?jeuner signifiait qu'elle n'aurait plus rien ? manger jusqu'au d?ner. De toute fa?on, la douleur la g?nait pas, car elle lui permettait au moins de ne plus penser ni ? son p?re ni ? la mis?rable nouvelle vie qu'elle menait depuis qu'il ?tait parti. A pr?sent, le soleil franchissait tout juste les monts Alva ? l'horizon et peignait en rose dor? les nuages ?parpill?s au-dessus. Une douce brise soupirait dans les hautes herbes jaunes qui poussaient de chaque c?t? de la route. Ceres inspira le frais air matinal par le nez et se for?a ? aller plus vite. Pour sa m?re, ce ne serait pas une excuse acceptable de dire que leur source habituelle s'?tait tarie ou qu'il y avait une longue file d'attente ? l'autre source qui se trouvait huit cent m?tres plus loin. Effectivement, elle ne s'arr?ta que quand elle atteignit le sommet de la colline et, quand elle y fut, elle s'arr?ta sur place, abasourdie par ce qu'elle voyait devant elle. L?-bas, au loin, se trouvait sa maison et, devant, il y avait un chariot en bronze. Sa m?re se tenait devant le chariot et discutait avec un homme qui ?tait si ob?se que Ceres pensait qu'elle n'avait jamais vu d'homme qui fasse ne serait-ce que la moiti? de sa taille. Il portait une tunique en lin bordeaux et un chapeau de soie rouge, et sa longue barbe ?tait touffue et grise. Elle plissa les yeux en essayant de comprendre. ?tait-ce un marchand ? Sa m?re portait sa plus belle robe, une robe longue de lin vert qu'elle avait achet?e des ann?es auparavant avec l'argent qui ?tait suppos? servir ? acheter de nouvelles chaussures ? Ceres. Tout cela ?tait absurde. Avec h?sitation, Ceres commen?a ? descendre la colline. Elle gardait les yeux riv?s sur eux et, quand elle vit le vieil homme tendre ? sa m?re un lourd sac de cuir et le visage ?maci? de sa m?re s'illuminer, sa curiosit? ne fit que s'accro?tre. Est-ce que la chance ?tait venue frapper ? leur porte ? Est-ce que Papa pourrait rentrer ? la maison ? Ces pens?es la calm?rent un peu, m?me si elle s'interdisait de ressentir aucune excitation que ce soit jusqu'? ce qu'elle ait appris tous les d?tails. Quand Ceres s'approcha de leur maison, sa m?re se tourna, lui sourit chaleureusement et Ceres sentit imm?diatement l'inqui?tude lui nouer l'estomac. La derni?re fois que sa m?re lui avait souri comme ?a, avec les dents luisantes et les yeux brillants, Ceres avait eu droit ? une flagellation. “Ma ch?re fille”, dit sa m?re sur un ton excessivement doux en ouvrant les bras vers elle avec un sourire qui figea le sang ? Ceres. “C'est donc elle ?” dit le vieil homme avec un sourire avide, ?carquillant ses yeux noirs et per?ants en regardant Ceres. Maintenant qu'elle ?tait proche, Ceres voyait toutes les rides sur la peau de l'homme ob?se. Son nez large et aplati semblait lui envahir tout le visage et, quand il retira son chapeau, sa t?te chauve et suante rougeoya dans la lumi?re du soleil. Sa m?re s'avan?a vers Ceres d'un pas d?sinvolte, lui prit les seaux et les posa sur l'herbe roussie. Ce geste suffit ? confirmer ? Ceres qu'il se passait quelque chose de vraiment grave. Une sensation de panique commen?a ? lui monter dans la poitrine. “Je vous pr?sente ma fiert? et ma joie, ma fille unique, Ceres”, dit sa m?re en faisant semblant d'?craser une larme inexistante. “Ceres, je te pr?sente Lord Blaku. Fais preuve de respect envers ton nouveau ma?tre, je te prie.” Une peur subite traversa la poitrine ? Ceres. Elle inspira brusquement. Elle regarda sa m?re qui, tournant le dos ? Lord Blaku, lui adressa un sourire qui ?tait le plus mal?fique qu'elle ait jamais vu. “Ma?tre ?” demanda Ceres. “Pour sauver notre famille de la faillite et de l'embarras public, Lord Blaku a eu la bont? de nous proposer, ? ton p?re et ? moi, une offre g?n?reuse : un sac d'or pour toi.” “Quoi ?” dit Ceres d'une voix haletante en ayant l'impression de s'enfoncer dans la terre. “Allez, sois la bonne fille que je sais que tu es et fais preuve de respect”, dit sa m?re en avertissant Ceres du regard. “Pas question”, dit Ceres en reculant d'un pas et en gonflant la poitrine. Elle se trouva idiote de n'avoir pas imm?diatement