*** Òâîåé Ëóíû çåëåíûå öâåòû… Ìîåé Ëóíû áåñïå÷íûå ðóëàäû, Êàê ñâåòëÿ÷êè ãîðÿò èç òåìíîòû,  ëèñòàõ âèøíåâûõ ñóìðà÷íîãî ñàäà. Òâîåé Ëóíû ïå÷àëüíûé êàðàâàí, Áðåäóùèé â äàëü, òðîïîþ íåâåçåíüÿ. Ìîåé Ëóíû áåçäîííûé îêåàí, È Áðèãàíòèíà – âåðà è ñïàñåíüå. Òâîåé Ëóíû – ïå÷àëüíîå «Ïðîñòè» Ìîåé Ëóíû - äîâåð÷èâîå «Çäðàâñòâóé!» È íàøè ïàðàëëåëüíûå ïóòè… È Ç

Canaille, Prisonni?re, Princesse

Canaille, Prisonni?re, Princesse Morgan Rice De Couronnes et de Gloire #2 Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page.. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le R?veil des Dragons) CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE est le tome n°2 de la s?rie ? succ?s de fantaisie ?pique DE COURONNES ET DE GLOIRE, qui commence par ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (le tome n°1) . Ceres, 17 ans, jeune fille belle et pauvre de Delos, cit? de l'Empire, se retrouve oblig?e par d?cret royal de se battre au Stade, l'ar?ne brutale o? les guerriers de tous les coins du monde viennent se tuer les uns les autres. Comme Ceres est dress?e contre des adversaires f?roces, elle a peu de chances d'y survivre. Sa seule chance est de puiser dans ses pouvoirs int?rieurs et de passer une fois pour toutes de l'?tat d'esclave ? celui de guerri?re. Le Prince Thanos, 18 ans, se r?veille sur l'?le d'Haylon et d?couvre qu'il a ?t? poignard? dans le dos par ses propres soldats puis laiss? pour mort sur la plage ensanglant?e. Captur? par les rebelles, il devra revivre petit ? petit, trouver qui a essay? de l'assassiner puis se venger. Bien que Ceres et Thanos soient s?par?s par leurs rangs respectifs, ils n'ont pas perdu l'amour qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Cependant, la cour de l'Empire grouille de mensonges, de trahisons et de duplicit? et, pendant que des membres jaloux de la famille royale tissent des mensonges complexes, Ceres et Thanos en viennent chacun ? croire que l'autre est mort ? cause d'un malentendu tragique. Les choix que chacun d'eux fera d?termineront le destin de l'autre. Ceres survivra-t-elle au Stade et deviendra-t-elle la guerri?re qu'elle ?tait cens?e ?tre ? Est-ce que Thanos gu?rira et d?couvrira le secret qu'on lui cache ? Est-ce que ces deux ?tres, s?par?s par la force des choses, se retrouveront ?CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE est un conte ?pique qui parle d'amour tragique, de vengeance, de trahison, d'ambition et de destin?e. Rempli de personnages inoubliables et d'action haletante, il nous transporte dans un monde que nous n'oublierons jamais et nous fait ? nouveau aimer l'heroic fantasy. Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) Le tome n°3 de la s?rie DE COURONNES ET DE GLOIRE sortira bient?t ! CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE (DE COURONNES ET DE GLOIRE : TOME N 2) MORGAN RICE Morgan Rice Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la s?rie d’?pop?es fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la s?rie ? succ?s SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la s?rie ? succ?s LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique comprenant deux tomes (jusqu'? maintenant); de la s?rie de fantaisie ?pique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes; et de la nouvelle s?rie d’?pop?es fantastiques DE COURONNES ET DE GLOIRE. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont ?t? traduits dans plus de 25 langues. Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'h?sitez pas ? visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, t?l?charger l'appli gratuite, lire les derni?res nouvelles exclusives, vous connecter ? Facebook et ? Twitter, et rester en contact ! S?lection de Critiques pour Morgan Rice « Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre apr?s la fin de la s?rie de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE R?VEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imagin? ce qui promet d'?tre une autre s?rie brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destin?e. Morgan Rice a de nouveau r?ussi ? produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer ? chaque page .... Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien ?crites ». --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le R?veil des Dragons) « Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans pr?c?dents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'H?ritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeunes adultes d?voreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. » —The Wanderer, A Literary Journal (pour Le R?veil des Dragons) « Une histoire du genre fantastique entra?nante qui m?le des ?l?ments de myst?re et de complot ? son intrigue. La Qu?te des H?ros raconte la naissance du courage et la r?alisation d’une raison d'?tre qui m?ne ? la croissance, la maturit? et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'?volution de Thor d'un enfant r?veur ? un jeune adulte confront? ? d'insurmontables d?fis de survie .... Ce n'est que le d?but de ce qui promet d'?tre une s?rie pour jeune adulte ?pique. » —Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres ?lectroniques) « L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients pour un succ?s instantan? : intrigues, contre-intrigues, myst?res, vaillants chevaliers et des relations en plein ?panouissement pleines de c?urs bris?s, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les ?ges. Recommand? pour la biblioth?que permanente de tous les lecteurs de fantasy. » — Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « Dans ce premier livre bourr? d'action de la s?rie de fantasy ?pique L'Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice pr?sente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McL?od, 14 ans, dont le r?ve est de rejoindre la L?gion d'argent, des chevaliers d'?lite qui servent le roi .... L'?criture de Rice est solide et le pr?ambule intrigant. » — Publishers Weekly Livres par Morgan Rice LA VOIE DE L'ACIER SEULS LES BRAVES (Tome n°1) DE COURONNES ET DE GLOIRE ESCLAVE, GUERRI?RE, REINE (Tome n°1) CANAILLE, PRISONNI?RE, PRINCESSE (Tome n°2) ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome n°1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome n°2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3) UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4) UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5) LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES H?ROS (Tome n°1) LA MARCHE DES ROIS (Tome n°2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3) UN CRI D'HONNEUR (Tome n°4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n°5) UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n°6) UN RITE D'?P?ES (Tome n°7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n°8) UN CIEL DE CHARMES (Tome n°9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n°10) LE R?GNE DE L'ACIER (Tome n°11) UNE TERRE DE FEU (Tome n°12) LE R?GNE DES REINES (Tome n°13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome n°14) UN R?VE DE MORTELS (Tome n°15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n°16) LE DON DE LA BATAILLE (Tome n°17) TRILOGIE DES RESCAP?S AR?NE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1) AR?NE DEUX (Tome n°2) AR?NE TROIS (Tome n°3) LES VAMPIRES D?CHUS AVANT L'AUBE (Tome n°1) SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE TRANSFORM?E (Tome n°1) AIM?E (Tome n°2) TRAHIE (Tome n°3) PR?DESTIN?E (Tome n°4) D?SIR?E (Tome n°5) FIANC?E (Tome n°6) VOU?E (Tome n°7) TROUV?E (Tome n°8) REN?E (Tome n°9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n°10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11) OBSESSION (Tome n°12) Ecoutez L’ANNEAU DU SORCIER en version audio ! Copyright © 2016 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright Kiselev Andrey Valerevich, en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. SOMMAIRE CHAPITRE PREMIER (#u663dde97-a63f-5864-804f-8caab7766dfa) CHAPITRE DEUX (#u0aa53529-775a-5e3a-91bd-140849992374) CHAPITRE TROIS (#uc9274528-9315-527a-8fd9-680df4d957f0) CHAPITRE QUATRE (#u6a8cd6c0-dbcb-5e77-a085-74de1efa9239) CHAPITRE CINQ (#u802926c2-f718-5d82-a7cd-c017a6dbb9f3) CHAPITRE SIX (#u6936d913-9b32-52d6-9001-505e7b03ac13) CHAPITRE SEPT (#u3abcd0ac-a007-51c6-9ec5-531c884d5722) CHAPITRE HUIT (#udbe97583-0d85-5ed3-8a63-48d915048460) CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE PREMIER “Ceres ! Ceres ! Ceres !” Ceres ressentait le chant de la foule avec autant de nettet? que le mart?lement de son propre c?ur. Elle leva son ?p?e en signe de reconnaissance et la serra plus fort pour en tester le cuir. Ils ne connaissaient peut-?tre son nom que depuis quelques moments mais cela lui importait peu. Il lui suffisait qu'ils le connaissent et qu'il r?sonne en elle jusqu'? ce qu'elle le ressente comme une force quasi-physique. De l'autre c?t? du Stade, face ? elle, son adversaire, l'?norme seigneur de guerre, arpentait le sable. Ceres d?glutit quand elle l'aper?ut. Elle sentit la peur monter en elle, malgr? sa tentative de la refouler. Elle savait que ce combat serait peut-?tre le dernier de sa vie. Le seigneur de guerre allait et venait comme un lion en cage, fendant l'air de son ?p?e en d?crivant des arcs dont le but semblait ?tre d'exhiber ses muscles bomb?s. Avec son plastron et son casque ? visi?re, il ressemblait ? un bloc de pierre taill?e. Ceres avait peine ? croire qu'il n'?tait fait que de chair et de sang. Ceres ferma les yeux et se pr?para. Tu peux y arriver, se dit-elle. Tu vas peut-?tre perdre mais il faut que tu l'affrontes vaillamment. S'il faut que tu meures, fais que ce soit avec honneur. Le coup de trompette qui r?sonna dans les oreilles de Ceres couvrit m?me les hurlements de la foule et remplit l'ar?ne. Soudain, son adversaire chargea. Il ?tait plus rapide qu'elle aurait cru qu'un homme de cette corpulence puisse ?tre et il l'eut rejointe avant qu'elle ait eu le temps de r?agir. Ceres ne put que l'?viter en se sortant de son chemin et en soulevant un nuage de poussi?re. Le seigneur de guerre abattit son ?p?e des deux mains. Ceres se baissa rapidement et sentit le d?placement d'air provoqu? par son passage. Il donnait des coups d'?p?e comme un boucher qui manie un fendoir. Quand elle virevolta et bloqua le coup, l'impact du m?tal sur le m?tal lui vibra dans les bras. Elle n'avait pas cru qu'un guerrier puisse ?tre aussi fort. Elle s'?loigna en d?crivant des cercles. Son adversaire la suivit, sinistre, in?vitable. Ceres entendit son nom parmi les acclamations et les hu?es de la foule. Elle se for?a ? rester concentr?e. Elle garda les yeux fix?s sur son adversaire et essaya de se souvenir de son entra?nement, de pr?voir tout ce qui pourrait arriver par la suite. Elle essaya de taillader son ennemi puis tourna le poignet pour que son ?p?e contourne sa parade. Cependant, quand l'?p?e de Ceres ?gratigna l'avant-bras au seigneur de guerre, ce dernier se contenta de pousser un grognement. Il sourit comme s'il avait appr?ci? cette ?gratignure. “Tu vas me payer ?a”, avertit-il. Il avait un accent prononc?, d'un des coins les plus recul?s de l'Empire. Il lui fon?a dessus une fois de plus, l'obligea ? parer et ? l'?viter, et elle savait qu'elle ne pouvait pas risquer un affrontement direct, pas avec quelqu'un d'aussi fort. Ceres sentit le sol c?der sous son pied droit, comme une sensation de vide l? o? elle aurait d? b?n?ficier d'un soutien ferme. Elle baissa les yeux et vit le sable s'?couler au-dessous dans une fosse. L'espace d'un instant, son pied resta suspendu au-dessus du vide et elle frappa aveugl?ment avec son ?p?e en se d?battant pour garder son ?quilibre. La parade du seigneur de guerre fut presque m?prisante. L'espace d'un instant, Ceres fut certaine qu'elle allait mourir, parce qu'elle n'avait aucun moyen d'arr?ter compl?tement la r?plique du seigneur de guerre. Elle sentit la secousse ?branler son ?p?e. Cela dit, sa parade ne fit que ralentir le coup du seigneur de guerre, dont l'?p?e heurta l'armure de Ceres. Son plastron lui meurtrit la chair et, ? l'endroit o? frappa l'?p?e, elle sentit une douleur br?lante quand l'?p?e lui entailla la clavicule. Elle recula en titubant et, ? ce moment, vit d'autres fosses s'ouvrir partout dans le sol de l'ar?ne comme des gueules de b?tes affam?es. Soudain, d?sesp?r?e, elle eut une id?e : peut-?tre pourrait-elle tirer parti de ces fosses. Ceres contourna la bordure des fosses en esp?rant ralentir l'approche de son ennemi. “Ceres !” appela Paulo. Elle se retourna et son gardien d'armes lui lan?a une lance courte. Le manche heurta sa main