×òî æå åñòü ó ìåíÿ? Äûðû â äðàíûõ êàðìàíàõ, Òðè ìîðùèíû íà ëáó, Äà èñò¸ðòûé ïÿòàê... Íî íå æàëêî íè äíÿ- Ìíå ñóäüáîþ ïðèäàííûõ, Õîòü ïîðîé ÿ æèâó Ïîïîäàÿ â ïðîñàê. Âñ¸ ÷òî åñòü ó ìåíÿ: Ñîâåñòü, ÷åñòü è óìåíüå. ß îòäàì íå ñêóïÿñü- Ïðîñòî òàê çà ïóñòÿê. Çà ïîñòåëü ó îãíÿ, Äîáðîòó áåç ñòåñíåíüÿ. È çà òî, ÷òî ïðîñòÿñü, Íå çàáûòü ìíå íè êàê... Âñ¸ ÷

A votre sant?

A votre sant? Blake Pierce Une Enqu?te de Riley Paige #6 Un chef-d’?uvre de suspense et de myst?re. Pierce d?veloppe ? merveille la psychologie de ses personnages. On a l’impression d’?tre dans leur t?te, de conna?tre leurs peurs et de c?l?brer leurs victoires. L’intrigue est intelligente et vous tiendra en haleine tout au long du roman. Difficile de l?cher ce livre plein de rebondissements. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (? propos de SANS LAISSER DE TRACES) A VOTRE SANT? est le sixi?me tome de la populaire s?rie de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES – un roman pl?biscit? par les lecteurs et disponible gratuitement sur de nombreuses plateformes ! Dans la banlieue de Seattle, des hommes et de femmes perdent soudain la vie, empoisonn?s par un myst?rieux produit chimique. Quand il devient ?vident que ces meurtres sont l’?uvre d’un tueur en s?rie, le FBI fait appel ? son agent le plus pr?cieux : l’agent sp?cial Riley Paige. On pousse Riley ? retourner au travail. Encore secou?e par les r?centes attaques contre sa famille, Riley h?site. Mais le myst?re s’?paissit, et elle n’a plus le choix. Son enqu?te lui fait d?couvrir un monde troublant : celui des h?pitaux et des aides-soignants. A mesure qu’elle s’enfonce dans l’esprit du meurtrier, elle r?alise qu’elle est ? la poursuite du tueur le plus terrifiant qui puisse exister : un tueur dont la folie ne connait aucune limite, mais qui semble terriblement ordinaire. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, A VOTRE SANT? est le sixi?me tome de la s?rie. Vous vous attacherez au personnage principal et l’intrigue vous poussera ? lire jusqu’? tard dans la nuit. Le tome 7 des enqu?tes de Riley Paige sera bient?t disponible. A V O T R E S A N T E (UNE ENQUETE DE RILEY PAIGE—TOME 6) B L A K E P I E R C E Blake Pierce Blake Pierce est l’auteur de la populaire s?rie de thrillers RILEY PAIGE. Il y a six tomes, et ce n’est pas fini ! Blake Pierce ?crit ?galement les s?ries de thrillers MACKENZIE WHITE (trois tomes, s?rie en cours), AVERY BLACK (trois tomes, s?rie en cours) et, depuis peu, KERI LOCKE. Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'h?sitez pas ? visiter son site web www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com) pour en savoir plus et rester en contact ! Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi des ?tats-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres personnes. 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(Tome 6) DE SAC ET DE CORDE (Tome 7) LES ENQU?TES DE MACKENZIE WHITE AVANT QU’IL NE TUE (Tome 1) AVANT QU’IL NE VOIE (Tome 2) LES ENQU?TES D’AVERY BLACK RAISON DE TUER (Tome 1) CONTENTS PROLOGUE (#u63325f29-a620-5070-b663-79f725e8b056) CHAPITRE UN (#uf63c65aa-3ee6-55ef-9762-ce35f6d510ea) CHAPITRE DEUX (#u3248349a-adb8-5f24-8969-269ed1dedf7b) CHAPITRE TROIS (#ucdf4ea1c-59ef-5dfe-aec5-74e2f6aa850a) CHAPITRE QUATRE (#u0a706ba1-90d1-5226-b39d-91bf50e96629) CHAPITRE CINQ (#u429ad351-0106-595f-acfa-71e085cd1f5b) CHAPITRE SIX (#uda70111d-a9aa-5029-a9b7-4bd0c0d3cf42) CHAPITRE SEPT (#u4a4aa002-4473-578c-9004-cad6cae4a4e9) CHAPITRE HUIT (#ued426b8d-00b6-5d10-b628-6b2edd75b891) CHAPITRE NEUF (#u3296af4e-b90e-595d-aafb-557f55ecd8fc) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE ET UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUARANTE ET UN (#litres_trial_promo) EPILOGUE (#litres_trial_promo) PROLOGUE La th?rapeute ?teignit la machine, en adressant un sourire rassurant ? son patient, Cody Woods. — Je crois que ?a suffit pour aujourd’hui, dit-elle. La jambe de Cody s’arr?ta lentement de bouger. La machine le faisait p?daler depuis deux heures pour r??duquer son genou. — J’avais presque oubli? que c’?tait allum?, Hallie, r?pondit Cody en ?touffant un rire. Elle eut un pincement au c?ur. Elle aimait bien ce nom – Hallie. C’?tait celui qu’elle utilisait quand elle travaillait pour le Centre Signet de R??ducation, en tant que th?rapeute ind?pendante. Il serait dommage de faire dispara?tre Hallie Stillians d?s demain, comme si elle n’avait jamais exist?. Mais c’?tait dans l’ordre des choses. Et il y avait d’autres noms qu’elle aimait tout autant. Hallie d?posa la machine par terre. Elle redressa avec douceur la jambe de Cody et arrangea la couverture sur le lit. Enfin, elle caressa les cheveux de Cody. C’?tait un geste tr?s intime, que la plupart des th?rapeutes s’abstenaient de faire, mais aucun de ses patients ne s’?tait jamais plaint. Elle savait qu’elle avait l’air chaleureux, compatissant – et surtout parfaitement sinc?re. Quelques caresses innocentes ne feraient pas de mal. Personne n’avait jamais trouv? son comportement inappropri?. — Et la douleur ? demanda-t-elle. Depuis son op?ration du genou, Cody souffrait d’une inflammation. Sa jambe ?tait anormalement enfl?e. Il ?tait rest? dans l’?tablissement trois jours de plus, et il n’?tait pas encore rentr? chez lui. C’?tait pour cette raison qu’on avait appel? Hallie et ses doigts de gu?risseuse. Les gens de l’h?pital l’aimaient bien. On la contactait souvent pour s’occuper de cas comme celui-ci. — La douleur ? r?p?ta Cody. J’ai presque oubli?. Votre voix fait tout dispara?tre. Hallie ?tait flatt?e, mais pas surprise. Pendant que la machine faisait p?daler Cody, elle lui avait lu un roman d’espionnage. Sa voix avait un effet apaisant sur les patient – un peu comme un anesth?siant. Cela n’avait pas d’importance qu’elle lise du Dickens ou un roman de gare, ou m?me le journal. Les patients n’avaient pas besoin d’antidouleurs quand elle ?tait l?. Le son de sa voix leur suffisait. — Alors, je rentre chez moi demain ? demanda Cody. Hallie n’h?sita qu’une seconde. Elle ne pouvait pas lui dire la v?rit?. Apr?s tout, elle ne savait pas comment le patient se sentirait demain. — C’est ce qu’ils m’ont dit. ?a vous fait plaisir de rentrer chez vous ? Cody ne cacha pas sa d?tresse. — Je ne sais pas, dit-il. Dans trois semaines, ils font mon autre genou, mais vous ne serez pas l? pour m’aider. Hallie lui prit la main et la serra. Elle aurait voulu le quitter autrement. Depuis qu’elle le soignait, elle lui avait racont? une longue histoire sur sa pr?tendue vie – une histoire assez banale, de son point de vue, mais Cody semblait l’adorer. Elle lui avait expliqu? que son mari, Rupert, allait bient?t prendre sa retraite. Son plus jeune fils, James, ?tait parti ? Hollywood pour y proposer des sc?narios. Son fils a?n?, Wendell, vivait ici-m?me, ? Seattle : il enseignait la linguistique ? l’Universit? de Washington. Comme ses enfants ?taient tous adultes, Hallie et Rupert allaient d?m?nager dans un charmant village colonial au Mexique. Ils pr?voyaient d’y passer le reste de leur vie. Ils partaient demain. C’est une belle histoire, pensa-t-elle. Mais rien n’?tait vrai. Elle vivait seule chez elle. Terriblement seule. — Oh, votre th? est tout froid, dit-elle. Je vais le r?chauffer pour vous. Cody sourit : — Merci, c’est gentil. Servez-vous une tasse. La th?i?re est juste l?. Hallie sourit et accepta, comme elle le faisait chaque fois qu’il l’invitait ? se verser une tasse. Elle se leva, ramassa le th? ti?de de Cody et se dirigea vers la table. Cette fois, elle plongea la main dans son sac pos? ? c?t? du four ? micro-ondes. Elle en sortit un flacon de m?dicaments, dont elle versa le contenu dans la tasse de Cody. Elle le fit rapidement, avec adresse et exp?rience, presque certaine que Cody ne l’avait pas vue. Pourtant, son c?ur battait un peu plus vite dans sa poitrine. Elle versa alors une tasse pour elle-m?me et d?posa les deux dans le four. Je ne dois pas me tromper, pensa-t-elle. La tasse jaune pour Cody. La bleue pour moi. Pendant que le four ? micro-ondes ronronnait, elle retourna s’assoir pr?s de Cody et le regarda sans dire un mot. Il avait un visage agr?able, pensa-t-elle, mais il lui avait racont? toute sa vie, et elle savait que c’?tait un homme triste. Il ?tait triste depuis longtemps. Il avait remport? des comp?titions sportives au lyc?e, puis il s’?tait bless? les deux genoux en jouant au football am?ricain, ce qui avait mis fin ? tous ses espoirs d’une carri?re de sportif. Sa vie ?tait marqu?e par la trag?die. Sa premi?re femme ?tait morte dans un accident de voiture, et sa deuxi?me femme l’avait quitt? pour un autre. Il avait deux enfants adultes, mais ils ne se parlaient plus. Et il avait eu une attaque cardiaque quelques ann?es plus t?t. Pourtant, il ne semblait pas amer, et cela l’?tonnait. En fait, il ?tait m?me plein d’entrain et d’optimisme. C’?tait mignon, mais na?f de sa part. Sa vie n’irait pas en s’am?liorant. C’?tait trop tard. La sonnerie du four la tira de sa r?verie. Cody la regarda se lever avec de grands yeux aimables. Elle lui tapota la main et sortit les deux tasses du four. Elles ?taient maintenant chaudes. Elle se rappela : La jaune pour Cody, la bleue pour moi. Il ne fallait pas les confondre. Ils burent sans parler. Hallie aimait ces moments de tranquillit?. C’?tait le dernier qu’elle partagerait avec Cody et cela la rendait un peu triste. Son patient n’aurait plus besoin d’elle. Cody piqua du nez. Il y avait un pourcentage de somnif?re dans les m?dicaments qu’elle lui avait donn?s. Hallie se leva et rangea ses affaires. Elle se mit ? chantonner doucement une chanson qu’elle connaissait depuis toujours. Loin de chez lui, Si loin de chez lui, Ce b?b? est si loin de chez lui. Tu te languis, Jour apr?s jour, Trop triste pour rire ou pour jouer. Ne pleure pas, Fais de beaux r?ves, Abandonne-toi au sommeil. Plus de soupirs, Ferme les yeux Et tu seras chez toi en r?ve. Quand les yeux de Cody se ferm?rent, elle lui caressa les cheveux avec amour. Apr?s avoir d?pos? un baiser sur son front, elle se leva et tourna les talons. CHAPITRE UN L’agent du FBI Riley Paige traversait l’a?roport de Phoenix, inqui?te et pr?occup?e. Elle n’avait pas r?ussi ? se changer les id?es pendant le vol depuis Washington. Elle ?tait venue pr?cipitamment, apr?s avoir appris qu’une adolescente, Jilly, une fille dont Riley se sentait responsable, avait disparu. Elle ?tait bien d?cid?e ? l’aider. Elle pensait m?me l’adopter. C’est en passant le portique d’un pas vif qu’elle se retrouva nez ? nez avec la fille qu’elle cherchait. L’agent du FBI Garrett Holbrook, du bureau de Phoenix, ?tait avec elle. Ag?e de treize ans, Jilly Scarlatti l’attendait visiblement avec impatience. Riley fron?a les sourcils. Garrett lui-m?me l’avait appel?e pour lui dire que Jilly avait disparu. Avant qu’elle n’ait eu le temps de poser la moindre question, Jilly lui sauta dans les bras en pleurant. — Oh Riley, je suis vraiment d?sol?e. Vraiment, vraiment. Je le ferai plus jamais. Riley la serra dans ses bras, tout en lan?ant ? Garrett