Ðàññâåò ÷àðóþùèé è íåæíûé Êîñíóëñÿ áåëûõ îáëàêîâ, È íåáà îêåàí áåçáðåæíûé, Ñ âîñòîêà çàðåâîì öâåòîâ Ïóðïóðíûõ, ÿðêî - çîëîòèñòûõ, Âäðóã çàñèÿë. Ñêîëüçÿùèé ëó÷ Ïëÿñàë íà ãîðêàõ ñåðåáðèñòûõ… È ñîëíöà ëèê, ïàëÿùèé – æãó÷, Ïëûë íàä Çåìë¸é åù¸ ëåíèâîé, Îáúÿòîé íåãîé ñëàäêèõ ñíîâ… È ëèøü ïàñòóõ íåòîðîïëèâî Êíóòîì èãðàÿ, ãíàë êîðîâ Íà âûïàñ, ñî÷íûìè ë

Un Rite D’Ep?es

Un Rite D’Ep?es Morgan Rice L'anneau Du Sorcier #7 Dans UN RITE D’?P?ES (tome 7 de l’Anneau de Sorcier), Thor lutte contre son h?ritage et contre l’identit? de son p?re. Doit-il r?v?ler son secret ? Que peut-il faire ? De retour dans l’Anneau avec Mycoples et l’?p?e de Destin?e, Thor est d?termin? ? se venger de l’arm?e de Andronicus et ? lib?rer sa patrie – et ? demander enfin la main de Gwendolyn. Cependant, il devra apprendre que certaines forces le d?passent. Gwendolyn revient d’exil et fait tout son possible pour incarner le grand souverain qu’elle est destin?e ? devenir, en utilisant son intelligence et sa sagesse pour unir les forces de l’Anneau et chasser Andronicus pour de bon. Quand elle retrouve Thor et ses fr?res, elle profite d’une br?ve accalmie pour c?l?brer leur libert?. Cependant, les choses changent tr?s vite – trop vite – et, en l’espace d’un instant, un ?v?nement bouleverse sa vie. Sa s?ur a?n?e, Luanda, jalouse, est bien d?cid?e ? lui arracher son pouvoir, tandis que le fr?re du Roi MacGil survient avec son arm?e pour prendre le tr?ne. Les assassins et les espions sont partout. Gwendolyn, assi?g?e, devra apprendre que le r?le de reine n’est pas aussi s?r qu’elle ne le pensait. Au m?me m?me o? l’amour de Reece pour Selese refleurit, son ancien amour repara?t. Reece se trouve d?chir?e entre les deux femmes. Cependant, la bataille occupe bient?t toutes ses pens?es, comme Reece, Elden, O’Connor, Conven, Kendrick, Erec et m?me Godfrey se retrouvent oblig?s d’affronter l’adversit? ensemble pour avoir une chance de survivre. Leur combat les conduit aux quatre coins de l’Anneau. La course pour chasser Andronicus et sauver l’Anneau commence. Gwen r?alise alors qu’elle doit absolument trouver Argon pour le ramener. Un incroyable rebondissement enseigne ? Thor une terrible le?on : ses pouvoirs ne sont pas sans limite et s’accompagne d’une faiblesse cach?e. Une faiblesse qui pourrait bien causer sa perte. Thor et ses compagnons pourront-ils lib?rer l’Anneau? Vaincront-ils Andronicus? Gwendolyn deviendra-t-elle la reine dont le peuple a besoin? Que deviendront l’?p?e de Destin?e, Erec, Kendrick, Reece et Godfrey? Quel secret Alistair cache-t-elle?Entre univers sophistiqu? et personnages bien construits, UN RITE D’?P?ES est un conte ?pique qui parle d’amis et d’amants, de rivaux et de pr?tendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations politiques, de jeunes gens qui deviennent adultes, de c?urs bris?s, de tromperie, d’ambition et de trahison. C’est un conte sur l’honneur et le courage, sur le destin et la sorcellerie. C’est un roman de fantasy qui nous entra?ne dans un monde que nous n’oublierons jamais et qui plaira ? toutes les tranches d’?ge et tous les lecteurs. Morgan Rice Un Rite D’Ep?es (Tome 7 de L’anneau du Sorcier) ? propos de Morgan Rice Morgan Rice est l'auteur ? succ?s n 1 et l'auteur ? succ?s chez USA Aujourd'hui de la s?rie d'?pop?es fantastiques L'ANNEAU DU SORCIER, qui contient dix-sept tomes, de la s?rie ? succ?s n 1 SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, qui contient onze tomes (pour l'instant), de la s?rie ? succ?s n 1 LA TRILOGIE DES RESCAP?S, thriller post-apocalyptique qui contient deux tomes (pour l'instant) et de la nouvelle s?rie d'?pop?es fantastiques ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en ?dition audio et papier, et des traductions sont disponibles en plus de 25 langues. TRANSFORMATION (Livre #1 M?moires d'un Vampire),  ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre #1 de la Trilogie des Rescap?s),  LE REVEIL DES DRAGONS (le tome 1 de Rois et Sorciers) et LA QU?TE DES H?ROS (le tome 1 de l'Anneau Du Sorcier) sont tous disponibles en t?l?chargement gratuit! Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'h?sitez pas ? visiter www.morganricebooks.com pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, t?l?charger l'appli gratuite, lire les derni?res nouvelles exclusives, vous connecter ? Facebook et ? Twitter, et rester en contact ! Quelques acclamations pour l’?uvre de Morgan Rice « Un livre fantastique et plein d'entrain qui int?gre un soup?on de myst?re et de complot dans son intrigue. Toute l'histoire de La Qu?te des H?ros porte sur la recherche du courage et la d?finition d'un but qui m?ne ? la croissance, ? la maturit? et ? l'excellence … Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les rebondissements et l'action fournissent une vigoureuse s?rie qui se focalise efficacement sur l'?volution de Thor d'un enfant r?veur ? un jeune adulte confront? ? d'impossibles conditions de survie … Et ce n'est que le d?but de ce qui promet d'?tre une s?rie ?pique pour jeunes adultes. »     --Midwest Book Review (D. Donovan, Critique d'eBooks) « L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingr?dients d'un succ?s imm?diat : des intrigues, des contre-intrigues, du myst?re, de vaillants chevaliers et des relations qui s’?panouissent entre les c?urs bris?s, les tromperies et les trahisons. Ce roman vous occupera pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'?ge. ? ajouter de fa?on permanente ? la biblioth?que de tout bon lecteur de fantasy. »     --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos « La distrayante ?pop?e de fantasy ?crite par Rice [L'ANNEAU DU SORCIER] met en sc?ne les classiques du genre : un d?cor impressionnant, fortement inspir? par l’?cosse m?di?vale et son histoire, et un bon sens des intrigues de cour. »     —Kirkus Reviews « J'ai ador? la fa?on dont Morgan Rice a cr?? le personnage de Thor et le monde dans lequel il vit. Le paysage et les cr?atures qui le hantent sont tr?s bien d?crits … J'ai appr?ci? [l'intrigue]. Elle ?tait courte et charmante … Il y avait juste assez de personnages secondaires, ce qui fait que je ne me suis pas perdu. Il y avait des aventures et des moments d?chirants, mais l'action d?crite ne m’a jamais paru grotesque. Le livre serait parfait pour un lecteur adolescent … Il contient les pr?mices de quelque chose de remarquable … »     --San Francisco Book Review « Dans ce premier tome, bourr? d'action, de l’?pop?e de fantasy l'Anneau du Sorcier (qui compte actuellement 14 tomes), Rice pr?sente aux lecteurs Thorgrin McLeod, dit « Thor », un jeune homme de 14 ans dont le r?ve est de faire partie de la L?gion d'Argent, les chevaliers d'?lite au service du roi … L'?criture de Rice est consistante et le monde intrigant. »     --Publishers Weekly « [LA QU?TE DES H?ROS] est rapide et facile ? lire. Les chapitres se terminent d'une fa?on qui vous poussent ? lire la suite du livre et vous ?tent l'envie de le poser. Il y a quelques fautes de frappe dans le livre et des confusions sur certains noms mais cela ne d?tourne pas le lecteur de l'histoire dans son ensemble. La fin du livre m'a donn? envie de me procurer imm?diatement le tome suivant et c'est ce que j'ai fait. Les neuf tomes de la s?rie de l'Anneau du Sorcier sont disponibles sur la boutique Kindle et vous pouvez commencer par La Qu?te des H?ros, qui est en t?l?chargement gratuit sur cette plate-forme ! Si vous recherchez quelque chose de rapide et d'amusant ? lire pendant que vous ?tes en vacances, ce livre fera parfaitement l'affaire. »     --FantasyOnline.net Du m?me auteur ROIS ET SORCIERS LE R?VEIL DES DRAGONS (Tome 1) LE R?VEIL DU VAILLANT (Tome 2) LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n 3) UNE FORGE DE VALEUR (Tome n 4) L'ANNEAU DU SORCIER LA QU?TE DES HEROS (Tome n 1) LA MARCHE DES ROIS (Tome n 2) LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n 3) UN CRI D'HONNEUR (Tome n 4) UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n 5) UN PRIX DE COURAGE (Tome n 6) UN RITE D'?P?ES (Tome n 7) UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n 8) UN CIEL DE CHARMES (Tome n 9) UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n 10) LE R?GNE DE L'ACIER (Tome n 11) UNE TERRE DE FEU (Tome n 12) LE R?GNE DES REINES (Tome n 13) LE SERMENT DES FR?RES (Tome n 14) UN R?VE DE MORTELS (Tome n 15) UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n 16) LE DON DU COMBAT (Tome n 17) LA TRILOGIE DES RESCAPES ARENE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n 1) ARENE DEUX (Tome n 2) MEMOIRES D’UN VAMPIRE TRANSFORMATION (Livre 1) ADORATION (Livre 2) TRAHISON (Livre 3) PR?DESTINATION (Livre 4) D?SIR (Tome n 5) FIAN?AILLES (Tome n 6) SERMENT(Tome n 7) TROUV?E (Tome n 8) REN?E (Tome n 9) ARDEMMENT D?SIR?E (Tome n 10) SOUMISE AU DESTIN (Tome n 11) ?coutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio ! Copyright © 2013 par Morgan Rice Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi des ?tats-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres personnes. Si vous voulez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet? ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, vous ?tes pri? de le renvoyer et d’acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : Copyright justdd, utilis?e en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. « Qu’avez-vous ? me confier ? Si c’est du bien public qu’il s’agit, Montrez-moi d’un c?t? l’honneur, de l’autre la mort, Je les consid?rerai l’un et l’autre avec le m?me sang-froid… Et puisse la protection des dieux me manquer, Si je n’aime pas le nom d’honneur plus que je ne crains la mort. »     --William Shakespeare     Jules C?sar CHAPITRE UN Thorgrin survolait la campagne de l’Anneau sur le dos de Mycoples, en direction du sud, o? se trouvait Gwendolyn. Il serrait dans son poing ferm? l’?p?e de Destin?e. En contrebas s’?tendait l’arm?e d’un million d’hommes de Andronicus, qui grouillait comme une nu?e de sauterelles. L’?p?e de Destin?e palpitait dans la main de Thor. Il savait ce qu’elle voulait : prot?ger l’Anneau, chasser les envahisseurs. C’?tait presque un commandement sacr? et Thor ?tait plus que dispos? ? lui ob?ir. Bient?t, il ferait demi-tour et leur ferait payer. Maintenant que le Bouclier s’?levait ? nouveau autour du pays, Andronicus et ses hommes ?taient pris au pi?ge. Les renforts n’arriveraient plus pour leur porter secours. Thor ne s’arr?terait pas avant de les avoir tu?s jusqu’au dernier. Cependant, l’heure n’?tait pas encore venue. La priorit? de Thor, c’?tait son grand amour, la femme qu’il d?sirait et dont il se languissait depuis son d?part : Gwendolyn. Il br?lait de la revoir, de la serrer entre ses bras, de la savoir en vie. Il sentait l’anneau de sa m?re rouler sous sa chemise, contre sa poitrine. Il ne pouvait attendre une minute de plus avant de le donner ? Gwen, lui confesser son amour et lui demander sa main. Il fallait qu’elle sache que rien n’avait chang? entre eux, que ce qui lui ?tait arriv? n’importait pas. Il l’aimait autant qu’avant, peut-?tre m?me plus. Elle devait savoir. Mycoples ronronna doucement et Thor sentit les vibrations ? travers les ?cailles. Mycoples avait h?te, tout comme lui, d’atteindre Gwendolyn et de s’assurer que rien ne lui ?tait arriv?. Le dragon plongea et s’enfila entre les nuages en battant ses ailes immenses, heureux de parcourir l’Anneau en compagnie de Thor. Le lien qu’ils partageaient devenait plus fort ? chaque instant. Thor sentait que Mycoples ?coutait la moindre de ses pens?es, le moindre de ses d?sirs. C’?tait comme chevaucher une partie de lui-m?me. Les pens?es de Thor se tourn?rent vers Gwendolyn. Les mots de l’ancienne Reine r?sonnaient encore dans son esprit, bien malgr? lui. Sa r?v?lation le blessait plus qu’il n’aurait su le dire. Andronicus ? Son p?re ? Ce n’?tait pas possible. Une partie de lui esp?rait que ce n’?tait l? qu’une farce cruelle de la Reine. Apr?s tout, elle l’avait toujours d?test?. Peut-?tre voulait-elle le d?stabiliser, le tenir ?loign? de sa fille, pour quelque raison. Thor se raccrochait ? cette pens?e. Au fond, pourtant, depuis qu’il avait entendu ces mots, ils r?sonnaient ? l’int?rieur du corps et de l’?me de Thor. Tout ?tait vrai, Thor le savait. Au moment o? la r?v?lation avait quitt? les l?vres de la Reine, il avait su que Andronicus ?tait bel et bien son p?re. Cette certitude suivait Thor comme un cauchemar. Il avait esp?r?, il avait pri?, quelque part, au fond de sa t?te, pour que le Roi MacGil soit son p?re, sans pour autant que Gwen soit sa s?ur, d’une mani?re ou d’une autre. Thor avait toujours song? que, le jour o? il conna?trait l’identit? de son p?re, tout prendrait sens. Apprendre que son p?re n’?tait pas un h?ros, c’?tait une chose. Il pouvait l’accepter. Apprendre que son p?re ?tait un monstre – le pire des monstres, l’homme que Thor souhaitait voir mourir –, c’?tait beaucoup plus difficile ? avaler. Ils partageaient le m?me sang. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Cela voulait-il dire que Thor deviendrait un monstre lui aussi, t?t ou tard ? Cela voulait-il dire qu’une ?tincelle diabolique dormait en lui ? ?tait-il destin? ? devenir comme Andronicus ? Trouverait-il la force d’?tre diff?rent ? Le destin d?ciderait-il ? sa place ? Une g?n?ration pouvait-elle s’affranchir de la pr?c?dente ? Thor se demandait ?galement si cette r?v?lation ?tait li?e ? l’?p?e de Destin?e. Si la L?gende disait vrai, si seul un MacGil pouvait manier l’?p?e, Thor ?tait-il un MacGil ? Comment ?tait-ce possible, si Andronicus ?tait son p?re ? ? moins que Andronicus ne soit lui-m?me un MacGil ? Et surtout, comment annoncer la nouvelle ? Gwendolyn ? Comment lui dire qu’il ?tait le fils de son pire ennemi ? De l’homme qui l’avait agress?e ? Elle le ha?rait. Elle reconnaitrait le visage de Andronicus dans celui de Thor. Pourtant, il fallait lui dire : Thor ne pouvait pas garder cela secret. Cette r?v?lation an?antirait-elle leur relation ? Le sang de Thor bouillait de rage. Il voulait tuer Andronicus, lui faire regretter de l’avoir mis au monde. Comme il volait, il observait la campagne. Andronicus se trouvait l?, quelque part. Bient?t, Thor le d?busquerait. Il l’affronterait. Et il le tuerait. D’abord, il fallait retrouver Gwendolyn. En survolant la For?t du Sud, Thor sentit qu’elle ?tait toute proche. Cependant, un mauvais pressentiment le pr?venait que quelque chose de terrible ?tait sur le point d’arriver. Il poussa Mycoples qui pressa l’allure. Maintenant, chaque minute comptait. CHAPITRE DEUX Gwendolyn se tenait debout, seule, au sommet de la Tour du Refuge, v?tue des robes noires que les nonnes lui avaient donn?es. Elle avait l’impression de vivre l? depuis une ?ternit? d?j?. Elle avait ?t? accueillie en silence. Son guide, une nonne, ne lui avait adress? qu’une seule fois la parole pour lui expliquer les r?gles : il ne fallait ni parler, ni interagir avec les autres. Chaque femme vivait dans son propre univers. Chaque femme cherchait la solitude. C’?tait une Tour du Refuge, un lieu pour celles qui voulaient gu?rir. Gwendolyn serait ? l’abri des dangers du monde, mais ?galement seule. Si seule. Gwendolyn ne comprenait tout cela que trop bien. Elle aussi recherchait la solitude. Elle se tenait ? pr?sent au sommet de la Tour et balayait du regard les cimes des arbres de la For?t du Sud. Seule, plus seule que jamais. Elle savait qu’il faudrait se montrer forte. Elle ?tait une battante, la fille d’un Roi et l’?pouse – presque l’?pouse – d’un grand guerrier. Cependant, Gwendolyn devait admettre que son c?ur et son esprit demeuraient meurtris. Thor lui manquait terriblement et elle craignait qu’il ne revienne jamais. Et s’il le faisait, s’il apprenait ce qui lui ?tait arriv? ? Il ne voudrait plus d’elle. Gwen ?tait ?galement d?vast?e par la destruction de Silesia, par la victoire de Andronicus et par la capture de tous ses ?tres chers. Andronicus ?tait partout maintenant. Il occupait l’Anneau tout entier et il n’existait plus d’endroit s?r. Gwen se sentait impuissante et ?puis?e. Bien trop ?puis?e pour une jeune femme de son ?ge. Elle avait ?galement l’impression d’avoir abandonn? son peuple. Il lui semblait qu’elle avait d?j? v?cu bien trop longtemps. Elle n’en pouvait plus. Gwendolyn fit un pas en avant, par-dessus le parapet. Elle leva les bras lentement, les paumes lev?es. Une brise froide fouetta alors son visage et la violence du souffle la fit presque chavirer. Elle baissa les yeux vers le pr?cipice abrupt. Elle regarda le ciel et pensa ? Argon. Elle se demanda o? il ?tait, sans doute prisonnier de son propre univers, en guise de ch?timent. Elle aurait tout donn? pour le revoir, pour entendre ses conseils une derni?re fois. Peut-?tre aurait-il pu la sauver… Mais il ?tait parti. Il avait lui aussi une dette ? payer. Il ne reviendrait pas. Gwen ferma les yeux et pensa ? Thor. Si seulement il avait ?t? l?, tout aurait ?t? diff?rent. Si seulement il lui restait une personne en ce monde, une personne qu’elle pourrait aimer, elle aurait eu une raison de vivre… Elle scruta l’horizon, dans l’espoir fou d’apercevoir Thor. Le regard plong? dans les nuages, elle crut entendre le rugissement lointain d’un dragon. C’?tait si t?nu… Sans doute une manifestation de son imagination. Son esprit lui jouait des tours. Il n’y avait pas de dragon dans l’Anneau et Thor ?tait perdu ? jamais dans l’Empire. Il ne reviendrait pas. Des larmes se mirent ? couler sur ses joues, comme elle imaginait la vie qui aurait ?t? la leur, comme elle se rappelait combien ils avaient ?t? proches. Elle imagina l’expression de son visage, le son de sa voix, son rire. Elle avait ?t? certaine que rien ne les s?parerait, que rien n’emp?cherait leur bonheur… – Thor ! s’?cria-t-elle en renversant la t?te vers le ciel, en d?s?quilibre sur le parapet. Elle pria de toutes ses forces pour son retour. Mais sa voix se perdit dans le vent. Thor n’?tait pas l?. Il ?tait de l’autre c?t? du monde. Gwendolyn saisit l’amulette qu’il lui avait donn?e, celle qui lui avait sauv? la vie. Elle l’avait utilis?e une fois. Maintenant, l’amulette ne servirait plus. Gwendolyn promena son regard par-dessus le parapet et vit le visage de son p?re, nimb? de lumi?re blanche, souriant. Elle se pencha, leva un pied par-dessus le pr?cipice, en fermant les yeux pour sentir la brise. Elle h?sita un instant entre les deux mondes, entre la mort et la vie, dans un ?quilibre parfait. La prochaine brise d?ciderait de son sort. Thor, pensa-t-elle, pardonne-moi. CHAPITRE TROIS Kendrick chevauchait ? la t?te de l’arm?e des MacGils et des prisonniers lib?r?s, qui ne cessait de cro?tre, comme tous s’?lan?aient sur la route en direction de l’est, ? la poursuite de Andronicus. Srog, Brom, Atme et Godfrey ?taient ? ses c?t?s. Reece, O’Connor, Conven, Elden et Indra les suivaient de pr?s, ainsi que des milliers de guerriers. Les corps des soldats imp?riaux, calcin?s et noircis par le souffle du dragon, ou bien tu?s par l’?p?e de Destin?e, jonchaient le sol. Thor les avait d?cim?s, accomplissant ? lui seul le travail d’une arm?e. Kendrick admira les d?g?ts. Les pouvoirs combin?s de Thor, de l’?p?e de Destin?e et de Mycoples le laissaient sans voix. Ce retournement de situation l’?merveillait. Quelques jours plus t?t, ils avaient ?t? prisonniers du joug de Andronicus et forc?s d’admettre la d?faite. Thor, absent. L’?p?e, un r?ve qui semblait alors inaccessible. Kendrick et ses compagnons avaient ?t? crucifies, abandonn?s, et tout espoir avait sembl? perdu. ? pr?sent, ils chevauchaient, libres ? nouveau, soldats et chevaliers, revigor?s par l’arriv?e de Thor, et la situation tournait ? leur avantage. Il semblait que Mycoples avait ?t? envoy?e par les dieux. Une force de destruction descendue du ciel. Silesia s’?levait ? nouveau, lib?r?e. Les soldats imp?riaux, au lieu d’occuper la campagne, jonchaient maintenant le sol aussi loin que portait le regard. Tout cela ?tait encourageant, mais Kendrick savait qu’un demi million d’hommes les attendaient de l’autre c?t? des Highlands. Ils avaient ?t? repouss?s mais ils ?taient encore loin d’?tre vaincus. Or Kendrick et ses compagnons ne comptaient pas rester les bras crois?s ? attendre que Andronicus regroupe ses forces et attaque ? nouveau. Ils ne comptaient pas non plus lui offrir une chance de fuir. Le Bouclier s’?levait ? nouveau autour de l’Anneau et, m?me en sous nombre, Kendrick et son arm?e avaient une chance de l’emporter. Andronicus ?tait en fuite et Kendrick ?tait bien d?cid? ? poursuivre sur cette formidable lanc?e en r?p?tant la premi?re victoire de Thor. Kendrick jeta un coup d’?il par-dessus son ?paule vers les milliers de soldats et d’hommes libres qui chevauchaient avec lui. Il lut la d?termination dans leurs regards. Ils avaient connu l’esclavage, go?t? l’amertume de la d?faite… Ils appr?ciaient maintenant, et pleinement, leur libert?. Pas seulement pour eux-m?mes, mais ?galement pour leurs familles et leurs ?pouses. Chacun d’entre eux, rendu amer et audacieux par cette douloureuse exp?rience, ?tait bien d?cid? ? ne pas laisser Andronicus s’?chapper. Comme un seul homme, ils partaient combattre la mort. Sur leur passage, ils lib?raient de plus en plus de prisonniers, brisaient leurs cha?nes et les int?graient dans leurs rangs. Leur nombre ne cessait de cro?tre. Kendrick lui-m?me se remettait encore de son temps pass? sur la croix. Son corps n’?tait plus aussi fort qu’avant et il sentait encore le contact brutal de la corde sur ses chevilles et ses poignets. Il jeta un regard oblique ? Srog, Atme et Brom, ses voisins de croix, et vit qu’ils ?taient dans le m?me ?tat. La crucifixion les avait tous affect?s Pourtant, ils chevauchaient avec fiert? et audace. Rien de mieux que l’occasion de d?fendre sa vie, l’occasion de se venger, pour oublier ses blessures… Kendrick se r?jouissait ?galement de voir son jeune fr?re Reece et les autres fr?res de L?gion ? ses c?t?s, enfin de retour de leur qu?te. Les massacres ? Silesia avaient ?t? terribles. Revoir Reece et ses compagnons pansait quelque peu cette blessure. Kendrick avait toujours voulu prot?ger Reece en grandissant et prendre aupr?s de lui le r?le d’un deuxi?me p?re quand le Roi MacGil avait ?t? trop occup?. Le fait d’?tre seulement des demi-fr?res ne les avait pas ?loign?s l’un de l’autre, au contraire : ils s’aimaient par choix, plus que par obligation. Kendrick ne s’?tait jamais senti si proche de ses autres fr?res : Godfrey passait beaucoup de temps ? la taverne avec des individus louches et Gareth… Eh bien, Gareth, c’?tait Gareth. Reece avait ?t? le seul ? choisir la carri?re des armes, comme Kendrick, et Kendrick n’aurait pas pu ?tre plus fier de lui. Dans le pass?, quand ils avaient eu l’occasion de combattre c?te ? c?t?, Kendrick avait ressenti le besoin de veiller sur Reece. Il voyait, ? pr?sent, que son fr?re ?tait devenu un authentique guerrier endurci et qu’il n’avait plus besoin de protection. Il se demanda quelles ?preuves Reece avait surmont?es dans l’Empire pour devenir si talentueux et si dur… Il avait h?te de s’asseoir tranquillement avec lui pour entendre ses aventures. Kendrick se r?jouissait ?galement du retour de Thor, non seulement parce qu’il les avait lib?r?s, mais ?galement parce qu’il aimait et respectait le jeune homme comme un fr?re. L’image de ce gar?on brandissant l’?p?e de Destin?e ne quittait plus son esprit. Jamais Kendrick n’aurait cru voir cela de son vivant. Jamais il n’aurait cru voir quelqu’un – n’importe qui – manier l’?p?e, et encore moins Thor, son propre ?cuyer, un humble jeune homme venu d’un village de la p?riph?rie de l’Anneau. Un ?tranger. Il n’?tait m?me pas un MacGil. Mais ?tait-ce vraiment le cas ? Kendrick s’interrogeait. Il rappela la L?gende ? ses souvenirs : seul un MacGil pouvait manier l’?p?e. Au fond de lui-m?me, Kendrick avait toujours esp?r? qu’il aurait cet honneur. Il avait esp?r? obtenir