Êàêîå, â ñóùíîñòè, íåëåïîå çàíÿòèå ïèñàòü ñòèõè: ......................è "ãëàç ëóíû", è "ñîëíöà äèñê" êàê ìèð ñòàðû. ............................Äóøè øèðîêèå îáúÿòèÿ òîëïå íàâñòðå÷ó ðàñïàõíóòü... - ................................................ïîäîáíûé ðèñê ê ÷åìó òåáå? - ........................Ãëóõîé ñòåíîé - íåïîíèìàíèå; ðàçäàâëåí òÿæåñòüþ

La Queue Entre les Jambes

La Queue Entre les Jambes Blake Pierce Une Enqu?te de Riley Paige #3 LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est le troisi?me tome de la populaire s?rie de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES (tome 1) – un roman disponible gratuitement sur de nombreuses plateformes. Personne ne s’?tonne de retrouver des prostitu?es mortes ? Phoenix. Cependant, quand la police s’aper?oit que ces meurtres sordides sont li?s, ils r?alisent qu’un tueur en s?rie s?vit dans la r?gion et que l’affaire les d?passe. Devant la nature ?trange des crimes, le FBI comprend qu’il devra faire appel ? son agent le plus brillant : Riley Paige. Riley h?site : elle se remet ? peine de sa pr?c?dente affaire et tente de recoller les morceaux de sa vie priv?e. Toutefois, quand elle apprend que ces jeunes femmes sont mortes dans des circonstances bouleversantes et que le tueur est susceptible de frapper ? nouveau, elle ne peut s’en emp?cher. Elle se lance ? la poursuite de l’insaisissable meurtrier. Sa nature obsessive l’emporte loin, tr?s loin – peut-?tre trop loin, cette fois, au-del? m?me de ses propres limites. Ses recherches l’entra?nent dans le monde troubl? de la prostitution, des foyers bris?s et des r?ves abandonn?s. Elle apprend que, m?me chez les prostitu?es, on trouve encore des lueurs d’espoir – un espoir qu’un violent psychopathe est en train de leur voler. Quand une adolescente se fait enlever, Riley se lance dans une course fr?n?tique contre le temps et nage en eaux troubles pour atteindre les abysses de l’esprit du tueur. Mais ce qu’elle finit par d?couvrir, m?me Riley n’aurait jamais pu l’imaginer. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est la troisi?me enqu?te d’une s?rie palpitante qui met en sc?ne un personnage principal attachant. Le roman vous poussera ? lire jusqu'? tard dans la nuit. Le tome 4 des enqu?tes de Riley Paige sera bient?t disponible. L A Q U E U E E N T R E L E S J A M B E S (UNE ENQUETE de RILEY PAIGE—TOME 3) B L A K E P I E R C E Blake Pierce Blake Pierce est l’auteur de la populaire s?rie de thrillers RILEY PAIGE : SANS LAISSER DE TRACES (tome 1), REACTION EN CHAINE (tome 2) et LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (tome 3). Elle ?crit ?galement la s?rie de thrillers MACKENZIE WHITE. Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'h?sitez pas ? visiter son site web www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com) pour en savoir plus et rester en contact ! Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi des ?tats-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. 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DU M?ME AUTEUR LES ENQU?TES DE RILEY PAIGE SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1) REACTION EN CHAINE (Tome 2) LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3) LES ENQU?TES DE MACKENZIE WHITE AVANT QU'IL NE TUE (Tome 1) TABLE DES MATI?RES PROLOGUE (#u8d71c359-7326-554d-95db-d8c060b635c0) CHAPITRE UN (#uc897a58f-9fa7-5817-bfb5-0dbd7d4d3e88) CHAPITRE DEUX (#u75c292fc-1fab-5d85-93e3-f0ffc76ba45b) CHAPITRE TROIS (#ufc8a78c3-0bca-5dc3-a18b-c6eb4cb71c8b) CHAPITRE QUATRE (#ubc8939d7-25a8-5248-b350-d56f6f2c5fac) CHAPITRE CINQ (#u2ed29947-cecd-5fa4-8037-52d9c71b2d31) CHAPITRE SIX (#ue66033b9-056f-5d5e-b01c-b28efd7fe80e) CHAPITRE SEPT (#uff274602-1a0d-55d1-93bc-c68eec538a99) CHAPITRE HUIT (#u9fad6b26-6944-5c29-a12b-d17334a7fcc0) CHAPITRE NEUF (#u9b3a4c24-6f39-5803-8b64-00370f4987ec) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE ET UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE ET UN (#litres_trial_promo) Prologue Janine crut apercevoir une tache sombre dans l’eau. C’?tait grand et noir, et ?a se balan?ait au rythme des vaguelettes. Elle tira sur la pipe ? cannabis, avant de la tendre ? son copain. Et si c’?tait un tr?s gros poisson ? Ou une autre b?te ? Janine secoua la t?te, comme pour faire taire son imagination. Elle avait envie de se d?tendre. Pas la peine de flipper. Le lac Nimbo ?tait un r?servoir artificiel de poissons destin?s ? la p?che, comme il en existait en Arizona. S’il y avait un monstre du Loch Ness l?-dedans, ?a se saurait. Colby lan?a : — Oh putain, le lac est en feu ! Janine se tourna vers son copain. La lumi?re de fin d’apr?s-midi mettait en valeur ses taches de rousseur et ses cheveux roux. Il venait de tirer sur la pipe et regardait maintenant le lac avec une expression d’?merveillement stupide. Janine gloussa : — T’es d?fonc?, mon pote, dit-elle. — Oui, mais regarde le lac ! Janine se tourna vers le lac Nimbo. Elle n’?tait pas encore compl?tement d?fonc?e, mais il ?tait certain que la vue ?tait splendide. Le soleil de fin d’apr?s-midi enflammait le canyon d’or et de rouge. Les eaux refl?taient le spectacle comme un miroir. En espagnol, « nimbo » signifiait « nimbe ». Ce nom convenait tr?s bien au lac. Elle reprit la pipe des mains de Colby et tira longuement dessus. La fum?e laissa une tra?n?e br?lante dans sa gorge. Elle ?tait tout pr?s de la d?fonce. Trop bien… D’accord, mais c’?tait quoi, cette tache noire dans l’eau ? Rien. Juste une illusion d’optique, se dit-elle. Mieux valait ne pas y penser. Tout ?tait tellement parfait. C’?tait leur endroit pr?f?r?, ? elle et ? Colby. C’?tait magnifique, douillet et intime, loin des campings, loin de tout et de tout le monde. Ils venaient en g?n?ral le week-end mais, aujourd’hui, ils avaient s?ch? l’?cole. Il faisait trop beau pour s’enfermer dans une classe. La voiture de Colby ?tait gar?e sur la route de terre, derri?re eux. Un vertige lui monta ? la t?te – le d?but d’une d?fonce royale. Soudain, le lac lui parut trop lumineux et trop superbe ? regarder. Elle se tourna vers Colby. Il ?tait beau, lui aussi. Elle le saisit par le col et l’embrassa. Il avait bon go?t. Tout ?tait merveilleux, chez lui. Elle le repoussa doucement et le regarda dans les yeux, le souffle court. — « Nimbo », ?a veut dire « nimbe », tu le savais ? — Ouah, dit-il. Ouah… On aurait dit qu’il n’avait jamais rien entendu d’aussi fantastique. C’?tait marrant, comme si on lui avait parl? de Dieu. Janine se mit ? rire et Colby l’imita. Quelques secondes plus tard, ils tomb?rent dans les bras l’un de l’autre. Janine se d?gagea. — Qu’est-ce que t’as ? demanda Colby. — Rien. Elle retira son dos nu. Les yeux de Colby s’?carquill?rent. — Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il. — Qu’est-ce que tu crois que je fais ? Elle remonta le T-shirt de Colby sous ses aisselles. — Attend, souffla-t-il. Ici ? — Pourquoi pas ? C’est mieux qu’? l’arri?re de ta caisse. Personne regarde. — Mais un bateau… Janine ?clata de rire. — Et s’il y a un bateau qui passe, et alors ? Colby coop?ra : il l’aida ? retirer son T-shirt. L’excitation les rendait tous deux f?briles et maladroits. Janine n’arrivait pas ? croire qu’ils n’avaient jamais fait ?a avant. Apr?s tout, ce n’?tait pas la premi?re fois qu’ils venaient fumer ici. Cependant, cette tache dans l’eau… Janine n’arrivait pas ? la chasser de sa m?moire. C’?tait bien quelque chose et il fallait qu’elle sache quoi, sinon ?a lui g?cherait tout son plaisir. Le souffle court, elle se leva. — Viens, dit-elle. Je veux v?rifier un truc. — Quoi ? — Je sais pas. Viens. Elle prit la main de Colby et tous deux d?val?rent en trottinant la pente douce jusqu’au rivage. La d?fonce de Janine se changeait en bad trip. Elle le sentait. Elle d?testait quand ?a arrivait. Plus vite ils r?gleraient cette histoire, mieux ?a irait. Tout de m?me, elle aurait pr?f?r? avoir les id?es claires. A chacun de ses pas, la tache noire se pr?cisait. C’?tait du plastique noir. Il y avait une forme blanche et longue ? c?t?. Janine finit par comprendre que c’?tait un sac poubelle. Il ?tait ouvert et la forme d’une main ?trangement p?le se laissait entrevoir par l’ouverture. Un mannequin, peut-?tre, pensa Janine. Elle se pencha pour y voir plus clair. La peau blafarde et le vernis rouge sur les ongles offraient un contraste sinistre. Un ?clair de compr?hension traversa le corps de Janine avec la m?me force qu’un choc ?lectrique. C’?tait une vraie main. La main d’une femme. Le sac poubelle contenait un cadavre. Janine se mit ? hurler. Elle entendit Colby crier aussi. Elle sut qu’elle serait incapable de se calmer pendant de tr?s longues minutes. Chapitre un Riley savait que les diapositives qu’elle s’appr?tait ? montrer aux ?tudiants du FBI les choqueraient. Certains d’entre eux seraient peut-?tre m?me incapables d’en supporter davantage. Elle balaya du regard les jeunes gens qui la fixaient d’un air int?ress?, derri?re les pupitres dispos?s en demi-cercle. Voyons voir comment ?a se passe, pensa-t-elle. Cela pourra leur servir. Bien s?r, Riley savait que les meurtres en s?rie ?taient relativement rares, compar?s aux autres d?lits. Cependant, les ?tudiants devaient tout apprendre. Ils voulaient travailler sur le terrain et ils sauraient bien assez t?t que la police avait peu d’exp?rience et de connaissance dans ce domaine. L’agent sp?cial Riley Paige ?tait, elle, une experte. Elle appuya sur le bouton de la t?l?commande. La premi?re image n’avait rien de violent. Elle montrait cinq portraits de femmes au fusain, de la plus jeune ? la plus ?g?e. Tous les mod?les ?taient beaux et souriants. Les dessins avaient ?t? ex?cut?s avec beaucoup de talent. Riley expliqua : — Ces cinq portraits ont ?t? r?alis?s il y a huit ans par un artiste du nom de Derrick Caldwell. Chaque ?t?, il dessinait les touristes sur la promenade de Dunes Beach, ici m?me, en Virginie. Ces femmes font partie de ses derniers clients. Riley appuya sur le bouton pour faire appara?tre l’image sinistre d’un cong?lateur rempli de membres humains. Elle entendit ses ?tudiants pousser des hoquets de surprise et d’horreur. — Voil? ce qu’elles sont devenues, dit Riley. Alors qu’il ?tait en train de les dessiner, Derrick Caldwell s’est convaincu, et je le cite, qu’elles ?taient trop belles pour vivre. Il les a suivies une par une, tu?es, d?membr?es et stock?es dans son cong?lateur. Riley appuya sur le bouton. La nouvelle s?rie de photographies ?tait encore plus choquante : les clich?s avaient ?t? pris dans le laboratoire, pendant que l’?quipe m?dicale essayait d’assembler les corps. — Caldwell avait m?lang? les diff?rentes parties pour d?shumaniser ses victimes et les rendre m?connaissables. Riley se tourna vers sa classe. Un ?tudiant se pr?cipita vers la sortie en se tenant le ventre. D’autres avaient l’air d’avoir envie d’en faire autant. Quelques uns pleuraient. Seule une poign?e demeura imperturbable. Paradoxalement, Riley sentit que les ?tudiants les plus sto?ques seraient les moins pr?par?s au travail sur le terrain. A leurs yeux, ce n’?taient que des images. Ce n’?tait pas r?el. Quand ils seraient les t?moins directs de l’horreur, ils auraient d? mal ? le supporter. Le stress post-traumatique les affecterait d’autant plus. Parfois, une flamme sortie d’un chalumeau au