un regard interrogateur. La s?ur de Garrett, Bonnie Flaxman, avait essay? d’adopter Jilly, mais l’adolescente avait fait une fugue. Garrett esquissa un sourire – une expression inhabituelle sur le visage de cet homme taciturne. — Elle a appel? Bonnie peu apr?s votre d?part, expliqua-t-il. Elle voulait juste leur dire au revoir, mais Bonnie lui a dit que vous veniez et que vous vouliez l’emmener chez vous. Elle est tr?s contente. Elle a insist? pour vous attendre ? l’a?roport. Il adressa ? Riley un regard entendu. — C’est votre d?cision de venir qui l’a sauv?e. Riley resta un instant silencieuse, Jilly en pleurs dans ses bras. Elle se sentait ? la fois impuissante et embarrass?e. Jilly marmonna quelque chose que Riley n’entendit pas. — Quoi ? demanda Riley. Jilly d?gagea son visage et regarda Riley dans les yeux, les joues humides de larmes. — Je peux t’appeler Maman ? demanda-t-elle d’une voix ?trangl?e. Riley la serra ? nouveau dans ses bras, assaillie par une temp?te d’?motions. — Bien s?r, dit-elle. Elle se tourna vers Garrett. — Merci pour tout ce que vous avez fait. — Je suis content de vous avoir aid?es, ne serait-ce qu’un tout petit peu, r?pondit-il. Vous avez besoin d’un logement ? — Non. Maintenant que je l’ai retrouv?e, c’est inutile. Nous allons prendre le prochain vol pour rentrer. Garrett secoua la t?te. — J’esp?re que ?a va marcher pour vous deux. Il tourna les talons. Riley baissa les yeux vers l’adolescente qui s’accrochait ? elle, partag?e entre un profond soulagement et un sentiment d’incertitude. — Allons manger un hamburger, dit-elle ? Jilly. * Il neigeait sur le chemin du retour de l’a?roport national Ronald Reagan. Jilly regardait en silence par la fen?tre pendant que Riley conduisait. Il ?tait ?tonnant de ne plus l’entendre babiller apr?s ces quatre heures de vol depuis Phoenix. Jilly s’?tait montr?e beaucoup plus bavarde. Comme c’?tait la premi?re fois qu’elle montait dans un avion, elle avait voulu tout savoir. Pourquoi ne dit-elle plus rien ? se demanda Riley. Elle songea soudain que la neige ?tait peut-?tre un spectacle tout nouveau pour une gamine qui avait pass? toute sa vie dans l’Arizona. — Tu avais d?j? vu de la neige ? demanda Riley. — Seulement ? la t?l?. — ?a te plait ? demanda Riley. Jilly ne r?pondit pas, ce qui mit Riley mal ? l’aise. Elle se rappela leur premi?re rencontre. La gamine avait fui un p?re violent. De d?sespoir, elle avait essay? de se prostituer. Elle s’?tait rendue dans un relais routier connu pour son r?seau de prostitution. A l’?poque, Riley enqu?tait sur une s?rie de meurtres de prostitu?es. Elle avait trouv? Jilly dans une cabine de camion, pr?te ? se vendre au chauffeur quand il reviendrait. Riley avait d?pos? Jilly aux services de protection de l’enfance, et elle avait gard? contact avec elle. La s?ur de Garrett avait pris Jilly en famille d’accueil, mais Jilly s’?tait enfuie. Riley avait alors d?cid? de la prendre chez elle. Elle commen?ait ? se demander si c’?tait une erreur. Elle avait d?j? une fille de quinze ans, April, et c’?tait d?j? difficile de s’occuper d’elle. Toutes deux, elles avaient travers? des ?preuves traumatisantes depuis le divorce de Riley. Et que savait-elle de Jilly ? Avait-elle seulement id?e de l’?tendue de son traumatisme ? Pourrait-elle relever ce d?fi ? Et m?me si April ?tait d’accord pour accueillir Jilly, les deux adolescentes s’entendraient-elles ? Soudain, Jilly prit la parole : — O? je vais dormir ? C’?tait un soulagement d’entendre ? nouveau sa voix. — Tu auras ta propre chambre, expliqua Riley. Elle est petite, mais je pense que ce sera parfait. Jilly ne r?pondit pas tout de suite. Puis elle dit : — C’?tait la chambre de quelqu’un d’autre ? Elle avait l’air inquiet. — Non, pas depuis que j’habite la maison, expliqua Riley. Je voulais en faire un bureau, mais c’est trop grand. J’ai mis le bureau dans ma chambre. April et moi, nous t’avons achet? un lit et une armoire. Quand on aura le temps, on ira chercher une couverture et des posters. — Ma propre chambre, dit Jilly. Elle paraissait plus inqui?te que satisfaite. — O? elle va dormir, April ? Riley eut envie de lui dire d’attendre d’?tre ? la maison pour faire le tour du propri?taire. Mais elle comprit que Jilly avait besoin d’?tre rassur?e. — April a sa propre chambre. Vous allez partager la salle de bain. Moi, j’ai la mienne. — Qui va faire le m?nage ? Et la cuisine ? demanda Jilly. Puis elle demanda d’un air angoiss? : — Je ne sais pas tr?s bien cuisiner. — Notre bonne, Gabriela, s’occupe de tout. Elle vient du Guatemala. Elle vit chez nous, dans un appartement au sous-sol. Tu vas bient?t la rencontrer. Elle s’occupera bien de toi quand je serai partie. Un autre silence passa. Puis Jilly demanda : — Gabriela va me frapper ? Riley resta bouche b?e. — Non, bien s?r que non. Pourquoi dis-tu une chose pareille ? Jilly ne r?pondit pas. Riley t?cha de comprendre. Elle essaya de ne pas penser que cette r?action n’?tait pas surprenante. Elle se rappelait ce que Jilly lui avait dit quand Riley l’avait trouv?e dans une cabine de camion : « Non, je rentre pas. Mon p?re va me tabasser. » Les services sociaux de Phoenix l’avaient retir?e de la garde de son p?re. Riley savait aussi que la m?re de Jilly avait disparu depuis longtemps. Jilly avait un fr?re, mais il avait ?galement disparu de la circulation. Cela brisait le c?ur de Riley d’imaginer que Jilly s’attendait au m?me traitement dans sa nouvelle maison. La pauvre gamine ne connaissait rien d’autre. — Personne ne va te frapper, Jilly, dit-elle d’une voix tremblante d’?motion. Plus jamais. On va prendre bien soin de toi. Tu comprends ? Cette fois encore, Jilly ne r?pondit pas. Riley aurait voulu que Jilly lui dise qu’elle comprenait, oui, et qu’elle y croyait. Mais Jilly changea de sujet : — J’aime bien ta voiture. Tu pourras m’apprendre ? conduire ? — Quand tu seras plus vieille, bien s?r, r?pondit Riley. Pour le moment, essayons de t’habituer ? ta nouvelle vie. * La neige tombait encore quand Riley se gara devant chez elle et quand elle descendit de la voiture avec Jilly. Jilly fit une dr?le de t?te quand un flocon lui tomba sur la t?te. ?a ne parut pas lui plaire, et elle frissonna. Il faudra que je lui trouve des v?tements plus chauds, pensa Riley. A mi-chemin entre la voiture et la porte d’entr?e, Jilly s’arr?ta net. Elle regarda fixement la maison. — Je ne peux pas faire ?a, dit-elle. — Pourquoi ? Jilly ne r?pondit pas tout de suite. On aurait dit un animal effray?. Riley pensa qu’elle ?tait peut-?tre boulevers?e ? l’id?e de vivre dans une si belle maison. — Je vais d?ranger April, hein ? dit Jilly. C’est sa salle de bain, apr?s tout. Elle cherchait des excuses – une raison pour laquelle ?a ne fonctionnerait pas. — Tu ne vas pas d?ranger April, dit Riley. Maintenant, viens. Riley ouvrit la porte. April et l’ex-mari de Riley, Ryan, les attendaient avec des visages souriants et accueillants. April se pr?cipita vers Jilly et la prit dans ses bras. — Je m’appelle April, dit-elle. Je suis tr?s contente que tu sois venue. Tu vas te plaire ici. La diff?rence entre les deux filles ?tait frappante. Riley avait toujours trouv? April mince et d?gingand?e, mais sa fille semblait beaucoup plus robuste ? c?t? de Jilly, qui ?tait maigrichonne. Jilly avait d? souffrir de la faim au cours de sa jeune vie. Il y a tellement de choses que je ne sais pas encore, pensa Riley. Jilly esquissa un sourire nerveux quand Ryan se pr?senta et la prit dans ses bras. Soudain, Gabriela surgit des escaliers et se pr?senta ? son tour avec un grand sourire. — Bienvenue dans la famille ! s’exclama-t-elle en prenant Jilly dans ses bras. Riley remarqua que la bonne guat?malt?que ?tait ? peine plus fonc?e de teint que Jilly. — Vente ! dit Gabriela en prenant Jilly par la main. Allons voir ta chambre ? l’?tage ! Mais Jilly se d?gagea en tremblant. Des larmes se mirent ? couler sur ses joues. Elle s’assit au bas des marches et ?clata en sanglots. April s’assit ? c?t? d’elle et enroula un bras autour de ses ?paules. — Jilly, qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle. Jilly secoua la t?te d’un air mis?rable. — Je ne sais pas, sanglota-t-elle. C’est juste… Je sais pas… C’est beaucoup trop… April sourit et lui tapota le dos. — Je sais, je sais, dit-elle. Viens voir en haut. Tu vas te sentir chez toi tout de suite. Jilly suivit April ? l’?tage d’un air ob?issant. Riley songea avec fiert? que sa fille g?rait admirablement la situation. Bien s?r, April avait toujours voulu une petite s?ur. Et elle avait, elle aussi, connu des moments difficiles et des traumatismes aux mains de criminels qui s’?taient servi d’elle pour atteindre Riley. Peut-?tre qu’April comprendra Jilly mieux que moi, pensa Riley avec espoir. Gabriela regarda les deux adolescentes s’?loigner d’un air compatissant. — ?Pobrecita! dit-elle. J’esp?re qu’elle va s’en remettre. Gabriela les suivit ? l’?tage, laissant Riley et Ryan seuls. Ryan regardait fixement l’escalier. J’esp?re qu’il ne regrette pas, pensa Riley. Je vais avoir besoin de lui. Il s’?tait pass? beaucoup de choses entre elle et Ryan. Les derni?res ann?es de leur mariage, il ?tait devenu volage et distant. Ils s’?taient s?par?s, puis ils avaient divorc?. Depuis ce jour, Ryan avait chang?. Ils r?apprenaient lentement ? se conna?tre. Ils avaient parl? de Jilly et du d?fi qu’elle pouvait repr?senter pour leur famille. Ryan avait ?t? enthousiaste. — ?a te convient toujours ? demanda Riley. Ryan se tourna vers elle : — Oui, mais je vois que ?a va ?tre difficile. Riley hocha la t?te. Un silence g?n? passa. — Je ferais mieux d’y aller, dit Ryan. Riley en fut soulag?e. Elle l’embrassa sur la joue. Il enfila son manteau et s’en alla. Riley se versa un verre et s’assit seule ? la table de la cuisine. Dans quel p?trin je nous ai tous fourr?s ? se demanda-t-elle. Elle n’avait plus qu’? esp?rer que ses bonnes intentions ne d?chireraient pas sa famille. CHAPITRE DEUX Riley se r?veilla le lendemain matin le c?ur plein d’appr?hension. Ce serait la premi?re journ?e de Jilly dans sa nouvelle maison. Il y avait beaucoup ? faire, et Riley esp?rait que tout se d?roulerait dans la bonne humeur. La nuit derni?re, elle avait compris que la transition allait ?tre difficile pour tout le monde. C’?tait April qui avait aid? Jilly ? s’installer. Ensemble, elles avaient choisi une tenue plus chaude que Jilly pourrait porter aujourd’hui – sans m?me fouiller dans les quelques affaires emball?es dans un sac plastique que Riley et April avaient achet?es en vitesse. Puis Jilly et April ?taient all?es se coucher. Riley les avait imit?es, mais elle n’avait pas pass? une bonne nuit. Elle se leva, s’habilla et descendit imm?diatement dans la cuisine. April aidait Gabriela ? pr?parer le petit d?jeuner. — O? est Jilly ? demanda Riley. — Elle n’est pas encore lev?e, r?pondit April. Riley fron?a les sourcils. Elle appela au bas des escaliers : — Jilly, c’est l’heure ! Il n’y eut pas de r?ponse. Riley fut saisie d’une bouff?e d’angoisse. Et si Jilly s’?tait enfuie pendant la nuit ? — Jilly, tu