de l’?p?e la derni?re preuve de son h?ritage, la preuve qu’il ?tait un vrai MacGil et le premier-n? de son p?re. Il avait toujours r?v? que la vie ou les circonstances lui permettraient un jour de tenter sa chance. Finalement, cette chance, Kendrick ne l’avait pas eue, mais il ne pouvait refuser ? Thor sa victoire. Kendrick n’?tait pas d’un naturel rancunier. Bien au contraire, il s’?merveillait de la destin?e de Thor. Il ne comprenait pas, cependant… La L?gende se trompait-elle ? Thor ?tait-il un MacGil ? Comment ?tait-ce possible ? ? moins que Thor ne soit lui aussi un fils du Roi MacGil ? Kendrick s’interrogeait. Bien s?r, son p?re avait eu des aventures. L’une de ces coucheries ?tait d’ailleurs ? l’origine de la naissance m?me de Kendrick… ?tait-ce la raison pour laquelle Thor avait quitt? pr?cipitamment Silesia apr?s avoir parl? ? sa m?re ? De quoi avaient-ils bien pu discuter ? Sa m?re n’en disait mot. C’?tait la premi?re fois qu’elle gardait un secret et refusait d’en parler ? Kendrick ou ses autres fils. Pourquoi ? Que pouvait-elle bien cacher ? Qu’avait-elle bien pu dire pour que Thor les abandonne soudain sans prononcer un mot ? Kendrick pensait ? son propre p?re, ? son h?ritage. Malgr? lui, l’id?e de n’?tre qu’un b?tard le d?vorait de l’int?rieur. Pour la milli?me fois, il se demanda qui pouvait ?tre sa vraie m?re. Il avait entendu toutes sortes d’histoires tout au long de sa vie, sur des femmes qui avaient couch? avec le Roi MacGil, mais il n’avait jamais pu ?tre certain. Quand tout serait termin?, quand l’Anneau serait ? nouveau en paix – si cela devait arriver –, Kendrick t?cherait de r?soudre le myst?re. Il chercherait sa m?re. Il lui demanderait pourquoi elle l’avait abandonn?, pourquoi elle avait refus? de faire partie de sa vie. Comment avait-elle rencontr? le Roi ? Il ne voulait rien de plus que la rencontrer, contempler son visage, scruter les ressemblances, l’entendre dire qu’il ?tait un enfant comme les autres, un enfant d?sir? par ses parents. Kendrick se r?jouissait de savoir Thor ? la recherche de Gwendolyn, mais une partie de lui aurait aim? qu’il reste. Au moment d’affronter des dizaines de milliers de soldats imp?riaux, ils auraient bien besoin de Thor et de Mycoples… Cependant, Kendrick ?tait un guerrier, n? et ?lev? pour le combat. Il n’?tait pas du genre ? attendre les bras crois?s que d’autres se battent ? sa place. Voil? ce que son instinct le lui dictait : chevaucher ? la rencontre de l’arm?e ennemie et tuer le plus de soldats que possible. Il n’avait peut-?tre pas de dragon, ni d’?p?e magique, mais il avait ses deux mains, celles qu’il utilisait au combat depuis toujours. Et c’?tait bien suffisant. Ils atteignirent le sommet de la colline et Kendrick balaya du regard le paysage. Lucia, une petite ville MacGil, s’?levait au loin, ? l’est de Silesia. Les corps des soldats imp?riaux pavaient la route. Visiblement, la vague de destruction initi?e par Thor s’?tait arr?t?e ici m?me. ? l’horizon, Kendrick aper?ut un bataillon ennemi en train de battre en retraite, en direction de l’est. Il se dirigeait certainement vers le camp principal de Andronicus, de l’autre c?t? de Highlands. Tous les autres r?giments faisaient de m?me, mais ils avaient apparemment laiss? une petite division ? Lucia. Plusieurs milliers campaient en ville et gardaient l’entr?e. Les citoyens avaient apparemment ?t? r?duits en esclavage. En se rappelant le traitement subi par les Sil?siens apr?s la d?faite, Kendrick s’empourpra de col?re et un d?sir de vengeance enflamma son c?ur : – ? L’ATTAQUE ! Il leva son ?p?e. Derri?re lui s’?leva la clameur de milliers de soldats. Kendrick ?peronna sa monture et tous d?val?rent le coteau en direction de Lucia. Les deux arm?es se pr?par?rent au combat. ?gales par le nombre, elles ne l’?taient pas par le c?ur : la petite division imp?riale n’?tait que le r?sidu d’une arm?e en d?route, tandis que Kendrick et ses hommes ?taient pr?ts ? se battre jusqu’? la mort pour prot?ger leur patrie. Son cri de guerre s’?leva jusqu’aux cieux, comme il chargeaient les portes de Lucia. Ils furent si rapides que les quelques douzaines de soldats montant la garde eurent ? peine le temps de r?agir. Ils ne s’attendaient pas ? une attaque. Ils s’empress?rent de se r?fugier derri?re les murs et d’activer les manivelles pour abattre les herses. Ils ne furent pas assez rapides. Les archers de Kendrick d?coch?rent des vol?es de fl?ches qui les transperc?rent en pleine poitrine ou ? travers les d?fauts de leurs armures. Kendrick lui-m?me lan?a un javelot, tout comme Reece. Celui de Kendrick trouva sa cible : un guerrier ?norme qui s’appr?tait ? tirer une fl?che. Celui de Reece se planta sans effort dans le c?ur d’un soldat. Kendrick et ses hommes n’h?sit?rent pas un seul instant avant de s’engouffrer sous les portes laiss?es b?antes. Ils charg?rent au son d’un formidable cri de guerre, en direction du centre-ville, sans reculer devant les ennemis. Tous brandirent leurs ?p?es, haches, lances et hallebardes dans un grand fracas de m?tal pour rencontrer les milliers de soldats imp?riaux qui charg?rent ? dos de cheval. Kendrick, en t?te, leva son bouclier pour bloquer une arme, tout en tuant deux hommes d’un coup d’?p?e. Sans montrer la moindre h?sitation, il tournoya sur lui-m?me avant de planter sa lame dans les entrailles d’un autre soldat. En voyant son assaillant mourir, Kendrick pensa ? la vengeance, ? Gwendolyn, ? son peuple, ? tous les gens de l’Anneau qui avaient souffert. Reece, ? ses c?t?s, abattit sa masse dans la t?te d’un soldat et le fit basculer ? terre, puis il leva son bouclier pour parer les coups qui se mirent ? pleuvoir. Il brandit ? nouveau son arme et tua un autre de ses assaillants. Elden, non loin, se jeta dans la m?l?e avec sa grande hache et coupa en deux un homme qui s’appr?tait ? attaquer son fr?re d’armes. O’Connor d?cocha plusieurs fl?ches avec une pr?cision mortelle, m?me ? une courte distance, tandis que Conven se jetait dans la bataille avec l’?nergie du d?sespoir, sans m?me s’embarrasser de son bouclier. Une ?p?e dans chaque main, il se fraya un chemin de destruction au c?ur de l’arm?e ennemie, comme cherchant la mort. ?tonnamment, il ne la trouva pas mais tua, au contraire, tout homme qui se trouvait sur son passage. Indra suivait non loin. Elle ?tait intr?pide, peut-?tre m?me plus que certains hommes. Elle maniait sa dague avec habilet?, entaillant les rangs ennemis et poignardant les soldats ? la gorge. Tout en combattant, elle pensait ? sa patrie et ? tout son peuple asservi par l’Empire. Un soldat abattit son arme vers la t?te de Kendrick avant qu’il ne puisse l’?viter et il se pr?para au choc. Atme s’?lan?a et bloqua le coup de son bouclier, dans un grand fracas m?tallique. Il transper?a alors l’assaillant de sa lance. Encore une fois, il sauvait la vie de Kendrick. Comme un archer visait Atme, Kendrick se pr?cipita en avant pour le d?s?quilibrer d’un coup d’?p?e et la fl?che siffla bien au-dessus de la t?te de son ami. Kendrick heurta alors le soldat du pommeau de son arme pour le faire basculer. ? terre, l’homme fut imm?diatement pi?tin? par sa propre monture. ? pr?sent, Kendrick et Atme ?taient ? ?galit?. La bataille fit rage, encore et encore, chaque arm?e rendant coup pour coup. Des hommes tomb?rent des deux c?t?s, mais plus, peut-?tre, parmi les rangs de l’arm?e imp?riale, comme les hommes de Kendrick s’enfon?aient toujours plus loin dans la cit?. La situation ?tait assez ?quilibr?e : les soldats imp?riaux ?taient forts et disciplin?s mais ils avaient plus l’habitude de lancer l’assaut que de se faire surprendre de la sorte. Bient?t, ils furent incapables d’organiser la riposte et furent repouss?s. Au bout de presque une heure de combat intense, les pertes d?cid?rent l’Empire ? sonner la retraite. Un clairon retentit et, un par un, les soldats firent volte-face avant de fuir. Kendrick et ses hommes se lanc?rent ? leur poursuite au son d’un f?roce cri de guerre et les accompagn?rent jusqu’aux portes de la ville. Les survivants du bataillon imp?rial – peut-?tre quelque centaines d’hommes –, se dispers?rent en plein chaos en direction de l’horizon. Des acclamations s’?lev?rent dans tout Lucia. Les hommes de Kendrick lib?r?rent au passage tous les esclaves, qui se pr?cipit?rent aussit?t sur les armes des cadavres et mont?rent sur des chevaux pour rejoindre l’arm?e lib?ratrice. Leurs rangs avaient doubl? de volume quand ils se lanc?rent ? la poursuite des soldats imp?riaux entre les collines. O’Connor et quelques archers en tu?rent un certain nombre, dont les corps jonch?rent ?a et l? la campagne. Kendrick se demandait o? ils allaient, quand soudain, parvenant au sommet d’une colline, il eut une vue plongeante de Vinesia, une des plus grosses villes MacGil ? l’est de Silesia, nich?e au creux d’une vall?e entre deux montagnes. C’?tait une ville importante, bien plus que Lucia, prot?g?e par d’?pais murs de pierre et des portes clout?es. Kendrick devina que c’?tait la destination du bataillon en d?route. Il s’arr?ta un instant pour consid?rer la situation. Vinesia ?tait une grande ville et ils ?taient en sous nombre. Il savait qu’envisager de la prendre d’assaut ?tait risqu?. Le plus s?r aurait ?t? de rentrer ? Silesia et de se satisfaire de la victoire pour aujourd’hui. Cependant, Kendrick n’?tait pas d’humeur ? prendre des d?cisions raisonnables. Lui et ses hommes avaient soif de sang et de vengeance. Un jour comme celui-ci, les risques n’importaient pas. Il ?tait temps que l’Empire apprenne de quel bois les MacGils se chauffaient. – CHARGEZ ! hurla-t-il. Un cri s’?leva derri?re lui, comme des milliers d’hommes d?val?rent le coteau avec t?m?rit?, en direction d’un ennemi plus fort qu’eux, pr?ts ? donner leurs vies pour l’honneur et le courage. CHAPITRE QUATRE La respiration p?nible, Gareth se tra?nait ? travers la campagne d?sol?e, les l?vres dess?ch?es par la d?shydratation, les yeux cercl?s de cernes noirs. Les derniers jours avaient ?t? ?prouvants. Il avait cru mourir plus d’une fois. Il avait ?chapp? de peu aux hommes de Andronicus ? Silesia, en se faufilant dans un passage secret. Il ?tait rest? cach? longtemps, comme un rat tapi dans les t?n?bres, en l’attente du moment opportun. Il avait eu l’impression d’y rester des jours. Il avait alors tout vu : l’arriv?e de Thor sur le dos de ce dragon, puis sa reconqu?te de la ville. Dans la confusion et le chaos, Gareth en avait profit? pour s’enfuir et se glisser hors de la ville, quand tous avaient le dos tourn?. Depuis ce jour, il suivait la route menant vers le sud, le long de l’ar?te du Canyon, en prenant soin de rester sous le couvert des arbres pour ne pas se faire rep?rer. Cela n’avait pas vraiment d’importance, au fond, car les routes ?taient d?sertes. Tout le monde migrait vers l’est, o? aurait lieu la grande bataille qui d?ciderait du destin de l’Anneau. En chemin, Gareth remarqua les corps calcin?s le long de la route. Apparemment, il n’y avait plus rien ? lib?rer par ici… L’instinct de Gareth le poussait vers la Cour du Roi – ou ce qu’il en restait. Il savait que la ville avait ?t? mise ? sac par les hommes de Andronicus, laiss?e ? l’?tat de ruines probablement, mais il tenait ? s’y rendre malgr? tout. Il voulait s’?loigner le plus possible de Silesia et quel meilleur endroit que celui qu’il connaissait si bien ? Celui que tous avaient abandonn?. Celui qui avait eu pour ma?tre supr?me Gareth lui-m?me. Apr?s des jours de marche, en quittant la for?t, faible et en proie au d?lire, Gareth finit par apercevoir au loin la Cour du Roi. Elle s’?levait l?, ses murs encore intacts, quoique effondr?s par endroits. Les hommes de Andronicus jonchaient le sol et il ?tait ?vident que Thor et son dragon ?taient pass?s par l?. En dehors des cadavres, l’endroit ?tait d?sert, habit? seulement par le sifflement du vent. Cela convenait parfaitement ? Gareth. Il n’avait pas l’intention d’entrer dans la ville, de toutes fa?ons. Le