propane dansait encore dans la m?moire de Riley, mais elle allait mieux. Elle avait appris qu’il fallait toucher le fond pour apprendre ? gu?rir. — Et maintenant, dit Riley, je vais vous donner une s?rie de phrases toutes faites sur les tueurs en s?rie. Vous allez me dire si elles rel?vent du mythe ou de la r?alit?. La premi?re : la plupart des tueurs en s?rie s?vissent pour des raisons sexuelles. Mythe ou r?alit? ? Des mains se lev?rent. Riley pointa du doigt un ?tudiant qui semblait avoir tr?s envie de r?pondre. — R?alit? ? — Oui, en effet, c’est une r?alit?, dit Riley. Un tueur en s?rie peut avoir d’autres raisons, mais ce facteur intervient fr?quemment. L’?l?ment sexuel peut prendre des formes ?tranges. Derrick Caldwell est un bon exemple. Le m?decin l?giste a d?termin? qu’il avait commis des actes de n?crophilie sur les corps de ses victimes avant de les d?membrer. La plupart des ?tudiants prirent des notes sur leurs ordinateurs. Riley poursuivit : — Une autre phrase : les tueurs en s?rie deviennent plus violents de meurtre en meurtre. Des mains se lev?rent ? nouveau. Cette fois, Riley choisit un ?tudiant assis au fond. — R?alit? ? — Mythe, r?pondit Riley. Il y a quelques exceptions mais, le plus souvent, il n’y a pas d’escalade de la violence. Derrick Caldwell a inflig? la m?me chose ? toutes ses victimes. Mais il ?tait imprudent. Il n’avait rien d’un g?nie du mal. Il en a trop fait : il a captur? ses victimes sur une p?riode tr?s courte d’un mois et demi. En attirant l’attention sur lui, il a rendu sa propre arrestation in?vitable. Elle jeta un coup d’?il ? la pendule. Son heure ?tait ?coul?e. — C’est tout pour aujourd’hui, dit-elle. Mais il y a bien d’autres mythes qui circulent sur les meurtres en s?rie. La base de donn?es de l’Unit? d’Analyse Comportementale est tr?s importante et j’ai moi-m?me travaill? dans tous le pays. Nous avons encore beaucoup de choses ? voir. Les ?tudiants s’?gaill?rent, mais trois ou quatre s’approch?rent du bureau, o? Riley ?tait en train de rassembler ses affaires. Un jeune homme demanda : — Agent Paige, vous avez travaill? sur l’affaire Derrick Caldwell ? — Oui. Ce n’est pas une histoire que je vous raconterai aujourd’hui. En v?rit?, elle n’avait pas du tout envie de la raconter, mais elle n’en dit rien. Une jeune femme encha?na : — Caldwell a ?t? ex?cut? pour ses crimes ? — Pas encore. En faisant de son mieux pour ne pas ?tre grossi?re. Riley contourna ses ?tudiants et se dirigea vers la sortie. Elle n’avait pas envie de parler de Caldwell et de son ex?cution imminente. En fait, la date allait ?tre fix?e tr?s bient?t. En tant que responsable de son arrestation, elle serait invit?e ? y assister. Elle n’?tait pas s?re de vouloir y aller. Cet apr?s-midi de septembre ?tait superbe. En plus, elle ?tait encore en cong?. Elle souffrait de stress post-traumatique depuis sa captivit? aux mains d’un psychopathe. Elle avait fini par s’?chapper et tuer son assaillant, mais elle avait ensuite refus? tous les cong?s que son patron lui avait offerts. Sa derni?re affaire l’avait lanc?e ? la poursuite d’un homme qui s’?tait suicid? sous ses yeux en tranchant sa propre gorge. Elle y repensait souvent. Quand son superviseur Brent Meredith lui avait propos? une nouvelle affaire, elle avait d?clin? l’invitation. Elle avait accept? de donner un cours dans l’unit? de formation du FBI ? la place. Elle s’assit dans sa voiture et d?marra. Oui, elle avait fait le bon choix. Elle avait retrouv? la paix et la tranquillit?. Cependant, pendant qu’elle conduisait, une impression famili?re fit battre son sang un peu plus vite. Quelque chose allait se produire. Son instinct la trompait rarement. Elle pouvait s’accrocher ? cette vie paisible autant qu’elle le voulait… Elle savait que ?a ne durerait pas. Chapitre deux Riley sursauta quand son sac vibra. Elle se gara devant l’entr?e de sa nouvelle maison et sortit son t?l?phone portable. Son c?ur manqua un battement. C’?tait un message de Brent Meredith. Appelez-moi. Riley s’inqui?ta. Son patron voulait peut-?tre seulement prendre de ses nouvelles. Il faisait ?a souvent. D’un autre c?t?, il avait peut-?tre l’intention de lui faire reprendre le travail. Et alors, que ferait-elle ? Je lui dirai non, bien s?r, se convainquit Riley. Ce ne serait pas facile. Elle appr?ciait son patron. En outre, il savait se montrer persuasif. Elle ?loigna son t?l?phone pour ne pas avoir ? prendre cette d?cision tout de suite. Quand elle ouvrit la porte d’entr?e, son inqui?tude momentan?e disparut. Tout allait si bien depuis qu’elle avait emm?nag?. Une voix aimable l’interpella. — ? Qui?n es ? — Soy yo, r?pondit Riley. Je suis rentr?e, Gabriela. La silhouette trapue de sa bonne guat?malt?que apparut dans l’embrasure de la porte de la cuisine. Elle s’essuyait les mains sur un torchon. Il ?tait agr?able de revoir le sourire de Gabriela. Elle travaillait pour eux depuis des ann?es, bien avant que Riley ne se s?pare de Ryan. Gabriela avait accept? d’emm?nager avec Riley et sa fille. Riley lui en ?tait reconnaissante. — Vous avez pass? une bonne journ?e ? demanda Gabriela. — Oui, une tr?s bonne journ?e. — ? Qu? bueno ! Gabriela disparut ? nouveau dans la cuisine en chantant en espagnol. Des odeurs d?licieuses embaumaient toute la maison. Riley balaya le salon du regard. Elle avait emm?nag? r?cemment avec sa fille. La maison aux allures de ranch o? elles avaient habit? apr?s le divorce ?tait trop isol?e. En outre, Riley avait ressenti le besoin de changer d’air, pour elle et pour April. Ryan leur versait maintenant une g?n?reuse pension alimentaire. Il ?tait temps de repartir ? z?ro. Il restait encore quelques d?tails ? r?gler. Le mobilier ?tait un peu vieux et semblait peu ? sa place dans le salon flambant neuf. L’un des murs ?tait vide et Riley n’avait plus d’images ? y suspendre. Peut-?tre qu’elle pourrait aller faire des emplettes avec April, ce week-end… L’id?e lui plut. Elle vivait enfin une vie normale au lieu de courir apr?s les psychopathes. En parlant d’April… O? ?tait-elle ? Elle tendit l’oreille. Il n’y avait pas de musique dans la chambre de sa fille. Ce fut alors qu’elle entendit April hurler. Elle ?tait dans le jardin. Riley traversa ? toute allure le salon et fit irruption sur la terrasse. La t?te et le torse de sa fille apparurent par-dessus la cl?ture, avant de dispara?tre ? nouveau. Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle ?clata de rire. Elle avait eu tort de r?agir si vivement. Il est vrai qu’elle avait r?cemment arrach? sa fille des mains d’un tar?… April rebondissait en rythme de l’autre c?t? de la cl?ture, en poussant des petits cris d’excitation. Elle ?tait en train de sauter sur le trampoline des voisins. Elle avait fait connaissance avec la fille qui habitait l? : c’?tait une adolescente de son ?ge et elles allaient ? la m?me ?cole. — Fais attention ! l’interpella Riley. — Tout va bien, Maman ! Riley ?clata de rire. C’?tait un bruit inhabituel, son rire – l’expression d’une ?motion trop longtemps oubli?e. Elle allait devoir s’y r?habituer. Elle voulait ?galement s’habituer ? la joie de sa fille. Elle avait eu si souvent affaire ? une April renfrogn?e et boudeuse, m?me pour une adolescente… Riley ne lui en voulait pas. Apr?s tout, elle n’avait pas ?t? ? la hauteur dans son r?le de m?re. Elle essayait de se rattraper. C’?tait sans doute ce qu’elle pr?f?rait dans sa nouvelle vie : sur le terrain, les horaires ?taient impr?visibles. Maintenant, l’emploi du temps de Riley co?ncidait avec celui de April. Elle redoutait le moment o? cela changerait ? nouveau. Profitons-en pendant que ?a dure… Elle tourna les talons, juste au moment o? la sonnette retentissait. — J’y vais, Gabriela. Elle ouvrit la porte. Un homme souriant, qu’elle n’avait jamais vu, se trouvait sur le perron. — Bonjour, dit-il un peu timidement. Je m’appelle Blaine Hildreth. J’habite ? c?t?. Votre fille est avec la mienne, Crystal. Il tendit un paquet ? Riley. — Bienvenue dans le quartier. Je vous ai apport? un petit cadeau pour la pendaison de cr?maill?re. — Oh… Riley n’?tait pas habitu?e ? recevoir ce genre d’attentions. Elle mit du temps avant de trouver la r?ponse appropri?e : — Je vous en prie : entrez. Elle accepta avec embarras le paquet et invita Blaine ? s’asseoir dans un fauteuil. Elle s’assit ? son tour, en gardant le cadeau sur ses genoux. Blaine Hildreth la d?visagea, comme s’il attendait quelque chose. — C’est tr?s gentil ? vous, dit-elle en d?ballant le paquet. Il contenait un service de tasses color?es, avec des papillons et des fleurs. — Elles sont ravissantes, dit Riley. Je peux vous offrir un caf? ? — Merci, avec joie. Riley appela Gabriela qui passa la t?te par l’embrasure de la porte. — Gabriela, pourriez-vous nous pr?parer du caf? ? Servez-le dans ces tasses. Blaine, qu’est-ce que vous voulez ? — Noir, ?a ira. Gabriela emporta le paquet dans la cuisine. -Je m’appelle Riley Paige, dit-elle. Merci d’?tre pass?. Et merci pour le cadeau. — Je vous en prie. Gabriela leur servit du caf? chaud, avant de retourner dans la cuisine. Riley se surprit ? d?tailler son voisin du regard… Apr?s tout, elle ?tait maintenant c?libataire et elle ne put s’en emp?cher. Elle esp?ra qu’il ne s’en rendrait pas compte. Oh, de toute fa?on, il fait peut-?tre la m?me chose avec moi… Elle remarqua d’abord qu’il ne portait pas d’alliance. Veuf ou divorc?. Ensuite, elle estima qu’il devait avoir son ?ge, peut-?tre un peu plus jeune, peut-?tre ? la fin de la trentaine. Enfin, elle songea qu’il ?tait beau – raisonnablement beau. Son front commen?ait ? se d?garnir, ce qui n’?tait pas un probl?me. Il avait l’air en forme et muscl?. — Alors, qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demanda Riley. Blaine haussa les ?paules. — J’ai un restaurant. Vous connaissez Blaine’s Grill ? Impressionnant ! Blaine’s Grill ?tait l’endroit le plus sympa pour d?jeuner ? Fredericksburg. Riley avait entendu dire que c’?tait encore meilleur le soir, mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer. — J’y suis all?e, dit-elle. — Eh bien, il m’appartient. Et vous ? Riley prit une longue inspiration. Il n’?tait jamais facile de dire ? un ?tranger ce qu’elle faisait dans la vie. Les hommes, surtout, ?taient souvent intimid?s. — Je suis du FBI, dit-elle. Je suis… agent de terrain. Les yeux de Blaine s’?carquill?rent. — Ah vraiment ? — Oui, mais je suis en cong? pour le moment. J’enseigne. Blaine se pencha vers elle, une lueur de respect et d’int?r?t dans le regard. — Je suis s?r que vous avez un tas d’histoires ? raconter. ?a m’int?resserait. Riley ?touffa un rire nerveux. Serait-elle capable de raconter ? quelqu’un qui ne travaillait pas au FBI certaines des choses dont elle avait ?t? le t?moin ? Ce serait encore plus difficile de parler de ce qu’elle avait fait, elle. — Je ne pense pas, dit-elle d’un ton un peu sec. Elle vit Blaine se tendre comme un arc. Elle s’?tait peut-?tre montr?e grossi?re. — Excusez-moi, dit-il. Je ne voulais pas vous mettre mal ? l’aise. Ils discut?rent aimablement apr?s cet incident, mais Riley remarqua que son voisin ?tait un peu plus r?serv? qu’auparavant. Quand il prit cong?, Riley le raccompagna, puis elle referma la porte en poussant un soupir sonore. Elle se rendait elle-m?me inaccessible ? ceux qui l’entouraient. La femme