m’entends ? On doit t’inscrire ? l’?cole ce matin. — J’arrive, grogna Jilly. Riley poussa un soupir de soulagement. Jilly ?tait maussade mais, au moins, elle ?tait l? et elle avait r?pondu. Ces derni?res ann?es, April avait souvent parl? ? sa m?re sur ce ton. C’?tait de moins en moins le cas. Riley se demanda s’il lui restait encore de l’?nergie pour ?lever une deuxi?me adolescente. On frappa alors ? la porte. Quand Riley ouvrit, elle tomba nez ? nez avec son voisin, Blaine Hildreth. Riley ?tait surprise de le voir, mais pas m?contente. Il ?tait plus jeune qu’elle de quelques ann?es. C’?tait un homme charmant qui tenait un restaurant en ville. En fait, une s?duction s’?tait install?e entre eux, ce qui rendait d’autant plus difficile la relation de Riley avec son ex-mari. Blaine ?tait un voisin formidable, et leurs filles ?taient meilleures amies. — Salut, Riley, dit-il. J’esp?re que ce n’est pas trop t?t. — Pas du tout. Qu’est-ce qui se passe ? Blaine haussa les ?paules, en esquissant un sourire triste. — Je suis juste pass? pour vous dire au revoir, dit-il. Riley resta bouche b?e. — Que veux-tu dire ? Il h?sita. Avant qu’il n’ait eu le temps de r?pondre, Riley vit un ?norme camion gar? devant chez lui. Des d?m?nageurs chargeaient les meubles de Blaine ? l’arri?re. Riley poussa un hoquet de surprise. — Tu d?m?nages ? — ?a me paraissait une bonne id?e, dit Blaine. Riley faillit s’exclamer : « Pourquoi ? » Mais la r?ponse ? cette question ?tait ?vidente. Vivre tout pr?s de Riley pouvait ?tre dangereux et terrifiant, pour Blaine et sa fille, Crystal. Il ?tait difficile de l’oublier : Blaine portait encore un bandage sur la t?te. Il avait ?t? gravement bless? en tentant de prot?ger April de l’attaque d’un tueur. — Ce n’est pas ce que tu crois, dit Blaine. Mais Riley comprit ? l’expression de son visage que c’?tait bien ce qu’elle pensait. Il poursuivit : — Cet endroit n’est pas tr?s pratique. C’est trop loin du restaurant. J’ai trouv? une maison beaucoup plus pr?s. Je suis s?re que tu comprends. Riley ?tait trop boulevers?e pour r?pondre. Les souvenirs de cette terrible nuit se bousculaient dans sa t?te. Quand c’?tait arriv?, elle ?tait en train d’enqu?ter dans l’?tat de New York. Elle avait appris qu’un tueur nomm? Orin Rhodes ?tait dans la nature. Seize ans plus t?t, Riley avait abattu sa copine lors d’une fusillade, et elle avait arr?t? Rhodes. Quand il ?tait sorti de Sing Sing, il avait jur? de se venger d’elle et de toute sa famille. En l’absence de Riley, Rhodes s’?tait introduit dans la maison et il avait attaqu? April et Gabriela. Blaine avait entendu des bruits et il ?tait venu ? leur secours. Il avait peut-?tre sauv? la vie d’April, mais il avait ?t? gravement bless?. Riley ?tait all?e le voir deux fois ? l’h?pital. La premi?re fois, sa visite l’avait boulevers?e. Il ?tait encore inconscient, le visage couvert d’un masque ? oxyg?ne, les bras piqu?s d’une intraveineuse. Riley s’en ?tait voulu. Riley gardait un meilleur souvenir de sa deuxi?me visite. Elle avait trouv? Blaine vif et joyeux. Il s’?tait m?me moqu? de sa propre t?m?rit?. Elle se rappelait ce qu’il lui avait dit : « Il n’y a rien que je ne ferais pas pour toi ou April. » Il avait visiblement chang? d’avis. Le danger que repr?sentait Riley ?tait trop difficile ? assumer, et il s’en allait. Elle n’?tait pas s?re de savoir si elle ?tait vex?e ou si elle se sentait coupable. Mais elle ?tait certainement d??ue. April interrompit ses pens?es : — Oh non, Blaine ! Vous partez, toi et Crystal ? Crystal est encore l? ? Blaine hocha la t?te. — Il faut que j’aille lui dire au revoir, dit April. Elle fila dans la rue. Riley se d?menait encore avec ses ?motions contradictoires. — Je suis d?sol?e, dit-elle. — D?sol?e de quoi ? demanda Blaine. — Tu le sais tr?s bien. Blaine hocha la t?te. — Ce n’?tait pas de ta faute, Riley, r?pondit-il d’une voix douce. Riley et Blaine se d?visag?rent longuement. Puis Blaine se for?a ? sourire. — Et puis, ce n’est pas comme si je quittais la ville, dit-il. On pourra se voir. Les filles pourront se voir. Elles vont toujours dans le m?me lyc?e. C’est comme si rien ne changeait. Un go?t amer remonta dans la bouche de Riley. Ce n’est pas vrai, pensa-t-elle. Tout a chang?. Sa d?ception mena?ait de se changer en col?re. Et Riley savait qu’elle n’avait pas le droit d’?tre en col?re. Elle n’avait pas le droit. Elle n’?tait m?me pas s?re de savoir pourquoi elle ressentait ?a. Mais elle ne pouvait pas s’en emp?cher. Qu’?taient-ils cens?s faire maintenant ? Se prendre dans les bras l’un de l’autre ? Se serrer la main ? Elle sentit que Blaine ?tait tout aussi g?n? et ind?cis. Ils ?chang?rent des aurevoirs un peu brusques. Blaine retourna chez lui, et Riley referma la porte. Elle trouva Jilly en train de manger le petit d?jeuner dans la cuisine. Gabriela d?posa le petit d?jeuner de Riley devant sa chaise, et elle s’assit pour manger avec Jilly. — Alors, tu as h?te de d?couvrir l’?cole ? Riley r?alisa aussit?t que sa question ?tait stupide et maladroite. — Ouais, je suppose…, dit Jilly en tripotant ses pancakes avec sa fourchette. Elle ne leva pas les yeux vers Riley. * Peu apr?s, Riley et Jilly se pr?sent?rent ? l’accueil du coll?ge. Le b?timent ?tait immense. Des casiers color?s s’alignaient dans le hall et des dessins r?alis?s par les ?l?ves ?taient accroch?s aux murs. Une ?l?ve polie et aimable leur proposa son aide et leur expliqua o? se trouvait le bureau. Riley la remercia et se dirigea dans la direction indiqu?e, le dossier d’inscription de Jilly sous le bras, et la main de Jilly dans la sienne. Elle avait r?cup?r? le dossier des services sociaux de Phoenix : carnet de sant?, bulletins de notes, acte de naissance, ainsi qu’une lettre attestant que Riley ?tait maintenant le tueur l?gal de Jilly. Jilly avait ?t? retir?e de la garde de son p?re, mais il mena?ait de faire appel. Riley savait que le chemin ?tait encore long et difficile. Jilly serra sa main. Riley sentit qu’elle ?tait tr?s mal ? l’aise. Ce n’est pas difficile d’imaginer pourquoi. M?me si sa vie ? Phoenix avait ?t? dure, c’?tait le seul endroit que Jilly connaissait. — Pourquoi je peux pas aller ? l’?cole avec April ? demanda Jilly. — Vous serez dans le m?me lyc?e l’ann?e prochaine, dit Riley. Tu dois finir le coll?ge d’abord. Dans le bureau, Riley montra les papiers ? la secr?taire. — Nous aimerions rencontrer quelqu’un pour parler de l’inscription de Jilly, dit Riley. — Vous devez parler ? la conseill?re d’orientation, dit la secr?taire en souriant. Suivez-moi. Nous avons bien besoin de conseils…, pensa Riley. La conseill?re ?tait une femme d’une trentaine d’ann?es, affubl?e d’une crini?re de cheveux bruns. Elle s’appelait Wanda Lewis, et son sourire ?tait tr?s chaleureux. Riley songea qu’elle pourrait vraiment les aider. Une femme de ce m?tier rencontrait souvent des ?l?ves issus de milieux difficiles. Mme Lewis leur fit faire un tour du coll?ge. La biblioth?que ?tait bien ordonn?e, et il y avait des ordinateurs. Dans le gymnase, des filles jouaient au basket. La caf?t?ria ?tait propre. Tout semblait parfait. Pendant toute la visite, Mme Lewis abreuva Jilly de questions sur son pr?c?dent coll?ge et sur ses centres d’int?r?t. Jilly r?pondit ? peine, et elle ne posa aucune question en retour. Sa curiosit? se r?veilla un peu quand elle fit le tour de la salle d’arts plastiques. Puis elle retrouva son mutisme. Riley se demanda ce qui se passait dans la t?te de la gamine. Elle savait que Jilly n’avait pas de tr?s bonnes notes ces derni?res ann?es, m?me si ses bulletins ?taient excellents au d?but de sa scolarit?. En v?rit?, Riley ne savait presque rien du dossier scolaire de Jilly. Peut-?tre qu’elle d?testait l’?cole. Ce nouveau coll?ge devait lui para?tre tr?s intimidant : Jilly ne connaissait personne. Bien s?r, elle allait avoir du mal ? rattraper son retard. A la fin de la visite, Riley poussa Jilly ? remercier Mme Lewis. Elles tomb?rent d’accord pour commencer les cours le lendemain. Puis Riley et Jilly retourn?rent dans le froid pin?ant de janvier. Une fine couche de la neige qui ?tait tomb?e hier recouvrait le parking. — Alors, qu’est-ce que tu penses de ta nouvelle ?cole ? demanda Riley. — C’est pas mal, dit Jilly. Il ?tait difficile de savoir si Jilly ?tait seulement maussade, ou si les changements commen?aient ? la d?passer. En approchant de la voiture, Riley remarqua que Jilly frissonnait et qu’elle claquait des dents. Elle portait une grosse doudoune d’April, mais le froid la d?rangeait beaucoup. Dans la voiture, Riley mit aussit?t le chauffage. Mais Jilly frissonnait toujours. Riley ne d?marra pas tout de suite. Elle devait comprendre ce qui se passait dans la t?te de l’enfant qu’elle venait de prendre ? sa charge. — Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle. C’est l’?cole ? — C’est pas l’?cole, dit Jilly d’une voix tremblante. C’est le froid. — Je suppose qu’il ne fait pas souvent froid ? Phoenix, dit Riley. ?a doit te para?tre bizarre. Les yeux de Jilly se mouill?rent de larmes. — Si, il fait froid, surtout la nuit. — S’il te plait, dis-moi ce qui ne va pas, insista Riley. Les larmes se mirent ? couler. Jilly reprit la parole d’une toute petite voix ?trangl?e. — Le froid, ?a me rappelle… Elle se tut. Riley attendit patiemment qu’elle poursuive : — Mon p?re m’accusait de tout…, dit Jilly. Il disait que c’?tait de ma faute que ma m?re soit partie, et mon fr?re. Et il disait que c’?tait de ma faute s’il se faisait virer. Tout ce qui allait pas, c’?tait de ma faute. Jilly sanglotait ? pr?sent. — Continue, dit Riley. — Une nuit, il m’a dit qu’il voulait que je parte, dit Jilly. Il m’a dit que j’?tais un poids mort, que je faisais que le ralentir, et qu’il en avait marre de moi. Il m’a foutue dehors. Il a referm? les portes et je pouvais plus rentrer. Jilly avala sa salive avec difficult?. — J’avais jamais eu si froid de toute ma vie. M?me maintenant, il fait moins froid. J’ai trouv? un tuyau dans un foss? et je me suis gliss?e dedans. C’est l? que j’ai pass? la nuit. J’ai eu tellement peur. Des gens passaient, mais je voulais pas qu’ils me trouvent. Je pense pas qu’ils m’auraient aid?e. Riley ferma les yeux, imaginant Jilly dans son tuyau, au milieu de la nuit. Elle murmura : — Et qu’est-ce qui s’est pass? ? Jilly poursuivit : — Je me suis fait toute petite et je suis rest?e toute la nuit. J’ai pas vraiment dormi. Le lendemain matin, je suis rentr?e ? la maison, j’ai frapp? et j’ai suppli? mon p?re de me laisser entrer. Il m’a ignor?e, comme si j’?tais pas l?. Alors je suis all?e au relais routier. Il fait chaud, l?