compris que cet homme ?tait un esclavagiste et qu'il voulait acheter sa vie. “Jamais Papa ne me vendrait”, ajouta-t-elle en serrant les dents, sentant monter son horreur et son indignation. Sa m?re prit un air renfrogn? et la saisit par le bras en lui enfon?ant les ongles dans la peau. “Si tu te tiens bien, ce homme te prendra peut-?tre comme ?pouse et, pour toi, c'est une tr?s grande chance”, marmonna-t-elle. Lord Blaku l?chait ses l?vres minces et s?ches pendant que ses yeux bouffis toisaient le corps de Ceres avec gourmandise. Comment sa m?re pouvait-elle lui faire ?a ? Elle savait que sa m?re ne l'aimait pas autant que ses fr?res, mais de l? ? lui faire ?a ? “Marita”, dit-il d'une voix nasale. “Tu m'as dit que ta fille ?tait belle mais tu as oubli? de me dire que c'?tait une cr?ature absolument superbe. Oserai-je le dire ? Je n'ai encore jamais vu de femme aux l?vres aussi ravissantes que les siennes, aux yeux aussi ardents et au corps aussi ferme et exquis.” La m?re de Ceres se pla?a une main sur le c?ur en soupirant et Ceres eut l'impression qu'elle allait vomir ici et maintenant. Elle serra les poings et arracha son bras ? l'?treinte de sa m?re. “Peut-?tre aurais-je d? demander plus, si elle te pla?t tant”, dit la m?re de Ceres, baissant les yeux, d?sesp?r?e. “Apr?s tout, c'est notre fille unique ador?e.” “Je veux bien ?tre g?n?reux pour une telle beaut?. Cinq autres pi?ces d'or suffiront-elles ?” demanda-t-il. “Comme c'est g?n?reux de votre part”, r?pondit la m?re de Ceres. Lord Blaku se dirigea tranquillement vers son chariot pour y prendre plus d'or. “Papa n'acceptera jamais ?a”, dit Ceres avec m?pris. La m?re de Ceres avan?a d'un pas vers sa fille, mena?ante. “Oh, mais c'?tait l'id?e de ton p?re”, dit sa m?re d'un ton sec, les sourcils lev?s jusqu'au milieu du front. A pr?sent, Ceres savait qu'elle mentait car, quand elle levait les sourcils comme ?a, elle mentait toujours. “Tu t'imagines vraiment que ton p?re t'aime plus qu'il ne m'aime ?” demanda sa m?re. Ceres cligna des yeux en se demandant ce que ?a venait faire dans la conversation. “Je ne pourrais jamais aimer une personne qui se croit sup?rieure ? moi”, ajouta-t-elle. “Tu ne m'as jamais aim?e ?” demanda Ceres, dont la col?re se transformait en d?sespoir. L'or en main, Lord Blaku revint vers la m?re de Ceres en se dandinant et le lui tendit. “Ta fille vaut chacune de ces pi?ces”, dit-il. “Elle sera bonne ?pouse et m'offrira de nombreux fils.” Ceres se mordit l'int?rieur des l?vres et secoua la t?te ? plusieurs reprises. “Lord Blaku viendra te chercher dans la matin?e. Allez, rentre et fais tes bagages”, dit la m?re de Ceres. “Jamais !” cria Ceres. “C'est ton probl?me depuis toujours, ma fille. Tu ne penses jamais qu'? toi. Cet or”, dit sa m?re en faisant tinter la bourse devant le visage de Ceres, “fera vivre tes fr?res. Il assurera la coh?sion de notre famille, nous permettra de rester dans maison et de la r?parer. Tu n'as m?me pas pens? ? ?a ?” L'espace d'un instant, Ceres se dit qu'elle ?tait peut-?tre ?go?ste mais, ensuite, elle se rendit compte que sa m?re cherchait encore ? la manipuler, ? se servir de l'amour de Ceres pour ses fr?res pour l'abuser. “Ne vous inqui?tez pas”, dit la m?re de Ceres en se tournant vers Lord Blaku. “Ceres ob?ira. Si vous ?tes ferme avec elle, elle deviendra douce comme un agneau.” Jamais. Jamais elle ne serait l'?pouse de cet homme ni la propri?t? de quiconque, et jamais elle ne permettrait ? sa m?re ou ? qui que ce soit d'autre d'?changer sa vie contre cinquante-cinq pi?ces d'or. “Jamais je n'irai avec cet esclavagiste”, dit Ceres d'un ton sec en le regardant avec d?go?t. “Fille ingrate !” hurla la m?re de Ceres. “Si tu n'ob?is pas, je te battrai si violemment que tu ne remarcheras plus jamais. Maintenant, rentre !” L'id?e de se faire battre par sa m?re r?veilla des souvenirs affreux et visc?raux et la ramena au moment terrible o?, quand elle avait cinq ans, sa m?re l'avait battue jusqu'? ce qu'elle perde connaissance. Les blessures de cette racl?e avaient gu?ri, ainsi que beaucoup d'autres, mais les blessures au c?ur de Ceres n'avaient jamais