but de son voyage, c’?tait un petit b?timent qui s’?levait hors des murs. Un monument circulaire, en marbre, haut de quelques m?tres et dont le toit s’ornait des statues ?labor?es. Il semblait tr?s vieux et il est certain qu’il l’?tait… La crypte des MacGils. L’endroit o? son p?re avait ?t? enterr? – et le p?re de son p?re avant lui. Gareth avait ?t? certain de la trouver intacte. Qui prenait la peine d’attaquer une tombe ? Personne ne viendrait le chercher ici, il le savait. Il pourrait s’y cacher et y demeurer seul, en compagnie de ses anc?tres. Gareth avait ha? son p?re mais il se surprenait ? le comprendre de mieux en mieux, au fil du temps. Il trottina ? travers la campagne, en serrant contre lui son manteau en haillons quand une brise froide le fouetta. Le cri d’un oiseau d’hiver retentit bri?vement et, en levant les yeux, Gareth aper?ut la cr?ature sinistre aux plumes noires qui volait en cercles au-dessus de sa t?te, dans l’espoir de faire de lui son prochain repas. Gareth ne pouvait pas lui en vouloir. Lui aussi ?tait ?puis? et affam?. Il ressemblait s?rement ? un met de choix aux yeux du rapace. Gareth atteignit enfin le b?timent et se saisit de la lourde poign?e de fer, pour tirer de toutes ses forces, comme le monde tournoyait autour de lui. Enfin, le battant craqua, puis c?da. Gareth se faufila dans l’obscurit? en refermant en claquant la porte. L’?cho se r?percuta longtemps autour de lui. Il attrapa une torche ?teinte accroch?e au mur et l’alluma avec sa pierre ? feu, en s’autorisant tout juste assez de lumi?re pour ?clairer les marches, ? mesure qu’il descendait l’escalier vers les t?n?bres. L’atmosph?re se fit lentement plus froide et plus venteuse, les courants d’air trouvant des chemins secrets entre les fissures. Gareth ne put s’emp?cher de penser que ses anc?tres ?taient en train de hurler contre lui. – LAISSEZ-MOI ! cria-t-il en guise de r?ponse. Sa voix se r?percuta contre les murs de la crypte. – VOUS AUREZ BIENT?T CE QUE VOUS VOULEZ ! Pourtant, le vent persista. Enrag?, Gareth poursuivit sa descente, jusqu’? atteindre enfin la grande chambre de marbre, creus?e sous un plafond qui s’?levait ? trois m?tres de hauteur, o? dormaient ses anc?tres dans des sarcophages de marbre. Gareth marcha d’un pas solennel, ses pas r?sonnant dans la pi?ce, jusqu’? l’endroit o? gisait son p?re. Autrefois, il n’aurait pas eu de remords ? fracasser le sarcophage. Aujourd’hui, pour quelque raison inconnue, Gareth se sentait de plus en plus proche de l’homme qui y reposait. Il ne comprenait pas lui-m?me l’?motion qui l’?treignait. Peut-?tre ?tait-ce l’influence nocive de l’opium qui le quittait lentement… Peut-?tre ?tait parce qu’il savait sa mort proche. Gareth se pencha vers le tombeau et posa le front sur le marbre froid. Il se surprit ? pleurer. – Vous me manquez, p?re, g?mit-il comme sa voix tremblait contre les murs. Il pleura, pleura, pleura, jusqu’? ce que ses genoux l?chent et l’emportent contre le marbre. Il se laissa glisser et posa sa torche qui s’?teignit doucement dans les t?n?bres. Bient?t, tout serait noir et Gareth rejoindrait ses ?tres chers. CHAPITRE CINQ L’humeur sombre, Steffen arpentait le sentier forestier solitaire et s’?loignait lentement de la Tour du Refuge. Quitter Gwendolyn lui brisait le c?ur. La femme qu’il avait jur? de prot?ger. Sans elle, il n’?tait plus rien. En la rencontrant, il avait eu l’impression de trouver le but de son existence : veiller sur elle, d?vouer sa vie ? cette femme qui avait permis ? un simple serviteur de s’?lever ainsi de sa condition. Elle avait ?t? la seule ? ne pas le m?priser ou le juger sur son apparence. Steffen ?tait fier de l’avoir conduite saine et sauve jusqu’? la Tour, mais la quitter laissait un terrible vide dans son c?ur. O? irait-il ? pr?sent ? Que ferait-il ? Sans elle, sa vie n’avait plus aucun sens. Il ne pouvait pas retourner ? Silesia ou ? la Cour du Roi : Andronicus avait envahi les deux villes. Steffen avait ?t? t?moin de son entreprise destructrice. Tous avaient ?t? faits prisonniers ou r?duits en esclavage. Il ne servait ? rien d’y retourner. De plus, Steffen ne souhaitait pas s’?loigner de Gwendolyn. Il d?ambula sans but pendant des heures, en parcourant les sentiers, ? la recherche d’une id?e, d’un but. Enfin, en suivant la route menant vers le nord, il aper?ut au loin une petite ville perch?e sur une colline. Il y dirigea ses pas. En se retournant un instant, il comprit que c’?tait l’endroit qu’il cherchait : du village, il aurait une vue imprenable sur la Tour. Si Gwendolyn d?cidait de s’en aller, il pourrait la rejoindre facilement pour se remettre ? son service. Apr?s tout, il lui avait pr?t? all?geance. Pas ? une arm?e, mais ? elle. Elle ?tait toute sa vie. Steffen se d?cida pour de bon : il resterait ici et garderait un ?il sur la Tour. En passant les portes, il constata que c’?tait un village tr?s pauvre, ordinaire, comme il y en avait tant en p?riph?rie de l’Anneau. L’endroit ?tait si bien cach? que les hommes de Andronicus n’?taient sans doute pas venus jusque l?. Aussit?t, les visages stup?faits des habitants se tourn?rent vers lui et Steffen reconnut imm?diatement dans leurs regards le m?pris qu’il connaissait depuis l’enfance. Tous le d?visag?rent d’un air moqueur. Steffen ressentit l’envie de tourner les talons et de s’en aller, mais il s’obligea ? rester. Il fallait qu’il vive pr?s de la Tour, pour le bien de Gwendolyn. Un homme baraqu?, ?g? d’une quarantaine d’ann?es et v?tu de haillons, se dirigea vers lui. – Qu’avons-nous l? ? Une moiti? d’homme ? Les autres s’esclaff?rent et se rapproch?rent. Steffen resta calme. Ce genre de remarque ne le surprenait pas : il en avait essuy? de telles toute sa vie. Moins les gens ?taient ?duqu?s, plus ils aimaient le ridiculiser. Steffen tendit la main pour s’assurer que son arc ?tait ? port?e de main, au cas o? les villageois d?cidaient de se montrer violents, en plus d’?tre cruels. Il savait qu’il serait capable d’en tuer un certain nombre, en cas de besoin. Cependant, ce n’?tait pas le but de sa visite. Il voulait surtout trouver un abri. – Ce n’est pas un simple bossu, non ? remarqua un autre, comme un groupe de villageois mena?ants se pressaient de plus en plus pr?s. – Vu ses nippes, on n’dirait pas, rench?rit son compagnon. C’est pas une armure royale ? – Et cet arc… Du cuir de qualit?. – Et les fl?ches ! Des pointes dor?es, rien que ?a. Ils s’arr?t?rent ? quelques pas en lui jetant des regards noirs. Ils rappelaient ? Steffen les brutes de son enfance. – Qui es-tu, bossu ? demanda l’un d’eux. Steffen prit une grande inspiration, bien d?cid? ? garder son sang-froid. – Je ne vous veux aucun mal, commen?a-t-il. Le groupe ?clata de rire. – Du mal ? Toi ? Quel mal tu pourrais bien nous faire ? – M?me nos poules n’ont pas peur de toi ! s’exclama un autre. Steffen s’empourpra devant les rires, mais il savait qu’il ne devait pas s’?nerver. – J’ai besoin d’un abri et de nourriture. J’ai des mains fortes et un dos solide. Je peux travailler. Je n’ai pas besoin de beaucoup. Pas plus qu’un autre. Steffen voulait soudain se perdre dans un travail physique, comme il l’avait fait pendant toutes ces ann?es au service du Roi MacGil. Cela lui viderait la t?te. Il travaillerait dur et vivrait une vie anonyme, comme il avait ?t? pr?t ? le faire avant Gwendolyn. – Tu penses que tu peux faire le travail d’un homme ? ricana un autre. – On peut peut-?tre lui trouver une utilit?… Steffen lui jeta un regard plein d’espoir. – Il pourrait jouer avec nos chiens et nos poules ! Tous s’esclaff?rent. – Je payerais cher pour voir ?a ! – Nous sommes en guerre, au cas o? vous n’ayez pas remarqu?, r?pliqua froidement Steffen. Je suis s?r qu’un village reclus comme le v?tre a besoin d’aide pour assurer sa subsistance. Les villageois s’entreregard?rent, stup?faits. – Bien s?r que c’est la guerre, nous le savons ! Mais notre village est petit. Les arm?es ne viennent jamais jusqu’ici. – Je n’aime pas ta fa?on de parler, grogna un autre. Tout ?duqu? et tout… Tu te crois meilleur que nous ? – Je ne me pr?tends pas meilleur que tout homme, r?pondit Steffen. – Au moins, c’est clair ! – ?a suffit ! s’?cria un villageois d’une voix qui n’amenait aucune discussion. Il fendit la foule en repoussant les autres de la main. Il ?tait plus vieux et semblait bien plus s?rieux. La foule se tut en sa pr?sence. – Si tu veux, dit-il d’une voix brusque et profonde, j’ai bien besoin d’une paire de bras suppl?mentaire pour faire tourner mon moulin. Je paye un sac de grain et une cruche d’eau par jour. Tu dors dans la grange, avec les autres gars. Si ?a te va, je te prends. Steffen hocha la t?te, soulag? de trouver enfin ? qui parler. – Je ne demande rien d’autre, dit-il. – Par ici, r?pondit l’homme. Steffen le suivit jusqu’? un grand moulin en bois, autour duquel s’affairaient des jeunes gar?ons et des hommes couverts de sueur et de terre. Ils poussaient une grande roue pour actionner les m?canismes. Un travail difficile et rude. Cela conviendrait ? Steffen. Celui-ci se retourna pour donner sa r?ponse mais l’homme avait d?j? disparu, comme s’il n’avait jamais dout? qu’il accepterait. Les villageois s’?loign?rent, non sans jeter quelques derni?res moqueries. Steffen se tourna vers la roue et vers sa nouvelle vie. L’espace d’un instant, il avait eu la faiblesse de r?ver d’une vie meilleure, de ch?teau, de royaut? et de rang. Il avait cru devenir un personnage important aux c?t?s de la Reine. Il aurait d? savoir qu’il n’?tait jamais bon d’entretenir de telles pens?es… Bien s?r, tout cela n’?tait pas pour lui et ne l’avait jamais ?t?. Sa rencontre avec Gwendolyn n’avait ?t? qu’une ?tincelle au milieu d’une vie de labeur. C’?tait, apr?s tout, la seule vie qu’il connaissait. Une vie qu’il comprenait. Une vie difficile. Sans Gwendolyn, cette vie en valait bien une autre. CHAPITRE SIX Thor poussa Mycoples, de plus en plus vite, comme ils filaient ? travers les nuages, en direction de la Tour du Refuge. Thor sentait dans toutes les fibres de son ?tre que Gwendolyn ?tait en danger. C’?tait comme une vibration au bout de ses doigts, qui remontait le long de son corps et lui murmurait : plus vite, plus vite… Plus vite. – Plus vite ! cria-t-il ? Mycoples. Mycoples ronronna doucement en guise de r?ponse et battit ses ailes gigantesques. En v?rit?, Thor n’avait pas eu besoin de prononcer ces mots : Mycoples percevait la moindre de ses pens?es. Il l’avait dit pourtant, pour soulager la tension qui l’habitait. Il sentait d?muni, impuissant. Quelque chose n’allait pas et chaque seconde comptait. Ils ?merg?rent enfin des nuages et Thor aper?ut avec soulagement la Tour du Refuge au loin. Une b?tisse mill?naire, parfaitement cylindrique, en pierre noire et brillante, qui s’?levait vers le ciel comme une fl?che. M?me d’ici, Thor sentit son pouvoir. Comme ils s’approchaient, il rep?ra soudain une silhouette au sommet. Une personne qui se tenait tout au bord, les bras en croix. Ses yeux ?taient ferm?s et elle tanguait entre les brises. Thor sut imm?diatement qui elle ?tait. Gwendolyn. Son c?ur battit ? tout rompre. Il savait ce qu’elle pensait. Et il savait pourquoi. Elle pensait que Thor l’avait abandonn?e. Il ne put s’emp?cher de se sentir coupable. – PLUS VITE ! cria-t-il. Mycoples battit des ailes plus vite encore, si vite que Thor en eut le souffle coup?. Comme ils approchaient, Thor vit Gwen faire un pas en arri?re pour retrouver la s?curit? et son c?ur se gonfla de soulagement. M?me sans le voir, elle avait chang? d’avis. Elle avait renonc? ? sauter. Mycoples poussa un rugissement et Gwen, en levant les yeux, aper?ut Thor pour la premi?re fois. Leurs regards se trouv?rent, m?me ? cette distance, et il lut le choc sur son visage. Mycoples atterrit et Thor sauta ? terre, avant de courir vers Gwendolyn. P?trifi?e, elle le fixa du regard comme on d?visage un fant?me. Thor se pr?cipita vers elle, le c?ur battant, et ouvrit les bras. Ils s’?treignirent et se