×òî æå åñòü ó ìåíÿ? Äûðû â äðàíûõ êàðìàíàõ, Òðè ìîðùèíû íà ëáó, Äà èñò¸ðòûé ïÿòàê... Íî íå æàëêî íè äíÿ- Ìíå ñóäüáîþ ïðèäàííûõ, Õîòü ïîðîé ÿ æèâó Ïîïîäàÿ â ïðîñàê. Âñ¸ ÷òî åñòü ó ìåíÿ: Ñîâåñòü, ÷åñòü è óìåíüå. ß îòäàì íå ñêóïÿñü- Ïðîñòî òàê çà ïóñòÿê. Çà ïîñòåëü ó îãíÿ, Äîáðîòó áåç ñòåñíåíüÿ. È çà òî, ÷òî ïðîñòÿñü, Íå çàáûòü ìíå íè êàê... Âñ¸ ÷

La Femme Parfaite

La Femme Parfaite Blake Pierce Un roman ? suspense psychologique avec Jessie Hunt #1 Profileuse criminelle de profession (et jeune mari?e), Jessie Hunt, 29 ans, d?couvre que de noirs secrets r?dent dans la ville de banlieue o? elle vient d’arriver. D?s l’apparition d’un cadavre, elle se retrouve menac?e par ses nouveaux amis, les secrets de son mari, le nombre de cas de tueurs en s?rie qu’elle doit traiter et les myst?rieuses zones d’ombre de son propre pass?. Dans LA FEMME PARFAITE (un roman ? suspense psychologique avec Jessie Hunt, Tome n°1), Jessie Hunt, profileuse criminelle de formation, est s?re qu’elle s’est finalement d?barrass?e des t?n?bres de son enfance. Avec son mari, Kyle, elle vient de d?m?nager d’un appartement trop petit du centre de Los Angeles pour emm?nager dans un manoir de Westport Beach. Gr?ce ? la promotion de Kyle, ils roulent sur l’or. De plus, Jessie est sur le point d’avoir sa ma?trise en psychologie judiciaire, ce qui lui permettra enfin de r?aliser son r?ve de devenir profileuse criminelle. Cependant, peu apr?s leur arriv?e, Jessie commence ? remarquer une s?rie d’?v?nements ?tranges. Les voisins et leurs filles au pair ont tous l’air de cacher des secrets. Le myst?rieux yacht club dont Kyle veut d?sesp?r?ment devenir membre d?borde d’?pouses qui trompent leur mari et de r?gles pr?occupantes qui lui sont propres. De plus, le tueur en s?rie notoire qui est d?tenu ? l’h?pital psychiatrique o? Jessie termine son dipl?me semble conna?tre la vie de Jessie plus en d?tail qu’il ne le devrait pour la s?curit? de cette derni?re. Alors que son monde commence ? r?v?ler sa face sombre, Jessie se met ? remettre en question tout ce qui l’entoure, dont sa propre raison. A-t-elle vraiment mis ? jour une conspiration troublante qui se trame dans une ville ensoleill?e et riche du littoral californien ? Est-ce que l’assassin de masse qu’elle ?tudie conna?t vraiment, d’une fa?on ou d’une autre, l’origine de ses cauchemars intimes ?Ou son pass? tourment? serait-il finalement revenu s’emparer d’elle ?Roman ? suspense psychologique au rythme haletant, aux personnages inoubliables et au suspense palpitant, LA FEMME PARFAITE est le premier tome d’une nouvelle s?rie captivante dont vous tournerez les pages jusque tard dans la nuit. l a f e m m e p a r f a i t e (Un thriller psychologique avec Jessie Hunt, Tome n 1) b l a k e p i e r c e Blake Pierce Blake Pierce est l'auteur de la s?rie de romans ? suspense ? succ?s RILEY PAGE, qui comporte treize livres (pour l'instant). Blake Pierce est aussi l'auteur de la s?rie de romans ? suspense MACKENZIE WHITE, qui comprend neuf livres (pour l'instant); de la s?rie de romans ? suspense AVERY BLACK, qui comprend six livres; de la s?rie de romans ? suspense KERI LOCKE, qui comprend cinq livres; de la s?rie de romans ? suspense LE MAKING OF DE RILEY PAIGE, qui comprend deux livres (pour l'instant); de la s?rie de romans ? suspense KATE WISE, qui comprend deux livres (pour l'instant); de la s?rie de romans ? suspense psychologique CHLOE FINE, qui comprend deux livres (pour l'instant) et de la s?rie de thrillers psychologiques JESSIE HUNT, qui comprend deux livres (pour l'instant). Lecteur gourmand et fan depuis toujours des romans ? myst?re et ? suspense, Blake aime beaucoup recevoir de vos nouvelles, donc, n'h?sitez pas ? vous rendre sur www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com/) pour en apprendre plus et rester en contact. Copyright © 2018 par Blake Pierce. Tous droits r?serv?s. Sauf d?rogations autoris?es par la Loi ?tats-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut ?tre reproduite, distribu?e ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stock?e dans une base de donn?es ou syst?me de r?cup?ration, sans l'autorisation pr?alable de l'auteur. Ce livre ?lectronique est r?serv? sous licence ? votre seule jouissance personnelle. Ce livre ?lectronique ne saurait ?tre revendu ou offert ? d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire suppl?mentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir achet?, ou s'il n'a pas ?t? achet? pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une ?uvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les ?v?nements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilis?s dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes r?elles, vivantes ou mortes, n'est que pure co?ncidence. Image de couverture : copyright nikita tv, utilis?e en vertu d'une licence accord?e par Shutterstock.com. LIVRES PAR BLAKE PIERCE S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE AVEC JESSIE HUNT LA FEMME ID?ALE (Tome n°1) LE QUARTIER ID?AL (Tome n°2) LA MAISON ID?ALE (Tome n°3) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE AVEC CHLOE FINE CHEZ LE VOISIN (Tome n°1) LE MENSONGE D'UN VOISIN (Tome n°2) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE AVEC KATE WISE SI ELLE SAVAIT (Tome n°1) SI ELLE VOYAIT (Tome n°2) S?RIE LE MAKING OF DE RILEY PAIGE SURVEILLANCE (Tome n°1) ATTENTE (Tome n°2) LEURRE (Tome n°3) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE AVEC RILEY PAIGE UNE FOIS DISPARUE (Tome n°1) UNE FOIS PRISE (Tome n°2) UNE FOIS D?SIR?E (Tome n°3) UNE FOIS ATTIR?E (Tome n°4) UNE FOIS CHASS?E (Tome n°5) UNE FOIS FORTEMENT D?SIR?E (Tome n°6) UNE FOIS OUBLI?E (Tome n°7) UNE FOIS FROIDE (Tome n°8) UNE FOIS POURCHASS?E (Tome n°9) UNE FOIS PERDUE (Tome n°10) UNE FOIS ENTERR?E (Tome n°11) UNE FOIS ATTACH?E (Tome n°12) UNE FOIS PI?G?E (Tome n°13) UNE FOIS EN SOMMEIL (Tome n°14) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE AVEC MACKENZIE WHITE AVANT QU'IL NE TUE (Tome n°1) AVANT QU'IL NE VOIE (Tome n°2) AVANT QU'IL NE CONVOITE (Tome n°3) AVANT QU'IL NE PRENNE (Tome n°4) AVANT QU'IL N'AIT BESOIN (Tome n°5) AVANT QU'IL NE RESSENTE (Tome n°6) AVANT QU'IL NE P?CHE (Tome n°7) AVANT QU'IL NE CHASSE (Tome n°8) AVANT QU'IL NE HARC?LE (Tome n°9) AVANT QU'IL NE D?SIRE FORTEMENT (Tome n°10) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE AVEC AVERY BLACK UNE RAISON POUR TUER (Tome n°1) UNE RAISON POUR FUIR (Tome n°2) UNE RAISON POUR SE CACHER (Tome n°3) UNE RAISON POUR CRAINDRE (Tome n°4) UNE RAISON POUR SAUVER (Tome n°5) UNE RAISON POUR REDOUTER (Tome n°6) S?RIE DE ROMANS ? SUSPENSE AVEC KERI LOCKE UNE TRACE DE MORT (Tome n°1) UNE TRACE DE MEURTRE (Tome n°2) UNE TRACE DE VICE (Tome n°3) UNE TRACE DE CRIME (Tome n°4) UNE TRACE D'ESPOIR (Tome n°5) SOMMAIRE CHAPITRE PREMIER (#u198de114-a957-5077-afcf-0c0a96dc5a1b) CHAPITRE DEUX (#u3a2e3cf3-374e-5132-afc6-b052318ac54f) CHAPITRE TROIS (#ubf2c5f14-48d4-5a11-9921-9271349f5212) CHAPITRE QUATRE (#u86dabbdb-6b7f-5225-ae7c-b0c9b6ab2414) CHAPITRE CINQ (#u221bfe5e-98cf-5533-92c3-f72a6d7f389c) CHAPITRE SIX (#uadf43063-39a2-50e7-bca3-7937a5d96479) CHAPITRE SEPT (#u76b7c7f4-f397-5e5c-b297-5fdcf4ef58ba) CHAPITRE HUIT (#u015775f7-43ee-56ff-8c36-33edf756a569) CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo) CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-ET-UN (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo) CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo) CHAPITRE PREMIER Jessie Hunt, ?puis?e et en sueur, laissa tomber les derni?res caisses de d?m?nagement sur la moquette de la salle ? manger. Elle sentait d?j? ses muscles commencer ? former des crampes et savait qu'elle allait avoir tr?s mal le lendemain. Cependant, quand elle regarda Kyle, elle ne put s'emp?cher de sourire. Ils venaient officiellement d'emm?nager. Le grand sourire qu'il affichait indiquait ? Jessie qu'il pensait la m?me chose. Il avait la chemise tremp?e mais elle ne s'en soucia gu?re quand il s'approcha d'elle et la serra fortement contre lui. “Maintenant, on habite ici”, lui murmura-t-il ? l'oreille avant de l'embrasser doucement dans le cou. “Je crois que nous avons le droit de f?ter ?a en buvant un verre, n'est-ce pas ?” “Absolument”, convint-elle. “Champagne ? Bi?re ?” “Peut-?tre une bi?re”, sugg?ra Jessie, “et un Gatorade pour faire descendre la bi?re. J'ai l'impression que mon corps tout entier pourrait se gripper ? tout instant.” “Je reviens”, dit Kyle avant d'aller dans la cuisine. Jessie passa de la salle ? manger dans le salon et se laissa tomber sur le sofa, sentant son chemisier tremp? de sueur se presser contre le drap qui recouvrait le sofa. C'?tait la fin du mois d’ao?t et, m?me dans la communaut? maritime de Westport Beach, comt? d'Orange, le temps ?tait chaud et moite. La temp?rature d?passait facilement les trente degr?s. Bien s?r, ce n'?tait rien par rapport ? ce que c'?tait dans le centre de Los Angeles, o? ils avaient habit? jusqu'? ce matin. Entour?e par l'asphalte, le b?ton et les gratte-ciels brillants, quand Jessie quittait leur immeuble ? la fin de l'?t?, elle trouvait souvent des temp?ratures qui d?passaient les trente-sept degr?s. En comparaison, cet endroit lui paraissait frais. Elle se souvint que c'?tait exactement la sorte d'avantage qui avait justifi? qu'elle quitte la vie famili?re qu'elle avait fini par aimer en ville. Elle ?changeait l'excitation des rues anim?es de Los Angeles contre la fra?cheur des brises oc?aniques. Au lieu d'aller dans de nouveaux restaurants branch?s, ils iraient dans des caf?s de bord de mer. Au lieu de prendre le m?tro ou un Uber pour aller assister ? l'ouverture d'une galerie, ils iraient assister ? une course de yachts dans le port. Enfin, bien s?r, il y avait tout l'argent suppl?mentaire. Il allait lui falloir du temps pour s'y habituer mais elle avait promis ? son mari qu'elle appr?cierait beaucoup leur nouvelle vie et elle comptait tenir parole. Kyle entra dans la pi?ce en tenant des bi?res et des Gatorades. Il avait enlev? sa chemise tremp?e. Jessie fit semblant de ne pas voir les abdos et la poitrine impressionnants de son mari. Elle ne comprenait pas comment il se d?brouillait pour conserver un tel physique tout en travaillant si longtemps ? l'entreprise. Cela dit, elle ne se plaignait pas. Il approcha, lui tendit les boissons et s'assit ? c?t? d'elle. “Savais-tu qu'il y avait un r?frig?rateur ? vin dans le cellier ?” demanda-t-il. “Oui”, dit-elle en riant d'un air incr?dule. “Ne l'as-tu pas remarqu? les deux derni?res fois que nous avons visit? cette maison ?” “J'avais juste suppos? que c'?tait un placard de plus et je ne l'ai ouvert que maintenant. C'est sacr?ment cool, hein ?” “Oui, c'est sacr?ment cool, sacr?ment beau gosse”, convint-elle en s'?merveillant de voir que ses boucles blondes courtes restaient impeccablement coiff?es m?me quand il n?gligeait tout le reste. “C'est toi qui es belle”, dit-il en ?cartant les cheveux ch?tains mi-longs de Jessie de devant ses yeux verts et en la fixant de ses propres yeux bleus au regard intense. “C'est bien que je t'aie sortie de Los Angeles. J'?tais fatigu? de voir tous ces hipsters ? chapeau mou te reluquer.” “Je dois dire que les chapeaux mous n'?taient pas bien attirants. Je voyais ? peine leur visage et cela m'emp?chait de d?cider s'ils ?taient du style qui me pla?t.” “C'est parce que tu es une Amazone”, dit-il en faisant semblant de ne pas se vexer de ses gentilles taquineries. “S'il fait moins d'un m?tre quatre-vingt, un homme est oblig? de tendre le cou pour regarder une grande perche comme toi.” “Cela dit, ce n'est pas ton cas”, murmura tendrement Jessie, oubliant soudain ses crampes et l'attirant pr?s d'elle. “J'appr?cie toujours ta grandeur, beau mec.” Alors que les l?vres de Jessie commen?aient juste ? fr?ler celles de son mari, on sonna ? la porte. “J'y crois pas”, g?mit-elle. “Va ouvrir”, sugg?ra Kyle. “Je vais me trouver une chemise propre.” Jessie se rendit ? la porte de devant, bi?re en main. C'?tait sa petite r?bellion contre cette interruption de sa s?duction. Quand elle ouvrit la porte, elle trouva une rousse guillerette qui semblait avoir ? peu pr?s le m?me ?ge qu'elle. Elle ?tait jolie, avec un joli petit nez, des dents blanc brillant et une robe de plage qui ?tait juste assez moulante pour prouver qu'elle ne manquait jamais ses cours de gym. Elle tenait ce qui semblait ?tre un plateau de brownies faits maison. Jessie ne put s'emp?cher de remarquer l'?norme alliance qu'elle portait au doigt. Elle luisait dans le soleil de fin d'apr?s-midi. Presque sans r?fl?chir, Jessie se mit ? faire le profil de la femme : la trentaine balbutiante; mari?e jeune; deux, peut-?tre trois enfants; m?re au foyer mais avec beaucoup de femmes de m?nage; curieuse mais pas de fa?on malveillante. “Salut”, dit la femme d'une voix joyeuse. “Je suis Kimberly Miner et j'habite de l'autre c?t? de la rue. Je voulais juste vous accueillir dans le quartier. J'esp?re que je ne vous d?range pas.” “Salut, Kimberly”, r?pondit Jessie de sa voix de nouvelle voisine la plus amicale. “Je suis Jessie Hunt. En fait, nous avons termin? d'emmener notre dernier carton il y a quelques minutes, donc, vous arrivez au bon moment. Comme c'est gentil de votre part ! Des brownies !” “Oui”, dit Kimberly en tendant le plateau. Jessie vit qu'elle faisait clairement semblant de ne pas remarquer la bi?re qu'elle tenait. “C'est ma sp?cialit?, pour ainsi dire.” “Eh bien, entrez et on va les go?ter”, proposa Jessie, alors que c'?tait la derni?re chose qu'elle voulait ? ce moment-l?. “Je suis d?sol?e qu'un tel d?sordre r?gne dans la maison et qu'on ait l'air si d?braill?s, Kyle et moi. On a su? toute la journ?e. En fait, il est train de se chercher une chemise propre. Puis-je vous offrir quelque chose ? boire ? De l'eau ? Du Gatorade ? Une bi?re ?” “Non, merci. Je ne veux pas m'imposer. Vous ne savez probablement m?me pas encore o? vous avez rang? vos lunettes. Je me souviens du jour o? j'ai emm?nag?. ?a m'a pris des mois. D'o? venez-vous ?” “Oh, on habitait seulement ? DTLA”, dit Jessie qui, quand elle vit l'air perplexe de Kimberly, pr?cisa : “C'est le centre-ville de Los Angeles. On y avait un appartement dans le quartier de South Park.” “Oh, ouah, des citadins”, dit Kimberly en riant un peu de sa propre plaisanterie. “Qu'est-ce qui vous am?ne dans notre petite communaut? du comt? d'Orange ?” “Kyle travaille pour une soci?t? de gestion de patrimoine”, expliqua Jessie. “Ils ont ouvert une antenne ici au d?but de l'ann?e et elle s'est r?cemment agrandie. C'est un grand ?v?nement pour eux parce que PFG est une entreprise tr?s conservatrice. Enfin, ils lui ont demand? s'il pouvait les aider ? la g?rer. Nous avons suppos? que c'?tait le moment id?al pour d?m?nager car nous envisageons de fonder une famille.” “Oh, avec une maison de cette taille, j'avais imagin? que vous aviez d?j? des enfants”, dit Kimberly. “Non, on esp?re juste en avoir”, r?pondit Jessie en essayant de cacher l'embarras qu'elle ressentait soudain, ? sa grande surprise. “Avez-vous des enfants ?” “Deux. Notre fille a quatre ans et notre fils deux ans. En fait, je vais aller les chercher chez leur nounou dans un instant.” Kyle arriva, passa un bras autour de la taille de Jessie tout en tendant l'autre ? Kimberly. “Bonjour”, dit-il chaleureusement. “Bonjour et bienvenue”, r?pondit-elle. “Bon sang, avec vous deux, vos enfants seront des g?ants. J'ai l'impression d'?tre une gamine ? c?t? de vous.” Il y eut un silence g?n? pendant lequel Jessie et Kyle se demand?rent quoi r?pondre. “Merci”, finit-il par dire non sans h?sitation. “Je suis d?sol?e. C'?tait impoli. Je m'appelle Kimberly, je suis votre voisine et j'habite l?