luisante de sueur avec un bruit sourd. Le bois lui parut rugueux. La lance ?tait plus courte qu'une lance utilis?e en situation de combat, mais elle ?tait quand m?me assez longue pour qu'elle fasse survoler les fosses ? sa pointe en forme de feuille. “Je vais te d?couper en petits morceaux”, promit le seigneur de guerre en contournant les fosses. Ceres se dit que sa seule chance de survivre ? un adversaire aussi fort ?tait de l'?puiser. Combien de temps un homme aussi grand pourrait-il se battre ? Ceres sentait d?j? ses propres muscles la br?ler et la sueur lui couler sur le visage. Le seigneur de guerre qu'elle affrontait souffrirait-il plus qu'elle ? C'?tait impossible d'en ?tre certain mais c'?tait forc?ment ce qu'elle pouvait esp?rer de mieux. Par cons?quent, elle esquiva et donna des petits coups de lance en utilisant sa longueur de son mieux. Elle r?ussissait ? traverser les d?fenses de l'?norme guerrier mais sa lance ne faisait quand m?me que rebondir sur son armure. Le seigneur de guerre envoya de la poussi?re vers les yeux de Ceres d'un coup de pied mais cette derni?re se retourna ? temps. Elle se retourna brusquement et envoya la lance en bas, vers ses jambes sans protection. Il esquiva ce coup mais elle r?ussit ? lui faire une autre entaille ? l'avant-bras en retirant la lance. A pr?sent, Ceres donnait des petits coups en haut et en bas en visant les membres de son adversaire. Le grand homme parait et bloquait en essayant de trouver le moyen de contourner la pointe de la lance, mais Ceres la bougeait sans cesse. Elle donnait des petits coups de sa lance vers le visage de son ennemi en esp?rant au moins le distraire. Le seigneur de guerre attrapa la lance. Il la saisit derri?re la pointe et la tira en avant en s'?cartant. Ceres ne put que la l?cher parce qu'elle ne voulait pas prendre le risque de se faire blesser par l'?p?e du grand homme. Son adversaire brisa la lance sur son genou avec autant de facilit? que si elle avait ?t? une brindille. La foule rugit. Ceres sentit une sueur froide lui couler dans le dos. L'espace d'un instant, elle imagina le grand homme lui briser le corps tout aussi facilement. Elle d?glutit ? cette id?e et se pr?para ? r?employer son ?p?e. Quand les coups suivants s'abattirent, elle saisit le pommeau des deux mains parce que c'?tait le seul moyen d'absorber une partie de la puissance des attaques du seigneur de guerre. M?me comme ?a, c'?tait remarquablement dur. A chaque coup, elle avait l'impression d'?tre une cloche que frappait un marteau. Chaque coup lui faisait remonter des ondes de choc dans les bras. Ceres sentait d?j? que les attaques de son ennemi l'?puisaient. Chaque souffle semblait la fatiguer, comme si elle avait besoin de faire un effort pour inspirer. A pr?sent, il n'?tait plus question d'essayer de contre-attaquer ou de faire autre chose que battre en retraite et esp?rer. Puis, soudain, cela arriva. Lentement, Ceres sentit la force monter en elle. Elle venait avec de la chaleur, comme les premiers flammes d'un feu de for?t. Elle reposait au creux de son estomac, l'attendait, et Ceres y puisa. L'?nergie se rua en elle. Le monde ralentit, se mit ? tourner au ralenti et elle sentit soudain qu'elle avait tout le temps de parer l'attaque suivante. Elle avait aussi toute la force. Elle bloqua facilement l'attaque puis envoya un coup d'?p?e et tailla le bras au seigneur de guerre en un ?clair. “Ceres ! Ceres !” rugit la foule. Elle voyait cro?tre la rage du seigneur de guerre ? mesure que la foule continuait ? scander son nom. Elle comprenait pourquoi. Le public ?tait suppos? l'acclamer, lui, proclamer sa victoire, se r?jouir de la mort de son ennemie. Le seigneur de guerre hurla et chargea vers l'avant. Ceres attendit aussi longtemps que possible, se for?ant ? rester immobile jusqu'? ce qu'il l'ait quasiment rejointe. Alors, elle se laissa tomber ? terre. Elle sentit le souffle de son ?p?e lui passer par-dessus la t?te puis le sable r?peux quand ses genoux touch?rent le sol. Elle se propulsa vers l'avant puis fit d?crire ? son ?p?e un arc qui lui fit rencontrer les jambes du seigneur de guerre quand celui-ci passa. Le seigneur de guerre tomba face contre terre, l?chant son ?p?e. La foule devint hyst?rique. Ceres se tint au-dessus de lui et regarda les affreux d?g?ts que son ?p?e avait inflig?s ? ses jambes. L'espace d'un instant, elle se demanda s'il allait arriver ? se relever m?me dans un tel ?tat, mais il retomba en arri?re, s'allongea sur le dos et leva une main en demandant qu'on l'?pargne. Ceres resta impassible. Elle regarda autour d'elle pour voir si les membres de la famille royale d?cideraient o? non de gracier l'homme qui ?tait allong? devant elle. De toute fa?on, elle ?tait r?solue ? ne pas tuer un guerrier sans d?fense. On entendit un autre coup de trompette. Les portes en fer situ?es sur le c?t? de l'ar?ne s'ouvrirent, le public rugit et ce qu'exprimait ce rugissement suffit ? donner des sueurs froides ? Ceres. A ce moment, elle sentit qu'elle n'?tait qu'une proie, une chose qu'on chassait, une chose qui devait fuir. Elle osa lever les yeux vers la tribune r?serv?e ? la famille royale, car elle savait que cette ouverture des portes ?tait forc?ment d?lib?r?e. Le combat avait pris fin. Elle avait gagn?. Cependant, cela ne leur suffisait pas. Elle comprit qu'ils allaient la tuer d'une fa?on ou d'une autre. Ils n'allaient pas la laisser quitter le Stade vivante. Une cr?ature entra d'un pas lourd. Plus grosse qu'un ?tre humain, elle ?tait couverte d'une fourrure hirsute. Des crocs d?passaient de son visage, qui rappelait celui d'un ours, et des protub?rances pointues s'?levaient le long de son dos. Aux pattes, elle avait des griffes aussi longues que des poignards. Ceres ne savait pas ce qu'?tait cette cr?ature, mais elle n'en avait pas besoin pour savoir qu'elle serait meurtri?re. La cr?ature ? forme d'ours retomba ? quatre pattes et courut vers l'avant pendant que Ceres pr?parait son ?p?e. La cr?ature atteignit d'abord le seigneur de guerre sans d?fense et Ceres n'osa pas d?tourner le regard. L'homme cria quand la cr?ature lui bondit dessus mais il n'avait aucun moyen de sortir de sa trajectoire ? temps. Les pattes g?antes de la cr?ature s'abattirent et Ceres entendit le craquement de son plastron qui c?dait. La b?te rugit en s'en prenant ? l'ex-adversaire de Ceres. Quand elle releva la t?te, elle avait les crocs luisants de sang. Elle regarda Ceres, montra les crocs et chargea. Ceres r?ussit tout juste ? s'?carter ? temps mais donna ? la cr?ature un coup d'?p?e alors qu'elle passait. La cr?ature poussa un hurlement de douleur. Toutefois, la vitesse suffit ? arracher l'?p?e des mains de Ceres, qui avait eu l'impression qu'elle aurait le bras arrach? si elle ne l?chait pas son arme. Horrifi?e, elle regarda son ?p?e virevolter au-dessus du sable et tomber dans une des fosses. La b?te continua ? avancer et Ceres, effr?n?e, baissa les yeux vers l'endroit o? les deux morceaux de lance gisaient sur le sable. Elle fon?a vers eux, en attrapa une moiti? et roula par terre en un seul mouvement. Quand elle se redressa sur un genou, la cr?ature ?tait d?j? en train de charger. Ceres se dit qu'elle ne pouvait pas s'enfuir et que c'?tait sa seule chance. La cr?ature lui fon?a dedans. Son poids et sa vitesse soulev?rent Ceres. Elle n'avait pas le temps de r?fl?chir, pas le temps d'avoir peur. Elle poignarda la b?te de l'extr?mit? bris?e de la lance, la frappa sans cesse ? mesure que les pattes de la b?te ? forme d'ours se refermaient sur elle. Elle ?tait d'une force redoutable, bien trop grande pour qu'on puisse esp?rer la vaincre. Ceres eut l'impression que ses c?tes allaient craquer sous une telle pression. La force de la cr?ature faisait craquer le plastron que Ceres portait. Elle sentit ses griffes lui labourer le dos et les jambes et une douleur atroce la consuma. La cr?ature avait la peau trop ?paisse. Ceres frappait sans cesse mais sentait que le bout de la lance p?n?trait ? peine la chair de la b?te qui l'attaquait de ses griffes et lui arrachait toute surface expos?e de peau. Ceres ferma les yeux. De toutes ses forces, elle invoqua sa force int?rieure sans m?me savoir si ?a allait marcher. Elle sentit monter en elle une boule de puissance. Alors, elle lan?a toute sa force dans sa lance, qu'elle enfon?a ? l'endroit o? elle esp?rait trouver le c?ur de la cr?ature. La b?te hurla et se cabra en s'?loignant d'elle. La foule rugit. Souffrant des griffures provoqu?es par la cr?ature, Ceres se d?gagea d'en-dessous d'elle et se leva faiblement. Elle regarda la b?te qui, la lance log?e dans le c?ur, se roulait par terre en poussant des g?missements qui avaient l'air bien trop faibles pour un animal aussi grand. Alors, la b?te se raidit et mourut. “Ceres ! Ceres ! Ceres !” Le Stade se r?pandit ? nouveau en acclamations. Partout o? regardait Ceres, il y avait des gens qui scandaient son nom. Les nobles et les gens ordinaires semblaient tous participer aux acclamations, se perdre en ce seul moment de sa victoire. “Ceres ! Ceres ! Ceres !” Elle se surprit ? appr?cier ces louanges. Il ?tait impossible de ne pas se sentir emport? par ce sentiment d'adoration. Il semblait ? Ceres que son corps tout entier semblait vibrer au rythme des acclamations qui l'entouraient et elle ?carta les mains comme pour les accueillir toutes enti?res. Elle tourna lentement sur elle-m?me en regardant le visage de ceux qui n'avaient m?me pas entendu parler d'elle la veille mais la traitaient maintenant comme si elle ?tait la seule personne du monde qui compte. Ceres ?tait tellement prise par ce moment que c'?tait ? peine si elle sentait encore la douleur que ses blessures lui faisaient souffrir. Maintenant, elle avait mal ? l'?paule et elle y mit la main, qui s'en retrouva mouill?e alors que son sang ?tait encore rouge vif dans la lumi?re du soleil. Ceres passa plusieurs secondes ? fixer cette tache du regard. La foule scandait encore son nom mais, soudain, le mart?lement de son c?ur dans ses oreilles lui sembla bien plus bruyant. Elle leva les yeux vers la foule et il lui fallut un moment pour se rendre compte qu'elle le faisait ? genoux. Elle ne se souvenait pas s'?tre agenouill?e. Du coin de l'?il, Ceres vit Paulo se pr?cipiter vers elle mais ?a semblait bien trop lointain, comme si ?a ne la concernait pas du tout. Le sang gouttait de ses doigts sur le sable et le noircissait l? o? il le touchait. Jamais elle n'avait ressenti un tel vertige, jamais la t?te ne lui avait tourn? aussi fort. Et la derni?re chose dont elle se rendit compte fut qu'elle tombait d?j? vers le sol de l'ar?ne, sur le ventre, et qu'elle pensait ne plus jamais pouvoir se relever. CHAPITRE DEUX Thanos ouvrit lentement les yeux, perplexe. Il sentit les vagues lui l?cher les chevilles et les poignets. En-dessous de lui, il sentait le sable blanc et granuleux des plages de Haylon. Les embruns salins lui remplissaient la bouche de temps ? autre et il avait peine ? respirer. Thanos regarda la plage de c?t?, incapable d'en faire plus. Cette observation repr?sentait d?j? un effort et il perdait et retrouvait constamment la conscience. Au loin, il lui sembla distinguer des flammes et des bruits de violence. Des cris parvinrent jusqu'? lui en m?me temps que le son du choc de l'acier contre l'acier. L'?le, se souvint-il. Haylon. Leur attaque avait commenc?. Dans ce cas, pourquoi ?tait-il allong? sur le sable ? Il fallut un moment pour que sa douleur ? l'?paule r?ponde ? cette question. Il se souvint et grima?a en se souvenant. Il se souvint du moment o? l'?p?e s'?tait enfonc?e par derri?re, en haut de son dos. Il se souvint du choc qu'il avait ressenti quand le Typhon l'avait trahi. La douleur envahit Thanos de sa br?lure, s'?tendit de sa blessure au dos comme une fleur. Chaque souffle lui faisait mal. Il essaya de soulever la t?te mais s'?vanouit. Quand Thanos se r?veilla, il ?tait encore le visage contre le sable et, s'il savait qu'il s'?tait ?coul? un peu de temps, ce n'?tait que parce que la mar?e avait mont? un peu; ? pr?sent, l'eau lui l?chait la taille au lieu des chevilles. Quand il parvint finalement ? lever suffisamment la t?te, il vit qu'il y avait d'autres corps sur la plage. Les morts semblaient couvrir le monde et s'?tendre sur les plages blanches ? perte de vue. Il vit des hommes portant l'armure de l'Empire ?tendus l? o? ils ?taient tomb?s, m?l?s aux d?fenseurs qui avaient p?ri en prot?geant leur terre. La puanteur de la mort remplissait les narines de Thanos et il se retenait tout juste de vomir. Personne n'avait encore s?par? les morts amis des morts ennemis. Cette subtilit? attendrait