qui commen?ait une nouvelle vie, c’?tait toujours cette bonne vieille Riley Paige. Cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas besoin d’un homme, au contraire. Il fallait qu’elle fasse le tri dans sa vie. Ensuite, elle pourrait avancer. Mais il avait ?t? agr?able de bavarder avec un bel homme et c’?tait un soulagement d’avoir enfin des voisins. Des voisins plut?t sympathiques. * Quand Riley et sa fille se mirent ? table pour d?ner, April tripotait encore son smartphone. — S’il te plait, arr?te avec les textos. On mange. — Une seconde, Maman, dit April sans lever le nez. Le comportement de April, si typique d’une adolescente, n’irritait pas vraiment Riley. Il y avait des bons c?t?s. Cela voulait dire que April se faisait des amis. D’ailleurs, elle se d?brouillait bien ? l’?cole. Elle avait de meilleures fr?quentations qu’avant. April devait ?tre en train de communiquer avec un gar?on qui lui plaisait. Elle n’en avait pas encore parl? ? Riley. April l?cha son t?l?phone quand Gabriela servit un plat de chiles rellenos. L’adolescente ?touffa un rire malicieux. — C’est assez picante, Gabriela ? demanda-t-elle. — S?, r?pondit Gabriela en souriant. C’?tait une blague qu’elles seules pouvaient comprendre. Ryan d?testait les plats trop piment?s. En fait, il ne pouvait tout simplement pas manger de piment. April et Riley, elles, adoraient ?a. Gabriela avait re?u l’instruction de ne plus se retenir – du moins, pas autant qu’avant. Riley doutait qu’elle aurait pu supporter une authentique recette guat?malt?que. En s’asseyant ? son tour, Gabriela se tourna vers Riley. — Le jeune homme est guapo, no ? Riley s’empourpra. — Beau ? Je n’ai pas remarqu?, Gabriela. La bonne ?clata de rire. Elle remplit son assiette et se mit ? manger en chantonnant un petit air. Ce devait ?tre une chanson d’amour. April d?visageait sa m?re. — Quel jeune homme, Maman ? — Oh, notre voisin est pass?… April l’interrompit avec un enthousiasme non dissimul?. — Oh l? l? ! Le papa de Crystal ? C’?tait lui, hein ? Il est trop beau ! — Et je crois qu’il est c?libataire, ajouta Gabriela. — Oh, arr?tez, vous deux, dit Riley. Laissez-moi vivre. Je n’ai pas besoin que vous me rencardiez avec le voisin. Elles pioch?rent dans le plat de poivron farcis. Le d?ner ?tait presque termin? quand Riley sentit son t?l?phone vibrer dans sa poche. Merde, pensa-t-elle. Je n’aurais pas d? l’apporter ? table. Elle pourrait tr?s bien ne pas r?pondre. Depuis qu’elle ?tait rentr?e, Brent lui avait envoy? deux messages suppl?mentaires. Elle s’?tait r?p?t? qu’elle rappellerait plus tard, mais elle ne pouvait plus repousser l’?ch?ance. Elle sortit de table en s’excusant et d?crocha. — Riley, je suis d?sol? de vous d?ranger, dit son patron, mais j’ai vraiment besoin de votre aide. Riley fut surpris d’entendre Meredith l’appeler par son pr?nom. Cela n’arrivait quasiment jamais. Ils ?taient proches, mais toujours professionnels. — Qu’est-ce qui se passe ? demanda Riley. Meredith ne r?pondit pas tout de suite. Pourquoi h?sitait-il ? Le ventre de Riley fit un n?ud. Le moment qu’elle redoutait ?tait arriv?. — Riley, j’aimerais vous demander une faveur, ? titre personnel, dit-il d’une voix moins ferme que d’habitude. On m’a confi? une affaire de meurtre ? Phoenix. Riley s’?tonna : — Un seul meurtre ? Pourquoi ?a concerne le FBI ? — J’ai un ami qui travaille dans le bureau de Phoenix. Garrett Holbrook. Nous avons fait notre formation ensemble. C’est sa s?ur Nancy qui a ?t? tu?e. — Je suis d?sol?e, dit Riley. Mais la police… Une note inhabituelle de supplique fit tra?ner la voix de Meredith : — Garrett a vraiment besoin de notre aide. C’?tait une prostitu?e. Elle a disparu et ils ont retrouv? son corps dans un lac. Il veut qu’on y travaille comme si c’?tait l’?uvre d’un tueur en s?rie. C’?tait une requ?te bizarre. Les prostitu?es disparaissaient souvent, sans pour autant avoir ?t? assassin?es. Parfois, elles d?cidaient de changer d’air, tout simplement. — A-t-il une raison de penser que c’est le cas ? — Je ne sais pas, r?pondit Meredith. Peut-?tre qu’il essaye de s’en convaincre pour nous impliquer. Mais, apr?s tout, c’est vrai : les prostitu?es sont souvent la cible des tueurs en s?rie. En effet, leur choix de vie les exposait au danger. Elles se rendaient visibles et accessibles. Elles acceptaient de rester seules avec des inconnues et elles ?taient souvent accros ? la drogue. Meredith poursuivit : — Il m’a appel? personnellement. Je lui ai promis que j’enverrais mes meilleurs agents. Et, bien s?r, vous en faites partie. Meredith ne lui rendait pas les choses faciles. — S’il vous plait, essayez de comprendre, Monsieur, dit-elle. Je ne peux pas prendre d’affaire pour le moment. Ce n’?tait pas tout ? fait honn?te. Je ne peux pas ou je ne veux pas ? se demanda-t-elle. Apr?s l’exp?rience traumatisante qu’elle avait v?cue aux mains d’un tueur en s?rie, tout le monde avait insist? pour qu’elle prenne un cong?. Elle avait essay?, mais un besoin d?sesp?r? de travailler l’avait ramen?e sur le terrain. Elle commen?ait ? se demander pourquoi. Elle avait ?t? imprudente. Elle s’?tait mise en danger plus d’une fois. Elle avait eu du mal ? mettre de l’ordre dans sa vie. Quand elle avait enfin tu? Peterson, son tourmenteur, elle avait cru laisser tout cela derri?re elle, mais il continuait de la hanter, tout comme la mani?re dont s’?tait termin?e sa derni?re affaire. Au bout d’un moment, elle ajouta : — J’ai besoin de rester loin du terrain encore un peu. Je suis toujours en cong? et j’essaye de red?marrer. Un long silence suivit ses mots. Meredith n’allait pas insister et il n’allait pas affirmer son autorit?, mais il n’?tait pas satisfait non plus. Il ne rel?cherait pas la pression. Elle l’entendit pousser un soupir au bout du fil. — Garrett ne voyait plus Nancy depuis des ann?es. Ce qui est arriv? le bouffe de l’int?rieur. Il va retenir la le?on. On ne doit pas laisser ceux qu’on aime s’?loigner. Riley faillit l?cher le t?l?phone. Meredith venait de toucher une corde sensible. Riley avait perdu le contact avec sa grande s?ur des ann?es plus t?t. Elles ne se voyaient plus. En fait, Riley n’avait plus pens? ? Wendy depuis longtemps. Elle ne savait m?me pas ce qu’elle faisait dans la vie. Meredith encha?na : — Promettez-moi que vous y penserez. — Je vous le promets, dit Riley. Ils raccroch?rent. Riley se sentit mal. Meredith l’avait aid?e ? traverser des moments difficiles et il ne lui avait jamais montr? une telle vuln?rabilit?. Elle n’avait pas envie de le laisser tomber. Et elle venait de promettre d’y r?fl?chir. Elle n’?tait pas s?re de pouvoir refuser. Chapitre trois L’homme ?tait assis dans sa voiture gar?e sur le parking. Il observait la pute qui marchait sur le trottoir. Elle se faisait appeler « Mousseline ». Sans doute pas son vrai non. Il y avait bien des choses qu’il ne savait pas sur elle. Je pourrais la faire parler, pensa-t-il. Mais pas ici. Pas maintenant. Il ne la tuerait pas aujourd’hui. Pas si pr?s de son lieu de travail – la salle de gym. De l? o? il se tenait, il pouvait apercevoir les vieilles machines de musculation ? travers la vitrine. Trois tapis, un rameur et des poids. Rien ne fonctionnait. Pour ce qu’il en savait, personne ne venait l? pour faire du sport. Pas du sport comme on en fait habituellement, pensa-t-il avec un rictus. Il n’?tait pas venu souvent – pas depuis qu’il avait tu? la brunette qui bossait l? quelques ann?es plus t?t. Bien s?r, il ne l’avait pas assassin?e ici. Il l’avait attir?e dans un motel pour des « petits extras » et avec la promesse de payer grassement. Ce n’?tait pas un meurtre pr?m?dit?. Il lui avait couvert la t?te d’un sac en plastique, mais uniquement par jeu, pour assouvir un fantasme. Quand tout avait ?t? termin?, sa propre satisfaction l’avait pris par surprise. Il avait ressenti un plaisir ?picurien. Un plaisir tr?s diff?rent de tout ce qu’il avait connu jusqu’? cet instant. Depuis, il s’?tait montr? plus prudent pendant ses rendez-vous galants. Du moins, jusqu’? la semaine derni?re, quand le m?me jeu sexuel s’?tait mal termin? pour son escort… Comment s’appelait-elle, d?j? ? Ah oui. Nanette. Ce ne devait pas ?tre son vrai nom. Il ne saurait jamais. Au fond de lui, il savait que sa mort n’?tait pas un accident. Pas vraiment. Il avait fait ce qu’il avait voulu faire. Et sa conscience demeurait sans taches. Il ?tait pr?t ? recommencer. Celle qui se faisait appeler Mousseline s’approchait. V?tue d’un bustier jaune et d’une jupe microscopique, elle trottinait vers la salle de gym sur des talons effroyablement hauts, tout en parlant au t?l?phone. Il aurait vraiment aim? savoir si c’?tait son vrai nom. Leur seule rencontre professionnelle s’?tait mal pass?e – ? cause d’elle, pas de lui. Quelque chose chez elle l’avait d?go?t?. Elle devait ?tre plus ?g?e qu’elle ne le pr?tendait. Il ne le voyait pas seulement ? son corps : m?me les putes de moins de vingt ans avaient des vergetures de grossesse. Et ce n’?taient pas non plus ses rides qui lui donnaient la puce ? l’oreille : les putes vieillissaient plus vite que toutes les autres femmes. Il n’arrivait pas ? mettre le doigt dessus, mais il y avait quelque chose chez elle qui le d?rangeait. Ses fausses minauderies de gamine n’?taient pas tr?s professionnelles – m?me les d?butantes n’en faisaient pas autant. Elle gloussait un peu trop, comme une gosse en train de jouer. Elle ?tait trop impatiente. Le plus ?trange, c’?tait qu’il la soup?onnait d’aimer son travail. Une pute qui aime baiser, pensa-t-il. Qui a jamais entendu parler d’une chose pareille ? Franchement, c’?tait presque un tue-l’amour. Au moins, ce n’?tait pas une fliquette sous couverture. Il l’aurait d?masqu?e en un clin d’?il. Quand elle fut assez pr?s pour le voir, il klaxonna. Elle s’arr?ta de parler au t?l?phone et jeta un regard dans sa direction, en se prot?geant les yeux contre le soleil matinal. Quand elle le reconnut, elle sourit et lui adressa un signe. Elle semblait parfaitement sinc?re. Elle contourna la salle de gym pour entrer par la porte de service. Elle avait probablement rendez-vous ? l’int?rieur. Peu importait : il l’embaucherait un autre jour. En attendant, il avait l’embarras du choix. A la fin de leur premier rendez-vous, elle l’avait rassur? d’une voix enjou?e et un peu g?n?e : — Reviens quand tu veux, lui avait-elle dit. ?a ira mieux, la prochaine fois. Tout se passera bien. Ce sera tr?s excitant. — Oh, Mousseline, murmura-t-il. Tu n’as pas id?e. Chapitre quatre Des coups de feu r?sonnaient tout autour de Riley. A sa droite, elle entendait surtout le claquement sec des balles de pistolet. A sa gauche, l’armement ?tait plus lourd : des mitrailleuses et des fusils d’assaut. Au milieu de la clameur sourde, elle tira son Glock de son ?tui, s’allongea sur le ventre et tira six fois. Elle se redressa pour s’agenouiller et tira trois coups. Elle rechargea avec adresse, puis se leva et tira six coups. Enfin, elle termina son entra?nement en tirant trois coups suppl?mentaires de la main gauche. Elle rangea son pistolet et s’?loigna de la ligne de tir, tout en retirant ses cache-oreilles et ses lunettes protectrices. La cible se trouvait ? une distance de vingt-deux m?tres. M?me d’ici, Riley vit qu’elle l’avait touch?e. Autour d’elle, les ?tudiants du FBI poursuivaient