arr?t? de saigner et, maintenant qu'elle savait sans le moindre doute que sa m?re ne l'aimait pas et ne l'avait jamais aim?e, elle sentait son c?ur se fendre pour de bon. Avant qu'elle puisse r?agir, la m?re de Ceres s'avan?a et la gifla si violemment au visage que son oreille se mit ? siffler. Tout d'abord, Ceres fut abasourdie par cette attaque soudaine et fut sur le point de c?der mais, ? ce moment-l?, quelque chose se brisa en elle. Elle n'allait pas se permettre de battre en retraite comme elle l'avait toujours fait. Ceres rendit sa gifle ? sa m?re. Elle la frappa si fort sur la joue que sa m?re tomba par terre, le souffle coup?, horrifi?e. Toute rouge, sa m?re se releva, saisit Ceres par l'?paule et les cheveux et lui envoya un coup de genou ? l'estomac. Quand Ceres se courba en avant, ploy?e par la douleur, sa m?re lui envoya un coup de genou au visage et la fit tomber par terre. L'esclavagiste ?tait rest? regarder le spectacle, les yeux ?carquill?s. Visiblement ravi par cette bagarre, il gloussait. Ceres toussait et haletait encore ? cause de l'assaut. Elle se releva en tr?buchant puis, avec un hurlement, elle se jeta vers sa m?re et la pr?cipita par terre. Il faut en finir ?tait l'unique pens?e dont Ceres ?tait capable. Toutes ces ann?es sans amour, de traitement d?daigneux, nourrissaient sa rage. De ses points ferm?s, Ceres frappa le visage de sa m?re ? de nombreuses reprises. Des larmes de furie lui coulaient sur les joues et des sanglots incontr?lables s'?chappaient de ses l?vres. Finalement, sa m?re ne bougea plus. Les ?paules de Ceres tremblaient ? chaque cri et elle avait l'estomac nou?. Aveugl?e par les larmes, elle leva les yeux vers l'esclavagiste et le regarda avec une haine encore plus intense. “Tu feras bien l'affaire”, dit Lord Blaku avec un sourire rus?. Il ramassa le sac d'or par terre et l'attacha ? sa ceinture en cuir. Soudain, avant qu'elle puisse r?agir, il lui mit les mains dessus. Il la saisit, grimpa dans le chariot et la jeta ? l'arri?re d'un seul geste rapide, comme si elle n'?tait qu'un sac de pommes de terre. Sa corpulence massive et sa force ?tait telles qu'elle ne pouvait lui r?sister. Lui retenant le poing d'un bras et prenant une cha?ne de l'autre, il dit : “Je ne suis pas idiot au point d'imaginer que tu resterais ici jusqu'? demain matin.” Elle jeta un coup d’?il ? la maison o? elle avait habit? dix-huit ans et les larmes lui vinrent aux yeux quand elle pensa ? ses fr?res et ? son p?re. Cependant, il faudrait qu'elle prenne une d?cision si elle voulait sauver sa peau, et cela avant d'?tre encha?n?e aux pieds. Donc, en un seul mouvement rapide, elle fit appel ? toute sa force, arracha son bras ? l'emprise de l'esclavagiste, souleva une jambe et le frappa au visage aussi fort que possible. Il tomba en arri?re, hors du chariot, et s'effondra ? terre. Ceres bondit du chariot et courut aussi vite qu'elle le pouvait sur le chemin de terre, loin de la femme qu'elle s'?tait jur?e de ne plus jamais appeler 'm?re', loin de tout ce qu'elle avait jamais connu et aim?. CHAPITRE QUATRE Entour? par la famille royale, Thanos essayait laborieusement de garder une expression faciale plaisante pendant qu'il tenait sa coupe de vin en or, mais en vain. Il d?testait ?tre ici. Il d?testait ces gens, sa famille, et il d?testait assister aux c?r?monies royales, surtout celles qui venaient apr?s les Tueries. Il savait comment vivait le peuple, dans quelle pauvret?, et il ressentait l'absurdit? et l'injustice de toute cette pompe et de tout ce d?dain. Il aurait tout donn? pour ?tre loin d'ici. Debout ? c?t? de ses cousins Lucious, Aria et Varius, Thanos ne faisait pas le moindre effort pour participer ? leur insignifiante conversation. Au lieu de cela, il regardait les invit?s de l'Empire qui allaient ?? et l? dans les jardins du palais et, v?tus de leur toge et de leur ?tole, souriaient hypocritement et d?ballaient des mondanit?s mensong?res. Quelques-uns de ses cousins se lan?aient de la nourriture les uns sur les autres en courant sur la pelouse impeccable et entre les tables couvertes de nourriture et de vin. D'autres rejouaient leurs