serr?rent l’un contre l’autre. Thor la souleva dans les airs et la fit tournoyer, encore et encore et encore. Il l’entendit pleurer contre son oreille, sentit des larmes chaudes couler dans son cou. Il pouvait ? peine y croire : elle se trouvait enfin dans ses bras. Tout ?tait r?el. Le r?ve qu’il avait fait, jour apr?s jour, nuit apr?s nuit, tout au long de son voyage, quand il avait ?t? certain de ne plus jamais la revoir. Elle se trouvait ? pr?sent dans ses bras. Ils avaient ?t? s?par?s si longtemps que tout semblait nouveau et parfait. Il se promit de ne plus jamais la prendre pour acquise. – Gwendolyn, murmura-t-il. – Thorgrin. Impossible de dire combien de temps ils rest?rent ainsi enlac?s. Lentement, ils s’?loign?rent, pour mieux s’embrasser. Un baiser passionn?. – Tu es vivant, dit-elle. Tu es l?. Je ne peux y croire. Mycoples poussa un reniflement sonore et les yeux de Gwendolyn, en apercevant le dragon par-dessus l’?paule de Thor, s’agrandirent d’effroi. – N’aie pas peur, dit Thor. Elle s’appelle Mycoples. C’est mon amie. Ce sera la tienne aussi. Viens. Thor prit la main de Gwen et la guida sur le chemin de ronde. Il pouvait sentir les peurs de Gwen comme ils approchaient. Il comprenait : apr?s tout, c’?tait l? un vrai dragon et Gwen n’en avait jamais vu d’aussi pr?s. Mycoples plongea son regard immense et rougeoyant dans celui de Gwen, en battant doucement ses ailes immenses. Thor sentit quelque chose comme de la jalousie… Ou peut-?tre de la curiosit?. – Mycoples, voici Gwen. Mycoples d?tourna la t?te d’un air orgueilleux. Mais sa r?ticence fut br?ve : elle se tourna ? nouveau brusquement et plongea son regard dans celui de Gwen, comme pour la sonder, avant de s’approcher tout pr?s, si pr?s qu’elle la toucha presque. Gwen poussa un petit cri de surprise et d’?merveillement, et peut-?tre d’effroi. Elle tendit une main tremblante et la posa sur le museau de Mycoples, pour caresser les ?cailles violettes. Au bout de quelques secondes tendues, Mycoples cligna des yeux et frotta son nez contre le ventre de Gwen, en signe d’affection. Thor ne comprit pas pourquoi. Brusquement, Mycoples se d?tourna ? nouveau. – Elle est belle, murmura Gwen. Elle se tourna vers Thor. – J’avais perdu espoir… Je croyais que tu ne reviendrais plus. – Moi non plus, r?pondit-il. Penser ? toi me faisait tenir. C’?tait ma raison de vivre et de revenir. Ils s’?treignirent ? nouveau, caress?s par les brises, avant de s’?loigner. Gwen baissa les yeux et remarqua l’?p?e de Destin?e ? la hanche de Thor. Ses yeux s’agrandirent de surprise. Elle poussa un petit cri. – Tu as ramen? l’?p?e, dit-elle. Elle lui jeta un regard stup?fait. – C’est toi qui as pu la manier ? Thor hocha la t?te. – Mais comment ? bafouilla-t-elle. Elle ?tait visiblement boulevers?e. – Je ne sais pas, dit Thor. J’ai juste r?ussi. Un ?clair d’espoir traversa soudain ses yeux : – Cela signifie que le Bouclier nous prot?ge ? nouveau ! Thor hocha la t?te d’un air solennel. – Andronicus est pris au pi?ge, dit-il. Nous avons d?j? lib?r? la Cour du Roi et Silesia. Le visage de Gwendolyn s’?claira. – C’?tait toi, dit-elle. Tu as lib?r? nos cit?s. Thor haussa les ?paules, modeste. – C’?tait surtout Mycoples. Et l’?p?e. Je me suis content? de les suivre. Gwen lui adressa un sourire ?clatant. – Et notre peuple ? Ils sont en vie ? Ils ont surv?cu ? Thor hocha la t?te. – Presque tous sont en vie et ils vont bien. Souriante et soulag?e, Gwen semblait soudain beaucoup plus jeune. – Kendrick t’attends ? Silesia, dit Thor, tout comme Godfrey, Reece, Srog et bien d’autres. Ils vont bien et la cit? est libre. Gwen se pr?cipita dans ses bras et le serra fort. Il sentit son soulagement et sa joie. – Je pensais que tout ?tait fini, dit-elle en pleurant doucement. Perdu pour toujours. Thor secoua la t?te. – L’Anneau a surv?cu, dit-il. Andronicus est en fuite. Nous finirons par le chasser d?finitivement, puis nous reconstruirons. Gwen lui tourna soudain le dos et d?tourna le regard, en chassant une larme. Elle s’enroula dans sa cape et il lut la peur dans ses yeux. – Je ne sais pas si je peux revenir, dit-elle d’une voix h?sitante. Quelque chose m’est arriv?. Pendant que tu ?tais parti. Thor la prit doucement par les ?paules. – Je sais ce qui t’est arriv?, dit-il. Ta m?re me l’a dit. Tu n’as pas ? avoir honte. Gwendolyn leva vers lui un regard empli de surprise et d’?merveillement. – Tu sais ? r?p?ta-t-elle, stup?faite Thor hocha la t?te. – ?a ne veut rien dire. Je t’aime autant qu’avant, peut-?tre m?me plus. Notre amour, c’est tout ce qui compte. Un amour invincible. Je te vengerai. Je tuerai Andronicus de mes mains. Et notre amour sera immortel. Gwen se pr?cipita dans ses bras et le serra fort, comme les larmes coulaient le long de son cou. Il sentit combien elle ?tait soulag?e. – Je t’aime, dit-elle contre son oreille. – Je t’aime aussi, murmura-t-il. Comme il la tenait contre lui, son c?ur battit ? tout rompre. Il voulut lui demander, l?, tout de suite. Lui demander sa main. Mais il devait d’abord lui avouer son secret, lui dire qui ?tait son p?re. L’id?e seule le rendait malade de honte et d’humiliation. Il venait juste de lui promettre de tuer l’homme qu’ils ha?ssaient tous les deux. Comment lui annoncer alors que cet homme, Andronicus, ?tait en fait son p?re ? Il eut soudain la certitude que Gwen le ha?rait pour toujours. Il ne pouvait prendre le risque de la perdre. Pas apr?s ce qui s’?tait pass?. Il l’aimait trop. Au lieu de cela, il plongea une main tremblante sous sa chemise et en retira le collier qu’il avait ramass? parmi les tr?sors des dragons : un pendentif en forme de c?ur, orn? de diamants et de rubis, attach? ? une cha?ne d’or. Il le fit miroiter sous la lumi?re du soleil et Gwen poussa un petit cri d’?merveillement. Thor le lui attacha autour du cou. – Une petite preuve de mon amour et de mon affection, dit-il. Le bijou se mit ? resplendir sur sa gorge. L’anneau de Thor br?lait au fond de sa poche et il se promit de le lui donner quand le moment serait venu. Quand il aurait le courage de lui dire la v?rit?. Ce n’?tait pas encore l’heure… – Tu vois, tu peux revenir, dit Thor en caressant la joue de Gwen. Tu dois revenir. Ton peuple a besoin de toi. Ils ont besoin d’un chef. L’Anneau n’est rien sans sa souveraine. Tu dois les guider. Andronicus r?de toujours. Nos cites doivent ?tre reconstruites. Il plongea son regard dans le sien et la sentit r?fl?chir. – Dis oui, la pressa-t-il. Reviens avec moi. Cette Tour n’est pas un endroit pour une jeune femme. L’Anneau a besoin de toi. Moi, j’ai besoin de toi. Thor tendit la main et attendit. Gwendolyn h?sita. Enfin, elle prit sa main dans la sienne et son regard s’?claira, s’?claira, s’?claira, illumin? par l’amour et la joie. Sous ses yeux, elle redevenait lentement la Gwendolyn qu’il avait connue, si pleine de vie, d’amour et de joie. On aurait dit une fleur qui s’ouvrait. – Oui, dit-elle doucement. Ils s’?treignirent et Thor se promit de ne plus jamais s’?loigner d’elle. CHAPITRE SEPT Erec ouvrit les yeux et se retrouva allong? entre les bras de Alistair. Il croisa imm?diatement son regard cristallin, brillant d’amour. Un petit sourire ?tirait le coin de ses l?vres. Une douce chaleur ?manait de ses mains et r?chauffait le corps de Erec. Il se rendit compte soudain qu’il se sentait un homme nouveau, gu?ri, comme s’il n’avait jamais ?t? bless?. Elle l’avait ramen? d’entre les morts. Erec s’assit sur son s?ant et d?visagea Alistair avec surprise, en se demandant une fois de plus qui elle ?tait vraiment et d’o? lui venaient de tels pouvoirs. Il se frotta la t?te et les souvenirs des derniers ?v?nements lui revinrent en m?moire : les hommes de Andronicus. L’attaque. La d?fense de la gorge. Le bloc de pierre. Erec sauta sur ses pieds et tourna son regard vers les hommes qui l’entouraient, comme dans l’attente de sa r?surrection – ou de son commandement. Le soulagement se lisait sur leurs visages. – Combien de temps suis-je rest? inconscient ? demanda-t-il brusquement ? Alistair. Il se sentit coupable d’avoir abandonn? ses hommes si longtemps. Elle lui adressa un sourire charmant. – Une seconde ? peine, dit-elle. Comment ?tait-ce possible ? Il se sentait repos?, comme s’il avait dormi des ann?es. Une ?nergie nouvelle lui permit de courir jusqu’? la gorge pour admirer son travail : le bloc de pierre avait ?clat? et obstruait maintenant l’entr?e, emp?chant les soldats imp?riaux de passer. Ils avaient fait l’impossible : ils avaient repouss? une arm?e bien plus forte que la leur. Pour l’instant, du moins. Avant de f?ter la victoire, Erec entendit soudain un cri. Il leva la t?te. L?-haut, au sommet des falaises, l’un de ses hommes poussa un hurlement, puis bascula t?te la premi?re, avant de tomber mort en contrebas. Erec aper?ut alors la lance qui le transper?ait. Des cris s’?lev?rent ? nouveau, de toutes parts cette fois. Sous les yeux ?bahis de Erec, des soldats imp?riaux surgissaient au sommet de la montagne et se jetaient sur les hommes du Duc, rendant coup pour coup. Erec comprit imm?diatement : le commandant avait divis? ses forces, une partie avait escalad? les montagnes pendant que l’autre traversait la gorge. – TOUS AU SOMMET ! ordonna Erec. MONTEZ ! Les hommes le suivirent, l’?p?e au poing, sur les pentes abruptes de roc et de poussi?re. Plusieurs fois, Erec glissa et se rattrapa avant de se hisser ? la force de ses bras. Il voulut courir mais il s’agissait plut?t d’escalade. Le fracas des armures r?sonnait autour de lui. Chaque pas ?tait une bataille. Enfin, quelques hommes finirent par atteindre le sommet en se faufilant entre les rochers comme des ch?vres de montagnes. – ARCHERS ! Tout le long de la pente, les archers mirent un genou ? terre pour tirer une vol?e de fl?ches, tuant plusieurs soldats imp?riaux qui bascul?rent dans le vide. L’un d’eux faillit renverser Erec, qui l’?vita adroitement. Un autre heurta un de ses hommes et l’emporta dans sa chute. Les archers s’?parpill?rent le long de la falaise, pr?ts ? tirer d?s qu’un soldat sortirait la t?te. Cependant, il ?tait difficile de viser, car les hommes se battaient maintenant au corps ? corps et les fl?ches ne touchaient pas toujours leurs cibles. L’une d’elle se planta notamment, par accident, dans le dos d’un homme du Duc. Celui-ci poussa un cri d?chirant et bascula. Son assaillant en profita pour le poignarder et le poussa. Expos?, il fut aussit?t transperc? ? son tour par un tir de fl?che. Erec redoubla d’efforts et courut pour parcourir les derniers m?tres qui le s?paraient du sommet. Il glissa, tendit la main pour agripper une racine, resta un instant suspendu dans les airs avant de retrouver ses appuis. Il reprit sa course. Erec atteignit le sommet avant les autres et se jeta dans la m?l?e en poussant un cri de guerre, lame au clair, press? de d?fendre ses hommes qui reculaient lentement devant l’ennemi. Il n’en restait plus que quelques douzaines, en sous nombre. ? chaque seconde, des soldats imp?riaux surgissaient, toujours plus nombreux. Erec se jeta dans la bataille comme un forcen?, chargeant et tuant deux hommes ? la fois, lib?rant les siens. Il n’en existait pas dans tout l’Anneau de plus rapide, ni de meilleur que lui. Une ?p?e dans chaque main, Erec mit ? profit tous ses talents de champion de l’Argent pour repousser l’Empire. Comme il tournoyait et abattait ses lames ? droite et ? gauche, il sema une vague de destruction, toujours plus loin entre les rangs ennemis, parant les coups, donnant des coups de t?te. Il les transper?a comme un coup de vent, abattant une douzaine de soldats avant que ceux-ci n’aient eu la moindre chance de se d?fendre. Autour de lui, les hommes du Duc se rassembl?rent, secourus par les renforts que menaient Brandt et le Duc lui-m?me. Bient?t, la situation s’inversa et ils repouss?rent petit ? petit les soldats imp?riaux, laissant des corps ? leurs pieds. Erec se d?barrassa du dernier d’entre eux, en le repoussant vers le pr?cipice