-bas, et il y a ? manger. Il y a des filles qui ?taient gentilles avec moi, et je me suis dit que je ferais tout mon possible pour rester. Et c’est cette nuit-l? que tu m’as trouv?e. Jilly s’?tait calm?e, ? mesure qu’elle racontait son histoire, comme si elle ?tait soulag?e de laisser enfin sortir ce mauvais souvenir. C’?tait Riley qui pleurait, ? pr?sent. Elle arrivait ? peine ? croire ce que Jilly avait v?cu. Elle la prit dans ses bras et la serra fort. — Plus jamais, dit Riley entre les sanglots. Jilly, je te le promets. Tu ne vivras plus jamais ?a. C’?tait une grande promesse, et Riley se sentit soudain fragile, faible et toute petite. Elle esp?ra qu’elle serait capable de tenir cette promesse. CHAPITRE TROIS La femme ne cessait de penser au pauvre Cody Woods. Il devait ?tre mort maintenant. Elle en saurait plus en lisant le journal. L’attente ?tait longue et la rendait de mauvaise humeur, malgr? le th? et son bol de muesli. Quand va-t-on m’apporter ce journal ? se demanda-t-elle en jetant un ?il ? la pendule. La livraison passait de plus en plus tard, ces derniers jours. Bien s?r, elle n’aurait pas ce probl?me-l? avec un abonnement ?lectronique, mais elle n’aimait pas lire les journaux sur un ?cran. Elle pr?f?rait s’asseoir dans une chaise confortable et profiter du bon vieux plaisir d’ouvrir le journal. Elle aimait m?me quand l’encre collait aux doigts. Le livreur avait plus d’un quart d’heure de retard. Si ?a continuait, elle serait oblig?e d’appeler pour se plaindre. Elle d?testait faire ?a. ?a lui laissait un mauvais go?t dans la bouche. Et puis, le seul moyen de savoir pour Cody, c’?tait de lire le journal. Elle ne pouvait tout de m?me pas appeler le centre de r??ducation. Cela ?veillerait des soup?ons. Et les employ?s la croyaient d?j? au Mexique avec son mari. Ou plut?t, Hallie Stillians ?tait au Mexique. Elle regrettait presque de ne plus ?tre Hallie Stillians. Elle avait commenc? ? s’attacher ? ce nom. Les employ?s du centre de r??ducation lui avaient m?me pr?par? un g?teau le jour de son d?part. Elle sourit en y pensant. C’?tait un g?teau tr?s color?, d?cor? de sombreros, avec un message : Buen Viaje, Hallie et Rupert ! Son mari imaginaire s’appelait Rupert. Elle allait regretter toutes les charmantes histoires qu’elle racontait sur lui. Elle termina son bol de muesli et sirota son th?. Elle faisait son th? elle-m?me. C’?tait une vieille recette de famille. Elle en avait donn? une autre ? Cody quand il la lui avait demand?e – et, bien s?r, l’ingr?dient qu’elle avait gliss? dans la tasse de Cody n’y figurait pas. Elle se mit ? chantonner… Loin de chez lui, Si loin de chez lui, Ce b?b? est si loin de chez lui. Tu te languis, Jour apr?s jour, Trop triste pour rire ou pour jouer. Cody adorait cette chanson ! Et tous les patients l’adoraient. Et bien d’autres l’aimeraient tout autant. Cette pens?e r?chauffa le c?ur de la femme. Elle entendit alors quelque chose tomber mollement sur le perron. Elle se pr?cipita pour ouvrir la porte. Son journal gisait par terre. Les mains tremblantes d’excitation, elle le ramassa et fila dans la cuisine. Elle l’ouvrit ? la rubrique n?crologique. Oui, l’annonce ?tait l? : SEATTLE — Cody Woods, 49, originaire de Seattle … Elle s’arr?ta une seconde. C’?tait ?trange. Elle ?tait pourtant certaine qu’il avait cinquante ans. Elle lut la suite : … d?c?d? ? l’h?pital de South Hills, Seattle, Wash.; Salon fun?raire Sutton-Brinks, Seattle. C’?tait tout. C’?tait un peu brusque, m?me pour un avis de d?c?s. Elle esp?ra qu’un avis plus long serait publi? dans les prochains jours. Mais c’?tait peu probable. Qui l’aurait ?crit ? Cody ?tait seul au monde, pour ce qu’elle en savait. Une femme ?tait d?c?d?e, l’autre l’avait quitt?, et ses deux enfants ne lui parlaient plus. Il avait ? peine ?voqu? d’autres personnes – des amis, des parents, des coll?gues… Qui s’en soucie ? se demanda-t-elle. Une col?re famili?re lui remonta dans la gorge. De la col?re contre les gens dans la vie de Cody Woods qui se fichaient bien de savoir s’il ?tait mort ou vivant. De la col?re contre les employ?s souriants du centre de r??ducation qui avaient fait semblant d’appr?cier Hallie Stillians. De la col?re contre les gens, partout, avec leurs mensonges, leurs secrets et leur m?chancet?. Comme souvent, elle s’imagina en train de survoler le monde avec des ailes noires, semant la mort et la destruction parmi les m?chants. Et tout le monde ?tait m?chant. Tout le monde m?ritait de mourir. M?me Cody Woods ?tait m?chant et il avait m?rit? de mourir. Apr?s tout, si personne ne l’aimait, quel genre d’homme ?tait-il ? Un homme abominable, sans doute. Abominable et haineux. — Bien fait pour lui, grogna-t-elle. Sa col?re disparut aussi vite qu’elle ?tait venue. Elle eut honte d’avoir dit ?a ? voix haute. Elle n’en pensait pas un mot, bien s?r. Elle se rappela qu’elle ne devait ressentir que de l’amour envers les autres. Et puis, il ?tait l’heure d’aller travailler. Aujourd’hui, elle serait Judy Brubaker. En se regardant dans le miroir, elle v?rifia que sa perruque auburn ?tait bien align?e et que la frange retombait de fa?on naturelle sur son front. Cette perruque lui avait co?t? cher et personne n’avait jamais remarqu? que ce n’?taient pas ses vrais cheveux. Sous la perruque, les cheveux blonds et courts de Hallie Stillians avaient ?t? teints en brun sombre et coup?s de diff?rente mani?re. Il ne restait plus aucune trace de Hallie, ni dans sa garde-robe, ni dans ses manies. Elle ramassa une paire de lunettes de lecture rouges et les suspendit ? son cou, avec un cordon. Elle sourit avec satisfaction. Elle avait eu raison d’investir dans de bons accessoires. Judy Brubaker m?ritait ce qu’il y avait de mieux. Tout le monde aimait Judy Brubaker. Et tout le monde adorait la chanson que Judy Brubaker chantait souvent. Une chanson qu’elle chanta ? tue-t?te en se pr?parant pour aller travailler. Ne pleure pas, Fais de beaux r?ves, Abandonne-toi au sommeil. Plus de soupirs, Ferme les yeux Et tu seras chez toi en r?ve. Sa paix int?rieure mena?ait de d?border. Elle en avait assez pour la partager avec le monde entier. Elle avait apport? la paix ? Cody Woods. Et bient?t, elle apporterait la paix ? quelqu’un qui en avait besoin. CHAPITRE QUATRE Le c?ur de Riley battait fort dans sa poitrine, et sa respiration lui br?lait les poumons. Une m?lodie famili?re lui trottait dans la t?te : « Follow the yellow brick road… » Malgr? ses efforts et son essoufflement, Riley ?tait amus?e. C’?tait une froide matin?e, et elle faisait la course ? obstacles de Quantico. On appelait cette course la « route de brique jaune ». C’?taient les Marines qui l’avaient construite et qui l’avaient baptis?e aisi. Des briques jaunes marquaient chaque mile parcouru. Quand un d?butant du FBI terminait la course, on lui donnait une brique jaune en r?compense. Riley avait gagn? la sienne des ann?es plus t?t. Mais, de temps en temps, elle refaisait le parcours, pour savoir si elle en ?tait toujours capable. Apr?s l’?motion et le stress de ces derniers jours, elle avait bien besoin d’un peu d’exercice pour se vider la t?te. Elle venait de passer une s?rie d’obstacles difficiles, et elle avait d?j? crois? trois briques. Elle avait escalad? un mur, saut? par-dessus des barri?res et elle s’?tait jet?e ? travers une fen?tre. A pr?sent, elle ?tait mont?e sur un rocher ? l’aide d’une corde. Elle descendit en rappel de l’autre c?t?. En sautant au sol, elle leva les yeux vers Lucy, une jeune agente avec laquelle elle aimait travailler et s’entra?ner. Lucy avait joyeusement accept? d’?tre sa partenaire d’entra?nement. Essouffl?e et appuy?e sur le rocher, Lucy tourna la t?te vers Riley qui s’exclama : — Tu n’arrives pas ? suivre le rythme d’une vieille comme moi ? Lucy ?clata de rire. — J’y vais doucement. Je pr?f?re que tu te m?nages… ? ton ?ge ! — Eh, ne te retiens pas pour me faire plaisir ! s’?cria Riley. Fais de ton mieux. Riley avait quarante ans, mais elle n’avait jamais ralenti ? l’entrainement. Force et rapidit? ?taient n?cessaires sur le terrain. Cela pouvait sauver des vies, y compris celle de Riley. Mais en voyant arriver l’obstacle suivant, Riley se renfrogna : c’?tait une piscine d’eau froide et boueuse surmont?e de fils barbel?s. Cela commen?ait ? se corser. Riley portait des v?tements chauds et une parka waterproof, mais cela ne suffirait pas : elle finirait tremp?e et gel?e. Attention les yeux…, pensa-t-elle. Elle se jeta dans la boue. La temp?rature de l’eau lui fit l’effet d’un choc ?lectrique. Elle s’obligea ? avancer, en s’aplatissant le plus possible quand elle sentit les barbel?s effleurer son dos. Un engourdissement familier la saisit, ainsi qu’un souvenir d?sagr?able. Riley rampait sous le plancher de la maison. Elle venait de s’?chapper de la cage o? un psychopathe arm? d’un chalumeau la retenait prisonni?re. Dans le noir, elle avait perdu la notion du temps. Elle avait r?ussi ? ouvrir la porte. A pr?sent, elle rampait ? l’aveuglette, ? la recherche d’une issue. Il avait plu r?cemment, et la boue ?tait froide et collante. Tout son corps ?tait engourdi par le froid, et un profond d?sespoir lui remonta dans la gorge. Elle ?tait trop faible, ? cause du manque de sommeil et de la faim. Je ne vais pas y arriver, pensa-t-elle. Elle devait chasser ces id?es noires. Elle devait continuer ? chercher. Si elle ne sortait pas d’ici, il finirait par la tuer, comme il avait tu? les autres. — Riley, ?a va ? La voix de Lucy la tira brusquement de ses pens?es. C’?tait un de ses souvenirs les plus atroces. Elle n’oublierait jamais l’exp?rience traumatisante qu’elle avait v?cue. C’?tait d’autant plus vrai qu’April avait souffert aux mains du m?me psychopathe. Riley se demanda si elle serait un jour d?barrass?e de ces ?tranges visions du pass?. Et April ? En serait-elle d?barrass?e ? Riley r?alisa qu’elle s’?tait arr?t?e au milieu de la piscine de boue. Derri?re elle, Lucy attendait qu’elle vienne ? bout de l’obstacle. — Je vais bien, dit Riley. D?sol?e de t’avoir fait attendre. Elle s’obligea ? avancer. Au bout de l’obstacle, elle bondit sur ses pieds et rassembla ses pens?es. Puis elle s’?lan?a sur le sentier, certaine que Lucy la suivait de pr?s. Elle connaissait d?j? l’obstacle suivant : un filet suspendu. Ensuite, il resterait deux miles ? parcourir, et encore quelques obstacles difficiles. * Au bout des six miles, Riley et Lucy pass?rent la ligne d’arriv?e, bras dessus bras dessous, essouffl?es, en riant et en se f?licitant l’une l’autre. Riley remarqua avec surprise que son partenaire de longue date l’attendait. Bill Jeffreys ?tait un homme de haute stature, du m?me ?ge que Riley. — Bill ! s’exclama Riley, la respiration sifflante. Qu’est-ce que tu fais l? ? — Je te cherchais, dit-il. On m’a dit que je te trouverais l?. Je n’en ai pas cru mes oreilles… En plein hiver ! Tu es maso ? Riley et Lucy ?clat?rent de rire. Lucy dit : — C’est peut-?tre moi qui suis maso. J’esp?re que je pourrai faire la route de brique jaune avec l’?nergie de Riley quand j’aurai son grand ?ge. Riley lan?a ? Bill d’un ton taquin : — Je suis partante pour recommencer. Tu viens avec moi ? Bill secoua la t?te, en ?touffant un rire. — Non, non, dit-il. J’ai toujours ma vieille brique jaune et je m’en sers pour caler les portes. Une seule, ?a me suffit. Par contre, j’aimerais tenter la brique verte. Qui est avec moi ? Riley ?clata de rire. La fameuse brique verte, c’?tait une blague du FBI : on la promettait aux agents qui fumaient trente-cinq cigares pendant trente-cinq nuits d’affil?e. — Non