leur entra?nement sous la direction d’un instructeur. Riley n’avait pas utilis? son arme depuis longtemps, m?me si elle ne s’en s?parait jamais au travail. Elle avait r?serv? cette ligne de tir pour se d?rouiller l’?il. Le recul puissant de son arme lui apportait toujours la m?me satisfaction. Une voix l’interpella : — Un peu vieux jeu, non ? Elle se retourna et r?pondit au sourire de l’agent sp?cial Bill Jeffreys. Quelques ann?es plus t?t, le FBI avait chang? les modules de l’entra?nement au tir. Savoir tirer en position allong?e n’?tait plus n?cessaire. On mettait aujourd’hui l’accent sur le tir ? bout portant, sur une distance de trois ? six m?tres. Le syst?me de r?alit? virtuelle plongeait les agents dans des sc?narios d’altercations rapproch?es. Souvent, les ?tudiants s’entra?naient aussi dans la c?l?bre Hogan’s Alley – une ville factice o? ils combattaient de faux terroristes avec des armes de paint-ball. — J’aime bien faire les choses ? ma fa?on, dit-elle. Je pourrais en avoir besoin. De sa propre exp?rience, Riley savait que les altercations rapproch?es, et inattendues, ?taient plus fr?quentes sur le terrain. Au cours de ses deux derni?res affaires, elle avait m?me ?t? oblig?e de se battre ? mains nues. Elle avait tu? l’un en retournant son propre couteau contre lui et l’autre avec un caillou pointu. — Tu crois qu’ils pr?parent bien ces gamins pour le terrain ? demanda Bill en lui montrant du menton les ?tudiants. — Non, pas vraiment. C’est de la r?alit? virtuelle. Il n’y a pas de danger imm?diat, pas de douleur, pas de fureur ? contr?ler. Au fond, dans un sc?nario virtuel, on sait tr?s bien qu’on ne sera pas tu?. — Ouais, dit Bill. Ils apprendront sur le tas, comme on l’a fait il y a des ann?es. Riley lui jeta un regard en coin. Comme elle, il avait quarante ans et quelques cheveux gris. Avait-elle le droit de le comparer ? son voisin plus mince ? Comment s’appelait-il ? Ah oui. Blaine. Blaine ?tait beau, mais elle n’?tait s?re de le pr?f?rer ? Bill. Bill ?tait costaud, solide et plut?t attirant. — Qu’est-ce qui t’am?ne ? demanda-t-elle. — J’ai entendu dire que tu ?tais l?. Riley lui adressa un coup d’?il g?n?. Ce n’?tait sans doute pas une visite de courtoisie. Elle devina ? l’expression de son visage qu’il n’?tait pas press? de lui expliquer ce qu’il voulait. Bill dit : — Si tu veux faire tout l’entra?nement, je vais te chronom?trer. — Merci, c’est gentil, dit Riley. Ils chang?rent de salle, loin des tirs perdus des ?tudiants. Quand Bill enclencha le chrono, Riley ex?cuta toutes les ?tapes de l’entra?nement r?glementaire : elle tira ? trois m?tres de distance, puis quatre, puis six, puis douze. La derni?re ?tape, c’?tait la plus facile : tirer en s’abritant derri?re une barricade sur une cible ? vingt-deux m?tres. Riley retira son casque. Elle marcha jusqu’aux cibles en compagnie de Bill, pour v?rifier son travail. Les impacts se trouvaient au bon endroit. — Cent pourcent. Un score parfait, dit Bill. — J’esp?re bien ! Heureusement que je ne rouille pas. Bill lui montra du doigt la colline qui servait de barri?re de s?curit?. — Un peu surr?aliste, non ? Des daims broutaient au sommet. Ils s’?taient rassembl?s pendant que Riley tirait. Elle aurait pu facilement les toucher, si elle l’avait voulu, m?me avec son petit pistolet. Pourtant, les coups de feu ne les d?rangeaient pas du tout. — Oui, dit-elle. C’est beau. On voyait fr?quemment des daims ? cette p?riode de l’ann?e. C’?tait la saison de la chasse. Pour une raison ou pour une autre, le gibier savait qu’il ?tait en s?curit? ici. En fait, le terrain du FBI ?tait m?me devenu une sorte de havre de paix pour les animaux sauvages, comme les renards, les dindons et les marmottes d’Am?rique. — Il y a quelques jours, un de mes ?tudiants a vu un ours sur le parking, dit Riley. Elle fit quelques pas en direction de la colline. Les daims lev?rent gracieusement la t?te, la d?visag?rent, puis s’?loign?rent en trottant. Ils n’avaient pas peur des coups de feu, mais ils ne voulaient pas que des humains s’approchent. — Comment ont-ils devin? qu’ils ?taient en s?curit? ici ? se demanda Bill ? voix haute. Un coup de feu, c’est un coup de feu. Riley secoua la t?te. C’?tait un myst?re. Son p?re l’avait emmen?e ? la chasse quand elle ?tait petite. Pour lui, les daims constituaient une ressource naturelle : de la nourriture et des fourrures. Cela n’avait pas d?rang? Riley de les tuer avec lui, mais les choses avaient chang?. C’?tait ?trange... Elle n’h?sitait pas ? faire usage de la force sur un ?tre humain quand c’?tait n?cessaire. Elle tuerait un homme en un clin d’?il. Mais tuer un animal qui lui faisait confiance, comme ces daims ? Non, c’?tait impensable. Riley et Bill rejoignirent l’air de repos et s’assirent sur un banc. Bill n’avait toujours pas l’air pr?t ? aborder le sujet qui l’avait pouss? ? venir. — Comment tu t’en sors, tout seul ? demanda-t-elle d’une voix douce. C’?tait une question d?licate. Elle le vit grimacer du coin de l’?il. Sa femme l’avait quitt? apr?s des ann?es de disputes. Bill avait eu peur de perdre le contact avec ses fils. Maintenant, il vivait dans un appartement dans le centre-ville de Quantico. Il voyait ses enfants le week-end. — Je ne sais pas, Riley, dit-il. Je ne sais pas si je vais m’y habituer. Il se sentait seul. Il ?tait d?prim?. Elle avait connu ?a, apr?s son divorce. Elle savait que tourner la page ?tait le plus difficile. Apr?s des ann?es de relation, m?me chaotique, il ?tait ?trange de se retrouver au milieu d’inconnus, sans trop savoir quoi faire. Bill lui toucha le bras. D’une voix d?bordante d’?motion, il dit : — Parfois, j’ai l’impression que tout ce qui me reste dans la vie, c’est… toi. L’espace d’un instant, Riley faillit le prendre dans ses bras. Bill ?tait son ancien partenaire. Il lui avait souvent port? secours, physiquement et ?motionnellement. Mais elle devait faire attention. Dans un moment comme celui-l?, certains font des b?tises qu’ils regrettent. Riley elle-m?me avait t?l?phon? ? Bill, une nuit, apr?s avoir bu plus que de raison, pour lui proposer une aventure extraconjugale. La situation venait de s’inverser. Au moment o? elle se lib?rait de toutes ces ?motions, c’?tait lui qui devenait plus fragile et vuln?rable. — Nous avons bien travaill?, tous les deux, dit-elle. Pas terrible, mais elle ne trouva rien de plus intelligent ? dire. Bill prit une longue inspiration. — C’est ce que je suis venu te demander, avoua-t-il. Meredith m’a dit qu’il t’avait appel?e. A propos de Phoenix. Je vais y aller. J’ai besoin d’un partenaire. Une pointe d’irritation traversa Riley. La visite de Bill prenait des allures de traquenard. — Je lui ai dit que j’allais y r?fl?chir, dit-elle. — Maintenant, c’est moi qui te le demande. Un bref silence s’installa. — Et Lucy Vargas ? proposa Riley. C’?tait une jeune agente, mais elle avait travaill? avec Bill et Riley sur leur derni?re affaire. Ils avaient ?t? impressionn?s par son s?rieux. — Sa cheville n’est pas encore gu?rie, dit Bill. Elle ne retournera pas sur le terrain avant un mois. Riley se sentit stupide. Quand tous trois avaient pris au pi?ge Eugene Fisk, le « tueur aux cha?nes », Lucy avait fait une tr?s mauvaise chute. Elle s’?tait bris? la cheville et elle avait failli y passer. Bien s?r qu’elle ne retournerait pas sur le terrain avant longtemps… — Je ne sais pas, Bill, dit Riley. Ce cong? me fait beaucoup de bien. J’aimerais bien rester dans l’enseignement, pour le moment. Je vais te dire ce que j’ai dit ? Meredith, rien de plus. — Que tu vas y r?fl?chir. — Oui. Bill poussa un grognement m?content. — On pourrait au moins en discuter ? demanda-t-il. Peut-?tre demain ? Riley ne r?pondit pas tout de suite. — Pas demain, dit-elle. Demain, je vais assister ? la mort de quelqu’un. Chapitre cinq A travers la vitre teint?e, Riley observa la pi?ce o? Derrick Caldwell allait bient?t mourir. Elle ?tait assise ? c?t? de Gail Bassett, la m?re de Kelly Sue Bassett, la derni?re victime de Caldwell. Il avait tu? cinq femmes avant que Riley ne le mette hors d’?tat de nuire. Riley avait h?sit? quand Gail l’avait invit?e ? assister ? l’ex?cution. Elle n’en avait vu qu’une jusqu’ici, en tant que t?moin volontaire, entour?e de journalistes, d’avocats, de repr?sentants de la loi, de pr?tres et du pr?sident du jury. Aujourd’hui, elle ?tait avec Gail et neuf membres des familles des victimes. Tous se pressaient dans un espace confin?, sur des chaises en plastique. Gail ?tait un petit bout de femme de soixante ans au visage d?licat. Elle avait gard? le contact avec Riley pendant toutes ces ann?es. Son mari ?tait mort entre-temps, et elle n’avait plus personne pour l’accompagner pendant ce moment difficile. Riley avait accept? de venir avec elle. La pi?ce o? se d?roulerait l’ex?cution se trouvait juste de l’autre c?t? de la vitre. Seule la table en forme de croix se dressait au milieu de l’espace vide. Un rideau de plastique bleu dissimulait le fond de la pi?ce. Riley savait que les composants chimiques de l’injection l?tale se trouvaient de l’autre c?t?. Un t?l?phone rouge contre le mur reliait en permanence les personnes pr?sentes au gouvernement. Il pourrait sonner jusqu’? la derni?re minute pour gracier le condamn?. Personne ne s’attendait ? ce que cela arrive aujourd’hui. Une horloge pendue au-dessus de la porte constituait la seule d?coration. En Virginie, les condamn?s ? mort avaient le droit de choisir entre la chaise ?lectrique et l’injection l?tale. La deuxi?me option ?tait la plus populaire. Quand le prisonnier refusait de choisir, c’?tait m?me le choix par d?faut. Riley ?tait presque surprise que Caldwell ne pr?f?re pas la chaise ?lectrique. C’?tait un monstre qui n’avait montr? aucun signe de remords et il semblait accueillir la mort avec un ?trange aplomb. Il ?tait huit heures cinquante-cinq quand la porte s’ouvrit. Un murmure ind?chiffrable suivit l’?quipe et Caldwell dans la pi?ce. Deux hommes en uniforme tenaient le condamn? par les bras. Un autre les escortait. Un homme bien habill? entra le dernier. C’?tait le directeur de la prison. Caldwell portait un pantalon bleu, une chemise bleue et des sandales sans chaussettes. Il ?tait menott?. Riley ne l’avait pas revu depuis des ann?es. Elle l’avait connu avec les cheveux longs et une barbe emm?l? – un look boh?me qui convenait ? son profil d’artiste de rue. Aujourd’hui, il ?tait ras? de pr?s. Il avait l’air banal et ordinaire. Il ne se d?battait pas, mais il paraissait effray?. Tant mieux, pensa Riley. Il se tourna vers la table d’ex?cution, puis d?tourna vivement les yeux. Il s’appliqua ? ne pas regarder non plus en direction du rideau de plastique bleu. L’espace d’un instant, il fixa des yeux le miroir sans tain. Il parut alors plus calme. — J’aimerais bien qu’il puisse nous voir, murmura Gail. Ce n’?tait pas le cas de Riley. Caldwell l’avait d?j? bien trop regard?e ? son go?t. Pour le capturer, elle s’?tait mise dans la peau d’une touriste en goguette d?sireuse de se faire tirer le portrait. Tout en dessinant, il l’avait submerg?e de compliments mielleux, en lui disant qu’il ?tait la plus belle femme qu’il ait eue pour mod?le depuis longtemps. Elle avait compris qu’il comptait faire d’elle sa prochaine victime. Cette nuit-l?, elle avait servi d’app?t. Elle l’avait laiss? la