avant de le faire tomber d’un coup de pied. Erec et ses hommes en profit?rent pour reprendre leur souffle. Erec se dirigea alors vers le gouffre, pour apercevoir l’arm?e en contrebas. L’Empire avait cess? de leur envoyer des soldats, mais il avait le pressentiment que ce n’?tait pas faute d’effectif. Jamais l’imagination de Erec n’aurait pu le pr?parer ? un tel spectacle. Son c?ur manqua un battement. Ils avaient tu? plusieurs centaines d’hommes en bouchant la gorge, mais il restait encore plusieurs dizaines de milliers de soldats en contrebas. Erec pouvait ? peine y croire. La bataille leur avait demand? toute leur ?nergie et, pourtant, ils avaient ? peine entam? l’immense arm?e. Au fur et ? mesure que l’Empire enverrait ses bataillons, Erec et ses compagnons en tuerait peut-?tre quelques douzaines, quelques centaines… Mais ils finiraient par c?der devant le nombre. Erec se sentit soudain impuissant et d?muni. Pour la premi?re fois de sa vie, il eut la certitude qu’il allait mourir, ici et aujourd’hui. Rien ne le sauverait, cette fois. Il n’avait aucun regret. Il s’?tait d?fendu vaillamment et il n’existait pas de meilleure fa?on de mourir. Il referma son poing sur la poign?e de son ?p?e et se pr?para mentalement. La seule chose qui le pr?occupa fut la s?curit? de Alistair. Peut-?tre qu’il pourrait passer plus de temps avec elle, apr?s la mort. – Eh bien, c’?tait bien tent?, dit une voix. Erec se tourna vers Brandt, qui avait parl?. La main sur le pommeau de son ?p?e, son ami semblait aussi r?sign? que lui. Les deux hommes avaient affront? ensemble bien des batailles, souvent en sous nombre… Pourtant, c’?tait la premi?re fois que Erec lisait cette r?signation sur le visage de son ami. La mort ?tait ? leurs portes. – Au moins, nous mourrons l’?p?e ? la main, dit le Duc. Ces mots trouv?rent un ?cho dans les pens?es de Erec. En contrebas, les soldats imp?riaux lev?rent les yeux vers eux. Plusieurs milliers d’entre eux se rassemblaient et marchaient d’un m?me mouvement en direction de la montagne. Les archers mirent un genou ? terre et Erec sut qu’il ne restait plus que quelques minutes avant le massacre. Il prit une grande inspiration. Soudain, un cri strident retentit dans le ciel. Erec leva les yeux, en se demandant s’il perdait la t?te. Un jour, il avait entendu un dragon rugir. Un bruit terrible qu’il n’avait jamais oubli? apr?s les Cent. Il n’aurait jamais imagin? l’entendre ? nouveau. Se pouvait-il que… ? Un dragon ? Ici, dans l’Anneau ? Erec renversa la t?te et ce qu’il vit se grava pour toujours dans sa m?moire : un grand dragon violet ?cartant les nuages, battant ses ailes immenses. Erec en resta p?trifi? d’effroi, plus que devant n’importe quelle arm?e. Comme il y regardait ? deux fois, il fut stup?fait d’apercevoir deux silhouettes sur le dos du monstre. Il finit par les reconna?tre. Ses yeux lui jouaient-ils des tours ? Thorgrin ? califourchon et, derri?re lui, agrippant sa taille, la fille du Roi MacGil, Gwendolyn. Avant que Erec n’ait eu le temps de comprendre, le dragon plongea comme un aigle en direction de la montagne. Il ouvrit la gueule et poussa un rugissement ? fendre les pierres, qui fit trembler le sol. Il cracha alors son souffle br?lant. Erec n’avait encore jamais vu cela. La vall?e s’emplit des cris de terreur et de douleur des soldats imp?riaux. Vague apr?s vague, le feu les engloutit et le paysage tout entier se peignit de flammes rouges. Thor dirigea sa monture sur les rangs de l’arm?e ennemie et les an?antit en l’espace d’un coup de tonnerre. Les survivants prirent la fuite vers l’horizon, mais Thor se lan?a ? leur poursuite. En quelques minutes, tous les hommes en contrebas – ceux qui s’appr?taient ? signer l’arr?t de mort de Erec – ?taient eux-m?mes partis en fum?e. Il ne restait plus rien que des corps calcin?s entre le feu et les flammes, des ?mes disparues. L’arm?e ennemie n’?tait plus. Erec leva un regard choqu? vers le dragon qui s’?leva ? nouveau dans les airs et les d?passa pour poursuivre son vol en direction du nord. Les hommes pouss?rent des acclamations sur son passage. Erec resta muet d’admiration devant l’h?ro?sme de Thor, le pouvoir de son dragon et l’?trange relation qui les unissait. Il venait de recevoir une seconde chance dans la vie, comme tous les autres. Pour la premi?re fois depuis longtemps, il se sentit optimiste. Maintenant, ils avaient une chance. M?me contre Andronicus et son million d’hommes. Avec une b?te comme celle-ci, ils pourraient gagner la guerre. – En avant marche ! ordonna Erec. Il ?tait d?cid? ? suivre le dragon et son sillage au parfum de souffre, o? que cette piste les m?ne. Thorgrin ?tait revenu. Il fallait se joindre ? lui. CHAPITRE HUIT Sur le dos de son cheval, Kendrick chargea, entour? de ses hommes – des milliers d’entre mass?s autour de Vinesia, la grande ville qui abritait le bataillon de Andronicus. Une immense herse de fer barrait les portes de la cit?. Les murs ?taient ?pais et les soldats imp?riaux grouillaient comme des fourmis. Ils ?taient bien plus nombreux et Kendrick ne b?n?ficiait plus de l’effet de surprise. Pire encore, des renforts arrivaient par la plaine. Au moment m?me o? Kendrick pensait les avoir, la situation venait de se renverser. L’arm?e imp?riale marchait ? pr?sent ? la rencontre de Kendrick, en rangs ordonn?s, disciplin?s, comme une vague de destruction. La seule solution aurait ?t? de battre en retraire en direction de Silesia, puis de tenir la ville jusqu’? la d?faite in?vitable. Cependant, Kendrick avait d?j? go?t? ? l’esclavage et ne comptait pas r?essayer. Ils n’?taient pas du genre ? fuir, m?me en sous nombre. Ni Kendrick, ni ses braves compagnons de l’arm?e MacGil, de Silesia et de l’Argent. Ils se battraient jusqu’? la mort. Kendrick resserra sa prise sur la poign?e de son ?p?e et sut pr?cis?ment ce qu’il devait faire. Les soldats imp?riaux pouss?rent un f?roce cri de guerre et les hommes de Kendrick leur r?pondirent. Ils d?val?rent en trombe le coteau ? la rencontre de l’arm?e ennemie, tout en sachant qu’ils ne remporteraient pas la bataille. Les soldats imp?riaux acc?l?r?rent l’allure pour les heurter de plein fouet. Kendrick sentit le vent dans ses cheveux, la vibration dans son ?p?e et sut que ce n’?tait qu’une question de seconde. Bient?t, il se retrouverait ? nouveau perdu au milieu du fracas m?tallique, ce rite d’?p?es immense et familier. Il fut surpris d’entendre soudain un cri strident. Il renversa la t?te pour balayer le ciel du regard et quelque chose dans les nuages l’interpella. Il avait d?j? vu une fois Thor surgir sur le dos de Mycoples, mais la vue lui coupa le souffle. Cette fois-ci, Gwendolyn se trouvait avec lui. Kendrick crut que son c?ur allait ?clater. Il comprit imm?diatement ce qui allait se passer et sourit, levant son ?p?e, avant de se jeter ? corps perdu dans la bataille. Il r?alisait pour la premi?re fois que la victoire serait de leur c?t?. * Thor et Gwen volaient sur le dos de Mycoples, ? travers les nuages, comme ses grandes ailles battaient, plus vite, toujours plus vite. Thor sentit que Kendrick et les autres ?taient en danger… Enfin, devant eux, les nuages s’ouvrirent sur le paysage : entre les collines verdoyantes de l’Anneau, un bataillon de Andronicus chargeait les hommes de Kendrick. Thor pressa Mycoples : – Plonge ! murmura-t-il. Elle plongea et fr?la le sol, si proche des collines que Thor aurait pu sauter en route. Elle ouvrit sa gueule et cracha une bord?e de flammes br?lantes, qui envahirent les plaines. Les cris des soldats imp?riaux terrifi?s s’?lev?rent aussit?t, comme Mycoples semait une vague de destruction ? nulle autre pareille, enflammant des kilom?tres de campagne. Les survivants prirent la fuite. Thor les laissa faire : Kendrick s’occuperait d’eux. Il se tourna vers la ville et vit que des milliers de soldats demeuraient ? l’int?rieur. Malheureusement, l’espace ?tait trop confin?, les murs trop hauts. Mycoples aurait du mal ? man?uvrer. Des centaines d’archers mirent un genou ? terre en emplirent le ciel d’une vol?e de fl?ches, puis de lances. Thor craignit pour la s?curit? de Mycoples. Il sentit l’?p?e de Destin?e vibrer ? son c?t? et sut que c’?tait une bataille qu’il devrait mener lui-m?me. Il dirigea Mycoples vers les herses de fer, ? l’entr?e de la ville. Comme elle se posait, il se pencha et murmura ? son oreille : – Br?le les portes, puis je me d?brouillerai seul. Mycoples poussa un cri d?sapprobateur. Il ?tait clair qu’elle voulait rester avec Thor et se battre avec lui, mais il ne la laisserait pas faire. – Ce combat est le mien, insista-t-il, et tu dois veiller Gwen. Mycoples eut l’air de c?der. Soudain, elle renversa la t?te et cracha son souffle br?lant vers les herses qui se mirent ? fondre. – Maintenant, file ! lui murmura Thor. Emporte Gwendolyn. Il sauta ? terre, l’?p?e de Destin?e ? la main. – Thor ! appela Gwen. Mais il s’engouffrait d?j? ? travers les herses fondues. Il entendit Mycoples s’envoler et sut qu’elle emm?nerait Gwen en s?ret?. Thor courut dans la cour, en direction du c?ur de la cit? et ? travers les milliers d’hommes. L’?p?e de Destin?e vibrait au bout de son bras comme un ?tre vivant. Il n’avait plus qu’? se laisser guider. Son bras s’agita et s’abattit de tous c?t?s, enfon?ant l’arm?e ennemie, tuant plusieurs douzaines de soldats d’un seul coup. Au d?but, l’Empire essaya de le repousser, mais Thor tailla les boucliers, les armures et les armes, comme si tout cela n’existait m?me pas. Les soldats imp?riaux finirent par comprendre qu’ils affrontaient un ?tre magique, une vague de destruction invincible. Un vent de panique se propagea et les soldats tourn?rent les talons pour prendre la fuite. En v?rit?, ils n’avaient nulle part o? aller. Thor, guid? par l’?p?e, fut trop rapide pour eux, parcourant la cit? ? la vitesse de l’?clair. Les soldats, pris de panique, finirent par se pi?tiner les uns les autres en essayant d’escalader les murs. Thor ne les laissa pas s’?chapper. Il courut aux quatre coins de la ville, investi d’une force surnaturelle, motiv? par une soif de vengeance en songeant ? Gwendolyn et ? ce que Andronicus lui avait fait subir. Il tua les soldats, l’un apr?s l’autre. Il ?tait temps de faire justice. Andronicus. Son p?re. Cette pens?e le consumait. ? chaque coup d’?p?e, Thor s’imagina que c’?tait lui qu’il tuait, supprimant ainsi toute trace de son h?ritage. Thor voulait ?tre quelqu’un d’autre, venir de quelqu’un d’autre. Il voulait un p?re dont il pourrait ?tre fier. N’importe qui, sauf Andronicus. S’il tuait assez d’hommes, peut-?tre finirait-il par se lib?rer de lui. Dans un ?tat second, Thor combattit avec rage, jusqu’? soudain se rendre compte qu’il n’affrontait plus que le vide. Tous les soldats gisaient ? terre, morts, de tous c?t?s. Il ne restait plus personne ? tuer. Thor demeura seul, debout au milieu de la cour, la respiration p?nible, l’?p?e ?tincelante dans sa main. Il entendit alors des acclamations lointaines et courut vers les portes. Au loin, les hommes de Kendrick poursuivaient les derniers soldats en fuite. Comme Thor quittait la cit? en trombe, Mycoples l’aper?ut et descendit vers lui. Il monta sur son dos, devant Gwen, et ils s’?lev?rent ? nouveau dans le ciel. Ils survol?rent l’arm?e de Kendrick. D’ici, on aurait dit des fourmis. Ils pouss?rent des acclamations sur le passage du dragon. Thor poussa Mycoples vers les premi?res lignes, devant les restes ?pars des l?gions imp?riales. – Plonge, murmura Thor. Ils plong?rent ? la poursuite des soldats imp?riaux et Mycoples souffla sur eux son souffle enflamm?. Le mur de flammes les engloutit, un rang apr?s l’autre, au milieu des cris. Bient?t, il ne resta plus rien. Ils poursuivirent leur vol ? travers les plaines : Thor voulait s’assurer que tous ?taient bien morts. Au loin, il aper?ut la haute cha?ne de montagnes, les Highlands qui s?paraient l’est et l’ouest de l’Anneau. En contrebas, il ne restait pas un seul soldat vivant et Thor en fut