merci, dit-elle. Bill redevint soudain s?rieux. — Je suis sur une nouvelle affaire, Riley, dit-il. Et j’ai besoin de ton aide. J’esp?re que ?a ne te d?range pas. Je sais que tu viens de terminer la pr?c?dente. Bill avait raison. Riley avait l’impression d’avoir arr?t? Orin Rhodes seulement la veille. — Tu sais, je viens de ramener Jilly ? la maison. J’essaye de la mettre ? l’aise dans sa nouvelle vie. Nouvelle ?cole… Tout est nouveau. — Comment va-t-elle ? demanda Bill. — Elle est impr?visible, mais elle fait des efforts. Elle est contente d’appartenir ? une famille. Je pense qu’elle va avoir besoin d’aide. — Et April ? — Elle va tr?s bien. Je n’arrive toujours pas ? croire qu’elle se soit d?fendue comme ?a face ? Rhodes. Elle est devenue plus forte. Et elle aime beaucoup Jilly. Apr?s un bref silence, elle ajouta : — Sur quoi tu travailles, Bill ? Bill ne r?pondit pas tout de suite. — J’allais justement voir le chef, dit-il. J’ai vraiment besoin de ton aide, Riley. Riley d?visagea son partenaire et ami. Son d?sarroi ?tait ?vident. Quand il disait une chose pareille, c’?tait qu’il le pensait vraiment. Riley se demanda ce qui se passait. — Donne-moi le temps de prendre une douche et d’enfiler des v?tements secs, dit-elle. Je te retrouve au bureau. CHAPITRE CINQ Le chef d’?quipe Brent Meredith n’?tait pas du genre ? perdre du temps avec les banalit?s d’usage. Riley le savait d’exp?rience. En entrant dans son bureau apr?s sa course, elle ne s’attendait pas ? des questions polies sur sa sant?, sa maison ou sa famille. Il pouvait se montrer pr?venant et chaleureux, mais ces moments ?taient rares. Aujourd’hui, il irait droit au but. Ce qu’il avait ? dire ?tait toujours urgent. Bill ?tait d?j? l?. Il paraissait inquiet. Elle saurait bient?t pourquoi. D?s que Riley fut assise, Meredith se pencha vers elle, par-dessus son bureau, son anguleuse m?choire et ses traits afro-am?ricains plus intimidants que jamais. — Commen?ons par le commencement, agent Paige, dit-il. Riley attendit qu’il reprenne la parole, pour lui poser une question ou lui donner un ordre. Au lieu de cela, il la fixa du regard. Riley comprit rapidement ce qu’il avait en t?te. Meredith prenait soin de ne pas poser la question ? voix haute. Riley lui en fut reconnaissante. Un tueur ?tait toujours dans la nature. Il s’appelait Shane Hatcher. Il s’?tait ?vad? de Sing Sing, et Riley avait ?t? charg?e de le retrouver. C’?tait m?me sa derni?re mission. Elle avait ?chou?. En v?rit?, elle n’y avait pas mis tout son c?ur, et on avait confi? le dossier ? d’autres agents. Eux non plus n’avaient pas encore r?ussi. Shane Hatcher ?tait un g?nie criminel, devenu en prison un expert en criminologie. Riley lui avait parfois rendu visite pour lui demander son avis sur des dossiers difficiles. Elle le connaissait assez bien pour savoir qu’il ne repr?sentait pas un danger pour la soci?t?. Hatcher suivait un code moral ?trange mais tr?s strict. Il avait tu? un homme depuis son ?vasion – un vieil ennemi qui ?tait ?galement un dangereux criminel. Riley pensait qu’il ne tuerait personne d’autre. Meredith lui demandait en silence si elle avait des nouvelles de lui. C’?tait une affaire qui faisait du bruit, et Hatcher ?tait en passe de devenir une l?gende urbaine – un g?nie du mal capable de tout. Riley appr?ciait la discr?tion de Meredith ? propos de Hatcher. Cependant, la simple v?rit?, c’?tait qu’elle ne savait pas du tout o? il ?tait, ni ce qu’il faisait ces derniers temps. — Rien de neuf, monsieur, dit-elle en r?ponse ? la question silencieuse de Meredith. Meredith hocha la t?te et parut se d?tendre. — Tr?s bien, dit-il. J’irai droit au but. J’envoie l’agent Jeffreys sur une enqu?te ? Seattle. Il vous demande comme partenaire. Je veux savoir si vous ?tes disponible pour l’accompagner. Riley devait refuser. Sa vie ?tait difficile ? g?rer en ce moment. Il paraissait difficile de partir enqu?ter dans une ville lointaine. Elle avait encore des flashs, des rechutes psychotraumatiques dues ? son enfermement. Sa fille, April, avait souffert aux mains du m?me homme, et elle devait affronter ses propres d?mons. Et maintenant, Riley avait une deuxi?me fille qui avait, elle aussi, v?cu des moments terribles. Si elle pouvait se contenter d’enseigner pendant quelque temps, ce serait plus simple. — Je ne peux pas, dit Riley. Pas pour le moment. Elle se tourna vers Bill. — Tu sais ce qui se passe. — Je sais. J’esp?rais juste que…, dit-il avec un regard implorant. Il ?tait grand temps de savoir ce qui se passait. — De quoi s’agit-il ? — Il y a eu au moins deux empoisonnements ? Seattle, dit Meredith. Il s’agit certainement d’un tueur en s?rie. Riley comprit aussit?t ce qui bouleversait Bill. Quand il ?tait petit, sa m?re ?tait morte empoisonn?e. Riley ne connaissait pas les d?tails de l’affaire, mais elle savait que c’?tait une des raisons pour lesquelles il travaillait maintenant au FBI. Ce meurtre l’avait hant? pendant des ann?es. Ce dossier r?veillait une vieille blessure. Quand il lui avait dit qu’il avait besoin d’elle, il n’avait pas menti. Meredith poursuivit : — Nous ne connaissons que deux victimes pour le moment : un homme et une femme. Il y en aura peut-?tre d’autres, ou il y en a eu. — Pourquoi Quantico ? demanda Riley. Le FBI a un bureau ? Seattle. Ils ne peuvent pas s’en charger ? Meredith secoua la t?te. — Cela ne fonctionne pas. Apparemment, le FBI et la police n’arrivent pas ? s’entendre. C’est pour ?a qu’on a besoin de vous, que vous le vouliez ou non. Vous y allez, agent Paige ? Tout lui parut soudain tr?s clair. Malgr? ses probl?mes personnels, Riley devait accepter ce dossier. — J’y vais. Bill hocha la t?te, en poussant un soupir de soulagement et de gratitude. — Bien, dit Meredith. Vous partez ? Seattle demain matin. Les doigts de Meredith tambourin?rent sur la table pendant quelques secondes. — Ne vous attendez pas ? un accueil chaleureux, ajouta-t-il. Ni les flics du coin, ni les f?d?raux ne seront contents de vous voir. CHAPITRE SIX Riley avait peur d’emmener Jilly ? son premier jour d’?cole, presque qu’autant qu’elle redoutait certaines affaires. L’adolescente avait la mine sombre. Riley se demandait m?me si elle allait lui faire une sc?ne au dernier moment. Est-elle pr?te ? ne cessait-elle de se r?p?ter. Et moi ? Suis-je pr?te ? Le moment n’aurait pas pu tomber plus mal. Riley devait prendre l’avion pour Seattle dans la matin?e. Mais Bill avait besoin de son aide, et Riley avait pris sa d?cision. Jilly avait sembl? l’accepter quand elles en avaient discut? ? la maison. Cependant, Riley n’?tait plus certaine de savoir ? quoi s’attendre. Heureusement, elle n’emmenait pas Jilly ? l’?cole toute seule. Ryan lui avait propos? de conduire, et Gabriela et April ?taient ?galement venues pour la soutenir moralement. Quand tout ce petit monde descendit de la voiture sur le parking de l’?cole, April prit Jilly par la main et l’emporta en trottinant vers le b?timent. Les deux jeunes filles portaient toutes deux des jeans, des bottes fourr?es et des manteaux. La veille, Riley les avait emmen?es faire du shopping. Jilly avait eu le droit de choisir son nouveau manteau, ainsi qu’une couverture, des posters et quelques coussins personnalis?s pour sa chambre. Riley, Ryan et Gabriela suivirent les filles. Le c?ur de Riley se r?chauffait en les regardant. Apr?s des ann?es de bouderie et de r?bellion, April ?tait soudain beaucoup plus mature. Jilly ?tait peut-?tre ce dont elle avait toujours eu besoin : une autre personne ? qui donner de l’attention. — Regarde-les, dit Riley ? Ryan. Elles s’entendent bien. — C’est merveilleux, non ? r?pondit-il. On dirait des s?urs. Elles se ressemblent. C’est ce qui t’a pouss?e ? la prendres sou ton aile ? C’?tait une question int?ressante. Depuis qu’elle avait ramen? Jilly ? la maison, Riley avait remarqu? surtout les diff?rences entre les deux filles. Elle commen?ait ? voir les ressemblances. April ?tait la plus p?le des deux. Elle avait les yeux noisette de sa m?re, tandis que Jilly avait les yeux marron et le teint olive. Mais ? cet instant, de dos, elles se ressemblaient beaucoup. — Peut-?tre…, dit-elle pour r?pondre ? la question de Ryan. Je n’y ai pas r?fl?chi. Je savais seulement qu’elle avait des probl?mes et que je pouvais peut-?tre l’aider. — Tu lui as peut-?tre sauv? la vie, dit Ryan. La gorge de Riley se noua. Elle y avait pens?, et c’?tait une pens?e ? la fois terrifiante et ?tourdissante. Elle avait une grande responsabilit? vis-?-vis de Jilly. Toute la famille se dirigea vers le bureau de la conseill?re. Aussi chaleureuse et souriante que la derni?re fois, Wanda Lewis accueillit Jilly avec un plan de l’?cole. — Je t’emm?ne dans ta classe, dit-elle. — C’est un tr?s bel endroit, dit Gabriela ? Jilly. Je suis s?re que tu seras tr?s bien. Jilly semblait maintenant ? la fois nerveuse et heureuse. Elle prit tout le monde dans ses bras, puis elle suivit Mme Lewis dans le hall. — J’aime bien cette ?cole, dit Gabriela en retournant vers la voiture. — Cela me fait plaisir, r?pondit Riley. Elle ?tait sinc?re. Gabriela ?tait bien plus qu’une bonne. C’?tait un v?ritable membre de la famille. Il ?tait important qu’elle soit d’accord avec les d?cisions. Quand tous furent install?s, Ryan d?marra le moteur. — O? allons-nous, maintenant ? demanda-t-il joyeusement. — Je dois aller ? l’?cole, dit April. — Ensuite, on rentre, expliqua Riley. J’ai un avion ? prendre ? Quantico. — Compris. Ryan recula pour sortir du parking. Riley lui jeta un regard en coin. Il avait l’air tr?s heureux de participer et d’accueillir un nouveau membre dans la famille. Elle ne l’avait pas vu comme ?a depuis longtemps. Il semblait chang?. Dans un moment comme celui-ci, elle ?tait contente de l’avoir ? ses c?t?s. Elle se retourna vers sa fille, assise sur la banquette arri?re. — Tu te d?brouilles tr?s bien avec elle, dit Riley. April eut l’air surpris. — Je fais des efforts, dit-elle. Je suis contente que tu aies remarqu?. Pendant un instant, Riley resta bouche b?e. Avait-elle ignor? sa fille ces derniers jours, dans l’espoir inconscient de ne pas faire de favoritisme ? April ajouta : — Maman, je suis contente quand m?me qu’elle soit l?. C’est plus compliqu? que je ne pensais d’avoir une nouvelle s?ur. Elle a pas eu la vie facile et parfois, c’est dur de lui parler. — Je ne veux pas te rendre la vie difficile, dit Riley. April esquissa un sourire. — Moi, je t’ai rendu la vie difficile, dit-elle. Je suis assez forte pour m’occuper de Jilly. En fait, ?a commence ? me plaire. ?a va aller. S’il te plait, ne t’inqui?te pas pour nous. Ces mots rassuraient Riley : elle laissait Jilly avec trois personnes de confiance – April, Gabriela et Ryan. Pourtant, cela l’ennuyait de partir maintenant. Elle esp?ra que ce ne serait pas pour longtemps. * La terre s’?loigna brusquement sous les yeux de Riley, pench? au hublot du jet. L’avion per?a les nuages, en route vers la c?te Pacifique. Ils arriveraient dans six heures. Pendant quelques minutes, Riley regarda le paysage d?filer en contrebas. Bill ?tait assis ? c?t? d’elle. Il dit : — Chaque fois que je prends l’avion pour aller ? l’autre bout du pays, je pense ? la mani?re dont les gens voyageaient autrefois : ? pied, ? cheval ou en train… Riley hocha la t?te en souriant. C’?tait comme si Bill lisait dans ses pens?es. Elle avait souvent cette impression quand elle ?tait avec lui. — A l’?poque, le pays devait leur sembler immense, dit-elle. ?a prenait des mois aux colons pour traverser. Un silence familier et agr?able s’installa entre eux. Au fil des ann?es, ils avaient eu des d?saccords et m?me des disputes, et il leur ?tait arriv? de penser que leur relation de travail ?tait termin?e. Mais Riley se sentait encore plus proche de lui, ? pr?sent. Elle lui aurait confi? sa vie, et elle savait que c’?tait r?ciproque. Dans un moment comme celui-ci, elle se f?licitait de ne pas avoir c?d? ? leur d?sir mutuel. Ils s’?taient approch?s tout pr?s de ce gouffre plus d’une fois. Cela aurait tout g?ch?, pensa Riley. Ils avaient eu l’intelligence de ne pas succomber ? la tentation. Il aurait ?t? trop difficile de perdre cette amiti?. Bill ?tait son meilleur ami. Au bout de quelques minutes, Bill dit : — Merci d’?tre venue, Riley. J’ai vraiment besoin de ton aide. Je ne pense pas que j’aurais pu faire cette enqu?te avec un autre partenaire. M?me pas Lucy. Riley le regarda sans rien dire. Elle n’avait pas besoin de lui demander ? quoi il pensait. Elle savait qu’il allait enfin lui dire la v?rit? sur la mort de sa m?re. Seulement alors, elle comprendrait pourquoi cette affaire le touchait tant. Il se redressa sur son si?ge, perdu dans ses souvenirs. — Tu sais d?j? pour ma famille, dit-il. Je t’ai dit que mon p?re ?tait prof de maths ? l’?cole, et ma m?re ?tait guicheti?re ? la banque. Avec trois enfants, on vivait bien, sans rouler sur l’or. C’?tait une bonne vie. Et puis… Bill se tut. — C’est arriv? quand j’avais neuf ans, poursuivit-il. Juste avant No?l, les employ?s de la banque o? travaillait ma m?re ont organis? une f?te de fin d’ann?e, avec des cadeaux, un g?teau, et les animations habituelles. Quand ma m?re est rentr?e ? la maison cet apr?s-midi-l?, elle semblait s’?tre bien amus?e et tout allait bien. Mais le soir, elle a commenc? ? se comporter bizarrement. Bill serra les dents. — Elle ?tait ?tourdie et d?boussol?e, et elle parlait d’une voix tra?nante. C’?tait comme si elle avait bu, mais ma m?re ne buvait jamais. Et on n’avait pas servi d’alcool ? la f?te. Personne ne savait ce qui se passait. ?a s’est d?grad? tr?s rapidement. Elle s’est mise ? vomir. Papa l’a emmen?e aux urgences, avec nous, les gamins. Bill se tut ? nouveau. Riley vit qu’il s’approchait du moment le plus difficile. — Quand nous sommes arriv?s ? l’h?pital, son c?ur battait ? toute allure et elle hyperventilait. Sa pression sanguine ?tait tr?s ?lev?e. Elle est tomb?e dans le coma. Ses reins ont cess? de fonctionner, et elle souffrait d’insuffisance cardiaque. Bill ferma les yeux, le visage d?form? par la douleur. Riley se demanda s’il ne valait mieux pas s’arr?ter l?. Mais elle sentit qu’elle n’avait pas le droit de lui conseiller de se taire. Bill dit : — Le lendemain matin, les m?decins ont trouv? ce qui n’allait pas. Elle souffrait d’une intoxication grave au glycol d’?thyl?ne. Riley secoua la t?te. — ?a me dit quelque chose, mais je ne suis pas s?re… Bill expliqua vivement : — Quelqu’un avait mis de l’antigel dans le punch. Riley poussa un hoquet. — Oh non ! Comment est-ce possible ? Je veux dire : le go?t… — En fait, l’antigel a souvent un go?t sucr?, expliqua Bill. Il est facile de le m?langer ? des boissons sucr?es. C’est un poison malheureusement tr?s pratique. Riley n’en croyait pas ses oreilles. — Mais s’il y avait de l’antigel dans le punch, tout le monde a d? souffrir des m?mes sympt?mes. — C’est ?a, dit Bill. Personne d’autre ne s’est empoisonn?. Ce n’?tait pas dans la carafe. L’antigel ?tait dans les verres de ma m?re. Quelqu’un l’a pris pour cible. Il se tut un long moment. — Quand on a compris, il ?tait trop tard, dit-il. Elle est rest?e dans le coma et elle est morte au nouvel an. Nous ?tions tous ? ses c?t?s. Bill parvint ? ne pas ?clater en sanglots. Riley devina qu’il avait d?j? beaucoup pleur?. — Cela n’a pas de sens, dit-il. Tout le monde aimait ma m?re. Elle n’avait pas un seul ennemi. La police a men? l’enqu?te, mais il est vite devenu ?vident que personne ? la banque n’?tait responsable. Plusieurs de ses coll?gues se sont souvenus d’un homme bizarre, qui est venu et reparti plusieurs fois. Il avait l’air sympathique, et tout le monde pensait que c’?tait un ami de quelqu’un. Il s’est ?vapor? quand la f?te s’est termin?e. Bill secoua la t?te avec amertume. — L’affaire a ?t? class?e. Elle est toujours class?e. Je pense qu’elle le restera. Au bout de tant d’ann?es, on ne la r?soudra jamais. C’est terrible de ne pas savoir qui a fait ?a, de ne jamais l’avoir tra?n? en justice. Mais le pire, c’est de ne pas savoir pourquoi. C’?tait cruel et gratuit. Pourquoi Maman ? Qu’avait-elle fait pour m?riter ?a ? Peut-?tre qu’elle n’avait rien fait. C’?tait peut-?tre une blague atroce. Ne pas savoir, c’est de la torture. Encore maintenant. Et bien s?r, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai d?cid? de… Il ne termina pas sa phrase. Il n’en avait pas besoin. Riley savait depuis longtemps que le meurtre irr?solu de sa m?re avait convaincu Bill de se mettre au service de la justice. — Je suis vraiment d?sol?e, dit Riley. Bill haussa mollement les ?paules, comme s’il avait un poids sur le dos. — C’?tait il y a longtemps, dit-il. Et puis, tu sais ce que c’est. Riley sursauta. Elle savait bien ce qu’il voulait dire. Et il avait raison. Elle lui avait racont? sa propre histoire depuis longtemps, et il ?tait inutile de tout r?p?ter. Pourtant, Riley ne put emp?cher sa m?moire de tourner ? plein r?gime. Riley avait six ans, et Maman l’avait emmen?e dans un magasin de bonbons. Riley ?tait tout excit?e. Elle r?clamait tout ce qu’elle voyait. Parfois, Maman la grondait quand elle se comportait comme ?a. Mais aujourd’hui, Maman ?tait gentille. Elle g?tait Riley en lui achetant tout ce qu’elle voulait. Ce fut alors qu’en attendant de passer ? la caisse, un homme ?trange s’approcha d’elles. Il portait quelque chose sur la t?te, qui lui aplatissait le nez et les l?vres et lui donnait l’air ? la fois dr?le et effrayant, comme un clown dans un cirque. Riley mit du temps ? comprendre qu’il portait un bas nylon sur la t?te, comme ceux que Maman mettait aux jambes. Il avait une arme. Le pistolet ?tait ?norme. Et il ?tait point? sur Maman. — Donne-moi ton sac, dit-il. Maman refusa. Riley ne savait pas pourquoi. Elle savait seulement que Maman avait peur. Peut-?tre qu’elle avait m?me trop peur pour faire ce que lui demandait l’homme. Et il fallait que Riley ait peur, elle aussi. L’homme dit des vilains mots ? Maman, mais elle ne lui donna pas son sac. Elle tremblait de tout son corps. Il y eut alors un bruit de p?tard et un ?clair de lumi?re, et Maman s’?croula. L’homme dit encore des vilains mots, avant de partir en courant. La poitrine de Maman saignait, et elle se tortilla par terre pendant un moment, puis son corps se ramollit. La petite Riley se mit ? hurler. Elle ne s’arr?ta pas avant longtemps. Une caresse de Bill sur son bras ramena Riley au moment pr?sent. — Excuse-moi, dit-il. Je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs. Il avait vu la larme couler sur la joue de Riley. Elle lui serra la main. Elle lui ?tait reconnaissante d’?tre compr?hensif. En v?rit?, Riley n’avait jamais racont? ? Bill un souvenir qui lui faisait encore plus mal. Son p?re avait ?t? colonel dans les Marines – un p?re s?v?re, rigide, incapable d’aimer ou de pardonner. Les ann?es qui avaient suivi le meurtre, il avait reproch? ? Riley de n’avoir rien fait. Son jeune ?ge n’avait pas d’importance. « T’aurais pu tout aussi bien tirer toi-m?me, pour tout le bien que ?a lui a fait. » lui avait-il dit. Il ?tait mort l’ann?e derni?re sans jamais lui pardonner. Riley essuya sa joue humide et regarda par le hublot le paysage se tra?ner lentement, des kilom?tres plus bas. Comme souvent, elle r?alisa qu’elle et Bill avaient beaucoup de choses en commun. Tous deux ?taient hant?s par l’injustice et la trag?die. Depuis qu’ils travaillaient ensemble, ils combattaient les m?mes d?mons et repoussaient les m?mes fant?mes. Malgr? son inqui?tude de laisser Jilly et toute sa vie ? la maison, Riley sut qu’elle avait pris la bonne d?cision. Chaque fois qu’elle travaillait avec Bill, leur relation en sortait plus solide et plus profonde. Ce ne serait pas diff?rent, cette fois. Ils r?soudraient ces meurtres. Riley en ?tait certaine. Mais qu’est-ce qu’ils y gagneraient ou perdraient ? Peut-?tre que nous pourrons gu?rir un peu, pensa Riley. Ou peut-?tre que nous ne ferons que raviver de p?nibles souvenirs. Cela n’avait pas d’importance. Ils se soutenaient l’un l’autre pour venir ? bout de tous les dossiers, m?me les plus difficiles. Et maintenant, ils avaient un crime d?testable sur les bras. CHAPITRE SEPT Quand l’avion atterrit sur le tarmac de l’a?roport international Seattle-Tacoma, une averse battait les hublots. Riley regarda sa montre. A la maison, il ?tait deux heures de l’apr?s-midi, mais il n’?tait encore que onze heures du matin ? Seattle. Ils avaient le temps d’avancer sur le dossier. Alors qu’ils se dirigeaient vers la porte, le pilote sortit de la cabine et leur donna ? chacun un parapluie. — Vous en aurez besoin, dit-il en souriant. L’hiver, c’est la pire saison dans cette r?gion. En sortant, Riley se dit qu’il devait avoir raison. Elle lui fut reconnaissante de lui avoir donn? un parapluie. Elle aurait d? s’habiller plus chaudement. Il faisait froid et humide. Un SUV se gara au bord de la piste d’atterrissage. Deux hommes en pardessus en sortirent et se pr?cipit?rent vers l’avion. Ils se pr?sent?rent comme ?tant les agents Havens et Trafford du bureau de Seattle. — Nous vous emmenons chez le m?decin l?giste, dit l’agent Havens. Le chef de l’?quipe d’investigation vous attend l?