la fin de la bataille. Peut-?tre l'Empire laisserait-il la mar?e faire le m?nage. Thanos jeta un coup d'?il en arri?re et vit du sang dans l'eau, ainsi que des ailerons qui fendaient les vagues. Ce n'?taient pas encore de grands requins, c'?taient des charognards plut?t que des chasseurs, mais y aurait-il besoin d'un grand requin pour le d?vorer quand monterait la mar?e ? Thanos se sentit submerg? par la panique. Il essaya de remonter la plage en se tra?nant sur les bras comme pour escalader le sable. Il se propulsa vers l'avant d'? peu pr?s la moiti? de son corps et cria de douleur. L'obscurit? l'envahit ? nouveau. Quand il reprit conscience, Thanos ?tait sur le flanc et regardait des silhouettes pench?es sur lui, si proches qu'il aurait pu les toucher s'il en avait encore eu la force. Ces hommes n'avaient pas l'air d'?tre des soldats de l'Empire, ne ressemblaient pas du tout ? des soldats car Thanos avait pass? assez de temps avec des guerriers pour ?tre capable de faire la diff?rence. Ces gens-l?, un jeune homme et un homme plus ?g?, ressemblaient plus ? des fermiers, ? des hommes ordinaires qui avaient probablement fui de leur maison pour ?chapper ? la violence. Cela dit, cela ne signifiait pas qu'ils ?taient moins dangereux. Ils avaient tous deux un couteau et Thanos se mit ? se demander s'ils ?taient des charognards comme les requins. Il savait qu'il y avait toujours des gens qui attendaient la fin des batailles pour aller d?trousser les morts. “Celui-l? respire encore”, dit le premier d'entre eux. “Je vois ?a. ?gorge-le qu'on en finisse.” Thanos se crispa, pr?para son corps ? se battre alors m?me qu'il n'aurait rien pu faire ? ce moment-l?. “Regarde-le”, insista le jeune homme. “Quelqu'un l'a poignard? dans le dos.” Thanos vit l'homme plus ?g? froncer l?g?rement les sourcils en apprenant ce fait. Il contourna Thanos, sortit de son champ de vision. Thanos r?ussit ? se retenir de pousser un autre cri quand l'homme toucha l'endroit d'o? le sang s'?coulait encore de la blessure. En tant que prince de l'Empire, il ?tait hors de question qu'il donne des signes de faiblesse. “On dirait que tu as raison. Aide-moi ? le mettre l? o? les requins ne pourront pas l'atteindre. ?a devrait int?resser les autres.” Thanos vit le jeune homme hocher la t?te. Ensemble, ils r?ussirent ? le relever avec son armure. Cette fois, Thanos ne put arr?ter la douleur et poussa quand m?me un cri quand les deux hommes le mont?rent sur la plage. Ils l'abandonn?rent sur le sable sec, au-del? de l'endroit o? la mar?e avait laiss? des algues, comme du bois flottant. Ils s'?loign?rent ? la h?te mais Thanos ?tait trop pr?occup? par sa douleur pour les regarder partir. A ce moment-l?, il n'avait aucun moyen de mesurer l'?coulement du temps. Il entendait encore la bataille qui se d?roulait au loin, avec ses cris de violence et de col?re, ses cris de ralliement et ses cors de signalisation. Cela dit, une bataille pouvait durer des minutes comme des heures. Elle pouvait se terminer d?s le premier ?lan ou se poursuivre jusqu'? ce que les deux camps ne puissent plus que s'?loigner l'un de l'autre en tr?buchant. Thanos n'avait aucun moyen de savoir dans quel cas de figure il se trouvait. Finalement, un groupe d'hommes approcha. Ceux-l? ressemblaient bien ? des soldats : ils avaient cette rudesse que seuls ont les hommes qui se sont d?j? battus pour sauver leur vie. Il ?tait facile de voir lequel d'entre eux ?tait le chef. Le grand homme aux cheveux fonc?s qui se tenait ? l'avant ne portait pas l'armure savamment d?cor?e qu'un g?n?ral de l'Empire aurait port?, mais, ? mesure qu'approchait le groupe, on voyait que tout le monde le regardait en attendant ses ordres. Le nouveau venu avait probablement la trentaine et une barbe courte aussi fonc?e que le reste de ses cheveux. Bien que mince, il d?gageait quand m?me une impression de force. Il portait une courte dague ? chaque hanche et Thanos devina que ce n'?tait pas seulement pour impressionner ses soldats, ? en juger d'apr?s l'automatisme avec lequel ses mains se rapprochaient des pommeaux. Il sembla ? Thanos qu'il explorait en silence tous les recoins de la plage, cherchait les endroits susceptibles d'abriter une embuscade, toujours avec une longueur d'avance. Il croisa le regard avec Thanos et le sourire qui s'ensuivit sembla ?trangement ironique, comme si son auteur avait vu une chose qui avait ?chapp? ? tous les autres occupants du m?me monde. “Alors, c'est ?a que vous m'avez demand? de venir voir, vous deux ?” dit-il quand les deux hommes qui avaient trouv? Thanos s'avanc?rent. “Un soldat de l'Empire qui meurt dans une armure trop brillante pour lui faire du bien ?” “C'est quand m?me un noble”, dit l'homme plus ?g?. “?a se voit ? son armure.” “Et il s'est fait poignarder dans le dos”, signala le plus jeune homme. “Par ses propres hommes, semblerait-il.” “Alors, il n'est m?me pas assez bon pour la racaille qui essaie de nous prendre notre ?le ?” dit le chef. Thanos regarda l'homme se rapprocher, s'agenouiller ? c?t? de lui. Peut-?tre avait-il l'intention d'achever ce que le Typhon avait commenc?. Aucun soldat de Haylon ne pouvait aimer les hommes de son camp. “Qu'as-tu fait pour que ton propre camp essaie de te tuer ?” demanda le nouveau venu assez bas pour que seul Thanos puisse l'entendre. Thanos r?ussit ? trouver la force de secouer la t?te. “Je ne sais pas.” Il avait la voix cass?e et ?corch?e. En plus de sa blessure, ?a faisait longtemps qu'il gisait sur le sable. “Mais je ne voulais rien de tout ?a. Je ne voulais pas me battre ici.” Ses paroles lui valurent un autre de ces ?tranges sourires qui donnaient l'impression ? Thanos que cet homme riait d'un monde qui n'avait rien de risible. “Et pourtant, tu es l?”, dit le nouveau venu. “Tu ne voulais pas prendre part ? une invasion mais tu es sur nos plages au lieu d'?tre en s?curit? chez toi. Tu ne voulais pas nous infliger de violence mais l'arm?e de l'Empire br?le des maisons en ce moment. Sais-tu ce qui se passe en haut de cette plage ?” Thanos secoua la t?te. Rien que ce geste lui faisait mal. “Nous perdons”, poursuivit l'homme. “Oh, nous nous battons durement mais ?a n'a aucune importance quand on a si peu de chances de r?ussir. La bataille fait encore rage mais c'est seulement parce qu'une moiti? de mon camp est trop ent?t?e pour accepter la v?rit?. Nous n'avons pas le temps de nous laisser distraire comme ?a.” Thanos regarda le nouveau venu tirer une de ses ?p?es. Elle avait l'air cruellement aiguis?e. Si aiguis?e qu'il ne la sentirait probablement m?me pas lui plonger dans le c?ur. Cependant, au lieu de le tuer avec elle, l'autre homme s'en servit pour faire un geste. “Toi et toi”, dit-il aux hommes, “emmenez notre nouvel ami. Peut-?tre a-t-il un peu de valeur pour nos ennemis.” Il sourit. “Et s'il n'en a pas, je le tuerai moi-m?me.” La derni?re chose que ressentit Thanos, ce fut plusieurs mains fortes qui l'agrippaient sous les bras et le soulevaient violemment pour l'emporter, apr?s quoi il replongea finalement dans les t?n?bres. CHAPITRE TROIS Alors que Berin progressait sur la route de Delos, il avait le mal du pays. La seule chose qui le faisait avancer, c'?tait de penser ? sa famille, ? Ceres. Les journ?es de marche l'avaient ?reint?, la route sous ses pieds ?tait pleine d'orni?res et de cailloux mais l'id?e de retrouver sa fille suffisait ? le convaincre qu'il devait poursuivre son chemin. Ses os ne rajeunissaient pas et il sentait d?j? que son genou souffrait du voyage, douleur qui s'ajoutait ? celles qui venaient d'une vie pass?e ? marteler et ? chauffer le m?tal. Cela dit, ?a valait vraiment la peine de rentrer ? la maison, de voir sa famille. Pendant tout le temps qu'il avait pass? au loin, c'?tait tout ce qu'il avait voulu. Il pouvait se l'imaginer, maintenant. Marita serait en train de faire la cuisine ? l'arri?re de son humble demeure en bois et l'odeur s'?chapperait par la porte de devant. Sartes serait en train de jouer quelque part derri?re, Nasos serait probablement en train de le regarder m?me si son fils a?n? pr?tendrait qu'il n'en ?tait rien. Et puis il y aurait Ceres. Il aimait tous ses enfants mais, avec Ceres, il avait toujours eu plus d'affinit?s. C'?tait elle qui l'avait aid? ? la forge, elle qui lui ressemblait le plus et qui semblait le plus susceptible de lui succ?der. Le devoir avait exig? qu'il quitte Marita et les gar?ons et cela avait ?t? dur et n?cessaire pour subvenir aux besoins de sa famille. En partant, quand il avait laiss? Ceres, il avait eu l'impression de laisser une partie de lui-m?me. Maintenant, il ?tait temps de retrouver cette partie. Berin aurait voulu apporter de meilleures nouvelles. Marchant le long de la piste en gravier qui menait chez lui, il fron?ait les sourcils. Ce n'?tait pas encore l'hiver mais il viendrait bien assez vite. Il avait eu pour projet de partir chercher du travail. Les seigneurs avaient toujours besoin de forgerons car il leur fallait des armes pour leurs gardes, leurs guerres, leurs Tueries. Pourtant, il s'?tait av?r? qu'ils n'avaient pas besoin de lui. Ils avaient leurs propres hommes, plus jeunes, plus forts. M?me le roi qui avait sembl? d?sirer son travail avait finalement voulu Berin comme il avait ?t? dix ans auparavant. M?me si l'id?e lui faisait de la peine, il savait quand m?me qu'il aurait d? deviner qu'ils n'auraient que faire d'un homme dont la barbe ?tait plus grise que noire. ?a lui aurait fait encore plus de peine si ?a n'avait pas signifi? qu'il pouvait rentrer chez lui. La maison ?tait la chose qui comptait le plus pour Berin, m?me si ce n'?tait gu?re mieux qu'un carr? de murs en bois grossi?rement sci?s surmont? d'un toit de gazon. La maison, c'?tait ?tre attendu et il lui suffisait de penser ? ceux qui l'attendaient pour marcher plus vite. Cependant, quand il passa de l'autre c?t? d'une colline et revit sa maison, Berin sut que quelque chose n'allait pas. Le d?couragement l'envahit. Berin savait ? quoi ressemblait sa maison. Malgr? toute la d?solation des terres environnantes, la maison ?tait un endroit qui d?bordait de vie. Il y avait toujours du bruit chez lui, que ce soit un bruit de joie ou de disputes. De plus, en cette p?riode de l'ann?e, il y avait toujours au moins quelques cultures qui poussaient dans le lopin de terre des alentours, des l?gumes et des petits buissons de baies, des plantes r?sistantes qui produisaient toujours au moins un peu de nourriture pour eux. Ce n'?tait pas ce qu'il voyait devant lui. Berin se mit ? courir aussi vite qu'il le pouvait apr?s une si longue marche. Il ?tait rong? par l'id?e que quelque chose allait mal, avait l'impression d'avoir un de ses ?taux serr? autour du c?ur. Il atteignit la porte et l'ouvrit brusquement. Peut-?tre, se disait-il, que tout irait bien. Peut-?tre l'avaient-ils rep?r? et faisaient-ils tout pour que son arriv?e soit une surprise. Il faisait sombre ? l'int?rieur. Les fen?tres ?taient encrass?es. Et l?, il y avait quelqu'un. Marita se tenait dans la pi?ce principale. Elle remuait le contenu d'un pot qui lui semblait avoir tourn?. Quand Berin entra brusquement, elle se retourna vers lui et, quand elle le fit, Berin sut qu'il avait eu raison. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait vraiment pas. “Marita ?” commen?a-t-il. “Mon ?poux.” M?me le ton monotone dont elle le disait lui indiquait que rien n'?tait normal. Toutes les autres fois o? il ?tait retourn? de voyage, Marita l'avait pris dans ses bras d?s qu'il avait franchi la porte. Elle avait toujours sembl? pleine de vie. Maintenant, elle semblait … vide. “Qu'est-ce qui se passe ici ?” demanda Berin. “Je ne sais pas de quoi tu parles.” Une fois de plus, il y avait moins d'?motion qu'il n'aurait d? y en avoir, comme si quelque chose s'?tait bris? en son ?pouse et l'avait vid?e de toute sa joie. “Pourquoi tout ce … ce silence ?” demanda Berin. “O? sont nos enfants ?” “Ils ne sont pas ici ? l'instant”, dit Marita. Elle se remit face au pot comme si tout ?tait parfaitement normal. “O? sont-ils, alors ?” Berin n'avait aucune intention de se laisser faire. Il pouvait croire que les gar?ons ?taient all?s jouer au ruisseau le plus proche ou qu'ils avaient des commissions ? faire, mais il y avait au moins un de ses enfants qui l'aurait vu rentrer et aurait ?t? l? pour l'accueillir. “O? est Ceres ?” “?videmment”, dit Marita, et maintenant, Berin pouvait entendre son amertume. “?videmment, c'est d'elle que tu veux des nouvelles. Pas de ma propre situation. Pas de tes fils. Pas de ton fils.” Berin n'avait jamais entendu son ?pouse s'exprimer sur ce ton. Oh, il avait toujours su que Marita avait un c?t? dur, qu'elle se souciait plus d'elle-m?me que des autres mais, maintenant, on aurait dit qu'elle avait le c?ur en cendres. Alors, Marita sembla se calmer et la vitesse surprenante ? laquelle elle le fit rendit Berin soup?onneux. “Tu veux savoir ce qu'a fait ta fille ch?rie ?” dit-elle. “Elle s'est enfuie.” Berin sentit s'accro?tre son appr?hension. Il secoua la t?te. “Je n'en crois rien.” Marita poursuivit. “Elle s'est enfuie. Sans dire o? elle allait. Elle s'est content?e de nous voler ce qu'elle pouvait puis elle est partie.” “Nous n'avons pas d'argent ? voler”, dit Berin, “et Ceres ne ferait jamais ?a.” “?videmment, tu la d?fends”, dit Marita. “Pourtant, elle a pris … des choses qui se trouvaient ici, des biens. Tout ce qu'elle a cru pouvoir revendre dans la ville d'? c?t?. Je la connais, cette fille. Elle nous a abandonn?s.” Si c'?tait l? ce que pensait Marita, alors, Berin ?tait s?r qu'elle n'avait jamais vraiment connu sa fille, ni son mari, si elle s'imaginait qu'il allait croire un mensonge aussi transparent. Berin la prit par les ?paules et, m?me s'il n'avait plus la force qu'il avait eue autrefois, il ?tait encore assez fort pour que son ?pouse se sente fragile face ? lui. “Dis-moi la v?rit?, Marita ! Que s'est-il pass?, ici ?” Berin la secoua comme si, d'une fa?on ou d'une autre, cela pouvait r?animer ce qu'elle avait ?t? et faire en sorte qu'elle redevienne soudain la Marita qu'il avait ?pous?e il y avait tant d'ann?es. Pour seul r?sultat, il la vit s'?loigner de lui. “Tes gar?ons sont morts !” hurla Marita. Ses paroles, qui avaient plut?t l'air d'un grognement, remplirent le petit espace de leur maison. Elle baissa la voix. “Voil? qui s'est pass?. Nos fils sont morts.” Ses paroles frapp?rent Berin comme le coup de pied d'un cheval qui refusait qu'on le ferre. “Non”, dit-il. “C'est forc?ment un autre mensonge.” Il pensa qu'aucune des autres choses que Marita aurait pu dire n'aurait fait aussi mal. Elle lui disait forc?ment ?a rien que pour le faire souffrir. “Quand as-tu d?cid? que tu me ha?ssais ? ce point ?” demanda Berin, parce que c'?tait pour lui la seule raison pour que son ?pouse lui lance une chose aussi ignoble, se serve contre lui de l'id?e de la mort de leurs fils. Maintenant, Berin voyait des larmes dans les yeux de Marita. Quand elle avait invent? cette histoire de fuite de leur fille, elle n'avait pas pleur?. “Quand tu as d?cid? de nous abandonner”, r?pliqua s?chement son ?pouse. “Quand il a fallu que je regarde mourir Nasos !” “Juste Nasos ?” dit Berin. “Ce n'est pas assez ?” r?pondit Marita en criant. “N'aimes-tu pas tes fils ?” “Il y a un moment, tu as dit que Sartes ?tait mort lui aussi”, dit Berin. “Arr?te de me mentir, Marita !” “Sartes est mort lui aussi”, insista son ?pouse. “Des soldats sont venus le chercher. Ils l'ont emmen? pour qu'il devienne soldat de l'Empire et il n'est qu'un gar?on. Combien de temps crois-tu qu'il survivra dans ce contexte ? Non, mes deux gar?ons sont morts, pendant que Ceres …” “Quoi ?” demanda Berin d'un ton p?remptoire. Marita se contenta de secouer la t?te. “Si tu avais ?t? ici, ?a ne serait peut-?tre m?me pas arriv?.” “Tu ?tais ici, toi !” cracha Berin en tremblant de tout son corps. “C'?tait ?a qui comptait. Tu t'imagines que je voulais partir ? Tu ?tais cens?e t'occuper d'eux pendant que je nous trouvais de l'argent pour acheter ? manger.” Alors, pris par le d?sespoir, Berin sentit qu'il commen?ait ? pleurer comme il n'avait pas pleur? depuis son enfance. Son fils a?n? ?tait mort. Malgr? tous les autres mensonges produits par Marita, cette mort-ci semblait r?elle. La perte creusait en lui un gouffre qui lui semblait impossible ? combler, m?me avec le chagrin et la col?re qui montaient en lui. Il se for?a ? se concentrer sur les autres parce que cela semblait ?tre le seul moyen d'emp?cher que la douleur ne le submerge. “Des soldats sont venus chercher Sartes ?” demanda-t-il. “Des soldats de l'Empire ?” “Tu crois que je mens sur ?a ?” demanda Marita. “Je ne sais plus que croire”, r?pondit Berin. “Tu n'as m?me pas essay? de les arr?ter ?” “Ils m'ont mis un couteau ? la gorge”, dit Marita. “J'ai ?t? oblig?e de le faire.” “Tu as ?t? oblig?e de faire quoi ?” demanda Berin. Marita secoua la t?te. “Il a fallu que je le fasse venir. Ils m'auraient tu?e.” “Alors, tu as pr?f?r? le leur livrer ?” “Qu'est-ce que tu t'imagines ? Que je pouvais refuser ?” demanda s?chement Marita. “Tu n'?tais pas l?.” Et Berin s'en sentirait probablement coupable tout le restant de sa vie. Marita avait raison. Peut-?tre que, s'il avait ?t? ici, ce ne serait pas arriv?. Il ?tait parti pour que sa famille ne meure pas de faim et, pendant son absence, tout avait d?g?n?r?. Cependant, la sensation de culpabilit? ne rempla?ait ni le chagrin ni la col?re. Elle ne faisait que s'y ajouter. Elle bouillonnait en Berin. Il avait l'impression que quelque chose vivait en lui et luttait pour en sortir. “Et Ceres ?” demanda-t-il d'un ton autoritaire. Il secoua Marita une fois de plus. “Dis-moi ! Et cette fois, pas de mensonges. Qu'as-tu fait ?” Cependant, Marita se contenta de reculer une fois de plus et, cette fois, elle s'accroupit par terre et se recroquevilla sans m?me le regarder. “Trouve-le toi-m?me. C'est moi qui ai d? supporter ?a, pas toi.” Quelque part en lui-m?me, Berin voulait continuer ? la secouer jusqu'? ce qu'elle lui r?ponde, voulait la forcer ? dire la v?rit? par tous les moyens, mais il n'?tait pas ce type d'homme et il savait qu'il ne pourrait jamais l'?tre. Rien que l'id?e de l'?tre le r?pugnait. Quand il partit, il ne prit rien dans la maison. Il n'y avait rien qu'il veuille emporter. Quand il se retourna et regarda Marita, qui ?tait tellement absorb?e par sa propre amertume parce qu'elle avait abandonn? son fils et essay? de dissimuler ce qui ?tait arriv? ? leurs enfants, il eut peine ? croire qu'il avait jamais tenu ? cette maison. Berin sortit ? l'air libre et cligna des yeux pour se d?barrasser de ses derni?res larmes. Ce fut seulement au moment o? l'?clat du soleil le frappa qu'il se rendit compte qu'il n'avait aucune id?e de ce qu'il allait faire par la suite. Que pouvait-il faire ? Il ne pouvait plus aider son fils a?n?, plus maintenant, mais les autres pouvaient ?tre n'importe o?. “Aucune importance”, se dit Berin. Il sentait sa r?solution int?rieure se transformer en une chose qui ressemblait au fer qu'il travaillait. “?a ne m'arr?tera pas.” Peut-?tre un voisin avait-il vu o? ils ?taient partis. Quelqu'un savait forc?ment o? se trouvait l'arm?e et Berin savait aussi bien que quiconque qu'un homme qui fabriquait des ?p?es pouvait toujours trouver le moyen de se rapprocher d'une arm?e. En ce qui concernait Ceres … il y trouverait quelque chose. Il fallait bien qu'elle soit quelque part, parce que l'autre id?e ?tait impensable. Berin regarda la campagne qui s'?tendait autour de sa maison. Ceres ?tait quelque part et Sartes aussi. Il pronon?a ses paroles suivantes ? voix haute parce que c'?tait comme une fa?on d'en faire une promesse adress?e ? lui-m?me, au monde et ? ses enfants. “Je vous retrouverai tous les deux”, jura-t-il, “quoiqu'il m'en co?te.” CHAPITRE QUATRE Respirant avec difficult?, Sartes courait parmi les tentes de l'arm?e, un parchemin serr? dans la main. Il s'essuya la sueur des yeux. Il savait que, s'il n'arrivait pas assez t?t ? la tente de son commandant, il serait fouett?. Il se baissait rapidement et se frayait un chemin de son mieux, car il savait qu'il ne lui restait presque plus de temps. Il avait d?j? ?t? retard? bien trop souvent. Sartes avait d?j? des marques de br?lure sur les tibias ? cause des fois o? il s'?tait tromp?. A pr?sent, leurs piq?res n'?taient que quelques-unes des nombreuses qu'il avait. Il cligna des yeux, d?sesp?r?, et scruta le camp militaire en essayant de trouver la bonne direction ? prendre dans l'infini quadrillage de tentes. Il y avait des signes et des ?tendards pour indiquer la route mais il avait encore peine ? assimiler leur signification. Sartes sentit quelque chose lui accrocher le pied. Il tomba et le monde sembla se renverser pendant sa chute. L'espace d'un instant, il crut qu'il avait tr?buch? sur une corde mais, quand il leva les yeux, il vit des soldats qui riaient. Celui qui se trouvait ? leur t?te ?tait un homme plus ?g?. Ses cheveux longs comme une barbe de trois jours viraient au gris et il avait les cicatrices que lui avaient inflig?es les trop nombreuses batailles qu'il avait connues. Alors, Sartes ressentit de la peur mais aussi une sorte de r?signation; c'?tait simplement la vie ? l'arm?e pour un appel? comme lui. Il ne demanda pas ? savoir pourquoi l'autre homme avait fait ?a parce que, s'il disait quelque chose, il se ferait in?vitablement battre. Pour autant qu'il sache, il y avait de fortes chances pour que cela arrive quoi qu'il fasse. Au lieu de se r?volter, il se leva et enleva la plus grande partie de la boue de sa tunique. “Tu fais quoi, gamin ?” demanda autoritairement le soldat qui l'avait fait tomber. “J'ai une commission pour mon commandant, monsieur”, dit Sartes en soulevant un morceau de parchemin pour que l'autre homme le voie. Il esp?rait que ?a suffirait ? lui ?viter les ennuis. C'?tait rarement le cas, en d?pit des r?gles qui disaient que les ordres avaient plus d'importance que toute autre chose. Depuis qu'il ?tait arriv? ici, Sartes avait appris que l'Arm?e Imp?riale avait beaucoup de r?gles. Certaines ?taient officielles : quitter le camp sans permission, refuser de suivre les ordres ou trahir l'arm?e pouvait vous valoir la peine de mort. Si on marchait dans le mauvais sens ou qu'on faisait quelque chose sans permission, on pouvait se faire battre. Cela dit, il y avait aussi d'autres r?gles. Elles ?taient moins officielles mais pouvaient ?tre tout aussi dangereuses ? enfreindre. “De quelle commission s'agit-il ?” demanda ? savoir le soldat. A pr?sent, d'autres soldats se rassemblaient pour contempler la sc?ne. Comme l'arm?e fournissait toujours trop peu de sources de distraction, s'il y avait la perspective d'un peu d'amusement aux d?pens d'un appel?, les gens venaient y assister. Sartes fit semblant de s'excuser de son mieux. “Je ne sais pas, monsieur. On m'a seulement ordonn? de livrer ce message. Vous pouvez le lire si vous voulez.” C'?tait un risque calcul?. La plupart des soldats ordinaires ne savaient pas lire. Il esp?rait que son ton ne lui vaudrait pas de se faire gifler pour insubordination, mais il essayait aussi de ne pas montrer de peur. Ne jamais montrer de peur ?tait une des r?gles tacites. L'arm?e avait au moins autant de r?gles tacites que de r?gles officielles. C'?taient les r?gles qui disaient qui il fallait conna?tre pour avoir acc?s ? une meilleure nourriture, qui connaissait qui et de qui il fallait se m?fier ind?pendamment du grade. Conna?tre ces r?gles semblait ?tre le seul moyen de survivre. “Bon, ben, tu ferais mieux de poursuivre ta route, dans ce cas !” rugit le soldat en envoyant un coup de pied en direction de Sartes pour le faire bouger. Les autres soldats pr?sents rirent comme si c'?tait la meilleure blague qu'ils aient jamais vue. Une des principales r?gles tacites semblait ?tre qu'on pouvait tout faire aux nouveaux appel?s. Depuis qu'il ?tait arriv?, Sartes avait ?t? frapp?, gifl?, battu et pouss?. On l'avait fait courir jusqu'? ce qu'il ait l'impression qu'il allait s'effondrer, puis on l'avait fait courir encore plus. On l'avait charg? d'une telle quantit? de mat?riel qu'il avait eu l'impression de tenir tout juste debout, on l'avait forc? ? porter ce mat?riel, ? creuser des trous dans le sol sans raison apparente et ? travailler. Il avait entendu parler d'hommes du rang qui aimaient faire pire que ?a aux nouveaux appel?s. M?me s'ils mouraient, quelle importance pour l'arm?e ? Ils ?taient l? pour qu'on les jette entre les mains de l'ennemi. Tout le monde s'attendait ? ce qu'ils meurent. Sartes s'?tait attendu ? mourir d?s le premier jour. A la fin de ce jour, il avait m?me eu l'impression d'en avoir envie. Il s'?tait recroquevill? ? l'int?rieur de la tente trop mince qu'ils lui avaient attribu?e et avait frissonn? en esp?rant que le sol veuille bien l'engloutir. Aussi impossible que cela puisse para?tre, le jour suivant avait ?t? pire. Un autre nouvel appel?, dont Sartes n'avait m?me pas connu le nom, avait ?t? tu? ce jour-l?. On l'avait surpris en train d'essayer de s'enfuir et ils avaient tous d? assister ? son ex?cution, comme si c'?tait une sorte de le?on. La seule le?on que Sartes avait tir? de tout cela avait ?t? que l'arm?e ?tait incroyablement cruelle envers ceux qui ne lui