satisfait. Le Royaume Occidental de l’Anneau avait ?t? lib?r?. Ils en avaient assez fait pour aujourd’hui. Le soleil se couchait et ce qu’il y avait au-del? des montagnes pouvait bien y rester pour le moment. Thor fit demi-tour pour retrouver Kendrick. La campagne fila sous ses yeux et, bient?t, il entendit ? nouveau les acclamations des hommes tourn?s vers le ciel. Ils chantaient son nom. Il se posa, mit pied ? terre et aida Gwendolyn ? descendre. Le large groupe les ?treignit, port? par un cri de victoire. Kendrick, Godfrey, Reece et ses autres fr?res de L?gion ou de l’Argent, tous ses ?tres chers se pr?cipit?rent pour les embrasser. Enfin, ils ?taient ensemble, unis. Libres. CHAPITRE NEUF Andronicus marchait d’un pas rageur entre les tentes. D’un mouvement de col?re, il d?capita d’un coup de griffes un jeune soldat sur son chemin, puis un autre, et un autre, jusqu’? ce que les hommes aient l’id?e lumineuse de rester loin de lui. Ils auraient d? savoir qu’il n’?tait jamais bon de rester dans les parages quand il ?tait dans cet ?tat-l?. Les soldats s’?cart?rent sur son passage. M?me ses g?n?raux observaient une distance de s?curit? : ils savaient qu’il ?tait dangereux de l’approcher. La d?faite, c’?tait une chose. Mais une telle d?faite… La pire d?faite dans toute l’histoire de l’Empire. Andronicus n’avait jamais connu cela. Toute sa vie avait ?t? une suite de victoires, toutes plus violentes et satisfaisantes les unes que les autres. Jusqu’? aujourd’hui, le go?t de la d?faite lui avait ?t? inconnu. Maintenant qu’il en connaissait l’amertume, il la d?testait. Le fil des ?v?nements se d?roulait, encore et encore, dans son esprit. Hier, sa victoire avait ?t? totale. Il avait d?truit la Cour du Roi et conquis Silesia. Il avait asservi les MacGils et humili? leur souveraine, Gwendolyn. Il avait tortur? leurs meilleurs soldats et tu? Kolk. Kendrick et les autres ?taient pr?ts ? suivre leur camarade…Argon s’?tait m?l? de leurs affaires. Il avait emport? Gwendolyn avant qu’il n’ait eu le temps de la tuer. Andronicus avait presque r?par? cette erreur. Il n’aurait eu besoin que d’une journ?e suppl?mentaire pour rencontrer pour de bon l’histoire et la gloire. Brusquement, tout avait chang?. Thor ?tait apparu, juch? sur ce dragon. Il ?tait descendu comme un nuage, en soufflant des flammes et en brandissant l’?p?e de Destin?e qui avait d?cim? les hommes. Andronicus avait tout vu. Il avait eu la pr?sence d’esprit de se r?fugier de l’autre c?t? des Highlands, en attendant les rapports des ?claireurs. Au sud, pr?s de Savaria, tout un bataillon avait ?t? an?anti. Du c?t? de la Cour du Roi et de Silesia, la situation ?tait tout aussi dramatique. ? pr?sent, tout le Royaume Occidental avait ?t? lib?r?. Inconcevable. Il bouillait int?rieurement en pensant ? l’?p?e de Destin?e. Il avait ?t? difficile de la faire sortir de l’Anneau. Maintenant, elle ?tait de retour et le Bouclier s’?levait ? nouveau autour d’eux. Andronicus ?tait pris au pi?ge. Il pouvait partir mais il ne pouvait pas appeler de renforts. De ce c?t? des Highlands, il avait environ cinq cent mille hommes. Un nombre suffisant pour s’opposer aux MacGils… Mais contre Thor, l’?p?e de Destin?e et ce dragon, les chiffres importaient peu. La situation ?tait contre lui. C’?tait la premi?re fois que Andronicus se retrouvait dans cette position. Par-dessus le march?, ses espions lui avaient signal? que la capitale imp?riale ?tait en alerte et que Romulus complotait pour lui prendre le tr?ne. Andronicus grogna de rage en parcourant le campement, ? la recherche d’une id?e ou d’un coupable ? bl?mer. Bien s?r, un commandant avis? aurait sonn? la retraite pour se sauvegarder de Thor et de son dragon. Il aurait sauv? leurs derni?res forces et fait voile vers l’Empire pour reprendre son tr?ne. Apr?s tout, l’Anneau n’?tait qu’un flocon compar? ? la taille de l’Empire et tout grand commandant a droit ? la d?faite. Il ?tait suffisant de r?gner sur quatre-vingt-dix-neuf pourcents du monde. Toutefois, ce n’?tait pas le caract?re du Grand Andronicus, qui n’?tait ni prudent, ni satisfait de rien. Il suivait ses passions. Il savait qu’il prenait un risque en restant, mais il n’?tait pas pr?t ? admettre la d?faite, ni ? laisser l’Anneau lui filer entre les doigts. Il trouverait le moyen de les briser, m?me si cela signifiait sacrifier l’Empire. Peu importaient les risques. Andronicus ne pouvait contr?ler ni le dragon, ni l’?p?e, mais Thorgrin… C’?tait autre chose. Son fils. Andronicus s’arr?ta un instant et soupira. Quelle ironie : son propre fils, le dernier obstacle qui s’opposait ? sa domination totale du monde. D’une certaine fa?on, cela semblait appropri?. In?vitable. Bien s?r, ceux qui nous sont les plus proches sont ceux qui nous blessent le plus. Il se rappela la proph?tie. Il avait commis une erreur en laissant vivre son fils. La plus terrible erreur de sa vie. Il avait toujours eu un faible pour lui, m?me si la proph?tie l’avait d?sign? comme celui qui mettrait fin ? son r?gne. Il l’avait laiss? vivre. Il ?tait temps d’en payer le prix. Andronicus se remit ? marcher dans le campement, flanqu? de ses g?n?raux, jusqu’? atteindre une petite tente ?carlate un peu ?loign?e des autres. Une seule personne ici avait l’audace de choisir une telle couleur, au lieu de se conformer au noir et ? l’or de l’Empire… Le seul homme que ses hommes craignaient. Rafi. Le sorcier personnel de Andronicus. La plus sinistre cr?ature qu’il ait jamais rencontr?e. Rafi avait conseill? Andronicus toute de sa vie, tout en le prot?geant avec sa magie mal?fique. Plus que tout autre, il l’avait aid? ? b?tir son Empire. L’id?e de lui demander conseil et d’admettre devant lui son impuissance r?pugnait Andronicus. Cependant, face ? un obstacle de nature surnaturelle, il finissait toujours par le faire. Comme Andronicus approchait de la tente, deux cr?atures d?moniaques, longues et fines, envelopp?es dans des capes ?carlates qui ne laissaient appara?tre que deux yeux jaunes protub?rants, lui barr?rent la route. Les seules cr?atures qui osaient lui manquer ainsi de respect. – Je souhaite voir Rafi, dit Andronicus. Les deux cr?atures, sans m?me tourner la t?te, tendirent chacune un bras pour ?carter les pans de la tente. Une odeur m?phitique s’?chappa et Andronicus eut un mouvement de recul. Il attendit longtemps, ses g?n?raux derri?re lui. Un silence de plomb r?gnait dans tout le campement. Enfin, de la tente sortit une cr?ature maigre, de haute taille, deux fois plus grande que Andronicus, fine comme une branche d’olivier, v?tue de robes ?carlates, le visage presque invisible sous la capuche. Rafi fixa du regard Andronicus qui aper?ut ? peine ses yeux jaunes sous ses paupi?res tr?s p?les. Il y eut un silence tendu. Andronicus fit un pas en avant. – Je veux que Thorgrin meure, dit-il. Au bout d’un long silence, Rafi ricana. C’?tait un son profond et sinistre. – Les p?res et leurs fils, dit-il. C’est toujours pareil. Andronicus se sentit bouillir d’impatience. – Peux-tu m’aider ? pressa-t-il. Rafi resta muet longtemps, si longtemps que Andronicus dut se retenir pour ne pas l’?trangler. Il savait, toutefois, que le geste aurait ?t? vain. Une fois, de rage, Andronicus avait essay? de le poignarder et, avant m?me de le toucher, il avait vu son ?p?e se dissoudre sous ses yeux. La poign?e lui avait ?galement br?l? la paume de la main. Il avait mis des mois ? se remettre de la blessure. Il se contenta donc de ronger son frein, en silence. Enfin, un ronronnement s’?chappa de la capuche de Rafi. – Les ?nergies qui entourent le gar?on sont tr?s puissantes, dit-il doucement, mais tout homme a une faiblesse. La magie a fait de lui ce qu’il est. La magie peut d?truire ce qu’il est. Andronicus, intrigu?, fit un pas en avant. – De quelle magie parles-tu ? Rafi marqua une pause. – Un genre de magie que tu ne connais pas, r?pondit-il. Un genre de magie r?serv? aux ?tres comme Thor. Il est ton probl?me, mais il est aussi plus que cela. Il est plus puissant que toi. S’il reste en vie. Andronicus se sentit bouillir. – Dis-moi comment le capturer, ordonna-t-il. Rafi secoua la t?te. – Cela a toujours ?t? ta faiblesse, dit-il. Tu pr?f?res capturer, au lieu de tuer. – Je veux le capturer d’abord, r?pliqua Andronicus. Puis je vais le tuer. Y a-t-il un moyen ? Il y eut ? nouveau un long silence. – Il y a un moyen de lui retirer ses pouvoirs, dit Rafi. Si tu l’?loignes de sa pr?cieuse ?p?e et de son dragon, il redeviendra un gar?on comme les autres. – Montre-moi comment je peux faire ?a, ordonna Andronicus. Il y eut un long silence. – Quel est ton prix ? r?pliqua Rafi. – Tout ce que tu veux. Je te donnerai ce que tu voudras. Rafi ricana. – Un jour, tu le regretteras, r?pondit-il. Tu le regretteras terriblement. CHAPITRE DIX Comme Romulus descendait la route m?ticuleusement pav?e de briques dor?es qui menait ? Volusia, la capitale imp?riale, les soldats se mirent au garde-?-vous sur son passage. Romulus passa en revue le reste de son arm?e, r?duite ? quelques centaines de soldats apr?s l’attaque des dragons. Il bouillait de rage. C’?tait une marche de la honte. Toute sa vie, il avait connu la victoire et parad? en h?ros. Maintenant, tout n’?tait plus que silence et embarras. Au lieu de ramener des troph?es, ils ramenaient des soldats vaincus. Cette pens?e le br?lait de l’int?rieur. Il avait ?t? sot d’aller si loin ? la poursuite de l’?p?e, sot de se frotter aux dragons. Son orgueil l’avait pouss? ? la folie. Il aurait d? savoir… Il avait eu de la chance de s’en tirer sans trop de dommages. Il pouvait encore entendre ses hommes crier et respirer l’odeur de chair br?l?e. Ses hommes avaient combattu bravement, en marchant vers la mort sur son ordre. Quand il les avait vu mourir par milliers, Romulus avait compris qu’il ?tait temps de fuir. Les survivants s’?taient ensuite cach?s longtemps dans le tunnel avant de reprendre le chemin de la capitale. Ils arrivaient ? pr?sent devant les portes de la cit? qui s’?levaient ? quelques centaines de m?tres vers le ciel. Une cit? l?gendaire, pav?e d’or, entre les rues de laquelle se croisaient des milliers de soldats imp?riaux, qui se mettaient au garde-?-vous sur son passage. Apr?s tout, Romulus ?tait de facto le chef de l’Empire et le plus respect? de tous les guerriers. Du moins jusqu’? sa d?faite. Il ignorait comment son peuple le regarderait ? pr?sent. La d?faite n’aurait pu arriver ? un pire moment. Le moment que Romulus avait choisi pour pr?parer son coup d’?tat et prendre le pouvoir. Comme il marchait dans les rues de la ville, devant les fontaines et les sentiers m?ticuleusement pav?s, les serviteurs et les esclaves, il enrageait en songeant qu’au lieu de revenir avec plus de pouvoir qu’avant, il revenait en position de faiblesse. Maintenant, il lui serait impossible de r?clamer le tr?ne, il lui faudrait au contraire pr?senter ses excuses au Grand Conseil en esp?rant qu’il ne perdrait pas sa place. Le Grand Conseil. L’id?e faisait fr?mir Romulus. Il n’avait de comptes ? rendre ? personne, certainement pas ? un conseil compos? de civils qui n’avaient jamais tenu une ?p?e de leur vie. Les douze provinces de l’Empire envoyaient chacune deux d?put?s. En tout, deux douzaines d’hommes venus des quatre coins de l’Empire. En th?orie, ils gouvernaient le pays. En pratique, Andronicus faisait ce qu’il voulait et le Conseil ent?rinait ses exactions. Quand Andronicus avait quitt? l’Anneau, il avait donn? au Conseil plus d’autorit? que celui-ci n’en avait jamais eu. Sans doute, il l’avait fait pour se prot?ger de Romulus et d’un ?ventuel coup d’?tat et pour s’assurer de garder son tr?ne, mais son geste avait rendu le Conseil audacieux : les d?put?s se comportaient maintenant comme s’ils avaient une quelconque autorit? sur Romulus… Et Romulus allait devoir parler ? ces sbires que Andronicus avait choisi tout sp?cialement pour lui mener la vie dure. Le conseil utilisait n’importe quelle excuse pour conforter Andronicus