sc?nes pr?f?r?es des Tueries en riant et en se moquant de ceux qui avaient perdu la vie aujourd'hui. Des centaines de gens, se disait Thanos, et pas un seul d'honorable. “Le mois prochain, j'ach?terai trois seigneurs de guerre”, dit Lucious, l'a?n?, d'un ton tapageur en s'essuyant d?licatement du front ses gouttes de sueur avec un mouchoir en soie. “Stefanus ne valait pas la moiti? de ce que j'ai pay? pour lui et, s'il n'?tait pas d?j? mort, je l'aurais moi-m?me pass? au fil de l'?p?e pour s'?tre battu comme une fille dans le premier round.” Aria et Varius rirent mais Thanos ne trouva pas son commentaire amusant. Qu'ils consid?rent ou pas les Tueries comme un jeu, ils devaient le respect aux braves et aux morts. “Alors, as-tu vu Brennius ?” demanda Aria en ?carquillant ses grands yeux bleus. “En fait, j'avais envisag? de l'acheter mais il m'a regard?e d'un air pr?tentieux alors que je le regardais s'entra?ner. Incroyable, non ?” ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel et en faisant la t?te. “Dire qu'il pue comme une mouffette !” ajouta Lucious. Tout le monde rit ? nouveau, ? l'exception de Thanos. “Aucun d'entre nous ne l'aurait choisi”, dit Varius. “Il a certes dur? plus longtemps que pr?vu, mais il n'avait aucun style.” Thanos ne put se retenir une seconde de plus. “Brennius avait le meilleur style dans toute l'ar?ne”, interrompit-il. “Ne parle pas de l'art du combat comme si tu t'y connaissais.” Les cousins se turent. Les yeux grands comme des soucoupes, Aria regarda par terre. Varius gonfla la poitrine et croisa les bras d'un air renfrogn?. Il se rapprocha de Thanos comme pour le d?fier et la tension alourdit l'atmosph?re. “Bon, on s'en moque de ces pr?tentieux seigneurs de guerre”, dit Aria en s'interposant pour calmer le jeu. Elle fit signe aux gar?ons de se rapprocher puis murmura : “J'ai entendu une rumeur excentrique. Mon petit doigt m'a dit que le roi veut que quelqu'un de sang royal participe aux Tueries.” Ils ?chang?rent tous un regard g?n? et se turent. “Peut-?tre”, dit Lucious, “mais ?a ne sera pas moi. Je ne veux pas risquer ma vie pour un jeu stupide.” Thanos se savait capable de vaincre la plupart des seigneurs de guerre, mais l'id?e de tuer un autre ?tre humain ne l'attirait pas. “Tu as peur de mourir, c'est tout”, dit Aria. “C'est faux !” r?pliqua Lucious. “Retire ?a !” Thanos ?tait ? bout. Il s'?loigna. Thanos regarda sa lointaine cousine Stephania errer comme si elle cherchait quelqu'un, probablement lui. Quelques semaines auparavant, la Reine avait dit qu'il ?tait pr?destin? qu'il ?pouse Stephania mais Thanos ?tait d'un autre avis. Stephania ?tait aussi g?t?e que ses autres cousins et il accepterait de renoncer ? son nom, son h?ritage et m?me ? son ?p?e pour ne pas avoir ? l'?pouser. Elle ?tait belle ? regarder, c'?tait vrai (elle avait les cheveux dor?s, la peau laiteuse et les l?vres rouge sang) mais s'il fallait qu'il l'entende une fois de plus se plaindre de l'injustice de la vie, il pensait qu'il lui faudrait se couper les oreilles. Il se pr?cipita vers la p?riph?rie du jardin, vers les rosiers, ?vitant de regarder les invit?s dans les yeux, mais, juste au moment o? il tournait au coin, Stephania s'avan?a devant lui et ses yeux marron s'illumin?rent. “Bonsoir, Thanos”, dit-elle avec un sourire flamboyant qui aurait fait baver la plupart des gar?ons locaux, ? l'exception de Thanos. “Bonsoir ? toi aussi”, dit Thanos en la contournant et en continuant ? marcher. Elle souleva sa stola et le suivit comme un fichu moustique. “Tu ne trouves pas que c'est injuste que —”, commen?a-t-elle. “Je suis occup?”, dit Thanos d'un ton sec et plus dur qu'il ne l'avait voulu, ce qui laissa sa cousine bouche b?e. Il se tourna alors vers elle. “Je suis d?sol? … Je suis seulement fatigu? de toutes ces f?tes.” “Peut-?tre aimerais-tu te promener dans les jardins avec moi ?” dit Stephania en haussant le sourcil droit et en se rapprochant. C'?tait vraiment la derni?re chose qu'il voulait. “?coute”, dit-il, “je sais que la reine et ta m?re se sont mis dans la t?te que nous allons l'un avec l'autre d'une fa?on ou d'une autre, mais —” “Thanos !” entendit-il derri?re lui. Thanos se retourna et vit le messager du roi. “Le roi voudrait que vous alliez tout de suite le retrouver au belv?d?re”, dit-il. “Et vous aussi, madame.” “Puis-je savoir pourquoi ?” demanda Thanos. “Il y a beaucoup de sujets ? aborder”, dit le messager. Comme Thanos n'avait jamais convers? de fa?on r?guli?re avec le roi, il se demanda ce que pouvait impliquer cette convocation. “D'accord”, dit Thanos. A son grand d?sarroi, Stephania, radieuse, lui prit le bras et ils suivirent ensemble le messager jusqu'au belv?d?re. Quand Thanos remarqua que plusieurs des conseillers du roi et m?me le prince h?ritier ?taient d?j? assis sur des bancs et des chaises, il trouva ?trange d'avoir ?t? invit? lui aussi. Il ?tait improbable qu'il e?t quoi que ce soit d'int?ressant ? apporter ? leur conversation, puisque ses opinions sur la gouvernance de l'Empire divergeaient ?norm?ment de celles de toutes les personnes pr?sentes en ce lieu. Il se dit que la meilleure chose ? faire serait de se taire. “Vous faites un couple superbe”, dit la reine avec un sourire chaleureux quand ils entr?rent. Thanos serra les l?vres et proposa ? Stephania de s'asseoir ? c?t? de lui. Quand tout le monde se fut install?, le roi se leva et l'assembl?e fit silence. Son oncle portait une toge mi-longue mais, alors que celle des autres ?tait blanche, rouge ou bleue, la sienne ?tait violette, couleur r?serv?e au roi. Autour de son cr?ne qui s'?claircissait, il portait une couronne de fleurs dor?e et il avait quand m?me les joues et les yeux qui s’affaissaient en d?pit de son sourire. “Les masses deviennent ing?rables”, dit-il de sa voix grave et lente. Il scruta lentement tous les visages avec l'autorit? d'un roi. “Il est largement temps de leur rappeler qui est roi et de promulguer des r?gles plus s?v?res. A compter d'aujourd'hui, je double la d?me sur toute propri?t? et toute nourriture.” Un murmure de surprise se fit entendre, suivi par des hochements de t?te approbateurs. “Excellente d?cision, votre gr?ce”, dit l'un de ses conseillers. Thanos n'en croyait pas ses oreilles. Doubler les taxes du peuple ? Ayant fr?quent? des roturiers, il savait que les taxes en vigueur d?passaient d?j? ce que la plupart des roturiers pouvaient se permettre de payer. Il avait vu des m?res pleurer la perte de leurs enfants morts de faim. Rien que la veille, il avait offert de la nourriture ? une fille sans domicile de quatre ans qui n'avait que la peau sur les os. Thanos se for?a ? d?tourner le regard pour ne pas avoir ? s'?lever contre cette aberration. “Et finalement”, dit le roi, “dor?navant, pour contrebalancer la r?volution souterraine qui gronde, le premier-n? de chaque famille deviendra serviteur dans l'arm?e du roi.” L'un apr?s l'autre, tous les membres de la petite foule f?licit?rent le roi pour la sagesse de sa d?cision. Cela dit, Thanos sentit finalement le roi se tourner vers lui. “Thanos”, finit par dire le roi, “tu es rest? muet. Parle !” Le silence se fit dans le belv?d?re. Tous les regards s'?taient tourn?s vers Thanos, qui se leva. Il savait qu'il fallait qu'il prenne la parole pour la fille ?maci?e, pour les m?res en deuil, pour les sans voix dont la vie ne semblait pas compter. Il fallait qu'il les repr?sente parce que, s'il ne le faisait pas, personne ne le ferait. “Des r?gles plus s?v?res n'?craseront pas la r?bellion”, dit-il, le c?ur battant dans la poitrine. “Elles ne feront que l'enhardir. Susciter la peur parmi les citoyens et leur refuser la libert? aura pour seul effet de les forcer ? se lever contre nous et ? rejoindre la r?volution.” Quelques gens riaient pendant que d'autres discutaient. Stephania lui prit la main et essaya de le faire taire, mais il retira brusquement sa main. “Un grand roi a recours ? l'amour, pas seulement ? la peur, pour gouverner ses subordonn?s”, dit Thanos. Le roi regarda la reine d'un air embarrass?. Il se leva puis s'avan?a vers Thanos. “Thanos, tu es un jeune homme qui n'a pas peur de prendre la parole”, dit-il en lui pla?ant une main sur l'?paule. “Cependant, ton fr?re cadet n'a-t-il pas ?t? assassin? de sang