cachaient pas leur peur. C'?tait ce jour-l? qu'il avait commenc? ? essayer de dissimuler sa peur, de ne pas la montrer alors qu'elle ?tait l?, en arri?re-plan, ? quasiment chaque moment d'?veil. Il fit alors un d?tour entre les tentes et changea bri?vement de direction pour passer par une des tentes du mess o?, la veille, un des cuisiniers avait eu besoin qu'il l'aide ? r?diger un message qu'il voulait envoyer chez lui. L'arm?e nourrissait tout juste ses appel?s et Sartes avait des gargouillis ? l'estomac ? l'id?e de manger, mais il ne mangea pas ce qu'il emporta avec lui quand il repartit au pas de course vers la tente de son commandant. “O? t'?tais ?” demanda l'officier. D'apr?s le ton de sa voix, se faire ralentir par d'autres soldats ne serait pas une excuse valable. Cela dit, Sartes le savait. C'?tait en partie pour cela qu'il ?tait pass? par la tente du mess. “Je suis pass? prendre ?a, monsieur”, dit Sartes en sortant la tarte aux pommes qui ?tait la pr?f?r?e de l'officier, d'apr?s ce qu'il avait entendu. “Je savais que vous n'auriez peut-?tre pas l'occasion d'aller la chercher vous-m?me.” L'officier changea imm?diatement d'attitude. “C'est tr?s gentil, appel? —” “Sartes, monsieur.” Sartes n'osa pas sourire. “Sartes. On aimerait bien avoir plus de soldats qui savent r?fl?chir. Cela dit, la prochaine fois, n'oublie pas que les ordres passent en premier.” “Oui, monsieur”, dit Sartes. “D?sirez-vous autre chose, monsieur ?” L'officier le cong?dia d'un geste de la main. “Pas maintenant, mais je retiendrai ton nom. Tu peux partir.” Quand Sartes quitta le pavillon du commandant, il se sentait beaucoup mieux que quand il y ?tait entr?. Il n'avait pas ?t? s?r que sa petite ruse suffise ? lui sauver la mise apr?s le retard provoqu? par les soldats. Cela dit, pour l'instant, il semblait qu'il ait r?ussi ? ?viter la punition et ? faire retenir son nom par un officier. Cet ?quilibre lui semblait pr?caire mais l'arm?e enti?re lui semblait l'?tre tout autant. Jusque l?, il avait surv?cu dans l'arm?e en ?tant rus? et en gardant une longueur d'avance sur les pires violences qui s'y pratiquaient. Il avait vu des gar?ons de son ?ge s'y faire tuer ou se faire battre si violemment qu'il ?tait ?vident qu'ils allaient bient?t mourir. M?me en ?tant rus?, il n'?tait pas s?r de pouvoir survivre bien longtemps. Pour un appel? comme lui, c'?tait la sorte d'endroit o? l'on ne pouvait repousser la violence et la mort que provisoirement. Sartes d?glutit en pensant ? toutes les choses qui pouvaient aller mal. Un soldat pouvait le battre trop fort. Un officier pouvait se vexer de n'importe quelle action anodine et lui infliger une punition con?ue pour d?courager les autres par sa cruaut?. On pouvait le jeter dans la bataille ? n'importe quel moment et il avait entendu dire que les appel?s ?taient envoy?s au front pour “?liminer les faibles”. M?me l'entra?nement pouvait s'av?rer mortel car l'arm?e n'avait que faire des armes contondantes et car les appel?s recevaient peu de v?ritable instruction. La plus grande peur qui se cachait derri?re toutes les autres ?tait que quelqu'un d?couvre qu'il avait essay? de rejoindre Rexus et les rebelles. A priori, ils n'avaient aucun moyen de le savoir mais la plus petite des possibilit?s suffisait ? l'emporter sur toutes les autres. Sartes avait vu le corps d'un soldat accus? d'avoir des sympathies pour les rebelles. On avait ordonn? ? sa propre unit? de le tailler en pi?ces pour prouver sa loyaut?. Sartes ne voulait pas finir comme ?a. Il suffisait qu'il y pense pour sentir son estomac se r?tr?cir jusqu'? lui faire oublier sa faim. “Toi, l? !” appela une voix et Sartes sursauta. Il ?tait impossible de ne pas se dire que quelqu'un avait peut-?tre devin? ? quoi il pensait. Il se for?a ? faire au moins semblant d'?tre calme. Sartes se retourna et vit un soldat qui portait l'armure ?labor?e avec recherche qui distinguait les sergents. Celui-ci avait les joues tellement gr?l?es qu'elles formaient presque comme un nouveau paysage. “C'est toi le messager du capitaine ?” “Je viens de lui porter un message, monsieur”, dit Sartes. Ce n'?tait pas tout ? fait un mensonge. “Dans ce cas, tu feras l'affaire pour moi. Va trouver o? sont pass?s les chariots avec mes stocks de bois. Si on t'emb?te, dis que c'est Venn qui t'envoie.” Sartes salua h?tivement. “Tout de suite, monsieur.” Il partit au pas de course effectuer sa commission mais, en chemin, il ne se concentra pas sur ce qu'il devait faire. Il prit un chemin plus d?tourn?, plus tortueux, un chemin qui lui permettrait d'espionner les abords du camp, ses goulets d'?tranglement, car cela lui permettrait de rechercher les points faibles. Parce que, mort ou vif, Sartes comptait trouver le moyen de s'?chapper ce soir. CHAPITRE CINQ Furieux, Lucious se frayait ? coup de coude un chemin au travers de la foule de nobles qui remplissait la salle du tr?ne du ch?teau. Ce qui le rendait furieux, c'?tait d'?tre oblig? de se frayer un chemin en poussant les gens alors que tous ces gens auraient d? s'?carter et lui faire la r?v?rence en lui c?dant le passage. Ce qui le rendait furieux, c'?tait aussi que Thanos soit parti r?colter toute la gloire en ?crasant les rebelles sur l'?le d'Haylon. Enfin, plus que tout, ce qui le rendait furieux, c'?tait la tournure que les choses avaient pris dans le Stade. Cette gueuse de Ceres avait une fois de plus g?ch? ses plans. Devant lui, Lucious voyait que le roi et la reine ?taient plong?s dans une conversation avec Cosmas, le vieil idiot de la biblioth?que. Lucious s'?tait imagin? qu'il ne reverrait plus le vieil ?rudit apr?s son enfance, quand on les avait tous forc?s ? apprendre des faits insens?s sur le monde et son fonctionnement. Cependant, Cosmas semblait avoir gagn? la confiance de son roi apr?s lui avoir transmis la lettre qui exposait l'authentique trahison de Ceres. Lucious continua ? se frayer un chemin ? coup de coude. Autour de lui, il entendait les nobles de la cour s'adonner ? leurs petits complots. Pas tr?s loin, il vit Stephania, sa cousine ?loign?e, rire de la plaisanterie qu'une autre fille noble parfaitement habill?e venait de faire. Stephania regarda autour d'elle et croisa le regard avec Lucious juste assez longtemps pour lui envoyer un sourire. Lucious se dit qu'elle ?tait vraiment une ?cervel?e, mais une belle ?cervel?e. Dans l'avenir, se dit-il, il trouverait peut-?tre l'occasion de passer plus de temps avec cette noble. De tout point de vue, Lucious ?tait au moins aussi impressionnant que Thanos. Cependant, pour l'instant, Lucious ?tait trop furieux de ce qui venait de lui arriver pour que m?me ces pens?es-l? l'amusent. Il avan?a ? grands pas vers le pied des tr?nes, jusqu'au bord de l'estrade sur?lev?e. “Elle est encore en vie !” l?cha-t-il en approchant du tr?ne. Il l'avait dit assez fort pour que sa voix porte dans toute la salle mais n'en avait que faire. Qu'ils entendent, se disait-il. Cosmas ?tait encore en train de parler ? voix basse au roi et ? la reine mais ?a n'avait aucune importance. Lucious se demandait ce qu'un homme qui passait son temps ? lire des parchemins pouvait bien avoir d'int?ressant ? dire. “Vous m'avez entendu ?” dit Lucious. “Cette fille est —” “Encore en vie, oui”, dit le roi en l'interrompant d'une main lev?e pour le faire taire. “Nous parlons de sujets plus importants. Nous avons perdu trace de Thanos ? la bataille contre Haylon.” Le geste du roi ne fit qu'accro?tre la col?re de Lucious, qui trouvait qu'on le traitait comme un domestique qu'il fallait calmer. Cependant, il attendit. Il ne pouvait pas se permettre de contrarier le roi. De plus, il lui fallut un moment ou deux pour assimiler ce qu'il venait d'entendre. Thanos ?tait port? disparu ? Lucious essaya de d?terminer en quoi ?a l'affectait. Cela allait-il avoir une influence sur son rang ? la cour ? Il se surprit ? regarder de nouveau Stephania, pensif. “Merci, Cosmas”, dit la reine ? ce dernier. Lucious regarda l'?rudit redescendre dans la foule des nobles attentifs. Ce n'est qu'? ce moment que le roi et la reine lui accord?rent leur attention. Lucious essaya de se tenir droit. Il ne voulait pas que les autres se rendent compte qu'il se sentait vex? par cette petite insulte. Si n'importe qui d'autre l'avait trait? de la sorte, se dit Lucious, il l'aurait d?j? tu?. “Nous savons que Ceres a surv?cu ? la derni?re Tuerie”, dit le roi Claudius. Lucious avait l'impression que ce fait semblait tout juste le contrarier et qu'il ?tait loin de br?ler de la m?me col?re que celle qui l'envahissait quand il pensait ? cette paysanne. Cela dit, pensa Lucious, ce n'?tait pas le roi qui avait ?t? vaincu par cette fille. Pas une fois mais deux ? pr?sent, puisqu'elle l'avait ?galement battu en lui jouant un mauvais tour quand il ?tait all? lui faire la le?on dans sa chambre. Lucious sentait qu'il avait toutes les raisons, tous les droits, de se sentir personnellement vis? par sa survie. “Alors, vous comprenez que ?a ne peut pas continuer”, dit Lucious. Il aurait d? utiliser un ton courtois et ?gal mais il n'y arrivait pas. “Vous devez vous occuper d'elle.” “Devez ?” dit la reine Athena. “Attention, Lucious. Nous sommes quand m?me tes souverains.” “Sauf votre respect, vos majest?s”, dit Stephania, que Lucious regarda s'avancer avec gr?ce, moul?e dans sa robe en soie, “Lucious a raison. Nous ne pouvons pas laisser vivre Ceres.” Lucious vit le roi plisser l?g?rement les yeux. “Et que proposes-tu de faire ?” demanda le roi Claudius d'un ton autoritaire. “La tra?ner sur le sable de l'ar?ne et la faire d?capiter ? C'est toi qui as sugg?r? qu'elle combatte, Stephania. Tu ne peux pas te plaindre si elle ne meurt pas assez vite ? ton go?t.” Lucious comprenait au moins ?a. Il n'y avait aucun pr?texte pour la faire mourir et le peuple semblait exiger qu'il y ait une raison pour tuer ceux qu'il aimait. Encore plus ?tonnant, ils semblaient vraiment l'aimer. Pourquoi ? Parce qu'elle savait un peu se battre ? Pour Lucious, n'importe qui pouvait en faire autant. De nombreux imb?ciles le faisaient. Si le peuple avait un minimum de bon sens, il accorderait son amour ? ceux qui le m?ritaient, ? ses souverains l?gitimes. “Je comprends que nous ne pouvons pas l'ex?cuter purement et simplement, votre majest?”, dit Stephania avec un de ces sourires innocents dont Lucious avait remarqu? sa ma?trise exemplaire. “Je suis content que tu le comprennes”, dit le roi avec une contrari?t? manifeste. “Comprends-tu aussi ce qui se passerait s'il lui arrivait un malheur maintenant ? Maintenant qu'elle s'est battue ? Maintenant qu'elle a gagn? ?” Bien s?r que Lucious comprenait. Il n'?tait pas un enfant et la politique ?tait son univers quotidien. Stephania r?suma la situation. “Cela nourrirait la r?volution, votre majest?. Le peuple de la cit? risquerait de se soulever.” “Ils ne 'risqueraient' pas, ils le feraient”, dit le roi Claudius. “Si nous avons cr?? le Stade, c'est qu'il y a une raison. Le peuple aime le go?t du sang et nous leur donnons ce qu'il recherche. Cette soif de violence peut tout aussi facilement se retourner contre nous.” L'id?e fit rire Lucious. Il avait peine ? croire que le roi pense vraiment que la populace de Delos arriverait jamais ? les balayer. Il les avait vus et ce n'?tait pas une mar?e sanguinolente. C'?tait de la racaille. Selon lui, il fallait leur faire la le?on. Si on en tuait assez et qu'on leur montrait ainsi les cons?quences de leurs actions avec assez de duret?, ils ne tarderaient pas ? rentrer dans le rang. “Quelque chose t'amuse, Lucious ?” lui demanda la reine. Lucious entendit la duret? de son ton. Le roi et la reine n'aimaient pas qu'on se moque d'eux. Cela dit, heureusement, il savait quoi r?pondre. “C'est simplement que la r?ponse ? tout cela me semble ?vidente”, dit Lucious. “Je ne demande pas que l'on fasse ex?cuter Ceres. Je dis que nous avons sous-estim? ses capacit?s de combattante. La prochaine fois, il faudra ?viter de retomber dans la m?me erreur.” “Et lui donner la possibilit? de devenir plus populaire si elle gagne ?” demanda Stephania. “Elle a gagn? l'affection du peuple par sa victoire.” La r?ponse de Stephania fit sourire Lucious. “As-tu vu comment les roturiers r?agissent dans le Stade ?” demanda-t-il. Il le comprenait, contrairement aux autres. Il vit Stephania renifler d'indignation. “J'essaie de ne pas les regarder, cousin.” “Cela dit, tu les as quand m?me entendus. Ils crient le nom de leurs favoris. Ils aboient pour qu'on leur donne du sang. Et quand leurs favoris meurent, que se passe-t-il ?” Il regarda autour de lui en s'attendant presque ? ce que quelqu'un d'autre lui r?ponde. A