-bas”, dit-elle en montrant la maison de l'autre c?t? de la rue. “Enchant?, Kimberly. Je suis Kyle Voss, le mari de Jessie.” “Voss ? Je croyais que c'?tait Hunt.” “Son nom de famille est Voss”, expliqua Jessie. “Je suis Jessie Hunt, du moins pour l'instant. J'avais pr?vu de changer de nom mais je repousse constamment le moment de faire la paperasse.” “Je vois”, dit Kimberly. “Depuis combien de temps ?tes-vous mari?s ?” “Presque deux ans”, dit honteusement Jessie. “J'ai de vrais probl?mes de procrastination. ?a explique peut-?tre pourquoi j'?tudie encore.” “Oh”, dit Kimberly, visiblement soulag?e de s'?loigner du sujet d?licat du nom de famille. “Qu'?tudiez-vous ?” “La psychologie judiciaire.” “Ouah, ?a a l'air passionnant. Quand serez-vous officiellement psychologue ?” “Eh bien, j'ai pris un peu de retard”, dit Jessie en racontant l'histoire qu'elle avait ?t? oblig?e de raconter ? toutes les soir?es cocktail auxquelles ils avaient particip? au cours des deux derni?res ann?es. “J'ai commenc? dans la psychologie des enfants quand nous ?tions ?tudiants ? l'Universit? de Californie du Sud. C'est l? qu'on s'est rencontr?s. Je faisais m?me un internat pour ma ma?trise quand je me suis rendu compte que je ne supportais pas ce travail. M'occuper des probl?mes ?motionnels des enfants ?tait trop pesant pour moi, donc, j'ai chang? de fili?re.” Elle oublia cat?goriquement de mentionner les autres raisons pour lesquelles elle avait abandonn? l'internat. Ces raisons n'?taient connues que de tr?s peu de personnes et elle n'allait certainement pas les r?v?ler ? une voisine dont elle venait de faire la connaissance. “Donc, vous trouvez que la psychologie des criminels est moins d?rangeante que celle des enfants ?” demanda Kimberly, stup?faite. “C'est bizarre, hein ?” conc?da Jessie. “C'est vraiment ?tonnant”, ajouta Kyle. “Elle a la capacit? de rentrer dans la t?te des mauvais gar?ons. Un de ces jours, elle sera une grande profileuse. Tous les Hannibal Lecter en puissance devront faire attention.” “?a alors !” dit Kimberly, qui avait l'air d?ment impressionn?e. “Avez-vous d?j? d? ?tudier des tueurs en s?rie et des trucs comme ?a ?” “Pas encore”, admit Jessie. “La plus grande partie de ma formation s'est d?roul?e en universit?. De plus, avec le d?m?nagement, il a fallu que je change d'universit?. Donc, je vais commencer mon stage ? UC-Irvine ce semestre. Comme c'est mon dernier, je serai dipl?m?e en d?cembre.” “Stage ?” demanda Kimberly. “C'est un peu comme un internat, mais moins impliqu?. On m'attribuera une prison ou un h?pital psychiatrique, o? j'observerai les d?tenus et les patients pour interagir avec eux. C'est ce que je voulais faire.” “?a lui donnera l'occasion de regarder les malfaiteurs dans le blanc des yeux et de lire dans leur esprit”, ajouta Kyle. “Tu exag?res peut-?tre un peu”, dit Jessie en lui donnant fac?tieusement un petit coup ? l'?paule, “mais ?a finira par ?tre ?a, oui.” “C'est vraiment passionnant”, dit Kimberly, qui avait vraiment l'air intrigu?e. “Je suis s?re que vous aurez des histoires fascinantes ? raconter. Au fait, vous avez bien dit que vous vous ?tes rencontr?s ? l'universit? ?” “Dans le dortoir des ?tudiants de premi?re ann?e”, dit Kyle. “Oh”, insista Kimberly. “Donc, vous vous ?tes trouv?s pendant que vous faisiez votre lessive, c'est ?a ?” Kyle jeta un coup d’?il ? Jessie et, avant m?me qu'il ait prononc? un mot, elle comprit qu'il allait raconter leur histoire standard de soir?e cocktail. “Voici la version courte”, commen?a-t-il. “Nous ?tions amis mais nous avons commenc? ? sortir ensemble au milieu du premier semestre apr?s que Jessie a ?t? largu?e par un imb?cile. Il s'est fait expulser de la facult?, pas pour avoir laiss? tomber Jessie, j'imagine. Cela dit, de mon point de vue, elle a ?chapp? au pire. Nous nous sommes s?par?s en licence et nous nous sommes remis ensemble quand nous avons ?t? en derni?re ann?e. Ensuite, nous sommes sortis ensemble pendant un an avant d'emm?nager en couple. Un an plus tard, nous nous sommes fianc?s. Finalement, nous nous sommes mari?s dix mois plus tard. En octobre, ?a fera deux ans de bonheur marital.” “Donc, vous ?tes des amoureux de fac. C'est vraiment romantique.” “Oui, c'est l'impression que ?a donne”, dit Kyle, “mais il m'a fallu du temps pour la convaincre et, tout ce temps-l?, il a fallu que je me batte f?rocement contre les concurrents. Comme vous l'imaginez sans doute, la majorit? des gars qui voyaient mademoiselle Jessica Hunt tombaient imm?diatement amoureux d'elle. Et ils ne faisaient que la voir. Quand vous faites sa connaissance, vous tombez encore plus sous le charme.” “Kyle”, dit Jessie en rougissant, “tu m'embarrasses. Gardes-en un peu pour octobre.” “Vous savez”, dit Kimberly avec un sourire, “je viens de me souvenir qu'il faut que j'aille chercher mes enfants maintenant. De plus, j'ai soudain l'impression que j'emp?che un couple heureux de baptiser sa nouvelle maison. Donc, j'y vais. Cela dit, je promets que je vous pr?senterai au voisinage. Le quartier est vraiment sympathique. Les gens se connaissent tous. Nous faisons des barbecues dans la rue toutes les semaines. Les enfants vont dormir chez leurs amis tout le temps. Tout le monde est membre du yacht club local, m?me sans avoir de bateau. Quand vous serez install?s, vous verrez que c'est un tr?s bon lieu de vie.” “Merci, Kimberly”, dit Kyle en la ramenant ? la porte. “Nous sommes impatients de rencontrer tout le monde. Et merci beaucoup pour les brownies.” Quand elle fut partie, Kyle ferma la porte et la verrouilla ostensiblement. “Elle avait l'air sympathique”, dit-il. “Esp?rons que tout le monde est comme ?a.” “Oui, je l'ai trouv?e agr?able”, convint Jessie. “Elle ?tait un peu curieuse mais j'imagine que les gens du coin sont comme ?a. Je suppose que je devrais m'habituer ? faire sans mon anonymat.” “Il va falloir s'adapter”, convint Kyle, “mais je crois que, ? la longue, nous pr?f?rerons conna?tre le nom de nos voisins et pouvoir laisser nos portes d?verrouill?es.” “Cela dit, je t'ai vu la verrouiller ? l'instant”, signala Jessie. “C'est parce que je pensais ? ce que Kimberly avait dit sur le bapt?me de la nouvelle maison”, dit-il en s'approchant d'elle et en retirant sa seconde chemise en dix minutes. “Et je n'aime pas qu'on m'interrompe en plein bapt?me.” * Plus tard, cette nuit, Jessie ?tait allong?e au lit et elle regardait le plafond, un sourire aux l?vres. “A ce rythme, on va remplir toutes les autres chambres en un rien de temps”, dit Kyle, qui semblait lire dans les pens?es de sa femme. “A mon avis, on devra ralentir le rythme en question quand tu commenceras au bureau et que j'entamerai mon nouveau semestre.” “Je suis partant pour essayer si tu veux”, dit-il en poussant un soupir profond. Elle sentait le corps tout entier de son mari se d?tendre ? c?t? d'elle. “Tu n'es vraiment pas inquiet ?” demanda-t-elle. “De quoi ?” “De tout ?a. Un salaire plus ?lev?, une nouvelle ville, une nouvelle maison, un nouveau style de vie, de nouvelles personnes, tant de nouveaut?s.” “Tout n'est pas nouveau”, lui rappela-t-il. “Tu connais d?j? Teddy et Melanie.” “J'ai rencontr? Teddy trois fois et Melanie une fois. Je le connais ? peine et je ne me souviens d'elle que vaguement. Ce n'est pas parce que ton meilleur ami de lyc?e habite ? quelques p?t?s de maison que notre nouvelle vie cesse soudain de m'inqui?ter.” Elle savait qu'elle cherchait des probl?mes mais, visiblement, elle ne pouvait pas s'en emp?cher. Kyle ne mordit pas ? l'hame?on. Au lieu de cela, il sur le mit sur le flanc et passa l?g?rement un doigt le long de l'?paule droite de sa femme, ? c?t? de la longue cicatrice ros?tre en forme de lune qui courait sur treize centim?tres du haut de son bras jusqu'? la base de son cou. “Je sais que tu es inqui?te”, dit-il tendrement, “et que tu as toutes les raisons de l'?tre. Tout est nouveau et je sais que ?a peut faire peur. Je ne peux pas te dire ? quel point j'appr?cie le sacrifice que tu fais.” “Je sais que ?a paiera avec le temps”, dit-elle en se calmant, “mais ?a fait beaucoup ? supporter en un seul coup.” “C'est pour cela que ?a te fera du bien de voir Teddy et Mel demain. Nous allons r?tablir cette connexion puis, ? mesure que nous trouverons nos rep?res, nous aurons des voisins vers lesquels nous tourner. Rien que conna?tre deux personnes va faciliter la transition.” Il bailla intens?ment et Jessie comprit qu'il allait s'endormir. En g?n?ral, ce grand b?illement signifiait qu'il serait profond?ment endormi dans soixante secondes tout au plus. “Je sais que tu as raison”, dit-elle, r?solue ? terminer la nuit sur une note positive. “Je suis s?re que ?a se passera tr?s bien.” “C'est s?r”, convint paresseusement Kyle. “Je t'aime.” “Je t'aime, moi aussi”, dit Jessie sans savoir s'il l'entendrait avant de s'endormir. Elle ?couta sa respiration profonde et essaya de s'en servir pour s'endormir elle aussi. Le silence ?tait d?rangeant. Elle avait l'habitude d'?couter les sons r?confortants du centre-ville pour s'endormir. Elle regrettait les coups de klaxon des voitures d'au-dessous, les cris des financiers qui quittaient les bars bruyamment, ivres, et dont le bruit r?sonnait entre les gratte-ciels et les bips des camions qui reculaient. Ils lui avaient servi de bruit de fond pendant des ann?es. Maintenant, tout ce qu'elle avait pour les remplacer ?tait le doux ronronnement du filtre ? air qui se trouvait dans le coin de la chambre. De temps ? autre, elle pensait entendre un craquement distant. Comme la maison avait plus de trente ans, il fallait s'attendre ? ce que ses mat?riaux travaillent un peu. Elle essaya de respirer profond?ment, aussi bien pour couvrir les autres sons que pour se d?tendre, mais une pens?e la tarabustait en permanence. Es-tu vraiment s?re que ?a sera agr?able de vivre ici ? Elle passa l'heure suivante ? examiner ses doutes et ? les ?carter de fa?on coupable puis elle c?da finalement ? sa fatigue et plongea dans un sommeil agit?. CHAPITRE DEUX Malgr? les cris incessants, Jessie essayait de repousser le mal de t?te qui lui attaquait le bord du cr?ne. Daughton, le fils de trois ans gentil mais scandaleusement turbulent d'Edward et de Melanie Carlisle, avait pass? les vingt derni?res minutes ? jouer ? un jeu nomm? « Explosion » et au cours duquel il criait presque tout le temps « Boum ! ». Comme ni Melanie (“appelle-moi Mel”) ni Edward (“Teddy” pour ses amis) n'avaient l'air le moins du monde g?n?s par les cris intermittents de leur enfant, Jessie et Kyle faisaient eux aussi comme si c'?tait normal. Ils ?taient assis dans le salon des Carlisle et prenaient des nouvelles les uns des autres avant d'aller ? pied au port pour y d?jeuner comme pr?vu. Les Carlisle ne vivaient qu'? trois p?t?s de maison de l?. Kyle et Teddy bavardaient dehors depuis une demi-heure pendant que Jessie refaisait connaissance de Mel dans la cuisine. Elle ne se souvenait d'elle que vaguement depuis leur derni?re rencontre mais, au bout de seulement quelques minutes, elles se sentaient ? l'aise ensemble. “Je devrais demander ? Teddy de faire cuire de la viande sur le grill mais je ne veux pas que vous tombiez malades d?s votre premi?re semaine dans le quartier”, dit Mel d'un air narquois. “Ce sera beaucoup plus s?r si on va manger sur le bord de mer.” “Teddy n'est pas le meilleur des cuisiniers ?” demanda Jessie avec un petit sourire. “On peut le dire comme ?a. S'il te propose de faire la cuisine, pr?tends que tu as une urgence parce que, si tu manges ce qu'il a pr?par?, tu auras vraiment une urgence.” “Que dis-tu, ch?rie ?” demanda Teddy quand il rentra avec Kyle. C'?tait un homme au gros ventre, ? l'air ramolli aux cheveux blonds en recul et ? la peau si p?le qu'on aurait cru qu'elle prendrait feu si on l'exposait cinq minutes au soleil. Jessie sentait aussi que sa personnalit? ?tait ? l'avenant : ramollie et mall?able. Un instinct profond qu'elle ne pouvait pas d?crire mais auquel elle avait appris ? faire confiance au cours des ann?es lui disait que Teddy Carlisle ?tait un homme faible. “Rien, mon amour”, dit-elle nonchalamment en faisant un clin d’?il ? Jessie. “Je donnais simplement ? Jessie quelques informations essentielles pour qu'elle apprenne ? survivre ? Westport Beach.” “Parfait”, dit-il. “N'oublie pas de lui parler de la circulation ? Jamboree Road et sur la Pacific Coast Highway. Elle peut ?tre terrible.” “J'allais le faire”, dit innocemment Mel en se levant du tabouret de bar de la cuisine. Quand elle alla dans le salon pour ramasser les jouets de Daughton, Jessie ne put s'emp?cher de remarquer que, dans sa jupette de tennis et son tee-shirt de polo, son corps menu n'?tait que muscle et tendons. Ses mollets ?taient gonfl?s et ses biceps secs fl?chissaient de fa?on impressionnante pendant qu'elle ramassait une dizaine de voitures Matchbox d'un seul geste. Toutes les caract?ristiques de Mel, dont ses cheveux courts noirs, son ?nergie sans limites et sa voix autoritaire, rappelaient le type coriace et terre ? terre de la femme de New York qu'elle avait ?t? avant de d?m?nager sur la