froid par ces m?mes personnes, celles qui se gouvernaient elles-m?mes, comme tu le dis ?” Thanos ?tait furieux. Comment son oncle osait-il ?voquer la mort de son fr?re avec autant de d?sinvolture ? Pendant des ann?es, Thanos s'?tait endormi dans le chagrin en pleurant la perte de son fr?re. “Ceux qui ont assassin? mon fr?re n'avaient pas assez ? manger pour eux-m?mes”, dit Thanos. “Un homme d?sesp?r? recourt ? des mesures d?sesp?r?es.” “Contestes-tu la sagesse du roi ?” demanda la reine. Thanos avait peine ? croire que personne d'autre ne s'?levait contre les d?cisions du roi. Ne comprenaient-ils pas ? quel point elles ?taient injustes ? Ne se rendaient-ils pas compte que ces nouvelles lois allaient attiser la r?bellion ? “Vous ne pourrez jamais, pas la moindre seconde, faire croire au peuple que votre but n'est pas de les faire souffrir et de profiter de leur sort”, dit Thanos. On entendit une exclamation de d?sapprobation venir du groupe. “Tes paroles sont dures, mon neveu”, dit le roi en le regardant dans les yeux. “J'en viendrais presque ? croire que tu comptes rejoindre la r?bellion.” “A moins qu'il n'en fasse d?j? partie ?” dit la reine en levant les sourcils. “C'est faux !” aboya Thanos. Dans le belv?d?re, l'atmosph?re s'alourdit et Thanos se rendit compte que, s'il ne faisait pas attention, il pourrait ?tre accus? de trahison, crime punissable par la peine de mort sans proc?s. Stephania se leva et prit la main de Thanos dans la sienne mais, ?nerv? par le moment qu'elle avait choisi pour le faire, il retira brutalement sa main. Visiblement d??ue, Stephania baissa le regard. “Peut-?tre verras-tu un jour les points faibles de tes croyances”, dit le roi ? Thanos. “Pour l'instant, notre d?cision reste valide et nous allons l'appliquer imm?diatement.” “Bien”, dit la reine avec un sourire soudain. “Maintenant, passons au second probl?me du jour. Thanos, comme tu es un jeune homme de dix-neuf ans, nous, tes souverains imp?riaux, t'avons choisi une ?pouse. Nous avons d?cid? que tu allais ?pouser Stephania.” Thanos jeta un coup d’?il ? Stephania, dont les yeux ?taient baign?s de larmes et dont le visage exprimait l'inqui?tude. Il se sentit accabl?. Comment pouvaient-ils exiger ?a de sa part ? “Je ne peux pas l'?pouser”, murmura Thanos en sentant son estomac se nouer. Des murmures travers?rent la foule et la reine se leva si rapidement que sa chaise tomba en arri?re en craquant. “Thanos !” hurla-t-elle, les mains serr?es le long des flancs. “Comment oses-tu d?fier le roi ? Tu ?pouseras Stephania que tu le veuilles ou non.” D'un air triste, Thanos regarda Stephania, dont les joues ?taient baign?es de larmes. “Tu te crois trop bon pour  moi ?” demanda-t-elle, la l?vre inf?rieure tremblante. Il fit un pas vers Stephania pour la r?conforter autant que possible mais, avant qu'il ait pu l'atteindre, elle s'enfuit du belv?d?re en se couvrant le visage des deux mains, en pleurs. Le roi se leva, visiblement irrit?. “Rejette-la, mon fils”, dit-il d'une voix soudain froide et dure qui gronda dans tout le belv?d?re, “et tu finiras au cachot.” CHAPITRE CINQ Ceres fon?a dans les rues de la cit? sans savoir o? elle allait jusqu'au moment o? elle sentit qu'elle ne tenait plus sur ses jambes et que ses poumons la br?laient tellement qu'ils risquaient d'?clater, et quand elle se sentit absolument s?re que l'esclavagiste avait perdu sa trace. Finalement, elle s'effondra par terre dans une ruelle, au milieu des ordures et des rats, les bras entour?s autour des jambes, ses joues br?lantes inond?es de larmes. Comme son p?re ?tait parti et comme sa m?re voulait la vendre, elle n'avait personne vers qui se tourner. Si elle restait dans les rues et dormait dans les ruelles, elle finirait par mourir de faim ou de froid quand viendrait l'hiver. Ce serait peut-?tre la meilleure solution. Pendant des heures, elle resta assise ? pleurer, les yeux bouffis, l'esprit embrouill? par le d?sespoir. O? aller, maintenant ? Comment gagner de l'argent pour survivre ? Vers la fin de la journ?e, elle d?cida finalement de rentrer ? la maison, de s'introduire dans la cabane, prendre les quelques ?p?es qui s'y trouvaient encore et les vendre au palais. De toute fa?on, ils l'y attendaient aujourd'hui. De cette fa?on, elle aurait de l'argent pour au moins quelques jours et ?a lui laisserait le temps de trouver un meilleur plan. Elle r?cup?rerait aussi l'?p?e que son p?re lui avait donn?e et qu'elle avait cach?e sous le plancher de la cabane. Cela dit, elle ne la vendrait pas, c'?tait hors de question. Elle ne renoncerait pas au cadeau de son p?re avant d'?tre ? l'article de la mort. Elle rentra chez elle en trottinant et en prenant soin de ne pas croiser de visages familiers ou le chariot de l'esclavagiste sur sa route. Quand elle atteignit la derni?re colline, elle se glissa derri?re la rang?e de maisons et dans le champ, puis traversa la terre dess?ch?e sur la pointe des pieds en cherchant sa m?re du regard. Elle se sentit soudain coupable quand elle se souvint de la violence avec laquelle elle avait battu sa m?re. Elle n'avait jamais voulu lui faire de mal, en d?pit de sa cruaut?, en d?pit de son c?ur bris? et irr?parable. Quand elle arriva derri?re leur cabane, elle jeta un coup d’?il par une fente dans le mur. Voyant qu'elle ?tait vide, elle entra dans la sombre cahute et rassembla les ?p?es. Cependant, alors qu'elle allait soulever la planche sous laquelle elle avait cach? l'?p?e, elle entendit des voix venir de dehors. Quand elle se leva et jeta un coup d’?il par un petit trou dans le mur, elle vit, horrifi?e, sa m?re et Sartes avancer vers la cabane. Sa m?re avait un ?il au beurre noir et une contusion ? la joue. Maintenant qu'elle voyait que sa m?re ?tait en vie et bien portante, Ceres sourit presque en se souvenant que c'?tait elle qui l'avait mise dans cet ?tat. Toute sa col?re refit surface quand elle se souvint que sa m?re voulait la vendre. “Si je te prends ? faire passer de la nourriture ? Ceres, je te fouette, tu comprends ?a ?” dit sa m?re d'un ton sec alors qu'elle passait ? c?t? de l'arbre de la grand-m?re de Ceres avec Sartes. Sartes ne r?pondit pas et sa m?re le gifla au visage. “Tu comprends, gar?on ?” dit-elle. “Oui”, dit Sartes, les yeux baiss?s, une larme ? l'?il. “Et si jamais tu la revois, ram?ne-la ? la maison que je lui donne la racl?e qu'elle n'oubliera jamais.” Ils recommenc?rent ? avancer vers la cabane et Ceres sentit son c?ur se mettre soudain ? battre ? toute vitesse. Elle serra les ?p?es et se pr?cipita vers la porte de derri?re aussi rapidement et aussi discr?tement que possible. Juste au moment o? elle sortait, la porte de devant s'ouvrit brusquement et Ceres s'appuya contre le mur ext?rieur et ?couta, pendant que les blessures inflig?es par les griffes de l'omnichat lui piquaient le dos. “Qui va l? ?” dit sa m?re. Ceres retint son souffle et ferma les yeux. “Je sais que tu es l?”, dit sa m?re en attendant. “Sartes, va v?rifier la porte de derri?re. Elle est ouverte.” Ceres serra les ?p?es contre sa poitrine. Elle entendit les pas de Sartes qui avan?ait vers elle, puis la porte s'ouvrit avec un grincement. Sartes ?carquilla les yeux quand il la vit et il eut le souffle coup?. “Y a-t-il quelqu'un l?-bas ?” demanda sa m?re. “Euh … non”, dit Sartes dont les yeux se remplirent de larmes quand il croisa le regard de Ceres. Ceres articula silencieusement un “merci” et Sartes lui fit signe de partir. Elle hocha la t?te et, le c?ur lourd, partit furtivement vers le champ. La porte de derri?re de la cabane se ferma avec un claquement. Ceres reviendrait chercher son ?p?e plus tard. * Ceres s'arr?ta aux portes du palais en sueur, affam?e et ?puis?e, les ?p?es ? la main. Les soldats de l'Empire qui montaient la garde reconnurent sans probl?me la fille qui livrait les ?p?es de son p?re et la laiss?rent passer sans lui poser de questions. Elle traversa h?tivement la cour pav?e puis se dirigea vers le cottage en pierre du forgeron, situ? derri?re une des quatre tours. Elle entra. Debout ? c?t? de l'enclume devant le fourneau cr?pitant, le forgeron martelait une lame ?clatante, les habits prot?g?s contre les ?tincelles volantes par son tablier en cuir. Il avait l'air pr?occup? et Ceres se demanda ce qui n'allait