suivre sur la plage. Quand il avait essay? de l’attaquer, des agents l’avaient interpell?. Sa capture s’?tait d?roul?e de fa?on banale. En revanche, d?couvrir les corps d?membr?s de ses victimes dans un cong?lo… Un des pires moments de la carri?re de Riley. Elle avait eu mal pour les familles des victimes, contraintes d’identifier les corps de leurs ?pouses, filles ou s?urs… « Trop belles pour vivre », avait-il dit. Le fait qu’il l’ait identifi?e comme une de ces femmes-l? gla?ait Riley d’horreur. Elle ne s’?tait jamais crue belle, et les hommes – m?me son ex-mari, Ryan – la complimentaient rarement. Caldwell ?tait la sinistre exception. Qu’est-ce que cela signifiait, se demandait-elle, qu’un psychopathe monstrueux la trouve si parfaite ? Avait-il vu quelque chose chez elle d’aussi monstrueux que lui ? Pendant un ou deux ans, dans ses cauchemars, elle l’avait entendu r?p?ter ces sinistres compliments, tout en ouvrant son cong?lateur rempli de membres humains. L’?quipe installa Caldwell sur la table d’ex?cution, retira ses menottes et ses sandales, avant de l’attacher : deux ceintures de cuir autour de sa poitrine, deux autour de ses jambes, une par cheville et par poignet. Ses pieds nus ?taient tourn?s vers la vitre et il ?tait difficile d’apercevoir son visage. Soudain, un rideau se referma sur le miroir sans tain. L’insertion des aiguilles se d?roulerait ? huis clos, au cas o? quelque chose se passait mal – par exemple, si l’?quipe ne trouvait pas de veine. Cependant, Riley trouva cela ?trange. Les gens ?taient venus assister ? la mort de Caldwell, mais ils n’avaient pas le droit de voir les aiguilles s’enfoncer dans le bras du condamn?. Le rideau dansa, apparemment effleur? par un membre de l’?quipe. Quand le rideau s’ouvrit ? nouveau, les intraveineuses ?taient en place. Certains membres de l’?quipe s’affairaient de l’autre c?t? du plastique bleu. Un homme se tenait tout pr?s du t?l?phone rouge, pr?t ? recevoir un appel qui ne viendrait sans doute jamais. Un autre parlait ? Caldwell. On entendait ? peine sa voix sous le gr?sillement de syst?me sonore. Il demandait ? Caldwell s’il avait un dernier mot ? dire. Au contraire, la r?ponse de Caldwell leur parvint avec une ?tonnante clart?. — L’agent Paige est ici ? demanda-t-il. Riley sursauta. Son interlocuteur ne r?pondit pas. Caldwell n’avait pas le droit de le savoir. Au terme d’un silence tendu, Caldwell prit ? nouveau la parole. — Dites-lui que j’aurais voulu que mon art lui fasse honneur. Riley ne pouvait pas voir son visage, mais elle l’entendit ricaner. — C’est tout, dit-il. Je suis pr?t. Un m?lange de fureur, d’horreur et d’incompr?hension traversa Riley. Elle ne s’?tait pas pr?par?e ? ?a. Derrick Caldwell avait choisi de lui consacrer ses derniers instants. Assise derri?re cette vitre incassable, elle ?tait impuissante, incapable d’y faire quoi que ce soit. Elle l’avait rendu ? la justice mais, ? la fin de leur histoire, il avait eu sa revanche, de la plus ?coeurante fa?on. La main fr?le de Gail saisit la sienne. Mon Dieu, elle veut me consoler, pensa Riley. Riley ravala sa naus?e. Caldwell posa une derni?re question : — Je vais sentir quand ?a va commencer ? Encore une fois, il n’y eut pas de r?ponse. Riley vit le liquide monter dans les tubes de l’intraveineuse. Caldwell prit plusieurs longues inspirations, avant de fermer les yeux comme pour s’endormir. Son pied droit trembla, puis s’immobilisa. Au bout d’un moment, l’un des gardes pin?a ses orteils. Il n’y eut aucune r?action. C’?tait un geste ?trange. Riley comprit qu’il v?rifiait que le s?datif avait bien fonctionn? et que Caldwell ?tait inconscient. Le garde s’adressa alors ? l’?quipe derri?re le rideau de plastique bleu. On injecta un autre liquide dans les tubes. Cette fois, le compos? chimique arr?terait ses poumons. Dans quelques minutes, ce serait son c?ur. La respiration de Caldwell se mit ? ralentir. Riley eut tout le temps de r?fl?chir ? ce qu’elle ?tait en train de regarder. Elle avait d?j? fait usage de la violence. Etait-ce vraiment diff?rent ? En service, elle avait tu? plusieurs meurtriers. Non, c’?tait diff?rent. Cette ex?cution avait quelque chose d’?trangement clinique et programm?. Ce ne semblait pas correct. Les pens?es de Riley d?fil?rent… Je n’aurais pas d? laisser faire ?a. Elle savait qu’elle avait tort. Elle avait arr?t? Caldwell avec professionnalisme, en suivant toutes les r?gles. Mais tout de m?me… J’aurais d? le tuer moi-m?me. Gail ne lui l?cha pas la main pendant dix longues minutes. Enfin, un membre de l’?quipe pronon?a des mots que Riley n’entendit pas. Un homme sortit de sa cachette derri?re le rideau bleu et prit la parole d’une voix claire et forte, pour ?tre entendu de tous les t?moins : — L’ex?cution s’est termin?e avec succ?s ? neuf heures sept du matin. Le rideau tomba ? nouveau devant la vitre. Les t?moins avaient vu ce qu’ils ?taient venus voir. Des gardiens les invit?rent ? quitter la pi?ce aussi vite que possible. Gail saisit ? nouveau la main de Riley. — Je suis d?sol?e qu’il ait dit ce qu’il a dit. Riley sursauta. Comment Gail pouvait-il s’inqui?ter de l’?tat de Riley, dans un moment pareil, alors que la justice venait de rattraper le meurtrier de sa fille ? — Comment allez-vous, Gail ? demanda-t-elle en se dirigeant d’un pas brusque vers la sortie. Gail ne r?pondit pas tout de suite. L’expression de son visage ?tait vide. — C’est fait, dit-elle d’une voix froide. C’est fait. Elles firent quelques pas dehors. La lumi?re matinale les ?claboussa. Devant le b?timent, deux groupes distincts se faisaient entendre, derri?re les cordons de s?curit?. D’un c?t?, les gens f?taient l’ex?cution de Caldwell en brandissant des pancartes aux slogans haineux, profanes ou obsc?nes. Ils jubilaient, pour des raisons ?videntes. De l’autre c?t?, on protestait contre la peine de mort. Les militants ?taient rest?s toute la nuit. Ils ?taient beaucoup plus calmes. Riley ne ressentait aucune compassion ou sympathie pour l’un ou l’autre groupe. Ils ?taient l? pour eux-m?mes, pour montrer leur indignation et leur vertu. Aux yeux de Riley, ils n’avaient rien ? faire ici, parmi des gens dont la peine et le chagrin ?taient r?els. Une nu?e de journalistes les attendait entre les camionnettes de t?l?vision. Une femme se pr?cipita vers Riley, avec un micro et un cam?raman. — Agent Paige ? Vous ?tes l’agent Paige ? demanda-t-elle. Riley ne r?pondit pas. Elle essaya de contourner la journaliste. Celle-ci la suivit ? la trace. — Il parait que Caldwell vous a adress? ses derniers mots. Un commentaire ? D’autres journalistes s’approch?rent avec la m?me question. Riley serra les dents et se fraya un chemin. Elle r?ussit ? se d?gager. En trottinant jusqu’? sa voiture, elle repensa ? Meredith et ? Bill. Ils l’avaient suppli?e de prendre cette nouvelle affaire. Et elle avait ?vit? de leur donner une r?ponse claire. Pourquoi ? se demanda-t-elle. Elle venait de fuir des journalistes. Fuyait-elle Bill et Meredith ?galement ? Fuyait-elle la personne qu’elle ?tait en r?alit? ? Fuyait-elle ce qu’elle avait ? faire ? * Riley referma avec soulagement la porte de sa maison. La mort ? laquelle elle avait assist?e l’avait laiss?e vide et le retour ? Fredericksburg avait ?t? long et fatiguant. Cependant, elle se rendit compte rapidement que quelque chose n’allait pas. La maison ?tait ?trangement silencieuse. April aurait d? ?tre rentr?e de l’?cole. Et o? ?tait Gabriela ? Riley jeta un coup d’?il dans la cuisine. La pi?ce ?tait vide. Il y avait un mot sur la table. Me voy a la tienda. Gabriela ?tait partie faire les courses. Riley se raccrocha au dossier d’une chaise pour ne pas tomber. Une fois, Gabriela ?tait partie faire des courses, et April avait ?t? enlev?e devant la maison de son p?re. Les t?n?bres. Une flamme. Riley monta quatre ? quatre les marches de l’escalier. — April ! cria-t-elle. Pas de r?ponse. Personne dans les chambres. Personne dans le petit bureau. Le c?ur de Riley battit un peu plus fort contre ses c?tes. Bien s?r, elle savait qu’elle n’?tait pas raisonnable, qu’elle n’avait pas les id?es claires, mais son corps ne l’?coutait plus. Elle d?vala les escaliers et se pr?cipita sur la terrasse. — April ! hurla-t-elle. Personne ne jouait dans le jardin des voisins. Pas un seul gosse en vue. Riley se retint de crier ? nouveau. Elle ne voulait que les voisins pensent qu’elle ?tait folle. Pas tout de suite. Elle attrapa d’un geste f?brile son t?l?phone portable dans sa poche et envoya un message ? April. Pas de r?ponse. Riley retourna s’asseoir sur le canap?, la t?te dans les mains. Elle ?tait enferm?e sous le parquet, allong?e par terre, dans l’obscurit?. Une petite lumi?re dansait vers elle. Elle aper?ut sa grimace cruelle derri?re le halo aveuglant. Mais venait-il pour elle ou pour April ? Non, elle devait distinguer ce cauchemar de la r?alit?. Peterson est mort, dit-elle avec conviction. Il ne nous fera plus rien, ni ? moi, ni ? April. Elle s’obligea ? se concentrer. Elle avait une nouvelle maison et une nouvelle vie. Gabriela ?tait partie faire les courses. April ne devait pas ?tre loin. Sa respiration s’apaisa, mais Riley ne put se r?soudre ? se lever. Elle eut peur de hurler ? nouveau. Au terme de ce qui lui parut une ?ternit?, Riley entendit la porte d’entr?e s’ouvrir. April entra en chantonnant. Cette fois, Riley bondit sur ses pieds. — Mais o? tu ?tais, merde ? April resta bouche b?e. — C’est quoi, ton probl?me, Maman ? — O? tu ?tais ? Pourquoi tu n’as pas r?pondu ? mon message ? — D?sol?e, mon t?l?phone ?tait en silencieux. Maman, j’?tais chez C?c?. De l’autre c?t? de la rue. Quand on est descendues du bus, sa m?re nous a propos? d’aller manger une glace. — Comment j’?tais cens?e le savoir ? — Je ne pensais pas que tu rentrerais si t?t. Riley s’entendit hurler, mais elle ne put se retenir : — Je me fiche de ce que tu penses ! Tu dois toujours me dire… Les larmes qui brill?rent dans les yeux de sa fille l’interrompirent. Riley reprit son souffle. Elle fit un pas en avant et ?treignit April. Le corps de sa fille, rigide de col?re, se d?tendit lentement dans ses bras. Riley se rendit compte qu’elle pleurait ?galement. — Je suis d?sol?e, souffla-t-elle. Je suis d?sol?e. Mais apr?s tout ce qu’on a v?cu… toutes ces horreurs… — Mais c’est fini, dit April. Maman, c’est fini. Elles s’assirent toutes deux sur le canap?. C’en ?tait un nouveau : elles l’avaient achet? tout sp?cialement pour la maison et pour d?marrer leur nouvelle vie. — Je sais que c’est fini, dit Riley. Je sais que Peterson est mort. J’essaye de m’y habituer. — Maman, tout va tellement mieux ! Tu n’as pas besoin de t’inqui?ter tout le temps. Et je ne suis pas une gamine d?bile. J’ai quinze ans. — Et tu es tr?s intelligente, dit Riley. Je le sais. Je dois juste me le rappeler de temps en temps. Je t’aime, April. C’est pour ?a que je suis un peu bizarre, parfois. — Je t’aime aussi, Maman, dit April, mais arr?te de t’inqui?ter. Pour le plus grand plaisir de Riley, April sourit. Elle avait ?t? enlev?e, retenue prisonni?re et menac?e avec un chalumeau. Pourtant, elle ?tait redevenue une adolescente parfaitement normale. C’?tait sa m?re qui avait du mal ? l?cher prise. Riley ne pouvait s’emp?cher de se demander si les tristes souvenirs tra?naient encore au fond de la m?moire de sa