c?te ouest. Jessie l'avait aim?e imm?diatement mais elle ne comprenait pas ce qui pouvait l'attirer chez un mollasson comme Teddy. ?a l'aga?ait l?g?rement. Jessie ?tait fi?re de sa capacit? ? analyser les gens et ne pas arriver ? ?tablir un profil informel coh?rent de Mel la d?rangeait quelque peu. “On est pr?ts ? partir ?” demanda Teddy. Il ?tait habill? ?l?gamment lui aussi, avec une chemise ample ? boutons et un pantalon blanc chic. “Va chercher ton fils et on sera pr?ts”, dit s?chement Mel. Apparemment habitu? ? son ton, Teddy partit chercher la machine ? “Explosion” sans un mot. Quelques secondes plus tard, ils entendirent des hurlements quand il revint en tenant Daughton, qui se d?battait violemment, ? l'envers par les chevilles. “Papa, arr?te !” cria le gar?on. “Pose-le, Edward”, siffla Mel. “Il m'a r?pondu”, dit Teddy en posant son fils ? terre. “Il fallait juste que je lui rappelle que ce genre de chose ne se fait pas.” “Et s'il s'?tait d?gag? et fendu le cr?ne ?” demanda Mel. “?a lui aurait fait une bonne le?on”, r?pondit nonchalamment Teddy, que la perspective ne semblait nullement d?ranger. Kyle gloussa admirativement et ne s'arr?ta que quand Jessie le regarda d'un air furieux. Il essaya de transformer le rire en toussotement mais, comme c'?tait trop tard, il haussa les ?paules pour s'excuser aupr?s d'elle. Quand ils se dirig?rent vers le port, prenant la piste bien entretenue qui courait parall?lement ? la route principale, Jessie regarda comment Kyle et elle ?taient habill?s par rapport ? leurs amis. M?me Daughton, qui avait la peau p?le de son p?re mais les cheveux fonc?s de sa m?re, portait un short repass? et une chemise ? col. Kyle portait un short de bain et un tee-shirt et Jessie avait mis une robe campagnarde a?r?e ? la derni?re minute. “Es-tu s?re que nous sommes habill?s correctement pour aller d?jeuner ? ton club ?” demanda-t-elle ? Mel avec appr?hension. “Oh, ne t'inqui?te pas de ?a. Vous ?tes nos invit?s. Le code vestimentaire ne s'applique pas ? vous. Seuls les membres se font fouetter s'ils s'habillent de fa?on inappropri?e. De plus, comme Daughton est petit, il se ferait seulement effleurer par un tisonnier chaud.” Mel avait d? voir le regard effar? de Jessie car elle posa imm?diatement une main sur le poignet de l'int?ress?e et ajouta : “Je plaisante”. Jessie sourit d'un air pinc?, contrari?e de ne pas ?tre capable de se d?tendre. Juste ? ce moment, Daughton la d?passa en courant et en produisant un “boum” impressionnant qui la fit sursauter. “Il a beaucoup d'?nergie”, dit-elle en essayant d'avoir l'air admiratrice. “J'aimerais pouvoir la mettre en bouteille.” “Oui”, convint Mel. “Il nous donne du mal mais je l'adore. C'est ?trange comme ce qui agace les autres devient charmant quand c'est ton gosse qui le fait. Tu verras ce que j'entends par l? quand ?a t'arrivera, en supposant que ce soit ce que tu veux, bien s?r.” “Oui”, dit Jessie. “Nous en parlons depuis un certain temps. Il y a juste eu des … incidents en cours de route mais nous esp?rons que le changement de d?cor aidera.” “Eh bien, je devrais vous avertir. Le sujet risque de revenir souvent chez les femmes que vous rencontrerez aujourd’hui. Elles adorent parler des enfants et de tout ce qui tourne autour. On vous demandera probablement ce que vous pr?voyez ? ce sujet. Cela dit, ne t'en fais pas. C'est en quelque sorte la conversation par d?faut des environs.” “Merci pour l'info”, dit Jessie alors qu'ils atteignaient le bout du sentier. Elle s'arr?ta pendant un moment pour admirer la vue. Ils ?taient au bord d'une falaise qui surplombait Balboa Island et Promontory Bay. Au-del? s'?tendait Balboa Peninsula, le dernier morceau de terre avant l'Oc?an Pacifique. L'eau bleu profond s'?tendait jusqu'? perte de vue et finissait par se m?ler au ciel dont l'azur ?tait parsem? de quelques nuages blancs floconneux. C'?tait d'une beaut? ? couper le souffle. Quand ils approch?rent, elle vit la marina anim?e et ses bateaux entrer et sortir en respectant un syst?me tacite qui ?tait beaucoup plus organis? et beaucoup plus beau que ce qui se passait sur l'autoroute. Des gens, aussi petits que des fourmis d'ici, se promenaient sur la jet?e, visitant ses nombreux magasins et restaurants. On aurait dit qu'il y avait peut-?tre un march? agricole. La piste ?tait devenue un ?norme escalier en pierre qui menait ? la jet?e. Malgr? les rambardes en bois dispos?es des deux c?t?s, la descente ?tait un peu intimidante. “La piste reprend environ cinquante m?tres plus loin et descend jusqu'au port”, dit Mel en sentant la r?ticence de Jessie. “Nous pourrions la suivre au lieu de prendre les escaliers mais ?a prendrait vingt minutes de plus et la vue est moins belle.” “Non, ?a va”, lui assura Jessie. “C'est juste que j'ai arr?t? de m'entra?ner sur mon Stairmaster et que je le regrette soudain.” “D'abord, ?a ne fait pas tr?s mal aux jambes”, dit Daughton en sautant devant elle et en ouvrant la marche. “Rien de tel que d'?tre pouss? ? l'action par un petit enfant”, dit Jessie en essayant de glousser. Ils commenc?rent ? descendre le long escalier, Daughton en premier, suivi par Mel, Jessie et Kyle pendant que Teddy fermait la marche. Au bout d'une minute, Daughton avait pris beaucoup d'avance sur eux et Mel se pr?cipita pour le rattraper. Jessie entendait les hommes parler derri?re elle mais ne comprenait pas vraiment ce qu'ils disaient. De plus, avec ces marches dangereuses, elle h?sitait ? se retourner pour l'apprendre. A environ mi-course, elle vit une fille de l'?ge d'une ?tudiante remonter l'escalier. Elle ne portait qu'un bikini et des tongs et avait un sac de plage qui lui pendait ? l'?paule. Ses cheveux ?taient encore mouill?s par l'eau de mer et des gouttes de sueur coulaient sur la partie de sa peau bronz?e que l'on voyait. Elle ?tait ?tonnamment pulpeuse et son maillot de bain, qui ne cachait rien de ses formes, donnait l'impression qu'il allait se d?chirer ? plusieurs endroits ? la fois. Jessie essaya de ne pas la regarder fixement quand ils pass?rent et se demanda si Kyle faisait de m?me. “Elle a un beau cul, celle-l?”, entendit-elle Teddy dire quelques secondes plus tard. Jessie se crispa involontairement, pas seulement parce que Teddy avait ?t? vulgaire mais parce que la fille ?tait certainement presque assez proche pour l'entendre. Jessie fut tent?e de se retourner et de le gratifier d'un froncement de sourcils quand elle entendit la r?ponse de Kyle. “N'est-ce pas ?” ajouta-t-il en ricanant comme un ?colier. Jessie s'arr?ta brusquement. Quand Kyle la rejoignit, elle l'attrapa par l'avant-bras. Teddy s'arr?ta aussi, l'air ?tonn?. “Continue, Teddy”, dit-elle avec un sourire de circonstance. “Il faut juste que je parle un peu ? mon homme.” Teddy regarda Kyle d'un air entendu avant de poursuivre son chemin sans commentaire. Quand elle fut s?re qu'il ?tait trop loin pour entendre, elle se tourna vers son mari. “Je sais que c'est ton ami du lyc?e”, murmura-t-elle, “mais crois-tu que vous pouvez vous comporter comme si vous y ?tiez encore ?” “Quoi ?” demanda-t-il, sur la d?fensive. “Cette fille a probablement entendu Teddy et sa remarque d?plac?e et toi, tu l'as encourag?. Mauvaise id?e.” “?a n'a rien de dramatique, Jess”, insista-t-il. “Il ne faisait que plaisanter un peu et la fille s'est peut-?tre sentie flatt?e.” “Et elle s'est peut-?tre sentie choqu?e. D'une fa?on ou d'une autre, je pr?f?rerais que mon mari ne consid?re pas les femmes comme des objets sexuels. N'est-ce pas une demande raisonnable ?” “Bon. Est-ce que tu r?agiras comme ?a ? chaque fois qu'une fille en maillot de bain nous passera ? c?t? ?” “Je ne sais pas, Kyle. Et toi, vas-tu r?agir de la m?me fa?on ?” “Vous venez, les gars ?” leur cria Teddy. Les Carlisle ?taient une cinquantaine de marches plus bas sur l'escalier. “On arrive”, cria Kyle avant de baisser sa voix. “Si tu veux encore le faire.” Il avan?a avant qu'elle ait eu le temps de r?pondre, prenant deux marches ? la fois. Jessie se for?a ? expirer longuement et lentement avant de le suivre, esp?rant qu'elle arriverait ? expirer tout son agacement en m?me temps que l'air de ses poumons. Nous n'avons m?me pas fini d'emm?nager et il commence ? se comporter comme la sorte de con que j'ai essay? d'?viter toute ma vie. Jessie essaya de se souvenir qu'un commentaire maladroit prononc? sous l'influence d'un ami de lyc?e ne signifiait pas que son mari ?tait en train de se transformer en philistin. Cependant, elle n'arrivait pas ? se d?barrasser de l'impression d?sagr?able qui lui disait que ce n'?tait que le commencement. CHAPITRE TROIS Cinq minutes plus tard, alors que Jessie bouillait encore sans rien dire, ils entr?rent dans le vestibule du Club Deseo et sentirent avec soulagement l'air conditionn? les rafra?chir apr?s cette chaude journ?e. Jessie regarda autour d'elle et inspecta l'endroit. Elle ne put s'emp?cher de se dire que le nom qui, selon Teddy, signifiait “Le Club des Souhaits”, ?tait un peu excessif vu ce qui se trouvait devant elle. Elle avait presque manqu? l'entr?e du club, une grande porte en ch?ne patin? sans panneau indicateur qui donnait acc?s ? un b?timent d'aspect modeste situ? du c?t? le plus discret du port. Le vestibule en soi ?tait sans int?r?t. Il ne contenait qu'un simple pupitre avec une h?tesse brune magnifique de gu?re plus de vingt ans et en apparence tr?s occup?e. Teddy se pencha vers elle et lui parla doucement. Elle hocha la t?te et fit signe au groupe de passer par un petit hall. Ce ne fut qu'au moment o? une autre femme, jeune, blonde et aussi belle que la pr?c?dente, demanda ? Jessie de passer son sac ? main dans un panier que Jessie se rendit compte que le vestibule servait aussi de d?tecteur de m?taux de premi?re classe. Quand ils eurent travers? le vestibule, la femme rendit son sac ? Jessie et indiqua qu'elle devait suivre les autres par une deuxi?me porte en bois qui avait l'air de se fondre dans le mur qui l'entourait. Si Jessie avait ?t? seule, elle aurait pu passer devant la porte sans la voir. Quand ils eurent pass? cette seconde porte, toute la modestie du vestibule du b?timent disparut rapidement. La pi?ce circulaire et caverneuse que Jessie observait avait deux niveaux. Le niveau sup?rieur, o? elle ?tait, avait des tables qui entouraient l'?tage inf?rieur, auquel on acc?dait par un large escalier. Au milieu de l'?tage inf?rieur, il y avait une petite piste de danse entour?e par plusieurs tables. L'endroit entier semblait avoir ?t? con?u en recyclant du bois pr?lev? sur de vieux bateaux ? voile. Les murs ?taient compos?s de planches pos?es les unes ? c?t? des autres et qui avaient diff?rentes nuances et couleurs. Cet amas n'aurait pas d? donner un beau r?sultat mais, d'une fa?on ou d'une autre, c'?tait une r?ussite qui donnait ? cet espace une apparence nautique qui paraissait r?v?rencieuse, pas vulgaire. A l'autre bout de la salle se trouvait l'?l?ment le plus impressionnant. Tout le versant du club qui donnait sur l'oc?an ?tait compos? d'une immense vitre en verre dont une moiti? se situait au-dessus de l'eau et l'autre moiti? au-dessous. Suivant l'endroit o? l'on ?tait assis, la vue pouvait r?v?ler l'horizon ou des bancs de poissons qui nageaient sous la surface. C'?tait incroyable. On les emmena ? une grande table situ?e ? l'?tage inf?rieur, o? un groupe d'environ quinze personnes les attendait. Teddy et Mel pr?sent?rent Jessie et Kyle mais Jessie n'essaya m?me pas de se souvenir des noms. Elle apprit qu'il y avait quatre couples avec un total d'environ sept enfants. En fait, elle sourit et hocha poliment la t?te ? mesure qu'ils lui fournissaient tous plus d'informations qu'elle ne pouvait en retenir. “Je suis dans le marketing par les m?dias sociaux”, lui dit un homme qui s'appelait Roger ou Richard. Il s'agitait constamment et se curait le nez quand il croyait que personne ne regardait. “Nous choisissons les tentures, ces temps-ci”, dit la femme qui se tenait ? c?t? de lui, une brune ? m?ches blondes qui ?tait peut-?tre la femme de l'homme d'? c?t? mais qui ne regardait que l'homme bronz? qui ?tait assis de l'autre c?t? de la table. Les pr?sentations continu?rent. Mel pr?senta une autre personne. Jessie n'essaya pas s?rieusement de se souvenir de son nom mais essaya de glaner quelques informations sur sa vraie identit? en fonction de son apparence, de son langage corporel et de son style d'?locution. C'?tait une sorte de jeu auquel elle recourait souvent quand elle se retrouvait en situation d?sagr?able. Apr?s les pr?sentations, deux autres jolies filles entr?rent et rassembl?rent tous les enfants, dont Daughton, pour les emmener ? la Baie du Pirate qui, selon une des femmes, ?tait le nom de la zone de jeu des enfants. Jessie se dit que l'endroit devait ?tre fascinant car tous les enfants partirent avec les h?tesses sans manifester ne serait-ce qu'une crainte d'?tre s?par?s de leurs parents. Quand ils furent partis, le repas se poursuivit de la fa?on dont Mel l'avait avertie. Deux femmes, qui ?taient jumelles ou qui auraient pu l'?tre vu leur extr?me ressemblance, racont?rent une histoire sur une colonie de vacances religieuse en mettant l'accent sur la voix affreuse qu'avait la c?l?brante quand elle chantait. “On aurait dit qu'elle allait accoucher”, dit l'une d'eux pendant que les autres gloussaient admirativement. Jessie, qui n'?coutait d?j? pas beaucoup, fut vite perdue parce que les femmes se coupaient mutuellement la parole et parlaient interminablement les unes sur les autres. Un homme avec une crini?re de longs cheveux fris?s et un cravate texane qu'il aimait beaucoup trop racontait en d?tail une partie de hockey ? laquelle il avait assist? le printemps dernier. Cependant, cette partie n'avait rien de m?morable. Pendant cinq minutes, il se contenta de pr?ciser qui avait marqu? et quand. Jessie attendit jusqu'au bout qu'apparaisse un d?nouement, comme si quelqu'un avait lanc? une pieuvre sur la glace ou si un fan avait bondi par-dessus le mur, mais il n'y avait pas de d?nouement. “De toute fa?on, c'?tait une partie sensationnelle”, finit-il par conclure, et Jessie comprit que c'?tait le moment o? il fallait qu'elle fasse un sourire admiratif. “La plus belle des histoires”, murmura s?chement Mel, donnant ainsi ? Jessie son seul moment de bonheur depuis son arriv?e et ce qu'on aurait pu appeler une bou?e de sauvetage. La plus grande partie de la conversation