sa grande d?ception, personne ne le fit. Peut-?tre Stephania n'?tait-elle pas assez intelligente pour comprendre ?a. Lucious n'en avait que faire. “Ils crient le nom des nouveaux gagnants”, expliqua Lucious. “Ils les aiment tout autant que les pr?c?dents. Oh, ils crient le nom de cette fille maintenant mais, quand elle sera allong?e en sang sur le sable, ils aboieront pour qu'on la tue avec autant d'empressement que pour n'importe qui d'autre. Il suffira que nous la mettions dans une situation un peu plus difficile.” Le roi y r?fl?chit, pensif. “A quoi pensais-tu ?” “Si nous ?chouons”, dit la reine, “ils ne feront que l'aimer encore plus.” Finalement, Lucious sentit un peu de sa col?re c?der la place ? quelque chose d'autre : de la satisfaction. Il regarda en direction des portes de la salle du tr?ne, o? un de ses domestiques se tenait en attendant ses ordres. Il suffisait que Lucious claque des doigts pour que l'homme accoure car tous les domestiques de Lucious apprenaient vite qu'il valait mieux ?viter de le contrarier. “J'ai un rem?de pour ?a”, dit Lucious en faisant un geste en direction de la porte. L'homme encha?n? qui entra mesurait facilement plus de deux m?tres dix. Il avait la peau noire comme l'?b?ne et ses muscles ressortaient au-dessus du kilt court qu'il portait. Il avait la peau couverte de tatouages; l'esclavagiste qui avait vendu ce seigneur de guerre avait dit ? Lucious que chacun de ces tatouages repr?sentait un ennemi qu'il avait tu? en combat singulier, aussi bien dans l'Empire que dans les lointaines terres du sud o? on l'avait trouv?. Malgr? cela, ce qui intimidait le plus Lucious n'?tait pas la taille de l'homme ou sa force. C'?tait son regard. Il y avait dans ce regard une chose qui semblait simplement ne pas comprendre des notions comme la compassion ou la piti?, la douleur ou la peur. Il aurait facilement pu les tailler tous en pi?ces sans ?tat d'?me. Sur le torse du guerrier, l? o? des ?p?es l'avaient frapp?, il y avait des cicatrices. Lucious imaginait que, m?me ? ces moments-l?, il avait d? rester impassible. Lucious regarda avec plaisir les r?actions des autres quand ils virent le combattant s'approcher d'eux ? grands pas, encha?n? comme une b?te sauvage. Certaines des femmes pouss?rent de petits cris de peur et les hommes se sortirent h?tivement de sa route comme s'ils sentaient instinctivement ? quel point cet homme ?tait dangereux. La peur semblait faire le vide devant lui et Lucious se d?lectait de l'effet que produisait son seigneur de guerre. Il regarda Stephania reculer h?tivement d'un pas et sourit. “On l'appelle le Dernier Souffle”, dit Lucious. “Il n'a jamais perdu de combat et n'a jamais laiss? un ennemi en vie. Vous pouvez saluer”, dit-il en souriant, “le prochain et dernier adversaire de Ceres.” CHAPITRE SIX Ceres s'?veilla dans l'obscurit?. La pi?ce n'?tait allum?e que par le clair de lune qui entrait par les volets et par une seule bougie vacillante. Elle s'effor?a de reprendre conscience, de se souvenir. Elle se souvint que les griffes de la b?te l'avaient lac?r?e et ce simple souvenir sembla suffire ? r?veiller sa douleur qui, quand elle se retourna ? moiti? sur le flanc, lui ?clata dans le dos avec assez de violence et de rapidit? pour lui faire pousser un cri. La douleur ?tait d?vorante. “Oh”, dit une voix, “?a fait mal ?” Une silhouette apparut dans son champ de vision. Au premier abord, Ceres ne put pas distinguer les d?tails mais, peu ? peu, ils se firent plus clairs. Stephania se tenait l?, au-dessus de son lit, aussi p?le que les rayons du clair de lune qui l'entouraient. Elle ?tait l'image parfaite de la femme noble et innocente venue rendre visite aux malades et aux bless?s. Ceres ?tait s?re que c'?tait d?lib?r?. “Ne t'inqui?te pas”, dit Stephania. Pour Ceres, ces mots semblaient encore venir de trop loin, ne traverser le brouillard qu'avec difficult?. “Les gu?risseurs de cet endroit t'ont donn? quelque chose pour t'aider ? dormir pendant qu'ils te recousaient. Ils semblaient assez impressionn?s que tu aies surv?cu et ils voulaient t'enlever la douleur.” Ceres la vit lever une petite bouteille. Elle ?tait vert terne contre la p?leur de la main de Stephania, avait un bouchon en li?ge et le goulot qui scintillait. Ceres vit sourire la fille noble et il lui sembla que ce sourire ?tait fait de bords tranchants. “Moi, ?a ne m'impressionne pas du tout que tu aies r?ussi ? survivre”, dit Stephania. “Ce n'?tait vraiment pas l'id?e.” Ceres essaya de tendre la main vers elle. Th?oriquement, ?'aurait d? ?tre le moment de s'?chapper. Si elle avait ?t? plus forte, elle aurait pu d?passer Stephania ? toute vitesse et foncer vers la porte. Si elle avait pu trouver le moyen de faire abstraction de la confusion qui semblait lui remplir la t?te jusqu'au point de rupture, elle aurait peut-?tre pu se saisir de Stephania et la forcer ? l'aider ? s'?vader. Pourtant, on aurait dit que son corps ne lui ob?issait que lentement, ne r?pondait que longtemps apr?s qu'elle voulait qu'il le fasse. Ceres eut m?me peine ? se redresser en enveloppant les couvertures autour d'elle et rien que cet effort la submergea d'une nouvelle vague de douleur atroce. Elle vit Stephania caresser du doigt la bouteille qu'elle tenait. “Oh, ne t'inqui?te pas, Ceres. Si tu te sens aussi impuissante, c'est qu'il y a une raison. Les gu?risseurs m'ont demand? de faire en sorte que tu re?oives ta dose de leur rem?de et c'est ce que j'ai fait. Ou du moins en partie. Je t'en ai donn? assez pour que tu sois docile. Pas assez, en fait, pour que tu cesses de souffrir.” “Qu'ai-je fait pour que vous me ha?ssiez ? ce point ?” demanda Ceres, bien qu'elle connaisse d?j? la r?ponse. Elle avait ?t? proche de Thanos, qui avait rejet? Stephania. “?a compte tant pour vous, d'?pouser Thanos ?” “Tu manges tes mots, Ceres”, dit Stephania en faisant un autre de ces sourires derri?re lequel Ceres ne voyait aucune chaleur humaine. “Et je ne te hais pas. Si je te ha?ssais, cela voudrait dire que tu serais d'une fa?on ou d'une autre digne d'?tre mon ennemi. Dis-moi, t'y connais-tu en poisons ?” Ce seul mot suffit ? faire battre plus vite le c?ur de Ceres. L'anxi?t? se r?veilla en sa poitrine. “Le poison est une arme si ?l?gante”, dit Stephania comme si Ceres n'?tait m?me pas l?. “Bien plus ?l?gante que les couteaux ou les lances. Tu t'imagines ?tre forte parce que tu as l'occasion de t'amuser avec des ?p?es avec tous les vrais seigneurs de guerre ? Pourtant, j'aurais pu tr?s facilement t'empoisonner pendant ton sommeil. J'aurais pu ajouter quelque chose ? ton somnif?re. J'aurais simplement pu t'en donner trop et tu ne te serais jamais r?veill?e.” “Les gens l'auraient su”, r?ussit ? r?pondre Ceres. Stephania haussa les ?paules. “Est-ce que ?a les aurait int?ress?s ? De toute fa?on, ?'aurait ?t? un accident. Cette pauvre Stephania aurait essay? de se rendre utile mais, comme elle ne savait pas vraiment ce qu'elle faisait, elle aurait donn? une trop grande quantit? de rem?de ? notre tout nouveau seigneur de guerre.” Elle mit la main ? la bouche pour mimer la surprise. C'?tait une parfaite imitation d'une personne boulevers?e par son remords, jusqu'? la larme qui semblait lui ?tinceler au coin de l’?il. Quand elle reprit la parole, elle sembla diff?rente ? Ceres. Elle avait la voix pleine de regret et d'incr?dulit?. On pouvait m?me y entendre un petit tressaillement, comme si elle s'effor?ait de retenir un sanglot. “Oh non ! Qu'ai-je fait ? Je ne l'ai pas fait expr?s. Je pensais … je pensais avoir tout fait exactement comme on me l'avait montr? !” Alors, elle rit et, ? ce moment, Ceres vit qui elle ?tait vraiment. Elle vit au-del? du r?le que Stephania jouait tout le temps avec soin. Comment ?tait-il possible que personne ne le remarque ? se demanda Ceres. Comment pouvait-on ne pas voir ce qui se trouvait derri?re ces beaux sourires et ce rire d?licat ? “Ils me prennent tous pour une idiote, tu sais”, dit Stephania. Elle se tenait plus droite maintenant et semblait bien plus dangereuse que jamais ? Ceres. “Je fais beaucoup d'efforts pour qu'ils me prennent pour une idiote. Oh, n'aie pas l'air aussi inqui?te, je ne vais pas t'empoisonner.” “Pourquoi ?” demanda Ceres. Elle savait qu'il y avait forc?ment une raison. Elle vit l'expression de Stephania durcir dans la lumi?re de la bougie et la vit froncer les sourcils en plissant la peau habituellement lisse de son front. “Parce que ce serait trop facile”, dit Stephania. “Vu la fa?on dont vous m'avez humili?e, toi et Thanos, je pr?f?rerais te voir souffrir. Vous le m?ritez tous les deux.” “Vous ne pouvez rien me faire d'autre”, dit Ceres, bien qu'? ce moment elle ait l'impression inverse. Stephania aurait pu avancer jusqu'au lit et lui faire mal de centaines de fa?ons diff?rentes, et Ceres savait qu'elle n'aurait rien pu faire pour l'en emp?cher. Ceres savait que cette noble ne savait pas du tout se battre mais que, en ces circonstances, elle aurait pu vaincre Ceres sans difficult?. “Bien s?r que si”, dit Stephania. “Dans notre monde, il existe des armes encore plus efficaces que le poison. Les bonnes paroles, par exemple. Voyons voir. Laquelle fera le plus de mal ? Ton Rexus ador? est mort, bien s?r. Commen?ons par ?a.” Ceres essaya de ne pas laisser para?tre sur son visage le choc qu'elle ressentait. Elle essaya de r?primer son chagrin pour que la fille noble ne le voie pas. Cependant, en apercevant l'air satisfait de Stephania, elle comprit qu'elle avait d? se trahir ne serait-ce qu'un peu. “Il est mort en se battant pour toi”, dit Stephania. “Je me suis dit que tu voudrais le savoir. ?a rend l'histoire tellement plus … romantique.” “Vous mentez”, insista Ceres, mais, quelque part en son for int?rieur, elle savait que Stephania disait la v?rit?. Elle ne dirait une chose de ce genre que si c'?tait une v?rit? que Ceres pourrait v?rifier, une chose qui lui ferait mal et continuerait ? lui faire mal quand elle en d?couvrirait la r?alit?. “Je n'ai pas besoin de mentir, surtout quand la v?rit? est tellement meilleure que le mensonge”, dit Stephania. “Thanos est mort, lui aussi. Il a p?ri dans la bataille de Haylon, l?-bas sur les plages.” Une nouvelle vague de chagrin frappa Ceres, l'engloutit et mena?a de lui retirer toute conscience d'elle-m?me. Avant que Thanos ne parte, elle s'?tait disput?e avec lui sur la mort de son fr?re et sur ce qu'il pr?voyait de faire, c'est-?-dire combattre la r?bellion. Elle n'avait pas imagin? que ce seraient les derniers mots qu'elle lui dirait. Si elle avait laiss? un message ? Cosmas, c'?tait pr?cis?ment pour que ces mots ne soient pas les derniers. “Ce n'est pas fini”, dit Stephania. “Ton jeune fr?re ? Sartes ? Il a ?t? enr?l? dans l'arm?e. J'ai fait le n?cessaire pour que les gestionnaires de la conscription ne le passent pas pour la simple raison qu'il ?tait le fr?re du gardien d'armes de Thanos.” Cette fois, Ceres essaya bien de se jeter sur elle. La col?re qui la remplissait lui donnait la force de se jeter sur la fille noble. Cependant, elle ?tait si faible qu'elle n'avait aucune chance de r?ussir. Elle sentit ses jambes s'emm?ler dans les draps et l'envoyer par terre, aux pieds de Stephania. “A ton avis, combien de temps ton fr?re survivra-t-il ? l'arm?e ?” demanda Stephania. Ceres vit son expression se transformer en une sorte de caricature de piti?. “Le pauvre gar?on. Ils sont si cruels avec les appel?s, qui, apr?s tout, sont pratiquement tous des tra?tres.” “Pourquoi ?” r?ussit ? demander Ceres. Stephania ouvrit les mains. “Tu m'as pris Thanos et c'?tait tout ce que j'avais pr?vu comme avenir. Maintenant, je vais tout te prendre.” “Je vous tuerai”, promit Ceres. Stephania rit. “Tu n'as pas la moindre chance. Ceci” — elle tendit la main vers le bas et toucha le dos ? Ceres, qui fut oblig?e de se mordre la l?vre pour s'emp?cher de crier — “n'est rien. Ce petit combat dans le Stade n'?tait rien. Les pires combats que tu puisses imaginer t’assailliront sans rel?che jusqu'? ce que tu meures.” “Vous croyez que personne ne le remarquera ?” dit Ceres. “Vous croyez que personne ne devinera ce que vous faites ? Vous m'avez emprisonn?e ici parce que vous pensiez que le peuple allait se soulever. Que fera-t-il s'il pense que vous le dupez ?” Elle vit Stephania secouer la t?te. “Le peuple voit ce qu'il veut bien voir. En toi, on dirait qu'ils veulent voir leur princesse seigneur de guerre, la fille qui sait se battre aussi bien qu'un homme. Ils le croiront et ils t'aimeront jusqu'au jour o? tu deviendras la ris?e de l'ar?ne. Ils te regarderont te faire tailler en pi?ces mais, avant que ?a n'arrive, ils applaudiront.” Ceres