fille, pr?ts ? se faire entendre ? tout moment. Quant ? elle, elle comprit qu’elle avait besoin de parler ? quelqu’un de ses peurs et de ses cauchemars. D?s que possible. Chapitre six Riley se balan?ait nerveusement sur sa chaise. Que voulait-elle dire ? Mike Nevins ? — Prends ton temps, dit le psychiatre en la couvant d’un regard inquiet. Riley ?touffa un rire sans joie. — C’est justement ?a, le probl?me, dit-elle. Je n’ai pas le temps. Je tra?ne les pieds. Il faut que je prenne une d?cision. ?a fait trop longtemps que je remets ? plus tard. Tu m’as d?j? vu si ind?cise ? Mike ne r?pondit pas. Il se contenta de sourire. Riley ne l’avait jamais vu comme ?a. L’?l?gant psychiatre avait eu bien des r?les dans sa vie : celui d’un ami, d’un th?rapeute et parfois m?me celui d’un mentor. Elle l’avait souvent appel? pour conna?tre son avis sur le profil d’un criminel. Cette fois, c’?tait diff?rent. Elle l’avait contact? la veille, en rentrant de l’ex?cution, puis elle ?tait venue ce matin. — Quelles sont les diff?rentes options ? demanda-t-il enfin. — En gros, je dois d?cider de ce que je veux faire du reste de ma vie – enseigner ou retourner sur le terrain. Ou totalement autre chose. Mike rit doucement. — Attends une minute. Ne parlons pas du reste de ta vie. Parlons d’aujourd’hui, de maintenant. Meredith et Jeffreys veulent que tu prennes une affaire. Une seule. Ce n’est pas l’un ou l’autre pour le reste de ta vie. Personne n’a dit que tu devais renoncer ? l’enseignement. Tu n’as que deux options tr?s simples : oui ou non. Alors quel est le probl?me ? Riley ne r?pondit pas. Elle ne savait pas quel ?tait le probl?me. C’?tait pour cela qu’elle ?tait venue. — Je crois que quelque chose t’effraye, dit Mike. Riley avala sa salive avec difficult?. Oui. Elle avait peur. Elle se refusait ? l’admettre, m?me dans sa propre t?te. Mike allait la faire parler. — De quoi as-tu peur ? demanda Mike. Tu dis que tu as des cauchemars… Riley ne r?pondit pas. — ?a fait partie du stress post-traumatique, dit Mike. Tu as des visions, des souvenirs qui reviennent sous forme de flashs ? Cette question ne surprit pas Riley. Apr?s tout, Mike l’avait aid?e plus que tout autre ? s’en sortir. Elle renversa sa t?te sur le dossier de sa chaise et ferma les yeux. L’espace d’un instant, elle retourna dans la cage de Peterson et il la mena?a avec la flamme de son chalumeau. Pendant des mois, apr?s sa lib?ration, ce souvenir avait trouv? le moyen de s’imposer ? elle au moment o? elle s’y attendait le moins. Mais elle avait tu? Peterson de ses propres mains. En fait, elle avait fait de son visage une bouillie ? peine identifiable. Si ce n’est pas ?a, r?gler ses probl?mes, je ne sais pas ce que c’est, pensa-t-elle. Les souvenirs de sa captivit? lui paraissaient maintenant impersonnels, comme si elle regardait d?filer les images d’un film. — Je vais mieux, dit-elle. ?a m’arrive moins souvent et ?a dure moins longtemps. — Et ta fille ? La question ouvrit une entaille dans le c?ur de Riley. Un ?cho de l’horreur qu’elle avait ressentie apr?s l’enl?vement de April la heurta comme un coup de fouet. Elle entendait encore sa fille appeler ? l’aide. — Je pense que je n’ai pas tourn? la page, dit-elle. Je me r?veille en sueur, la peur au ventre. Je suis oblig?e d’aller voir dans sa chambre si elle est l?. — C’est pour ?a que tu ne veux pas prendre une nouvelle affaire ? Un frisson parcourut l’?chine de Riley. — Je n’ai pas envie de lui faire subir ?a de nouveau. — Cela ne r?pond pas ? ma question. — Non, je suppose que non… Un silence. — J’ai l’impression que tu ne me dis pas tout, dit Mike. Qu’est-ce qui te donne des cauchemars ? Qu’est-ce qui te r?veille la nuit ? Avec un sursaut, une terreur enfouie plus profond?ment refit surface. Oui, il y avait quelque chose d’autre. M?me les yeux grands ouverts, elle voyait son visage – le visage poupin et d’une innocence grotesque de Eugene Fisk. Riley l’avait regard? droit dans ses petits yeux au moment de leur confrontation. Il avait menac? Lucy Vargas avec un rasoir. Riley avait agit? sous son nez ce qu’il redoutait le plus. Elle lui avait parl? des cha?nes – les cha?nes qu’il pensait responsables de son malheur, celles qui le poussaient ? commettre des meurtres. « Les cha?nes ne veulent pas que vous preniez cette femme, lui avait dit Riley. Elle ne convient pas. Vous savez ce que les cha?nes veulent vraiment. » Les yeux brillants d’effroi, il avait hoch? la t?te, puis il s’?tait donn? la mort. Il avait tranch? sa propre gorge sous les yeux de Riley. A pr?sent, assise dans le bureau de Mike Nevins, Riley s’en ?touffait presque d’horreur. — J’ai tu? Eugene, hoqueta-t-elle. — Le tueur aux cha?nes, tu veux dire. Ce n’est pas le premier que tu as mis hors d’?tat de nuire. C’?tait vrai. Elle avait d?j? fait usage de la force. Mais, Eugene, c’?tait diff?rent. Elle repensait souvent ? sa mort. Elle n’en avait encore jamais parl? ? personne. — Je n’ai pas utilis? mon arme, ou un caillou, ou mes poings, dit-elle. Je l’ai tu? avec ma compassion. Je me suis servi de mon intellect comme d’une arme l?tale. ?a me terrifie, Mike. Mike hocha la t?te. — Tu sais ce que dit Nietzsche ? propos de regarder dans l’ab?me. — L’ab?me regarde aussi en toi, dit Riley. Mais j’ai fait plus que regarder dans l’ab?me. J’y ai v?cu. Au fil des ann?es, l’ab?me est presque devenu ma maison. ?a me terrifie, Mike. Un de ces jours, je vais y descendre et je ne pourrais plus jamais remonter. Qui sait de quoi je serais capable… — Eh bien, dit Mike en se renversant sur son dossier. On avance… Riley n’en ?tait pas si s?re. Et elle n’?tait pas plus pr?s de prendre une d?cision. * Quand Riley rentra ? la maison, April d?vala les escaliers ? sa rencontre. — Maman, viens m’aider ! Vite ! Riley suivit sa fille jusqu’? sa chambre. April avait ouvert une valise sur son lit. Des habits ?taient ?parpill?s par terre et sur la couverture. — Je ne sais pas quoi prendre ! Je ne suis jamais partie ! La joie paniqu?e de sa fille fit sourire Riley, qui s’attela ? la t?che. April partait le lendemain avec sa classe d’Histoire des Etats-Unis : une semaine ? Washington, DC. Quand Riley avait sign? les papiers, elle avait eu quelques scrupules. Peterson avait retenu April en otage non loin de Washington. Elle avait eu peur que le voyage ravive de mauvais souvenirs. Mais April faisait preuve d’une ?tonnante maturit?, ? l’?cole et en dehors. Ce voyage, c’?tait aussi une formidable opportunit?. Alors qu’elle taquinait April sur son manque d’organisation, Riley se rendit compte qu’elle s’amusait. L’ab?me dont elle avait parl? ? Mike lui parut soudain tr?s loin d’ici. Il lui restait une vie en dehors de cet ab?me. C’?tait une belle vie. Quoi qu’elle d?ciderait, elle ferait tout pour la prot?ger. Gabriela les rejoignit. — Se?ora Riley, mon taxi arrive pronto, dit-elle en souriant. Ma valise est pr?te. Elle est devant la porte. Riley avait presque oubli? que Gabriela s’en allait aussi. Comme April partait en voyage, la bonne avait demand? un cong? pour rendre visite ? sa famille dans le Tennessee. Riley avait accept? avec joie. Elle ?treignit Gabriela et dit : — Buen viaje. Le sourire de Gabriela se fana. Elle ajouta : — Me preocupo. — Vous vous inqui?tez ? r?p?ta Riley avec surprise. Mais pourquoi ? — Pour vous, dit Gabriela. Vous allez rester toute seule dans la nouvelle maison. Riley rit. — Ne vous inqui?tez pas. Je sais prendre soin de moi. — Mais vous n’?tes pas rest?e seule depuis longtemps et tant de choses sont arriv?es, dit Gabriela. Je m’inqui?te. Gabriela avait raison. Depuis sa captivit?, Riley avait pu au moins compter sur la pr?sence de April. Et si l’ab?me s’ouvrait dans sa nouvelle maison, juste sous ses pieds ? — ?a ira, dit Riley. Passez un bon moment avec votre famille. Gabriela sourit et lui tendit une enveloppe. — C’?tait dans la bo?te aux lettres, dit-elle. Gabriela prit April dans ses bras, puis ?treignit ? nouveau Riley, avant de redescendre pour attendre son taxi. — Qu’est-ce que c’est, Maman ? demanda April. — Je ne sais pas, dit Riley. ?a n’a pas ?t? envoy? par la poste. Elle ouvrit l’enveloppe. Une carte plastifi?e se trouvait ? l’int?rieur. « Blaine’s Grill », annon?aient les ?l?gantes cursives. En dessous, il ?tait ?crit : « D?ner pour deux personnes ». — Ce doit ?tre une carte cadeau de notre voisin, dit Riley. C’est tr?s gentil ? lui. On pourra y aller toutes les deux quand tu rentreras. — Maman ! ricana April. Ce n’est pas ?a que ?a veut dire ! — Pourquoi ? — Il t’invite ? d?ner. — Oh, tu crois ? Ce n’est pas ce que ?a dit. April secoua la t?te. — Ne sois pas b?te. Il veut sortir avec toi. Crystal m’a dit que tu lui plaisais. Et il est trop beau ! Riley se sentit rougir. Elle ?tait incapable de se rappeler de son dernier rencard. Elle ?tait rest?e avec Ryan si longtemps… Depuis leur divorce, elle avait surtout pens? ? sa nouvelle maison et ? son travail. — Tu rougis, Maman. — Allez, finis ta valise, marmonna Riley. Je vais y r?fl?chir. Au bout de quelques minutes de silence, April dit : — Tu sais, je m’inqui?te un peu, Maman. Comme Gabriela… — ?a ira, r?pondit fermement Riley. — Vraiment ? Riley entreprit de plier un chemisier sans r?pondre. Certaines choses l’effrayaient bien plus qu’une maison vide : les psychopathes obs?d?s par des cha?nes, les poup?es, les chalumeaux, entre autres. Mais si ces d?mons int?rieurs profitaient de sa solitude ? Une semaine, c’?tait long. Et d?cider ou non de sortir avec son voisin lui parut soudain effrayant. Je vais m’en sortir, pensa-t-elle. Il y avait une autre solution. Elle repoussait l’?ch?ance depuis trop longtemps. — On m’a propos? une affaire, dit-elle ? April. Il faudrait que je parte en Arizona d?s maintenant. April s’interrompit et jeta un regard ? sa m?re. — Alors, tu vas y aller, hein ? — Je ne sais pas, April, r?pondit Riley. — Pourquoi pas ? C’est ton travail, non ? Riley se tourna vers elle. Les moments difficiles semblaient loin derri?re elles. Depuis qu’elles avaient toutes deux surv?cu ? Peterson, elles avaient forg? un nouveau lien tr?s fort. — Je me suis dit que je pourrais abandonner le travail de terrain, dit Riley. April ?carquilla les yeux de surprise. — Quoi ? Maman, attraper les m?chants, c’est ce que tu fais de mieux. — J’enseigne aussi et je me d?brouille bien, dit Riley. Et j’aime ?a. April haussa les ?paules. — Ben, vas-y, enseigne. Personne t’en emp?che. Mais c’est bien aussi que tu bottes le cul aux psychopathes. Riley secoua la t?te. — Je ne sais pas, April. Apr?s tout ce que je t’ai fait vivre… April ouvrit des yeux immenses. — Apr?s tout ce que tu m’as fait vivre ? Mais de quoi tu parles ? Tu ne m’as rien fait vivre du tout. J’ai ?t? enlev?e par un dingo qui s’appelait Peterson. Il aurait pu enlever n’importe qui. Arr?te de t’en vouloir. April laissa passer un court silence avant d’ajouter d’un ton autoritaire : — Assied-toi, Maman. Faut qu’on parle. Riley sourit. A se demander qui ?tait la m?re et qui ?tait la fille… C’est peut-?tre exactement ce qu’il me faut. — Je t’ai parl? de mon amie Angie Fletcher ? demanda April. — Non, je ne crois pas. — On ?tait assez proches et puis elle a chang? d’?cole. Elle ?tait super intelligente. Elle avait un an de plus que moi. J’ai entendu dire qu’elle avait commenc? ? acheter de la drogue ? un gars qui s’appelait Trip. Elle est devenue accro ? l’h?ro. Comme elle pouvait plus payer, Trip l’a fait bosser comme pute. Il l’a install?e chez lui. La m?re d’Angie, elle est compl?tement frapp?e, elle s’est rendue compte de rien. Trip en a m?me parl? sur son site web. — Qu’est-ce qui lui est arriv? ? — Trip s’est fait choper au bout d’un moment et Angie est partie en d?sintox. C’?tait l’?t? dernier, quand on ?tait ? New York. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Mais je sais qu’elle n’a que seize ans et que sa vie est foutue. — Je suis vraiment d?sol?e. April ?touffa un grognement d’impatience. — Tu ne comprends rien, Maman ! Tu as pass? toute ta vie ? essayer d’emp?cher ces trucs-l?. Les gars comme Trip, tu les arr?tes. Certains, tu les arr?tes m?me pour toujours. Mais si tu ne le fais plus, qui le fera ? Quelqu’un d’aussi dou? que toi ? Non, je ne pense pas. Riley ne r?pondit pas tout de suite. Elle serra alors la main de April. — Je crois que j’ai un coup de fil ? passer, dit-elle en souriant. Chapitre sept Quand le FBI d?colla de l’a?roport de Quantico, Riley sut qu’un nouveau monstre l’attendait en Arizona. Cette pens?e la mit mal ? l’aise. Elle aurait pr?f?r? rester loin des tueurs, mais elle avait pris la bonne d?cision. Meredith avait eu l’air soulag?. De l’autre c?t? des hublots, le ciel s’assombrissait. La pluie battait contre les vitres. On traversa une zone de turbulences, puis l’avion s’?leva au-dessus des nuages. Riley baissa les yeux vers le tapis d’un blanc cotonneux qui dissimulait la surface de la terre. Elle essaya d’imaginer les gens courant dans tous les sens ? la recherche d’un abri, ou bien du plaisir, ou bien de l’horreur, comme le font les hommes et les femmes. — Tu as un dossier ? me montrer ? demanda Riley en se tournant vers Bill. Son partenaire ouvrit son ordinateur sur la table. Il fit appara?tre la photo qu’un sac poubelle noir dans un lac d’eau peu profonde. Une main blanche se laissait entrevoir entre les ficelles. — C’est le corps de Nancy Holbrook. On l’a retrouv?e dans un lac artificiel, pas loin de Phoenix. Une escort aux tarifs assez chers. Trente ans. Une pute de luxe, en gros. — Elle s’est noy?e ? — Non. Mort par asphyxie, probablement. Elle a ensuite ?t? jet?e ? l’eau dans un sac poubelle lest? au moyen de pierres. Riley plissa les yeux. La photo lui inspirait d?j? de multiples questions. — Le tueur a laiss? des empreintes ? Fibres ? ADN ? — Non, rien. Riley secoua la t?te. — Je ne comprends pas. La disposition du corps… S’il avait fait quelques efforts suppl?mentaires, le corps aurait pu dispara?tre. Dans un lac d’eau douce, ils coulent ? pic et se d?composent rapidement. Bien s?r, ils peuvent remonter au bout de quelques temps, ? cause des gaz, mais rajouter quelques pierres dans le sac aurait r?solu le probl?me. Pourquoi l’avoir laiss?e l? ? — C’est ? nous de le d?couvrir, dit Bill. Il fit appara?tre de nouvelles images, mais Riley n’apprit rien de plus. — Alors, qu’est-ce que tu en penses ? dit-elle. C’est un tueur en s?rie ou pas ? Bill fron?a les sourcils. — Je ne crois pas, dit-il. C’est un meurtrier qui a tu? une pute. Il y en a d’autres qui ont disparu ? Phoenix, mais ?a n’a rien d’in?dit. Les prostitu?es qui disparaissent, c’est la routine dans toutes les grandes villes du pays. La routine. Ce mot mit Riley mal ? l’aise. Comment la disparition de femmes issues d’un certain groupe social pouvait-elle devenir la routine ? Pourtant, elle savait que Bill avait raison. — Quand Meredith m’a t?l?phon?, il avait l’air de penser que c’?tait urgent, dit-elle d’une voix songeuse. Il nous a m?me r?serv? un jet pour y aller. Il a dit que nous devions aborder l’affaire comme si c’?tait l’?uvre d’un tueur en s?rie. C’est ce que nous conseille son ami. Mais personne n’a l’air de penser qu’il s’agit bien d’un tueur en s?rie. Bill haussa les ?paules. — Peut-?tre pas. Meredith semble tr?s proche du fr?re de Nancy Holbrook, Garrett. — Ouais, dit Riley. Ils ont fait leur formation ensemble. Mais c’est ?tonnant. Bill ne r?pondit pas. Riley se renversa sur son si?ge et r?fl?chit. Meredith manipulait le r?glement du FBI pour venir en aide ? son ami. Venant de sa part, c’?tait un comportement inhabituel. Riley ne lui en voulait pas. Au contraire, elle admirait la d?votion dont il faisait preuve. Je serais capable de faire la m?me chose ? Pour Bill, peut-?tre ? Au fil des ann?es, il ?tait devenu bien plus d’un partenaire et bien plus qu’un ami. Toutefois, Riley n’?tait pas certaine… Ces derniers jours, elle ne se sentait plus tr?s proche de ses coll?gues. Inutile d’y penser maintenant. Riley ferma les yeux et t?cha de se reposer. * Il faisait grand soleil quand ils atterrirent ? Phoenix. Bill donna un coup de coude ? Riley. — Le temps est splendide ! Ce sera peut-?tre l’occasion de prendre un peu le soleil. Riley en doutait. Elle n’?tait pas partie en vacances depuis une ?ternit?. La derni?re fois qu’elle avait essay?, elle avait emmen?e April ? New York pour lui changer les id?es, mais son travail avait trouv? le moyen de la rattraper. Un de ces jours, je vais avoir besoin de repos, pensa-t-elle. Un jeune agent les accueillit ? la descente de l’avion et les conduisit au bureau de terrain de Phoenix. C’?tait un b?timent tr?s moderne. — Sympa, l’architecture, hein ? s’exclama l’agent avec enthousiasme. Il a gagn? un prix, ce b?timent. Devinez ce que ?a repr?sente… Riley d?tailla du regard la fa?ade qu’il lui montrait du doigt. Les longues fen?tres rectangulaires formaient un dessin vaguement familier. Elle eut besoin d’y r?fl?chir quelques secondes. — Des s?quences ADN ? demanda-t-elle. — Ouais, mais le machin rocheux, l?-bas, vous ne devinerez jamais ? quoi il ressemble vu d’en haut ! Avant que Riley ou Bill n’ait eu le temps de lancer une hypoth?se, il les entra?na ? l’int?rieur. On retrouvait le m?me motif ADN sur le carrelage. L’agent les conduisit dans les couloirs jusqu’au bureau de l’agent sp?cial charg? d’enqu?te Elgin Morley. Riley et Bill se pr?sent?rent. Morley ?tait un petit homme d’une cinquantaine d’ann?es, ? la moustache abondante et aux lunettes rondes. Une autre personne les attendait dans son bureau. Celui-ci devait avoir quarante ans. Il ?tait grand, vo?t? et il avait le visage ?maci?. En fait, il avait l’air fatigu? et d?prim?. — Agent Paige, Agent Jeffreys, je vous pr?sente l’agent Garrett Holbrook. C’est sa s?ur qui a ?t? retrouv?e dans le lac Nimbo. Tous ?chang?rent des poign?es de mains, puis les agents s’assirent pour discuter. — Merci d’?tre venus, dit Holbrook. — Parlez-nous de votre s?ur, demanda Riley. — Je n’ai pas grand-chose ? vous dire, dit Holbrook. Je ne la connaissais pas tr?s bien. C’?tait ma demi-s?ur. Mon p?re ?tait infid?le. Il a quitt? ma m?re et il a eu des enfants avec trois femmes diff?rentes. Nancy avait quinze ans de moins que moi. Nous nous sommes rarement vus, ces derni?res ann?es. Son regard vide fixa le sol, pendant que ses doigts jouaient nerveusement avec un fil de son pull. Sans relever les yeux, il dit : — La derni?re fois que j’ai entendu parler d’elle, elle faisait un travail de bureau et elle prenait des cours dans un coll?ge communautaire. C’?tait il y a quelques ann?es. Quand j’ai appris ce qui lui ?tait arriv?… Je ne savais pas. Il se tut. Riley eut l’impression qu’il cachait quelque chose, mais elle se trompait peut-?tre. Apr?s tout, si quelqu’un lui demandait de parler de sa propre s?ur, que dirait-elle ? Elle n’avait plus de nouvelles de Wendy depuis si longtemps… Pourtant, le langage corporel de Holbrook exprimait bien autre chose que le chagrin. C’?tait ?trange. Morley proposa d’emmener Riley et Bill au laboratoire pour voir le corps. Holbrook acquies?a et leur dit qu’il serait dans son bureau. En suivant l’agent charg? d’enqu?te, Bill demanda : — Agent Morley, avez-vous une raison de penser que nous avons affaire ? un tueur en s?rie ? Morley secoua la t?te. — Nous n’avons pas vraiment de raison, mais Garrett n’en d?mord pas depuis qu’il a appris la mort de Nancy. C’est un de nos meilleurs agents et nous avons choisi de l’?couter. Son enqu?te n’a men?e ? rien. En fait, il n’est plus vraiment lui-m?me depuis qu’il a appris la nouvelle. Riley l’avait trouv? tr?s choqu?. Peut-?tre un peu trop, pour un agent exp?riment? comme lui. En plus, il avait bien pr?cis? qu’il n’?tait pas proche de sa s?ur. Morley pr?senta Riley et Bill au chef du d?partement de m?decine l?gale, le docteur Rachel Fowler. Fowler ouvrit le compartiment r?frig?r? qui contenait le corps de Nancy Holbrook. Riley plissa le nez, m?me si l’odeur de d?composition n’avait pas eu le temps de devenir ?pouvantable. La victime ?tait petite et tr?s mince. — Elle n’est pas rest?e longtemps dans l’eau, dit Fowler. La peau commen?ait ? peler quand nous l’avons sortie. Le docteur Fowler pointa ses poignets du doigt. — On observe des traces laiss?es par des cordes. Elle devait ?tre attach?e quand elle a ?t? tu?e. Riley remarqua des marques caract?ristiques au creux du coude. — Des traces d’injection, dit-elle. — Oui. Elle se shootait ? l’h?ro?ne. Je pense qu’elle n’?tait pas encore accro, mais pas loin de le devenir. La victime avait peut-?tre ?t? anorexique. — Etonnant, cette addiction, pour une escort de haut standing, dit Bill. Comment connaissons-nous son profil ? Fowler lui montra une carte de visite envelopp?e dans une pochette plastique. On pouvait y voir une photo provocante de la femme d?c?d?e. Il ?tait ?crit : « Nanette » et « Ishtar Escorts ». — On a trouv? cette carte sur elle, expliqua Fowler. La police a contact? Ishtar Escorts. Ce sont eux qui ont identifi? la victime. — Comment a-t-elle ?t? asphyxi?e ? demanda Riley. — Elle a des h?matomes sur le cou, dit Fowler. Le tueur l’a peut-?tre ?touff?e avec un sac en plastique. Riley examina les marques de plus pr?s. Un jeu sexuel qui avait mal tourn? ? Ou un meurtre d?lib?r? ? Elle n’aurait su le dire. — Qu’avait-elle sur elle ? demanda Riley. Fowler ouvrit une bo?te contenant les v?tements de la victime : une robe rose avec un d?collet? provocant, mais plus ?l?gant que ce que l’on voyait habituellement sur les trottoirs. C’?tait la robe d’une femme qui voulait ?tre ? la fois sexy et accept?e en bo?te de nuit. La bo?te contenait ?galement un sac en plastique avec des bijoux. — Je peux jeter un ?il ? demanda-t-elle ? Fowler. — Je vous en prie. Riley examina les bijoux l’un apr?s l’autre. Ils ?taient tous de tr?s bon go?t : un collier de perles, des bracelets et des boucles d’oreille. Un objet sortait du lot. C’?tait une bague sertie d’un diamant. Riley le montra ? Bill. — Un vrai ? — Oui, r?pondit Fowler. Or et diamant v?ritables. — Le tueur ne l’a pas vol?e, remarqua Bill. Il n’a pas fait ?a pour l’argent. Riley se tourna vers Morley. — J’aimerais voir l’endroit o? le corps a ?t? retrouv?, dit-elle. Imm?diatement, si possible, pendant qu’il fait encore jour. Morley haussa les sourcils. — Nous pouvons vous y conduire en h?licopt?re, mais je ne vois pas ce que vous pourriez trouver l?