se limita ? une discussion des ?v?nements du club ? venir, dont la F?te de Halloween, la F?te de Rentr?e des Bateaux (? l'int?r?t myst?rieux) et le Bal des Vacances. “C'est quoi la F?te de Rentr?e des …” commen?a-t-elle ? demander avant d'?tre interrompue par la femme qui ?tait assise deux chaises plus loin et qui hurla quand une serveuse renversa accidentellement un verre d'eau en l'?claboussant de quelques gouttes. “Salope”, murmura-t-elle beaucoup trop fort apr?s le d?part de la serveuse. Peu apr?s, tous les hommes se lev?rent, embrass?rent leur femme et dirent au revoir. Kyle regarda Jessie d'un air perplexe mais les imita. “J’imagine qu'on se reverra ?” demanda-t-il, confus. Jessie hocha poliment la t?te alors qu'elle ne comprenait pas mieux que Kyle de quoi il s'agissait. On aurait cette sc?ne de Titanic, o? tous les hommes s'en allaient apr?s le d?ner pour parler d'affaires et de politique dans le fumoir un verre de brandy ? la main. Jessie regarda les hommes avancer parmi les tables jusqu'? atteindre une porte en bois orn? qui se trouvait dans le coin de la salle et devant laquelle se tenait un homme muscl? peu avenant. On aurait dit qu'il ?tait videur en bo?te de nuit, sauf qu'il portait un smoking. Quand les hommes de leur table approch?rent, il s'?carta pour les laisser passer. Il sembla regarder Kyle d'un air sceptique mais Teddy lui murmura quelque chose. Le videur hocha la t?te et sourit ? Kyle. Le reste du d?jeuner se termina rapidement. Comme Mel l'avait promis, la conversation tourna surtout autour des enfants d?j? n?s et des enfants ? na?tre car au moins deux des femmes du groupe ?taient visiblement enceintes. “Je suis pr?te ? gifler la prochaine barmaid qui me regardera de travers pendant que j'allaite”, dit une femme du nom de Katlyn ou Kaitlyn. “J'ai ?t? beaucoup trop accommodante apr?s la naissance de Warner.” “Menace-les d'un proc?s”, dit la brune aux m?ches blondes. “Je l'ai fait et j'ai re?u un bon de cent dollars avec leurs excuses. Le mieux, c'?tait que personne n'avait rien fait de mal. Je n'ai fait que me plaindre d'un ‘environnement inconfortable’.” Jessie ?tait la seule non-m?re ? la table mais elle essaya de participer ? la discussion en posant des questions polies sur l'?cole ?l?mentaire locale (“un trou”) par rapport ? celle o? elles semblaient toutes envoyer leurs enfants. Alors que Jessie ?coutait leurs opinions divergentes sur les meilleures options de garderie et d'?cole maternelle ainsi que leur consensus g?n?ral sur le meilleur supermarch?, elle sentit son attention s'?garer. Elle se pin?a quelques fois sous la table quand elle entendit les opinions sur les bonnes ?glises, la meilleure salle de gymnastique locale et o? trouver une belle robe pour le Bal des Vacances. Finalement, elle cessa d'?couter qui disait quoi ou m?me d'offrir des affirmations de circonstance et assuma le r?le d'observatrice passive comme si elle examinait le comportement en soci?t? d'une esp?ce sauvage exotique. C'est ?a, la vie que je me suis engag?e ? vivre ? Des d?jeuners avec des dames qui se demandent quelle salle de gym a le meilleur cours de spinning ? Est-ce le monde dont Kyle a voulu devenir membre en travaillant comme un malade ? Si tel est le cas, je veux mourir d?s maintenant. A un moment ou ? un autre, elle se rendit compte que Mel lui tapotait l'?paule pour lui dire que le d?jeuner ?tait fini et qu'il fallait qu'elle aille chercher Daughton. Apparemment, Teddy et Kyle devaient les retrouver dans le vestibule. Jessie hocha la t?te, dit gentiment au revoir aux femmes dont elle avait oubli? le nom et suivit Mel jusqu'? la Baie du Pirate sans dire un mot. Elle se sentait d?sorient?e et ?puis?e et voulait surtout rentrer ? la maison, prendre un bain, boire un verre de vin et aller dormir. Elle jeta un coup d’?il ? sa montre et fut ?tonn?e quand elle se rendit compte qu'il n'?tait m?me pas 13 heures. * Elle ne put d?compresser que plusieurs heures plus tard. Apr?s son retour chez les Carlisle, o? il fallut rester in moment, Jessie et Kyle repartirent finalement chez eux. Jessie dut s'arr?ter faire quelques courses ? Costco avant de rentrer et imagina les visages d?sapprobateurs de ses convives. Plus tard, cette nuit, pendant qu'elle se lavait le visage et que Kyle se brossait les dents, ils s'?taient assez remis pour se raconter un peu leur journ?e. “Que s'est-il pass? dans la pi?ce secr?te o? vous ?tes all?s ?” demanda-t-elle. “Est-ce qu'ils vous ont fait mettre en slip pour vous donner dix coups de fouet ?” “En fait, je m'inqui?tais un peu de ce qui se trouvait derri?re cette porte”, admit Kyle pendant qu'ils allaient dans la chambre. “Cela dit, il s'est av?r? que c'?tait surtout un bar de sports vraiment bien organis?. Ils avaient des matchs ? la t?l?vision, un serveur qui passait prendre les commandes et il y avait aussi quelques hommes qui mettaient ou enlevaient leur tenue de golf.” “Pas de fumoir ni de brandy, alors ?” demanda-t-elle en se demandant s'il comprendrait la r?f?rence. “Je n'en ai pas vu mais j'ai quand m?me remarqu? Leonardo DiCaprio qui errait sans but dans la loge.” “Bravo, mon mari”, dit admirativement Jessie en se mettant au lit. “Tu es encore dou?.” “Merci, ch?re ?pouse”, r?pondit-il en se glissant sous les couvertures ? c?t? d'elle. “En fait, j'ai entendu dire qu'il y avait un fumoir pour amateurs de cigares quelque part mais je ne l'ai pas cherch?. Je crois qu'il est cach? dans un coin qui ?chappe aux r?gles du club, o? il est interdit de fumer, mais je parie que j'aurais pu avoir un brandy si j'avais demand?.” “Tu as rencontr? quelqu'un d'int?ressant ?” demanda-t-elle d'un air sceptique en ?teignant la lampe de la chambre. “?tonnamment, oui”, dit-il. “Ils ?taient tous tr?s cool et, comme deux d'entre eux cherchaient des investissements potentiels, ?a les a rendus int?ressants pour moi. Je crois que ce club pourrait ?tre une vraie ressource pour les opportunit?s d'affaires. Et toi ?” “Tout le monde ?tait tr?s gentil”, dit Jessie sur un ton h?sitant en esp?rant que l'obscurit? de la chambre cacherait son front pliss?. “Elles ont ?t? sympathiques et m'ont propos? de m'aider pour tout ce qui me faisait besoin.” “Pourquoi est-ce que j'entends un ‘mais’ dans ce que tu dis ?” “Non, c'est juste que, quand j'ai ?t? seule avec elles, ces femmes n'ont pas arr?t? de parler d'enfants, d'?cole et de famille. Elles n'ont mentionn? ni leur travail ni les ?v?nements actuels. ?a m'a juste sembl? tr?s provincial.” “Peut-?tre voulaient-elles juste ?viter les sujets ? controverse pendant qu'ils mangeaient avec une nouvelle ?” sugg?ra Kyle. “Le travail, c'est un sujet ? controverse, de nos jours ?” “Je ne sais pas, Jessie. Es-tu s?re que tu ne surinterpr?tes pas un rassemblement innocent ?” “Je ne sugg?re pas que ce sont les Femmes de Stepford, rien de la sorte”, insista-t-elle, “mais, en dehors de Mel, elles ?taient constamment narcissiques. Je ne suis pas s?re qu'elles pensent au monde qui existe au-del? de leurs fen?tres. Je dis juste que, au bout d'un moment, l'ambiance a commenc? ? me para?tre un peu … ?touffante.” Kyle se redressa dans le lit. “Cette expression me para?t famili?re”, dit-il d'une voix pr?occup?e. “Ne m'en veux pas mais, la derni?re fois que tu as parl? de sensation d'?touffement, c'?tait quand —” “Je me souviens de la derni?re fois”, coupa-t-elle, agac?e. “Ce n'est pas la m?me chose.” “OK”, r?pondit-il d?licatement, “mais tu me comprendras sans doute si je te demande si tu es ? l'aise avec tes m?dicaments ces temps-ci. Est-ce que le dosage fait encore effet ? Est-ce que tu penses que tu devrais peut-?tre prendre rendez-vous chez le Dr Lemmon ?” “Je vais bien, Kyle”, dit-elle en sortant du lit. “Il ne s'agit pas que de ?a. Ne puis-je pas exprimer quelques r?serves sans que tu en tires des conclusions h?tives ?” “Bien s?r”, dit-il. “Je suis d?sol?. Reviens au lit, s'il te pla?t.” “Je veux dire, soyons s?rieux. Tu n'?tais pas l?. Pendant que tu te d?tendais avec les gar?ons, j'avais un sourire artificiel au visage pendant que ces femmes critiquaient les serveuses de caf?. Ce n'est pas un probl?me m?dical. C'est un probl?me de type ‘ces filles sont affreuses’.” “Je suis d?sol?, Jess”, r?p?ta-t-il. “Je n'aurais pas d? supposer que c'?taient les m?dicaments.” Jessie le regarda, d?chir?e entre son d?sir de le pardonner et celui de le punir un peu plus. Elle d?cida de ne faire ni l'un ni l'autre. “Je reviens dans quelques minutes”, dit-elle. “Il faut juste que je d?compresse. Au cas o? tu dormirais quand je reviendrai, je te dis bonne nuit maintenant.” “OK”, dit-il ? contrec?ur. “Bonne nuit. Je t'aime.” “Bonne nuit”, dit-elle en lui donnant un baiser en d?pit de son manque d'enthousiasme pr?sent. “Je t'aime, moi aussi.” Elle quitta la chambre et erra dans la maison en attendant que son agacement se dissipe pendant qu'elle allait de pi?ce en pi?ce. Elle essaya de ne plus penser au d?dain de Kyle mais il revenait sans cesse et l'?nervait malgr? tous ses efforts. Elle s'?tait juste assez calm?e pour repartir se coucher quand elle entendit le m?me craquement distant que la nuit derni?re, sauf que, cette nuit, il n'?tait pas aussi distant. Elle suivit le son jusqu'? ce qu'elle trouve ce qu'elle pensait en ?tre la source : le grenier. Dans le vestibule de l'?tage, elle s'arr?ta juste sous la porte d'acc?s du grenier. Apr?s un moment d'h?sitation, elle saisit la ficelle qui ouvrait la porte et tira fortement dessus. Le craquement lui parut vraiment plus prononc?. Elle monta ? l'?chelle aussi discr?tement qu'elle le put en essayant de ne pas penser aux cons?quences funestes qu'avait toujours cette sorte de d?cision dans les films d'horreur. Quand elle arriva en haut de l'?chelle, elle sortit son t?l?phone et se servit de la fonctionnalit? lampe torche pour fouiller le grenier. Cependant, mis ? part quelques vieilles bo?tes en carton vides, il n'y avait rien et le craquement s'?tait arr?t?. Jessie redescendit prudemment, rangea l'?chelle et, trop ?nerv?e pour dormir, recommen?a ? errer comme une ?me en peine. Finalement, elle se retrouva dans la chambre qu'ils avaient pr?vu d'utiliser pour le b?b? quand ils en auraient un, si cela arrivait. Elle ?tait vide pour l'instant mais Jessie avait d?j? imagin? o? elle mettrait le berceau. Elle l'imagina contre l'autre mur, avec un mobile qui pendait au-dessus. Elle posa le dos contre le mur et glissa jusqu'au sol pour se retrouver finalement assise avec les genoux devant le visage. Elle passa les bras autour d'eux et serra fort en essayant de se rassurer, de croire que la vie dans ce nouvel endroit ?trange serait meilleure que ce qu'elle avait connu jusque l?. Est-ce que j'interpr?te tout de travers ? Elle ne put s'emp?cher de se demander s'il fallait changer le dosage de ses m?dicaments. Elle ne savait pas si elle ?tait trop dure avec Kyle ou si elle jugeait les femmes du Club Deseo trop s?v?rement. Le fait que Kyle s'adapte si facilement ? cet endroit et pas elle refl?tait-il les capacit?s d'adaptation de son mari, la fragilit? de son ?pouse ou les deux ? la fois ? Il avait d?j? l'air de se sentir chez lui comme s'il vivait d?j? ici depuis des ann?es. Elle se demanda si elle atteindrait un jour une telle s?r?nit?. Elle se dit que c'?tait peut-?tre qu'elle ?tait nerveuse parce que son dernier semestre de cours commen?ait le lendemain et qu'elle allait devoir se remettre ? ?tudier les violeurs, les p?dophiles et les assassins. De plus, elle ne savait pas si ce craquement qu'elle entendait tout le temps ?tait r?el ou imaginaire. Ces temps-ci, elle n'?tait pas s?re de grand-chose et ?a l'effrayait. CHAPITRE QUATRE Jessie ?tait ? bout de souffle et son c?ur avait des palpitations. Elle allait arriver en retard en cours. C'?tait la premi?re fois qu'elle allait sur le campus de l'Universit? de Californie ? Irvine et elle avait eu beaucoup de mal ? trouver sa salle de cours. Apr?s avoir parcouru les derni?res centaines de m?tres sur le campus dans la chaleur ?touffante du milieu de la matin?e, elle entra en bousculant la porte. Elle avait le front couvert de sueur et sentait que son haut ?tait l?g?rement humide. Le Professeur Warren Hosta, un homme grand, mince d'une cinquantaine d'ann?es avec de petits yeux soup?onneux et une touffe de cheveux gris-noirs qui tr?nait, tristement solitaire, au sommet de son cr?ne, avait visiblement ?t? en plein milieu d'une phrase quand elle entra brusquement ? 10 h 04 du matin. Elle avait entendu des rumeurs sur son impatience et son comportement en g?n?ral discourtois et il ne la d??ut pas. Il s'arr?ta et attendit qu'elle se trouve une chaise sans la quitter des yeux. “Puis-je reprendre ?” demanda-t-il sur un ton sarcastique. Bon d?but, Jessie. C'est un tr?s bon moyen de faire bonne impression. “D?sol?, monsieur”, dit-elle. “Je ne connais pas encore le campus. Je me suis perdue.” “J'esp?re que vous ?tes meilleure en d?duction qu'en orientation”, r?pondit-il avec m?pris avant de reprendre son cours. “Comme je le disais, pour la plupart d'entre vous, ce sera le dernier cours que vous suivrez avant d'obtenir votre ma?trise de psychologie judiciaire. Ce ne sera pas facile.” Jessie ouvrit la fermeture ?clair de son sac ? dos aussi silencieusement que possible pour en sortir un stylo et un cahier mais le son de la tirette de la fermeture ?clair qui d?filait contre toutes les dents sembla r?sonner dans la salle. Le professeur jeta un coup d’?il ? Jessie du coin l’?il mais n'arr?ta pas de parler. “Je vais bient?t faire passer le programme”, dit-il. “Cela dit, en g?n?ral, il contient ce qu'on attend que vous appreniez. En plus du travail standard en cours et des examens associ?s, ceux d'entre vous qui en ont encore une ? passer rendront et soutiendront leur th?se. En plus, tout le monde aura un stage, th?se compl?t?e ou pas. Certains d'entre vous seront assign?s ? un ?tablissement p?nitentiaire, soit le California Institute for Men ? Chino soit le California Institute for Women ? Corona, qui accueillent tous les deux des d?linquants violents. Les autres se rendront ? l'unit? ? hauts risques de DSH-Metropolitan, qui est un h?pital public ? Norwalk. On y traite les patients que l'on d?signe habituellement comme ?tant ‘fous criminels’, bien que des probl?mes li?s ? la communaut? les emp?chent d'accepter les patients qui ont des ant?c?dents de meurtre, de crimes sexuels ou d'?vasion.” Une excitation muette traversa la salle quand les ?tudiants se regard?rent les uns les autres. C'?tait ce qu'ils voulaient. Le reste du cours fut assez simple, consistant d'une description de leur contr?le continu et d'informations sur la r?daction de leur th?se. Heureusement, comme Jessie avait termin? et d?fendu la sienne pendant qu'elle ?tait ? l'Universit? de Californie du Sud, elle n'?couta pas beaucoup cette discussion. Au lieu de cela, elle repensa au dr?le de d?jeuner qui s'?tait d?roul? au yacht club et ? la sensation de mal-?tre qu'elle avait ressentie malgr? la gentillesse et la g?n?rosit? de tous les convives. Ce fut seulement quand le professeur revint aux stages qu'elle ?couta avec attention. Les ?tudiants posaient des questions logistiques et acad?miques. Jessie avait des questions ? poser elle aussi mais d?cida d'attendre la fin du cours. Elle ne voulait pas que le groupe entende ses questions. Visiblement, la plupart de ses camarades voulaient travailler dans une des prisons. Le fait que la communaut? ait refus? d'accueillir les d?linquants violents ? l'h?pital de Norwalk semblait r?duire sa popularit?. Finalement, le professeur Hosta signala que le cours ?tait fini et les ?tudiants commenc?rent ? sortir de la salle. Jessie rangea son cahier dans son sac sans se presser pendant que quelques ?tudiants posaient des questions au professeur. Ce ne fut que quand ils furent tous partis et que le professeur commen?a lui aussi ? s'en aller qu'elle s'approcha de lui. “Je suis vraiment d?sol?e d'?tre arriv?e en retard, professeur Hosta”, dit-elle en essayant de ne pas avoir l'air trop obs?quieuse. Il lui avait suffi d'un cours pour sentir que Hosta d?testait que l'on tente de le flatter. Il avait l'air de pr?f?rer la curiosit?, m?me si elle fr?lait l'impolitesse, ? la d?f?rence. “Vous n'avez pas l'air si d?sol?e que ?a, mademoiselle .