ne put que regarder Stephania se diriger vers la porte. La fille noble s'arr?ta, se retourna vers elle et, l'espace d'un instant, elle eut l'air aussi douce et innocente que d'habitude. “Oh, j'oubliais. J'ai essay? de te donner ton rem?de mais je ne pensais pas que tu le ferais tomber de ma main avant que je puisse t'en donner assez.” Elle sortit la fiole qu'elle avait avant et, quand Stephania la laissa tomber par terre, Ceres la regarda. Elle se brisa. Les ?clats de verre se r?pandirent sur le sol de la chambre de Ceres. Quand Ceres essaierait de remonter dans son lit, cela serait ? la fois douloureux et dangereux pour elle. Ceres ?tait s?re que telle avait ?t? l'intention de Stephania. Elle vit la fille noble tendre la main vers la bougie qui ?clairait la chambre et, un bref instant, juste avant qu'elle ne l'?teigne, le doux sourire de Stephania disparut une fois de plus et laissa place ? quelque chose de cruel. “Je viendrai danser ? tes fun?railles, Ceres. Je te le promets.” CHAPITRE SEPT “Je persiste ? dire que nous devrions l'?ventrer et jeter son corps dehors pour que les autres soldats de l'Empire le trouvent.” “C'est parce que tu es un idiot, Nico. M?me s'ils remarquaient un corps de plus au milieu de tout le reste, qui te dit qu'ils s'en soucieraient ? Et ? ce moment, il faudrait qu'on s'emb?te ? l'emmener ? un endroit o? ils le verraient. Non. Nous devrions exiger une ran?on.” Thanos ?tait assis dans la grotte o? les rebelles s'?taient r?fugi?s pour le moment et les ?coutait discuter de son destin. Il avait les mains attach?es devant lui mais, au moins, ils avaient fait de leur mieux pour soigner et panser ses blessures et ils l'avaient laiss? devant un petit feu pour qu'il se r?chauffe pendant qu'ils d?cidaient s'ils allaient ou pas le tuer de sang froid. Les rebelles ?taient assis ? d'autres feux, regroup?s autour, et ils parlaient de qu'ils pourraient faire pour emp?cher que l'?le ne tombe aux mains de l'Empire. Ils parlaient doucement pour que Thanos ne puisse pas entendre les d?tails mais il savait d?j? le principal : ils perdaient la bataille et subissaient de grandes pertes. Ils ?taient dans les grottes parce que c'?tait le seul endroit o? aller. Au bout d'un moment, celui qui semblait ?tre leur chef vint s'asseoir en face de Thanos et croisa les jambes sur le sol en pierre dure de la grotte. Il poussa en avant un morceau de pain, que Thanos d?vora, affam?. Il ne se souvenait pas de quand datait son dernier repas. “Je m'appelle Akila”, dit l'autre homme. “Je suis le chef de cette r?bellion.” “Thanos.” “Rien que Thanos ?” Thanos entendit sa curiosit? et son impatience. Il se demanda si l'autre homme avait devin? qui il ?tait. De toute fa?on, en ces circonstances, la franchise semblait ?tre le meilleur choix. “Prince Thanos”, admit-il. Akila resta assis en face de lui pendant plusieurs secondes et Thanos se prit ? se demander s'il allait mourir ? ce moment. Il avait fr?l? la mort d'assez pr?s quand les rebelles avaient cru qu'il n'?tait qu'un noble sans nom. Maintenant qu'ils savaient qu'il faisait partie de la famille royale, qu'il ?tait proche du roi qui les avait tant opprim?s, il semblait impossible qu'ils fassent autre chose que le tuer. “Un prince”, dit Akila. Il regarda les autres autour de lui et Thanos vit l'?clair d'un sourire sur son visage. “H?, les gars, on a un prince, ici.” “Dans ce cas, il faut absolument exiger une ran?on !” cria un des rebelles. “Il doit valoir une fortune !” “On devrait absolument le tuer”, r?pondit s?chement un autre. “N'oubliez pas tout ce que ses semblables nous ont fait !” “D'accord, calmez-vous”, dit Akila. “Concentrez-vous sur le combat qui vient. La nuit va ?tre longue.” Thanos entendit l'autre homme pousser un l?ger soupir quand les hommes repartirent s'asseoir devant leurs feux. “?a va mal, alors ?” dit Thanos. “Tu as dit que ton camp perdait.” Akila lui lan?a un regard s?v?re. “Je sais quand me taire. Tu devrais peut-?tre en faire autant.” “De toute fa?on, vous vous demandez si vous allez me tuer”, fit remarquer Thanos. “J'imagine que je n'ai pas grand chose ? perdre.” Thanos attendit. Ce n'?tait pas le type d'homme qu'on pouvait forcer ? r?pondre. Il avait un c?t? coriace, franchement rigide. Thanos se dit qu'il aurait pu l'appr?cier s'ils s'?taient rencontr?s sous de meilleurs auspices. “D'accord”, dit Akila. “C'est vrai, nous sommes en train de perdre. Vous, les Imp?riaux, vous avez plus d'hommes que nous et vous ne vous souciez pas des dommages que vous provoquez. La cit? est assi?g?e par terre et par mer pour que personne ne puisse s'enfuir. Nous nous battrons ? partir des collines mais, comme vous pouvez vous r?approvisionner par la voie maritime, nous ne pouvons pas faire grand chose. Draco a beau ?tre un boucher, c'est un boucher intelligent.” Thanos hocha la t?te. “Effectivement.” “Et bien s?r, tu ?tais probablement pr?sent quand il a tout planifi?”, dit Akila. Maintenant, Thanos comprenait. “C'est ?a que tu esp?res ? Que je connaisse tous leurs plans ?” Il secoua la t?te. “Je n'?tais pas pr?sent quand ils les ont faits. Je ne voulais pas ?tre ici et je ne suis venu que parce qu'ils m'ont escort? jusqu'au navire sous bonne garde. Peut-?tre que si j'avais ?t? pr?sent, j'aurais entendu qu'ils pr?voyaient de me poignarder dans le dos.” Il repensa alors ? Ceres, qu'il avait ?t? oblig? d'abandonner. ?a le faisait souffrir plus que tout le reste. Si une personne haut plac?e essayait de le faire assassiner, qu'allaient-ils faire ? Ceres, se demanda-t-il ? “Tu as des ennemis”, conc?da Akila. Thanos le vit serrer et desserrer une main, comme si la longue bataille pour la cit? avait commenc? ? lui donner des crampes. “Nous avons les m?mes ennemis. Cela dit, je ne suis pas s?r que tu sois mon ami pour autant.” Thanos regarda ostensiblement le reste de la grotte et la quantit? incroyablement r?duite de soldats qu'il restait ? cet endroit. “Pour l'instant, on dirait que tu ne peux pas faire le difficile en mati?re d'amis.” “Tu es quand m?me un noble. Tu as quand m?me obtenu ton rang en ?crasant les gens ordinaires”, dit Akila. Il poussa un autre soupir. “On dirait que, si je te tue, je fais ce que d?sirent Draco et ses chefs mais que, comme tu me l'as fait comprendre, tu ne me rapporteras rien en tant qu'otage. J'ai une victoire ? remporter et je n'ai pas le temps de garder des prisonniers s'ils ne savent rien. Donc, que vais-je faire de toi, Prince Thanos ?” Thanos eut l'impression qu'il ?tait s?rieux, qu'il voulait vraiment trouver une meilleure solution. Thanos r?fl?chit rapidement. “Je pense que le meilleur choix serait que tu me laisses partir”, dit-il. Sa r?ponse fit rire Akila. “Bien tent?. Si c'est l? ta meilleure suggestion, ne bouge pas. J'essaierai de te faire souffrir le moins possible.” Thanos vit sa main se diriger vers une de ses ?p?es. “Je suis s?rieux”, dit Thanos. “Je ne peux pas t'aider ? gagner la bataille pour cette ?le si je suis ici.” Il vit qu'Akila, incr?dule, ?tait certain que c'?tait forc?ment un pi?ge. Thanos poursuivit rapidement son explication, sachant qu'il lui faudrait convaincre cet homme qu'il voulait aider la r?bellion s'il voulait survivre aux minutes qui venaient. “Tu as dit toi-m?me que la flotte de l'Empire qui soutenait l'assaut ?tait un des gros probl?mes”, dit Thanos. “Je sais qu'ils ont laiss? du ravitaillement sur les navires parce qu'ils ?taient extr?mement impatients de passer ? l'attaque. Donc, on prend les navires.” Akila se leva. “Vous avez entendu ?a, les gars ? Ce prince a un plan pour d?rober ses navires ? l'Empire.” Thanos vit les rebelles commencer ? se rassembler. “A quoi bon ?” demanda Akila. “Si on prend leurs navires, que fait-on apr?s ?” Thanos expliqua de son mieux. “Au minimum, ?a donnera la possibilit? ? certains habitants de la cit? de s'?chapper, ainsi qu'? d'autres de tes soldats. Cela privera ?galement l'Empire de son ravitaillement et il ne pourra pas continuer ? se battre bien longtemps. Et puis il y a les balistes.” “C'est quoi ?” demanda un des rebelles. Il ne ressemblait pas ? un soldat de carri?re. Pour Thanos, tr?s peu y ressemblaient, dans cette grotte. “Des arbal?tes”, expliqua Thanos. “Des armes con?ues pour endommager d'autres navires, mais si on les retournait contre les soldats qui sont pr?s de la c?te …” Au moins, Akila avait l'air de prendre les possibilit?s en consid?ration. “?a pourrait ?tre int?ressant”, admit-il. “Et nous pourrions mettre le feu ? tous les navires que nous ne pourrions pas utiliser. Dans le pire des cas, Draco retirerait ses hommes pour essayer de r?cup?rer ses navires. Cependant, en premier lieu, comment allons-nous nous accaparer ces navires, Prince Thanos ? Je sais que, l? d'o? tu viens, si un prince demande une chose, il l'obtient, mais ?a m'?tonnerait que ?a s'applique ? la flotte de Draco.” Thanos se for?a ? sourire pour afficher une confiance qu'il n'avait pas. “C'est presque exactement ce que nous allons faire.” Une fois de plus, Thanos eut l'impression qu'Akila analysait la situation plus vite que ne le pouvaient ses hommes. Le chef rebelle sourit. “Tu es fou”, dit Akila. Thanos n'aurait su dire si c'?tait une insulte ou un compliment. “Il y a assez de morts sur les plages”, expliqua Thanos pour que les autres comprennent. “Nous allons prendre leurs armures et nous diriger vers les navires. Si j'y suis, nous passerons pour une compagnie de soldats qui rentre de la bataille pour venir chercher du ravitaillement.” “Qu'en pensez-vous, les gars ?” demanda Akila. Dans la lumi?re du feu qui vacillait ? l'int?rieur de la grotte, Thanos ne pouvait pas distinguer les hommes qui parlaient. Leurs questions semblaient plut?t ?merger de l'obscurit? et il ne voyait pas qui ?tait d'accord avec lui, qui doutait de lui et qui voulait qu'il meure. Cela dit, ce n'?tait pas pire que la politique telle qu'il la connaissait au ch?teau. De plusieurs fa?ons, c'?tait mieux car, ici, au moins, personne ne lui souriait tout en complotant pour l'assassiner. “Et les gardes sur les navires ?” demanda un des rebelles. “Il y en aura peu”, dit Thanos. “Et ils savent qui je suis.” “Et tous ceux qui vont mourir dans la cit? pendant que nous faisons ?a ?” cria un autre. “Ils sont d?j? en train de mourir”, insista Thanos. “Au moins, comme ?a, vous aurez les moyens de vous d?fendre. Si vous faites ?a bien, nous aurons les moyens de sauver des centaines de gens, sinon des milliers.” Le silence se fit et la derni?re question en ?mergea comme une fl?che. “Comment pourrions-nous lui faire confiance, Akila ? Ce n'est pas seulement l'un d'eux, c'est un noble. Un prince.” Thanos tourna le dos dans la direction d'o? venait la voix et montra son dos pour que tout le monde le voie. “Ils m'ont poignard? dans le dos. Ils m'ont laiss? mourir. J'ai autant de raisons de les ha?r que tous les hommes pr?sents ici.” A ce moment, Thanos ne pensait pas qu'au Typhon. Il pensait ? tout ce que sa famille avait fait au peuple de Delos et ? tout ce qu'elle avait fait ? Ceres. S'ils ne l'avaient pas oblig? ? aller ? la Place de la Fontaine, il ne s'y serait jamais trouv? quand le fr?re de Ceres avait p?ri. “On peut rester ici”, dit Thanos, “ou on peut agir. Oui, ?a sera dangereux. S'ils comprennent qui nous sommes, nous mourrons probablement. J'accepte de prendre le risque. Et vous ?” Quand personne ne r?pondit, Thanos leva la voix. “Et vous ?” Les hommes lui r?pondirent par une acclamation. Akila se rapprocha de lui et lui donna une claque sur l'?paule. “D'accord, Prince, on dirait qu'on va suivre ton plan. Si tu r?ussis, tu auras un ami pour la vie.” Il se mit ? serrer l'?paule ? Thanos jusqu'? ce que ce dernier sente la douleur lui traverser le dos. “Cela dit, si tu nous trahis, si tu fais tuer mes hommes, je jure que tu n'?chapperas jamais ? ma vengeance.” CHAPITRE HUIT Il y avait des parties de Delos o?, normalement, Berin n'allait jamais. C'?taient des parties de la ville qui empestaient la sueur et le d?sespoir, o? les gens faisaient tout leur possible pour survivre. Il repoussa d'un geste de la main ce que des gens lui proposaient dans le noir, regarda durement les citoyens de ce lieu pour qu'ils restent ? distance. S'ils avaient su qu'il portait de l'or, Berin savait qu'il se serait fait trancher la gorge et que le contenu de la bourse qu'il portait sous la tunique aurait ?t? r?parti entre plusieurs voleurs et d?pens? dans les tavernes et les cercles de jeu locaux avant la fin de la journ?e. C'?tait ce type d'endroit qu'il recherchait maintenant parce que c'?tait le seul o? trouver des soldats en permission. En tant que forgeron, Berin connaissait les hommes