-bas. La police et le FBI ont d?j? pass? le site au peigne fin. — Faites-lui confiance, dit Bill d’un air entendu. Elle trouvera quelque chose. Chapitre huit Les eaux du lac Nimbo tendaient un miroir paisible aux passagers de l’h?licopt?re. Les miroirs sont trompeurs, se rappela Riley. Elle savait que les eaux les plus calmes cachaient souvent de noirs secrets. L’h?licopt?re se posa sur la pelouse. Riley se tendit comme un arc. Elle n’aimait pas beaucoup voyager en h?licopt?re. Elle adressa ? Bill un regard en coin. Il n’avait pas l’air tr?s ? l’aise, lui non plus. Quant ? l’agent Holbrook, l’expression de son visage ?tait vide – ou imp?n?trable. Il avait ? peine prononc? un mot depuis leur d?part de Phoenix. Riley savait qu’elle ?tait un excellent juge de la nature humaine. Le langage du corps avait peu de secrets pour elle – c’en ?tait presque g?nant, parfois. Mais Holbrook ?tait une ?nigme. Les trois agents se d?tach?rent et saut?rent de l’h?licopt?re en se penchant pour se prot?ger des bourrasques que d?pla?aient les pales. Deux orni?res parall?les rayaient le paysage. C’?tait ce qui devait faire office de route, ici. Riley se pencha. La route ne devait pas ?tre souvent utilis?e, mais des pneus avaient sans doute d?j? effac? les traces du tueur. Le pilote de l’h?licopt?re coupa le moteur. Riley et Bill suivirent Holbrook. — Dites-nous ce que vous savez sur ce lac, demanda Riley. — C’est un lac artificiel. Il y en a plusieurs dans le coin. Ce sont les barrages sur le fleuve Acacia qui les ont cr??s, dit Holbrook. ?a grouille de poissons. Les gens aiment bien venir l? pour se d?tendre, mais les aires de pique-nique sont de l’autre c?t?. Un couple d’ados shoot?s au cannabis a trouv? le corps. Je vous montre. Holbrook descendit la pente et se percha sur une cr?te rocheuse surplombant le lac. — Les gamins se trouvaient l?, dit-il. Ils ont baiss? les yeux et ils l’ont vu. D’apr?s eux, ce n’?tait qu’une tache noire dans l’eau. — Quelle heure ?tait-il ? demanda Riley. — Un peu plus t?t qu’aujourd’hui, dit Holbrook. Ils avaient s?ch? l’?cole pour fumer. Riley embrassa la sc?ne du regard. Le soleil ?tait bas et enflammait de ses rayons les cr?tes rocheuses, de l’autre c?t? du lac. Quelques bateaux naviguaient. Un peu plus loin de l’?-pic, la berge descendait en pente douce. C’?tait l’endroit que Holbrook montrait du doigt. — Ils sont descendus pour aller voir ce que c’?tait, dit-il. C’est l? qu’ils ont compris. Les pauvres, pensa Riley. Elle avait essay? le cannabis ? l’universit?. Faire une telle d?couverte sous l’influence de la drogue… Ce devait ?tre terrible. — Tu veux descendre pour t’approcher ? demanda Bill. — Non, ici, c’est bien. Ses tripes lui disaient qu’elle se trouvait au bon endroit. Le tueur, lui, n’avait pas pris la peine de descendre. Non. Il est rest? l?. L’herbe sous ses pieds avait m?me l’air un peu ab?m?. Elle prit de profondes inspirations, pour se glisser dans son r?le. Il ?tait venu la nuit. Une nuit claire ou brumeuse ? En Arizona, ? cette ?poque de l’ann?e, les nuits devaient ?tre claires. Et, une semaine plus t?t, la lune brillait. Peut-?tre m?me qu’il avait apport? une lampe torche. Il avait d?pos? le corps ici. Et ensuite ? Il l’avait roul? jusqu’au bord. Le corps ?tait tomb? comme une pierre. Non, quelque chose clochait. Comment avait-il pu se montrer si imprudent ? De l?-haut, il aurait pu ne pas remarquer que le corps n’avait pas coul?. « Une tache noire », avaient dit les gamins. A cette distance, m?me sous un ciel ?toil?, la couleur du sac poubelle se serait confondue avec celle de l’eau. L’homme serait parti du principe que le corps avait coul?, comme font les cadavres dans l’eau douce, surtout dans un sac poubelle rempli de pierres. Avait-il cru que l’eau ?tait profonde, ? cet endroit-l? ? Riley se pencha. Dans la lumi?re de l’apr?s-midi, il ?tait facile de voir o? le corps ?tait tomb?. C’?tait une sorte de plateau horizontal. Tout autour, l’eau ?tait noire et devait ?tre plus profonde. Riley se tourna vers le lac. Visiblement, c’?tait un ancien canyon. Il ?tait difficile de s’approcher du bord. Les falaises ?taient particuli?rement abruptes. A gauche et ? droite, se dressaient des masses rocheuses comme celle sur laquelle Riley se tenait. Sous ces petites falaises, l’eau ?tait noire. Le plateau n’existait qu’ici. Un ?clair de compr?hension traversa la t?te de Riley. — Il est d?j? venu, dit-elle ? Bill et Holbrook. Il y a un autre corps dans ce lac. * Alors que l’h?lico les ramenait ? Phoenix, Holbrook demanda : — Alors, vous pensez vraiment que c’est l’?uvre d’un tueur en s?rie ? — Oui, dit Riley. — Tant mieux. Je voulais surtout mettre quelqu’un de comp?tent sur l’affaire. Qu’est-ce qui vous a convaincue ? — Il y a plusieurs aplombs rocheux, expliqua-t-elle. Ils se ressemblent. La derni?re fois, il a jet? le corps d’un endroit diff?rent et le corps a coul?. Quand il est revenu, il s’est tromp? d’endroit – ou peut-?tre qu’il pensait que c’?tait sans importance. Bref, il s’attendait au m?me r?sultat. Il a eu tort. — Je savais que tu trouverais quelque chose, dit Bill. — Il faudra envoyer des plongeurs, ajouta Riley. — ?a prendra du temps, les pr?vint Holbrook. — Peu importe, il faut le faire. Il y a un autre corps. Vous pouvez en ?tre s?r. Je ne sais pas depuis combien de temps il est l?, mais il y est. Elle s’interrompit. Que lui apprenait cette r?v?lation sur la personnalit? du tueur ? Il ?tait comp?tent. Il ne ressemblait pas ? Eugene Fisk, mais plut?t ? Peterson, le tueur qui les avait enlev?es toutes les deux, elle et April. Il ?tait malin et r?fl?chi, et il aimait tuer. C’?tait un sociopathe, plut?t qu’un psychopathe. Et surtout, il avait confiance en lui. Un peu trop pour son bien, pensa Riley. Ce serait peut-?tre la raison de sa chute. — Ce n’est pas un voyou, dit-elle. Je pense qu’il s’agit d’un citoyen ordinaire, qui a peut-?tre fait des ?tudes, qui s’est peut-?tre mari?. Personne ne le soup?onne. Riley d?visageait Holbrook tout en parlant. Elle venait de lui apprendre quelque chose sur l’assassin de sa s?ur, mais Holbrook demeurait imp?n?trable. L’h?licopt?re d?crivit de larges cercles au-dessus du b?timent du FBI. La nuit tombait et la zone ?tait bien ?clair?e. — Regarde, dit Bill en pointant du doigt le hublot. Riley se pencha. La rocaille dont leur avait parl? le jeune agent ressemblait ? une immense empreinte digitale vue d’en haut. Un paysagiste excentrique avait d? penser que cela conviendrait mieux au FBI qu’un simple parterre de fleurs. Des centaines de pierres avaient ?t? dispos?es avec soin. L’illusion ?tait parfaite. — Eh ben ! s’exclama Riley. Tu penses que ce sont les empreintes de qui ? Une affaire c?l?bre, je parie. Dillinger, peut-?tre ? — Ou John Wayne Gacy. Ou Jeffrey Dahmer. C’?tait un ?trange spectacle. D’en bas, personne n’aurait jamais pu deviner que cet alignement de pierres ?tait autre chose qu’un labyrinthe. Riley eut l’impression qu’on lui lan?ait un avertissement. Pour r?soudre l’affaire, elle allait devoir changer de perspective. Elle ?tait sur le point de s’aventurer dans une r?gion de t?n?bres. Chapitre neuf L’homme aimait observer les tapineuses. Il aimait les voir se regrouper au coin des rues et sur les trottoirs. Elles allaient souvent par paire. Ces filles avaient plus de caract?re que les escorts. L’une d’elles ?tait justement en train d’engueuler un groupe de jeunes. Ils ?taient pass?s en voiture et avaient ralenti l’allure pour la photographier. La fille avait raison. Elle ?tait l? pour travailler, pas pour servir de d?cor. Aucun respect, les gamins, de nos jours, pensa-t-il. Maintenant, les jeunes l’insultaient et lui hurlaient des obsc?nit?s. Dans ce domaine, elle avait visiblement plus d’imagination qu’eux. Elle hurla quelque chose en espagnol. Son style lui plut. L’homme s’?tait gar? devant les motels bon march? o? travaillaient les tapineuses. Les autres filles avaient moins de caract?re que leur copine. Les poses qu’elles prenaient ?taient plus g?nantes que sexy. Quand un conducteur ralentit l’allure, l’une d’elles retroussa m?me sa jupe pour lui montrer sa petite culotte. La voiture ne s’arr?ta pas. L’homme se tourna ? nouveau vers la fille qui avait attir? son attention. Elle battait le pav? d’un air agac?, tout en se plaignant aupr?s de ses copines. Elle aurait pu devenir sa prochaine victime. Tout ce qu’il avait ? faire pour l’attirer chez lui, c’?tait arr?ter sa voiture devant elle. Non, il n’en ferait rien. Ce n’?tait pas son genre. Il n’approchait pas les putes dans la rue. C’?tait ? elles de le s?duire. Il se d?brouillait pour les voir seul ? seul, sans jamais leur demander directement, comme si l’id?e ?tait venue d’elles. Avec un peu de chance, la fille au fort caract?re allait le rep?rer et trottiner jusqu’? lui. Il avait une belle voiture. Et il s’?tait bien habill?. Il faudrait qu’il se montre plus prudent que la derni?re fois. L?cher le corps du haut de la falaise en esp?rant qu’il coule… Non, ce n’?tait pas du travail bien fait. Le toll? qu’il avait cr?? ! La s?ur d’un agent du FBI ! Ils avaient fait venir du monde de Quantico. Des experts. Mais lui, il ne faisait pas ?a pour la gloire. Il voulait juste assouvir ses envies. Et c’?tait son droit. Tous les hommes adultes ont des envies. Ils allaient envoyer des plongeurs fouiller le lac. L’homme savait ce qu’ils pourraient y trouver, m?me au bout de trois ans. Et ?a ne lui plaisait pas du tout. Il ne s’inqui?tait pas seulement pour lui. Etonnamment, il se sentait mal pour le lac. Envoyer des plongeurs fouiller ses moindres recoins sombres lui semblait obsc?ne. Apr?s tout, le lac n’avait rien fait. Pourquoi devrait-il avoir ? subir ?a ? Il n’?tait pas inquiet. La FBI ne remonterait pas jusqu’? lui. C’?tait tout simplement impossible. Bien s?r, il ne retournerait plus au lac. Il ne savait pas encore o? il d?poserait sa prochaine victime, mais il finirait bien par trouver. La fille avait rep?r? sa voiture. Elle marcha vers lui en roulant des hanches. Il baissa la vitre du si?ge passager et elle passa la t?te. C’?tait une femme latino ? la peau sombre et au maquillage agressif : un contour des l?vres marqu?, une ombre ? paupi?res color?e et des sourcils tatou?s. Des crucifix dor?s pendaient ? ses oreilles. — Sympa, votre voiture, dit-elle. Il sourit. — Qu’est-ce qu’une gentille fille comme toi fait dehors, ? cette heure-ci ? demanda-t-il. Tu ne devrais pas ?tre couch?e ? Son sourire r?v?la des dents ?tonnamment propres et bien align?es. En fait, la fille avait l’air en excellente sant?. C’?tait rare, ici, dans la rue. La plupart des putes ?taient des junkies. — Tu me plais, dit-il. Tr?s chola. Son sourire s’?largit. — Comment tu t’appelles ? — Socorro. Ah, “Socorro”, pensa-t-il. ?a veut dire « aide » ou « secours » en espagnol. — Je suis certain que tu es tr?s forte en socorro, dit-il d’un ton lubrique. Elle minauda. — ?a tombe bien : tu as l’air d’avoir besoin de socorro… — Peut-?tre. Avant qu’il n’ait eu le temps de n?gocier, une voiture se gara derri?re lui. Un homme appela la fille par la fen?tre cot? conducteur. — ? Socorro ! hurla-t-il. ? Vente ! La fille leva les bras au ciel d’un air th??tral, pour montrer son indignation. — ? Porqu? ? — Vente aqu?, ? puta ! Un ?clair inquiet passa dans le regard de la fille. Ce ne pouvait pas ?tre ? cause de l’insulte. Non, l’homme dans la voiture devait ?tre son mac. Il venait compter son argent. — ? Pinche Pablo ! marmonna-t-elle. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43692647&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.