…” nota-t-il en levant un sourcil. “Hunt, Jessie Hunt. Et, non, je ne le suis pas vraiment”, admit-elle, d?cidant ? ce moment qu'elle aurait plus de chances de convaincre cet homme si elle ?tait franche. “J'ai juste pens? qu'il valait mieux que je sois polie pour obtenir la r?ponse ? la vraie question.” “Qui est …?” demanda-t-il, les sourcils lev?s, surpris. Elle avait capt? son attention. “J'ai remarqu? que vous aviez dit que le DSH-Metro n'acceptait pas de patients qui avaient des ant?c?dents de violence.” “C'est exact”, dit-il. “C'est leur politique. En fait, je l'ai trouv? sur leur site web.” “Mais, professeur, nous savons tous les deux que ce n'est pas enti?rement exact. L'h?pital Norwalk a bien une petite section, situ?e ? l'?cart, qui traite les patients qui ont commis des crimes d'une violence horrible, comme des meurtres en s?rie, des viols et diverses transgressions contre les enfants.” Il la fixa d'un air impassible pendant un long moment avant de r?pondre. “Selon le D?partement des H?pitaux d'?tat, c'est le DSH-Atascadero de San Luis Obispo qui traite ces cas-l?”, r?pondit-il avec un visage de marbre. “Metro s'occupe des d?linquants non-violents. Donc, je ne sais pas de quoi vous parlez.” “Bien s?r que si”, dit Jessie avec plus d'assurance qu'elle ne s'?tait attendue ? en ressentir. “On l'appelle la Division de Non-R?habilitation, la DNR. Cela dit, ce n'est que le terme insignifiant qu'ils utilisent pour le public. A l'interne et dans les cercles de justice criminelle, la DNR est connue sous le nom d'unit? ‘? risque ?lev?’ de DSH-Metro. D'ailleurs, j'ai remarqu? que c'?tait le nom que vous lui aviez donn? en cours.” Hosta ne r?pondit pas mais l'examina d'un air imp?n?trable pendant plusieurs secondes avant de se permettre finalement un l?ger sourire. C'?tait la premi?re fois qu'elle le voyait produire une chose qui ressemblait ? un sourire. “Venez avec moi”, dit-il en lui faisant signe de sortir de la salle. “Vous avez gagn? le prix sp?cial, Mme Hunt. Cela fait trois semestres qu'aucun ?tudiant ne m'a repris sur ce petit compromis avec les faits. Tout le monde est tellement obnubil? par les r?glements de la communaut? que personne ne se demande ? quoi correspond cette r?f?rence au ‘risque ?lev?’. Cela dit, il est clair que vous connaissiez la DNR bien avant de venir en cours aujourd'hui. Que savez-vous l?-dessus ?” “Eh bien”, commen?a-t-elle prudemment, “j'ai pass? les premiers semestres de mes ?tudes ? l'Universit? de Californie du Sud et la DNR est en quelque sorte un secret de Polichinelle parce qu'ils en sont tr?s pr?s.” “Mme Hunt, vous ne dites pas la v?rit?. Ce n'est pas un secret de Polichinelle. M?me dans la police et dans la communaut? psychiatrique, c'est un secret bien gard?. Je dirais que moins de deux cents personnes connaissent son existence dans la r?gion et que moins de la moiti? de ces gens connaissent la v?ritable nature de cet ?tablissement. Et pourtant, d'une fa?on ou d'une autre, vous ?tes au courant. Expliquez-vous, je vous prie, et, cette fois-ci, ne faites plus l'innocente.” A pr?sent, ce fut ? Jessie de d?cider s'il fallait qu'elle dise tout. Comme tu es all?e jusque-l?, autant aller jusqu'au bout. “J'ai fait ma th?se dessus”, dit-elle. “Cela m'a presque valu de me faire expulser.” Hosta s'arr?ta de marcher et eut l'air stup?fait une seconde avant de reprendre son calme. “Alors, c'?tait vous ?” demanda-t-il d'un air impressionn? en commen?ant ? traverser le vestibule. “Cette th?se est l?gendaire parmi ceux qui l'ont lue. Si je me souviens bien, le titre ?tait un peu comme ‘L'Impact de l'Incarc?ration Longue de Non-R?adaptation sur les Fous Criminels’ mais personne n'avait r?ussi ? trouver qui en ?tait vraiment l'auteur. Apr?s tout, le surnom de ‘Jane Don't’ n'a jamais ?t? enregistr? officiellement.” “Je dois admettre que j'?tais tr?s fi?re de ce pseudonyme. Cela dit, ce n'est pas du tout moi qui ai d?cid? d'en utiliser un”, admit Jessie. “Qu'entendez-vous par-l? ?” demanda Hosta, visiblement intrigu?. Jessie se demanda si elle en disait trop. Cela dit, elle se souvint de la raison pour laquelle on l'avait assign?e ? Hosta et d?cida qu'il y avait aucune raison d'avoir peur. “Mon conseiller acad?mique a soumis la th?se au doyen”, expliqua-t-elle. “Il a promptement convoqu? plusieurs membres de la police et du corps m?dical que je ne peux nommer qu'en les appelant ‘Le comit?’. Charmant comme nom, pas vrai ? Ils m'ont interrog?e pendant neuf heures de suite puis ils ont d?termin? que j'?crivais vraiment une th?se et que je n'?tais pas une journaliste en mission secr?te ou pire encore.” “?a a l'air passionnant”, dit Hosta. Il avait l'air sinc?re. “Effectivement mais, ? cette ?poque-l?, j'aurais plut?t dit ‘terrifiant’. Finalement, ils ont d?cid? de ne pas m'arr?ter. Apr?s tout, c'?tait eux qui avaient cette prison psychiatrique officieuse, pas moi. L'?cole a convenu que je n'avais commis aucune faute r?elle et a accept? de ne pas me virer, m?me si tout ce qui est relatif ? la th?se a ?t? envoy? au secret. Le d?partement a consid?r? que mon interrogation par les autorit?s pouvait tenir lieu de d?fense de th?se et j'ai sign? plusieurs documents promettant de ne parler de ce sujet ? personne, dont mon mari, sans quoi je pourrais ?tre tra?n?e en justice, m?me s'ils n'ont jamais dit pour quel motif d'inculpation.” “Dans ce cas, Mme Hunt, comment se fait-il que vous m'en parliez ?” “J'ai re?u … ce que l'on peut appeler une d?rogation sp?ciale. On m'a permis de poursuivre mes ?tudes avec une condition sp?cifique mais, pour que je puisse le faire, il allait falloir que mon nouveau conseiller acad?mique soit mis au courant de ce que j'avais ?crit, au moins de fa?on superficielle. Les huiles de la fac ont pass? au peigne fin toutes les universit?s du comt? d'Orange et d?cid? que vous ?tiez le seul ? satisfaire ? leurs exigences. Cette facult? a une ma?trise en Psychologie Criminelle, que vous dirigez. Vous avez des relations avec la DNR et vous y avez accompli du travail de terrain. Vous l'avez m?me en option de stage pour les cas rares o? un ?tudiant s'y int?resserait et aurait des capacit?s prometteuses. Vous ?tes ma seule possibilit? dans un rayon de quatre-vingts kilom?tres.” “Je suppose que je devrais me sentir flatt?. Et si je refuse d'?tre votre conseiller acad?mique ?” demanda-t-il. “Vous devriez avoir re?u la visite d'une personne repr?sentant le Comit? et qui vous demande de vous occuper de tout cela en pr?cisant que ce serait dans votre int?r?t, etc. Je suis ?tonn?e que ce ne soit pas arriv?. D'habitude, ils sont tr?s organis?s.” Hosta r?fl?chit pendant une seconde. “J'ai r?cemment re?u plusieurs courriels et un message vocal d'un certain Dr Ranier”, dit-il. “Cela dit, comme je ne connaissais pas le nom, je n'ai pas donn? suite.” “Vous devriez r?pondre au message, professeur”, sugg?ra Jessie. “Il est possible que ce soit un pseudonyme, peut-?tre pour une personne que vous connaissez d?j?.” “Je le ferai. En tout cas, si je comprends bien, vous n'aurez pas besoin de subir toute la bureaucratie habituelle pour ?tre autoris?e ? effectuer votre stage ? la DNR ?” “Faire mon stage dans cet ?tablissement ?tait la condition sp?cifique que j'ai d?j? mentionn?e. C'est pour cela que j'ai accept? de signer leur accord de confidentialit? sans trop faire de probl?mes”, lui r?pondit Jessie d'une voix pleine d'excitation malgr? tous ses efforts. “Cela fait presque deux ans que j'attends ?a.” “Deux ans ?” dit Hosta, ?tonn?. “Si vous avez achev? votre th?se il y a si longtemps, ne devriez-vous pas avoir votre dipl?me, ? l'heure actuelle ?” “C'est une longue histoire que je pr?f?re remettre ? un autre jour. Cela dit, pour l'instant, puis-je consid?rer que j'ai votre permission d'effectuer mon stage ? DSH-Metro, sp?cifiquement ? la DNR ?” “Si votre histoire est authentique, oui”, dit-il quand ils atteignirent la porte de son bureau. Il la d?verrouilla mais ne l'invita pas ? y entrer. “Cela dit, il faut que je vous pose la question que je pose ? tous les ?tudiants qui demandent ? faire leur travail de terrain l?-bas : ?tes-vous s?re que vous voulez le faire ?” “Comment pouvez-vous me le demander apr?s tout ce que je vous ai dit ?” “Parce que se renseigner sur les gens qui sont d?tenus dans cet ?tablissement est une chose”, r?pondit-il, “alors que c'en est tout ? fait une autre d'interagir avec eux. La r?alit? se rappelle ? vous tr?s vite. D'apr?s ce que vous avez ?crit dans votre th?se, je suppose que vous devez conna?tre certains des d?tenus de cet endroit-l?, n'est-ce pas ?” “Quelques-uns. Je sais que le violeur en s?rie de Bakersfield, Delmond Stokes, y est d?tenu, ainsi que le tueur de plusieurs enfants qui a ?t? captur? l'ann?e derni?re par cette polici?re ? la retraite. Et je suis quasi-s?re que Bolton Crutchfield y est aussi d?tenu.” Hosta la regarda fixement, comme s'il essayait de d?cider de lui dire ce qu'il pensait ou pas. Finalement, il sembla prendre une d?cision. “C'est lui que vous voulez observer, n'est-ce pas ?” “Je dois admettre que je suis curieuse”, dit Jessie. “J'ai entendu toutes sortes d'histoires sur lui. Je ne sais pas combien d'entre elles sont vraies.” “Celle dont je peux vous garantir l'authenticit?, c'est qu'il a violemment assassin? dix-neuf personnes en six ans. Le reste est peut-?tre faux mais ?a, c'est vrai. Ne l'oubliez jamais.” “L'avez-vous d?j? rencontr? ?” demanda Jessie. “Oui. Je l'ai interrog? ? deux occasions.” “Et c'?tait comment ?” “Mme Hunt, c'est une longue histoire que je pr?f?re remettre ? un autre jour”, dit-il en lui renvoyant ses propres paroles. “Pour l'instant, je vais contacter ce Dr Ranier et v?rifier vos r?f?rences. Si tout se d?roule sans incident, je vous contacterai pour organiser votre stage. Je sais que vous voudrez commencer le plus vite possible.” “Si je pouvais y aller demain, je le ferais.” “Oui, bon, ?a pourrait prendre un peu plus longtemps que ?a. Entre temps, essayez de garder patience. Bonne journ?e, Mme Hunt.” Alors, il referma la porte de son bureau, laissant Jessie dans le vestibule. Elle se retourna pour partir. Quand elle vit ce hall qu'elle ne connaissait pas, elle se rendit compte qu'elle avait ?t? tellement absorb?e par sa conversation qu'elle n'avait fait attention ? rien d'autre. Elle ne savait absolument pas o? elle ?tait. Elle resta l? pendant un moment, s'imaginant assise face ? Bolton Crutchfield. L'id?e l’excitait et la terrifiait tout autant. Cela faisait maintenant assez longtemps qu'elle avait envie, non, besoin de lui parler. La possibilit? que cela se produise la faisait frissonner par anticipation. Elle avait besoin de r?ponses ? des questions que personne ne savait qu'elle se posait et cet homme ?tait le seul qui puisse les lui fournir. Cependant, elle n'?tait pas s?re qu'il le ferait. Et m?me s'il acceptait, que pourrait-il exiger en retour ? CHAPITRE CINQ Jessie ?tait si f?brile qu'elle appela Kyle en rentrant de l'universit?, alors qu'elle savait qu'il ?tait toujours tr?s occup? pendant la journ?e et qu'il ne r?pondait presque jamais. Cette fois-ci, il ne r?pondit pas non plus mais elle ne put s'emp?cher de laisser quand m?me un message. “Salut, ch?ri”, dit-elle apr?s le bip. “Je voulais juste te dire que ma premi?re journ?e de cours s'est pass?e extr?mement bien. Le professeur a un sacr? caract?re mais je crois que je pourrai travailler avec lui. De plus, je pense que je vais bient?t commencer mon stage, peut-?tre cette semaine si tout se passe bien. En fait, j'ai un peu la t?te qui tourne. J'esp?re que ta journ?e se passe aussi bien que la mienne. Je me suis dit que je nous pr?parerais un d?ner sp?cial ce soir, surtout maintenant qu'on a retrouv? les cartons qui contiennent la vaisselle. Dis-moi ? quelle heure tu penses arriver ce soir et je pr?parerai quelque chose de bien. Nous pourrons ouvrir une de ces bouteilles de vin qu'on avait mises de c?t? et nous pourrons peut-?tre commencer ? agrandir notre petite famille. OK, ? bient?t. Je t'aime.” Elle s'arr?ta ? Bristol Farms avant de rentrer et se permit d'acheter quelques branzinos pour les farcir et les cuire entiers. Elle trouva quelques jolis broccolini et les prit aussi. Alors qu'elle allait vers la caisse, elle vit quelques pommes de terre rattes et les prit aussi. Elle fut tent?e de chercher un dessert bon ? se damner mais elle savait que Kyle avait fait beaucoup de gymnastique et qu'il n'en voudrait pas. De plus, dans le r?frig?rateur, ils avaient de la glace italienne qui irait tr?s bien. Quand elle paya ? la caisse, elle avait d?j? tout le menu dans la t?te. * Jessie regarda fixement les plats de nourriture qui attendaient, intacts, sur la table de la salle ? manger puis elle regarda son t?l?phone pour la troisi?me fois en cinq minutes. Il ?tait 19 h 13 et Kyle n'avait toujours pas r?pondu. Il lui avait envoy? un SMS peu apr?s qu'elle avait laiss? le message vocal, disant que son id?e de d?ner avait l'air tentante et qu'il pr?voyait de rentrer vers 18 h 30. Pourtant, presque quarante-cinq minutes avaient pass? et il n'?tait pas encore rentr?. Pire encore, il ne l'avait m?me pas rappel?e. Elle avait tout pr?par? pour que le d?ner soit chaud et sur la table, pr?t pour son arriv?e ? 