pas. C'?tait un homme d'?ge moyen jovial, plein d'?nergie et qui s'inqui?tait rarement. Sa t?te chauve et suante accueillit Ceres avant qu'il ne remarque son entr?e. “Bonjour”, dit-il quand il la vit, lui faisant signe de la t?te de placer les ?p?es sur l'?tabli. Elle traversa ? grands pas la pi?ce chaude et enfum?e et posa les ?p?es, dont le m?tal cliqueta en rentrant en contact avec la surface de bois br?l? et ab?m?. Le forgeron secoua la t?te, visiblement pr?occup?. “Que se passe-t-il ?” demanda Ceres. Le forgeron leva des yeux soucieux. “Tomber malade aujourd'hui, fallait le faire”, murmura-t-il. “Bartholomew ?” demanda-t-elle en constant que le jeune gardien des armes des seigneurs de guerre n'?tait pas ici comme ? l’accoutum?e, fr?n?tiquement occup? ? pr?parer les quelques derni?res armes avant le d?but de l'entra?nement. Le forgeron s'arr?ta de marteler et leva les yeux d'un air vex? en plissant ses sourcils touffus. Il secoua la t?te. “Et un jour d'entra?nement, par-dessus le march?”, dit-il. “Et pas n'importe quel jour d'entra?nement.” Il plongea la lame dans les charbons ardents du fourneau et essuya son front d?goulinant avec la manche de sa tunique. “Aujourd'hui, les membres de la famille royale vont s'entra?ner contre les seigneurs de guerre. Le roi a tri? sur le volet douze membres de la famille royale qui devront s'entra?ner pour les Tueries. Les trois meilleurs y prendront part.” Ceres comprenait sa pr?occupation. Il ?tait responsable des gardiens d'armes et, s'il n'en fournissait pas, il risquait de perdre son travail. Des centaines de forgerons n'attendaient que cette occasion pour le remplacer ? son poste. “Le roi ne va pas ?tre content s'il nous manque un gardien d'armes”, dit-elle. Il s'appuya des mains sur ses cuisses ?paisses et secoua la t?te. Juste ? ce moment, deux soldats de l'Empire entr?rent. “Nous venons r?cup?rer les armes”, dit l'un d'eux en regardant Ceres d'un air renfrogn?. M?me si ce n'?tait pas interdit, elle savait que certaines personnes n'aimaient pas que les filles travaillent dans le secteur des armes parce qu'elles consid?raient que c'?tait un travail d'homme. Cependant, elle s'?tait habitu?e aux remarques sarcastiques et aux regards haineux qu'elle recevait la plupart des fois o? elle venait faire sa livraison au palais. Le forgeron se leva et s'avan?a vers trois seaux en bois remplis d'armes toutes pr?tes pour le combat d'entra?nement. “Voici le reste des armes que le roi a demand?es pour aujourd'hui”, dit le forgeron aux soldats de l'Empire. “Et le gardien d'armes?” demanda le soldat de l'Empire d'un ton autoritaire. Juste au moment o? le forgeron ouvrait la bouche pour parler, Ceres eut une id?e. “C'est moi”, dit-elle en sentant l'excitation lui monter dans la poitrine. “Je suis rempla?ante aujourd'hui et jusqu'au retour de Bartholomew.” Les soldats de l'Empire la regard?rent l'espace d'un instant, interloqu?s. Ceres se pin?a les l?vres et avan?a d'un pas. “J'ai travaill? avec mon p?re et pour le palais toute ma vie. J'ai confectionn? des ?p?es, des boucliers et toutes sortes d'armes”, dit-elle. Elle ne savait pas d'o? lui venait son courage mais elle se dressa de toute sa hauteur et regarda les soldats droit dans les yeux. “Ceres …” dit le forgeron en la regardant avec piti?. “Mettez-moi ? l'?preuve”, dit-elle, de plus en plus d?cid?e, impatiente de mettre ses capacit?s ? l'?preuve. “Je suis la seule qui puisse remplacer Bartholomew. Et s'il vous manque un gardien d'armes aujourd'hui, cela ne risque-t-il pas plut?t de contrarier le roi ?” Bien qu'elle n'en soit pas certaine, elle supposait que les soldats de l'Empire et le forgeron feraient quasiment n'importe quoi pour ?viter de contrarier le roi. Surtout aujourd'hui. Les soldats de l'Empire regard?rent le forgeron et le forgeron en  fit autant avec eux. Le forgeron r?fl?chit l'espace d'un instant. Puis un autre. Finalement, il hocha la t?te. Il posa une pl?thore d'armes sur la table, apr?s quoi il fit signe ? Ceres de se mettre au travail. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43694991&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.