et affaiblir toute menace, notamment celle que repr?sentait Romulus. Et maintenant cette d?faite contre les dragons… Pour les d?put?s, l’occasion serait trop belle. Romulus poursuivit son chemin dans les rues de la capitale, en direction du capitole, un grand b?timent cylindrique, noir, entour? de colonnes dor?es et coiff? d’un d?me du m?me ?clat. Les banni?res de l’Empire flottaient au sommet et l’embl?me – un lion tenant un aigle dans la gueule – ?tait grav? sur les portes. Quand Romulus se mit ? monter l’escalier dor?, ses hommes s’arr?t?rent dans la cour. Il poursuivit seul, montant les marches trois par trois, dans un cliquetis d’armes et d’armures. Il fallut qu’une douzaine de serviteurs ouvrent les portes massives, hautes de quinze m?tres chacune, toutes en or et clout?es de noir. Romulus sentit une brise froide le balayer et h?risser les cheveux sur sa nuque quand il fit un pas ? l’int?rieur. Les lourdes portes se referm?rent derri?re lui et il eut l’impression, comme toujours en entrant dans ce b?timent, d’entrer dans son propre tombeau. Romulus s’avan?a sur le sol en marbre, m?choires serr?es, le bruit de ses bottes se r?percutant sur les murs. Il voulait en finir avec cette entrevue pour pouvoir s’occuper de choses plus importantes. Il avait entendu des rumeurs ? propos d’une arme fantastique et il voulait savoir si c’?tait vrai. Si ?a l’?tait, la balance du pouvoir pourrait bient?t se renverser. Andronicus et son Conseil perdraient tout leur pouvoir. L’Empire se retrouverait enfin entre les mains de Romulus. Cette pens?e ?tait la seule chose qui lui donnait du courage, comme il montait une autre vol?e de marche jusqu’aux lourdes portes menant au Grand Conseil. La vaste chambre ?tait plong?e dans une obscurit? sinistre. Il n’y avait qu’une grande table ronde au milieu et, autour d’elle, vingt-quatre robes noires qu’habitaient des hommes aux yeux rouges et aux cornes grises. Quelle humiliation pour Romulus de devoir r?pondre ? ces hommes… Tout ici ?tait fait pour qu’il se sente tout petit. Romulus s’arr?ta au milieu de la pi?ce et garda le silence, d?vor? de l’int?rieur. Il fut tent? de faire volte-face mais il r?ussit ? se contenir. – Romulus de la L?gion Octakin, annon?a formellement l’un des membres de Conseil. Romulus se tourna vers le d?put? qui avait parl?, un vieillard maigre aux jours creuses et aux cheveux grisonnants qui le fixait de son regard rougeoyant. Un sbire de Andronicus. Romulus sut imm?diatement qu’il parlerait en faveur de celui-ci. Le vieillard se racla la gorge. – Vous revenez ? Volusia apr?s une d?faite. Une disgr?ce. Vous avez du culot de vous pr?senter devant nous. – Vous ?tes devenu inutilement t?m?raire, rench?rit un autre d?put?. Romulus se retourna pour croiser son regard m?prisant. – Vous avez perdu des milliers d’hommes au cours de votre qu?te, en affrontant des dragons. Vous avez ?chou? devant l’Empire et devant le Grand Andronicus. Qu’avez-vous ? dire pour votre d?fense ? Romulus renvoya leur regard. – Je ne m’excuse de rien, dit-il. Retrouver l’?p?e ?tait d’une importance vitale. Un autre vieillard se pencha en avant : – Mais vous ne l’avez pas r?cup?r?e, n’est-ce pas ? Romulus s’empourpra. Il aurait tu? cet homme s’il avait pu. – Presque, r?pondit-il enfin. – Presque, cela ne veut rien dire. – Nous nous sommes heurt?s ? de nombreux obstacles. – Des dragons ? Romulus se tourna vers le d?put? qui avait parl?. – Quelle folie vous a pouss? ? ajouta celui-ci. Vous pensiez vraiment que vous pourriez gagner ? Romulus s’?claircit la gorge, de plus en plus agac?. – Non. Mon but n’?tait pas de tuer les dragons mais de r?cup?rer l’?p?e. – Vous ne l’avez pas fait. – Pire encore, dit un autre, vous avez attir? les dragons hors de leur tani?re. On nous rapporte des attaques dans tout l’Empire. Vous avez commenc? une guerre que nous ne pouvons pas gagner. C’est une terrible nouvelle pour l’Empire. Romulus s’arr?ta de r?pondre : cela ne faisait que d?clencher de nouvelles r?criminations. Apr?s tout, ses d?put?s ?taient ? la botte de Andronicus. – Il est bien dommage que le Grand Andronicus ne soit pas l? pour vous ch?tier lui-m?me, dit un d?put?. Je suis certain qu’il ne vous laisserait pas vivre. Il se racla la gorge et se renversa sur son si?ge. – Mais nous devons attendre son retour. Pour le moment, vous garderez le contr?le de l’arm?e et vous enverrez des navires en renforts au Grand Andronicus. Quand ce sera fait, vous serez d?pouill? de votre rang et de vos armes et vous attendrez les ordres. Romulus les d?visagea, stup?fait. – Soyez satisfait de ne pas ?tre ex?cut? sur le champ, dit un autre d?put?. Romulus serra les poings et sentit qu’il devenait violet de col?re. Il jura de tuer ces d?put?s jusqu’au dernier d’entre eux, mais il se for?a ? rester calme pour le moment. Un massacre, aussi satisfaisant qu’il puisse ?tre, ne l’aiderait pas ? prendre le pouvoir. Il tourna les talons et quitta la salle en trombe. Le bruit de ses bottes r?sonna sous le d?me. Les serviteurs referm?rent en claquant les portes derri?re lui. Il sortit du capitole, descendit les marches dor?es jusqu’? rejoindre ses hommes et s’adressa ? son second. – Monsieur, dit ce dernier en s’inclinant, quels sont vos ordres ? Romulus lui renvoya son regard, en r?fl?chissant. Bien s?r, il ne pouvait pas ob?ir aux ordres. Au contraire, il voulait les d?fier. – Le Conseil demande ? tous les navires imp?riaux en mer de retourner au port. Le g?n?ral ?carquilla les yeux. – Mais, Monsieur, cela revient ? abandonner le Grand Andronicus dans l’Anneau, sans moyen de rentrer. Romulus lui jeta un regard gla?ant. – Ne questionne pas mes ordres, dit-il d’un ton sec. Le g?n?ral s’inclina. – Bien s?r, Monsieur. Pardonnez-moi. Le commandant fila. Romulus savait qu’il ex?cuterait les ordres. C’?tait un soldat fid?le et ob?issant. Il sourit pour lui-m?me. Comme le Conseil avait ?t? stupide de penser que Romulus ferait ce qu’on lui demandait… Ces d?put?s l’avaient grandement sous-estim?. Apr?s tout, personne ici n’avait le pouvoir de le r?trograder. Le temps qu’ils r?solvent ce probl?me, Romulus mettrait son plan ? ex?cution. Andronicus ?tait grand, mais Romulus ?tait plus grand encore. Un homme se tenait au coin de la place, v?tu d’une robe d’un vert brillant, la capuche baiss?e sur son visage jaune muni de quatre yeux. Il avait de grandes mains fines au bout desquelles s’agitaient des doigts aussi longs que le bras de Romulus. Un Wokable. Il attendait patiemment. Romulus n’amait pas tellement ceux de son esp?ce, mais il fallait parfois en passer par-l?. Romulus marcha vers lui, parcouru de frissons de d?go?t et d’horreur devant ces quatre yeux. La cr?ature tendit un de ses doigts interminables et toucha sa poitrine. Romulus s’arr?ta net. – Nous avons trouv? ce que tu voulais, dit le Wokable en ?mettant d’?tranges bruits de gorge. Mais cela va te co?ter cher. – Je payerai, dit Romulus. La cr?ature marqua une pause, comme pour se d?cider. – Tu dois venir seul. Romulus r?fl?chit. – Comment puis-je savoir que vous ne mentez pas ? La cr?ature se pencha et esquissa ce qui ressemblait presque ? un sourire. Romulus frissonna en apercevant les centaines de petites dents aiguis?es. – Tu ne peux pas, dit-il. Romulus le regarda dans ses quatre yeux. Il savait qu’il ne fallait pas faire confiance ? cette cr?ature, mais il devait essayer. La cr?ature avait peut-?tre en sa possession ce que Romulus cherchait depuis toujours : une arme mythique qui, selon la l?gende, pouvait abaisser le Bouclier et permettre ? une arm?e de traverser le Canyon. La cr?ature tourna les talons et commen?a ? s’?loigner, laissant derri?re lui Romulus qui r?fl?chissait encore. Enfin, celui-ci lui embo?ta le pas. CHAPITRE ONZE Gwendolyn volait sur le dos de Mycoples, derri?re Thor contre lequel elle se serrait. Le vent ?bouriffait ses cheveux. Il faisait froid, mais c’?tait vivifiant. Gwen commen?ait ? se sentir vivante ? nouveau. En fait, elle ne s’?tait jamais sentie aussi heureuse. Tout semblait soudain parfait en ce monde. Son b?b? gigotait dans son ventre, tout ? sa joie d’?tre si pr?s de son p?re. Gwen br?lait d’annoncer la nouvelle ? Thor mais elle voulait que le moment soit parfait. Depuis qu’ils avaient quitt?s la Tour du Refuge, elle ne l’avait pas encore trouv?. Tout n’avait ?t? qu’un encha?nement de batailles et d’aventures, comme tous deux volaient sur le dos de Mycoples. Gwendolyn avait regard? d’un air ?merveill? la b?te souffler des flammes sur l’arm?e de Andronicus. Elle ne ressentait aucune piti? mais, au contraire, une satisfaction de voir son d?sir de vengeance assouvi. ? chaque soldat imp?rial tu?, chaque ville lib?r?e, elle avait l’impression que l’ordre du monde ?tait restaur?. Apr?s les d?faites, il ?tait bon d’?tre enfin victorieux. Apr?s avoir lib?r? Vinesia, Kendrick et ses hommes retournaient ? Silesia. Gwendolyn et Thor avaient d?cid? d’y aller en volant, puis de retrouver leurs compagnons l?-bas. Sur le dos de Mycoples, ils allaient plus vite que des chevaux et il n’y avait pas un instant ? perdre. Thor avait voulu faire un tour du Royaume Occidental et Gwen regardait en contrebas, avec une immense satisfaction, les bataillons de Andronicus an?antis, jonchant la campagne entre les Highlands et le Canyon. Le pays ?tait libre. Bien s?r, la moiti? de l’arm?e imp?riale se trouvait toujours de l’autre c?t? des montagnes, mais Gwendolyn pr?f?rait ne pas s’en inqui?ter pour le moment. La victoire serait pour demain. Andronicus n’aurait pas d’autre choix que de se rendre, ou bien de mourir dans la d?faite. Pour la premi?re fois depuis longtemps, Gwen n’avait pas besoin de s’inqui?ter. Au contraire, il ?tait temps de c?l?brer la victoire. Mycoples battit ses ailes immenses sous les yeux ?merveill?s de Gwendolyn, qui r?alisait ? peine qu’elle volait bel et bien sur le dos d’un dragon. Elle se serra contre Thor. Quel moment romantique… Ils survolaient l’Anneau, les montagnes, les vall?es et les collines verdoyantes. Bient?t, ils atteignirent le Canyon. Au loin, resplendissait l’?tendue jaune du Tartuvien. Les brumes tourbillonnantes s’?levaient devant les soleils couchants et Gwen en eut le souffle coup?. Le Canyon semblait aussi grand que le monde. Ils prirent enfin le chemin de Silesia et le c?ur de Gwen battit ? tout rompre ? l’id?e de revoir les siens. Avant l’arriv?e de Thor, elle avait ?t? si nerveuse de leur faire face. ? pr?sent, elle n’avait plus honte et se sentait au contraire pleine de joie et de fiert?. Elle comprenait enfin les mots sages de Argon : ce qui lui ?tait arriv? n’avait rien ? voir avec la personne qu’elle ?tait et ne la d?finissait pas. Elle avait toute la vie devant elle et le pouvoir de choisir d’?tre heureuse. Elle avait d?cid? de vivre. Cela serait sa revanche. Elle ne laisserait rien l’abattre. Des volutes multicolores illuminaient la brume et elle songea que c’?tait l’instant le plus romantique de sa vie. Elle se r?jouit de le partager avec Thor. Elle ne pouvait plus attendre : d?s qu’ils se seraient pos?s, d?s qu’ils seraient seuls, elle lui dirait qu’elle ?tait enceinte. Elle sentait que Thor voulait ?galement lui avouer quelque chose et se demandait s’il allait lui demander sa main. Elle sourit ? l’id?e, en fr?tillant presque d’impatience. Ils survol?rent la Cour du Roi et le c?ur de Gwendolyn manqua un battement en apercevant les ruines de la ville autrefois glorieuse, les murs effondr?s, les maisons abandonn?es, les fontaines et les statues renvers?es. Au moins, les murailles avaient tenu bon : ?croul?es ?a et l?, elles se dressaient encore malgr? tout. Gwen sentit un ?lan de d?termination la traverser. Elle fit le v?u de reconstruire la Cour du Roi. Elle la reb?tirait plus grande qu’auparavant. Un bastion d’espoir. Tous sauraient que l’Anneau avait surv?cu et qu’il le ferait encore pendant des si?cles. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43694887&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.