18 h 45 au cas o? il arriverait un peu en retard mais il n'?tait pas rentr?. Entre temps, elle lui avait envoy? deux SMS et y avait ajout? un message vocal mais n'avait eu aucune nouvelle de Kyle depuis son SMS. Maintenant, le poisson ?tait sur la table, quasiment froid, la fixant de ses yeux insensibles. Finalement, ? 19 h 21, il appela. En entendant le bruit de fond, elle comprit avant m?me qu'il ne parle qu'il ?tait dans un bar. “Salut, Jess”, cria-t-il pour se faire entendre par-dessus la musique. “D?sol? d'appeler si tard. Comment ?a va ?” “Je m'inqui?tais pour toi”, dit-elle en essayant de ne pas laisser transpara?tre son agacement. “Oh, d?sol?”, dit-il sur un ton qui n'exprimait pas grand remords. “Je ne voulais pas t'inqui?ter. Il y a eu une urgence de derni?re minute. Teddy a appel? vers six heures et a dit qu'il avait quelques autres clients potentiels pour moi. Il a demand? si je pouvais venir le rejoindre avec les gars en question dans un bar de la marina, le Sharkie’s. Je me suis dit que je ne pouvais vraiment pas laisser filer ce type d'opportunit?, ?tant le dernier arriv? au bureau, tu comprends ?” “Tu n'aurais pas pu m'appeler pour me le dire ?” “D?sol?”, cria-t-il. “Il a tellement fallu que je me presse que j'ai compl?tement oubli?. Je n'ai pu t'appeler que maintenant.” “J'ai pr?par? un grand d?ner, Kyle. Tu te souviens qu'on allait faire la f?te ce soir ? J'ai ouvert une bouteille de vin ? cent dollars. C'?tait cens? ?tre une soir?e romantique.” “Je sais”, dit-il, “mais je ne peux pas renoncer ? ?a. Je crois que je peux convaincre les deux amis de Teddy de devenir nos clients. Ensuite, on pourra quand m?me essayer d'agrandir la famille quand je rentrerai.” Jessie poussa un soupir profond de fa?on ? pouvoir r?pondre d'une voix calme. “Tu rentreras tard”, dit-elle. “Je serai fatigu?e et tu seras ? moiti? ivre. Ce n'est pas comme ?a que j'avais pr?vu la soir?e.” “?coute, Jessie, je suis d?sol? de ne pas avoir appel? mais comment veux-tu que je renonce ? une telle opportunit? ? Je ne me contente pas de m'amuser, ici. Je fais des affaires et j'essaie de me trouver quelques nouveaux amis en m?me temps. Vas-tu me le reprocher ?” “Disons que j'apprends quelles sont tes priorit?s”, r?pondit-elle. “Jessica, tu es toujours ma priorit? num?ro un”, insista Kyle. “J'essaie juste de trouver un ?quilibre et on dirait que je me suis plant?. Je promets que je serai ? la maison ? neuf heures, d'accord ? Est-ce que ?a rentre dans ton emploi du temps ?” Il avait sembl? sinc?re jusqu'? cette derni?re phrase, qui d?goulinait de sarcasme et de ranc?ur. Le mur ?motionnel que Jessie avait ?lev? entre eux avait commenc? ? s'?crouler lentement … jusqu'au moment o? elle entendit ces mots. “Fais ce que tu veux”, r?pondit-elle brusquement avant de raccrocher. Elle se releva et s'aper?ut dans le miroir de la salle ? manger. Elle portait une robe de soir?e en satin bleu avec un d?collet? profond et une longue fente le long du flanc droit qui commen?ait en haut de sa cuisse. Elle s'?tait coiff?e ?l?gamment en esp?rant d?faire son chignon d?contract? pour s?duire Kyle apr?s le d?ner. Les chaussures ? talon qu'elle portait la faisaient passer de ses un m?tre soixante-dix-sept habituels ? plus de un m?tre quatre-vingt-deux. Soudain, tout cela lui sembla extr?mement ridicule. Elle jouait tristement ? se d?guiser et, en fait, elle n'?tait qu'une femme au foyer aussi pitoyable qu'une autre et qui attendait que son homme rentre ? la maison pour donner sens ? sa vie. Elle saisit les assiettes et se rendit ? la cuisine, o? elle jeta les deux repas ? la poubelle, le poisson et tout le reste. Elle rempla?a sa robe par un sweat. Apr?s ?a, elle revint dans la salle ? manger, prit la bouteille ouverte de Shiraz, s'en versa un verre plein jusqu'au bord et en but une petite gorg?e en se rendant dans le salon. Elle se laissa tomber sur le sofa, alluma la t?l?vision et s'installa pour regarder ce qui semblait ?tre un marathon de Life Below Zero, une s?rie de t?l?-r?alit? sur des gens qui vivaient volontairement dans des r?gions ?loign?es de l'Alaska. Elle se justifia en se disant que cela l'aiderait ? se souvenir qu'il y avait des gens qui souffraient beaucoup plus qu'elle dans sa grande maison de Californie du Sud avec son vin hors de prix et sa t?l?vision de 175 centim?tres de diagonale. Vers le troisi?me ?pisode et apr?s avoir vid? la bouteille ? moiti?, elle s'endormit. * Elle fut r?veill?e par Kyle, qui lui secouait doucement l'?paule. Quand elle l'observa de ses yeux qui voyaient trouble, elle comprit qu'il ?tait ? moiti? ivre. “Quelle heure est-il ?” marmonna-t-elle. “Un peu apr?s onze heures.” “Tu avais que tu rentrerais vers neuf heures, non ?” demanda-t-elle. “J'ai ?t? retenu”, dit-il honteusement. “?coute, ch?rie, je sais que j'aurais d? appeler plus t?t. Je n'ai pas ?t? cool. Je suis vraiment d?sol?.” “OK”, dit-elle. Elle avait la bouche p?teuse et mal ? la t?te. Il passa un doigt le long de son bras. “J'aimerais me faire excuser”, proposa-t-il d'une mani?re suggestive. “Pas ce soir, Kyle”, dit-elle, se levant en ?cartant sa main d'un mouvement d'?paule. “Je ne suis pas d'humeur, m?me pas un peu. La prochaine fois, tu pourras peut-?tre essayer de ne pas me donner l'impression d'?tre un accessoire sans int?r?t. Je vais au lit.” Elle monta ? l'escalier sans dire un mot, alors qu'elle avait tr?s envie de se retourner pour voir sa r?action. Kyle ne dit rien. Elle se glissa dans le lit sans m?me ?teindre la lumi?re. Malgr? son mal au cr?ne et sa bouche p?teuse, elle s'endormit en moins d'une minute. * Jessie sentait une branche ?pineuse lui gratter le visage alors qu'elle courait dans la for?t obscure. On ?tait en hiver et elle savait que, alors qu'elle ?tait pieds nus, ses pas sur les feuilles mortes qui couvraient la neige faisaient beaucoup de bruit et qu'il allait s?rement les entendre. Pourtant, elle n'avait pas le choix. Son seul espoir ?tait de continuer ? courir et d'esp?rer qu'il ne la trouverait pas. Cependant, elle ne connaissait pas bien les bois et lui si. Courant ? l'aveuglette, compl?tement perdue, elle cherchait des rep?res familiers. Ses petites jambes ?taient trop courtes. Elle savait qu'il ?tait en train de la rattraper. Elle entendait ses pas lourds et sa respiration encore plus lourde. Il n'y avait aucun endroit o? se cacher. CHAPITRE SIX Jessie se redressa droit dans le lit et se r?veilla juste ? temps pour entendre son propre cri. Il lui fallut un moment pour s'orienter et se rendre compte qu'elle ?tait dans son propre lit ? Westport Beach, portant les v?tements dans lesquels elle s'?tait endormie ivre la veille au soir. Son corps entier ?tait couvert de sueur et elle respirait de fa?on superficielle. Elle crut qu'elle pouvait vraiment entendre le sang circuler dans ses veines. Elle leva la main ? sa joue gauche. La cicatrice de la branche y ?tait encore. Elle s'?tait effac?e et elle pouvait la dissimuler presque enti?rement avec du maquillage, ? la diff?rence de celle qu'elle avait le long de la clavicule droite. Cependant, elle sentait encore l'endroit o? elle d?passait du reste de sa peau. Elle en sentait presque la douleur cinglante, m?me maintenant. Elle jeta un coup d’?il ? sa gauche et vit que le lit ?tait vide. Elle comprit que Kyle y avait dormi ? cause du creux qu'il avait laiss? sur son oreiller et du d?rangement des draps mais il n'?tait visible nulle part. Elle ?couta pour v?rifier s'il prenait une douche mais la maison ?tait silencieuse. Quand elle regarda son r?veil, elle vit qu'il ?tait 7 h 45. Il devait d?j? ?tre parti au travail. Elle sortit du lit en essayant d'ignorer sa t?te lancinante puis tra?na les pieds jusqu'? la salle de bains. Apr?s quinze minutes de douche, dont elle avait pass? la moiti? assise et immobile sur le carrelage froid, elle se sentit pr?te ? s'habiller et ? descendre. Dans la cuisine, elle vit un message appuy? sur la table de petit-d?jeuner. Il disait : “Encore une fois, d?sol? pour hier soir. J'aimerais r?essayer quand tu le voudras. Je t'aime.” Jessie posa le message de c?t? et se pr?para du caf? et des flocons d'avoine, les seules choses qu'elle se sentait capable d'avaler ? ce moment-l?. Elle r?ussit ? finir un demi-bol, jeta le reste ? la poubelle et se dirigea vers le salon de devant, o? une douzaine de caisses encore ferm?es l'attendaient. Elle s'installa dans la causeuse avec une paire de ciseaux, posa son caf? sur la table basse et tira une caisse vers elle. Alors qu'elle inspectait distraitement les caisses, rayant des objets de sa liste quand elle les trouvait, elle repensa ? sa th?se sur la DNR. S'ils ne s'?taient pas disput?s, Jessie aurait presque certainement tout racont? ? Kyle, non seulement le stage qu'elle allait effectuer dans l'?tablissement pr?vu mais aussi ce qui s'?tait pass? apr?s sa th?se originale, dont son interrogation. Cela aurait ?t? une violation de son accord de confidentialit?. ?videmment, il en connaissait les grandes lignes car elle avait discut? du projet avec lui pendant ses recherches. Cependant, par la suite, le Comit? lui avait fait jurer de n'en rien r?v?ler, pas m?me ? son mari. Cela lui avait sembl? bizarre de cacher une si grande partie de sa vie ? son conjoint mais on lui avait assur? que c'?tait n?cessaire. De plus, m?me s'il lui avait pos? des questions g?n?rales sur le d?roulement de sa th?se, il n'avait vraiment pas insist? sur ce sujet. Quelques vagues r?ponses l'avaient satisfait et, ? l'?poque, cela avait beaucoup r?confort? Jessie. Pourtant, la veille, comme elle avait ressenti ?norm?ment d'enthousiasme pour ce qu'elle allait faire (visiter un asile psychiatrique pour tueurs), elle avait ?t? pr?te ? tout lui dire malgr? l'interdiction et ses cons?quences. Si leur dispute avait eu une cons?quence positive, c'?tait qu'elle l'avait emp?ch?e de tout lui dire et de mettre en danger leur avenir commun. Cela dit, quelle sorte d'avenir est-ce si je ne peux pas partager mes secrets avec mon propre mari ? Et s'il semble oublier que je les garde ? A cette id?e, une petite vague de m?lancolie la submergea. Elle essaya de l'?carter mais n'y parvint qu'? moiti?. Elle sursauta quand elle entendit sonner ? la porte. Quand elle regarda sa montre, elle se rendit compte que qu'elle ?tait assise au m?me endroit, perdue dans ses pens?es moroses et les mains sur une caisse de d?m?nagement encore ferm?e, depuis dix minutes. Elle se leva et se rendit ? la porte en essayant de se d?barrasser de sa tristesse ? chaque pas. Quand elle ouvrit la porte, elle vit Kimberly, sa voisine d'en face, qui se tenait devant elle avec un sourire r?jouissant au visage. Jessie essaya de l'imiter. “Bonjour, voisine”, dit Kimberly sur un ton enthousiaste. “Comment se passe le d?ballage ?” “Lentement”, admit Jessie, “mais merci d'avoir demand?. Comment ?a va ?” “Je vais bien. En fait, j'ai invit? quelques dames du quartier chez moi. On prend un caf? de mi-matin?e et je me demandais si vous voudriez vous joindre ? nous.” “Bien s?r”, r?pondit Jessie, heureuse d'avoir trouv? une excuse pour sortir quelques minutes de la maison. Elle prit ses cl?s, ferma la maison et partit avec Kimberly. Quand elles arriv?rent, quatre t?tes se tourn?rent dans leur direction. Aucun des visages ne parut familier ? Jessie. Kimberly pr?senta tout le monde et emmena Jessie ? la cafeti?re. “Elles ne s'attendent pas ? ce que vous vous souveniez de leur nom”, murmura-t-elle en leur versant deux tasses. “D?tendez-vous. Elles ont toutes connu ?a.” “?a me soulage”, avoua Jessie. “J'ai tant de choses qui se bousculent dans ma t?te ces jours-ci que j'ai du mal ? me souvenir de mon propre nom.” “C'est tout ? fait compr?hensible”, dit Kimberly, “mais je devrais vous avertir que je leur ai dit que vous alliez devenir profileuse au FBI, donc, elles poseront peut-?tre quelques questions ? ce sujet.” “Oh, je ne travaille pas pour le FBI. Je n'ai m?me pas encore obtenu mon dipl?me.” “Croyez-moi, ?a n'a aucune importance. Elles pensent toutes que vous ?tes une vraie Clarice Starling. Il y en aura au moins trois qui vous parleront de tueurs en s?rie.” Kimberly ?tait en-dessous de la r?alit?. “?tes-vous assise dans la m?me pi?ce que ces hommes ?” demanda une femme du nom de Caroline avec des cheveux si longs que certaines m?ches lui atteignaient les fesses. “?a d?pend des r?gles de l’?tablissement”, r?pondit Jessie, “mais je n'en ai interview? aucun sans qu'une profileuse ou enqu?trice confirm?e soit avec moi et dirige l'interrogatoire.” “Est-ce que les tueurs en s?rie sont aussi intelligents qu'ils le paraissent dans les films ?” demanda avec h?sitation une femme timide du nom de Josette. “Je n'en pas interrog? assez pour vous le dire avec certitude”, lui dit Jessie, “mais, si je me fie ? la documentation et mon exp?rience personnelle, je dirais que non. La plupart de ces hommes, car ce sont presque toujours des hommes, ne sont pas plus intelligents que vous ou moi. Certains ?chappent longtemps ? la justice parce que certaines enqu?tes sont mal men?es. Certains r?ussissent ? ne pas se faire capturer parce qu'ils choisissent des victimes qui n'int?ressent personne : des prostitu?es, des personnes sans domicile fixe. Il faut un certain temps pour remarquer la disparition de ces gens-l? et, parfois, les meurtriers ont tout simplement de la chance. Quand j'obtiendrai mon dipl?me, mon travail sera de m'assurer qu'ils aient moins de chance.” Les femmes l'assaillirent poliment d'une vol?e de questions, apparemment peu int?ress?es par le fait qu'elle n'avait m?me pas encore son dipl?me et qu'elle avait encore moins ?tudi? un cas officiel de profilage. “Donc, en fait, vous n'avez jamais r?solu d'enqu?te ?” demanda une femme particuli?rement curieuse du nom de Joanne. “Pas encore. Dans les faits, je suis juste une ?tudiante. Ce sont les pros qui s'occupent des cas r?els. En parlant de professionnels, qu'est-ce que vous faites ?” demanda-t-elle en esp?rant diriger l'attention vers quelqu'un d'autre. “Autrefois, j'?tais dans le marketing”, dit Joanne, “mais c'?tait avant la naissance de Troy. Il m'occupe beaucoup, ces jours-ci. C'est un travail ? temps plein.” “C'est s?r. Est-ce qu'il est en train de faire la sieste quelque part, maintenant ?” demanda Jessie en cherchant autour d'elle. “Probablement”, dit Joanne, jetant un coup d’?il ? sa montre, “mais il va bient?t se r?veiller et avoir faim. Il est ? la cr?che.” “Oh”, dit Jessie avant de formuler sa question suivante aussi d?licatement que possible. “Je croyais que la plupart des enfants que l'on mettait en cr?che avaient des mamans qui travaillaient.” “Oui”, dit Joanne, que la question ne semblait pas avoir offens?e, “mais ils sont si bons l?