-bas. Bill et Riley mont?rent dans la voiture, et l’agent Trafford d?marra sous la sauc?e. Riley apercevait ? peine des h?tels au bord de la route. Il devait y avoir beaucoup d’activit?, mais on n’y voyait goutte. Elle se demanda si elle pourrait seulement voir Seattle pendant son s?jour. * D?s qu’ils furent assis dans la salle de conf?rence du d?partement de la m?decine l?gale, Riley sentit qu’il y avait un probl?me. Elle ?changea un regard entendu avec Bill. Lui aussi avait senti la tension dans l’air. Le chef d’?quipe Maynard Sanderson ?tait un homme imposant, ? la m?choire carr?e. On aurait dit un croisement entre un militaire de haut-rang et un pr?cheur ?vang?lique. Sanderson foudroyait du regard un homme corpulent, affubl? d’une ?norme moustache qui lui donnait l’air contrari?. On l’avait pr?sent? ? Riley et Bill sous le nom de Perry McCade. C’?tait le chef de la police de Seattle. Le langage corporel des deux hommes, ainsi que la place qu’ils avaient choisie autour de la table, r?v?lait de nombreuses informations. Pour une raison encore inconnue, les deux hommes ne voulaient pas se voir, encore moins se parler. Et Riley sentit qu’ils ne voulaient pas non plus parler aux agents de Quantico. Elle se rappela ce que lui avait dit Brent Meredith. « Ne vous attendez pas ? un accueil chaleureux. Ni les flics du coin, ni les f?d?raux ne seront contents de vous voir. » Dans quel gu?pier Bill et Riley s’?taient-ils fourr?s ? Une lutte sans merci pour le pouvoir faisait rage, dans le plus grand silence. Et dans quelques minutes, ce serait une bataille des mots. Le chef du d?partement de la m?decine l?gale Prisha Shankar semblait ?tonnamment ? l’aise. C’?tait une femme ? la peau fonc?e, de l’?ge de Riley, visiblement d’un temp?rament sto?que et imperturbable. Apr?s tout, elle est sur son territoire, se dit Riley. L’agent Sanderson prit la libert? de lancer la r?union. — Agents Paige et Jeffreys, dit-il. Je suis ravi que vous aillez pu venir. Le ton glac? de sa voix disait tout le contraire. — Ravi de vous aider, dit Bill d’un ton h?sitant. Riley se contenta de sourire. — Messieurs, reprit Sanderson, ignorant la pr?sence de deux femmes. Nous sommes r?unis pour enqu?ter sur deux meurtres, qui pourraient ?tre l’?uvre d’un tueur en s?rie bas? ici, dans la r?gion de Seattle. C’est ? nous de l’arr?ter avant qu’il ne fasse d’autres victimes. Le chef de police McCade grogna assez fort pour qu’on l’entende. — Vous avez un commentaire, McCade ? demanda froidement Sanderson. — Ce n’est pas un tueur en s?rie, marmonna McCade, et ce n’est pas une affaire pour le FBI. Mes policiers ont la situation sous contr?le. Riley commen?ait ? comprendre. Meredith leur avait dit que les autorit?s locales pataugeaient. La raison devenait ?vidente. Personne ne parvenait ? se mettre d’accord. Le chef de police McCade en voulait au FBI de s’imposer sur une affaire de meurtre. Et Sanderson ?tait vex? que le FBI lui ait envoy? des agents de Quantico pour mettre tout le monde au pas. Une vraie temp?te, pensa Riley. Sanderson se tourna vers le m?decin et dit : — Docteur Shankar, peut-?tre pourriez-vous nous r?sumer les informations. Visiblement insensible ? la tension ambiante, le docteur Shankar appuya sur le bouton d’une t?l?commande pour faire appara?tre une image sur le mur du fond. C’?tait une photo d’identit? d’une femme au physique assez banal, avec des cheveux raides de couleur ch?tain. Shankar dit : — Il y a un mois et demi, une femme nomm?e Margaret Jewell est morte chez elle, dans son sommeil, de ce qui semblait ?tre une attaque cardiaque. Elle se plaignait depuis la veille de douleurs articulaires mais, selon sa conjointe, cela n’avait rien d’inhabituel. Elle souffrait de fibromyalgie Shankar appuya ? nouveau sur le bouton et fit appara?tre une autre photo d’identit?. Celle-ci montrait un homme d’?ge m?r, au visage doux et m?lancolique. Elle dit : — Il y a quelques jours, Cody Woods a ?t? admis ? l’h?tel de South Hills pour des douleurs ? la poitrine. Il se plaignait aussi de douleurs articulaires, mais ce n’?tait pas non plus surprenant : il avait de l’arthrite et on l’avait op?r? du genou une semaine plus t?t. Quelques heures apr?s, il est mort ? son tour de ce qui semblait ?tre une attaque cardiaque. — Aucun rapport entre les deux morts…, marmonna McCade. — Alors, maintenant, vous dites que ce ne sont pas des meurtres, ni l’un, ni l’autre ? dit Sanderson. — Margaret Jewell, sans doute, dit McCade. Cody Woods, certainement pas. ?a brouille les pistes. Si vous nous laissiez bosser, moi et mes gars, on finirait par d?couvrir le fin mot de l’histoire. — Vous avez enqu?t? pendant un mois et demi sur le dossier Jewell, dit Sanderson. Le docteur Shankar esquissa un sourire ?nigmatique devant la dispute de McCade et Sanderson. Puis elle appuya ? nouveau sur le bouton. Deux photos apparurent. Toute la salle se tut, et Riley sursauta. Les hommes sur les photos semblaient venir du Moyen-Orient. Riley ne connaissait pas l’un d’eux, mais elle reconnaissait l’autre. C’?tait Saddam Hussein. CHAPITRE HUIT Riley fixa du regard l’image sur l’?cran. O? le m?decin l?giste voulait-elle en venir avec cette photo de Saddam Hussein ? L’ancien chef d’?tat en Irak avait ?t? ex?cut? en 2006 pour crimes contre l’humanit?. Quel rapport avec le tueur en s?rie de Seattle ? Apr?s avoir fait son petit effet, le docteur Shankar reprit la parole. — Je suis s?re que vous reconnaissez l’homme ? gauche. A droite, il s’agit de Majidi Jehad, un dissident chiite au r?gime de Saddam. En mai 1980, Jehad a re?u l’autorisation de se rendre ? Londres. Quand il est all? r?cup?rer son passeport dans un commissariat de Bagdad, on lui a propos? un verre de jus d’orange. Il a quitt? le pays, visiblement sain et sauf. Il est mort peu apr?s son arriv?e ? Londres. Le docteur Shankar fit appara?tre d’autres images de personnes probablement originaires du Moyen-Orient. — Il est arriv? la m?me chose ? tous ces hommes. Saddam a liquid? des centaines d’opposants ? son r?gime de cette mani?re. Dans certains cas, ils sortaient de prison et on leur offrait un verre pour f?ter leur lib?ration. Aucun n’a v?cu tr?s longtemps. Le chef McCade hocha la t?te d’un air entendu. — Empoisonnement au thallium, dit-il. — C’est exact, dit le docteur Shankar. Le thallium est un ?l?ment chimique. On peut en faire une poudre sans odeur, sans couleur et sans go?t, soluble dans un liquide. C’?tait le poison pr?f?r? de Saddam Hussein. Mais ce n’est pas lui qui a invent? cette strat?gie pour se d?barrasser de ses ennemis. On l’appelle souvent « le poison de l’empoisonneur » parce qu’il agit tr?s lentement et produit des sympt?mes qui peuvent induire les m?decins en erreur. Elle appuya ? nouveau sur le bouton de sa t?l?commande. D’autres photos apparurent, notamment celle du dictateur cubain Fidel Castro. Elle dit : — En 1960, les services secrets fran?ais ont fait usage du thallium pour tuer le chef de la r?volution camerounaise F?lix-Roland Moumi?. Et on pense que la CIA a souvent essay? d’utiliser cette strat?gie, mais en vain, pour assassiner Fidel Castro. L’id?e ?tait de glisser du thallium dans les chaussures de Castro. Si la CIA avait r?ussi, il serait d?c?d? d’une mort lente, douloureuse et humiliante. Les poils de sa c?l?bre barbe seraient tomb?s avant sa mort. Elle appuya sur sa t?l?commande, et les visages de Margaret Jewell et de Cody Woods reparurent. — Je vous explique tout cela pour vous faire bien comprendre que nous avons affaire ? un tueur intelligent, dit Shankar. J’ai trouv? des traces de thallium dans les deux corps. Je ne doute pas une seule seconde qu’ils ont ?t? assassin?s par la m?me personne. Le docteur Shankar embrassa l’assembl?e du regard. — Des commentaires ? demanda-t-elle. — Ouais, dit le chef McCade. Je pense qu’il n’y a pas de rapport entre les deux morts. Son commentaire prit Riley par surprise, mais pas le docteur Shankar. — Pourquoi cela, chef McCade ? demanda-t-elle. — Cody Woods ?tait plombier, r?pondit-il. Il aurait pu ?tre expos? au thallium, non ? — C’est possible, dit le docteur Shankar. Les plombiers sont souvent expos?s ? des substances toxiques, comme l’amiante ou des m?taux lourds, notamment l’arsenic et le thallium. Mais je ne pense pas que ce soit le cas de Cody Woods. Sa certitude intrigua Riley. — Pourquoi ? demanda-t-elle. Le docteur Shankar fit appara?tre les rapports toxicologiques. — Les deux corps ne pr?sentent pas les sympt?mes habituels d’un empoisonnement au thallium, dit-elle. Perte de cheveux, fi?vre, vomissements, douleurs abdominales… Comme je vous l’ai dit, les deux victimes se sont plaints de douleurs articulaires, rien de plus. Ils sont d?c?d?s d’une mort foudroyante, laissant penser ? une banale attaque cardiaque. Sans la comp?tence de mon ?quipe, nous serions pass?s ? c?t? de l’empoisonnement au thallium. Bill ne partageait pas la fascination de Riley. — Alors, de quoi s’agit-il ? D’un thallium revisit? ? demanda-t-il. — Quelque chose comme ?a, r?pondit le docteur Shankar. Mon ?quipe travaille pour recomposer le cocktail chimique. Ce dont nous sommes certains, c’est de la pr?sence de ferrocyanure de potassium – un ?l?ment chimique que vous connaissez peut-?tre car on l’utilise pour faire le fameux bleu de Prusse. C’est ?trange, parce que le bleu de Prusse est le seul antidote connu ? l’empoisonnement au thallium. La moustache du chef McCade fr?mit. — Cela n’a pas de sens, grogne-t-il. Pourquoi l’empoisonneur donnerait-il ? la fois le poison et l’antidote ? Riley devina : — C’est peut-?tre le seul moyen de d?guiser les sympt?mes de l’empoisonnement ? Le docteur Shankar acquies?a. — C’est ?galement mon hypoth?se. La composition est tr?s complexe et nous n’en comprenons pas encore tr?s bien les effets, mais tous les ?l?ments permettent sans doute de diminuer les sympt?mes visibles. La personne qui a fabriqu? la mixture sait ce qu’elle fait. Elle doit ?tre cal?e en pharmacologie et en chimie. Le chef McCade tambourina des doigts sur la table. — Je n’y crois pas, dit-il. Votre analyse du premier corps a d? influencer la seconde. Vous avez trouv? ce que vous cherchiez. Pour la premi?re fois, le visage du docteur Shankar montra sa surprise. Riley ?tait ?galement stup?faite que le chef de police ait le culot de remettre en doute l’expertise du m?decin l?giste. — Pourquoi dites-vous cela ? — Parce que nous avons un suspect en b?ton pour le meurtre de Margaret Jewell, dit-il. Elle ?tait mari?e ? une autre femme, nomm?e Barbara Bradley — on l’appelle Barb. Les amis et les voisins du couple disent qu’ils avaient des probl?mes. Des grosses disputes qui r?veillaient les voisins. Bradley a un casier judiciaire. Les gens disent qu’elle a un caract?re explosif. Elle l’a fait. Nous en sommes tous certains. — Pourquoi ne l’avez-vous pas arr?t?e ? demanda l’agent Sanderson. Le chef McCade se redressa, comme pour se d?fendre physiquement contre une attaque. — Nous l’avons interrog?e chez elle, dit-il. Mais elle est maligne. Nous n’avons pas encore assez de preuves pour l’inculper. On y travaille. ?a prend du temps. L’agent Sanderson esquissa un rictus. Il dit : — Eh bien, pendant que vous y travailliez, votre suspect en b?ton a tu? quelqu’un d’autre. Il va falloir acc?l?rer l’allure. Elle va peut-?tre recommencer. Le chef McCade s’empourpra de col?re. — Vous vous plantez sur toute la ligne, dit-il. Je vous dis que l’assassinat de Margaret Jewell est un meurtre isol?. Barb Bradley n’avait aucune raison de tuer Cody Woods, pour ce qu’on en sait. — Pour ce que vous en savez, r?p?ta Sanderson d’une voix ?touff?e. Les tensions sous-jacentes remontaient ? la surface. Riley esp?ra que la r?union ne se finirait pas en bataille rang?e. Pendant ce temps, son cerveau cataloguait les informations. Elle demanda au chef McCade : — Et la situation financi?re du couple Jewell et Bradley ? — Pas terrible, dit-il. Classe moyenne inf?rieure. En fait, nous pensons que cela fait partie du mobile. — Que fait Barb Bradley dans la vie ? — Elle fait des livraisons pour un service de nettoyage, dit McCade. Une hypoth?se se dessinait