de guerre et savait o? ils se rendaient. Il avait de l'or parce qu'il avait rendu visite ? un marchand en lui emmenant deux poignards qu'il avait forg?s pour les montrer ? des employeurs potentiels. C'?taient de belles armes, dignes d'?tre port?es ? la ceinture de tous les nobles. D?cor?es d'un filigrane en or, elles avaient des sc?nes de chasse grav?es sur la lame. C'?taient les derniers objets de valeur qui lui restaient au monde. Il avait fait la queue devant le bureau du marchand avec une dizaine d'autres personnes et n'avait pas obtenu la moiti? de leur valeur r?elle. Pour Berin, cela n'avait pas d'importance. Tout ce qui comptait, c'?tait retrouver ses enfants et, pour ?a, il fallait de l'or, de l'or qu'il pourrait utiliser pour acheter de la bi?re aux personnes ad?quates, de l'or qu'il pourrait mettre dans les bonnes mains. Il passait d'une taverne de Delos ? l'autre et cela prenait du temps. Il ne pouvait pas se contenter d'aller poser les questions qu'il voulait poser. Il fallait qu'il soit prudent. Heureusement, il avait quelques amis dans la cit? et quelques autres dans l'arm?e de l'Empire. Ses ?p?es avaient sauv? la vie ? de nombreux hommes au cours des ann?es. Il trouva l'homme qu'il cherchait ? moiti? ivre au milieu de l'apr?s-midi. Assis dans une taverne, il puait tellement fort qu'il faisait le vide tout autour de lui. Berin se dit que c'?tait seulement l'uniforme de l'arm?e de l'Empire qui emp?chait les propri?taires de le jeter dans la rue face contre terre. De plus, Jacare ?tait tellement gros qu'il aurait fallu la moiti? des clients de l'auberge pour le soulever. Berin vit le gros homme lever les yeux quand il approcha. “Berin ? Mon vieil ami ! Viens boire un coup avec moi ! Il faudra que tu payes, cela dit. Ces temps-ci, je suis un peu …” “Gros ? Ivre ?” devina Berin. Il savait que Jacare ne lui en voudrait pas d'?tre franc. Ce soldat semblait faire tout son possible pour ?tre le pire exemple de l'Arm?e Imp?riale. Il semblait m?me y trouver une sorte de fiert? perverse. “… dans le besoin”, termina Jacare. “Je peux peut-?tre t'aider”, dit Berin. Il commanda ? boire mais n'y toucha pas. Il fallait qu'il garde la t?te claire pour retrouver Ceres et Sartes. Au lieu de boire, il attendit que Jacare descende ses bi?res avec un bruit qui rappela ? Berin celui d'un ?ne qui buvait dans un abreuvoir. “Alors, qu'est-ce qui me vaut l'honneur de la pr?sence d'un homme comme toi ?” demanda Jacare au bout d'un moment. “Je recherche des informations”, dit Berin. “Le type d'informations qu'un homme dans ta situation a peut-?tre entendues.” “Ah, d'accord. Des informations. ?a donne soif, les informations. Et ?a peut co?ter cher.” “Je recherche mon fils et ma fille”, expliqua Berin qui savait que, aupr?s de quelqu'un d'autre, cet aveu aurait pu lui gagner quelque sympathie mais que, aupr?s d'un homme de ce style, l'effet serait limit?. “Ton fils ? Nesos, pas vrai ?” Berin se pencha au travers de la table et saisit Jacare au-dessus du poignet pour l'emp?cher d'entamer une autre boisson. Il ne lui restait pas grand chose de la force qu'il avait acquise en maniant des marteaux de forge, mais il en restait quand m?me assez pour faire grimacer Jacare. Bien, se dit Berin. “Sartes”, dit Berin. “Mon a?n? est mort. Sartes a ?t? enr?l? par l'arm?e. Je sais que tu entends parler de certaines choses. Je veux savoir o? il est et je veux savoir o? est Ceres, ma fille.” Jacare se mit ? l'aise et Berin le laissa faire. De toute fa?on, il n'?tait pas s?r qu'il aurait pu retenir Jacare bien plus longtemps. “C'est une sorte de chose que j'ai peut-?tre entendue”, admit le soldat, “mais ce genre de chose n'est pas facile. J'ai des frais.” Berin sortit la petite bourse d'or. Il en d?versa le contenu sur la table, juste assez loin de Jacare pour qu'il ne puisse pas s'en saisir facilement. “Est-ce que ?a suffira ? couvrir tes ‘frais’ ?” demanda Berin en jetant un coup d'?il ? la coupe de Jacare. Il vit l'autre homme compter l'or, probablement en se demandant s'il pourrait en gagner d'autre. “Ta fille, c'est facile”, dit Jacare. “Elle est au ch?teau avec les nobles. Ils ont annonc? qu'elle allait ?pouser le Prince Thanos.” Berin osa pousser un soupir de soulagement, m?me s'il ne savait pas vraiment que penser. Thanos ?tait un des rares membres de la famille royale ? avoir conserv? un minimum de d?cence, mais de l? ? l'?pouser ? “Pour ton fils, c'est plus dur. Voyons. J'ai entendu dire que quelques recruteurs de la Vingt-Troisi?me ?cumaient la ville dans ton quartier, mais je ne suis pas s?r que ce soit eux. Si c'est eux, ils campent un peu vers le sud en essayant de former les appel?s au combat contre les rebelles.” A cette id?e, Berin sentit la bile lui remonter dans la bouche. Il savait comment l'arm?e traiterait Sartes et ce que la notion d' “entra?nement” impliquerait. Il fallait qu'il le sorte de l?. Cela dit, Ceres ?tait la plus proche et, en v?rit?, il ressentait le besoin de voir sa fille au moins une fois avant de partir ? la recherche de Sartes. Il se leva. “Tu finis pas ta boisson ?” demanda Jacare. Berin ne r?pondit pas. Il allait au ch?teau. *** Pour Berin, entrer au ch?teau ?tait plus facile que pour presque n'importe qui d'autre. M?me s'il n'y ?tait pas all? depuis longtemps, c'?tait quand m?me lui qui ?tait venu discuter des besoins en armes des seigneurs de guerre ou emmener des armes sp?ciales destin?es aux nobles. Il ?tait assez simple de faire semblant d'?tre de retour aux affaires, de passer droit devant les gardes des portes ext?rieures et d'entrer dans l'espace o? se pr?paraient les combattants. L'?tape suivante ?tait de se rendre l? o? se trouvait sa fille, o? que ce soit. Il y avait un portail ferm? entre l'espace cintr? o? les guerriers s'entra?naient et le reste du ch?teau. Berin dut attendre qu'on lui ouvre de l'autre c?t?. Il poussa le domestique qui lui ouvrit pour faire semblant d’avoir quelque chose d'important ? faire ailleurs dans le b?timent. Il avait bien quelque chose d'important ? y faire mais pas la sorte de chose que comprendraient la plupart des gens. “H?, toi ! O? tu crois aller ?” Berin se figea sur place en entendant la duret? du ton. Avant m?me de se retourner, il savait qu'il y avait forc?ment un garde ? cet endroit et qu'il n'avait pas d'excuse susceptible de le satisfaire. A pr?sent, le mieux qu'il puisse esp?rer ?tait qu'on l'expulse du ch?teau avant qu'il ait pu entrapercevoir sa fille. Dans le pire des cas, il finirait dans le cachot du ch?teau ou peut-?tre qu'on l’emm?nerait se faire ex?cuter l? o? personne ne le saurait jamais. Il se retourna et vit deux gardes qui avaient d? ?tre soldats de l'Empire un certain temps. Ils avaient autant de gris dans les cheveux que Berin et l'air burin? des hommes qui ont pass? trop de temps ? se battre au soleil pendant trop d'ann?es. Le premier faisait une bonne t?te de plus que Berin mais ?tait l?g?rement vo?t? au-dessus de la lance sur laquelle il s'appuyait. L'autre avait une barbe qu'il avait huil?e et lustr?e jusqu'? ce qu'elle ait l'air presque aussi aiguis?e que l'arme qu'il tenait. Quand Berin les vit, il se sentit soulag? car il les connaissait tous les deux. “Varo, Caxus ?” dit Berin. “C'est moi, Berin.” L'atmosph?re resta tendue un moment et Berin esp?ra que les deux hommes allaient se souvenir de lui. Soudain, les gardes rirent. “En effet”, dit Varo en se redressant un instant au-dessus de sa lance. “On ne t'a pas vu depuis … ?a fait combien de temps, Caxus ?” L'autre r?fl?chit en se caressant la barbe. “?a fait des mois qu'il n'est pas venu ici. On n'a pas vraiment discut? depuis qu'il m'a livr? ces bracelets l'?t? dernier.” “J'?tais en voyage”, expliqua Berin. Il ne dit pas o?. M?me si les gens ne payaient pas bien cher leurs forgerons, Berin pensait qu'ils risquaient de mal appr?cier qu'il soit parti chercher du travail ailleurs. En g?n?ral, les soldats n'aiment pas que leurs ennemis acqui?rent de bonnes ?p?es. “Les temps ont ?t? durs.” “Les temps ont ?t? durs partout”, approuva Caxus. Berin le vit froncer l?g?rement les sourcils. “?a n'explique quand m?me pas ce que tu fais dans le grand ch?teau.” “Tu ne devrais pas ?tre ici, forgeron, et tu le sais”, approuva Varo. “C'est pour quoi ?” demanda Caxus. “Une r?paration urgente de l'?p?e pr?f?r?e d'un jeune noble ? Je pense qu'on serait au courant si Lucious avait cass? une ?p?e. Il aurait probablement fouett? ses domestiques jusqu'au sang.” Berin comprit qu'il n'allait pas s'en tirer avec un mensonge de ce type. Il pr?f?ra essayer une chose susceptible de marcher : la franchise. “Je suis venu voir ma fille.” Il entendit Varo aspirer l'air entre ses dents. “Ah. ?a pose probl?me, ?a.” Caxus hocha la t?te. “Je l'ai vue se battre dans le Stade l'autre jour. Coriace, la fille. Elle a tu? un ours ? pointes et un seigneur de guerre. Et ?a n'?tait pas facile.” Berin sentit son c?ur se serrer dans sa poitrine en entendant cela. Ils faisaient combattre Ceres dans l'ar?ne ? M?me s'il savait que ?'avait ?t? son r?ve de se battre dans l'ar?ne, cette nouvelle ne semblait pas indiquer qu'elle avait obtenu ce qu'elle d?sirait. Non, c'?tait quelque chose d'autre. “Il faut que je la voie”, insista Berin. Varo pencha la t?te d'un c?t?. “Comme j'ai dit, ?a pose probl?me. Personne ne peut la voir, maintenant. Ce sont les ordres de la reine.” “Mais je suis son p?re”, dit Berin. Caxus ouvrit les mains. “On n'y peut pas grand chose.” Berin r?fl?chit rapidement. “Vous n'y pouvez pas grand chose ? Est-ce ?a que j'ai dit quand ta lance avait besoin de changer de manche avant que ton capitaine ne s'aper?oive que tu l'avais cass?e en deux ?” “On avait dit qu'on n'en parlerait pas”, dit le garde d'un air inquiet. “Et toi, Varo ?” poursuivit Berin en insistant avant que l'autre puisse d?cider de le faire expulser. “Ai-je dit que ?a allait 'poser un probl?me' quand tu as voulu une ?p?e qui t'aille vraiment en main au lieu du mod?le de l'arm?e ?” “Eh bien …” Berin ne s'arr?ta pas. Ce qui comptait, c'?tait d'?carter leurs objections. Non. Ce qui comptait le plus, c'?tait qu'il voie sa fille. “Combien de fois mon travail vous a-t-il sauv? la vie ?” demanda-t-il d'un ton autoritaire. “Varo, tu m'as racont? l'histoire de ce chef des brigands que ton unit? poursuivait. Quelle ?p?e as-tu utilis?e pour le tuer ?” “La tienne”, admit Varo. “Et toi, Caxus, quand tu as voulu tous ces ouvrages en filigrane sur tes jambi?res pour impressionner la fille que tu as ?pous?e, qui es-tu all? voir ?” “Toi”, dit Caxus. Berin voyait qu'il r?fl?chissait. “Et ?a, c'?tait avant que je vous suive lors de vos campagnes”, dit Berin. “Si on parlait de —” Caxus leva la main. “D'accord, d'accord. Tu marques un point. La chambre de ta fille est plus loin dans cette direction. On va te montrer le chemin mais, si quelqu'un pose une question, on est seulement en train de t'escorter vers la sortie du b?timent.” Berin se dit qu'il y avait peu de chances que quelqu'un leur pose une question mais cela n'avait plus d'importance. Seule une chose avait de l'importance. Il allait voir sa fille. Il suivit les deux gardes dans les couloirs du ch?teau et ils finirent par atteindre une porte barr?e et verrouill?e de l'ext?rieur. Comme la cl? ?tait dans la serrure, il la tourna. Le c?ur de Berin s'arr?ta presque quand il vit sa fille pour la premi?re fois depuis des mois. Allong?e au lit, elle g?mit en reprenant conscience et le regarda de ses yeux troubles. “P?re ?” “Ceres !” Berin courut vers elle, jeta les bras autour d'elle et la serra fort contre lui. “Tout va bien. Je suis l?.” Il voulait la serrer fort contre lui et ne plus jamais la laisser partir mais, ? ce moment, il entendit le cri de douleur que fit Ceres quand il la serra contre lui et il se retira h?tivement. “Qu'est-ce qui ne va pas ?” demanda Berin. “Non, ?a va”, dit Ceres. “Je vais bien.” “Tu ne vas pas bien”, dit Berin. Sa fille avait toujours ?t? tr?s forte et, pour qu'elle ait mal, il fallait que ce soit grave. Berin n'aurait jamais voulu voir sa fille souffrir comme ?a. “Laisse-moi regarder.” Ceres le laissa faire et ce que vit Berin le fit grimacer. Des blessures ?troitement recousues formaient des lignes parall?les sur le dos de sa fille. “Comment es-tu entr? ici ?” demanda Ceres pendant qu'il l'examinait. “Comment as-tu m?me pu me retrouver ?” “J'ai encore des amis”, dit son p?re, “et je n'allais pas renoncer ? te retrouver.” Ceres se retourna vers lui et Berin vit l'amour qui brillait dans ses yeux. “Je suis content que tu sois ici.” Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43694943&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.