-bas que je ne pouvais pas ne pas l'y inscrire. Il n'y va pas tous les jours mais, comme les mercredis sont difficiles, en g?n?ral, je l'y emm?ne. Les mi-semaines sont difficiles, n'est-ce pas ?” Avant que Jessie ait pu r?pondre, la porte du garage s'ouvrit et un homme costaud d'environ trente ans avec une tignasse rousse mal coiff?e entra brusquement dans la pi?ce. “Morgan !” s'exclama joyeusement Kimberly. “Que fais-tu ? la maison ?” “J'ai laiss? mon rapport dans le bureau”, r?pondit-il. “Ma pr?sentation est dans vingt minutes. Donc, je ne pourrai pas rester longtemps.” Morgan, qui semblait ?tre le mari de Kimberly, n'avait pas du tout l'air ?tonn? de voir une demi-douzaine de femmes dans son salon. Il traversa rapidement le groupe qu'elles formaient en leur offrant des salutations collectives. Joanne se pencha vers Jessie. “Il est plus ou moins ing?nieur”, dit-elle ? voix basse comme si c'?tait une sorte de secret. “Chez qui ? Un des entrepreneurs de la d?fense ?” demanda Jessie. “Non, pour un groupe d'agences immobili?res.” Jessie ne comprenait pas pourquoi cela m?ritait une telle discr?tion mais d?cida ne pas le demander. Quelques moments plus tard, Morgan r?apparut dans le salon, aussi press? qu'avant, avec une rame de papier en main. “Content de vous voir, mesdames”, dit-il. “D?sol? mais je ne peux pas rester. Kim, n'oublie pas que j'ai une r?union au club ce soir et que je rentrerai tard.” “OK, mon amour”, dit sa femme en le poursuivant pour l'embrasser, apr?s quoi il ressortit h?tivement par la porte. Quand il fut parti, Kimberly retourna au salon, encore ?mue par cette visite inattendue. “Il se d?place avec tant de d?termination qu'on croirait que c'est lui qui est profileur criminel ou quelque chose de ce genre.” Le commentaire fit ?clater de rire le groupe entier. Jessie sourit mais elle ne comprenait pas exactement ce qui ?tait si dr?le. * Une heure plus tard, elle ?tait de retour dans son propre salon et essayait de trouver assez d'?nergie pour ouvrir la caisse qui se trouvait devant elle. Tout en coupant prudemment le ruban adh?sif, elle repensa ? la pause caf?. Il y avait quelque chose qui lui semblait bizarre mais elle ne voyait pas vraiment quoi. Kimberly ?tait adorable. Jessie l'aimait vraiment et appr?ciait surtout les efforts qu'elle d?ployait pour l'accueillir dans le quartier. Quant aux autres femmes, elles ?taient toutes gentilles et avenantes, bien qu'un peu fades. Cependant, leurs interactions avaient quelque chose de … myst?rieux, comme si elles partageaient toutes une sorte de secret dont Jessie ?tait exclue. Une partie d'elle-m?me pensait qu'elle ?tait parano?aque de soup?onner une telle chose. Ce n'?tait pas la premi?re fois qu'elle tirait de fausses conclusions. Cela dit, tous ses instructeurs du programme de Psychologie L?giste de l'Universit? de Californie du Sud l'avaient compliment?e pour son intuition. Ils ne semblaient pas penser qu'elle ?tait parano?aque, mais plut?t “d'une curiosit? soup?onneuse”, comme un professeur avait dit d'elle. A l'?poque, Jessie avait pris cette remarque comme un compliment. Elle ouvrit la caisse et sortit le premier objet, une photo encadr?e de son mariage. Pendant un moment, elle regarda fixement les expressions de bonheur qu'ils avaient au visage. Des deux c?t?s d'eux se tenaient des membres de leurs familles, qui souriaient tous eux aussi. Elle laissa son regard d?river sur le groupe puis sentit soudain la m?lancolie qu'elle avait ressentie plus t?t remonter en elle. L'anxi?t? lui crispa la poitrine. Elle se souvint qu'il fallait qu'elle inspire profond?ment mais ni l'inspiration ni l'expiration ne la calm?rent malgr? le nombre de tentatives qu'elle fit. Elle n'?tait pas vraiment s?re de ce qui l'avait mise dans cet ?tat : les souvenirs, son nouvel environnement, la dispute avec Kyle, un m?lange de tout ?a ? Quoi que ce soit, elle reconnaissait une v?rit? fondamentale. Elle n'?tait plus capable de contr?ler sa m?lancolie toute seule. Elle avait besoin de parler ? quelqu'un et, malgr? la sensation aigu? d'?chec qui se mit ? la submerger pendant qu'elle tendait la main vers le t?l?phone, elle composa le num?ro qu'elle avait esp?r? ne plus jamais avoir ? utiliser. CHAPITRE SEPT Elle prit un rendez-vous avec son ancien th?rapeute, le Dr Janice Lemmon, et rien que savoir qu'elle allait devoir se retrouver en terrain connu la r?conforta. Quand elle avait r?serv? la s?ance, la panique avait disparu presque imm?diatement. Quand Kyle rentra t?t ce soir, ils command?rent des plats ? emporter et regard?rent un film kitsch mais amusant sur les mondes parall?les intitul? Pass? Virtuel. M?me si ni l'un ni l'autre ne s'excusa formellement, ils avaient l'air d'avoir red?couvert leur zone de confort. Apr?s le film, ils ne mont?rent m?me pas ? l'?tage pour faire l'amour. Au lieu de cela, Kyle se contenta de lui monter dessus l? o? ils ?taient, sur le sofa. Cela rappela ? Jessie les premiers jours de leur vie de couple. Au matin, il lui avait m?me pr?par? le petit d?jeuner avant d'aller travailler. Le r?sultat ?tait affreux (les toasts ?taient br?l?s, les ?ufs coulaient et le bacon de dinde n'?tait pas assez cuit) mais Jessie avait appr?ci? qu'il essaye. Elle se reprochait un peu de ne pas lui avoir dit ce qu'elle allait faire de sa journ?e mais, une fois de plus, comme il n'avait rien demand?, ce n'?tait pas vraiment du mensonge. Ce ne fut que lorsqu'elle se retrouva sur l'autoroute le lendemain et qu'elle aper?ut les gratte-ciel du centre de Los Angeles que Jessie sentit vraiment se calmer l'anxi?t? qui lui d?vorait l'estomac. Elle avait fait le trajet depuis le comt? d'Orange en moins d'une heure et elle ?tait arriv?e en ville en avance pour avoir le temps de se promener un peu. Elle se gara dans le parking qui se trouvait pr?s du bureau du Dr Lemmon, en face d'Original Pantry au coin de Figueroa et de West 9th. Alors, elle eut l'id?e d'appeler Lacey Cartwright, son ex-colocataire de l'Universit? de Californie du Sud, qui ?tait aussi sa plus ancienne amie d'universit? et qui habitait et travaillait dans ce quartier, pour voir si elle pouvait venir se promener avec elle. Elle eut sa messagerie et laissa un message. Alors que Jessie commen?ait ? descendre Figueroa dans la direction de l'H?tel Bonaventure, Lacey lui envoya un SMS pour lui dire qu'elle ?tait trop occup?e pour sortir se promener mais qu'elles se retrouveraient la prochaine fois que Jessie serait dans le coin. Qui sait quand ce sera ? Jessie ?vita de penser ? sa d?ception et se concentra sur la ville qui l'entourait, absorbant les vues et les sons pleins d'animation qui ?taient si diff?rents de son nouveau cadre de vie. Quand elle arriva dans la 5?me Rue, elle tourna ? droite et continua ? se promener. Cela lui rappelait les jours, pas si anciens que cela, o? elle avait fait ce genre de chose plusieurs fois par semaine. Si elle avait du mal avec une ?tude de cas qu'il fallait qu'elle rende, il lui suffisait de sortir dans les rues et d'utiliser le trafic comme bruit de fond pendant qu'elle tournait et retournait le cas dans sa t?te jusqu'? ce qu'elle trouve une approche. Le meilleur travail qu'elle produisait ?tait presque toujours le fruit d'une promenade dans le centre-ville de ce type assortie d'une r?flexion simultan?e. ?vitant de penser ? la discussion qu'elle allait avoir avec le Dr Lemmon, elle repensa ? la pause-caf? ? laquelle elle avait particip? la veille chez Kimberly. Elle n'arrivait toujours pas ? comprendre la nature de cette myst?rieuse culture du secret qui s?vissait chez les femmes qu'elle avait rencontr?es l?-bas. Cependant, r?trospectivement, une chose lui parut soudain ?vidente : elles avaient toutes beaucoup voulu que Jessie leur d?crive en d?tail ses ?tudes de profileuse. Elle ne savait pas si c'?tait parce que la profession qu'elle allait exercer avait l'air si inhabituelle ou simplement parce que c'?tait une profession. Quand elle y repensa, elle se rendit compte qu'aucune de ces femmes ne travaillait. Certaines avaient d?j? travaill?. Joanne avait ?t? dans le marketing. Kimberly avait dit qu'elle avait ?t? agente immobili?re quand elle avait v?cu ? Sherman Oaks. Josette avait ?t? ? la t?te d'une petite galerie ? Silverlake. Toutefois, maintenant, elles ?taient toutes m?res au foyer et, bien qu'elles semblent heureuses de leur nouvelle vie, elles avaient aussi l'air de regretter le monde du travail car elles d?voraient avidement et d'un air presque coupable la moindre intrigue dont elles pouvaient entendre parler. Jessie s'arr?ta et se rendit compte que, d'une fa?on ou d'une autre, elle ?tait arriv?e au Biltmore Hotel. Elle y ?tait d?j? venue tr?s souvent. Il ?tait c?l?bre, entre autres choses, pour avoir accueilli une premi?re version des Oscars dans les ann?es 1930. Un jour, on lui avait ?galement dit que c'?tait l'endroit o? Robert Kennedy avait ?t? assassin? par Sirhan Sirhan en 1968. Avant qu'elle avait d?cid? de faire sa th?se sur la DNR, Jessie avait envisag? de profiler Sirhan. Donc, un jour, elle ?tait arriv?e ? l'improviste et avait demand? au concierge s'il organisait des visites de l'h?tel qui montraient le site de l’assassinat. Le concierge avait ?t? perplexe. Il lui avait fallu quelques moments embarrassants pour comprendre ce que Jessie recherchait et plusieurs autres pour lui expliquer poliment que l'assassinat ne s'?tait pas produit l? mais ? l'H?tel Ambassador, qui avait ?t? d?moli depuis. Il avait essay? de la r?conforter en lui r?v?lant que JFK avait re?u sa nomination ? la pr?sidence par le Parti D?mocrate au Biltmore en 1960 mais Jessie s'?tait sentie trop humili?e pour rester ?couter cette histoire. Malgr? sa honte, l'exp?rience lui avait appris une le?on pr?cieuse qu'elle n'avait plus jamais oubli?e : il ne faut ?tre s?r de rien, surtout dans une profession o? une supposition erron?e pouvait s'av?rer fatale. Le lendemain, elle avait chang? de sujet de th?se et d?cid? que, dor?navant, elle effectuerait des recherches pr?paratoires avant d'aller ? un endroit historique. Malgr? ce fiasco, Jessie ?tait souvent revenue au Biltmore car elle aimait le glamour surann? de cet endroit. Cette fois-ci, elle s'installa imm?diatement dans sa zone de confort en errant dans les halls et les salles de bal pendant au moins vingt minutes. Alors qu'elle traversait le vestibule pour ressortir, elle remarqua un homme assez jeune en costume qui se tenait nonchalamment pr?s du poste du chasseur, occup? ? lire un journal. Ce qui attira son attention, c'est qu'il ?tait vraiment en sueur. Comme l'air conditionn? fonctionnait ? fond dans l'h?tel, elle ne comprenait pas comment cela pouvait ?tre physiquement possible. Et pourtant, toutes les quelques secondes, il essuyait les gouttes de transpiration qui se formaient constamment sur son front. Pourquoi un homme qui lit nonchalamment le journal transpire-t-il autant ? Jessie se rapprocha un peu et sortit son t?l?phone. Elle fit semblant de lire quelque chose mais mit l'appareil en mode appareil photo et l'orienta pour pouvoir observer l'homme sans vraiment le regarder. De temps ? autre, elle prenait rapidement une photo. En fait, il semblait ne pas ?tre en train de lire le journal mais de s'en servir pour se donner une contenance pendant qu'il jetait des coups d’?il intermittents dans la direction des sacs qui ?taient plac?s sur le chariot ? bagages. Quand un des chasseurs se mit ? pousser le chariot dans la direction de l'ascenseur, l'homme en costume plia le journal sous son bras et suivit le chasseur. Le chasseur poussa le chariot dans l'ascenseur et l'homme en costume le suivit et se tint de l'autre c?t? du chariot. Au moment o? les portes de referm?rent, Jessie vit l'homme en costume saisir une serviette qui se trouvait sur le c?t? du chariot qui n'?tait pas visible au chasseur. Jessie regarda l'ascenseur monter lentement et s'arr?ter au huiti?me ?tage. Au bout d'? peu pr?s dix secondes, il commen?a ? redescendre. Quand il le fit, Jessie alla trouver le vigile qui se tenait pr?s de la porte de devant. Le vigile, un homme aimable qui allait sur la fin de sa quarantaine, lui sourit. “Je crois que vous avez un voleur dans l'h?tel”, dit Jessie sans pr?ambule car elle voulait qu'il comprenne vite la situation. “Comment ?a ?” demanda-t-il en se mettant ? froncer un peu les sourcils. “J'ai vu ce gars”, dit-elle en montrant la photo qu'elle avait sur son t?l?phone, “chiper une serviette sur un chariot ? bagages. C'?tait peut-?tre la sienne mais il l'a fait de fa?on tr?s furtive et il transpirait comme un homme qui est inquiet de quelque chose.” “OK, Sherlock”, dit le garde d'un air sceptique. “En supposant que vous ayez raison, comment suis-je suppos? le retrouver ? Avez-vous vu ? quels ?tages l'ascenseur s'est arr?t? ?” “Au huiti?me mais, si je ne me trompe pas, ?a n'a aucune importance. S'il est client de l'h?tel, je pense que c'est son ?tage et qu'il va y rester.” “Et s'il n'est pas client ?” demanda le vigile. “S'il n'est pas client, j'imagine qu'il va redescendre dans le vestibule maintenant.” Juste ? ce moment-l?, la porte de l'ascenseur s'ouvrit et l'homme en costume et en sueur en sortit, le journal dans une main, la serviette dans l'autre. Il commen?a ? se diriger vers la sortie. “Je suppose qu'il va d?poser cette serviette quelque part puis recommencer toute la proc?dure”, dit Jessie. “Restez ici”, lui dit le vigile, qui parla alors dans sa