dans la t?te de Riley. C’?taient les femmes qui utilisaient le plus souvent du poison pour tuer. Et en faisant des livraisons, celle-ci aurait pu avoir acc?s ? des structures sanitaires. Riley devait parler ? Barb Bradley. — J’aimerais son adresse, dit-elle. L’agent Jeffreys et moi-m?me, nous aimerions l’interroger. Le chef McCade la d?visagea avec stup?faction. — Je vous l’ai dit : c’est d?j? fait. Mais ?a n’a pas suffi, pensa Riley. Elle se retint de le dire ? voix haute. Bill intervint : — Je suis d’accord avec l’agent Paige. Nous devrions aller interroger Barb Bradley nous-m?mes. Le chef McCade eut l’air offens?. — Je ne vous laisserai pas faire, dit-il. Riley savait que le chef d’?quipe du FBI, l’agent Sanderson, pouvait l’y obliger. Mais quand elle se tourna vers lui pour obtenir son accord, elle se rendit compte qu’il la fusillait du regard. Son c?ur se serra. Elle comprit aussit?t la situation. Sanderson et McCade se d?testaient, mais ils faisaient ?quipe contre Riley et Bill. De leur point de vue, des agents de Quantico n’avaient rien ? faire sur leur territoire. Ils n’en avaient peut-?tre pas conscience, mais ils accordaient visiblement plus d’importance ? leur ego qu’? l’affaire en cours. Comment allons-nous travailler ? se demanda Riley. A c?t? des deux hommes, le docteur Shankar avait l’air toujours aussi calme et serein. Elle dit : — J’aimerais savoir pourquoi les agents Jeffreys et Paige ne devraient pas interroger Barb Bradley. L’audace de Shankar prit Riley par surprise. En tant que m?decin l?giste, elle d?passait les bornes. — Parce que mon enqu?te est en cours ! s’exclama McCade. Ils pourraient tout g?cher ! Le docteur Shankar esquissa son ?nigmatique sourire. — Chef McCade, vous mettez en doute la comp?tence de deux agents de Quantico ? Puis, en se tournant vers le chef d’?quipe du FBI, elle ajouta : — Agent Sanderson, qu’en dites-vous ? McCade et Sanderson ?taient bouche b?e. Riley remarqua que le docteur Shankar lui adressait un sourire en coin. Elle ne put s’emp?cher d’y r?pondre avec admiration. Ici, dans son d?partement, Shankar savait jouer de son autorit?. Ce que pensaient les autres n’avait pas d’importance. Elle d?fendait son camp. Le chef McCade secoua la t?te d’un air r?sign?. — D’accord, dit-il. Si vous voulez l’adresse, je vous la donne. L’agent Sanderson ajouta vivement : — Mais mes hommes vous accompagneront. — Cela me va, dit Riley. McCade gribouilla une adresse qu’il tendit ? Bill. Sanderson mit fin ? la r?union. — Merde, tu as d?j? eu affaire ? des cons pareils ? demanda Bill en retournant dans la voiture. Comment allons-nous faire pour travailler ? Riley ne r?pondit pas. En v?rit?, elle n’en savait rien. Elle sentait que le dossier allait ?tre difficile, sans m?me parler des bisbilles. Ils allaient devoir faire leur travail le plus vite possible, avant la mort d’une prochaine victime. CHAPITRE NEUF Aujourd’hui, elle s’appelait Judy Brubaker. Elle aimait ?tre Judy Brubaker. Les gens aimaient Judy Brubaker. Elle s’affairait autour du lit vide, lissant les draps et tapant les oreillers. Ce faisant, elle souriait ? la femme assise dans un fauteuil confortable. Judy n’avait pas encore d?cid? si elle allait la tuer. Le temps passe, pensa-t-elle. Je dois me d?cider. La femme s’appelait Amanda Somers. Judy la trouvait bizarre et timide. Elle s’occupait d’elle depuis la veille. Tout en refaisant le lit, Judy se mit ? chanter. Loin de chez lui, Si loin de chez lui, Ce b?b? est si loin de chez lui. Amanda l’accompagna avec sa petite voix nasillarde. Tu te languis, Jour apr?s jour, Trop triste pour rire ou pour jouer. Judy ?tait surprise. Amanda Somers n’avait jamais montr? le moindre int?r?t pour cette berceuse, jusqu’? cet instant. — Vous aimez la chanson ? demanda Judy Brubaker. — Oui, je suppose…, dit Amanda. C’est triste. ?a va avec mon humeur. — Pourquoi ?tes-vous triste ? Votre traitement est termin? et vous rentrez chez vous. La plupart des patients sont heureux de rentrer ? la maison. Amanda soupira et ne dit rien. Elle posa ses mains l’une contre l’autre, comme pour prier. Sans desserrer les doigts, elle ?carta lentement les paumes. C’?tait l’exercice de r??ducation que Judy lui avait montr? pour r?cup?rer de la mobilit? apr?s son op?ration du tunnel carpien. — Je le fais bien ? demanda Amanda. — Presque, dit Judy en s’accroupissant ? c?t? d’elle pour corriger son mouvement. Il n’y a que les bouts des doigts qui restent coll?s. Souvenez-vous : on dirait une araign?e qui fait des pompes devant un miroir. Amanda se corrigea. Elle sourit, contente d’elle-m?me. — Je sens que ?a aide, dit-elle. Merci. Alors qu’elle regardait Amanda faire son exercice, Judy remarqua avec d?go?t la courte cicatrice tordue sous la main droite d’Amanda. L’op?ration n’?tait pas n?cessaire, pensa-t-elle. Les m?decins avaient profit? de la confiance et de la cr?dulit? d’Amanda. Judy ?tait certaine que des traitements moins lourds auraient fait l’affaire. Une attelle, ou des injections de corticost?ro?des. Judy avait l’habitude de voir les m?decins orienter les patients vers la chirurgie, qu’elle soit ou non n?cessaire. Cela la mettait toujours en col?re. Mais aujourd’hui, ce n’?tait pas seulement l’attitude des m?decins qui aga?ait Judy. La patiente aussi. Elle n’?tait pas certaine de savoir pourquoi. Elle est difficile ? comprendre, celle-l?, pensa Judy en s’asseyant au bord du lit. Pendant tout le temps pass? ensemble, Amanda avait laiss? Judy faire la conversation. Judy Brubaker avait beaucoup de choses int?ressantes ? dire, bien s?r. Judy ne ressemblait pas du tout ? Hallie Stillians, maintenant disparue, qui avait la personnalit? accueillante d’une gentille tante. Judy Brubaker ?tait ? la fois plus banale et plus flamboyante. Elle portait souvent un ensemble de jogging, au lieu de v?tements plus conventionnels. Elle aimait raconter ses aventures – deltaplane, parachute, plong?e, escalade, et tout ?a. Elle avait visit? l’Europe et une grande partie de l’Asie en faisant du stop. Bien s?r, rien de tout cela n’?tait arriv?, mais ces aventures faisaient de formidables histoires. Judy Brubaker plaisait ? beaucoup de gens. Ceux qui auraient pu trouver Hallie trop mi?vre appr?ciaient au contraire la franchise de Judy. Peut-?tre qu’Amanda n’aime pas Judy, pensa-t-elle. Amanda ne lui avait rien dit sur elle-m?me. Elle devait avoir environ quarante ans, mais elle ne parlait jamais de son pass?. Judy ne savait toujours pas ce qu’Amanda faisait dans la vie – ou m?me si elle faisait quoi que ce soit. Elle ne savait pas si Amanda ?tait mari?e, m?me si l’absence d’anneau ? son doigt laissait penser le contraire. Judy ne savait pas ? quoi s’en tenir. Et le temps passait. Amanda pouvait se lever et partir ? tout moment. Et Judy n’avait toujours pas d?cid? si elle allait l’empoisonner. La prudence la faisait h?siter. Les choses avaient chang? ces derniers jours. On parlait de ses deux derniers meurtres dans les journaux. Un m?decin l?giste intelligent avait apparemment d?couvert des traces de thallium dans les corps. C’?tait inqui?tant. Elle avait pr?par? un sachet de th? avec une recette un peu diff?rente, plus forte en arsenic et moins forte en thallium, mais ce n’?tait pas ind?tectable. Elle ne savait pas si la police avait fait le lien entre Margaret Jewell, Cody Woods et le centre de r??ducation. Cette m?thode d’empoisonnement devenait risqu?e. Bien s?r, le v?ritable probl?me, c’?tait qu’elle ne connaissait pas Amanda Somers. ?a ne fonctionnait pas. Si elle proposait ? Amanda de f?ter son d?part avec une tasse de th?, cela paraitrait presque vulgaire et ind?cent. Pourtant, la femme ?tait toujours l?. Elle faisait ses exercices, visiblement peu press?e de s’en aller. — Vous ne voulez pas rentrer chez vous ? demanda Judy. La femme soupira. — Vous savez, j’ai d’autres probl?mes physiques. Il y a mon dos, par exemple. ?a empire avec l’?ge. Mon m?decin dit qu’il faudrait m’op?rer, mais je ne suis pas s?re… Je pense qu’un peu de r??ducation suffirait. Et vous ?tes tr?s dou?e. — Merci, dit Judy. Vous savez, je ne travaille pas ici ? plein temps. Je suis ? mon compte, et c’est mon dernier jour. Si vous restez plus longtemps, je ne pourrai pas m’occuper de vous. Le regard pensif d’Amanda surprit Judy. C’?tait la premi?re qu’elle la regardait dans les yeux. — Vous ne savez pas ce que c’est, dit Amanda. — C’est-?-dire ? demanda Judy. Amanda haussa les ?paules, sans d?tourner le regard. — D’?tre entour?e de gens ? qui vous ne pouvez pas faire confiance. Des gens qui ont l’air de vouloir vous aider, et c’est peut-?tre le cas, ou peut-?tre pas. Peut-?tre qu’ils veulent quelque chose. Des profiteurs. Il y en a beaucoup dans ma vie. Je n’ai pas de famille, et je ne sais pas qui sont mes amis. Je ne sais pas ? qui je peux faire confiance. Avec un sourire, Amanda ajouta : — Vous comprenez ? Judy n’en ?tait pas s?re. Amanda parlait par ?nigmes. Aurait-elle le b?guin pour moi ? se demanda Judy. Ce n’?tait pas impossible. Les gens pensaient souvent que Judy ?tait gay. Cela l’amusait beaucoup, parce qu’elle n’y avait jamais vraiment r?fl?chi. Peut-?tre que ce n’?tait pas ?a du tout. Peut-?tre qu’Amanda se sentait seule, et qu’elle commen?ait ? appr?cier Judy et ? lui faire confiance. Une seule chose ?tait ?vidente. Amanda ?tait ?motionnellement instable, peut-?tre n?vros?e, certainement d?pressive. Elle devait prendre beaucoup de m?dicaments diff?rents. En y jetant un coup d’?il, Judy pourrait lui pr?parer un cocktail sur mesure. Elle avait d?j? fait ?a pour d’autres patients, et cela pr?sentait certains avantages, surtout en ce moment. Elle pourrait ?viter d’utiliser du thallium. — O? habitez-vous ? demanda Judy. Pendant un instant, Amanda lui adressa un regard ?trange, comme si elle h?sitait sur la r?ponse. — Dans une p?niche, dit-elle. — Une p?niche ? Vraiment ? Amanda hocha la t?te. La curiosit? de Judy ?tait piqu?e. Mais pourquoi avait-elle l’impression qu’Amanda ne lui disait pas la v?rit? – ou pas toute la v?rit? ? — C’est dr?le, dit Judy. J’habite ? Seattle depuis longtemps. C’est vrai qu’il y a beaucoup de p?niches, mais je n’en ai jamais visit? une. C’est une aventure qui me plairait. Le sourire d’Amanda s’?largit et elle ne r?pondit pas. Ce sourire ?nigmatique commen?ait ? rendre Judy nerveuse. Amanda allait-elle l’inviter ? visiter sa p?niche ? Avait-elle seulement une p?niche ? — Vous faites des visites ? la maison ? demanda Amanda. — Parfois, mais… — Mais quoi ? — Eh bien, je ne suis pas cens?e faire ?a pour vous. C’est le centre de r??ducation qui m’emploie. J’ai sign? un accord. Je ne d?marche pas leurs patients. Le sourire d’Amanda se fit malicieux. — Oui, mais vous pourriez me rendre visite ? Passer quand vous aurez le temps. Visiter ma maison. On pourra discuter. Passer du temps ensemble… Et si je d?cidais de vous embaucher… ce serait diff?rent, non ? Vous ne seriez pas en train de d?marcher un patient du centre de r??ducation. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43692607&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.