radio. “Je vais avoir besoin de renforts dans le vestibule d?s que possible.” Il approcha de l'homme en costume, qui le vit du coin de l’?il et acc?l?ra. Le vigile en fit autant. L'homme en costume se mit ? courir et il sortait juste par la porte de devant quand il se heurta ? un autre vigile qui courait dans la direction oppos?e. Ils tomb?rent tous les deux sur le sol. Le vigile auquel Jessie avait parl? se saisit de l'homme en costume, le souleva, lui tira le bras derri?re le dos et le claqua contre le mur de l'h?tel. “Puis-je regarder dans votre sac, monsieur ?” demanda-t-il. Jessie voulait voir la suite mais, quand elle jeta un coup d’?il rapide ? sa montre, elle vit que son rendez-vous avec le Dr Lemmon, qui ?tait pr?vu pour 11 heures, ?tait pour dans cinq minutes. Elle allait devoir renoncer ? se promener et prendre un taxi pour arriver ? l'heure. Elle n'aurait m?me pas le temps de dire au revoir au vigile. Elle craignait que, si elle le faisait, il n'insiste pour qu'elle reste faire sa d?claration ? la police. Elle arriva juste ? temps et, ? bout de souffle, venait juste de s'asseoir dans la salle d'attente quand le Dr Lemmon ouvrit la porte de son bureau pour l'inviter ? entrer. “?tes-vous venue de Westport Beach en courant ?” demanda le docteur en gloussant. “En fait, oui, en quelque sorte.” “Eh bien, entrez et mettez-vous ? l'aise”, dit le Dr Lemmon en refermant la porte derri?re elle et en leur versant ? toutes les deux un verre d'un pichet rempli d'eau, de tranches de citron et de concombre. Elle avait encore l'affreuse permanente dont Jessie se souvenait, avec de petites boucles blondes serr?es qui rebondissaient quand elles lui touchaient les ?paules. Elle portait des lunettes ?paisses qui donnaient l'impression que ses yeux per?ants de chouette ?taient plus petits qu'ils ne l'?taient vraiment. C'?tait une petite femme qui ne mesurait gu?re plus d'un m?tre cinquante mais qui ?tait visiblement maigre et nerveuse, probablement ? cause du yoga qu'elle faisait trois fois par semaine comme elle l'avait dit ? Jessie. Pour une femme qui avait aux alentours de soixante-cinq ans, elle avait l'air en grande forme. Jessie s'assit dans le fauteuil confortable qu'elle utilisait toujours pour ses s?ances et reprit imm?diatement ses habitudes. Cela faisait longtemps qu'elle n'?tait pas venue ici, facilement plus d'une an, et elle avait esp?r? ne jamais revenir. Cela dit, cette pi?ce ?tait un lieu de confort, o? elle s'?tait efforc?e de faire la paix avec son pass? et avait parfois r?ussi. Le Dr Lemmon lui tendit son verre d'eau, s'assit en face d'elle, prit un bloc-notes et un stylo et les posa sur ses jambes. C'?tait sa fa?on de montrer que la s?ance avait officiellement commenc?. “De quoi allons-nous parler aujourd'hui, Jessie ?” demanda-t-elle chaleureusement. “Autant commencer par les bonnes nouvelles. Je fais mon stage ? DSH-Metro, ? l'unit? de la DNR.” “Eh bien, c'est impressionnant. Qui est votre conseiller acad?mique ?” “Warren Hosta de UC-Irvine”, dit Jessie. “Le connaissez-vous ?” “On s'est crois?s”, dit le docteur de fa?on ?nigmatique. “Je crois que vous ?tes entre de bonnes mains. Il est irritable mais il s'y conna?t et c'est ce qui compte.” “Je suis contente de vous l'entendre dire parce que je n'ai gu?re eu le choix”, pr?cisa Jessie. “C'est le seul que le Comit? accepte dans cette zone.” “J'imagine que, pour obtenir ce que vous voulez, il faut que vous suiviez un peu leurs ordres. C'est ce que vous vouliez, n'est-ce pas ?” “Effectivement”, dit Jessie. Le Dr Lemmon la regarda de pr?s. Un moment de compr?hension muette passa entre elles. A l'?poque o? Jessie avait ?t? interrog?e sur sa th?se par les autorit?s, le Dr Lemmon ?tait arriv? au poste de police, compl?tement ? l'improviste. Jessie se souvenait qu'elle avait vu sa psychiatre parler ? voix basse ? plusieurs personnes qui avaient silencieusement observ? son interrogatoire. Apr?s cela, les questions avaient eu l'air moins accusatoires et plus respectueuses. Ce n'?tait que plus tard que Jessie avait appris que le Dr Lemmon ?tait membre du Comit? et qu'elle ?tait tout ? fait au courant de ce qui se passait ? la DNR. Elle en avait m?me soign? quelques patients. Quand on y repensait, ce n'aurait pas d? ?tre une surprise. Apr?s tout, si Jessie avait cherch? ? avoir cette femme comme th?rapeute, c'?tait pr?cis?ment parce qu'elle avait la r?putation d'?tre experte dans ce domaine. “Puis-je vous demander quelque chose, Jessie ?” dit le Dr Lemmon. “Vous dites que travailler ? la DNR est ce que vous voulez faire mais avez-vous pens? que cet endroit pourrait ne pas vous fournir les r?ponses que vous cherchez ?” “Je veux juste mieux comprendre comment ces gens pensent”, insista Jessie, “de fa?on ? ?tre meilleure profileuse.” “Je crois que nous savons toutes les deux que vous cherchez beaucoup plus que ?a.” Jessie ne r?pondit pas mais plia les mains sur les genoux et inspira profond?ment. Elle savait comment le docteur allait interpr?ter ce geste mais ne s'en souciait gu?re. “Nous pourrons y revenir plus tard”, dit doucement le Dr Lemmon. “Passons ? autre chose. Comment trouvez-vous la vie d'?pouse ?” “C'est surtout pour cela que je voulais vous voir aujourd'hui”, dit Jessie, heureuse de changer de sujet. “Comme vous le savez, Kyle et moi, nous venons de d?m?nager d'ici ? Westport Beach parce que son entreprise l'a r?assign? ? son bureau du comt? d'Orange. Nous avons une grande maison dans un tr?s beau quartier assez proche du port pour qu’on puisse y aller ? pied …” “Mais …?” sugg?ra le Dr Lemmon. “Je trouve que l'endroit a l'air un peu bizarre. J'ai du mal ? comprendre ce que c'est. Tout le monde a ?t? incroyablement sympathique jusqu'? pr?sent. J'ai ?t? invit?e ? prendre le caf?, ? d?jeuner, ? des barbecues, on m'a indiqu? quelles ?taient les meilleures ?piceries et la meilleure cr?che pour le jour o? nous finirons par avoir besoin d'une cr?che. Pourtant, quelque chose me para?t … aller de travers et ?a commence ? me peser.” “De quelle fa?on ?” demanda le Dr Lemmon. “Je me rends compte que je me sens triste sans raison”, dit Jessie. “Kyle est rentr? trop tard pour un d?ner que j'avais pr?par? et j'ai accept? que ?a me d?moralise beaucoup plus que je ne l'aurais d?. Ce n'?tait pas un drame mais il le prenait avec trop de nonchalance. ?a m'a agac?e. De plus, rien que le fait de d?baller des caisses me para?t intimidant alors que ce n'est pas une t?che si difficile. J'ai cette sensation constante et ?crasante que je n'ai pas ma place l?-bas, qu'il y a une cl? qui ouvre la porte d'une pi?ce secr?te o? tous les autres sont all?s mais que personne ne veut me la donner.” “Jessie, comme notre derni?re s?ance remonte ? longtemps, je vais vous rappeler une chose dont nous avons d?j? discut?. Ces sensations n'ont pas besoin d'avoir de ‘bonne raison’ pour vous envahir. Ce que vous affrontez l? peut sortir de nulle part. De plus, il n'est pas choquant qu'une nouvelle situation stressante, ind?pendamment de sa perfection apparente, puisse les r?veiller. Prenez-vous r?guli?rement vos m?dicaments ?” “Tous les jours.” “OK”, dit le docteur en ?crivant quelque chose sur son bloc-notes. “Il est possible que vous soyez oblig?e d'en prendre plus. J'ai aussi remarqu? que vous aviez pr?cis? que la cr?che pourrait ?tre n?cessaire dans un avenir proche. Les enfants sont-ils une chose ? laquelle vous pensez activement tous les deux ? Si tel est le cas, c'est une autre raison de vous donner plus de m?dicaments.” “On essaie … de temps ? autre mais, parfois, Kyle a l'air passionn? par ce projet puis, ? d'autres moments, il a l'air … distant, presque froid. Parfois, il dit quelque chose et je me demande : ‘Qui est cet homme ?’” “Si ?a peut vous rassurer, tout cela est tr?s normal, Jessie. Vous ?tes dans un nouvel environnement, entour?e d'inconnus, et vous n'avez qu'une seule personne que vous connaissez ? laquelle vous raccrocher. C'est angoissant et, comme votre mari ressent beaucoup de ces choses lui aussi, cela g?n?re forc?ment des conflits et des moments o? vous ne vous comprenez plus.” “Mais c'est ?a le probl?me, docteur”, insista Jessie. “Kyle n'a pas l'air stress?. Il a l'air de beaucoup aimer son travail. Il a un vieil ami de lyc?e qui habite dans le quartier et ?a lui procure un moyen de se d?tendre. De plus, tout indique qu'il est vraiment enthousiaste d'habiter ? Westport Beach et qu'il n'a eu besoin d'aucune p?riode d'ajustement. Il ne semble rien regretter de notre vie d'avant, ni nos amis, ni nos lieux de pr?dilection, ni de ne plus ?tre ? un endroit o? il se passe des choses apr?s neuf heures du soir. Il s'est compl?tement ajust?.” “C'est peut-?tre l'impression qu'il vous donne mais je parierais qu'il est moins assur? en son for int?rieur qu'il ne le montre ext?rieurement.” “Moi, je parierais qu'il l'est enti?rement”, dit Jessie. “Que vous ayez raison ou pas”, dit le Dr Lemmon en entendant l'agacement de Jessie dans sa voix, “pour vous, l'?tape suivante va ?tre de vous demander ce que vous allez faire de cette nouvelle vie. Comment pouvez-vous la faire fonctionner mieux en tant qu'individu et en tant que couple ?” “Je ne sais vraiment pas quoi faire”, dit Jessie. “J'ai l'impression que je suis en train de tester cet endroit. Cependant, je ne suis pas comme Kyle. Je ne suis pas du style ? me lancer tout de suite.” “C'est certainement vrai”, convint le docteur. “Vous ?tes une personne naturellement m?fiante et vous avez raison de l'?tre mais vous allez peut-?tre devoir calmer un peu le jeu pendant quelque temps, surtout en soci?t?. Vous devriez peut-?tre essayer de vous ouvrir un peu plus aux possibilit?s qui vous entourent et de donner un peu plus le b?n?fice du doute ? Kyle. Ces demandes sont-elles raisonnables ?” “Bien s?r qu'elles le sont, quand vous les formulez dans cette pi?ce. Au dehors, c'est diff?rent.” “C'est peut-?tre vous qui le d?cidez”, sugg?ra le Dr Lemmon. “Permettez que je vous demande quelque chose. La derni?re fois que nous nous sommes rencontr?es, nous avons parl? de l'origine de vos cauchemars. Vous les faites encore, n'est-ce pas ?” Jessie hocha la t?te. Le docteur poursuivit. “OK. Nous avons aussi sugg?r? que vous pourriez en parler ? votre mari, lui expliquer pourquoi vous vous r?veilliez avec des sueurs froides plusieurs fois par semaine. L'avez-vous fait ?” “Non”, admit Jessie d'un air coupable. “Je sais que vous craignez sa r?action mais nous avons dit que, si vous lui r?v?liez la v?rit? sur votre pass?, cela pourrait vous aider ? lui faire face plus efficacement et ? vous rapprocher l'un de l'autre.” “Ou ?a pourrait nous s?parer”, r?pliqua Jessie. “Je comprends ce que vous dites, docteur, mais, si tr?s peu de gens connaissent mon histoire personnelle, il y a une raison. Elle n'est pas toute chaude et tendre. La plupart des gens ne pourraient pas l'accepter. Si vous ?tes au courant, c'est seulement parce que je me suis renseign?e sur votre pass? et que j'ai d?termin? que vous aviez une formation et une exp?rience sp?cifiques sur cette sorte de chose. Je suis venue vous voir et je vous ai r?v?l? ce que j'avais dans la t?te parce que je savais que vous pouviez g?rer mon cas.” “Cela fait presque dix ans que votre mari vous conna?t. Vous ne pensez pas qu'il peut l'accepter ?” “Je crois que, quand je vous ai dit la v?rit?, la professionnelle exp?riment?e que vous ?tes a d? avoir recours ? toute la retenue et ? toute l'empathie qu'elle avait pour ne pas s'enfuir en hurlant. Comment croyez-vous qu'un gars ordinaire des banlieues de la Californie du Sud r?agirait ?” “Comme je ne connais pas Kyle, je ne peux pas le dire”, r?pondit le Dr Lemmon, “mais, si vous pr?voyez de fonder une famille et de passer le reste de votre vie avec lui, vous devrez peut-?tre vous demander s'il est r?aliste de lui cacher tout un pan de votre pass?.” “J'y r?fl?chirai”, dit Jessie sans s'engager. Elle sentit que le Dr Lemmon avait compris qu'elle ne voulait plus parler de ce sujet. “Dans ce cas, parlons de m?dicaments”, dit le docteur en changeant de sujet. “J'ai quelques alternatives ? proposer, maintenant que vous pr?voyez de tomber enceinte.” Jessie regardait fixement le Dr Lemmon, regardait sa bouche bouger mais, malgr? tous ses efforts, elle ne pouvait pas se concentrer. Les mots passaient sans qu'elle les comprenne et elle se souvenait de ces for?ts sombres de son enfance, celles qui hantaient ses r?ves. CHAPITRE HUIT Allong?e au lit, emm?l?e dans les couvertures, Jessie essayait d'ignorer la lumi?re du soleil qui donnait sur ses yeux par l'ouverture situ?e entre les rideaux de la chambre. C'?tait son premier samedi matin dans cette maison et elle voulait le consacrer au repos. Elle serait seule avec Kyle et ils ouvriraient nonchalamment des caisses tout en sirotant leur caf? et en faisant l'amour. La journ?e d'hier avait ?t? bonne. Le professeur Hosta avait envoy? un courriel ? Jessie pour lui apprendre qu'elle pourrait se rendre ? la DNR pour la premi?re fois la semaine prochaine. Elle avait fait du jogging jusqu'au port puis ?tait revenue de la m?me fa?on. C'?tait la premi?re occasion qu'elle avait eue de faire vraiment de l'exercice et de se changer les id?es depuis qu'ils avaient d?m?nag? et elle se sentait pleine d'?nergie et d'espoir. Comme Kyle n'?tait pas oblig? d'aller au bureau, ils avaient tout le week-end pour eux. Elle entendit un mouvement et ouvrit les yeux ? contrec?ur. Kyle entrait dans la pi?ce avec une tasse de caf? dans chaque main. Jessie s'?tira, heureuse, et se redressa. “Mon h?ros”, dit-elle en prenant la tasse qu'il lui tendait. Êîíåö îçíàêîìèòåëüíîãî ôðàãìåíòà. Òåêñò ïðåäîñòàâëåí ÎÎÎ «ËèòÐåñ». Ïðî÷èòàéòå ýòó êíèãó öåëèêîì, êóïèâ ïîëíóþ ëåãàëüíóþ âåðñèþ (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43692535&lfrom=688855901) íà ËèòÐåñ. Áåçîïàñíî îïëàòèòü êíèãó ìîæíî áàíêîâñêîé êàðòîé Visa, MasterCard, Maestro, ñî ñ÷åòà ìîáèëüíîãî òåëåôîíà, ñ ïëàòåæíîãî òåðìèíàëà, â ñàëîíå ÌÒÑ èëè Ñâÿçíîé, ÷åðåç PayPal, WebMoney, ßíäåêñ.Äåíüãè, QIWI Êîøåëåê, áîíóñíûìè êàðòàìè èëè äðóãèì óäîáíûì Âàì ñïîñîáîì.
Íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë Ëó÷øåå ìåñòî äëÿ ðàçìåùåíèÿ ñâîèõ ïðîèçâåäåíèé ìîëîäûìè àâòîðàìè, ïîýòàìè; äëÿ ðåàëèçàöèè ñâîèõ òâîð÷åñêèõ èäåé è äëÿ òîãî, ÷òîáû âàøè ïðîèçâåäåíèÿ ñòàëè ïîïóëÿðíûìè è ÷èòàåìûìè. Åñëè âû, íåèçâåñòíûé ñîâðåìåííûé ïîýò èëè çàèíòåðåñîâàííûé ÷èòàòåëü - Âàñ æä¸ò íàø ëèòåðàòóðíûé æóðíàë.